L.ART en LOIRE 11
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f<strong>en</strong>êtres regardait passer un homme courir <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t nu ! Enfin, comme c’était Noël,<br />
il y avait un grand sapin dressé dans la pièce, les branches poudrées de blanc, au bout<br />
desquelles une flopée de petits lampions <strong>en</strong> forme d’accordéon, que Sonia avait peints<br />
<strong>en</strong> arg<strong>en</strong>t et <strong>en</strong> or, se balançait quand on soufflait dessus.<br />
Sonia, la bouche <strong>en</strong> rond de serviette, dans un halo de jaunes et de bleus, principaux<br />
composants de la lumière du jour, appuyée le dos à la f<strong>en</strong>être du séjour.<br />
Sonia prés<strong>en</strong>tant un énorme vatrouchka au fromage blanc parfumé au citron, farci de<br />
raisins secs, gros et rond comme une tourte géante, et décoré de croisillons.<br />
La table débarrassée sauf un magnum de Rémy Martin, REM---v.s. fine champ----<br />
au-dessus de la première étoile dorée brillant au premier tiers de l’étiquette. Deux verres<br />
sans pied, tour à facettes, col évasé, vides ou à demi plein selon qu’on doit devancer les<br />
t<strong>en</strong>tations par leurs contraires (et l’inverse) comme c’est écrit dans les Constitutions de<br />
la Compagnie de Jésus. Cinquante grammes de tabac <strong>en</strong>veloppés dans du papier d’aluminium<br />
év<strong>en</strong>tré sur la table recouverte d’une toile cirée à carreaux, r<strong>en</strong>dant les mêmes<br />
jaunes verdâtres, reflets tritons et salamandres, que ceux causés par la bouteille de cognac<br />
(gr<strong>en</strong>ouille d’ambre à l’intérieur du verre opaque), sources de voluptés immatérielles.<br />
Sonia jetant son souti<strong>en</strong>-gorge dev<strong>en</strong>u inutile et le buste rejeté <strong>en</strong> arrière, le dos appuyé<br />
au dossier de la chaise, t<strong>en</strong>ant ses seins dans ses paumes avec l’air de dire tout un tas de<br />
mots incompréh<strong>en</strong>sibles. Au pied de la table, pêle-mêle sur un tapis à motifs <strong>en</strong>trecroisés<br />
de fleurs rouges et feuilles d’artichaut, chaussures, chemisier, caleçon, chaussettes,<br />
et un grand vêtem<strong>en</strong>t très blanc tranchant sur la paire de collants fumés serp<strong>en</strong>tant à<br />
ses côtés.<br />
Légèrem<strong>en</strong>t flou, comme certains plans chez R<strong>en</strong>oir ou chez Vermeer, « peindre flou<br />
» question de savoir si c’est le regard ou la main qui distingue : Sonia, près de la porte<br />
d’<strong>en</strong>trée déjà <strong>en</strong>trouverte, prête à dire quelque chose comme : « Ça va être dur ce soir<br />
sans toi !»<br />
Sonia… Sonia réelle ou Sonia rêvée ? Ou bi<strong>en</strong> les deux à la fois ? Écarts du même ordre<br />
que ceux qu’il y a posé <strong>en</strong>tre les deux versions du Tricheur de Georges de La Tour, le premier<br />
Tricheur à l’as de carreau et le second à l’as de trèfle, et d’autres changem<strong>en</strong>ts d’une<br />
toile à l’autre, infimes, expressions des quatre personnages (assis de droite à gauche autour<br />
d’une table, le profil de l’adolesc<strong>en</strong>t dupé, la grosse femme blanche de face glissant<br />
vers la servante seule debout et le sombre tricheur de biais) couleurs des vêtem<strong>en</strong>ts,<br />
accessoires, rubans, aigrette.<br />
Sonia…