L.ART en LOIRE 11

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Mahrk GOTIE Le principe de causalité Universellement admis, le principe de causalité est utilisé dans la vie de tous les jours. A priori irréfutable, les conséquences de son application sont multiples. De ce principe découlent toute une vision du monde, des croyances, des valeurs. À travers ce texte, nous exposerons la thèse suivante : appliqué rigoureusement, le principe de causalité s’autodétruit et révèle l’absurdité de l’univers. Le principe de causalité entretient une relation étroite avec le concept de Temps. Son application dépend même de la notion d’événement. Un événement est un fait ou un ensemble de faits se produisant dans une période temporelle déterminée. Autrement dit : il s’agit d’une construction mentale. En effet, l’événement ne possède pas de réalité objective car le temps ne s’arrête jamais. On définit subjectivement un début et une fin sur l’axe temporel linéaire. Grâce à cette coupure, il est possible de définir une cause responsable d’effets donnés. Les scientifiques qui réalisent des expériences en laboratoire afin d’analyser des phénomènes quantiques ont découvert que l’observation influence les résultats des tests sans considérer qu’ils font également partie des tests ! La préparation et l’analyse de l’expérience font partie intégrante de l’expérience parce que le temps ne s’interrompt pas : il est interrompu arbitrairement pour des raisons pratiques. Ainsi, l’utilisation du principe de causalité dans la vie quotidienne ou dans un contexte de recherche scientifique contient déjà en lui-même une part de subjectivité, un jugement. Pourtant, il n’est pas question ici de nier l’existence de ce principe mais d’anéantir sa pertinence en le plaçant en corrélation avec le concept de Temps.
Simplifions : comme l’axe temporel linéaire ne s’interrompt jamais (ce sera uniquement le cas lors de la disparition de l’univers!) la chaîne des causes et des effets ne s’interrompt jamais non plus. Une cause A engendre des effets B, C, D qui à leur tour engendrent des effets F, G, H, I, J, K, qui engendrent ensuite des effets M, N, O, etc. Donc la cause A peut potentiellement engendrer un nombre illimité d’effets sur une durée suffisamment longue. En utilisant le principe de causalité jusqu’à son extrême limite, on en révèle l’absurdité intrinsèque. Notre conception de la causalité est fondamentalement erronée et ne s’applique que selon nos conventions, nos délimitations arbitraires de la temporalité. Appliqué rigoureusement, le principe de causalité s’autodétruit car sur l’axe temporel, toutes les causes sont toujours également des effets provoqués par une cause antérieure, liminaire, même si celleci demeure inaccessible à l’entendement humain. Objectivement, aucune cause n’est déjà plus une cause en soi. Elle s’avère toujours la conséquence d’une cause plus ancienne. Pour illustrer l’absurdité flagrante de ce principe, appliquons-le à nos propres vies : les explications de ce qui passe dans nos existences individuelles proviennent potentiellement d’un passé séculaire ! Peu importe ce que tu fais, tu es déjà entièrement un effet d’une cause plus ancienne, un rouage dans un ensemble plus complexe qui t’englobe et te dépasse ; et les conséquences définitives de tes actes n’apparaîtront peut-être que des décennies après ta disparition. Les raisons qui poussent l’humanité à renier l’absurdité de la causalité semblent évidentes : de ce principe dépendent toute une vision du monde, pratiquement la base commune d’une civilisation. L’anéantissement du principe de causalité nous amène nécessairement à nous interroger sur des notions fondamentales, comme par exemple la responsabilité. Dans quelle mesure suis-je responsable de mes actes si mon existence entière n’est que la somme des effets engendrés par des causes lointaines et inaccessibles ? La causalité annihilée met en relief la question du sens de nos vies. L’être humain considère comme une évidence que son existence évolue au-dessus du stade primitif de l’animalité. Notre existence ne doit pas être qu’un phénomène biologique, elle doit également posséder du sens, une valeur, contrairement à celle des animaux. Qui se demande sérieusement quel sens peut-on attribuer à tel ou tel événement de la vie de telle ou telle grenouille ? Pourtant, appliqué à un individu particulier, à quelqu’un que nous connaissons voire à nous-mêmes, la même question semble légitime. Sans causes premières identifiables qui engendrent potentiellement des effets infinis, nos actes et nos vies apparaissent comme les parties d’un Tout, un nœud indémêlable de phénomènes qui éradiquent le sens et la portée. Si tout est lié, alors le sens individuel demeure fatalement inaccessible à l’esprit humain. Ainsi, l’application rigoureuse du principe de causalité se révèle si complexe qu’elle en devient absurde.
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L.ART en LOIRE #11 juin 2016
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