Eglise de Corse en révolutions_Extrait

éforme ou immobilisme ?
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La paroisse, comme dans toute la catholicité, est la cellule de base : elle a fini
par se confondre avec la communauté d’habitants, avec le village. Leur nombre a
évolué, l’époque moderne prolongeant un processus entamé bien avant, au gré des
regroupements ou des déplacements de population aux causes aussi diverses que
variées : guerres, raids barbaresques, malaria, évolutions économiques 12 . Les visites
apostoliques et pastorales permettent de suivre cette lente mutation du territoire.
Ainsi, par exemple, entre 1646 et 1740 Pietralba a absorbé les paroisses de Pedano
et Teto ; Moltifao celle de San Quilico d’abord puis Sepola. Le cas de La Porta est
des plus emblématiques : le 28 avril 1646 M gr Marliani est à Quercitello où trois
« ville », dont La Porta, dépendent de Saint-Cyprien. Moins d’un siècle plus tard, La
Porta, avec sa belle église baroque dédiée à Saint-Jean-Baptiste, est devenue paroisse
emmenant avec elle Poggiale détachée également de l’église-mère 13 . Le mouvement
n’est pas terminé, nous aurons l’occasion d’y revenir. Mais, pour l’heure, il
convient de noter qu’il s’accompagne souvent d’un changement du saint patron
lorsqu’est construit le nouvel édifice : l’ancienne église d’Occhiatana est désormais
trop éloignée du village en pleine évolution ? Alors Saint-Barthélemy est peu à peu
abandonnée au profit de l’Assomption, la première, réduite au rang de chapelle, ne
retrouvant vie, avec messe et procession, tous les 24 août. On pourrait multiplier les
exemples : Lama, Urtaca, Lento où Marie-Madeleine a supplanté Saint-Servin pour
les mêmes raisons. Un peu partout l’espace sacré se modifie sans que les anciens
cultes disparaissent, en Corse comme en Provence et ailleurs 14 .
Ce qui donne toute son importance à la territorialisation, les prescriptions du
Concile accompagnant, ou accélérant dans certains cas, les évolutions de la société.
En s’autonomisant 15 la paroisse devient le cadre de vie de tous les jours. C’est par
elle, par son appartenance à cette communauté, que l’individu existe, se fait reconnaître
dans les actes publics, chez le notaire ou devant le juge. C’est dans sa paroisse
que l’on naît, que l’on se fait enregistrer, se marie ou meurt le plus souvent. C’est
dans l’église de leur village que l’homme et la femme reçoivent leurs sacrements, du
premier, le baptême, au dernier, l’extrême-onction. Naturellement, le curé est le chef
de ce territoire parce que, « pasteur des âmes » il accompagne tous les actes de la vie
de chacun jusqu’à l’enterrement. Par la confession, il en connaît même les secrets. De
plus en plus, au fil des années, assisté par un ou plusieurs vicaires, il est certes un relais
de l’évêque mais aussi du pouvoir politique, non seulement parce que sa mission est
de prôner l’obéissance à Dieu, donc au Prince, mais parce que le dimanche, du haut
de sa chaire, il doit lire les édits et ordonnances du gouverneur puis de l’intendant
12. A. Franzini, La Corse du xv e siècle, Éd. A. Piazzola, Ajaccio, 2005.
13. ADHC, 3G42 ; mais aussi « Relazione della prima visita pastorale di Monsignor Marliani » et
« Visita della diocesi di Mariana ed Accia fatta nell’anno 1740 » par A. Saluzzo dans BSSHNC,
fasc. 113-114, 1890.
14. M.-H. Froeschlé-Chopard, Espace et sacré en Provence, xvi e -xx e siècle, Ed. du Cerf, Paris, 1994.
15. G. Greco, « Fra disciplina e sacerdozio : il clero secolare nella società italiana del Cinquecento
al Settecento » dans a cura di M. Rosa, Clero e società nell’Italia moderna, Laterza, Bari,
1992 ; et G. Audisio, Les Français d’hier, op. cit.