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LE JOURNAL D'ASIE par HENRI FROMENT-MEURICE ... - Geopolitis

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de faire comprendre l’intérêt d’une ouverture politique à Saigon. J’ai essayé d’expliquer cequ’une négociation pouvait apporter : un retrait de fait des troupes du Nord, une coalitiondurable, une réunification repoussée à 10/15 ans, une neutralité du Sud.A certains moments, je l’avoue, je me sentais découragé, incertain. Je sentais que mesinterlocuteurs se demandaient si je croyais vraiment à ce que je leur disais. « Le Sud veuttout le pouvoir pour les communistes », m’a affirmé Kissinger. « Non, ai-je répliqué –quelles preuves en avez-vous ? – Aucune, mais j’ai de bonnes raisons de le penser ».Raison ou de bonnes raisons ? Je m’interrogeais moi-même. « Si j’avais en face de moi uninterlocuteur aussi raisonnable que vous, m’a dit Kissinger, vous et moi, nous ferions leschéma de la paix en une après-midi. » C’est vrai. Mais a-t-il raison ou tort de dire quel’adversaire n’est pas raisonnable ?Parfois j’ai l’étrange sentiment d’être dans une pièce fermée et d’être le seul à savoir cequ’il y a derrière les portes. Mais peut-être n’y a-t-il rien.Un compromis est-il encore possible ? Il faut le croire.Cependant le temps passe. J’ai demandé à Kissinger si la date du 1er novembre qu’ilavait mentionnée en grand secret à Pompidou valait toujours et s’il pouvait me dire cequ’elle signifiait. Il m’a répondu oui sur le premier point, mais il s’est refusé à touteprécision.Rupture de la négociation ? Dé<strong>par</strong>t de Lodge : sans doute. Ils vont dire, le 1er novembre,qu’il est inutile de laisser une délégation qui ne fait rien, retirer Lodge (nous savons <strong>par</strong>des recoupements qu’il fait ses bagages) et laisser un échelon (Habib ?) pour le cas oùles autres auraient quelque chose à dire.5 octobreTop secret : Kissinger doit venir à Paris dans quelques jours. Seuls le savent 3/4personnes. Pourquoi ?9 NovembreLe discours de Nixon n’a déçu que ceux qui n’avaient pas compris plus tôt : Nixon ne veutpas être le premier Président des Etats-Unis à perdre une guerre. Ceci ne signifie pasqu’il veuille la gagner, mais ceci signifie qu’il ne signera pas un accord « humiliant » àParis. Or tout ce que les autres, dit-il, lui offrent équivaut à une capitulation : retraitinconditionnel des forces américaines, liquidation préalable du gouvernement de Saigon.Dans ces conditions, la seule voie qui lui reste est la vietnamisation, c’est-à-dire le retraitunilatéral. S’il réussit, c’est-à-dire si l’armée de Saigon tient le coup, tant mieux ; s’iléchoue, tant pis. En tout cas, ce ne seront pas les Etats-Unis qui auront perdu la guerre.Deux heures avant le discours, Kissinger a convoqué Lucet et lui en a donné laphilosophie. La date du 1er novembre, a-t-il dit, ne sera finalement marquée <strong>par</strong> aucunévénement dramatique : sous-entendu, ni reprise des bombardements sur le Nord, niretrait de Cabot Lodge. Mais ce n’est peut-être que <strong>par</strong>tie remise. Le rythme du retraitdépendra en somme de la bonne volonté des autres ; s’ils reprennent les opérationsmilitaires activement, ce rythme sera ralenti et Washington se réserve de prendre lesmesures qu’appellera la situation. Cela dit, M. Nixon fait personnellement appel à M.Pompidou et attend de lui qu’il manifeste sa compréhension et qu’à un certain moment,Paris en témoigne <strong>par</strong> une déclaration montrant en somme qu’il condamne l’intransigeanceadverse. Si nous faisons cela, « Nixon s’en souviendra ».Lucet a accompagné cela d’un message qui plaidait au fond pour que le gouvernementfasse un geste. Evidemment il pense à la prochaine visite de Pompidou aux Etats-Unis enfévrier et voudrait pré<strong>par</strong>er le terrain. Sans nous renier, dit-il, sans revenir sur lesprincipes de notre position, ne pourrions-nous montrer quelque compréhension ?Il <strong>par</strong>aît que la réaction de Pompidou a été assez vive et qu’il a failli faire un communiquéassez négatif à la suite du Conseil des Ministres qui venait juste après le discours, maisque Schumann l’en a retenu.J’ai pré<strong>par</strong>é une réponse, que Pompidou a approuvée, très correcte dans la forme, noncritique dans les termes, mais ferme sur le fond : pour nous, il n’est qu’une seule voie,celle de la négociation, et nous souhaitons que les Etats-Unis ne donnent pas l’impressionqu’ils s’en désintéressent.Il est très vraisemblable que la réponse de Kissinger sera du genre : « Très bien, mesagneaux ! Mais pouvez-vous nous dire comment l’on fait pour négocier avec des gens quise refusent à négocier ? » Je n’exclus donc pas que notre refus, si déguisé qu’il soit, desoutenir Nixon ne mène à une certaine tension dans les relations franco-américaines.Mais comment soutenir une telle politique ? Et sommes-nous chargés de faire réélireNixon en 1972 ? La vietnamisation, plus profondément, est-elle la seule issue ? Lanégociation est-elle impossible ?Franchement, je ne le crois pas. Mais ce qui nous sé<strong>par</strong>e fondamentalement de Nixon,c’est que nous ne croyons pas à la possibilité de maintenir un Sud-Vietnam en lutte, sinon

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