Tschumi - L'analyse

ibliothèques ; le circuit des administrateurs
et du personnel;
le circuit des livres, qui permet
le mouvement des livres depuis
les espaces de stockage jusqu’aux
salles de lecture ; le circuit électronique
donnant toute sa place aux
nouvelles technologies de communication
et d’information, alors en
plein développement ; enfin, les
circuits mécaniques comprenant
les mouvements des flux et des
forces dans le bâtiment.
Sa proposition fait écho à la
théorie qu’il a développée dans
ses écrits, antérieurs au projet, où
il met en avant la relation entre le
cinéma et l’architecture à travers la
trilogie : espace, événement, mouvement
ou « SPEM » (space, event,
movement), que Luca Merlini qualifie
de « manifeste de Tschumi » 5 .
C’est dans ce sens que son projet de
Très Grande Bibliothèque est un
« manifeste » de sa théorie architecturale.
Bernard Tschumi met en
place des fragments dont la (dis-)
jonction fait l’architecture. On
peut comprendre ainsi que c’est la
combinaison des différents circuits,
ainsi que leur agencement,
qui donne sa forme à sa proposition
de bibliothèque. Bernard Tschumi
le formule de cette manière :
« Chaque circuit a sa propre logique
et ses propres règles mais ils
s’interconnectent et intéragissent
en des lieux stratégiques » 6 .
La piste de course à pied :
transgression programmatique
Tout comme dans le cas du parc
de La Villette, et de biens d’autres
projets par la suite, Bernard Tschumi
réinterprète le programme du
concours en proposant une vision
décalée et transgressive de
la bibliothèque. Il s’interroge sur
l’utilisateur d’une bibliothèque au
XXI e siècle ; sa réponse est « que
les athlètes du XXI e siècle seraient
des intellectuels et […] les intellectuels
du XXI e siècle seraient des
athlètes » 7 . Il couronne son projet
composé de cinq circuits par une
piste de course à pied. Elle impose
sa forme particulière à l’ensemble
du bâtiment ; ainsi la bibliothèque
moderne de Tschumi ressemble
plus à un stade qu’à une bibliothèque.
En alliant la poursuite de la modernité
à celle de la connaissance,
Bernard Tschumi réconcilie les
exigences contraires du corps et
de l’intellect, dualité qui lui est
chère 8 : il rassemble chercheurs
(intellect) et coureurs (corps). La
piste de course crée l’événement,
mais elle exprime également le
mouvement du corps dans l’espace
qui est, selon Tschumi, un mode
de notation propre à l’architecture.
Dès lors on peut aussi considérer
que la piste de course à pied fait le
lien entre le corps (du coureur, de
l’usager) et l’intellect (de l’auteur
du projet) ; ou encore entre l’architecture
réelle (vécue) et l’architecture
théorique (écrite ou projetée)
9 .
Excentricité et inventivité
constructive
Selon Tschumi, la piste de course
à pied « c’est le moment principal
du projet » 10 . C’est donc cette partie
de la bibliothèque qu’il va soigner
et développer le plus pour le
concours. A côté de plans très peu
détaillés et parfois contradictoires
avec les élévations, il a produit
pour le concours un ensemble de
Elévation sur la Seine: la piste de course à pied (Tschumi, Fleischer, Nys, 1995, p. 339)
planches la mettant en valeur. Sa
technique graphique est basée sur
la réalisation de maquettes à différentes
échelles, qu’il photographie.
Sur ces photos imprimées
en grande résolution, il travaille
à l’aide de couleurs ou de collages
pour exprimer ses intentions. On
retrouve la même méthode, directement
inspirée du montage cinématographique,
dans le développement
du projet lui-même 11 . Dans
ses planches pour le concours de la
Très Grande Bibliothèque, Bernard
Tschumi met en avant la piste de
course à pied, autant dans son aspect
programmatique que structu-
5. Merlini, Luca, L’archipel Tschumi, Editions B2, Collection Design, 2014, p. 29.
6. Tschumi, Bernard, Texte de présentation du projet de la Très Grande Bibliothèque, 1989, Site
Internet de Bernard Tschumi Architectes, [http://www.tschumi.com/projects/25/], [12.05.2018].
7. Ibid.
8. Cf. Merlini, Luca, L’archipel Tschumi, Editions B2, Collection Design, 2014, pp. 52-53.
9. Cf. Ibid.
10. Conférences Paris d’architectes, Fumihiko Maki, espace, image et matérialité - Bernard
Tschumi, architecture, événements, Paris : Pavillon de l’Arsenal, 1995, p. 51.
11. Cf. Ibid, p. 39.
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