Echo de la Réhab - N°22 - Trans[a]parence - Mars 2018
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p a g e 4 2<br />
D o s s i e r : Tr a n s (a ) p a r e n c e<br />
L ' é c h o d e l a R é h a b - n °2 2<br />
Le sel <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Comprend-t-on le temps ? Nous sommes patients. Tous différents !<br />
Question : avons-nous le temps <strong>de</strong> changer, puisqu’on est différent ?<br />
Tous semb<strong>la</strong>bles, sortis tous d’un p<strong>la</strong>centa. Nuance à cette<br />
différence : nous sommes nés au centre <strong>de</strong> notre espace-temps ! En<br />
sommes-nous conscients ?<br />
Lorsqu’on se déchire à <strong>la</strong> cime, nos yeux se plissent et <strong>la</strong> vue nous<br />
inspire. Nous sommes le sel <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie. Lorsque <strong>la</strong> bêtise est intime,<br />
cette bêtise, renait-on futilité ? Nous sommes nés et resteront <strong>de</strong>s<br />
bébés (petit point dans l’univers), mais <strong>de</strong>s géants, pied à terre.<br />
LOÏCK<br />
Subterfuges<br />
C’était ce<strong>la</strong>, <strong>la</strong> vie, c’était cette <strong>de</strong>scente<br />
continue vers le néant, ce flot qui<br />
cou<strong>la</strong>it le long d’un tuyau noir, cette<br />
boule qui déva<strong>la</strong>it vers l’inconnu, et qui<br />
n’était que sa propre fuite, sa<br />
disparition. Tout tombait, l’univers<br />
n’était qu’un immense, qu’un extatique<br />
engloutissement. Les choses étaient<br />
leurs pertes, et tout se retirait <strong>de</strong> tout,<br />
lentement, inexorablement, au fur et à<br />
mesure. C’était comme s’il y avait eu,<br />
autrefois, il y a tellement longtemps que<br />
nul n’en savait plus rien, un point très<br />
élevé, un sommet, quelque part, une<br />
espèce <strong>de</strong> p<strong>la</strong>te-forme <strong>de</strong> gratte-ciel<br />
d’où les choses étaient parties, détachées<br />
par une explosion mystérieuse, et<br />
avaient commencé leur vertigineuse<br />
Vie<br />
J’ai froid.<br />
L’ap<strong>parence</strong> <strong>de</strong> mon être me rend<br />
nostalgique d’un visage d’enfant qui se<br />
transforme sans trop changer. Je ne<br />
rêve pas <strong>de</strong> revivre cette enfance que<br />
tant <strong>de</strong> gens voudraient revoir, oh non !<br />
Merci bien !<br />
Quel est ce moment où mes yeux<br />
s’ouvrent après un sommeil non<br />
reposant face à <strong>de</strong>s terreurs nocturnes ?<br />
Le réveil est <strong>la</strong> chose <strong>la</strong> plus dure que je<br />
vis. Je dois comprendre que je suis là,<br />
encore, qu’il faut se battre. Le retour à<br />
<strong>la</strong> réalité est une blessure, une p<strong>la</strong>ie<br />
qu’il faut refermer pour que <strong>la</strong> journée<br />
avance et invente <strong>de</strong>s subterfuges pour<br />
un sourire.<br />
OPHÉLIE.<br />
ava<strong>la</strong>nche, leur éternel effacement. Et<br />
<strong>de</strong>puis, l’univers était en marche, en<br />
chute, en espèce <strong>de</strong> porosité infatigable.<br />
On ne s’en doutait pas. On n’en savait<br />
rien. Et pourtant, il cou<strong>la</strong>it, il<br />
dégoulinait sans cesse, il s’éparpil<strong>la</strong>it, se<br />
défaisait, et il n’y avait rien en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong><br />
cet amuïssement, les choses et les êtres<br />
n’existaient que par leur passage, par<br />
leur longue route dégradante. C’était<br />
ce<strong>la</strong> : c’était <strong>la</strong> pourriture qui<br />
triomphait, <strong>la</strong> décomposition interne, <strong>la</strong><br />
vermine qui rognait minutieusement les<br />
organes, <strong>la</strong> sorte <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>die qui sapait,<br />
qui éteignait. Dans le genre d’un<br />
cadavre, d’une charogne puante enfouie<br />
au fond <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre, et qui s’en al<strong>la</strong>it.<br />
J.M.G. LE CLÉZIO, LA FIÈVRE