07.03.2019 Views

Spectrum #1 2019

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

CULTURE<br />

Doomsday Clock : peut-on mesurer l’apocalypse ?<br />

La Doomsday Clock est une horloge fictive représentant le danger que court l’humanité de s’autodétruire.<br />

Cette année, la montre indique deux minutes avant minuit, une situation aussi instable comme rarement<br />

auparavant. Sommes-nous tous à deux doigts de la fin du monde ?<br />

ALEXANDRE LORETAN<br />

La naissance de l’horloge dans<br />

le sillage du projet Manhattan<br />

En 1947, l’artiste Martyl Langsdorf reçoit<br />

la mission de dessiner la Une pour le magazine<br />

américain Bulletin of the Atomic<br />

Scientist. Celle-ci est mariée à un physicien<br />

actif dans le projet Manhattan, le<br />

programme de développement de l’arme<br />

atomique des Etats-Unis. C’est ainsi<br />

qu’elle gagne un aperçu sur les enjeux des<br />

armes atomiques et de leur dangerosité.<br />

À la place de simplement dessiner le signe<br />

de l’uranium pour la couverture, elle opte<br />

pour une autre icône : l’horloge. Celle-ci<br />

doit montrer que l’humanité n’a pas beaucoup<br />

de temps pour éviter que les armes<br />

atomiques finissent hors de contrôle. En<br />

1947, sur le dessin très rudimentaire, on<br />

voit l’aiguille à sept minutes avant minuit.<br />

Depuis, le magazine continue de diffuser<br />

à intervalle régulier l’horloge mise à jour.<br />

Elle a fini par gagner le nom de Doomsday<br />

Clock, l’horloge de l’apocalypse.<br />

Un long va et vient<br />

Depuis 1947, l’aiguille de l’horloge a avancé<br />

et reculé. Elle progresse à deux minutes<br />

avant minuit en 1953 avant de remonter à<br />

sept minutes en 1960. En 1963, après la crise<br />

des missiles de Cuba, elle se trouve à douze<br />

minutes. Peut-on y voir le soulagement<br />

d’avoir échappé à une guerre nucléaire<br />

entre les Etats-Unis et l’Union soviétique ?<br />

L’année la plus calme, selon l’horloge, se situe<br />

en 1991. C’est l’année de l’effondrement<br />

de l’Union soviétique et donc la fin de la<br />

Guerre froide. Toutefois, depuis cette année,<br />

l’aiguille n’a pas cessé de se rapprocher de<br />

minuit pour arriver en 2018 à deux minutes.<br />

Un changement de priorité ?<br />

A l’origine, l’horloge avait pour vocation<br />

de représenter le danger d’une guerre nucléaire.<br />

Néanmoins, on peut voir que la<br />

Doomsday Clock de 2018 se concentre également<br />

sur une autre menace : le changement<br />

climatique.<br />

Le Bulletin of the Atomic Scientist note également<br />

que la guerre médiatique qui fait<br />

rage depuis plusieurs années affaiblirait les<br />

démocraties. Cela augmenterait le risque de<br />

voir la civilisation humaine s’autodétruire.<br />

L’humanité se trouverait donc dans un état<br />

de grand danger et la situation ne ferait<br />

qu’empirer depuis une dizaine d’années.<br />

Qu’en pensent ses concepteurs ?<br />

Pour les éditeurs du Bulletin of the Atomic<br />

Scientist, la Doomsday Clock est vitale, car<br />

elle est capable de marquer les esprits. La<br />

publication de la dernière mise à jour de<br />

l’horloge aurait permis au magazine d’être<br />

présent partout dans les médias. Elle aurait<br />

aussi mis en avant les questions liées aux<br />

dangers émanant des armes atomiques,<br />

du changement climatique et des nouvelles<br />

technologies. En somme, l’image de<br />

la Doomsday Clock permet de réveiller les<br />

consciences et ainsi de créer un débat sur la<br />

gestion des technologies.<br />

Qu’en pensent ses critiques ?<br />

Le concept de la Doomsday Clock ne fait<br />

pas forcement l’unanimité. Anders Sandberg,<br />

professeur au Future of Humanity Institute<br />

& Oxford Martin School à l’Université<br />

d’Oxford estime qu’il est impossible de véritablement<br />

mesurer le danger d’une guerre<br />

nucléaire. Cela serait lié au fait qu’il y a trop<br />

de facteurs humains impliqués. Ces derniers<br />

étant qui plus est difficilement quantifiables.<br />

Comment mesurer la folie d’un dictateur<br />

? Une sirène qui résonne sans raison<br />

? C’est ainsi que la Doomsday Clock serait<br />

surtout la mesure d’un sentiment d’urgence<br />

de la part de ses concepteurs et non un<br />

outil pour prédire l’apocalypse nucléaire.<br />

https://theconversation.com/doomsday-clockmoves-closer-to-midnight-but-can-we-reallypredict-the-end-of-the-world-36632<br />

https://www.wired.co.uk/article/what-is-thedoomsday-clock<br />

https://thebulletin.org/doomsday-clock/<br />

past-announcements/<br />

https://thebulletin.org/doomsday-clock/faq/<br />

© Photo: Bulletin of the Atomic Scientist<br />

©Illustration: Staatsbibliothek zu Berlin - Preußischer Kulturbesitz, Dep. Breslau 2, 131r<br />

16 02.<strong>2019</strong>

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!