JOURNAL ASMAC - No 4 août 2017

POINT DE MIRE ▶ IDENTITÉ
L’identité passe par l’estomac
Les générations précédentes consacraient un tiers de leur revenu à l’alimentation et craignaient
pour leur approvisionnement. Aujourd’hui, on dispose de quasiment tout en quantité et qualité
suffisantes pour un prix relativement avantageux. Manger fait donc de plus en plus partie du style
de vie individuel et devient une forme d’expression sociale.
Thierry Fuchs, food-stylist et cuisinier international (www.fuchsundcorra.ch)
Aujourd’hui, manger est devenu une question
de style de vie: outre l’aspect pratique
de l’alimentation qui nous maintient en
vie, nous exprimons aussi ce à quoi nous
attachons de l’importance, nous nous
identifions à ce qui reste dans nos assiettes.
La publicité nous apprend l’identité
de nos aliments et mets. Le food-stylist
entre alors en jeu: par son choix des aliments
et sa mise en scène, il crée une
image pour un aliment et même pour des
mets complets.
«Dis-moi ce que tu
manges, je te dirai qui
tu es»
Quand il s’agit de commenter l’alimentation
d’une personne avec diplomatie, on
peut se servir d’un dicton: «L’être humain
est ce qu’il mange.» Une fois exprimé, la
convention veut que l’on passe sans s’attarder
au sujet suivant. En effet, comment
quelque chose d’aussi profane que la
nourriture pourrait-elle nous faire avancer
sur la question de qui nous sommes.
Lorsque le philosophe allemand Ludwig
Feuerbach marqua à l’époque ce dicton,
il le fit dans une dissertation sur la diététique
d’alors. Nous nous en servons jusqu’à
ce jour lorsqu’il s’agit de questions portant
sur l’alimentation et le bien-être ou la
santé. Car l’interaction de l’alimentation
et de la santé est très simple: la qualité de
ce que nous avalons détermine notre qualité
de vie – voilà.
Du point de vue de l’industrie alimentaire,
les conséquences de cette logique vont
encore bien plus loin. En effet, le choix de
notre alimentation en dit long sur notre
identité, c’est-à-dire sur notre attitude et
position dans notre environnement. Etre
végane n’est pas seulement une décision
privée, mais aussi une invitation adressée
à la société de revoir ses habitudes alimentaires.
Se nourrir avec des produits régionaux
et selon les saisons est un plaidoyer
en faveur de l’environnement et de la
nature. Et le besoin de communication
permet de gagner bien plus d’argent que
la simple sensation de faim.
Aujourd’hui, on nous vend des «superaliments»
sous forme de graines miraculeuses,
pousses exotiques et autres pour
soi-disant renforcer notre vitalité et agilité.
L’alimentation n’est plus seulement un
approvisionnement en énergie pour l’organisme,
mais un style de vie par lequel
nous signalons à notre environnement
quelle attitude alimentaire nous considérons
comme juste, importante et géniale.
L’importance des ingrédients et de la pré-
N o 4 Août 2017
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