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UNIVERSITÀ DEGLI STUDI DI ROMA - Padis

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1<br />

<strong>UNIVERSITÀ</strong> <strong>DEGLI</strong> <strong>STU<strong>DI</strong></strong> <strong>DI</strong> <strong>ROMA</strong> “LA SAPIENZA”<br />

CIRPS - Centro Interuniversitario In Sviluppo Sostenibile<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT<br />

D’EMPOWERMENT DES<br />

COMMUNAUTÉS LOCALES DU SUD<br />

- RÉFLEXIONS SUR LA COOPÉRATION<br />

INTERNATIONALE AU DÉVELOPPEMENT<br />

THÈSE DE DOCTORAT<br />

DOCTORAT EN DÉVELOPPEMENT DURABLE ET<br />

COOPÉRATION INTERNATIONALE – Cycle 21 - 2009<br />

Directrice de thèse : Prof. Alessia Mariotti<br />

Dipartimento di Scienze Economiche, Università di Bologna<br />

Co-directeur : Andrea Micangeli, CIRPS, Università La Sapienza<br />

Candidate : Cécile Rousset<br />

Matricule : 81516063<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


RÉSUMÉ<br />

La problématique de la thèse s’articule autour des potentialités du tourisme<br />

communautaire comme moteur de développement des communautés locales du Sud,<br />

dans une optique d’empowerment apte à les faire sortir des logiques<br />

d’assistentialisme encore récurrentes au sein de l’aide au développement. Nous<br />

dépasserons la dichotomie tourisme de masse versus tourisme alternatif en essayant<br />

de réfléchir sur les potentialités du tourisme classique pour favoriser le<br />

développement local et mettre à jour les difficultés du tourisme alternatif dans cette<br />

besogne. En analysant les problèmes aussi bien théoriques que pratiques auxquels se<br />

confrontent les projets de tourisme communautaire, il sera possible d’identifier les<br />

bonnes pratiques permettant que le tourisme ne soit pas seulement source de<br />

croissance économique mais de développement local communautaire.<br />

Dans le cadre d’une réflexion complète sur l’empowerment, développer la thématique<br />

politique en se focalisant sur le rôle sociopolitique du tourisme au sein d’un monde<br />

globalisé, s’est révélé incontournable pour clore et recontextualiser le débat dans un<br />

monde post-moderne.<br />

Mots-clés : tourisme communautaire, empowerment, développement,<br />

coopération internationale, politique, commercialisation.<br />

2


REMERCIEMENTS<br />

Au long de ce parcours du combattant qui est un doctorat, certains soutiens<br />

sont essentiels pour surpasser les moments de doute, de découragement, de remise<br />

en question. Les premières personnes vers qui mon esprit se tourne instantanément<br />

en pensant aux remerciements, sont sans hésiter mes parents, m’ayant porté un<br />

soutien inconditionnel. Dans cette vie nomade qui m’a caractérisée particulièrement<br />

lors de ces trois dernières années, ils m’ont soutenue dans tous les instants et donné<br />

la force et l’équilibre indispensable nécessaires pour s’engager dans une vie de<br />

coopérants et d’expatriés. Ils ont également constitué de précieux touristes « test » à<br />

de maintes occasions, toujours curieux et enthousiastes.<br />

Massimo, mi sei stato vicino nei momenti più difficili di chiusura della tesi,<br />

paziente e pieno di attenzioni. Hai l’anima di un viaggiatore (e non di un banale<br />

turista), in ricerca di te stesso e del mondo. I miei pensieri volano a te…<br />

Stefano, è stato un piacere lavorare con te sulla scrittura di un articolo<br />

comune. Senza di te, questa tesi non avrebbe raggiunto lo stesso grado di maturità e<br />

di sistemazione. Il mio fermento di idee aveva bisogno della tua canalizzazione. Si<br />

puo ogni momento contare su di te e ti voglio un gran bene.<br />

Alla mia ballerina, Lavinia, i miei pensieri non potrebbero non andare. Più che<br />

essere la mia ufficiale maestra d’italiano, a prescindere delle lontananze, rimane<br />

sempre vicino.<br />

Un abbraccio enorme ad Alessia, ed alla sua piccola appena arrivata in questo<br />

mondo, che mi ha appoggiato in questa tesi ed è stata sempre presente per<br />

consigliarmi in tutte le mie scelte lavorative.<br />

Ringrazio anche il COSV e particolarmente Claudia che mi ha dimostrato una<br />

grande fiducia. Viva Tinkuna!<br />

Allo splendido popolo Saharawi, da militante più che accademica direi<br />

« Viva el Sahara Libre!» Grazie Mattia per l’appoggio incondizionato al progetto di<br />

turismo… e per tutto il resto!<br />

3<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


SOMMAIRE<br />

INTRODUCTION .......................................................... 10<br />

1.<br />

Tourisme et développement .................................................................... 10<br />

Objectifs de la recherche ......................................................................... 12<br />

Méthodologie .......................................................................................... 16<br />

Originalité et innovation ......................................................................... 24<br />

Définition de la terminologie à utiliser ................................................... 27<br />

1. Qu’est-ce que le tourisme ? .................................................................. 27<br />

2. Le développement : un champ sémantique complexe .......................... 30<br />

3. L’empowerment des communautés locales comme objectif ................. 33<br />

Tourisme et développement : contribution des<br />

différents tourismes alternatifs à l’empowerment des<br />

communautés ............................................................................ 36<br />

4<br />

1.1. Tourisme de masse versus tourisme alternatif : dépasser la<br />

dichotomie. ............................................................................................ 36<br />

Le tourisme durable comme objectif .......................................................................... 39<br />

1.2. Catégorisation et définition des divers types de tourisme alternatif. . 47<br />

1.2.1 Classification de la typologie des tourismes alternatifs ..................... 47<br />

1.2.2 Les expressions reflétant des valeurs ..................................................... 52<br />

Classification sous l’angle des visiteurs (de la demande) ........................................... 52<br />

Classification sous l’angle des visités (de l’offre) ........................................................ 59<br />

1.2.3. Les expressions reflétant des produits touristiques ..................... 67<br />

1.3. Le tourisme alternatif en pratique .................................................... 75<br />

1.3.1. Analyse comparée de la pratique du tourisme alternatif entre<br />

France et Italie…………….. ..................................................................................... 75<br />

1.3.2. Analyse des pratiques touristiques alternatives en France ............. 82


2. Les projets de développement en tourisme<br />

communautaire : entre recherche de rentabilité et de<br />

développement : analyse du rôle des acteurs, difficultés ................ 90<br />

5<br />

2.1 Les difficultés inhérentes à la mise en place d’un tourisme<br />

communautaire : un tour de terrain théorique .................................... 890<br />

2.1.1 Assurer une participation équitable : un défi difficile à<br />

surmonter ................................................................................................................. 91<br />

2.1.2 De la participation à l’implication : la nécessité de désigner<br />

des représentants .................................................................................................. 94<br />

2.1.3 De l’implication de la communauté à la production de<br />

bénéfices .................................................................................................................. 97<br />

2.2. Le rôle des « agents de changement » ou planificateurs de tourisme<br />

communautaire : Qui sont-ils ? Quelles stratégies ? Quelles<br />

compétences ? Quelles limites ? .......................................................... 1022<br />

2.2.1. Le rôle de l’Etat ...................................................................................... 104<br />

2.2.2. Le rôle des ONG ....................................................................................... 1078<br />

2.2.3. Le rôle du secteur privé ........................................................................ 115<br />

2.3. Analyse d’études de cas : les difficultés des projets de coopération<br />

en tourisme entre rentabilité économique et développement local. ...... 133<br />

2.3.1. Etude comparée de différentes initiatives d’écotourisme<br />

communautaire de populations indigènes amazoniennes. ...................... 134<br />

2.3.2 Etude sur la rentabilité des entreprises de tourisme<br />

communautaire (CBTE) en Amérique Latine ............................................... 153<br />

2.4. Aspect critique des projets de coopération en tourisme<br />

communautaire : commercialisation et marketing ................................ 161<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


2.4.1 La coopération internationale confrontée à la difficulté de<br />

commercialisation ................................................................................................ 161<br />

Stratégies de commercialisation : comment commercialiser ? Quel<br />

segment du marché attirer ? ................................................................. 164<br />

1. Le marché du tourisme indépendant : un secteur qui possède de<br />

nombreux avantages. ................................................................................................. 165<br />

2. Cibler le tourisme alternatif : avantages et inconvénients. ....................... 174<br />

3. L’intégration de TO plus classiques dans la commercialisation de<br />

produits touristiques communautaires......................................................................177<br />

2.4.2. Modalités et limites de la participation du secteur touristique<br />

classique à l’empowerment des communautés locales ? .......................... 182<br />

1. La variété des pratiques de la Responsabilité sociale d’entreprises : de la<br />

pratique du don à l’adaptation des pratiques entrepreneuriales. ......................... 183<br />

2. Commercialisation du tourisme communautaire par des TO classique ......... 188<br />

3. Le tourisme comme instrument d’empowerment<br />

politique dans un monde globalisé .....................................193<br />

6<br />

De l’empowerment au changement social ............................................. 193<br />

3.1 Réflexions introductives autour des théories sur le développement<br />

et la coopération internationale ............................................................ 194<br />

3.1.1. Un bref historique des théories de développement.....................<br />

195<br />

3.1.2. Repenser la coopération internationale dans un contexte de<br />

post-développement et d’émergence des mouvements sociaux .............. 198<br />

3.2. Les liens entre tourisme et politique ............................................. 202<br />

3.2.1 Le tourisme comme instrument politique ........................................... 205<br />

3.2.2. Le tourisme comme instrument de paix ........................................ 208<br />

3.2.3. La dimension politique de la représentation de la culture et du<br />

patrimoine .............................................................................................................. 214<br />

3.2.4. Focus sur le “Justice Tourism”: dans une optique de<br />

sensibilisation politique et sociale des visiteurs .......................................... 224<br />

3.2.5. Analyse des motivations des touristes : entre hédonisme et<br />

activisme ................................................................................................................. 242


3.3.<br />

Le tourisme comme instrument d’empowerment politique : un<br />

nouveau modèle de développement dans un monde globalisé...............<br />

246<br />

3.3.1 Globalisation et création de nouveaux espaces d’actions à<br />

l’échelle locale ........................................................................................................ 246<br />

3.3.2.<br />

Le tourisme comme instrument politique dans les temps de<br />

globalisation...........................................................................................................<br />

253<br />

3.3.3. Explications du modèle : le tourisme comme facteur<br />

d’empowerment dans un monde globalisé..................................................<br />

1598<br />

1. De l’empowerment économique à l’empowerment politique : la culture<br />

comme ressource......................................................................................<br />

262<br />

2. Cercle vertueux d’empowerment politique endogène ................................ 267<br />

3. Renforcement du processus d’empowerment à travers le “Justice Tourism” .. 275<br />

3.4. Etudes de cas .................................................................................. 281<br />

3.4.1. Le tourisme en Israël / Palestine .......................................................... 28181<br />

3.4.2. Développement de "Reality Tours" au Chiapas par Global<br />

Exchange .............................................................................................. 284<br />

3.4.3. Projet de développement du tourisme solidaire dans les camps<br />

réfugiés sahraouis en Algérie……………………………………………………….303<br />

Introduction : Contexte historique et rôle central du concept d'identité sahraoui ... 303<br />

1. Patrimonialisation de l'histoire et consolidation de l'identité.. ......................... 306<br />

2.Le “Justice Tourism”comme instrument de sensibilisation politique et sociale :<br />

sortir de l’oubli. ........................................................................................ 316<br />

3.Présentation du projet de coopération de développement du tourisme<br />

responsable ............................................................................................. 318<br />

CONCLUSION ....................................................................... 326326<br />

ANNEXE ……………………………………………………………………….330<br />

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ....................................... 336<br />

7<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


INDEX DES FIGURES<br />

Figure 1 : Modèle théorique de Weaver : quatre idéaux-types du tourisme……………42<br />

Figure 2 : Scénarios de développement des destinations selon Weaver…………………43<br />

Figure 3 : Schéma de classification des tourismes selon un double continuum de<br />

conscientisation des visiteurs et de responsabilisation des visités ……………………… ..51<br />

Figure 4 : Classification des tourismes selon les piliers du tourisme durable.…………68<br />

Figure 5 : Classification des niveaux de participation selon Arstein…………..……… ….93<br />

Figure 6 : Différents stages de participation………………………………………………………99<br />

Figure 7 : Rôles potentiels des organisations gouvernementales et non<br />

gouvernementales pour soutenir les initiatives de tourisme communautaire….…….110<br />

