L.ART en LOIRE 11

#TAKEMEANYWHERE
ou la traversée de l’Amérique
Depuis le 23 mai 2016, les artistes Shia Labeouf, Nastja Sade Rönkkö et Luke Turner
sont partis en vadrouille à travers les USA.
Le projet, sur une durée d’un mois, allant du 23 mai au 23 juin, propose à toute personne
le souhaitant de les prendre en stop, et de les mener où bon lui semble.
Sous l’égide du Boulder Museum of
Contemporary Art et The Finnish Institute
in London, il bénéficie aussi du patronage
du Frame Contemporary Art Finland et du
magazine Vice. Cela lui a permis de faire
l’objet d’un site internet 1 , où tous, locaux ou
public international, peuvent suivre les déplacements
des artistes, sous forme d’un
trajet se dessinant sur une carte de type
google maps.
Cette performance, très dynamique, permet
aux habitants des USA d’y participer,
un autre exemple de la fusion entre vie en
ligne, et vie « réelle ». En effet, pour savoir
où prendre en stop les artistes, les volontaires
doivent suivre le site, les comptes
Facebook et Twitter des artistes, et récupérer
les données GPS.
Ce que cette performance a d’intéressant
dans sa partie physique est qu’elle met
en jeu la question des relations sociales à
l’époque d’internet, la problématique de la
confiance, et une forme aussi de naïveté.
Car qu’est-ce que l’auto-stop, si ce n’est
une foi absolue dans l’autre, une abolition
du danger, pourtant présent (et qui a valu
d’ailleurs son déclin à ce mode de déplacement)?
L’auto-stop est un moyen de transport
très libre, peu cher, bien à l’image des
mythes fondateurs (blancs) des USA. Une
forme cheap de conquête de l’espace, et
de dépassement de la « frontière ». Une
autre forme aussi de solidarité entre inconnus.
L’auto-stop renvoie de même à cette
image du migrant intra-national, qui du jour
au lendemain, abandonnait tout pour se reconstruire
une nouvelle vie ailleurs.
Cette performance peut aussi se placer
dans le prolongement du film American
Honey, où la jeune héroïne, croisant la route
d’une bande de jeunes vendeurs itinérants
de magazines, prend du jour au lendemain
la route pour vivre avec eux, et de ce fait,
traverse tous les USA.
Cette performance sur la création de liens
sociaux, voire émotionnels, est très intéressante
à suivre au travers des selfies, postés
sur les réseaux sociaux, et ce d’autant plus,
en ces temps de solitude sociale profonde.
En effet, notre époque se caractérise par
la multiplication des personnes seules, de
tous âges, de toute condition : malades du
sida, mères célibataires, voisins ayant quitté
leur ville d’origine pour trouver du travail,
handicapés, divorcés, veufs ou veuves
du troisième âge,… Les foyers constitués
d’une seule personne se multiplient. La solitude
explose. On accuse internet, même
si ce mouvement en réalité ce mouvement
a surtout été amplifié, voire généré par la
télévision, qui a enfermé les gens chez eux.