N° 251 3e Trimestre 2010 (Texte intégral) - Cercle Ernest Renan

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traductions des Premiers Analytiques d‟Aristote (et peut-être bien
des Seconds Analytiques) ainsi que de ses Arguments sophistiques et
des Topiques, sans parler d‟une série de traités fortement marqués
par l‟aristotélisme.
Bien que moins souvent cité, on ne peut négliger l‟importance de
Sénèque dans la formation des clercs du Moyen Âge. Ce serait en
lisant dans la LVIII e lettre à Lucilius la définition des Idées de
Platon, que Bernard de Chartres, mort vers 1125, serait devenu
platonicien 28 . Mais on pourrait multiplier facilement les exemples
tant ces lettres de Sénèque sont riches en aperçus sur les écoles
philosophiques grecques, et il en va d‟ailleurs de même avec les
lettres de Cicéron. Étaient aussi lues les Questions Naturelles de
Sénèque où sont recueillies de nombreuses hypothèses ou
découvertes scientifiques des Grecs, comme ces vues rationnelles sur
le tonnerre qui n‟est plus la manifestation de la colère d‟un dieu,
mais « le son produit par un air sec lors de la collision des nuages »,
ou dans le livre VII où il est question du monde et du système
solaire. Là, Sénèque pose la question de savoir si la terre tourne sur
elle-même et si finalement ce ne serait pas elle qui tournerait autour
du soleil et non le soleil et les planètes qui tourneraient autour de la
terre selon la vision héritée de Ptolémée (postérieur d‟un demi-siècle
à Sénèque mort en 65) et adoptée aussi bien par les chrétiens que les
musulmans. Plus loin il parle aussi de l‟effet grossissant des verres…
Mais plus encore que dans ces détails, c‟est par une pensée
résolument scientifique que Sénèque va exercer une influence
capitale sur le développement de la pensée médiévale, ce que résume
en une phrase lumineuse Pierre Hadot : « Sénèque a contribué de
manière importante à la formation de l‟idée de progrès scientifique
dans notre philosophie occidentale » (Voile d‟Isis, p. 178).
C‟est cette large connaissance de l‟Antiquité romaine et même
grecque qui a pu faire prononcer ce constat de Bernard de
Chartres29 : « Nous sommes comme des nains assis sur les épaules de
28 Si l‟on en croit Gilson, Philosophie, p. 260.
29 Cette célèbre citation qu‟on trouve dans plusieurs ouvrages sur la pensée
médiévale, a été conservée dans un traité polémique de l‟un des plus
brillants penseurs du XII e s., Alain de Lille (1128-1203), l‟Anti-Claudianus,
une somme poétique des Sept arts libéraux. Elle est aussi rapportée par Jean
de Salisbury, dans son Metalogicon.