Figure 8: Hard and Soft dimensions of ecotourism…………………………………….………174<br />

Figure 9 : Le tourisme communautaire comme instrument de développement politico<br />

social : un modèle d’empowerment dans un monde global …………………….………….258<br />

Figure 10 : Stratégies de développement indigène avec identité dans le domaine<br />

économique………………………………………………………………………………………………..….265<br />

Figure 11 : Relations entre justice tourism et mouvements sociaux..........................288<br />

Figure 12 : Contribution des Reality tour à l’empowerment des communautés locales<br />

et des touristes……………………………………………………………………………………………….301<br />

INDEX DES ENCADRÉS<br />

Encadré 1 : Participation communautaire et philosophie de l’OMT……………………. 94<br />

Encadré 2 : Présentation de TOI et STI………………………………………………………..…189<br />

8


INDEX DES TABLEAUX<br />

Tableau 1 : Evolution des perspectives académiques dans la recherche en tourisme..18<br />

Tableau 2. Potentialités du tourisme en termes d’empowerment et de<br />

disempowerment des communautés locales………………………………………………………..35<br />

Tableau 3 : Classification de la variété de « l’autre tourisme »………………………………47<br />

Tableau 4 : Tableaux de synthèse des différents types de tourisme alternatif…………48<br />

Tableau 5 : récapitulatif sur les capacités de chaque acteur pour faciliter la<br />

planification en tourisme communautaire………………………………………………………..120<br />

Tableau 6 : La mosaïque des compétences nécessaires au tourisme de qualité…….130<br />

Tableaux 7 : Tableaux synthétiques sur des études de cas d’écotourisme<br />

communautaire en zone Amazonienne : entre croissance et développement…………135<br />

Tableau 8 : Tableau comparatif analysant la contribution des différents projets<br />

touristiques à la croissance économique et à l’empowerment des communautés… .146<br />

Tableau 9: Liste des contacts et réponses des CBTE par pays………………………………156<br />

Tableau 10 : Classification des CBTE selon le type de propriété………………………….158<br />

Tableau 11 : Répartition des bénéfices destinés à financer des projets<br />

communautaires ……………………………………………………………………………………………166<br />

Tableau 12 : Avantages liés au développement du segment du tourisme indépendant<br />

par les planificateurs de projets de tourisme communautaire…………………………….186<br />

Tableau 13 : Avantages et inconvénients des deux approches : donation et adaptation<br />

des pratiques managériales………………………………………………………………………………192<br />

Tableau 14 : Contact interculturel entre hôtes et touristes………………………………….213<br />

Tableau 15: Analyse comparée des impacts économiques sociaux et politiques sur la<br />

communauté locale Sahraouie des voyages de solidarité organisés par les<br />

Associations de solidarité et ceux du tourisme responsable......................................313<br />

9<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


INTRODUCTION<br />

Tourisme et développement<br />

Lors des dernières décennies s’est affirmé le rôle important du tourisme comme<br />

secteur économique de première importance pour le développement international.<br />

Selon le Programme des nations Unité pour le Développement (PNUD), le tourisme<br />

représente une des cinq principales sources d'exportation pour 83% des pays à<br />

l'échelle mondiale et la principale source pour 38 % d’entre eux. De par son fort taux<br />

de croissance comme industrie, et malgré ses faiblesses, le tourisme est largement<br />

conçu comme instrument de développement (Harrison, 2001). De nombreux<br />

organismes des Nations Unies, comme l'Organisation Mondiale du Tourisme (OMT),<br />

le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) et l'Organisation des<br />

Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture (l'UNESCO), ont adopté le<br />

tourisme comme un outil de coopération internationale, notamment pour son action<br />

dans la réduction de la pauvreté, un des objectifs du millénaire.<br />

Pour les pays en développement, l’essor du tourisme de masse peut être une<br />

solution séduisante, précisément parce qu’elle permet de se procurer rapidement<br />

des devises, surtout si l’on fait appel aux principaux opérateurs qui ont directement<br />

accès aux marchés internationaux. Toutefois, comme de nombreuses études l’ont<br />

montré, cette option présente de sérieux inconvénients.<br />

En premier lieu, elle tend à déposséder le gouvernement et les communautés des pays<br />

d’accueil du pouvoir de décision en matière de développement au profit des<br />

voyagistes et des pays où se recrutent les gros bataillons de leur clientèle, lesquels<br />

peuvent notamment décider d’investir ailleurs, mettant ainsi fin au développement.<br />

Deuxièmement, elle tend à privilégier presque exclusivement le développement des<br />

sites les plus attractifs ou les mieux préservés en se désintéressant des zones et<br />

populations à problèmes.<br />

10


Troisièmement, et c’est une conséquence logique de ce qui précède, elle tend à<br />

consacrer la majeure partie des investissements à des aspects secondaires comme<br />

l’apparence esthétique ou la satisfaction des besoins de la clientèle au détriment des<br />

problèmes socioéconomiques fondamentaux et des besoins des communautés<br />

d’accueil.<br />

Quatrièmement, les retombées économiques se bornent en général aux bénéfices à<br />

court terme liés à la création d’emplois dans le secteur touristique ou les services<br />

annexes, lesquels sont fréquemment précaires et mal payés. La majorité des recettes<br />

du tourisme international ne profitent pas au pays d’accueil mais aux pays des<br />

principaux opérateurs. Enfin, seule une fraction marginale de la culture du pays<br />

d’accueil participe au tourisme de masse. Étant donné que l’effort de développement<br />

se concentre sur un nombre de sites restreint établi à l’avance, et vise essentiellement<br />

à promouvoir des activités de loisirs, la culture n’apparaît souvent que sous forme de<br />

manifestations ponctuelles et sélectives qui n’autorisent que des contacts limités<br />

entre les touristes et leurs hôtes.<br />

Dans la pratique, la plupart des pays en développement ont choisi la formule du<br />

plan-cadre de développement du tourisme national et régional. Ce type de<br />

plan est généralement élaboré en coopération avec de grandes organisations<br />

internationales comme le FMI ou la Banque mondiale, l’accent étant mis sur les<br />

dimensions économique et spatiale du développement touristique et la mise en œuvre<br />

de méthodes de production à grande échelle hautement standardisées dans des<br />

espaces sélectionnés.<br />

Cette forme de développement se voit souvent reprocher la « ségrégation » physique<br />

et sociale qu’elle opère entre les touristes et la population locale, ses objectifs à courte<br />

vue en matière d’emplois, pour la plupart d’une durée limitée à la phase initiale des<br />

projets, et son absence d’insertion dans l’économie locale, sous prétexte que les<br />

bénéfices du secteur touristique auront forcément des « retombées » dont profiteront<br />

les populations locales.<br />

Cette formule se caractérise par l’absence de participation communautaire, en<br />

termes d’engagement comme au niveau de la prise de décision. Pourtant, malgré ces<br />

11<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


critiques et faute de schémas alternatifs, c’est ce modèle « industriel » du<br />

développement touristique qui demeure largement dominant à l’heure actuelle.<br />

La participation communautaire et une vision du bas vers le haut est loin<br />

d’être le modèle qui prédomine. Il faudrait que les communautés locales soient<br />

étroitement associées au processus de planification. Encore faut-il qu’elles aient les<br />

moyens de jouer ce rôle dans le cadre des politiques définies aux niveaux national et<br />

régional, ce qui, dans beaucoup de PMA sans véritable tradition démocratique et où<br />

la corruption est institutionnalisée à tous les niveaux, relève sans doute davantage du<br />

vœu pieux que de la réalité.<br />

Objectifs de la recherche<br />

Cette thèse se concentre sur la thématique générale du tourisme et du<br />

développement. Son premier objectif est de déterminer dans quelles situations le<br />

tourisme peut faciliter, plutôt qu’empêcher le développement des pays du Tiers-<br />

Monde, analysé dans la perspective des communautés locales. Notre champ d’étude a<br />

été rapidement réduit pour s’intéresser particulièrement au tourisme comme<br />

instrument de coopération internationale, c'est-à-dire en se focalisant sur le rôle d’un<br />

acteur particulier qu’est l’ONG. En effet, un nombre croissant d’ONG à niveau<br />

international (notamment en Italie) développe des projets de coopération, en<br />

utilisant le tourisme comme secteur principal ou complémentaire d'intervention,<br />

pour favoriser le développement local et lutter contre la pauvreté.<br />

Au fur et à mesure de la recherche, s’est affirmée avec majeure conviction la centralité<br />

du concept anglo-saxon d'empowerment, qui permet d'affronter dans une nouvelle<br />

optique le lien entre tourisme et développement local. La problématique de la thèse<br />

s’est donc articulée autour de ce concept en s’interrogeant sur les potentialités du<br />

tourisme comme moteur de développement des communautés locales des pays du<br />

sud, c’est-à-dire permettant leur empowerment, aptes à les faire sortir des logiques<br />

d’assistentialisme, encore récurrentes au sein de l’aide au développement.<br />

L’empowerment peut être défini comme un processus permettant à la communauté<br />

locale de pouvoir décider et gérer de façon autonome ses propres choix politiques,<br />

12


économiques et sociaux afin de pouvoir prendre en charge sa propre destinée.<br />

Stromquist (2002) le définit comme un processus composé de quatre dimensions :<br />

cognitive, psychologique, politique et économique. Nous nous concentrerons sur les<br />

objectifs d’empowerment politiques et économiques, en analysant les aspects<br />

cognitifs et psychologiques en tant que moyens pour obtenir les deux premiers<br />

objectifs cités.<br />

La politique et l'économie sont interdépendants et complémentaires puisque<br />

l'indépendance économique renforce l'indépendance politique en permettant aux<br />

communautés de pouvoir choisir leur propre mode de développement.<br />

Cette recherche se veut empirique, basée majoritairement sur des expériences de<br />

terrain. La définition des problématiques de cette thèse s’est constituée pour<br />

répondre aux problèmes concrets émergés sur le terrain, dans le cadre de projets de<br />

coopération axés sur le développement du tourisme responsable. Contrairement à la<br />

pratique commune, il a été décidé de réaliser le travail de terrain en premier lieu,<br />

pour retourner à la théorie dans un second.<br />

Notre position se veut positive, pragmatique et à la recherche de solutions et bonnes<br />

pratiques. Il est nécessaire de sortir des logiques de victimisation où les<br />

communautés du Tiers-Monde sont présentées uniquement comme victimes d’une<br />

mauvaise planification touristique, soumis à un rapport de force inégal au sein du<br />

système monde et où le tourisme est présenté comme une nouvelle force postcolonisatrice.<br />

De nombreux auteurs issus de la théorie de la Dépendance sont très<br />

critiques quant au rôle du tourisme quel qu’il soit (de masse ou alternatif) comme<br />

facteur de développement pour les pays du Sud.<br />

« Alternative travel… works as a reassuring front for continued extension of the<br />

logistics of the commodity system, even as it masquerades as a (liberal) project of<br />

cultural concern, and despite the best intentions of its advocates » (Hutnyk, 1996,<br />

p.215).<br />

Cette critique radicale se base sur l’idée que le tourisme est un fidèle héritier du<br />

système capitaliste (le droit au tourisme proclamé dans les pays Occidentaux après la<br />

Seconde Guerre Mondiale est loin d’être un droit pour tous), inscrit dans un système<br />

13<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


mondial inégalitaire. Malgré les meilleures intentions, il serait impossible que le<br />

tourisme se transforme en instrument de développement pour les pays du Sud.<br />

Cette analyse fort intéressante, ayant le mérite d’intégrer une réflexion sur les<br />

équilibres de pouvoir à l’échelle mondiale, ne laisse aucune place à la proposition<br />

correctrice et donc à la possibilité de réformer ce système mondial tant critiqué.<br />

« Une condamnation sans égards du tourisme dans le Tiers-Monde semble<br />

inappropriée quand beaucoup de communautés qui luttent pour trouver des moyens<br />

pour améliorer leur niveau de vie, ont identifié le tourisme comme stratégie<br />

principale pour le développement ». (Traduction libre. Scheyvens, 2002, p.3).<br />

