JOURNAL ASMAC - No 4 août 2017

POINT DE MIRE ▶ IDENTITÉ
Du soi au moi
Au cours des quatre à cinq premières années de vie, notre conscience de soi se développe, mais
aussi notre compréhension par rapport aux autres. Lors-qu’un enfant se reconnaît dans le miroir,
il prend conscience de son statut d’individu et peut se démarquer. Ensuite, le savoir concernant
les idées et sen-timents des autres individus se développe progressivement et ainsi la base du
comportement social.
Caroline Benz, cheffe de clinique, responsable de la policlinique de pédiatrie du développement, service de pédiatrie du
développement, Hôpital pédiatrique de Zurich
L’homme est un être social. Différentes
études ont permis de montrer que même
des nourris-sons réagissent avec une certaine
compétence sociale [1, 2]. Une
condition importante au comportement
socialement différencié d’un enfant sont
ses compétences en matière de cognition
sociale. On entend par là d’une part le
développement de l’identité personnelle et
la capacité de prendre conscience de sa
propre condition mentale et motivation
(développement de la personnalité). Et
d’autre part la capacité d’entrer en relation
avec d’autres individus (référence sociale),
de saisir leur point de vue (pensées, sentiments,
comportement et motivation) et
de faire preuve d’empathie.
Illustration 1: Le test du miroir permet de prouver
que l’enfant dispose d’une connaissance de soi [4].
Le développement de la
personnalité
L’image de soi se constitue au travers de
nombreuses phases après la naissance.
Déjà au cours des premiers mois, les enfants
apprennent à connaître leur propre
corps en le touchant et l’observant. L’enfant
fait aussi l’expérience de sa capacité
d’action, il réalise qu’il peut influencer les
choses. Les psychologues du développement
désignent cet état du développement
par le terme anglais «I». Le couple Papoušek
a pu démontrer de manière impressionnante
avec son essai du mobile à
quel point cette expérience précoce d’autoefficacité
est décisive pour le développement
de l’enfant [3]: un mobile est présenté
à un nourrisson de 3 mois. Celui-ci peut
être mis en mouvement par un observateur
ou l’enfant lui-même. Si l’enfant
prend l’initiative, il s’occupera pendant
une durée nettement plus longue que si
c’est l’observateur qui fait bouger le mobile.
L’enfant réalise donc: j’agis – je provoque.
Vers environ 18 mois, «I» devient «Me».
L’enfant découvre maintenant que son
corps consti-tue en quelque sorte un récipient
dans lequel se trouve le «soi». Il réalise
qu’il existe un extérieur ou une
«apparence» et qu’il existe aussi encore
un intérieur. L’indice que cette connaissance
de soi a débuté s’illustre par le fait
que l’enfant se reconnaît dans le miroir.
Le test du miroir permet d’en apporter la
preuve [4]. On dessine un point rouge sur
le front de l’enfant sans qu’il ne le remarque.
Si l’enfant le réalise dans le miroir
et qu’il tente de toucher le point rouge,
cela signifie qu’il s’est reconnu dans le
miroir (illustration 1).
Lorsque cela se produit, généralement
entre 15 et 22 mois, l’enfant commence à
se percevoir en tant qu’individu et à se
démarquer des autres.
Avec l’apparition de la conscience du moi,
les enfants commencent à s’attribuer certaines
caractéristiques et à évaluer leurs
propres performances. Ils sont fiers lorsqu’ils
réussissent quelque chose ou gênés
quand ils pensent avoir échoué. Les premiers
signes d’un esprit de compétition
sont aussi attribués à cet âge. Un enfant
qui ne se reconnaît pas encore dans le
miroir et qui construit une tour avec
d’autres enfants n’attache aucune importance
à qui posera le dernier élément sur
la tour. Mais s’il a développé une idée de
son propre «moi», il voudra absolument
le faire lui-même. Le fait de réaliser d’avoir
une propre volonté et de pouvoir l’imposer
s’illustre finalement dans le comportement
d’opposition de l’enfant.
Avec le début de la conscience du moi, les
enfants commencent par ailleurs à réaliser
qu’ils sont un enfant ou un adulte, un être
humain ou un animal, un garçon ou une
fille. En même temps, ils pensent toutefois
pouvoir le modifier. Ils ne comprennent pas
encore que l’identité d’une personne/d’une
chose demeure constante, même si son
aspect extérieur change. Ain-si, les parents
réagissent avec étonnement et amusement
lorsque le garçon de 3 ans déclare avec
conviction qu’il sera une fois une maman.
Ce n’est que vers 4 ou 5 ans que les enfants
savent que leur sexe reste stable et qu’il ne
dépend pas de l’apparence extérieure [5].
La connaissance de soi et l’autonomie
décrites sont d’ailleurs d’importants jalons
sur le chemin menant à l’empathie.
Le développement de
l’empathie
Déjà le nouveau-né entre en relation avec
son environnement. Il a un authentique
intérêt pour le visage humain et réagit à
la voix humaine et au contact visuel. Vers
la fin de la première année de vie, l’enfant
commence à interagir par des gestes com-
N o 4 Août 2017
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