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SIGNÉ BARRIÈRE N°11 en vue<br />

devant ses invités. Au fil d'un siècle, en<br />

studio au micro ou en plateau, sur le Tour<br />

de France ou avec Luciano Pavarotti,<br />

Georges Brassens, Lino Ventura, des<br />

Prix Nobel, des musiciens phénomènes,<br />

des funambules, des inconnus révélés<br />

comme le jeune auteur Florian Zeller,<br />

des illustres obscurs et le public des<br />

gens d'ici et maintenant en direct :<br />

Chancel ne voulait pas d'un magistère.<br />

C'est là d'ailleurs que vit son mystère<br />

dont un pan du voile est levé par son<br />

épouse Martine Chancel dans un livre (*)<br />

qui fait songer aux vaillants "mélanges",<br />

ces volumes merveilleusement édités<br />

qui honorent les actes et le savoir<br />

partagé des Grands Commis de l'Etat et<br />

de la Chose Publique. Chancel n'est pas<br />

Richelieu, il n'est pas Clemenceau. On<br />

évoque cependant les années Chancel,<br />

comme - avec le goût du bon - on se<br />

souvient des années Pompidou, des<br />

années Belmondo, des années Picasso,<br />

des années curieuses de ce(ux) qui<br />

bouge(nt) dans leur siècle.<br />

Jailli des Pyrénées, jeune homme<br />

passé dans les tourments de la guerre<br />

en Indochine, blessé, requinqué et<br />

puis révélé dans les coulisses que sait<br />

abriter le Paris lumineux et faussement<br />

ombrageux du journalisme très informé<br />

et des moches bidouilleries, il est... so<br />

French. Made in Paris et appellation<br />

contrôlée issue des Pyrénées. Français.<br />

Voilà comment Chancel a du propos<br />

et de la conversation. Voilà comment<br />

celui qui, installé dans sa volonté de<br />

continuer à faire, affirme en sobre<br />

majesté : "Il ne faut pas donner au<br />

public ce qu'il aime. Mais ce qu'il<br />

pourrait aimer." Ce n'est pas seulement<br />

un tempérament, Chancel. C'est une<br />

grammaire du promeneur attentif.<br />

Les titres de ses livres le racontent :<br />

N'oublie pas de vivre, Le Journal d'un<br />

voyeur, Le désordre et la vie, Le guetteur<br />

de rives, La nuit attendra... Il a choisi de<br />

trimbaler avec pugnacité ce qu'il décide<br />

d'affirmer : le goût du récit, du savoir<br />

confié (jamais extorqué), de l'élément<br />

échappé ou du souvenir vagabond.<br />

Un regard à la télévision. Une voix à la<br />

radio. Un choix qui sait donner force à<br />

la forme, un écho à la vie. Une attitude<br />

affirmée.<br />

Richelieu et Clemenceau. Les revoilà. Et<br />

le revoilà, Chancel. Donc, en échappé.<br />

Libre dans sa détermination. Sa cocarde :<br />

le temps à vivre. Jacques Chancel,<br />

ce n'est pas que Radioscopie ou Le<br />

Grand Échiquier : c'est le temps d'un<br />

homme qui a su partager sa passion de<br />

regarder et d'écouter. Au point d'être au<br />

jour le jour d'un conseil aiguisé sur le<br />

contenu d'écrans et de réseaux sociaux<br />

dont, petit montagnard dans un autre<br />

siècle technologique, il n'aurait jamais<br />

imaginé l'impact. La vie, sa vie selon<br />

lui, aura été un jeu. Un jeu de miroirs<br />

pour apprendre à savoir. Et beaucoup,<br />

beaucoup de savoirs pour se jouer des<br />

miroirs. Jacques Chancel est mort le<br />

23 décembre 2014. Il n'avait pas 86 ans.<br />

Ce jour-là aussi, il avait notre âge.<br />

*Les années Chancel, par Martine Chancel,<br />

Flammarion, 203 <strong>page</strong>s, 24,90 €.<br />

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