PolitiqueDes voies pourLes élections présid<strong>en</strong>tielle et législatives sont passées…à côté de l’ess<strong>en</strong>tiel. Encore cinq ans de perdus pour la planète ?Changeons plutôt de perspective pour sortir de l’impuissance ! Quelquespistes constructives basées sur l’expéri<strong>en</strong>ce du Mouvem<strong>en</strong>t de l’appelpour une insurrection des consci<strong>en</strong>ces (MAPIC).En 2002, une t<strong>en</strong>tative de candidatureatypique à la présid<strong>en</strong>tielle,celle de Pierre Rabhi, appelle àune insurrection des consci<strong>en</strong>ces et proclameque le temps de la décroissancesout<strong>en</strong>able est v<strong>en</strong>u. Un comm<strong>en</strong>taire polit<strong>ici</strong><strong>en</strong>dirait que ce fut un échec : il neparvi<strong>en</strong>dra pas aux tribunes de la campagneoff<strong>ici</strong>elle soumis au sésame des 500parrainages. Et pourtant, des milliers depersonnes sont touchées par cette parolepublique, s’y reconnaiss<strong>en</strong>t : un mouvem<strong>en</strong>tde souti<strong>en</strong> émerge <strong>en</strong> quelques semaines.Et puisque cet appel nous dit “lepouvoir est <strong>en</strong>tre nos mains”, alors despersonnes rassemblées à cette occasiondans des comités partout <strong>en</strong> France se retrouss<strong>en</strong>tles manches. Pour ancrer cetteénergie dans la durée et lui donner unecohér<strong>en</strong>ce nationale, un mouvem<strong>en</strong>t politiqueest créé, “non conv<strong>en</strong>tionnel”, porteurd’une aspiration à r<strong>en</strong>ouveler les façonsde s’<strong>en</strong>gager pour une transformationsociale. Bi<strong>en</strong> du chemin a étéparcouru depuis…L’insurrectiondes consci<strong>en</strong>ces,toujours d’actualitéAujourd’hui, on peut faire le constat,comme Michel Jarru dans Sil<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> avril2007, du délabrem<strong>en</strong>t de la vie sociale etpolitique <strong>en</strong> France… et que cette situation“perdure grâce à la servitude et à lacomplaisance de chacun”. Pour <strong>en</strong> sortir,le premier pas est donc de pr<strong>en</strong>dreconsci<strong>en</strong>ce de notre part de responsabilitéet de refuser de rester complices par notresil<strong>en</strong>ce ou notre passivité. Il concluait :“Au delà des élections, il serait peut-être vitalde provoquer un sursaut de liberté, dedialogue, humaniste et hédoniste, et de l’organiserpour ne plus avoir à vivre une tellesituation.” Cette conclusion va dans lemême s<strong>en</strong>s que d’appeler à une “insurrectiondes consci<strong>en</strong>ces”. Le système médiatiqueet politique conc<strong>en</strong>tre ses effortspour garder le plus possible nosconsci<strong>en</strong>ces sous contrôle. Comme la gr<strong>en</strong>ouilledans la casserole d’eau chauffantprogressivem<strong>en</strong>t, nous avons t<strong>en</strong>dance ànous <strong>en</strong>gourdir ; nous avons besoin d’unsursaut énergique, de faire ce geste vitalde nous dresser face à la destruction planétaire.Oui mais comm<strong>en</strong>t ?Les débuts du MAPIC ont révélé la richessehumaine de cette démarche, etaussi la difficulté de la tâche. Faire œuvrer<strong>en</strong>semble des personnalités fortes nese fait pas sans étincelles. Se considérercomme une consci<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> insurrectionamène à une forte exig<strong>en</strong>ce d’autonomiede p<strong>en</strong>sée et d’action. Les comités locaux,les assemblées générales annuelles, ontété le creuset de ce travail collectif.Progressivem<strong>en</strong>t, des outils ont été expérim<strong>en</strong>téspour améliorer la qualité des débats,des prises de décision, pour régulerde façon non viol<strong>en</strong>te les conflits (1). Lecomité de liaison national est aussi le lieude cet appr<strong>en</strong>tissage (du) collectif. Peu àpeu, les membres du MAPIC s’efforc<strong>en</strong>tde construire une culture commune quiles aide à sortir de schémas humainsqu’ils ne veul<strong>en</strong>t plus vivre. À l’heure oùune majorité des électeurs a porté son