La position qui veut être soutenue au long de cette thèse et pour lequel l’auteur<br />

cherche à trouver une application pratique quotidienne et professionnelle est la<br />

suivante : privilégier uniquement la critique constructive c’est-à dire assortir la<br />

critique d’une proposition. A quoi bon porter une critique radicale, qui ne propose<br />

pas de solutions de rechange et porte donc à l’inaction et à la consolidation de l’état<br />

de fait remis en question ?<br />

Dans l’optique de faire bénéficier les populations locales du tourisme, il est difficile de<br />

trouver des éléments de réponse dans des théories aussi critiques. Quelle serait donc<br />

la solution ? Le meilleur touriste est-il celui qui reste chez lui ? Faut-il prôner la fin du<br />

tourisme ? Et surtout ces détracteurs seraient-ils eux même prêts à renoncer à leur<br />

droit et plaisir de voyager ?<br />

L’approche qui souhaite être développée dans cette thèse, loin des simplifications<br />

dualistes, est celle de la nuance et de la recherche de solutions, sans occulter la<br />

complexité de la réalité.<br />

Bien que le tourisme ne doit pas être vu comme une panacée, comme la solution<br />

miracle pour répondre aux problèmes du développement, on ne peut nier ses<br />

potentiels effets positifs. L’enjeu réside donc dans la maximisation des effets<br />

bénéfiques et la minimisation de ceux négatifs (qui existent et ne seront pas passés<br />

sous silence…). En tenant compte de la dépendance, du manque de pouvoir de<br />

nombreux Etats des pays du Tiers-monde dans l’arène globale et la position<br />

marginalisée des communautés du Tiers-Monde, le développement doit embrasser<br />

14


des valeurs telles que l’autosuffisance, l’autodétermination et l’empowerment, aussi<br />

bien que l’amélioration des conditions de vie de ses habitants (Friedmann 1992,<br />

Mowforth and Munt 1998, Scheyvens 2002).<br />

Le tourisme de masse (ou conventionnel) et le tourisme alternatif seront comparés<br />

pour examiner à quel titre ces deux formes de tourisme peuvent jouer un rôle positif<br />

en terme de développement.<br />

Avec une formation de base en sciences politiques et plus spécifiquement en<br />

économie sociale, cette thèse se focalisera sur les piliers politiques, sociaux, humains<br />

et économiques de la durabilité. Si la problématique environnementale n’est<br />

quasiment pas traitée au cours de l’analyse, c’est par manque de compétences en la<br />

matière et non pour dévaloriser son importance cruciale. Plutôt que d’insérer<br />

quelques banalités sur le sujet, il sera laissé le soin au lecteur de se reporter à des<br />

travaux de collègues environnementalistes pour compléter leur vision.<br />

L’empowerment est un terme majeur du débat puisque de nombreuses politiques de<br />

développement ont été mises en place jusqu’à présent pour les communautés et non<br />

par les communautés. En introduisant des réflexions sur l’empowerment, la relation<br />

entre politique et tourisme doit être analysée parce que le politique, réduit à son sens<br />

plus propre, traite des relations de pouvoir.<br />

Le concept de pouvoir peut être défini comme suit: « The probability that one actor<br />

within a social relationship will be in a position to carry out this own will despite<br />

resistance » (Weber cité dans Sofield, 2003).<br />

Le concept d’empowerment peut être conçu come le résultat d’un processus social<br />

permettant le changement des relations de pouvoir entre les acteurs (au niveau<br />

communautaire, national et international) et notamment la relation asymétrique de<br />

pouvoir entre la communauté et la société nationale. La science politique conçoit<br />

l’empowerment en termes de réassignation de pouvoir à un groupe, une communauté<br />

ou une nation ayant préalablement subi une aliénation forcée de leur pouvoir (James<br />

1992, Lijphart 1995 cité dans Sofield 2003, p.80). Cet élément de récupération de<br />

pouvoir suite à un antérieur disempowerment est absent dans les autres disciplines.<br />

15<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Les recherches sur le tourisme sont souvent orientées vers les impacts de cette<br />

activité : le discrédit moral imputé à la distraction oisive de « privilégiés du Nord »<br />

dans des sociétés du Sud oblige le chercheur à se positionner « pour »ou « contre»<br />

sans s’intéresser à toutes les dynamiques de cette activité fortement humaine, qui a<br />

beaucoup à nous apprendre sur les sociétés humaines. Lors de conférences<br />

académiques sur le thème, ce sont souvent des débats féroces et partisans qui se<br />

mettent en place et on prête au tourisme de nombreux maux, en le décontextualisant<br />

du système dans lequel il est inséré (système capitaliste).<br />

Le champ du tourisme est investi par les experts en développement qui font miroiter,<br />

aux états ou aux communautés locales en crise, des retombées mirobolantes, et par<br />

d’autres spécialistes qui cherchent à prendre le contre-pied de ces discours en<br />

montrant tous les effets négatifs du tourisme sur l’environnement et les sociétés.<br />

Avec le profil assez éclectique qu’est le mien, il s’agissait d’aborder le tourisme d’une<br />

façon originale, en traitant des liens entre tourisme et politique, totalement laissés à<br />

l’écart au sein de la recherche et en abordant les relations tourisme et pouvoir, la<br />

problématique de l’identité, du changement politique et social. Nous nous<br />

intéresserons à la question clé de l’utilisation (récupération) politique du tourisme<br />

pour des questions de pouvoir. En effet, le tourisme est devenu un véritable enjeu<br />

stratégique pour des groupes ou des états engagés dans des luttes particulières<br />

(Olivier Dehoorne, ).<br />

Méthodologie<br />

L’adoption d’une approche dialectique dans l’étude du tourisme semble la plus<br />

appropriée pour émettre un discours critique. Un argument dialectique n’est pas le<br />

résultat d’une hypothèse abstraite mais des points de vue déjà présents dans la<br />

communauté ; sa conclusion ne se présente pas comme preuve formelle mais comme<br />

une compréhension partagée sur le thème en question (Majone, 1989, p.6)<br />

Selon Roche, des formes de conceptualisation dialectiques sont nécessaires « to<br />

appreciate the difference and interdependence between social facts and social<br />

16


values, between theory and description, and between theory and policy» (Roche,<br />

1992, p.591)<br />

De nombreuses analyses sociopolitiques échouent à contextualiser leur analyse de<br />

façon appropriée en référence à nombres de processus en cours qui affectent<br />

clairement la position du tourisme tels que les changements structurels macro qui<br />

caractérisent la modernisation de la société contemporaine. Il est nécessaire<br />

d’inscrire le tourisme dans un contexte de :<br />

- postmodernisme : caractérisé par la fragmentation culturelle, relativisme<br />

moral et esthétique, consumérisme et hédonisme.<br />

- Post industrialisme : passage de l’industrialisation à une société de services et<br />

de hautes technologies<br />

- Post-nationalisme : caractérisé par la globalisation économique, l’émergence<br />

d’un niveau transnational distinctif et prédominant.<br />

Le tourisme doit également être recontextualisé au sein du système capitaliste<br />

(Britton, 1991). L’utilisation du temps libre n’est pas seulement le résultat de forces<br />

économiques et sociales mais l’aboutissement d’une lutte politique.<br />

« Tourism is a product of capitalist society and cannot be understood without<br />

references to it » (Hall, 1998, p.192).<br />

17<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Historique des théories et approches méthodologiques<br />

Tableau 1 : Evolution des perspectives académiques dans la recherche en tourisme.<br />

1950-1960<br />

Période dominée<br />

par la théorie de la<br />

modernisation<br />

De nombreux<br />

gouvernements<br />

adoptent le tourisme<br />

comme stratégie pour<br />

internationaliser leur<br />

économie, faire entrer<br />

des devises étrangères<br />

et servir leurs objectifs<br />

de développement<br />

(incitations à<br />

l’investissement)<br />

Très peu d’exemples<br />

de gouvernements qui<br />

rejettent le tourisme<br />

ou tentent de contrôler<br />

sa croissance et ses<br />

impacts (ex : Bhoutan)<br />

L’intérêt académique<br />

pour le tourisme est<br />

dominé par les<br />

économistes<br />

convaincus que le<br />

développement du<br />

tourisme dans les PED<br />

est un élément positif,<br />

moteur de<br />

développement et de<br />

modernisation<br />

1970-1985<br />

Période dominée<br />

par la théorie de la<br />

dépendance<br />

Développement des<br />

ONG et des<br />

organisations qui<br />

surveillent les impacts<br />

négatifs du tourisme<br />

(groupes de<br />

contestation à Goa en<br />

Inde)<br />

Des<br />

environnementalistes,<br />

sociologues,<br />

anthropologues et<br />

géographes<br />

s’intéressent aux<br />

impacts du tourisme<br />

sur la population locale<br />

et l’environnement. Ils<br />

s’appuient sur la<br />

théorie de la<br />

dépendance qui<br />

soutient que les<br />

entreprises du Nord<br />

exploitent les<br />

ressources et les<br />

personnes du Sud<br />

Emergence de débats<br />

pour définir de<br />

nouvelles stratégies<br />

alternatives de<br />

développement,<br />

conjugué à la naissance<br />

du concept de tourisme<br />

durable et de tourisme<br />

vert<br />

1985-fin des années 90<br />

Période dominée par le<br />

néolibéralisme et<br />

développement de<br />

perspectives critiques<br />

La position néolibérale<br />

soutenue par les<br />

organismes internationaux<br />

(FMI) voit dans le tourisme<br />

un moyen de gagner des<br />

devises étrangères et de<br />

payer la dette. La<br />

libéralisation totale est<br />

conseillée.<br />

Développement des<br />

perspectives critiques :<br />

- Approche du<br />

développement<br />

durable : Soutien du<br />

développement à travers<br />

l’usage responsable des<br />

ressources naturelles.<br />

Emergence du concept<br />

d’écotourisme<br />

- Approche<br />

postmoderne : reconnait<br />

la capacité d’action des<br />

populations locales, leur<br />

possibilité d’influencer le<br />

type de tourisme qui sera<br />

développé<br />

- Approche<br />

néopopuliste :<br />

reconnaissance de<br />

l’existence de problèmes qui<br />

découlent du manque de<br />

participation des<br />

populations locales dans le<br />

développement du<br />

tourisme. Soutien des<br />

stratégies qui visent<br />

l’empowerment des<br />

communautés.<br />

Identification des<br />

problèmes concernant la<br />

redistribution des bénéfices<br />

du tourisme<br />

Source : Inspiré de Scheyvens 2002, p.24, traduction libre)<br />

18<br />

2000+<br />

Période dominée par<br />

la multiplication et la<br />

combinaison de<br />

différentes approches<br />

Développement de niches<br />

de marché pour répondre<br />

à la demande des<br />

touristes pour un<br />

tourisme plus éthique et<br />

respectueux de<br />

l’environnement<br />

Débat pour déterminer si<br />

les nouvelles formes de<br />

« tourisme alternatif »<br />

sont seulement un<br />

instrument marketing<br />

Le paradigme<br />

néolibéral domine les<br />

études sur le<br />

développement (Blaikie<br />

2000)<br />

Les théories de la<br />

« néo-dépendance »<br />

soutiennent que le<br />

tourisme conventionnel et<br />

les nouvelles formes de<br />

tourisme créent de la<br />

dépendance et perpétuent<br />

des relations de pouvoir<br />

inégales entre le Nord et<br />

le Sud.<br />

Prédominance de<br />

l’approche<br />

postmoderne<br />

notamment sur le thème<br />

de l’identité culturelle<br />

dans les communautés.<br />

Croissance de la<br />

responsabilité sociale<br />

d’entreprises dans le<br />

secteur du tourisme


Entre les années 50 et 70, la recherche s’accordait à analyser la croissance du<br />

tourisme dans les PED comme un élément positif, moteur de développement en se<br />

basant sur les théories de la modernisation. C’est à partir des années 70, dans les<br />

lignées de la théorie sur la dépendance, que la littérature critique sur les potentialités<br />

du tourisme comme facteur de développement pour les pays du Sud a commencé à se<br />

développer abondamment.<br />

La théorie de la dépendance a cependant été remise en question puisque les études<br />

sur le lien local-global ont montré que le pouvoir n’est pas unidirectionnel et qu’il est<br />

simpliste d’analyser le tourisme comme uniformément exploiteur des populations et<br />

des territoires du Sud. Plutôt que de penser que la globalisation représente une force<br />

incontrôlable, il est plus intéressant d’analyser comment les procédés globaux sont<br />

négociés et réinterprétés au niveau local (Parnwell, 1998, 214).<br />

Depuis une vingtaine d’années, différentes approches se sont donc multipliées et<br />

coexistent dans le monde de la recherche, dont les plus intéressantes nous semblent<br />

