LA BALLADE DU PÈRE GASTON Corinne Tisserand-Simon
Par un beau matin d’avril, Rose sortit de la maison du Maître, t<strong>en</strong>ant la lessiveuse <strong>en</strong> fonte à bout de bras. Malgré la vigueur de ses vingt ans, il lui fallut produire un effort dont elle ne se serait pas crue capable, pour déposer sa charge dans la carriole du père Gaston. Haletante, elle grimpa à côté de la lessiveuse. Le fouet claqua. Le cheval partit. Rose haletait <strong>en</strong>core. Son œil de biche virait au « noir-nuit-d’orage ». Le cheval, surnommé Pompon, h<strong>en</strong>nissait dans l’air frais du matin. Le père Gaston souriait, se retournant de temps <strong>en</strong> temps. Il regardait Rose et sa lessiveuse d’un air gogu<strong>en</strong>ard. Pompon amorça le virage de Saint Sever, sur la route de Mugron lorsque le Père Gaston lui intima l’ordre de s’arrêter séance t<strong>en</strong>ante. Pompon s’exécuta. Il stoppa sa course si brusquem<strong>en</strong>t que la carriole versa. Le couvercle de la lessiveuse sauta, éclaboussant les bras de Rose qui hurla de douleur. Affolé, le Père Gaston tira Rose par les jambes et la fit choir sur le talus herbeux. -Hé, ma fille, ma pauv’ fille, t’es b<strong>en</strong> arrangée comme ça... Le Père Gaston était connu dans tout le pays pour son grand cœur et sa compassion <strong>en</strong>vers ses semblables -surtout pour sa semblable-. Ainsi l’occasion fut-elle trop belle : Gaston compta furieusem<strong>en</strong>t fleurette à Rose... Leur corps-à-corps fut bestial. Rose hurlait et pleurait. Gaston besognait. Pompon soufflait. Et le Père Gaston : -Hé, ma fille, ma pauv’ fille, t’es b<strong>en</strong> arrangée comme ça... Gaston redressa la carriole. Il empoigna la lessiveuse, y <strong>en</strong>fourna le linge <strong>en</strong>core fumant et désormais souillé. Il tira Rose par les deux bras, la hissa dans la carriole, et regagna sa place. Il fouetta Pompon et se mit <strong>en</strong> route pour Montfort-<strong>en</strong>-Chalosse. Un quart d’heure plus tard, ce glorieux équipage <strong>en</strong>tra triomphalem<strong>en</strong>t dans le village. Rose hurlait toujours. Elle gesticulait, jetant bras et jambes <strong>en</strong> l’air. Les passants se retournai<strong>en</strong>t au passage de la carriole et regardai<strong>en</strong>t Rose avec perplexité et le père Gaston avec colère. -Vous... vous avez vu, c’est la Rose de Saint-Sever. On dit que son maître la favorise... -Oh, si y avait qu’lui.... Y paraît qu’elle est cul par-dessus tête tous les jours de la semaine. -Vas-tu te taire, bougre-de-ri<strong>en</strong> ? -Ha, tais-toi, la mère -Mais, c’est l’Gaston qui la trimballe... -Oh, si y faisait que la trimballer...(Rires) -Ouais, j’sais b<strong>en</strong> c’que j’lui ferai, moi, à la Rose. D’ailleurs, si ça s’trouve, il a b<strong>en</strong> fait c’qui devait y faire. C’est pour ça qu’elle gueule comme un veau. -Ah, vous, les bonshommes, vous n’avez qu’ça dans la tête. C’est tout juste si vous vous redressez sur vos deux pattes pour <strong>en</strong>granger le foin. -Pour sûr, que j’l’<strong>en</strong>grange, le foin. Si tu m’crois pas, la mère, vi<strong>en</strong>s me voir. J’t ferai r<strong>en</strong>ifler le foin... La mère lui flanqua une gifle sonore. - Ah la vache... La mère s’éloigna mi-colère, mi-riante, emportant sa lessiveuse et ses battoirs sur son petit chariot à roulettes. Elle traversa orgueilleusem<strong>en</strong>t la place, tourna à sa droite, et s’<strong>en</strong>gouffra dans le lacis de branches
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