espoirvers un frénétique PDG de la France,le MAPIC met <strong>en</strong> œuvre une dynamiquecollective basée non sur le commandem<strong>en</strong>tmais sur la responsabilité.Le travail collectif a permis de compléterl’appel fondateur par une chartesynthétisant les valeurs ess<strong>en</strong>tielles dumouvem<strong>en</strong>t. Ce texte de référ<strong>en</strong>ce inspirel’action de chaque comité, dans une grandediversité d’applications, librem<strong>en</strong>t décidéesau niveau local : échanges sur ladécroissance au quotidi<strong>en</strong>, confér<strong>en</strong>ces,SILENCE N°350 Octobre 200744forums, projets alternatifs comme desAMAP. Ainsi a émergé une spécif<strong>ici</strong>té duMAPIC, qui est d’associer :- la transformation personnelle, par laprise de consci<strong>en</strong>ce et le changem<strong>en</strong>t descomportem<strong>en</strong>ts dans le s<strong>en</strong>s d’une plusgrande cohér<strong>en</strong>ce.- l’action collective dans des projetsconcrets et l’implication sociale dans lesréseaux associatifs.- et l’expression politique sur les <strong>en</strong>jeuximportants pour l’av<strong>en</strong>ir de la Terreet des humains.En faisant converger ces logiquesd’action, il souhaite dépasser deuxécueils, celui d’un développem<strong>en</strong>t personnelégoc<strong>en</strong>trique, et celui d’un <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>tsocial sans souci de cohér<strong>en</strong>cepersonnelle.Et la politiquedans tout ça ?Où et comm<strong>en</strong>t ?L’expression politique collective est<strong>en</strong> évolution, d’abord expérim<strong>en</strong>tée parcertains comités locaux. Quelques <strong>en</strong>jeuxsont perçus : part<strong>ici</strong>per à la dynamiqueet à une certaine cohér<strong>en</strong>ce de la mouvanceécologiste ; trouver des formesd’expression pertin<strong>en</strong>tes ; construire àpartir des richesses propres à ce mouvem<strong>en</strong>t; et d’abord appliquer à l’intérieurmême du mouvem<strong>en</strong>t les idéaux politiquesqu’il déf<strong>en</strong>d ! L’édition d’un docum<strong>en</strong>tpolitique national <strong>en</strong> 2003 avait étéle décl<strong>en</strong>cheur de fortes t<strong>en</strong>sions. Cetévénem<strong>en</strong>t a permis de poser au sein dumouvem<strong>en</strong>t des questions fondam<strong>en</strong>tales,de nature politique : quels sont les(1) La communication non-viol<strong>en</strong>te (CNV), le travailcollectif <strong>en</strong> plus-values mutuelles plutôt qu’<strong>en</strong> critiquant,le cons<strong>en</strong>sus, les débats <strong>en</strong> alternant grand etpetit groupe, la sociocratie…
une régénérationli<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre organisation locale et nationale? Quelle est la place de Pierre Rabhi ?Quelles sont la raison d’être et l’id<strong>en</strong>titédu MAPIC ? Faire émerger des réponsesclaires, par des méthodes d’écoute et deconcertation respectueuses de la diversitédes membres, a constitué un bel exercicepratique de “politique non conv<strong>en</strong>tionnelle”!Agir dans la sociétécivileUne étape significative a été franchielors de l’assemblée générale <strong>en</strong> juillet2006 : le MAPIC a quitté son statut departi politique pour dev<strong>en</strong>ir un “mouvem<strong>en</strong>td’expression politique, économiqueet humaine, à partir de la société civile”.La vocation du MAPIC s’est révélée êtreailleurs que dans la part<strong>ici</strong>pation à descampagnes électorales. A travers la grillede lecture de la tri-articulation sociale (2),Et Pierre Rabhidans tout ça ?Il n’a jamais souhaité jouer un quelconquerôle de “chef” au sein du MAPIC.