être le néopopulisme et le postmodernisme.<br />

Les paradigmes postmodernes et néopopulistes possèdent certains caractères<br />

communs :<br />

• rejet de la modernisation<br />

• prise en compte de la diversité ;<br />

• soutien à l’action locale et écoute des attentes locales<br />

• reconnaît que les relations de pouvoir influencent l’établissement des<br />

agendas de recherche et des priorités de développement ;<br />

• rejet de la notion de vérité universelle ;<br />

• acceptation que la définition du développement est contestée et<br />

subjective (Blaikie 2000 : 1045)<br />

Le postmodernisme cherche à saisir la complexité des formes par lesquelles le<br />

tourisme interagit avec la population locale (impacts sur la culture) et<br />

19<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


l’environnement, en rejetant les simples dualismes tels que l’hypothèse que le<br />

tourisme conventionnel est forcément mauvais pour les communautés alors que le<br />

tourisme alternatif forcément bon. (Scheyvens, 2002). Il réfute également l’hypothèse<br />

selon laquelle le tourisme éroderait systématiquement les cultures locales. Il existe au<br />

sein de la population locale des agents actifs qui peuvent être capables d’adapter les<br />

processus du tourisme à leurs propres circonstances et avantages (Cheong et Miller<br />

2000). Concevoir les communautés locales comme des agents uniquement passifs et<br />

victimes serait réducteur.<br />

L’analyse postmoderne des questions de développement fourni de précieuses<br />

critiques mais omet de conceptualiser ce qui pourrait être fait pour améliorer la<br />

pratique de la coopération au développement à la lumière de ces critiques (Simon<br />

1997). Le paradigme néopopuliste a par contre essayé de répondre à cette faille en<br />

s’attelant à proposer des stratégies pour que les pays du Sud puissent s’engager dans<br />

le tourisme de façon bénéfique.<br />

Participation, empowerment et développement durable : la<br />

rhétorique néopopuliste<br />

Les termes « participation » et « développement durable » sont largement<br />

utilisés dans le jargon du développement. En ce qui concerne le terme<br />

d’empowerment, même si omniprésent dans la littérature anglo-saxonne, il est<br />

beaucoup moins utilisé dans la littérature francophone ou latine.<br />

Les perspectives néopopulistes et du développement durable se focalisent sur des<br />

processus de développement ascendants, à petite échelle et centrés sur les contextes<br />

locaux.<br />

L’approche néopopuliste est née à la fin des années 70, en réaction à la critique de<br />

l’approche de modernisation descendante (du haut vers le bas) et technocentriste<br />

dans l’optique de réaffirmer la légitimité des protestations populaires et des<br />

mouvements de développement de base (Scheyvens 2002). Les néopopulistes<br />

soutiennent que le développement doit permettre de « empower » les personnes afin<br />

qu’elles prennent conscience de leurs droits civiques, puissent prendre le contrôle de<br />

20


leur vie et faire leurs propres choix. Les savoirs-faires et connaissances locales<br />

indigènes doivent êtres mises en valeur et tout processus de développement doit<br />

s’appuyer sur les ressources locales (Friedmann 1992). L’apport des néopopulistes<br />

dans le domaine de la recherche se concentre sur la prédominance de la société civile<br />

qui est habituellement oubliée dans la planification touristique puisque le tourisme<br />

est censé être régulé par les forces du marché et contrôlés par les Etats. Les stratégies<br />

des néopopulistes se concentrent souvent sur le rôle des ONG et des organisations<br />

volontaires pour soutenir les processus d’empowerment.<br />

Méthode de recherche :<br />

Une approche multidimensionnelle a été adoptée pour poursuivre les objectifs<br />

de la recherche. Des emprunts à la science politique, la sociologie, l’économie et<br />

l’ethnographie ont été fort utiles pour cerner la diversité des enjeux en question.<br />

Une analyse très large de la littérature existante a été effectuée couvrant des thèmes<br />

d’étude variés : théories sur l’empowerment, théories du développement, le rôle du<br />

tourisme comme facteur de développement, les interactions entre tourisme et<br />

politique, l’utilisation du tourisme par les populations indigènes, le concept de<br />

tourisme communautaire, la thématique de commercialisation, les bonnes pratiques<br />

des projets de coopération en tourisme, la distinction tourisme alternatif/tourisme de<br />

masse, la classification des différents types de tourisme alternatif.<br />

Une idée très communément répandue au sein des études sur le tourisme est<br />

l’extériorité du phénomène touristique, qui viendrait s’imposer de l’extérieur à des<br />

sociétés qui seraient donc contraintes à en subir les conséquences. Il serait analysé<br />

comme une nouvelle forme d’exploitation du Sud par le Nord avec des touristes<br />

occidentaux, qui par leur présence, viendraient pervertir les sociétés ingénument<br />

perçues comme paradisiaques. 1<br />

1 Ces discours très communs surtout dans les années 80 ont été l’objet d’une analyse très poussée par l’équipe<br />

MIT dans le premier chapitre du livre « Tourismes 1. Lieux communs », Belin, Paris.<br />

21<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


On reproche au tourisme des caractéristiques qui ne découlent pas proprement de lui<br />

mais qui sont le reflet d’un système général inégalitaire. Il faut essayer de débrouiller<br />

les fils et arrêter d’analyser le tourisme comme s’il était déconnecté de toute réalité<br />

politico sociale dans laquelle il est émergé.<br />

De nombreux chercheurs en tourisme s’indignent du caractère servile, dégradant et<br />

non qualifié des emplois réservés aux autochtones dans le secteur touristique.<br />

L’industrie touristique, généralement gérée au niveau local, ne fait que reproduire le<br />

schéma dominant du monde du travail. Ce qui est à dénoncer n’est pas la spécificité<br />

de la situation des autochtones dans le domaine touristique mais la ségrégation dont<br />

ces derniers sont victimes à tous les niveaux de la société. Les abus et injustices<br />

doivent être dénoncés mais replacés dans leur contexte général pour essayer<br />

d’analyser à quel point ces dernières sont issus du système ou sont crées par le<br />

tourisme. Il ne faut pas perdre de vue que les injustices qui se manifestent dans le<br />

tourisme ont des conséquences ou des racines qui dépassent largement ce secteur<br />

Etude de cas :<br />

L’étude de cas réalisée détaille des données politiques et socioéconomiques<br />

liées à une situation particulière, à partir desquelles des conclusions théoriques sur le<br />

thème du tourisme et de l’empowerment ont pu être déduites. Cette étude a<br />

enregistré une implication directe de l’auteur en tant que coopérante et est donc très<br />

éloignée de l’observation participante neutre. Une implication aussi directe dans les<br />

projets de développement étudiés peut être considéré aussi bien comme un biais de la<br />

recherche que comme une force. Un des reproches récurrents faits à la recherche est<br />

sa déconnection de la réalité. En ce sens, la position particulière d’intervenante<br />

directe dans le monde de la coopération, a permis d’orienter les thématiques de la<br />

recherche dans une optique de résolution des problèmes. L’auteure a tenté autant que<br />

possible de maintenir une objectivité, nécessaire à la recherche scientifique et une<br />

analyse critique quant au rôle et limites de la coopération internationale.<br />

L’étude de cas s’est déroulée dans les camps réfugiés Sahraouis en Algérie (Tindouf)<br />

sur une période globale d’environ deux ans (2006-2008). L’implication initiale s’est<br />

traduite par une recherche bibliographique intense ayant pour but de saisir la<br />

22


complexité du conflit politique autour du Sahara Occidental, impliquant le<br />

gouvernement marocain et le gouvernement politique des Sahraouis exilés en Algérie<br />

(RASD = république Arabe Sahraouie démocratique). L’autre axe d’interrogation s’est<br />

focalisé sur la thématique de la création de l’identité nationale Sahraouie et la mise en<br />

place d’une politique du patrimoine dans les camps réfugiés. Le troisième axe s’est<br />

centré sur une problématique plus anthropologique, celle de l’ouverture de la société<br />

Sahraouie à des influences culturelles extérieures (par la présence forte de coopérants<br />

et d’associations de solidarité dans les camps depuis plus de trente ans) et les impacts<br />

culturels qui en découlent sur la communauté d’accueil.<br />

Des contacts réguliers avec l’ANSPS, (l’association nationale italienne de solidarité<br />

avec le peuple Sahraoui) et la représentation de la RASD en Italie ont été maintenus<br />

entre 2005 et 2008 pour analyser l’activisme Sahraouie. Au sein de notre travail dans<br />

le centre de recherche du CIRPS (Unité TPPA) en 2005-2006, l’auteure a été chargée<br />

de l’organisation de plusieurs manifestations de soutien en faveur du peuple Sahraoui<br />

et de conférences académiques.<br />

Deux missions de terrain (d’environ trois semaines) ont été effectuées. Une en février<br />

2007 en tant que coordinatrice de projet d’une étude de faisabilité en tourisme,<br />

financée par la coopération décentralisée italienne (durée : trois mois). L’autre<br />

mission s’est en revanche déroulée en décembre 2007-janvier 2008, en tant<br />

qu’accompagnatrice d’un groupe de touristes responsables, réalisant un voyage test<br />

dans les camps réfugiés.<br />

Des contacts sont encore en cours avec deux ONG italiennes dans l’optique de<br />

présenter une demande de financement à des organismes nationaux ou<br />

internationaux (Ministère des affaires étrangères italiennes ou Union européenne)<br />

pour réaliser un projet de développement en tourisme responsable dans les camps.<br />

Ce cas d’étude, réalisé dans un territoire non « touristifié », a permis d’organiser une<br />

réflexion plus poussée sur le thème de l’empowerment politique bien que les<br />

thématiques sociales, psychologiques et économiques aient été analysées de façon<br />

transversale.<br />

23<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Originalité et innovation<br />

Le choix des thématiques approfondies au long de cette thèse a été guidé par le<br />

désir d’innovation. Au niveau théorique, cela s’est traduit par un travail de révision de<br />

la littérature et par l'approfondissement de certaines problématiques qui ne sont<br />

qu’ébauchées au niveau de la recherche, mais qui sont omniprésentes au niveau du<br />

terrain. Dans chacune des trois parties développées, le choix d’une problématique<br />

originale permet de faire avancer le débat théorique sur une thématique précise.<br />

L’innovation a notamment été rendue possible par l'utilisation d'une bibliographie<br />

internationale vaste, permettant de croiser diverses informations et théories qui<br />

n’avaient pas été combinées précédemment. A cet effet a été utilisée une<br />

bibliographie italienne, française, anglo-saxonne et latino-américaine (argentine et<br />

brésilienne en particulier). Les expériences de terrain en tant que consultante ou<br />

coopérante, réalisées en parallèle, nous ont permis de remettre constamment en<br />

doute les analyses théoriques pour les confronter à la réalité du terrain.<br />

Par la présentation de la structure de la thèse, nous chercherons à souligner les<br />

innovations présentées dans chaque partie sur les thématiques en question.<br />

1. Tourisme et développement : contribution des différents<br />

types de tourisme alternatif à l'empowerment des communautés.<br />

Cette première partie, majoritairement théorique a pour objectif d'éclaircir les<br />

énormes confusions théoriques qui existent entre les nombreux types de tourisme<br />

alternatif (tourisme solidaire, responsable, éthique, équitable, communautaire,…).<br />

Lors de participation à diverses conférences internationales, il est émergé avec clarté<br />

qu’il n'existe pas un consensus clair autour des définitions de tous ces concepts,<br />

même en se limitant au seul monde académique ou aux professionnels du terrain.<br />

Pour réaliser cette catégorisation et clarification épistémologique, des travaux<br />

existants ont été utilisés (L. Jolin, M Deslisle, 2007). Elle est aussi le résultat de<br />

nombreux entretiens réalisés auprès de chercheurs, acteurs de terrain, touristes,<br />

communautés locales, lors du parcours académique et professionnel de l’auteur. On<br />

ne se limitera pas à la seule définition des différents concepts, mais il sera question de<br />

