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introduction<br />
11<br />
crit <strong>de</strong>rechef dans la philosophie du Concile. Ses analyses <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> culte, <strong>de</strong>s<br />
autels, <strong>de</strong>s tableaux, son approche <strong>de</strong>s confréries dans leur diversité, mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
évi<strong>de</strong>nce ce que d’aucuns qualifi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> « s<strong>en</strong>sibilité baroque » qui, au quotidi<strong>en</strong>,<br />
signifie au chréti<strong>en</strong> la manière dont il doit vivre la religion. Le point d’appui a été<br />
précieux. Mais si l’histori<strong>en</strong> <strong>de</strong> l’art ne méconnaît pas les aspects économiques et<br />
sociaux présidant, pour repr<strong>en</strong>dre son expression, à la « frénésie » <strong>de</strong> constructions,<br />
y compris <strong>de</strong> chapelles, au xviii e siècle, ils ne sont pas son objet premier. Il<br />
nous fallait aller plus loin.<br />
Nous avons, pour ce faire, mis nos pas dans les problématiques aujourd’hui<br />
bi<strong>en</strong> balisées par les chercheurs français et itali<strong>en</strong>s explorant tous les versants<br />
<strong>de</strong> la réforme catholique, toutes les composantes <strong>de</strong> la « culture populaire »<br />
affrontée à celle <strong>de</strong>s clercs. On ne s’étonnera pas <strong>de</strong> trouver dans l’île les<br />
« Royaumes <strong>de</strong> la confusion » chers à Alain Cab<strong>en</strong>tous. En revanche l’immersion<br />
dans les sources a permis <strong>de</strong> battre <strong>en</strong> brèche un certain nombre d’idées<br />
conv<strong>en</strong>ues, l’ignorance insigne du prêtre corse par exemple. A permis égalem<strong>en</strong>t<br />
<strong>de</strong> définir la place du curé au sein <strong>de</strong> la communauté villageoise, ses rapports<br />
avec ses fidèles qui, dans une relation complexe et quelques fois conflictuelle,<br />
ne l’investiss<strong>en</strong>t pas moins d’un caractère sacré. La <strong>Corse</strong> baigne dans ce besoin<br />
<strong>de</strong> sacré qui explique bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s comportem<strong>en</strong>ts à v<strong>en</strong>ir. Mais <strong>en</strong> même temps<br />
que <strong>de</strong> portes ouvertes et aussitôt refermées ! Le rôle <strong>de</strong>s collèges jésuites dans<br />
la formation <strong>de</strong>s ecclésiastiques ? Impossible <strong>de</strong> retrouver les archives <strong>de</strong> ces<br />
institutions. Les attitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>vant la Mort dans le sillage <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> Michel<br />
Vovelle ? À elles seules elles mérit<strong>en</strong>t une thèse qui att<strong>en</strong>d son maître d’œuvre.<br />
Les Franciscains, fer <strong>de</strong> lance <strong>de</strong> la spiritualité tri<strong>de</strong>ntine, n’ont pas reçu toute la<br />
place qui leur est due. Cep<strong>en</strong>dant, il se dégage une évi<strong>de</strong>nce : à parts égales avec<br />
le <strong>de</strong>sservant du village ils ont été les artisans d’une « cléricalisation » progressive<br />
<strong>de</strong> la société.<br />
Au mitan du siècle <strong>de</strong>s Lumières cette qualification s’est imposée. Hypothèse<br />
hasar<strong>de</strong>use ? Peut-être, car, sur cet imm<strong>en</strong>se chantier, notre seule prét<strong>en</strong>tion est<br />
d’être un simple défricheur. Mais hypothèse nourrie par le tropisme exercé par<br />
l’Église dont le recrutem<strong>en</strong>t ne s’est pas tari : pour une population <strong>de</strong> 150 000<br />
âmes <strong>en</strong> 1780, un millier <strong>de</strong> moines et probablem<strong>en</strong>t plus d’un millier <strong>de</strong> prêtres,<br />
curés, vicaires, « prêtres <strong>de</strong> famille », <strong>de</strong>sservants <strong>de</strong>s chapelles privées… Un<br />
<strong>en</strong>cadrem<strong>en</strong>t largem<strong>en</strong>t supérieur à celui que l’on trouve <strong>en</strong> France et même<br />
dans le Mezzogiorno itali<strong>en</strong>. Sans compter le poids <strong>de</strong>s confréries. Et surtout,<br />
hypothèse opératoire permettant <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre pourquoi, dès le début du soulèvem<strong>en</strong>t<br />
contre Gênes, l’Église aura été un <strong>en</strong>jeu : tous les camps l’ont mobilisée<br />
pour justifier leur combat. L’institution et les hommes qui l’incarn<strong>en</strong>t se sont ainsi<br />
trouvés confrontés à ce qu’il est conv<strong>en</strong>u d’appeler les « Révolutions <strong>de</strong> <strong>Corse</strong> »<br />
et à faire <strong>de</strong>s choix. La progressive construction <strong>de</strong> l’État paoli<strong>en</strong> s’accompagne<br />
<strong>de</strong> la « cléricalisation » <strong>de</strong>s institutions ; la t<strong>en</strong>tative <strong>de</strong> domestication du clergé<br />
n’est <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> une volonté <strong>de</strong> sécularisation sur le modèle <strong>de</strong>s courants réforma-