À travers ses confér<strong>en</strong>ces et ses écrits, ilcontinue de porter publiquem<strong>en</strong>t cet appelà une insurrection des consci<strong>en</strong>ces. Lacharte du Mouvem<strong>en</strong>t pose la liberté deconsci<strong>en</strong>ce comme un principe ess<strong>en</strong>tiel.Pierre Rabhi est donc pour le MAPIC uneréfér<strong>en</strong>ce éthique fondatrice, mais sesmembres ont une grande diversitéd’autres sources d’inspiration. Suite à sadécision de ne pas être candidat <strong>en</strong> 2007,il a fondé le Mouvem<strong>en</strong>t international pourla Terre et l’Humanisme, organe de communicationpour porter plus largem<strong>en</strong>tson message et créer davantage de li<strong>en</strong>s<strong>en</strong>tre les diverses réalisations auxquellesil a contribué. Le MAPIC travaille donc<strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariat avec cette nouvelle structure.Sur le plan national, il a aussi été décidéd’adhérer à l’Alliance pour la Planète,dynamique de rassemblem<strong>en</strong>t pleine depot<strong>en</strong>tialités. Voir www.mouvem<strong>en</strong>tth.orget www.lalliance.fr.Le Festival de la Terre à La Rochelle : des chapiteaux dans un parc de la villepour 7 jours d’animations écologiques et conviviales.une réflexion est m<strong>en</strong>ée au sein du mouvem<strong>en</strong>tpour pr<strong>en</strong>dre consci<strong>en</strong>ce du s<strong>en</strong>sde son action dans la société civile plutôtque dans le monde politique, et de sesatouts pour y jouer un rôle ess<strong>en</strong>tiel (3).En deux mots : la crise du s<strong>en</strong>s quetraverse notre société serait le résultatd’une pathologie sociale : la dominationde la logique financière sur l’<strong>en</strong>semble ducorps social. Pour y résister, vu l’inertiedes institutions politiques, il y a une responsabilitéà r<strong>en</strong>forcer le pôle de la sociétécivile. C’est elle qui crée et conserve lescultures ; ces pratiques et connaissancesayant une valeur parce qu’elles ont dus<strong>en</strong>s, non parce qu’elles rapport<strong>en</strong>t. Cepôle est affaibli par notre mode de vie individualisteet par les pouvoirs <strong>en</strong> place,mais dans le même temps, il est porteurde beaucoup d’énergie et de créativité, ne(2) Vision de la société comme un organisme fait detrois composantes ess<strong>en</strong>tielles, issue des travaux del’anthroposophie de Rudolf Steiner, remise d’actualitépar le philippin Nicanor Perlas, auteur de La Sociétécivile, le troisième pouvoir.(3) Lire sur le site www.appel-consci<strong>en</strong>ces.org, le dossierde découverte de cette approche et de quelquesapplications possibles.(4) SCI Terres Fertiles, 15 allée de Chartres, 91370Verrières-le-Buisson, http://terresfertiles-idf.org.(5) Le Festival de la Terre s’inscrit dans une démarchelancée au niveau mondial. En 2006, il s’est déroulédans une vingtaine de pays. En France, 318 événem<strong>en</strong>tsont eu lieu dans 37 départem<strong>en</strong>ts. Voirwww.festivaldelaterre.org.SILENCE N°350 Octobre 200745demandant qu’à pr<strong>en</strong>dre forme et à s’affirmerdavantage sur la place publique.Plusieurs comités locaux ont pu s’appuyersur leurs valeurs de non-viol<strong>en</strong>ce,sobriété, coopération, créativité, pour impulseret pr<strong>en</strong>dre part à des projets locauxd’importance, <strong>en</strong> converg<strong>en</strong>ce avec lesénergies associatives et citoy<strong>en</strong>nes. Ainsi,la SCI Terres Fertiles sur le plateau deSaclay, issue du comité Colibri91 (4), ou<strong>en</strong>core le Festival de la Terre à LaRochelle, organisé par un collectif d’unetr<strong>en</strong>taine d’associations, p<strong>en</strong>dant septjours <strong>en</strong> juin, chaque année depuis 2005(5). Ces expéri<strong>en</strong>ces, parmi d’autres,montr<strong>en</strong>t qu’une société civile organiséeest capable de peser face aux acteurs politiqueset économiques.L’av<strong>en</strong>ture personnelleet collectiveLes initiatives de la société civile but<strong>en</strong>tsouv<strong>en</strong>t sur des obstacles humains,liés aux relations <strong>en</strong>tre personnes, aux façonsde s’organiser, au petit nombre desmilitants… C’est pourquoi les comités duMAPIC port<strong>en</strong>t une att<strong>en</strong>tion particulièreà la qualité des relations et à la cohér<strong>en</strong>cede leurs pratiques. C’est un processusl<strong>en</strong>t et exigeant de changem<strong>en</strong>t humain,nos anci<strong>en</strong>nes habitudes étant bi<strong>en</strong> ancrées.DR