Exchanging Medieval Material Culture Studies on archaeology and ...

La dotation funéraire des tombes dites de ‘chefs’
dans le Nord-Ouest de la Gaule du V e au VII e siècle
Laurent Verslype1
1 Introduction
Notre collègue et maître en bien des domaines Frans Verhaeghe,
mettant naguère la notion des grands échanges en perspective,
posa la question du caractère élitaire du marché de consommation
au haut Moyen Âge, conduisant: «d’ailleurs à se demander
s’il s’agissait dans tous les cas de commerce: une bonne
partie de la distribution des produits de luxe pouvait s’inscrire
dans le cadre des pratiques du troc, du cadeau diplomatique, ou
si l’on préfère, du don et du contre-don, fortement répandues
dans les populations germaniques et, plus spécialement, chez
leurs élites»2. Aujourd’hui, les progrès conjoints des recherches
archéologiques dans la sphère du vivant – les établissements
ruraux et le fait urbain dont notre collègue est un éminent spécialiste
– et de celles dévolues aux pratiques funéraires, autorisent
une lecture socio-économique de plus en plus nuancées.
«<strong>Material</strong> culture not only represents social relations but also
gives them form and content» , écrivait également Frans Th euws
il y a plus de quinze ans3. Comment en a-t-on distingué la
forme et le sens en considérant plus particulièrement la place
des individus promus – à nos yeux – par les sépultures4?
2 L’expression matérielle d’une singularité
individuelle ou communautaire
Un ‘vocabulaire’ formel standardisé caractérise les tenants du
pouvoir au coeur et à la périphérie des royaumes du nordouest
européen, tel que les sépultures en matérialisent l’ancrage
aux Ve et VIe siècle. Cette standardisation s’est nourrie
d’infl uences mutuelles entre Gallo-Romains et groupes allogènes
de l’Empire, entre royaumes contigus ensuite. Au sein
des communautés, des contextes mobiliers singularisent des
sépultures individuelles d’hommes, de femmes, de couples
très souvent aussi et, partant, de groupes familiaux tout entier.
Or, la richesse relative des assemblages mobiliers ainsi que les
1 Chercheur qualifi é du frs-fnrs.
2 Verhaeghe & Demolon 1993, 412.
3 Th euws 1991, 301.
4 Une version abrégée de ce document a été
publiée, depuis sa rédaction et dans l’attente de la
présente édition, dans: Verslype 2008b. Nous
tenons à remercier Patrick Périn, Directeur du
Musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-
303
dispositifs d’inhumation tels la disposition topographique et
l’aménagement de la sépulture, distinguent les individus en
vertu de l’équation admissible entre singularité de la dotation
et de l’environnement funéraires et position ou considération
de l’inhumé dans sa communauté. L’examen monographique
puis régional se fonde sur les écarts observés avec des standards
strictement matériels comme les dimensions, le volume,
la position et la complexité des structures d’inhumation, auxquels
s’additionnent des marqueurs liés à la mode et à la facture
des panoplies militaires, des parures vestimentaire et corporelle,
ainsi que du dépôt de services de vaisselle et d’équipements
domestiques.
3 Statut, origine, fortune et position sociale:
l’indispensable prudence critique
Ces facteurs dépendent de la position sociale individuelle de
l’inhumé, impossible à préciser telle sa fonction ou son statut,
et de sa considération par sa communauté, à commencer par sa
renommée et l’importance de sa famille soit des données plus
subjectives encore pour l’archéologue. Quoiqu’il en soit, ce
sont les choix des survivants qui confèrent in fi ne son importance
à la sépulture, justifi ée par la coutume. Indépendamment
de l’identifi cation d’un statut précis, a priori impossible sur les
seules bases archéologiques, la singularité d’une sépulture au
sein d’une ou d’un groupe de nécropoles et sa richesse relative
autorisent l’établissement d’une classifi cation hiérarchique
théorique et indicative, dans les limites soulignées par Alain
Dierkens en 1981: «Sur la base du mobilier funéraire – dont
les armes ne sont qu’un élément – ne sont possibles que des
déductions concernant le niveau de fortune, et non le statut
juridique du défunt ; certaines tombes pouvant toutefois être
rattachées avec certitude à l’aristocratie ou du moins aux classes
fortunées de la population»5. La qualité de la production
en-Laye, pour la relecture attentive du présent
texte, qui doit beaucoup à la teneur de ses études et
publications.
5 Dierkens 1981, 49.