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L.ART en LOIRE 11

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pues l’bouc.<br />

- Oui, oui, tu pues l’bouc !! Crièr<strong>en</strong>t les<br />

femmes toutes <strong>en</strong>semble.<br />

La mère et Rose le prir<strong>en</strong>t par la ceinture<br />

et par le fond du pantalon, l’<strong>en</strong>fournèr<strong>en</strong>t<br />

tête la première dans la grande lessiveuse<br />

de la Germaine Blanchet. Rose fixa le couvercle<br />

et s’assit dessus. Elle se mit à fredonner,<br />

l’air dégagé.<br />

Une rigole <strong>en</strong> vieux chêneAu lavoir à même<br />

l’eau<br />

De la colline prochaine<br />

Où se ti<strong>en</strong>t caché l’écho<br />

Qui jase et babille<br />

Et redit tous nos lazzis ;<br />

Car nous lavons <strong>en</strong> famille<br />

Tout le linge du pays<br />

La margelle est une pierre<br />

Aussi lisse qu’un miroir ;<br />

Un vieux toit fourni le lierre<br />

Ti<strong>en</strong>t à l’abri de lavoir ;<br />

De l’iris les feuilles vives<br />

Y dard<strong>en</strong>t leurs dards pointus ;<br />

Pour embaumer nos lessives,<br />

Sa racine a des vertus.<br />

La vieille branlant mâchoire,<br />

Qui se souvi<strong>en</strong>t de c<strong>en</strong>t ans,<br />

Conte aux jeunes quelque histoire<br />

Aussi vieille que le temps :<br />

C’est Satan qui se démène<br />

Dans le corps d’un vieux crapaud,<br />

Ou bi<strong>en</strong> c’est quelqu’âme <strong>en</strong> peine<br />

Qui, la nuit, vi<strong>en</strong>t troubler l’eau.<br />

Tout <strong>en</strong> jasant, la sorcière<br />

Tord son linge à tour de bras ;<br />

Auprès fume une chaudière,<br />

C’est comme un anci<strong>en</strong> sabbat.<br />

Mais dans un coin la fillette<br />

Qui veut plaire à son galant,<br />

Mire dans l’eau sa cornette,<br />

Sa ceinture et son bras blanc. 2<br />

- Malheureuse, ne sais-tu pas que la femme<br />

qui chante au lavoir aura un homme fou ?<br />

- Rose, att<strong>en</strong>tion à l’homme fou ! Att<strong>en</strong>tion<br />

à l’homme fou !<br />

- Ne vous inquiétez pas, il rôtit <strong>en</strong> <strong>en</strong>fer<br />

sous mon derrière !<br />

Peu à peu, les femmes se remir<strong>en</strong>t au travail.<br />

À g<strong>en</strong>oux, elles savonnai<strong>en</strong>t, battai<strong>en</strong>t,<br />

frottai<strong>en</strong>t, rinçai<strong>en</strong>t le linge, et <strong>en</strong>fin elles le<br />

tordai<strong>en</strong>t afin de pouvoir l’ét<strong>en</strong>dre sur les<br />

haies et les prairies <strong>en</strong>vironnantes.<br />

- Att<strong>en</strong>tion ! Cria la Solange, Faut tordre<br />

tous les draps dans l’ mêm’s<strong>en</strong>s, sinon on<br />

aura le mauvais œil !<br />

- Tu veux dire que l’Gaston va sauter de sa<br />

lessiveuse comme l’diable de sa boîte ? !<br />

- Oh non, y’a pas d’risques. Tant que la Rose<br />

le couve...<br />

- Faudrait voir à c’qu’ils nous fass<strong>en</strong>t pas de<br />

p’tits, c’est deux-là ...<br />

- Je sais pas, mais... Eh bé, <strong>en</strong> att<strong>en</strong>dant, la<br />

Rose, elle fait pas son linge ! fit Justine, la<br />

servante du château de Montfort.<br />

- Hé b<strong>en</strong> c’est pas moi qui lui f’rai !!! L’avait<br />

qu’a pas niqué avec le père Gaston !<br />

- Dis pas ça, ma fille, s’exclama la mère,<br />

c’était pas b<strong>en</strong> plaisant pour elle !<br />

- On dit, ça, on dit ça ! J’parie qu’elle a aimé,<br />

elle !<br />

Rose fronça les sourcils, prit son battoir et<br />

fonça sur Justine. Une seconde plus tard,<br />

Solange s’assit sur la lessiveuse où était<br />

<strong>en</strong>fermé Gaston. Les jambes écartées, les<br />

coudes sur les g<strong>en</strong>oux, le m<strong>en</strong>ton dans la<br />

paume des mains, elle regardait Rose et<br />

Justine avec jubilation.<br />

Rose frappa Justine au visage avec son battoir,<br />

lui écrasant le nez qui se mit à saigner.<br />

De l’autre main, elle empoigna le chignon<br />

de Justine et elle tira de toutes ses forces<br />

<strong>en</strong> la traitant de putain et de salope. Justine<br />

mordit la joue de Rose jusqu’au sang et<br />

voulut lui crever l’œil. Bras et jambes s’emmêlèr<strong>en</strong>t<br />

de telle façon qu’on ne pouvait

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