N° 251 3e Trimestre 2010 (Texte intégral) - Cercle Ernest Renan
N° 251 3e Trimestre 2010 (Texte intégral) - Cercle Ernest Renan
N° 251 3e Trimestre 2010 (Texte intégral) - Cercle Ernest Renan
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
23<br />
géants. Nous voyons donc plus de choses que les Anciens et plus<br />
éloignées, non par la pénétration de notre propre vue… mais parce<br />
qu‟ils nous soulèvent et nous exhaussent de toute leur hauteur<br />
gigantesque. » Je dis bien l‟Antiquité grecque, car à travers les latins<br />
et les traductions littéraires du grec faites dès l‟époque romaine, les<br />
hommes et j‟ajouterai les femmes des classes cultivées au XII e<br />
siècle, connaissaient infiniment mieux les anciens Grecs qu‟aucun<br />
musulman. On sait que c‟était une lecture courante que celle du<br />
Roman de Thèbes, fondé en grande partie sur la Thébaïde de Stace,<br />
du Roman d‟Eneas, fondé notamment sur l‟Énéide, et du Roman de<br />
Troie de Benoît de Sainte-Maure. Si l‟on ajoute à cela l‟œuvre à peu<br />
près totale d‟Ovide si pratiquée dès la fin du XIe siècle au point<br />
qu‟on a pu appeler cette période et le siècle suivant l‟aetas ovidiana,<br />
on peut voir que tous les grands mythes grecs, tout ce que les Grecs<br />
eux-mêmes connaissaient par la lecture directe d‟Homère et les<br />
poètes tragiques athéniens, était familier aux hommes du Moyen Âge<br />
occidental, ce qui les mets nettement au-dessus des érudits<br />
musulmans qui n‟ont jamais fréquenté qu‟Aristote, les<br />
commentateurs de Platon et un néoplatonisme qu‟ils prenaient pour<br />
de l‟aristotélisme ou du platonisme.<br />
En revanche, l‟enseignement chez les musulmans est obéré par une<br />
étude prolongée du seul Coran, ce que confirme Ibn Khaldoun<br />
(Discours, trad. Vincent Monteil, Sindbad, 1978, T. II, pp. 898-<br />
899) : « La source (asl) de toutes les sciences traditionnelles, nous<br />
apprend-il, ce sont les prescriptions du Coran et de la Sunna – c‟està-dire<br />
de la Loi révélée par Dieu et Son Apôtre – ainsi que toutes les<br />
sciences connexes nécessaires à leur utilisation : c‟est le cas,<br />
notamment, de la philologie arabe, car l‟arabe est la langue de<br />
l‟islâm et de la Révélation coranique. Il y a un grand nombre de<br />
sciences traditionnelles, car c‟est le devoir de tout musulman,<br />
légalement capable, de connaître ses obligations religieuses. Cellesci<br />
sont tirées du Coran et de la Sunna, soit directement, soit d‟un<br />
commun accord, soit par “rattachement”. On commence donc par<br />
l‟étude textuelle du Coran, c‟est-à-dire par l‟exégèse (tafsîr). Ensuite,<br />
on examinera le Coran à deux points de vue… » Ayant posé ces<br />
principes, Ibn Khaldoun peut parler des sources du droit et de la<br />
jurisprudence qui se trouve précisément dans ces études coraniques.<br />
Toutes les pages qui suivent, consacrées à l‟exégèse et la lecture<br />
coraniques, révèlent combien ce texte du Coran était prégnant,