AFRICAN
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B<br />
L’impact des modalités<br />
d’allocation des ressources<br />
dans les mécanismes<br />
d’exemption sur l’équité :<br />
Plan Sésame, Sénégal<br />
Maymouna Ba, i Fahdi Dkhimi, ii Alfred Ndiaye i<br />
Auteur correspondant : Maymouna Ba, e-mail : bamaymouna@yahoo.fr<br />
RÉSUMÉ—La plupart des politiques d’exemption<br />
en Afrique subsaharienne se dotent de facto de<br />
modalités dites passives d’allocation de ressources.<br />
Le Plan Sésame – mécanisme d’exemption adopté<br />
au Sénégal en 2006 et ciblant les citoyens âgés de<br />
60 ans et plus – n’échappe pas à la règle : il se base<br />
sur le paiement à l’acte comme modalité d’achat<br />
de services. Ce texte a pour but d’explorer l’effet<br />
de cette modalité passive d’achat de services sur<br />
l’équité d’accès aux soins du Plan Sésame. Notre<br />
analyse se base sur une enquête menée au Sénégal<br />
entre mai 2012 et juillet 2013. Une méthodologie<br />
mixte incluant une revue de documents de<br />
politiques, une analyse des détenteurs d’enjeux et<br />
une enquête-ménage a été utilisée. Les résultats<br />
montrent que le Plan Sésame est caractérisé par<br />
un financement hybride, lequel a favorisé les<br />
personnes âgées évoluant dans le secteur formel<br />
qui ont un meilleur accès aux hôpitaux. Ceux-ci ont<br />
donc capté une grande partie des budgets alloués<br />
au Plan Sésame. En somme, les couches sociales les<br />
plus aisées et celles résidant en milieu urbain ont<br />
plus de chance d’accéder aux ressources du Plan<br />
Sésame.<br />
See page 72 for the summary in English.<br />
Ver a página 72 para o sumário em versão portuguese.<br />
Au début des années 2000, de<br />
plus en plus de pays à faibles ou<br />
moyens revenus se sont engagés<br />
dans des réformes de financement de<br />
la santé orientées vers des mécanismes<br />
de subventions ou d’exemption des<br />
paiements. 1,2,3 Ceux-ci ont ciblé certaines<br />
catégories dites vulnérables (femmes,<br />
enfants, personnes âgées, etc.) ou ont<br />
porté sur certains types de soins en raison<br />
de leur coût exorbitant (césarienne).<br />
Ces réformes sont sous-tendues par un<br />
paradigme d’équité développé au niveau<br />
international, paradigme découlant des<br />
barrières financières qui ont beaucoup<br />
réduit les recours aux soins pour<br />
les pauvres. 2<br />
Cependant, si de telles réformes ont<br />
entrainé une plus grande utilisation<br />
des services de santé, 4 elles n’ont<br />
paradoxalement pas eu un impact<br />
significatif sur l’accès aux soins pour les<br />
personnes pauvres. En effet, ces mesures<br />
peinent encore à réduire les inégalités<br />
économiques en termes d’accès aux soins. 3<br />
En somme, il existe d’autres facteurs liés<br />
à l’environnement social ou institutionnel<br />
de ces mécanismes et qui concourent à<br />
limiter leur portée, en désavantageant les<br />
populations qui en ont le plus besoin.<br />
La question du financement, notamment<br />
son insuffisance, est souvent présentée<br />
comme un élément déterminant des<br />
faibles performances de ces politiques<br />
d’exemption. 3,5 Le succès limité de<br />
ces mécanismes peut trouver aussi<br />
son explication dans les modalités de<br />
financement adoptées, dont l’impact réel<br />
est encore peu exploré. Cet article compte<br />
combler cette lacune. À partir d’une étude<br />
sur le Plan Sésame, mécanisme de gratuité<br />
des soins pour les personnes âgées mis en<br />
œuvre au Sénégal en 2006, il met le focus<br />
sur les formes d’allocations des ressources<br />
et ses effets sur l’accès équitable aux<br />
services proposés.<br />
Méthodologie<br />
Les résultats présentés ici s’appuient sur<br />
une analyse de documents (politiques<br />
nationales, documents de procédures,<br />
rapports d’évaluation, documents légaux :<br />
arrêtés, décrets, notes circulaires). Cette<br />
analyse de documents a été suivie d’une<br />
enquête qui a été conduite entre mars<br />
2012 et juillet 2013. Des entretiens ont<br />
été menés auprès de 54 acteurs de la santé<br />
de profils divers : décideurs, prestataires<br />
de soins, leaders d’associations et<br />
représentants d’organismes internationaux<br />
… Une enquête-ménage a été effectuée<br />
dans quatre sites sélectionnés de manière<br />
raisonnée. Ils correspondant à des régions<br />
administratives (Dakar, Diourbel, Matam<br />
et Tambacounda) et incluent des zones<br />
urbaines et rurales. L’échantillon, de type<br />
aléatoire proportionnel, est constitué de<br />
2 933 ménages comprenant chacun au<br />
moins une personne âgée. Cet effectif est<br />
réparti proportionnellement à l’effectif<br />
des personnes âgées résidant dans<br />
chaque site.<br />
Le traitement des données d’entretien<br />
a été fait avec le logiciel NVivo suivant<br />
la méthode de codage déductif. Les<br />
données quantitatives ont été analysées<br />
avec le logiciel SPSS (analyse régressive).<br />
Le recours à cet ensemble de méthodes<br />
mixtes nous a permis de retracer les<br />
flux financiers, puis d’analyser, à partir<br />
des discours des détenteurs d’enjeux,<br />
les raisons liées au choix du mode de<br />
financement, et enfin, d’évaluer l’équité<br />
i Centre de recherche sur les politiques sociales, Dakar, Sénégal<br />
ii Institut de Médecine Tropicale, Anvers, Belgique ISSUE 20 • SPECIAL ISSUE ON UNIVERSAL HEALTH COVERAGE 63