Gouvernement de Abbas El Fassi - Maroc Hebdo International
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Yamina Benguigui, chevalier <strong>de</strong> la<br />
Légion d’honneur, <strong>de</strong>s Arts et <strong>de</strong>s Lettres<br />
et <strong>de</strong> l’Ordre national du mérite, n’en<br />
est pas à sa première consécration, elle<br />
dont l’ensemble <strong>de</strong> l’œuvre a été récompensé<br />
voilà 3 ans déjà, à Florence, par<br />
le Prix <strong>de</strong> la Paix. Mais la réalisatrice <strong>de</strong><br />
Plafond <strong>de</strong> verre/Les Défricheurs a travaillé<br />
dur avant <strong>de</strong> se retrouver sous les<br />
feux <strong>de</strong> la rampe. Cette native <strong>de</strong> Lyon,<br />
le 9 avril 1957, a débuté comme assistante<br />
<strong>de</strong> réalisation auprès <strong>de</strong> Jean-Daniel<br />
Pollet, qu’elle secon<strong>de</strong>ra pendant 4 ans,<br />
avant <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r, en compagnie <strong>de</strong> l’algérien<br />
Rachid Bouchareb (réalisateur<br />
d’ Indigènes) la société <strong>de</strong> production<br />
Bandits. Mais sa carrière a été réelle-<br />
Yamina dénonce<br />
une réalité crue,<br />
celle d’une discrimination<br />
raciale,<br />
sournoise et sans<br />
merci.<br />
ment propulsée à 41 ans, par son bouleversant<br />
Mémoires d’immigrés, un<br />
documentaire réalisé en 1998 pour le<br />
compte <strong>de</strong> Canal+ et narrant sous forme<br />
<strong>de</strong> témoignages les déchirements silencieux,<br />
entre exil, racisme et quête i<strong>de</strong>ntitaire,<br />
<strong>de</strong>s immigrés maghrébins en<br />
France <strong>de</strong> la première génération, souscitoyens,<br />
travailleurs <strong>de</strong> l’ombre et <strong>de</strong> la<br />
misère. Mémoires d’immigrés décrochera<br />
le 7 d’or du meilleur documentaire<br />
en France et le Gol<strong>de</strong>n Gate Award au<br />
Festival international du Film <strong>de</strong> San<br />
Francisco, en 1998.<br />
Dès lors, le chemin vers une brillante<br />
ascension dans le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la réalisation<br />
semble tout tracé pour la cinéaste<br />
beur. En 2000, avec le croustillant Jardin<br />
Parfumé, elle fait un petit clin d’œil à l’érotisme<br />
dans l’islam avant <strong>de</strong> retourner<br />
à son sujet <strong>de</strong> prédilection, l’immigration,<br />
l’enracinement et la mémoire.<br />
Plafond <strong>de</strong> verre/les Défricheurs , sorti<br />
le 11 janvier 2004, quelques semaines<br />
après les émeutes dans les banlieues<br />
françaises, fait un carton. Avec sa<br />
caméra, armée <strong>de</strong> ce professionnalisme<br />
<strong>de</strong>venu sa marque <strong>de</strong> fabrique, elle parvient<br />
à porter, sans sombrer dans le<br />
pathos ou la victimisation, un regard<br />
pertinent, juste et profondément humain<br />
sur les difficultés rencontrées par les<br />
jeunes diplômés français d’origine étrangère<br />
pour décrocher un emploi.<br />
Une réalité crue, celle d’une discrimination<br />
raciale, sournoise et sans merci,<br />
à l’égard <strong>de</strong> ses propres enfants, jetée à<br />
la figure hypocrite <strong>de</strong> la France bienséante,<br />
la France <strong>de</strong> la Déclaration universelle<br />
<strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’Homme.<br />
Commentant son film sur Jeune Afrique,<br />
elle dira «Ce film permet <strong>de</strong> sortir du<br />
discours type “ce sont tous <strong>de</strong>s délinquants,<br />
il n’y a que <strong>de</strong> la racaille”. La<br />
France (…) n’a toujours pas digéré son<br />
histoire coloniale (…) Einstein disait<br />
qu’il est plus facile <strong>de</strong> désintégrer un<br />
atome qu’un préjugé…»<br />
Actuellement, Yamina Benguigui planche<br />
sur son prochain long-métrage Le<br />
Paradis, c’est complet, qui évoque avec<br />
une pointe d’humour le manque <strong>de</strong> place<br />
dans les cimetières <strong>de</strong> l’Hexagone pour<br />
les morts musulmans (les cimetières<br />
français ne comptent à ce jour que 60<br />
carrés musulmans).<br />
C’est dire tous les préjugés et tabous<br />
<strong>Maroc</strong> <strong>Hebdo</strong> <strong>International</strong> N° 763 du 19 au 25 Octobre 2007<br />
que la beurette Yamina a réussi à désintégrer!<br />
Aujourd’hui, preuve s’il en faut <strong>de</strong> son<br />
“intégration totale”, Yamina Benguigui<br />
fait partie <strong>de</strong>s visages familiers <strong>de</strong> la<br />
presse people française. Sur les clichés<br />
<strong>de</strong> Voici ou <strong>de</strong> Paris Match, comme<br />
dans la vie <strong>de</strong> tous les jours, à 50 ans,<br />
elle en fait dix <strong>de</strong> moins. Crinière couleur<br />
d’ébène, grands yeux bruns soulignés<br />
au khôl, sourire ivoire et traits lissés,<br />
elle rayonne, beauté orientale mûre<br />
et sereine. Toujours impeccable dans<br />
Yamina Benguigui en compagnie d’Isabelle Adjani et Nicolas Sarkozy.<br />
ses tailleurs signés, esthète jusqu’au<br />
bout, raffinée dans ses gestes, pondérée<br />
dans ses propos, Yamina Benguigui a<br />
<strong>de</strong> la classe, assurément. <strong>El</strong>le représente<br />
cette génération pionnière d’Arabo-<br />
Musulmanes instruites <strong>de</strong>s len<strong>de</strong>mains<br />
<strong>de</strong> la colonisation, femmes d’arts, <strong>de</strong><br />
lettres ou <strong>de</strong> sciences. Travailleuses<br />
acharnées et militantes discrètes, a<strong>de</strong>ptes<br />
<strong>de</strong> l’égalité et porte-fanion d’une<br />
délicieuse féminité, à la fois ouvertes<br />
au mon<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rne et viscéralement<br />
attachées à leurs racines.<br />
Yamina Benguigui a admirablement<br />
ouvert la voie “du docu” et du 7ème art<br />
français aux générations <strong>de</strong> beurs et <strong>de</strong><br />
beurettes à venir. Rien que ça. ❏<br />
Mouna Izddine<br />
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© Ph.DR