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Barbara Regina Dietzsch<br />
Nuremberg 1706 – 1783<br />
Crocus ; Ipomée bleue<br />
Aquarelle et gouache sur vélin, bordé d’or<br />
290 x 210 mm (11 7 /16 x 8 1 /4 in.)<br />
Au cours <strong>de</strong>s xvi e et xvii e siècles, les progrès considérables<br />
effectués en matière d’optique et la découverte <strong>de</strong><br />
nombreuses nouvelles espèces animales et végétales<br />
ravivent l’intérêt pour le vivant. La tradition médiévale<br />
<strong>de</strong>s florilèges, qui rassemblaient <strong>de</strong>s images <strong>de</strong> plantes<br />
parfois plus artistiques que réalistes, revient au goût<br />
du jour. Mais, conformément à l’esprit rationnel qui se<br />
développe pour culminer au xviii e siècle, la <strong>de</strong>scription<br />
précise et la classification systématique concurrencent<br />
désormais la vision esthétisante. Grâce aux voyageurs<br />
naturalistes, les collections se développent ainsi que les<br />
publications décrivant les animaux, les minéraux et les<br />
végétaux. La ville <strong>de</strong> Nuremberg tient à cet égard une<br />
place si particulière qu’en 1841, dans son Histoire <strong>de</strong>s<br />
sciences naturelles, Georges Cuvier ne manquait pas<br />
d’écrire à propos <strong>de</strong> cette ville, souvent célébrée pour<br />
ses graveurs, qu’on y a « constamment fait <strong>de</strong>s figures<br />
d’histoire naturelle 1 ». Le naturaliste confesse tenir<br />
en haute estime les ouvrages qui y furent publiés au<br />
xviii e siècle, notamment ceux <strong>de</strong> Georg Wolfgang Knorr.<br />
Se forme alors à Nuremberg une véritable école <strong>de</strong><br />
peinture spécialisée dans les sciences naturelles et<br />
<strong>de</strong>stinée à fournir <strong>de</strong>s illustrations pour ces ouvrages.<br />
Le peintre August Joseph Rösel von Rosenhof et<br />
plusieurs <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la famille Dietzsch en sont<br />
les meilleurs exemples. Parmi ces <strong>de</strong>rniers, Barbara<br />
Regina, sa sœur Margaretha Barbara et son frère Johann<br />
Christoph sont les plus célèbres. Barbara Regina se<br />
distingue par l’exceptionnelle qualité <strong>de</strong> ses œuvres.<br />
D’une personnalité probablement plus indépendante,<br />
elle refusa le titre <strong>de</strong> peintre <strong>de</strong> cour et ne se maria pas.<br />
En réalité <strong>de</strong>stinées aux collectionneurs, ses gouaches<br />
doivent être placées en marge <strong>de</strong> la production<br />
illustrative. Cependant, elles furent <strong>de</strong> temps à autre<br />
utilisées par les éditeurs, à l’exemple <strong>de</strong> ses peintures<br />
d’oiseaux reproduites dans l’ouvrage <strong>de</strong> Adam<br />
Ludwig Wirsing, Sammlung leistens <strong>de</strong>utscher Vögel<br />
(Nuremberg, 1772-1777, 2 vol., 50 illustrations) ou <strong>de</strong><br />
certaines <strong>de</strong> ses peintures <strong>de</strong> fleurs publiées dans Hortus<br />
Nitidissimus <strong>de</strong> Jacob Trew (Nuremberg, 1750-1786).<br />
De même, Georg Wolfgang Knorr utilisa six <strong>de</strong> ses<br />
œuvres florales pour l’illustration <strong>de</strong> son Auserlesenes<br />
Blumen-Zeichenbuch für Frauenzimmer (Nuremberg,<br />
1740-1750), manuel <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssin <strong>de</strong> fleurs <strong>de</strong>stiné aux<br />
dames.<br />
Les peintures <strong>de</strong> fleurs <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la famille<br />
Dietzsch se déclinent quasiment toutes sur le même<br />
modèle. D’une taille st<strong>and</strong>ard, 29 x 21 ou 35 x 27 cm,<br />
exécutées à la gouache sur vélin, elles présentent les<br />
végétaux accompagnés d’insectes sur un fond noir,<br />
encadré par un fin filet d’or. Elles étaient <strong>de</strong>stinées<br />
à être vendues à <strong>de</strong>s collectionneurs amateurs <strong>de</strong><br />
botanique, en paire ou par groupe. Certains aimaient<br />
à les accumuler, les encadrant à touche-touche <strong>de</strong><br />
manière à produire l’effet d’un jardin d’intérieur. Les<br />
plus passionnés les associaient probablement dans leur<br />
cabinet aux minéraux, animaux et insectes <strong>de</strong> leurs<br />
collections. D’autres, enfin, préféraient les rassembler<br />
dans <strong>de</strong>s livres, se créant ainsi leurs propres florilèges,<br />
ce qui avait l’avantage <strong>de</strong> favoriser leur conservation.<br />
Ces gouaches, particulièrement recherchées et estimées<br />
à leur époque, savent mettre en valeur la beauté <strong>de</strong>s<br />
sujets sans sacrifier à la précision scientifique. Plantes<br />
et insectes sont peints avec une gr<strong>and</strong>e exactitu<strong>de</strong> et<br />
sont associés précisément ceux qui, dans la nature,<br />
entretiennent une relation mutualiste. Le fond noir<br />
permet <strong>de</strong> concentrer le regard et <strong>de</strong> favoriser l’étu<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> la plante. Mais, exaltant le velouté <strong>de</strong>s feuilles, le<br />
soyeux <strong>de</strong>s pétales et l’éclat <strong>de</strong>s couleurs, il semble<br />
aussi recueillir et protéger la fleur comme un écrin<br />
<strong>de</strong> velours noir son joyau. Glorifiant la beauté <strong>de</strong> la<br />
création, ces œuvres ont été rapprochées par Heindrun<br />
Ludwig 2 <strong>de</strong> la physico-théologie, alors rép<strong>and</strong>ue parmi<br />
les protestants en Allemagne. Cette pensée, très présente<br />
dans les discussions philosophiques <strong>de</strong> l’époque,<br />
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