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Gnose et millénarisme - Marc Angenot

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dominées, orientées vers la transformation radicale de la réalité sociale<br />

existante <strong>et</strong> consacrant le caractère progressiste de ces classes montantes.<br />

(Ce que c<strong>et</strong>te conception de Mannheim doit à celle du «mythe» chez<br />

Georges Sorel est évident).<br />

La thèse du marxisme comme essentiellement une «utopie» étrangère à<br />

toute prévision positive sera reprise également dans les années 1920 par<br />

Henrik De Man dans son fameux <strong>et</strong> controversé Zur Psychologie des<br />

Sozialismus, re-titré en français Au delà du marxisme: «Le marxisme,<br />

concluait le théoricien belge, est lui-même ’utopique’ en ce qu’il fonde sa<br />

critique du présent sur une vision d’avenir qu’il souhaite d’après des<br />

principes juridiques <strong>et</strong> moraux».<br />

Hannah Arendt a écrit, il y a plus de cinquante ans, que nous, les modernes<br />

tardifs, allions devoir finalement apprendre à vivre «in the bitter realization<br />

that nothing has been promised to us, no Messianic Age, no classless soci<strong>et</strong>y, no<br />

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paradise after death». Elle épousait la vieille thèse illuministe de la foi<br />

religieuse condamnée à terme à disparaître qu’elle combinait à celle des<br />

«religions politiques», nommément du marxisme, ces substituts modernes<br />

des religions révélées ayant contribué au malheur du siècle, les<br />

messianismes <strong>et</strong> <strong>millénarisme</strong>s socialistes n’ayant été que l’avatar tardif<br />

d’une séculaire illusion dont l’humanité devait à tout prix finir par se<br />

désabuser — même si la lucidité finale devait lui être «amère» <strong>et</strong> pas<br />

seulement libératrice.<br />

Tout est ici: nous devrions apprendre à nous passer de promesses illusoires<br />

pour vivre. L’idée que poursuivait Arendt est celle du désenchantement<br />

comme nécessité éthique <strong>et</strong> comme ce lent <strong>et</strong> pénible processus historique<br />

entamé avec le scepticisme humaniste, libertin <strong>et</strong> «philosophique» à l’égard<br />

des religions révélées <strong>et</strong> qui allait devoir, quoi qu’on en ait, s’accomplir<br />

jusqu’au bout. Opposée au conservateur qu’était Vilfredo Par<strong>et</strong>o avec sa<br />

doctrine méprisante des religions, antiques ou modernes, chrétiennes ou<br />

socialistes, comme des impostures indispensables pour les masses, comme des<br />

illusions crédules collectives se succédant indéfiniment les unes aux autres,<br />

Hannah Arendt soutenait la thèse, disons stoïque, d’une dés-illusion<br />

19. The Origins of Totalitarianism. 3rd Edition. New York: Harcourt Brace Jovanovitch, 1968.<br />

[éd. orig.: 1951], 436.<br />

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