24


s’interroger sur la portée de leur contribution à l'empowerment des communautés. La<br />

question posée est la suivante : ces types de tourisme cherchent-ils à alimenter des<br />

dynamiques de développement ou restent-ils dans l'optique de la solidarité et de<br />

l'assistentialisme ? Après l’analyse théorique, nous avons tenté d’apporter un œil<br />

critique sur la pratique du tourisme alternatif en France et en Italie, toujours selon le<br />

même axe problématique, en analysant le mode de fonctionnement des structures de<br />

l’AITR (Associazione italiana di turismo responsabile) et de l’ATES (Association de<br />

tourisme équitable et solidaire).<br />

2. Les projets de développement en tourisme communautaire entre<br />

recherche de rentabilité et développement : analyse du rôle des acteurs,<br />

difficultés et bonnes pratiques.<br />

La deuxième problématique de cette recherche est née pour répondre aux<br />

problèmes pragmatiques et concrets auxquels la majorité des projets de coopération<br />

en tourisme se confrontent. Le concept de tourisme communautaire est un concept<br />

extrêmement ambigu et idéaliste qui implique l’idée d’une participation<br />

communautaire et d’une large distribution des bénéfices au sein des communautés<br />

locales. Comment assurer un réel développement local communautaire à travers le<br />

tourisme sans se limiter à la création d’épisodes productifs isolés n’impliquant que<br />

quelques membres de la communauté ? Cela revient à se demander comment passer<br />

de la croissance au développement. Nous essaierons également d’identifier quels sont<br />

les acteurs les plus aptes à accompagner les communautés locales dans la<br />

planification du tourisme communautaire ? ONG, Etat, secteur privé ?<br />

En se centrant sur l’analyse de cas pratiques en Amérique Latine, nous chercherons à<br />

identifier les variables clefs permettant le succès ou l’échec des projets de<br />

développement communautaire, aussi bien en termes de rentabilité que<br />

d’empowerment.<br />

Pour finir, nous nous concentrerons sur la thématique clé qui pose d’énormes<br />

difficultés à l’ensemble des ONG ou communautés ayant mis sur pied des projets : la<br />

thématique de la commercialisation. Même si cela semble une évidence, il est<br />

nécessaire de le répéter : s'il n'y a pas de touristes, les projets mis en place échouent.<br />

Cette problématique de la commercialisation/promotion émerge souvent comme<br />

25<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


souci prioritaire des professionnels du secteur et des communautés lors des forums<br />

internationaux de tourisme responsable, alors qu’il n'existe presque aucun travail<br />

académique pour tenter d’y répondre. L’AITR travaille actuellement sur l’élaboration<br />

de bonnes pratiques en matière de projets de coopération en tourisme et a intégré<br />

cette problématique dans son analyse. Elle propose d’intégrer les TO de tourisme<br />

responsable comme partenaires initiaux dans les projets de coopération en tourisme,<br />

afin qu'ils s'occupent de la partie purement commerciale et marketing du projet, et<br />

qu’ils assurent la commercialisation du voyage à leurs clients. Ces recommandations<br />

sont très pertinentes et permettent de faire un pas en avant mais un énorme<br />

problème reste sous silence : les voyageurs de TR ne représentent pas plus de 4% du<br />

marché touristique. Un TO de l’AITR ne fera voyager dans l'arc d'un an que 2 à 6<br />

groupes (de maximum 12 personnes chacun) sur une destination. Ce faible flux ne<br />

permet pas d'assurer la rentabilité et la durabilité des projets de tourisme, ce qui<br />

fragilise non seulement les possibilités d'empowerment économique mais également<br />

politiques, culturelles et sociales. Cette dernière partie cherche à proposer des<br />

solutions concrètes pour faire face à ce problème, en abordant les thèmes de la<br />

diversification des canaux de distribution (TO classiques) mais aussi les problèmes<br />

qui en émergent.<br />

3. Le tourisme communautaire comme instrument d’empowerment<br />

dans un monde globalisé<br />

Étudier le tourisme comme instrument d'empowerment politique peut<br />

permettre d'enrichir le débat sur la contribution de ce secteur au développement et à<br />

la lutte contre la pauvreté en se concentrant sur les conséquences politico- sociales de<br />

la pauvreté, c'est-à-dire la marginalisation des processus décisionnels (« cercles de<br />

pouvoir »). Les liens entre tourisme et politique ont été très peu étudiés dans la<br />

littérature. La recherche sur le thème de l’empowerment politique est inexistante au<br />

sein de la littérature italienne et française (exception faite de la thèse forte<br />

intéressante de Volle A. sur l’utilisation du tourisme par les Mapuche, 2005) et ne se<br />

voit traitée que sporadiquement ou transversalement par certains auteurs anglosaxons<br />

(Hall 2004, Harrison 2001). Selon Harrison, le tourisme peut être utilisé à des<br />

fins politiques plus qu'économiques (Harrison, 2001). En partant de ces bases<br />

théoriques existantes, il est possible d’émettre l’hypothèse que les communautés<br />

locales peuvent également favoriser le tourisme pour des motivations politiques. En<br />

26


econtextualisant le tourisme au sein d’un monde globalisé marqué par l’émergence<br />

de forts mouvements sociaux transnationaux, il est possible de percevoir le tourisme<br />

comme facteur de changement social. L’ouverture au monde des communautés<br />

locales leur permet de bénéficier d’une visibilité à l’échelle mondiale, à même de<br />

pouvoir augmenter leur pouvoir de négociation face au pouvoir politique national ou<br />

local. Nous conceptualiserons cette théorie novatrice dans un graphique « Le<br />

tourisme comme instrument de développement politico social : un modèle<br />

d’empowerment dans un monde global ». L’innovation de ce graphique consiste à<br />

proposer une connexion entre empowerment politique et économique2 , une<br />

distinction entre processus d’empowerment endogène et exogène mais surtout à<br />

analyser la valeur ajoutée que peut représenter le justice tourism dans un contexte de<br />

mise en réseau transnational.<br />

Définition de la terminologie à utiliser<br />

Il est nécessaire de s’interroger sur le choix du vocabulaire qui sera utilisé le<br />

long de cette thèse.<br />

1. Qu’est-ce que le tourisme ?<br />

Le tourisme est un champ difficile d’étude qui nécessite d’avoir une vision<br />

pluridisciplinaire. « Le tourisme « vend de la relation », et l’être humain est « être de<br />

relation » » (J.M. Joly, 2000, p.13) : le tourisme est un domaine complexe très<br />

largement affaire de sensibilité et d’émotions. Ces émotions se focalisent notamment<br />

sur un débat loin d’être récent qui distingue le voyageur du touriste.<br />

Qu’est-ce qu’un touriste ?<br />

Pour l’OMT (Organisation Mondiale du Tourisme), un touriste est soit un<br />

visiteur soit un voyageur. Les visiteurs regroupent les voyageurs - comptabilisés à<br />

partir des nuitées - et les visiteurs d’un jour – les excursionnistes.<br />

2 En effet, l’empowerment économique ne garantit pas nécessairement l’empowerment social et politique<br />

(Friedman, 1992) mais l’indépendance économique et sociale engendre de l’autonomie politique.<br />

27<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Pour l’OMT, « le tourisme est un déplacement hors de son lieu de résidence habituel<br />

pour plus de 24 heures mais moins de 4 mois, dans un but de loisirs, un but<br />

professionnel (tourisme d’affaires) ou un but sanitaire (tourisme de santé) ».<br />

Le changement de lieu, la durée et les motifs du séjour, déterminent les formes et la<br />

classification des types de tourismes. Sur cette base, on distingue le tourisme<br />

intérieur, le tourisme extérieur (avec franchissement de frontières) et les motifs.<br />

L’OMT propose la classification des motifs de visite suivante :<br />

• Loisirs, détente et vacances ;<br />

• Visites à des parents et amis ;<br />

• Affaires et motifs professionnels ;<br />

• Traitement médical ;<br />

• Religion et pèlerinages ;<br />

• Autres.<br />

Un touriste est un homme en voyage… et c’est bien des qualités de cet homme que<br />

dépendront les qualités de ce touriste.<br />

Négativité associée au terme « touriste »<br />

Le mot « touriste » a une acception très négative dans les sociétés européennes<br />

puisque tout le monde essaie de se soustraire à ce qualificatif en lui donnant une<br />

définition propre qui lui permet de s’exclure de la catégorie très décriée de « vil<br />

touriste » pour être associé à l’ « authentique voyageur ». Ce dernier est perçu<br />

comme un « non touriste », comme quelqu’un conscient des impacts négatifs du<br />

tourisme et de la stigmatisation sociale du tourisme de masse.<br />

Le touriste qui refuse de se définir comme tel se proclame culturellement attentif,<br />

socialement responsable et environnementalement neutre et cherche donc à se<br />

définir par le terme de « voyageur » ; Comme si les choses étaient si simples et que la<br />

simple utilisation du label voyageur enlèverait au tourisme tous les problèmes qui lui<br />

sont liés.<br />

28


La différence entre touriste et voyageur semble trop facile au sens où le touriste serait<br />

un voyageur sans qualité : lorsque le voyageur est actif, le touriste lui est passif,<br />

lorsque le voyageur est curieux l’autre est ennuyé. Le touriste accepterait sa forme de<br />

civilisation sans la remettre en question alors que le voyageurs la compare avec<br />

d’autres et devient critique sur certains aspects de sa propre culture (Canestrini,<br />

2004, p.18). Le voyageur partirait sans buts et s’adapterait à des endroits non<br />

touristiques, c’est-à-dire sans infrastructure spécifique alors que le premier utilise<br />

l’industrie du tourisme… La différence entre touriste et voyageur est instrumentalisé<br />

par certains opérateurs afin de pouvoir vendre du rêve.<br />

Cette distinction reste pourtant forte dans l’opinion public et en tant que chercheuse<br />

ayant fréquemment abordé le thème avec des nombre de connaissances, confondre<br />

touriste et voyageur serait une grave erreur épistémologique selon eux. Nous ne nous<br />

attarderons pas sur ce débat, qui mériterait pourtant qu’on lui dédie un chapitre<br />

complet, mais déclarons qu’il ne sera pas réalisé de distinction dans cette thèse entre<br />

les deux termes. Qu’il soit touriste ou voyageur, l’important est d’étudier les impacts<br />

de ces personnes faisant des séjours à l’étranger, hors de leur pays de résidence. Nous<br />

rejoindrons Canestrini pour dire que nous faisons tous du tourisme « Facciamo tutti<br />

turismo, compresi gli antropolgi sul « campo » e i giornalisti di viaggio (…) i quali<br />

di soliti se ne tirano sdegnosamente fuori » (Canestrini, 2004, p.19).<br />

Au contraire des Européens, les latino-américains assument pleinement leur statut de<br />

touristes quand ils voyagent et s’étonnent de la perception négative de ce dernier<br />

outre-Atlantique. Devant une telle différence, on peut tenter d’apporter quelques<br />

hypothèses.<br />

Dans les pays occidentaux, le dénigrement du « tourisme » est le résultat d’une<br />

réaction de l’élite face à la démocratisation du voyage, qui en se massifiant, s’est<br />

converti en « tourisme ». L’exigence de distinction a rendu nécessaire de dénigrer ce<br />

qui est accessible pour la grande majorité. Ce discours élitiste se retrouve dans la<br />

bouche de tous et notamment dans celle de nombreux écrivains qui dès la fin du<br />

XIXème siècle, se plaignaient déjà de la massification et du vil touriste. La mode est<br />

toujours à la découverte de nouvelles contrées qui n’ont pas été empiétées par le<br />

tourisme et ce dans un objectif de distinction sociale.<br />

29<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Au contraire, en Amérique Latine, le tourisme reste le privilège d’une élite ou d’une<br />

classe moyenne aisée. En cela, il ne leur est pas utile de créer des discours de<br />

dénigrement de l’activité puisque l’accès au tourisme est de par lui-même symbole de<br />

distinction sociale.<br />

Il serait possible de continuer sur de longues pages cette distinction entre touriste et<br />

voyageur, étant donné le nombre d’arguments récupérés lors de différentes<br />

discussions avec des proches (conversations parfois mouvementées, faisant appel à<br />

un fort émotionnel), mais l’intérêt n’est pas considéré comme pertinent.<br />

2. Le développement : un champ sémantique complexe<br />

Malgré l'immense champ d'action et de recherche qu'il a généré ces trente<br />

dernières années, le concept de développement fait rarement l'objet d'une définition<br />

claire. La définition suivante, issue de la Conférence des Nations Unies sur la science<br />

et la technique au service du développement est de nature à rallier l'ensemble des<br />

organismes intervenant dans le domaine. Dans cette définition « idéaliste », le<br />

développement a les caractéristiques suivantes. Il s'agit d'un phénomène global et<br />

non pas seulement économique, qui doit être endogène et autodéterminé ; coopératif<br />

et collectif ; respectueux de la nature et du milieu culturel ; tourné vers «<br />

l'instauration d'un ordre social juste et équitable » ; «démocratique et innovateur »<br />

(Claveau 1988, p.86-87).<br />

Un problème de taille se pose dans la terminologie utilisée en sciences sociales pour<br />

désigner les objets d'étude dans le champ du développement. Non seulement est-il<br />

difficile de s'y retrouver dans les multiples vocables en usage mais la sensibilité des<br />

intellectuels aux effets de modes fait que les termes tombent en désuétude très<br />

rapidement, sans que des changements sociologiques véritables en justifient toujours<br />

l'abandon. (Dagenais, 1988). Ces efforts de clarification, de précision théorique de la<br />

part des spécialistes risquent même d'apparaître aux non spécialistes comme une<br />

querelle d'intellectuels, pour ne pas dire « un combat d'étiquettes » (Sachs 1987, p.<br />

