SB11_page

SIGNÉ BARRIÈRE N°11 en vue
© Sennastien
restauratrices à Lamotte-Beuvron
en Sologne au XIX ème siècle - avait
mis le moule en l'air. Tête-bêche. Et -
miracle ou légende ? - le moche a créé
une parure "récupérée" et désormais
mondialement réputée.
Tapoté ou abimé, ce moche est-il devenu
une accroche lucrative ? Des groupes
de grande distribution marchande ont
saisi l'opportunité ou la leçon. Les ratés
et "restachous", les cabossés, les autres.
Serge Gainsbourg (1928-1991) ne disait
pas le contraire quand il se moquait de
la mocherie en chantant : "La beauté
cachée des laids se voit sans délai." Une
suggestion anarcho-artistique qui n'a
pas échappé aux "merchandisers" - et
désormais aux publicitaires. Il ne s'agit
pas d'écouler des dégâts industriels
mais de valoriser la qualité plutôt que
l'aspect. Bingo ! Suivez le moche. Des
biscuits mal démoulés, des côtelettes
mal tranchées, des rôtis mal fagotés,
des tomates déjantées, des fruits
pas ronds, des macarons pointus,
des fromages en voyage, des salades
chevelues, des oignons carrés et des
poissons bizarroïdes... Choisir le moche
n'est-ce qu'un beau geste ? C'est du bon
sens quand il s'agit de lutter contre le
gaspillage alimentaire. Savons-nous
que 7 millions de tonnes de denrées
sont mises à la poubelle chaque année
par la seule grande distribution ?
Savons-nous que les critères de ces
mises au rebut ne sont pas inspirés par
la qualité des produits mais par leur
seule disgracieuse apparence ? Savonsnous
que, en France, le rebut alimentaire
représente près de quarante kilos par an
multipliés par 64 millions d'habitants ?
Suivre le moche ce n'est pas qu'une
accroche de pub. C'est peut-être glisser
une vérité dans sa poche. Sans cinoche.
51