versions - Ecole lacanienne de psychanalyse
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[L’ébauche] n’a pas abouti en tant que symbole d’une<br />
ré<strong>de</strong>mption ou d’une résurrection littéraire, <strong>de</strong> fait<br />
impossibles, mais elle perdure comme un succès<br />
thanatographique qui commence à faire soupçonner quelque<br />
chose <strong>de</strong> différent. D’où son aspect <strong>de</strong> tombeau interminable,<br />
brève ruine <strong>de</strong>s pouvoirs théurgiques du poète romantique. 3<br />
Pour sa part, Jean-Pierre Richard, dans l’introduction <strong>de</strong> Pour un<br />
tombeau d’Anatole 4 , estime que l’hésitation du poète entre <strong>de</strong>ux objets<br />
sépulcraux - d’une part la sépulture au cimetière, d’autre part le décor<br />
moins convenu <strong>de</strong> la chambre <strong>de</strong> l’enfant qui rendrait compte <strong>de</strong><br />
l’expérience concrète <strong>de</strong> l’absence – pourrait avoir contribué à<br />
l’impossibilité d’écrire l’œuvre :<br />
Cela signifie-t-il que Mallarmé eût en définitive sacrifié<br />
l’épiso<strong>de</strong> du cimetière, avec le <strong>de</strong>rnier et si important dialogue<br />
qu’il eût contenu entre le père vivant et le fils mort ? Il nous<br />
est difficile <strong>de</strong> le croire. Toute aussi fascinante que celle <strong>de</strong> la<br />
chambre vi<strong>de</strong> <strong>de</strong>meure en effet pour lui la réalité physique du<br />
tombeau. Le « tombeau » d’Anatole pouvait-il se construire en<br />
<strong>de</strong>hors <strong>de</strong> cette rêverie primordiale sur l’objet sépulcral que<br />
poursuit Mallarmé dès ses premiers écrits (…), qu’il<br />
développera à travers tant <strong>de</strong> poèmes explicites – tous les<br />
hommages funèbres, - et qu’il exprime aussi à travers <strong>de</strong> si<br />
nombreux et subtils déguisements ? La question reste posée 5 .<br />
Dans les célèbres sonnets que Mallarmé créa pour ses maîtres en<br />
poésie, Poe, Bau<strong>de</strong>laire et Verlaine, il est clair que s’établit une équivalence<br />
entre la forme poétique et le monument funéraire, qu’il s’agisse <strong>de</strong> la tombe<br />
<strong>de</strong> granit <strong>de</strong> l’Américain, du temple <strong>de</strong> marbre <strong>de</strong> Bau<strong>de</strong>laire, ou du noir roc<br />
courroucé <strong>de</strong> Verlaine : les titres sont là pour l’attester. De même, le nom<br />
<strong>de</strong>s poètes est-il inscrit sur le monument – au vers 11 invariablement : Dont<br />
la tombe <strong>de</strong> Poe éblouissante s’orne 6 / Contre le marbre vainement <strong>de</strong><br />
Bau<strong>de</strong>laire 7 / Verlaine ? Il est caché parmi l’herbe, Verlaine 8 . Souvent,<br />
3 Ibid., p. 154.<br />
4 Stéphane MALLARME, Pour un tombeau d’Anatole, Introduction et notes <strong>de</strong><br />
Jean-Pierre RICHARD, Paris : Le Seuil, 1961.<br />
5 Ibid., p.53-54.<br />
6 Stéphane MALLARME, Oeuvres complètes, Paris : Gallimard nrf, Collection La<br />
Pléïa<strong>de</strong>, 1945, p. 70.<br />
7 Ibid., p. 70.<br />
8 Ibid., p. 70.<br />
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