19).<br />

30


Comment choisir entre les dénominations de pays en voie de développement (PED),<br />

pays sous-développés, Tiers-Monde, Sud, pays périphériques,…? se demande-t-on à<br />

l'instar de Sachs. La manière de désigner ces pays change selon l'angle sous lequel on<br />

les aborde et selon les solutions envisagées pour remédier à leurs problèmes. Depuis<br />

la fin du " Tiers-Monde " il n’existe plus de terme qui puisse emporter l'adhésion<br />

complète. La notion de " développement " elle-même se révèle de plus en plus<br />

problématique quand la précarité augmente dans les pays du Nord, alors qu'au Sud<br />

surgissent des pays " émergents " et que les problèmes de " développement " touchent<br />

l'est de l'Europe et les pays de l'ex-URSS. Tous ces termes ont des significations au<br />

delà de leur apparence première, qui sera détaillée ci-après.<br />

Tiers-monde : Le terme fut utilisé pour la première fois par le démographe Alfred<br />

Sauvy en 1952 et fait référence au Tiers États. Il avait une portée transformiste pour<br />

ne pas dire révolutionnaire. Depuis l’effondrement de l’empire soviétique, ce concept<br />

semble avoir perdu de son actualité dans sa version politique. Son correspondant<br />

anglais « Third world » reste cependant largement utilisé: « it helps to emphasize the<br />

ways in which power, resources and development are unequally and unevenly<br />

shared globally » (Mowforth et Munt, 1998, p.6).<br />

Pays en voie de développement (PVD) /pays en développement (PED) : On<br />

ne peut qu'être d'accord avec les auteurs qui la considèrent comme un « euphémisme<br />

» (Sachs 1987, p.19) ou « presque une antiphrase » (Latouche 1987, p.13). Cependant,<br />

elle acquiert un sens dynamique et politique certain lorsqu'elle est mise en rapport<br />

avec la notion de « surdéveloppement » (overdevelopment) telle que définie par<br />

Maria Mies (Mies, 1986, p.39). Celle-ci nomme « surdéveloppement » le processus<br />

par lequel les pays capitalistes occidentaux se développent aux dépens des pays<br />

pauvres, et « sous-développement » celui que ceux-ci connaissent en conséquence.<br />

C'est dans le même esprit que l’expression pays en développement sera utilisée dans<br />

cette thèse.<br />

Pays du nord et Pays du sud : C’est l’expression sûrement la plus utilisée<br />

actuellement dans la Francophonie (non en langue anglaise) pour désigner la<br />

partition du monde entre hémisphères nord et sud. C'est cependant une division qui<br />

ne rencontre pas les réalités mondiales (l'Australie et la Nouvelle-Zélande font partie<br />

31<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


des pays du sud mais ne sont pas des pays sous-développés et au contraire la Chine et<br />

l'Inde font partie de l'hémisphère nord). "Sud " tend à sous-entendre une situation<br />

figée : car s'il y a des permanences, ce sont bien les points cardinaux - ce nord que<br />

marque toujours la boussole... "Sud " se trouve alors synonyme de " pauvreté ", et non<br />

plus d'" exploitation " comme l'était " Tiers Monde " » (Gervais-Lambony P et Landy<br />

F, 2007). Ce terme de Sud n'a jamais atteint une popularité et un usage comparable à<br />

celui de Tiers-Monde jadis. De nouvelles terminologies, prétendument neutres et<br />

apolitiques, remplacent les anciennes.<br />

Pays riches et pays pauvres : cette notion se base sur le revenu par habitant.<br />

Cette conception employée par la Banque Mondiale ne reflète que la richesse<br />

moyenne d'un pays et non la situation réelle des habitants.<br />

Pays industrialisés et pays non-industrialisés : la plupart des pays étant<br />

industrialisés, cette distinction ne représente pas réellement une situation concrète.<br />

Dans la définition des choix terminologiques à utiliser, il sera adopté la position de<br />

Serge Latouche : « Pays sous-développés, pays en voie de développement, Tiers-<br />

Monde, Sud, périphérie, tous ces termes sont inadéquats, mais on ne peut s'en<br />

passer. Personnellement, je les utilise tous. D'une part, cela évite les répétitions. Et<br />

puis, étant tous inadéquats, ils sont tous aussi adéquats, d'une certaine façon parce<br />

qu'ils parlent d'une réalité qui se transforme, difficile à cerner ». (Latouche 1987, p.<br />

13)<br />

Sera privilégiée l’utilisation des notions de Pays en développement (PED), de Sud, et<br />

de Tiers-Monde opposées à celle de pays développés (PD) et de Nord. Ceci n'est<br />

contradictoire ni avec un regard critique sur les termes en eux-mêmes, ni avec la<br />

prise en compte du fait que les glissements des limites de ce Sud se produisent à<br />

toutes les échelles et parfois sans continuité territoriale.<br />

32


3. L’empowerment des communautés locales comme objectif<br />

Vers une définition de communautés<br />

La communauté, en droit français, désigne un collectif de personnes<br />

possédant et jouissant de façon indivise d'un patrimoine en commun. Elle s'oppose à<br />

la société et à l'association en ce qu'une communauté est formée indépendamment<br />

de la volonté de ses membres et qu'ils ne décident pas de leur implication. Dans une<br />

acception large, la communauté peut être définie comme «a social network of<br />

interacting individuals, usually concentrated into a defined territory». (Johnston<br />

2000, p.101). Milne va plus loin dans sa définition en ajoutant que la communauté<br />

peut « provide identity, meaning and a sense of self-worth to their members »<br />

(Milne 1998, p.40). Comme le soulignent ces différentes définitions, les<br />

communautés ne sont pas des entités homogènes caractérisées par des objectifs<br />

communs et par le désir de tous les membres de partager un mutuel bien-être, d’où la<br />

probabilité de l’émergence de conflits en son sein. Ce thème sera longuement<br />

développé dans notre réflexion. La deuxième difficulté qui peut émerger est la<br />

définition des limites d’une communauté. Par exemple, la communauté inclue-t-elle<br />

seulement les habitants du village adjacent à l’attraction touristique ou doit-elle<br />

également inclure les villageois de la zone avoisinante parce qu’ils bénéficient eux<br />

aussi de cette activité ?<br />

Vers une définition de l’’empowerment<br />

Le terme d’empowerment, même si omniprésent dans la littérature anglosaxonne,<br />

est beaucoup moins utilisé dans la littérature francophone ou latine. Il<br />

n’existe pas de consensus sur la traduction de ce terme en français. L’utilisation des<br />

concepts d’autonomisation ou de capacitation ne rend le sens que d’une partie du<br />

concept. En italien, la traduction « rafforzamento » est là encore peu fidèle au sens<br />

global. Seul l’espagnol, par la traduction littérale « empoderamiento » retransmet<br />

sans perdre de nuances la globalité du concept. L’absence de ce concept dans les<br />

langues françaises et italiennes ne serait-elle pas révélatrice d’une politique de<br />

développement encore trop assistentialiste menée par ces pays ?<br />

33<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Au long de cette thèse, nous maintiendrons de nombreux concepts en anglais, tels<br />

qu’empowerment, commodification, ownership pour ne pas perdre du sens en<br />

adoptant des traductions critiquables. Selon la définition commune de Wikipédia,<br />

l’empowerment correspond à « la prise en charge de l'individu par lui-même, de sa<br />

destinée économique, professionnelle, familiale et sociale. L'empowerment, comme<br />

son nom l'indique, est le processus d'acquisition d'un « pouvoir » (power), le pouvoir<br />

de travailler, de décider de son destin, de sa vie sociale en respectant les besoins et<br />

termes de la société. L'autonomie d'une personne lui permet d'exister dans la<br />

communauté sans constituer un fardeau pour celle-ci. La personne autonome est une<br />

force pour la communauté. »<br />

Une association peut atteindre l'empowerment en devenant plus autonome dans sa<br />

façon d'acquérir les fonds pour sa subsistance. Si elle vend ses services au lieu de<br />

dépendre passivement des fonds publics et des dons, elle est davantage maîtresse de<br />

sa destinée et renforce le milieu social en ne devenant pas un fardeau économique. En<br />

France, ce terme est employé dans le domaine des ressources humaines et très peu<br />

dans le cadre des réflexions sur la coopération au développement.<br />

Le terme d’autonomisation est le terme le plus couramment employé pour traduire le<br />

terme d’empowerment. Il convient donc de s’arrêter rapidement sur la définition du<br />

concept d’autonomie.<br />

Autonomie : En philosophie morale, l’autonomie est la faculté d'agir par soi-même<br />

en se donnant sa propre loi.<br />

Même si la traduction plus juste du concept d’empowerment en français serait celui<br />

d’autonomisation, il sera préféré maintenir le terme original anglais et tous ses<br />

proches : disempowerment, to empower, empowered, disempowered.<br />

L’empowerment a pour objectif de permettre aux membres d’une communauté de<br />

maîtriser leur propre environnement et d’atteindre l’auto-détermination. Pour cela, le<br />

changement des structures sociales est une condition nécessaire. Ce cadre d’analyse<br />

sur l’empowerment s’avérera être un instrument fort utile pour évaluer le degré<br />

d’empowerment des populations locales acquis suite à un projet de développement<br />

touristique.<br />

34


Tableau 2. Potentialités du tourisme en termes d’empowerment et de disempowerment<br />

des communautés locales<br />

Empowerment<br />

économique<br />

Empowerment<br />

psychologique<br />

Empowerment<br />

social<br />

Empowerment<br />

politique<br />

Signes d’empowerment Signes de disempowerment<br />

- Gains économiques visibles<br />

(amélioration des maisons, plus<br />

d’enfants à l’école,…)<br />

- Les bénéfices gagnés sont partagés<br />

entre de nombreux ménages dans la<br />

communauté<br />

- Augmentation de l’estime de soi grâce<br />

à la reconnaissance de l’unicité et de la<br />

valeur de leur culture, de leurs<br />

ressources.<br />

- L’accès à l’emploi et à un revenu<br />

permet aux secteurs traditionnellement<br />

défavorisés (jeunes, pauvres)<br />

d’améliorer leur statut social<br />

- Amélioration de la cohésion de la<br />

communauté née de la coopération<br />

nécessaire dans l’activité touristique<br />

- Des fonds communautaires peuvent<br />

être récoltés pour financer des activités<br />

de développement (éducation, santé,…)<br />

- Les agences créant de nouvelles<br />

entreprises touristiques cherchent à<br />

consulter différents groupes de la<br />

communauté et leur laissent la<br />

possibilité de participer dans le<br />

processus décisionnel.<br />

- La communauté renforce son pouvoir<br />

de négociation face aux pouvoirs publics<br />

locaux et nationaux notamment grâce à<br />

l’utilisation de réseaux transnationaux<br />

- Les communautés revendiquent de<br />

nouveaux droits tels que l’accès à la<br />

terre, une plus forte transparence dans<br />

la gestion des fonds publics ou une plus<br />

forte participation dans les processus<br />

décisionnels<br />

- Peu de gains économiques pour la<br />

communauté, et qui restent sporadiques<br />

- La plupart des profits vont aux élites<br />

locales, aux opérateurs étrangers ou<br />

agences gouvernementales<br />

- L’interaction avec le touriste fait penser à<br />

la communauté locale que sa culture ou<br />

mode de vie est inférieure<br />

- Les membres de la communauté qui<br />

n’arrivent à profiter du tourisme sont déçus<br />

et frustrés<br />

- Perte de respect pour la culture<br />

traditionnelle et pour les plus âgés.<br />

- Changement de l’équilibre social<br />

- Au lieu de coopérer, les différentes<br />

familles de la communauté peuvent entrer<br />

en compétition pour s’accaparer les<br />

bénéfices du tourisme<br />

- ressentiment et jalousie sont monnaie<br />

courante<br />

- La communauté possède un leadership<br />

autocratique ou intéressé.<br />

- Les organismes ou entreprises échouent<br />

(ou ne souhaitent pas) intégrer la<br />

communauté dans le processus décisionnel<br />

et la communauté se déresponsabilise<br />

- Entretien de la mentalité<br />

d’assistentialisme<br />

Source : Traduction libre de Scheyvens, 2002 (basé partiellement sur Friedman 1992)<br />

avec apports personnels soulignés<br />

35<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


1. Tourisme et développement : contribution<br />

des différents tourismes alternatifs à<br />

l’empowerment des communautés<br />

1.1. Tourisme de masse versus tourisme alternatif :<br />

dépasser la dichotomie.<br />

L’implication des communautés dans le tourisme est souvent mentionnée<br />

comme stratégie de développement « alternative ». Le tourisme conventionnel,<br />

comme il a été pratiqué jusqu’à aujourd’hui implique très peu ou pas les<br />

communautés locales qui pourtant en subissent les impacts négatifs en terme<br />

environnemental, social et culturel.<br />

En réponse à cette critique est né le concept de tourisme alternatif aux lendemains de<br />

la colonisation, par la volonté de groupes militants, d’origines idéologiques ou<br />

religieuses diverses, de mettre à profit leur pratique du tourisme pour engager de<br />

nouvelles relations avec les populations locales. Depuis cette date, la profusion de<br />

nouveaux produits ou philosophies touristiques n’a cessé de croître : écotourisme,<br />

tourisme responsable, tourisme solidaire, tourisme équitable, tourisme culturel,<br />

tourisme durable, tourisme éthique,… La question sous-jacente qui se posera au long<br />

de l’analyse est de déterminer si ces expressions sont justes de nouveaux mots pour<br />

caractériser d’anciens produits emballés d’une nouvelle façon pour apparaître plus<br />

attractifs aux consommateurs ou s’ils indiquent un changement fondamental dans<br />

l’approche du tourisme. (Scheyvens, 2002). En effet, nombre d’auteurs sont<br />

sceptiques quant aux supposés bénéfices du tourisme alternatif (Butler 1990,<br />

