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Louis Cretey<br />
Lyon 1630/1637 – après 1709<br />
Saint Jérôme en conversation avec <strong>de</strong>s moines dans un paysage<br />
Huile sur toile<br />
72,6 x 97 cm (28 1 /2 x 38 3 /16 in.)<br />
Provenance<br />
Colnaghi, Londres, vers 1960 ; Everett Fahy, New York.<br />
Bibliographie<br />
Richard Cocke, Pier Francesco Mola, Oxford University,<br />
1972, p. 67.<br />
Ce tableau inédit vient compléter l’œuvre <strong>de</strong> Louis<br />
Cretey, artiste phare <strong>de</strong> Lyon, d’abord redécouvert par<br />
Gilles Chomer, Lucie Galactéros et Pierre Rosenberg,<br />
puis plus largement dévoilé lors <strong>de</strong> l’exposition qui lui a<br />
été consacrée en 2010 dans sa ville natale. Fils et frère<br />
<strong>de</strong> peintre, Louis Cretey partage sa vie entre Lyon, où il<br />
revient régulièrement pour ses affaires <strong>de</strong> famille ou pour<br />
réaliser <strong>de</strong>s décors comme ceux du réfectoire du palais<br />
Saint-Pierre, et l’Italie, principalement Rome. On retient<br />
<strong>de</strong> Cretey son intérêt pour le paysage et ses personnages<br />
étranges, au nez pointu et au physique archaïque,<br />
rappelant <strong>de</strong>s batraciens, couverts <strong>de</strong> drapés qui flottent <strong>de</strong><br />
manière anguleuse autour d’eux. Parmi les sujets favoris<br />
du peintre, la vie érémitique et les anachorètes dans <strong>de</strong>s<br />
paysages figurent en bonne place. Il s’agit ici <strong>de</strong> saint<br />
Jérôme <strong>de</strong> Stridon (347-420) qui vécut en ascète dans<br />
sa jeunesse avant d’être ordonné prêtre à Antioche et <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>venir le secrétaire du pape Damase I er , lequel l’engagea<br />
pour traduire la Bible. Il fonda ensuite un monastère à<br />
Bethléem et se consacra à la traduction en latin la plus<br />
fidèle qui soit <strong>de</strong> l’Ancien et du Nouveau Testament. Son<br />
œuvre, la Vulgate, sera communément utilisée à partir du<br />
xiii e siècle et, lui-même, <strong>de</strong>venu père et docteur <strong>de</strong> l’église,<br />
sera fréquemment représenté par les peintres.<br />
Dans un paysage d’une <strong>de</strong>nsité extraordinaire, saint<br />
Jérôme est assis, adossé à la souche d’un arbre tombé,<br />
tenant à la main les textes sacrés auxquels il a voué sa vie.<br />
Cretey se tient donc à la représentation conventionnelle<br />
du saint, qui associe les symboles <strong>de</strong>s différentes étapes <strong>de</strong><br />
son existence. Le simple drapé dont il est enveloppé fait<br />
allusion à l’expérience d’anachorète qu’il vécut, très jeune<br />
encore, dans le désert <strong>de</strong> Chalcis <strong>de</strong> Syrie, mais sa couleur<br />
pourpre rappelle les fonctions qu’il occupa auprès du pape<br />
Damase et qui furent assimilées à celles d’un cardinal.<br />
La présence <strong>de</strong>s moines et du bâtiment religieux à l’arrière<br />
évoque le monastère fondé par ses soins à Bethléem. Il est<br />
accompagné du lion auquel, selon la Légen<strong>de</strong> dorée <strong>de</strong><br />
Jacques <strong>de</strong> Voragine, il aurait ôté une douloureuse épine<br />
<strong>de</strong> la patte, transformant par ce geste l’animal sauvage en<br />
un inoffensif et fidèle compagnon. Symbole <strong>de</strong>s instincts<br />
et <strong>de</strong>s pulsions domptés, le lion serait en réalité celui <strong>de</strong><br />
saint Gérasime, ermite originaire <strong>de</strong> Lycie, contemporain<br />
<strong>de</strong> saint Jérôme et avec lequel Jacques <strong>de</strong> Voragine a pu le<br />
confondre.<br />
Le saint appelle <strong>de</strong> son in<strong>de</strong>x droit les moines qui émergent<br />
<strong>de</strong>s buissons et <strong>de</strong>s bosquets environnants. Cette proximité<br />
<strong>de</strong>s moines et <strong>de</strong>s religieux avec la nature – presque une<br />
symbiose – est une idée chère à Cretey qui l’exploite dans<br />
bon nombre <strong>de</strong> tableaux. Certains d’entre eux, très proches<br />
du nôtre, sont encore aujourd’hui attribués à Mola,<br />
notamment trois œuvres autrefois dans la collection Busiri<br />
Vici et une autre ayant appartenu à une collection privée<br />
suisse. Couchés sur <strong>de</strong>s rochers, accoudés à <strong>de</strong>s troncs,<br />
émergeant <strong>de</strong>s buissons, <strong>de</strong>s moines méditent, discutent,<br />
assistent à l’extase <strong>de</strong> leur gui<strong>de</strong> spirituel ou l’écoutent.<br />
Dans ces œuvres, le paysage – toujours extrêmement<br />
présent et expressif chez Cretey – <strong>de</strong>vient le centre <strong>de</strong> ses<br />
préoccupations artistiques. Et s’il est évi<strong>de</strong>nt qu’il connaît<br />
et regar<strong>de</strong> les modèles classiques du paysage en vogue à<br />
Rome au xvii e siècle, c’est bien son interprétation propre<br />
qu’il exprime, avec une perspective empirique, un sens<br />
assez extraordinaire <strong>de</strong> la texture et <strong>de</strong> l’humidité <strong>de</strong>s<br />
ombrages, <strong>de</strong>s mousses et <strong>de</strong>s feuillages. Contrairement<br />
au modèle romain du paysage, clair, ouvert et équilibré,<br />
proposé par Gaspard Dughet ou Jan van Bloemen, le<br />
modèle <strong>de</strong> Cretey est celui d’un paysage qui ne s’offre pas<br />
au premier regard mais se découvre au gré <strong>de</strong> ses différents<br />
étages ; un paysage <strong>de</strong> mystère et <strong>de</strong> contrastes lumineux,<br />
bouché, fermé au regard mais plein <strong>de</strong> palpitations et<br />
<strong>de</strong> frémissements. S’il se rapproche plus <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> Pier<br />
Francesco Mola, il en diffère néanmoins par cette tension<br />
constante entre le ciel, qu’il peint orageux, plombé ou<br />
très bleu mais rarement calme, et le sol, recouvert par une<br />
végétation omniprésente.<br />
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