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l’Ouest (CÉDÉAO). Cette dernière a décidé le 9 janvier de placer<br />

le pays sous embargo afin de sanctionner le maintien de la junte<br />

au pouvoir. La semaine qui a suivi, une délégation malienne<br />

est venue jusqu’à Nouakchott pour convaincre les dirigeants<br />

de ne pas s’aligner sur les décisions de la CÉDÉAO, une union<br />

à laquelle le pays n’appartient pas. Si la frontière était encore<br />

ouverte au moment où nous mettons sous presse, la Mauritanie<br />

a haussé le ton le 8 mars, accusant l’armée malienne d’actes « criminels<br />

récurrents » sur son sol, après une manifestation de plusieurs<br />

dizaines de personnes devant la présidence à Nouakchott.<br />

À quelques encablures de la frontière malienne, la base<br />

de Nbeiket Laouach abrite la force conjointe du G5 Sahel :<br />

Mauritanie, Niger, Burkina Faso, Tchad et Mali. Des tranchées<br />

de protection sont creusées dans la terre sablonneuse,<br />

et protègent les 700 soldats du pays stationnés sur place. « Les<br />

opérations militaires conjointes<br />

sont pour le moment quasiment<br />

inexistantes », relève un officier.<br />

Dans le camp : des véhicules toutterrain<br />

équipés de mitrailleuses<br />

M80 sont alignés. Les hommes,<br />

eux, portent des kalachnikovs<br />

ou des lance- roquettes RPG7.<br />

Ces unités mobiles ont remplacé<br />

les formations lourdes et inadaptées<br />

au modèle de lutte contre<br />

les groupes armés. Alors que les<br />

groupes méharistes jouent un rôle<br />

de police de proximité et d’aide<br />

aux populations, ces escadrons<br />

motorisés sont destinés exclusivement<br />

au combat antiterroriste.<br />

Cette politique de dialogue avec les islamistes a été aussi<br />

transposée à la société civile. « Alors que le président Aziz avait<br />

marginalisé l’opposition, Mohamed Ould Ghazouani a tenu à<br />

rompre avec l’image de son prédécesseur, et reçoit désormais<br />

les islamistes du parti Tewassoul, devenus leaders de l’opposition<br />

», analyse un observateur de la vie politique mauritanienne.<br />

Pour essayer de couper l’herbe sous les pieds aux extrémistes,<br />

Nouakchott a aussi abrité plusieurs congrès internationaux, se<br />

positionnant comme rempart contre l’extrémisme religieux,<br />

et ainsi tenter de résoudre les conflits au Sahel. La deuxième<br />

édition de la Conférence africaine de la paix s’y est tenue du<br />

8 au 10 février dernier, grâce à des financements émiratis, et<br />

a rassemblé 300 ambassadeurs, chercheurs et oulémas venus<br />

de l’ensemble du monde arabe. Plusieurs thèmes étaient abordés,<br />

comme la rectification des concepts de la charia, la lutte<br />

La base militaire mauritanienne de Nbeiket<br />

Laouach, à la frontière malienne, abrite la force<br />

conjointe du G5 Sahel.<br />

THOMAS S<strong>AM</strong>SON/AFP<br />

L’ESSOR DE LA<br />

RÉPUBLIQUE ISL<strong>AM</strong>IQUE<br />

Grâce à son modèle de sécurité<br />

et de développement, la<br />

République islamique de Mauritanie n’a plus connu d’attentat<br />

depuis 2011. La Constitution de 1991 fait en outre de l’islam<br />

la religion d’État, et de la charia la loi du pays. Tandis que le<br />

gouvernement accorde l’amnistie aux djihadistes repentis, l’homosexualité<br />

ou le blasphème sont passibles de la peine de mort,<br />

même si celle-ci n’est plus appliquée depuis 1987. Dans les rues<br />

de la capitale, il n’est pas rare de croiser des femmes ayant troqué<br />

la traditionnelle melhfa, un voile ample laissant entrevoir<br />

les cheveux, pour le niqab.<br />

Au Sahel, l’idée d’un dialogue avec les groupes extrémistes<br />

violents acquiert aujourd’hui une certaine crédibilité. Le pays<br />

des Maures est d’ailleurs fréquemment accusé d’avoir établi<br />

un accord tacite de non-agression avec les groupes terroristes,<br />

voire, selon les États-Unis, de verser plusieurs millions de dollars<br />

à AQMI afin d’éviter les enlèvements de touristes.<br />

contre l’extrémisme et l’immigration clandestine. Le président<br />

du Niger, Mohamed Bazoum, a conclu la conférence en déclarant<br />

que « si cet espace du Sahel est aujourd’hui le théâtre de ce<br />

drame, cela n’est tout simplement révélateur que du faible degré<br />

d’éducation des jeunes et de l’état de leur détresse sociale ».<br />

Un climat sécuritaire dégradé qui n’a pourtant pas contaminé<br />

la Mauritanie, lui permettant de se concentrer sur son<br />

développement encore bien incomplet. D’autant que le pays a<br />

désormais une nouvelle carte à jouer : le gaz offshore. Mandatée<br />

par le Sénégal et la Mauritanie, la société BP exploite<br />

un gigantesque gisement ultraprofond (à plus de 2 000 mètres<br />

sous le fond marin). Les réserves sont estimées à 1 400 milliards<br />

de m³ de gaz. Après de nombreux retards, le projet Grande Tortue<br />

doit démarrer en 2023 et pourrait permettre au pays de<br />

compter parmi les grands producteurs africains de gaz. ■<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>427</strong> – AVRIL 2022 45

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