06.11.2019 Views

Psychologie Positive N°28

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

PAROLES D’EXPERT<br />

pathologique. Si j’insiste sur l’importance de repenser<br />

le narcissisme, c’est parce que cela éclaire en profondeur<br />

notre société. Vivons-nous dans un monde où les gens<br />

s’aiment intensément, au point d’être devenus<br />

indifférents aux autres, ou vivons-nous une époque où<br />

les gens sont coupés d’eux-mêmes, exploités, au point<br />

de ne plus savoir qui ils sont, ce qu’ils veulent ?<br />

La définition du narcissisme n’a eu<br />

de cesse d’être confondue avec un acte<br />

de vanité égocentrique. En quoi cette<br />

faute de lecture, qui a atteint des<br />

sommets avec l’usage détourné et<br />

galvaudé de l’expression “pervers<br />

narcissique”, est-elle dramatique ?<br />

Tout d’abord, il est étrange que<br />

l’adjectif “narcissique” soit devenu<br />

le synonyme d’“égocentrique” et<br />

renvoie à une perversion, alors que<br />

Narcisse désigne la première fleur<br />

du printemps, celle du renouveau.<br />

Il est, depuis la haute Antiquité,<br />

le symbole de la jeunesse et de<br />

l’innocence. Tous les siècles, des<br />

penseurs ont réinterprété ce mythe<br />

qui a joué un rôle majeur dans<br />

l’Occident, mais toujours comme un<br />

mythe fécond et positif. Il suffit d’un<br />

peu de bon sens pour se rendre<br />

compte que l’expression “pervers<br />

narcissique” est incohérente. Elle est<br />

attribuée à des gens qui s’aimeraient<br />

trop alors qu’en réalité les personnes<br />

égoïstes ne s’aiment pas. Et, pour<br />

cette raison, elles manipulent les<br />

autres pour obtenir ce qui leur<br />

manque. Autrement dit, les pervers<br />

ne sont pas narcissiques, mais<br />

manquent de narcissisme de manière<br />

Ce défaut de narcissisme serait<br />

responsable de nouveaux maux<br />

de notre époque ?<br />

L’un des exemples majeurs de ces<br />

nouvelles souffrances est le burnout.<br />

Il touche des hommes et des<br />

femmes qui veulent tellement bien<br />

faire, qui s’identifient tellement à ce<br />

qu’on leur demande qu’à un<br />

moment ils ne peuvent plus se lever,<br />

se respecter. Ils ne sont pas<br />

paresseux ; ils sont engagés et<br />

exigeants. Or, on leur dit : « Vous<br />

n’avez pas assez géré votre stress,<br />

pas assez bien fait ça. » En bref,<br />

c’est votre faute. Cela me choque<br />

profondément. On devrait leur<br />

dire : « On ne vous a pas assez<br />

respecté ou considéré. » Il y a donc<br />

un décalage radical. Des millions de<br />

gens pensent encore que le burn-out<br />

est une forme de dépression. C’est<br />

faux. Les gens qui souffrent d’un burn-out n’ont pas un<br />

problème psychologique particulier, mais on les<br />

maltraite tant qu’ils en arrivent à l’épuisement.<br />

Un autre signe de cette autoexploitation est révélé par<br />

une enquête récente qui a montré que nous dormons<br />

40 minutes de moins qu’il y a dix ans. Nous ne nous<br />

laissons pas dormir. Est-ce parce que nous sommes trop<br />

narcissiques ? Ou parce que nous sommes si peu<br />

narcissiques que nous n’arrivons même pas à écouter<br />

nos propres besoins ? Soyons narcissiques et le monde<br />

PSYCHOLOGIE POSITIVE 93

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!