Mon Entreprise 2/2022
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GESTION INTERGÉNÉRATIONNELLE<br />
Au cours des cinq prochaines<br />
années, l’entreprise de second<br />
œuvre et d’événementiel Lenzlinger<br />
Fils SA s’apprête à voir partir à<br />
la retraite dix titulaires de postes<br />
clés dans son lucratif département «Faux planchers».<br />
Pour Nicole Steiger, responsable du<br />
personnel, il est exclu de perdre du jour au<br />
lendemain le précieux savoir-faire accumulé<br />
par ces collaborateurs. «À la quantité de démarches<br />
à boucler dans un laps de temps très<br />
court s’ajoute une autre difficulté: aucune formation<br />
spécifique ne prépare à ces postes, si<br />
bien que les personnes embauchées doivent apprendre<br />
sur le tas», déclare-t-elle. Sa solution:<br />
des modèles flexibles de départ à la retraite.<br />
«Il est devenu courant pour nos employées et<br />
employés de rester liés à l’entreprise par un<br />
contrat à temps partiel, par exemple pour assurer<br />
le suivi de clients avec lesquels un lien<br />
privilégié a été noué ou pour gérer des aspects<br />
nécessitant des connaissances très pointues.<br />
Le passage de témoin s’effectue ainsi en douceur<br />
avec la jeune génération, qui dispose de<br />
quelques années pour se faire la main», observe-t-elle.<br />
Pour l’entreprise, ces solutions flexibles de<br />
départ à la retraite sont un excellent moyen<br />
d’assurer le transfert de compétences entre les<br />
collaborateurs de longue date et la relève, tout<br />
en palliant les difficultés croissantes à recruter<br />
du personnel qualifié, pénurie de spécialistes<br />
oblige.<br />
De plus en plus de retraités restent actifs<br />
Mais l’entreprise n’est pas la seule à y trouver<br />
son compte aux yeux de Nicole Steiger, qui<br />
constate que cette transition progressive vers la<br />
retraite, en lieu et place d’une rupture brutale,<br />
est appréciée par les salariés. «Ils se sentent encore<br />
utiles, conservent une mission et peuvent<br />
s’atteler sans précipitation à l’organisation de<br />
leur nouvelle vie», dit-elle. Elle estime que près<br />
de 80% des salariés de Lenzlinger Fils SA travaillent<br />
aujourd’hui au-delà de l’âge légal de la<br />
retraite.<br />
Ce pourcentage est certes plus élevé que la<br />
«Il est devenu<br />
courant<br />
pour nos<br />
employés et<br />
employées<br />
de rester liés<br />
à l’entreprise<br />
par un contrat<br />
à temps<br />
partiel.»<br />
Nicole Steiger, responsable du<br />
personnel, Lenzlinger Fils SA<br />
<strong>Mon</strong> <strong>Entreprise</strong><br />
Lenzlinger Fils SA, basée<br />
dans l’Oberland zurichois,<br />
est active dans les secteurs<br />
des faux planchers, des<br />
revêtements de sol, de la<br />
construction métallique et<br />
de la location de tentes et<br />
chapiteaux; elle exploite en<br />
outre trois stations-service<br />
dans la région. Depuis 1862,<br />
année de sa fondation, l’entreprise<br />
a vu se succéder à sa<br />
tête cinq générations de la<br />
même famille. Elle emploie<br />
aujourd’hui quelque 200 personnes.<br />
lenzlinger.ch<br />
moyenne suisse, mais la tendance générale<br />
dans le pays est à la hausse. Selon l’Office fédéral<br />
de la statistique (OFS), 17,8% des 65 à 74 ans<br />
(soit une personne sur six) étaient toujours présents<br />
sur le marché du travail en 2020, contre<br />
seulement 12% en 2005.<br />
«La population active est maintenant ouverte à<br />
l’idée de travailler plus longtemps», confirme<br />
Anina Hille, chercheuse en gestion intergénérationnelle<br />
à la Haute école de Lucerne. Et de<br />
se dire convaincue que le taux d’activité des seniors<br />
monterait en flèche si les modèles de travail<br />
flexibles devenaient la norme. Selon elle, les<br />
entreprises devraient laisser à leurs salariés davantage<br />
de latitude pour moduler leur activité<br />
professionnelle selon leurs besoins et l’équilibrer<br />
avec leur vie privée, par exemple en autorisant<br />
les congés sabbatiques ou le travail à temps<br />
partiel. «Les salariés conserveraient ainsi leur<br />
motivation intrinsèque et n’arriveraient pas à la<br />
retraite complètement épuisés», explique-t-elle.<br />
Faciliter le transfert de compétences grâce à<br />
la gestion intergénérationnelle<br />
Être à l’écoute des besoins du personnel et<br />
y répondre, voilà l’un des fondements de la<br />
gestion intergénérationnelle, qu’Anina Hille<br />
définit comme une démarche «qui amène les<br />
entreprises à se demander comment offrir des<br />
conditions de travail optimales aux diverses<br />
générations».<br />
Cette chargée de cours à la Haute école de Lucerne,<br />
qui mène depuis 2017 des recherches<br />
dans ce domaine, note que les PME qui, comme<br />
Lenzlinger Fils SA, prennent cette problématique<br />
à bras-le-corps sont encore rares. Mais<br />
elle s’attend à ce que les choses évoluent: «La<br />
pénurie de main-d’œuvre qualifiée frappe de<br />
plein fouet les PME, qui emploient les deux<br />
tiers des personnes salariées en Suisse. Elles ont<br />
donc tout intérêt à attirer vers elles les jeunes<br />
talents, mais aussi à conserver le savoir-faire<br />
des effectifs plus anciens afin qu’il puisse être<br />
transféré à la relève.»<br />
De fait, les baby-boomers nés dans les années<br />
1960 approchent de la retraite. Les plus de<br />
50 ans, qui formaient un quart de la popula-<br />
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02/<strong>2022</strong> 27<br />
<strong>Mon</strong> ENTREPRISE