L.ART en LOIRE 11
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Nous le frottons de c<strong>en</strong>t manières ;<br />
Et les échos s’<strong>en</strong> vont chantant,<br />
Pan pan pan pan pan pan pan pan<br />
Que de propos joyeusem<strong>en</strong>t<br />
Survol<strong>en</strong>t toujours la rivière<br />
Pour que le linge vi<strong>en</strong>ne blanc ;<br />
Nous le frottons de c<strong>en</strong>t manières.<br />
Les langues s’<strong>en</strong> vont tambour battant.<br />
Pan pan pan pan pan pan pan pan<br />
Mais n’allez pas injustem<strong>en</strong>t<br />
P<strong>en</strong>ser trop de mal des lavandières;<br />
Ce n’est que pour passer le temps<br />
Qu’on jase au bord de la rivière,<br />
Autant emportera le v<strong>en</strong>t.<br />
Pan pan pan pan pan pan pan pan 1<br />
Solange, une vieille paysanne revêche<br />
frappa la surface de l’eau à l’aide d’un lourd<br />
drap blanc. Toute l’assemblée fut éclaboussée.<br />
Le chant s’arrêta brusquem<strong>en</strong>t. Solange,<br />
les yeux exorbités, gesticulait. D’une voix<br />
caverneuse, telle une sorcière, ordonna aux<br />
autres de se tair<strong>en</strong>t.<br />
- Soyez mille fois maudites ! Par vos chants<br />
impies, vous allez chercher l’homme fou<br />
qui vous rossera. Il apportera malédiction<br />
et désolation sur chacune d’<strong>en</strong>tre vous !<br />
Honte à vous ! Honte à vous !<br />
À peine avait-elle fini de parler qu’un rire<br />
énorme et m<strong>en</strong>açant emplit l’air.<br />
Toutes se figèr<strong>en</strong>t :<br />
Au pied de l’escalier de pierre se t<strong>en</strong>ait le<br />
père Gaston, la mine particulièrem<strong>en</strong>t rougeaude.<br />
Il avait bu son litron quotidi<strong>en</strong>, et<br />
probablem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> d’avantage.<br />
- Hé, hé, hé, mes toutes belles ! z’avez app’lé<br />
le malin, mes mignonnes. Eh bi<strong>en</strong>, le voici !<br />
Il voulut courir après les femmes les plus<br />
proches, mais il chancela et vint s’aplatir<br />
dans la boue, face contre terre.<br />
Les femmes se mir<strong>en</strong>t à rire, toutes <strong>en</strong>semble.<br />
- J’vins chercher ma Rose, beugla le vieil<br />
homme. J’l’ai prise ce matin, et c’est ma<br />
femme. Où que t’es, ma femelle ?<br />
Brusquem<strong>en</strong>t, le sil<strong>en</strong>ce se fit.<br />
La Mère s’avança, le visage fermé, les yeux<br />
durs, le battoir à la main :<br />
- Qui que t’as dis, là, Gaston ?<br />
La mère se t<strong>en</strong>ait, sévère devant le vieillard.<br />
Gaston, toujours à plat v<strong>en</strong>tre dans la boue,<br />
releva la tête, la regarda.<br />
- J’veux ma Rose !<br />
- Elle est pas à toi, la Rose, vieux cochon !<br />
- Si. Elle est à moi ! j’veux la Rose ! C’est ma<br />
rose à moi !<br />
Gaston se remit péniblem<strong>en</strong>t debout. Il regarda<br />
la foule d’un oeil torve, et fonça droit<br />
devant lui. Les femmes s’écartèr<strong>en</strong>t, lui<br />
laissant le champ libre.<br />
La mère, souriante, fit un clin d’oeil à Rose<br />
et alla chercher le drap <strong>en</strong> lin qu’elle avait<br />
abandonné dans l’eau quelques instants<br />
plus tôt, et comm<strong>en</strong>ça à l’essorer. Rose<br />
comprit tout de suite le dessein de la mère<br />
et vint lui prêter main-forte. Elles tordir<strong>en</strong>t si<br />
fort le drap, qu’il ne tarda pas à ressembler<br />
à une corde noueuse. Elles le retrempèr<strong>en</strong>t<br />
dans l’eau pour qu’il soit dégoulinant et elles<br />
fouettèr<strong>en</strong>t Gaston avec <strong>en</strong>train, d’abord<br />
sur les jambes, puis les fesses, le buste, et<br />
<strong>en</strong>fin le visage.<br />
Les autres femmes battai<strong>en</strong>t des mains <strong>en</strong><br />
rythme.<br />
- Elles vont b<strong>en</strong> l’débarbouiller, l’Gaston !<br />
- Sûr qu’i sera moins couillu après ça !<br />
- J’veux ma Rose ! répéta le père Gaston<br />
- Eh tais-toi, t’es bourré comme coing, Tu