Mowforth et Munt 1998, Hilali 2003) qui constituerait selon eux une façade plus<br />

socialement et environnementalement acceptable pour permettre de continuer<br />

l’exploitation des personnes et des environnements du Tiers-Monde.<br />

36


Des solutions face aux critiques du tourisme de masse ?<br />

Le tourisme de masse fait l’objet de critiques que l’on peut regrouper et énoncer de la<br />

manière suivante :<br />

• Les pays en développement ne maîtrisent pas les flux touristiques, qui sont<br />

largement contrôlés par des groupes internationaux basés dans les pays<br />

industrialisés ;<br />

• Les comptes en devises sont défavorables car les rentrées sont grevées par des<br />

besoins accrus en produits d’importations (fuites ou leakages) ;<br />

• La monoactivité et les monostructures touristiques sont fragiles, voire dangereuses,<br />

car elles sont soumises à la demande, sujette à d’énormes fluctuations ;<br />

• Les emplois touristiques sont souvent mal rémunérés, saisonniers et sans<br />

possibilités de réelles qualifications ;<br />

• Le tourisme fragilise le tissu social et bouscule les bases culturelles en renforçant les<br />

disparités sociales et introduisant des modes de consommation non durables ;<br />

• Enfin, le tourisme, par les transports émetteurs de gaz à effet de serre, contribue au<br />

déséquilibre climatique planétaire, et, par ses impacts terrestres, pollue, détruit,<br />

surexploite, modifie les paysages.<br />

Ces critiques, par réaction, constituent le fondement des évolutions actuelles du<br />

secteur du tourisme dans au moins deux directions :<br />

• Une amélioration qualitative d’une partie des prestations du tourisme de masse,<br />

notamment sous l’angle de la protection de l’environnement et des ressources, dans<br />

une optique de développement durable. De là survient la thématique du tourisme<br />

durable. Le tourisme conventionnel (ou industriel) peut – et doit –<br />

améliorer son taux de recettes résiduelles. Ceci passe par une approche<br />

territoriale du tourisme.<br />

37<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


• La diversification d’une offre alternative, « de niche », pour répondre aux<br />

besoins d’une demande de consommation citoyenne. De là, la naissance de<br />

l’appellation « tourisme alternatif » qui s’est peu à peu affinée en de nombreuses<br />

dénominations.<br />

Le terme tourisme conventionnel, tourisme industriel ou tourisme de<br />

masse sera utilisé au long de notre analyse en opposition au terme de « tourisme<br />

alternatif » ou « nouveau tourisme ».<br />

Tourisme de masse / tourisme alternatif : quelques définitions<br />

Brown définit le tourisme conventionnel comme « a capitalist multinational<br />

enterprises operating under the dictates of market competition and technology<br />

efficiency » (Brown, 1998, p.237).<br />

Le tourisme de masse est né d’une volonté de permettre à un maximum de<br />

personnes de voyager à moindre coût. Nécessitant de grandes structures de transport<br />

et d’accueil et des infrastructures lourdes (aéroports, réseaux routiers, parcs<br />

hôteliers, complexes de loisirs), ce mouvement touristique a entraîné la concentration<br />

des touristes dans un même lieu et à un même moment de l’année. Le touriste le<br />

mieux intentionné peut rarement éviter de faire appel aux structures du tourisme de<br />

masse pour une partie au moins de son voyage.<br />

• Le tourisme industriel est un tourisme de masse qui implique une<br />

standardisation de produits construits autour du couple soleil/mer ou<br />

soleil/montagne et offerts à une clientèle à la recherche d’un exotisme assurant le<br />

dépaysement dans un cadre familier (l’exemple type serait le Club Méditerranée) à<br />

des prix les moins élevés possibles. Ce tourisme fait du lieu d’implantation d’une<br />

station touristique un support pour des actions dont la rentabilité doit être assurée à<br />

court terme.<br />

Les expressions tourisme conventionnel et tourisme classique peuvent être<br />

utilisées indistinctement pour substituer les deux premières expressions.<br />

38


Le tourisme alternatif est un terme “generally used to refer to forms of<br />

tourism which seek to avoid adverse and enhance positive social, cultural and<br />

environmental impacts. Usually characterized by: small scale ; individual,<br />

independent or small group activity ; slow, controlled and regulated development ;<br />

as well as emphasis on travel as experience of host cultures and on maintenance of<br />

traditional values and societies.” (Medlik 1993, p.10).<br />

Pour beaucoup, le tourisme alternatif serait synonyme de tourisme durable<br />

alors que le tourisme de masse ne pourrait aspirer à la durabilité. Et pourtant les<br />

choses ne sont pas si simples…<br />

Le tourisme durable comme objectif<br />

L’expression « tourisme durable » est souvent utilisée à tort ou à travers et<br />

comprise de façon incomplète (Deslisles et Jolin, 2007, p.55). Le tourisme durable<br />

n’est ni une niche de marché, ni un produit, ni réellement une autre façon de faire du<br />

tourisme (portant en soi de nouvelles valeurs). Le tourisme durable interpelle aussi<br />

bien le tourisme de masse que le tourisme alternatif. Planifier le tourisme dans<br />

l’optique d’un développement durable devrait être l’objectif de l’ensemble du secteur,<br />

dans l’ensemble des destinations et non seulement dans les pays du Sud.<br />

Il se réfère à ce qui en matière de tourisme peut se rapporter au concept de durabilité,<br />

tel que défini, en 1992, lors du Sommet de la Terre de Rio. Le qualificatif « durable »<br />

ayant été adopté, non sans hésitation d’ailleurs, pour traduire le mot anglais<br />

«sustainable». Cette extension du concept au tourisme a pris forme, en 1995, au<br />

cours d’une conférence organisée à Lanzarote (Îles Canaries) par l’Organisation<br />

mondiale du tourisme (OMT), à laquelle participaient plusieurs centaines de<br />

partenaires du tourisme et qui a donné lieu à la publication de la « Charte du<br />

tourisme durable ».<br />

Selon l’OMT, la définition conceptuelle du développement durable du tourisme<br />

se lit comme suit :<br />

39<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


«Les principes directeurs du développement durable et les pratiques de gestion<br />

durable du tourisme sont applicables à toutes les formes de tourisme dans tous les<br />

types de destination, y compris au tourisme de masse et aux divers créneaux<br />

touristiques. Les principes de durabilité concernent les aspects environnemental,<br />

économique et socioculturel du développement du tourisme. Pour garantir sur le long<br />

terme la durabilité de ce dernier, il faut parvenir au bon équilibre entre ces trois<br />

aspects.»<br />

Par conséquent, le tourisme durable doit :<br />

• exploiter de façon optimum les ressources de l'environnement, qui constituent<br />

un élément clé de la mise en valeur touristique, en préservant les processus<br />

écologiques essentiels et en aidant à sauvegarder les ressources naturelles et la<br />

biodiversité ;<br />

• respecter l'authenticité socioculturelle des communautés d'accueil, conserver<br />

leurs atouts culturels bâtis et vivants et leurs valeurs traditionnelles et<br />

contribuer à l'entente et à la tolérance interculturelles ;<br />

• assurer une activité économique viable sur le long terme offrant à toutes les<br />

parties prenantes des avantages socioéconomiques équitablement répartis,<br />

notamment des emplois stables, des possibilités de bénéfices et des services<br />

sociaux pour les communautés d'accueil, et contribuant ainsi à la réduction de<br />

la pauvreté.<br />

Le concept de tourisme durable est lié au concept de capacité de charge d’un site. Afin<br />

de ne pas générer des impacts négatifs sur la société locale et sur l’environnement,<br />

chaque site touristique devrait fixer un nombre limite de visiteurs en tenant compte<br />

des ressources environnementales, économiques et sociales de ce dernier. Ce principe<br />

à la base du tourisme durable, est pourtant difficile à déterminer. Le consensus sur<br />

les indicateurs de mesure de cette capacité de charge est encore loin d’être atteint.<br />

L’accent a été longtemps mis, et continue à l’être, sur l’aspect environnemental. Ce<br />

terme « has come to represent and encompass a set of principles, policy<br />

prescriptions, and management methods which chart a path for tourism<br />

development such that a destination areas’s environmental resource base is<br />

40


protected for further development.” (Hunter, 1997, p.850). Les nombreux efforts<br />

consacrés pour mettre en place un tourisme durable se sont focalisés sur la<br />

conservation de l’environnement, échouant à inclure les impératifs de développement<br />

et négligeant bien souvent les besoins des communautés locales.<br />

Le développement du tourisme durable a une forte dimension de politique publique.<br />

Il introduit les notions de planification, de contrôle, de long terme, de partenariats<br />

institutionnels. Sans le support et les interventions des pouvoirs publics et des<br />

pouvoirs locaux, il n'y pas de développement durable possible.<br />

Le terme «tourisme durable » a été globalement utilisé comme un substitutif de<br />

« tourisme alternatif ». Pourtant, tourisme durable et tourismes alternatifs ne<br />

peuvent être assimilés.<br />

Tourisme<br />

mouvantes<br />

de masse/tourisme alternatif/durabilité : des frontières<br />

Pour les premiers théoriciens tels que Pearce (1992), tourisme de masse et<br />

tourisme durable étaient considérés comme des termes antinomiques. La durabilité<br />

ne pouvait être recherchée qu’à travers le tourisme alternatif, attaché au concept de<br />

petite échelle, qui aurait dû être porté à terme à remplacer le tourisme de masse<br />

(Lanfant et Graburn 1992). De façon stéréotypée, le tourisme de masse correspondait<br />

au « mal » (et il continue) et le tourisme alternatif au « bien ».<br />

Petit à petit, l’opposition dichotomique a été remise en question à la faveur d’une<br />

analyse intégrant le concept de continuum. Cette gradualité permet de rendre compte<br />

de toute la complexité et de la mobilité de l’expérience touristique et sa possibilité<br />

d’évolution. En effet, le tourisme alternatif court toujours le risque d’évoluer à la<br />

longue en tourisme de masse. Les contaminations entre tourisme de masse et<br />

tourisme alternatif sont possibles puisque le tourisme alternatif utilise les<br />

infrastructures, le transport et les systèmes de réservation du tourisme de masse. De<br />

plus, un tourisme alternatif non planifié à de fortes chances de se transformer en<br />

tourisme non durable, selon le cycle de vie de Butler (Butler, 1990).<br />

41<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


La position actuelle quant à la réflexion sur la durabilité du tourisme a dépassé le<br />

concept du continuum pour introduire celui de mouvement, apte à saisir réellement<br />

la complexité du thème et la grande diversité d’évolutions possibles. Deux<br />

dimensions nouvelles importantes sont intégrées :<br />

- le thème de l’échelle devient plus objectif et moins émotif. Le tourisme de<br />

masse devient objet d’amélioration plutôt que l’ennemi à combattre.<br />

- Le tourisme durable devient l’objectif à atteindre, il n’est plus seulement<br />

l’apanage du tourisme alternatif.<br />

L’idée de continuum est remise en question notamment par la contestation du cycle<br />

de vie de Butler. Le modèle théorique proposé par Weaver DB (Weaver D.B, 2000)<br />

propose une classification du tourisme en quatre idéaux-type de base, basés sur la<br />

relation entre l’échelle ou l’intensité de l’activité touristique et l’importance de la<br />

régulation associée au secteur touristique.<br />

Figure 1 : Modèle théorique de Weaver : quatre idéaux-types du tourisme<br />

Source : Weaver D.B, 2000<br />

Weaver, de par ce graphique, reconnaît deux principes très intéressants :<br />

42<br />

1. Le tourisme de masse peut être durable, si régulé, notamment grâce au respect<br />

de la capacité de charge d’un site.


