Eglise de Corse en révolutions_Extrait

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22 l’église de corse en révolutions ses épaules et son zèle pastoral repose le succès de la Réforme catholique. Saint Charles Borromée en a défini le modèle. Sa première fonction est de résider, d’être prédicateur, de transmettre le Message. La visite pastorale est une des facettes de cette obligation avec ses volets intriqués : l’inspection des lieux de culte qui doivent être « décents » c’est-à-dire conformes au respect et à la vénération que l’on doit à Dieu ; le clergé qui, au quotidien, est l’intermédiaire avec le sacré doit faire également l’objet de toute son attention. La visite permet de mesurer qu’il est fidèle aux prescriptions sans cesse rappelées lors des synodes. En cas de manquement le droit canon confère à l’Ordinaire toute une palette de sanctions qui peuvent aller jusqu’à la suspension. Cela se traduit, surtout au xvii e siècle, par un rigorisme qui peut paraître tatillon 28 mais qui ne peut s’apprécier qu’en regard de sa mission : réformer les mœurs du peuple chrétien pour sauver les âmes. C’est assez dire que le choix du chef du diocèse est d’autant moins neutre qu’il est la clé de voûte de l’entreprise de re-christianisation des « Indes d’ici » que sont les campagnes de l’Occident catholique. Or si le pape nomme, Gênes, puissance dominante, est force de proposition. N. Mattei a clairement montré qu’aux xvii e et xviii e siècles tous les prélats ou presque appartiennent aux plus grandes familles de la République, les Giustiniani, Centurione, Durazzo, Spinola, de Mari… Elles se partagent les sièges en même temps que la pourpre cardinalice à la Curie 29 . Les consécrations, sur fond d’enjeux politiques qui traversaient Vatican et Sénat, obéissaient aux liens familiaux et clientélaires : dans les années 1560 le cardinal Cicala nommait aux deux diocèses de Sagone et d’Aleria frères, neveux et « serviteurs 30 ». Faut-il rappeler que ce népotisme épiscopal n’était pas spécifiquement génois ? Tous les États s’en faisaient une règle 31 . C’est à l’aune de cette réalité où le religieux n’est pas toujours premier qu’il convient d’approcher la qualité des évêques. Le diocèse de Mariana Si nous portons nos regards sur l’évêché de Mariana, il apparaît qu’il s’est trouvé à sa tête des prélats à la hauteur de leur tâche. De 1570 à 1584 M gr Centurione visite ses paroisses à plusieurs reprises, multiplie les synodes et fonde le séminaire de Bastia 32 . Son successeur, Nicolo Mascardi (1584-1599) a été de surcroît nommé par le pape Sixte V visiteur apostolique pour toute l’île. Les témoignages qu’il nous a laissés montrent à l’évidence son zèle pastoral 33 . 28. J.-M. Mayeur, Ch. et L. Pietri, A. Vauchez, M. Venard, (dir.) Histoire du christianisme, T. 9, Desclée, Paris, 1997. 29. N. Mattei, Le baroque religieux corse, op. cit. ; M.-A. Lanfranchi, Le contenu politique de la religion, op. cit. 30. I. Rinieri, « I Vescovi della Corsica », ASC, n° 4, 1933. 31. B. Plongeron, La vie quotidienne du clergé français au xviii e siècle, Paris, 1988. 32. F.-J. Casta, Évêques et curés corses, op. cit. 33. Idem ; des fragments de visites pastorales dans ADHC, 3G 4/1 ; pour ses visites apostoliques, voir A. Franzini et L. Belgodere de Bagnaja, Les visites apostoliques en Balagne entre les xvi e et
éforme ou immobilisme ? 23 Les Del Pozzo, oncle et neveu, ont eux aussi labouré le terrain soit directement soit par le truchement de leurs vicaires généraux. Girolamo n’a tenu que trois synodes, mais Giulio en a convoqué sept 34 . On leur doit l’appel aux jésuites et la fondation du collège de Bastia. M gr Marliani (1645-1656) est surtout connu pour sa visite pastorale de 1646 35 . Le long apostolat de Carlo Fabrizio Giustiniani (1656-1682) débute par la publication d’importantes « Constitutions » qui reprennent et complètent celles élaborées par Girolamo Del Pozzo en 1610. Il visite son diocèse 36 , et réunit dix-huit fois son clergé, presque une fois par an conformément aux prescriptions conciliaires, car très attaché à la formation des prêtres 37 . Le bref séjour d’Agostino Fieschi (1683-1685) n’a guère laissé de traces, mais Giovan Carlo de Mari (1686-1704) avec ses onze synodes est fidèle à sa mission 38 . Une belle continuité donc, condition indispensable à la réussite d’une entreprise de longue haleine. Le diocèse d’Aleria L’évêché d’Aleria, pourtant le plus riche, et peut-être parce que le plus riche, n’offre pas une telle succession de pasteurs. Certes, l’ère post-tridentine est inaugurée et dominée par la stature d’Alexandre Sauli (1570-1591) et l’on voit mal ce qu’on pourrait ajouter après F-J Casta, même si M gr Mascardi, visiteur apostolique en 1586, dresse un tableau assez critique de l’état des âmes et du clergé. La liste de ses successeurs, telle qu’elle a été établie par l’abbé Casanova doit être corrigée 39 , mais elle montre une rapide rotation des titulaires du siège, et il faut attendre 1612 pour trouver un prélat de qualité avec Décius Giustiniani (1612- 1642). Bien secondé par son vicaire général et neveu Michele, il multiplie les visites 40 , et fait publier des constitutions synodales. Vient ensuite jusqu’en 1668 une longue série de prélats sans relief et surtout absentéistes, résidant à Bastia ou à Rome. À tel point que le pape, en 1652, doit renvoyer Michele, avec le titre de vicaire apostolique, pour remettre de l’ordre dans un diocèse qu’il trouve « dans un état à faire pleurer (stato lagrimevole) […] du fait de la longue absence de l’évêque, des scandaleuses divisions du clergé et des fréquents changements de xviii e siècles, Éditions A. Piazzola, Ajaccio, 2000. Pour les autres diocèses ADHC, Microfilms. Les visites seront citées par le nom de leur protagoniste. 34. Lazzaro Maria de Bernardis (dir) , I sinodi postridentini della provincia ecclesiastica di Genova, Gênes 1986, donne à lire les textes de ces réunions. Sera désormais cité Sinodi postridentini. 35. M gr Marliani, Visite pastorale en 1646, BSSHNC, fasc. 113-114, 1890. Sera cité Visite M gr Marliani. 36. ADHC, 3G 4/2. 37. Sinodi postridentini ; voir aussi P. Morati, Prattica Manuale, op. cit. 38. Sinodi postridentini ; et ADHC, 3G 1/2. 39. Michele Giustiniani, vicaire apostolique, dans ses Costitutioni Giustinani Ecclesiastiche, Avellino, 1658, donne Ottaviano Belmusto (1591-1608), Domenico Rivarola (1608-1609), Giovanni Sauli (1609-1611), Gio. Francesco Morta (1611-1612). 40. F.-J. Casta, Répertoire des visites pastorales de France, Tome second, La Corse, Paris, 1973.
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