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LE JOURNAL D'ASIE par HENRI FROMENT-MEURICE ... - Geopolitis

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Ensuite nous <strong>par</strong>lons un peu, Debré et moi. Il me demande cette fois de lui pré<strong>par</strong>er pourle lendemain un télégramme pour Lucet. Je lui soumets une formule : si les Américains nepeuvent se débarrasser de Thieu, qu’ils le mettent au frigidaire et qu’ils lui demandent dedésigner un Gouvernement dont la tâche essentielle serait de rechercher les moyens defaire la paix et le dialogue avec le Front.Debré me donne son accord.Nous <strong>par</strong>lons aussi de l’aide au Nord-Vietnam. Je lui dis que nous sommes à un tournantoù se joue le sort de la présence française au Nord-Vietnam. Si nous ne donnons pas unminimum de crédits pour sa reconstruction, il est tout à fait inutile de chercher à jouer unrôle politique et le télégramme qu’il me demande n’a aucun sens. Il me dit : «Je suis centpour cent d’accord et c’est pourquoi il est tellement important de savoir qui va êtreMinistre ici. Si c’est moi, dès lundi, nous devrons pré<strong>par</strong>er une communication au Conseildes Ministres de mercredi sur le Vietnam et l’Asie. J’en ferai ma premièrecommunication.»Oui ! Mais sera-t-il Ministre ?Je vais ensuite à la réception offerte <strong>par</strong> Madame Binh pour le dé<strong>par</strong>t de Kiem. J’yrencontre Le Duc Tho auquel je me fais présenter. Il a un ou deux disques tout prêts :«Tout dépend des Américains, de M. Nixon.» Cela ne m’intéresse pas et je préfère mettrela conversation sur nos relations bilatérales. Mais il me rétorque avec un bon sourire quenous devrions les mettre sur le niveau diplomatique. Décidément ce Monsieur ne <strong>par</strong>aîtpas très souple, mais il me fait impression. On sent que l’homme est responsable.Puis Zorine m’aborde et me dit que la seule solution pour commencer la négociation, cesont des entretiens Hanoi-Washington. Je conclus que c’est là l’idée vendue auxAméricains.Mais je trouve cela navrant et dans le télégramme à Lucet, je le mets : sur le plan de laprocédure, tant qu’à <strong>par</strong>ler en dehors de la présence de Saigon, mieux vaut <strong>par</strong>ler auxgens du Sud, c’est-à-dire au Viet-Cong qu’à ceux du Nord quand il s’agit de l’avenirpolitique du Sud ; au moins y a-t-il une chance de jouer sur les différences entre eux etpourquoi reconnaître au Nord une vocation à <strong>par</strong>ler du Sud ?Je pré<strong>par</strong>e donc mon télégramme, mais j’ai l’impression de manier de la dynamite. Il y a làune lourde responsabilité, car en somme c’est conseiller aux Américains de mettre enmarche le mécanisme de la fin en leur disant : débarrassez-vous de Thieu d’une façon oud’une autre, mettez à sa place des gens qui fassent la paix, si ces gens peuvent vraimentêtre libres de se lancer dans la recherche de la paix, peut-être réussiront-ils à créer uncourant politique qui enlèvera au Vietcong la représentation exclusive, le monopole dunationalisme. Donc mettez dans le circuit neutralistes, nationalistes non-communistes,donnez leur le gouvernement et que celui-ci constitue avec des gens tirés de son sein etd’autres personnalités extérieures, une délégation spéciale chargée d’entrer en contactavec les autres, sans exclusive, sans préalable. Créez le choc psychologique.Tout ceci est tout de même grave, surtout pour un Ministre chargé d’expédier les affairescourantes. Aussi, après avoir <strong>par</strong>lé à Alphand le vendredi 20, je dis à Debré dans lasoirée, en lui soumettant mon télégramme, que je crois préférable qu’il le montre àPompidou. Il me dit qu’il va y réfléchir. Et j’apprends qu’effectivement il l’envoie aunouveau Président.Puis je dis à Dean, venu aux nouvelles de l’entretien avec Kiem, le résultat. Il me dit queles Russes effectivement proposent la solution à deux. Je lui fais <strong>par</strong>t de mes craintes.Mais je ne luis dis pas évidemment qu’il y a un télégramme en chantier. Il me suggère desformules qui vont assez loin : pourquoi Debré ne réunirait-il pas en un déjeuner les chefsdes délégations ? Les autres accepteraient-ils ?Il me dit aussi qu’à Washington l’on commence à s’ouvrir davantage au dialogue avecnous. On a moins l’impression que nous sommes systématiquement contre. Il me laisseentendre que je n’ai pas trop mauvaise presse.Mais l’important, pour moi, c’est de garder la confiance de tous.Evidemment les gens du Front doivent être déçus que nous ne les ayons pas davantagereconnus. Cependant pouvaient-ils vraiment l’espérer ?Donc prochaines étapes : l’entretien Rogers-Lucet demain ou mardi, si le télégramme <strong>par</strong>t.Et ensuite, si Debré reste, je souhaiterais qu’il reçoive Le Duc Tho.Pendant ce temps, Nixon <strong>par</strong>le de retrait des troupes américaines et de vietnamisation,mais il continue de soutenir Thieu. Il ferait mieux de garder ses troupes, qui constituent unatout, et de changer Thieu. Sinon il va perdre et la guerre et la paix. Son plan, semble-t-il,est de ne pas signer une paix « déshonorante » et de s’en aller plutôt sans accord. Maisqu’est-ce qu’une paix déshonorante ? Est-ce que Genève en 1954, Evian en 1962 étaientdes paix déshonorantes ? Le courage politique, c’est de signer les accords et ensuite deretirer ses troupes.2 juilletReçu Dean hier. Rien. Point mort.

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