Selon Weaver, qui possède une vision du tourisme durable exclusivement centrée sur<br />

le pilier environnemental, le tourisme de masse aurait plus de facilités que les autres<br />

types de tourisme à intégrer des mesures environnementales puisqu’il aurait plus de<br />

moyens pour investir dans de telles mesures. « The large corporations that dominate<br />

mass tourism destinations may actually be better positioned than their small-scale<br />

counterparts to facilitate sustainable practices, given internal economies of scale<br />

that allow for the allocation of resources toward for audits and educational<br />

programs, and the generation of enough waste material to justify e!ective recycling<br />

practices » (Clarke, 1997; Goodall, 1992).<br />

2. Le tourisme alternatif peut se développer comme tel même s’il n’est pas<br />

planifié, à partir du moment où c’est une initiative de petite échelle ; d’où la<br />

naissance du concept de tourisme alternatif circonstanciel.<br />

Selon Weaver, le cycle de vie de Butler est trop restrictif et empêche de comprendre la<br />

complexité des possibles évolutions du cycle de vie. En effet, selon la théorie de<br />

Butler, le tourisme alternatif circonstanciel (CAT) correspondrait à un stade<br />

touristique particulier, celui de l’exploration, qui déboucherait, en suivant l’évolution<br />

du cycle de vie sur un tourisme de masse non durable. Ce fut notamment le cas de la<br />

Côte d’azur française ou de la riviera espagnole (Pearce, 1995) confrontées à une<br />

absence de régulation et un flux important de touristes. Weaver met en lumière la<br />

diversité des possibles évolutions du cycle de vie à travers son schéma sur les<br />

scénarios de développement des destinations.<br />

Figure 2 : Scénarios de développement des destinations selon Weaver<br />

Source : Weaver D.B, 2000<br />

43<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Nous expliquerons dans le détail uniquement les évolutions de ce schéma qui nous<br />

semblent les plus intéressantes et les moins communément évidentes :<br />

CAT DAT<br />

Le passage du tourisme alternatif (TA) circonstanciel au TA délibéré représente une<br />

modification du modèle de Butler qui prévoit une évolution de ce dernier vers le<br />

tourisme de masse non durable. La décision d’évoluer vers un TA délibéré peut<br />

émerger de plusieurs facteurs :<br />

• Destination qui n’est pas considérée comme attractive pour le tourisme de<br />

masse.<br />

• Communauté en faveur d’un développement touristique de niveau<br />

intermédiaire ou faible dans une perspective de moyen ou long terme afin de<br />

ne pas bouleverser l’équilibre économico-spatial de la communauté (résistance<br />

à de forts changements).<br />

• Désir de la communauté de développer un tourisme à large échelle mais<br />

reconnaissance que le TA délibéré peut représenter un stage transitionnel<br />

adapté pour arriver à terme à un tourisme de masse durable.<br />

La volonté de développer un tourisme alternatif délibéré est fréquente chez les<br />

populations indigènes (Massai au Kenya, aborigènes en Australie,…) puisqu’une trop<br />

forte fréquentation touristique pourrait rentrer en conflit avec leur désir de ne pas<br />

mettre en péril l’intégrité de leur culture et ne pas perdre le contrôle sur les méthodes<br />

et taux de croissance du tourisme.<br />

DAT SMT ou UMT<br />

Le tourisme alternatif peut être utilisé par certains planificateurs comme stade<br />

transitionnel pour atteindre un tourisme de masse durable, rendu possible<br />

uniquement par la présence d’une forte demande. Le passage de DAT à SMT peut<br />

aussi se dérouler de façon involontaire. Lorsqu’une initiative de tourisme alternatif<br />

est considérée comme exemplaire, elle attirerait (ironiquement) de plus en plus de<br />

clients qui sont attirés par des expériences sur petite échelle. Ce cas de figure peut<br />

être par exemple celui du Costa Rica qui a développé sur large échelle son<br />

44


écotourisme ; une forte fréquentation a fait évoluer son tourisme alternatif à un<br />

tourisme de masse.<br />

La forte fréquentation d’un projet de TA conduira presque inexorablement à<br />

l’émergence d’un tourisme de masse, à moins que la volonté de la communauté hôte<br />

de limiter le nombre de touristes soit forte. Si la réglementation se maintient et se<br />

renforce, ce tourisme de masse sera durable. Sinon, sans respect de la capacité de<br />

charge et sans régulations environnementales, l’évolution se fera vers un tourisme de<br />

masse non durable.<br />

L’intérêt de cette analyse de Weaver est de montrer que les frontières entre tourisme<br />

alternatif et tourisme de masse sont très mouvantes. La critique qui pourrait être faite<br />

à son modèle est qu’il définit le tourisme alternatif uniquement par la variable de<br />

taille (petite taille). Hors la variable de la taille est très réductrice puisque le tourisme<br />

alternatif intègre de nombreuses autres variables, aussi bien économiques que<br />

sociales, comme nous le développerons par la suite.<br />

Quel tourisme pour les communautés locales ?<br />

Quelles formes de tourisme sont-elles aptes à soutenir le développement et<br />

l’empowerment des communautés du tiers-monde ?<br />

Il est nécessaire avant d’aller plus loin de démystifier une idée fausse promue<br />

par les défenseurs d’un autre tourisme. Le tourisme alternatif n’est pas toujours<br />

perçu par les communautés comme plus bénéfiques pour elles que le tourisme de<br />

masse (Weaver et Oppermann 2000). Lorsque le deuxième promet de meilleures<br />

rentrées économiques, on ne saurait imaginer les communautés trancher sans hésiter<br />

pour le premier type. Le tourisme de masse peut être perçu comme moins invasif<br />

dans certains cas puisqu’il met moins à risque l’intimité des communautés. Une<br />

communauté qui propose des visites à la journée pour présenter une manifestation<br />

culturelle et vendre des souvenirs (les touristes rentrent ensuite à leur hôtel) subit<br />

moins de risques au niveau de son équilibre social et culturel puisque les touristes ne<br />

dorment pas chez eux. (Scheyvens, 2002).<br />

45<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Soutenir cette position est un peu se faire l’avocat du diable mais il est toujours<br />

légitime de maintenir des interrogations critiques pour rester ouvert et attentif aux<br />

suggestions et visions des communautés sans vouloir leur imposer un modèle<br />

alternatif jugé comme supérieur. Imposer aux communautés une certaine forme de<br />

tourisme prédéterminée, qu’il soit alternatif ou non, est leur réimposer encore une<br />

fois un schéma et une réflexion qui s’est développée en Occident. Il n’empêche pas<br />

que la position claire adoptée au long de cette thèse soutienne que le tourisme<br />

alternatif (à voir encore le quel…) est majoritairement plus bénéfique aux<br />

communautés locales que le tourisme de masse. S’il est conforme à la définition<br />

idéale, les pratiques de tourisme alternatif fournissent des opportunités significatives<br />

en termes de développement local, d’éducation mutuelle entre touristes et hôtes.<br />

(Brown, 1998).<br />

En étant cependant conscient que le tourisme alternatif ne pourra remplacer le<br />

tourisme de masse, il est nécessaire de penser à des stratégies pour réformer le<br />

tourisme de masse et le rendre instrument de développement local. Pour modifier le<br />

secteur touristique dans son ensemble et multiplier les potentialités de<br />

développement des pays du Tiers-Monde, on ne peut se cantonner à l’unique soutien<br />

à des alternatives de petite échelle qui impliquent un pourcentage infime du marché<br />

(actuellement le tourisme alternatif en France représente 4% du marché). Si l’on veut<br />

essayer d’avoir une action qui vise à faire évoluer le système dans son entier, il<br />

convient d’explorer les moyens par lesquels le «mass tourism can be practiced in<br />

ways that minimize and mitigate its obvious disbenefits » (Husbands et Harrisson<br />

1996, p.1)<br />

Dans cette recherche des formes appropriées de tourisme aptes à soutenir le<br />

développement et l’empowerment des communautés du tiers-monde, seront étudiées<br />

aussi bien les initiatives qui tentent de responsabiliser le secteur du tourisme<br />

conventionnel que celles exclusivement destinées au marché du tourisme alternatif.<br />

46


1.2. Catégorisation et définition des divers types de<br />

tourisme alternatif.<br />

Le souci de catégoriser apparaît puisque la rationalité dominante consiste à<br />

mettre en boîte, ou plus exactement à nomenclaturer. L’exercice s’avère délicat et<br />

peut sembler artificiel tant le recouvrement des mots, le mélange des genres, la<br />

confusion de sens et les hybridations sémantiques foisonnent dans le domaine.<br />

1.2.1 Classification de la typologie des tourismes alternatifs<br />

Les promoteurs d’un « autre tourisme » s’opposent sur la sémantique utilisée.<br />

Les différentes expressions existantes s’appuient sur un ensemble de valeurs<br />

globalement communes mais dont la compréhension diffère selon le pays, le type<br />

d’acteurs et la sensibilité propre à chacun (plus environnementale, sociale, politique<br />

ou économique). Afin de mieux cerner les spécificités et les nuances de chaque<br />

tourisme alternatif, un angle d’analyse intéressant pour aider à la catégorisation est la<br />

distinction entre visiteur et visité, c'est-à-dire entre offre et demande. Une autre ligne<br />

de démarcation se situe entre la distinction produits/valeurs.<br />

Tableau 3 : Classification de la variété de « l’autre tourisme »<br />

Expressions reflétant des valeurs Expressions reflétant des<br />

produits<br />

Sous l’angle des<br />

visiteurs<br />

Sous l’angle des hôtes<br />

(segment de marché)<br />

Tourisme responsable Tourisme enclavé Ecotourisme<br />

Tourisme solidaire Tourisme intégré Tourisme culturel<br />

Tourisme social Tourisme équitable Agritourisme<br />

Tourisme communautaire Ethno-tourisme<br />

Justice Tourism Tourisme volontaire – congés<br />

solidaires – tourisme humanitaire –<br />

reality tour<br />

Tourisme vert<br />

Tourisme patrimonial<br />

Source : Réalisation personnelle à partir de la catégorisation de Desliles et Jolin (2007,<br />

p. 41-76)<br />

47<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Ce tableau de Desliles et Jolin (2007, p.59), inspiré de Fennell (1999), propose une<br />

synthèse comparative entre les différents types de tourisme alternatif, en distinguant<br />

les valeurs, les acteurs, les logiques d’action et les dérives possibles.<br />

Tableaux 4 : Tableaux de synthèse des différents types de tourisme alternatif<br />

Principales<br />

valeurs<br />

Acteurs<br />

prépondéra<br />

nts<br />

Logiques<br />

d’action<br />

Dérives<br />

possibles<br />

(Pour tous<br />

possibilité<br />

de dérive<br />

marketing)<br />

48<br />

Tourisme Responsable Tourisme solidaire Tourisme durable<br />

Responsabilité, respect,<br />

discernement<br />

Touriste Voyagiste Voyagiste<br />

Touriste<br />

COMPORTEMENT<br />

Développer<br />

une consommation et un<br />

comportement responsable de<br />

la part des touristes<br />

Développer la responsabilité<br />

sociale d’entreprise et les<br />

pratiques commerciales qui<br />

tiennent compte du<br />

développement durable<br />

Les visiteurs peuvent se sentir<br />

responsables à outrance<br />

Coopération, empathie,<br />

altruisme<br />

COOPERATION-<br />

SOLIDARITE<br />

Le voyagiste prévoit le<br />

financement d’un<br />

projet de coopération,<br />

en prélevant un quota<br />

destiné à cet effet dans<br />

le prix du voyage<br />

Encourager des choix<br />

de voyage faisant appel<br />

à la solidarité des<br />

visiteurs avec les<br />

visités.<br />

Prévoir des possibilités<br />

d’actions solidaires<br />

après le voyage<br />

Philanthropie<br />

nourrissant les logiques<br />

d’assistentialisme<br />

Les voyagistes n’ont<br />

pas les compétences<br />

pour organiser un<br />

travail performant en<br />

matière de coopération<br />

Conservation, croissance,<br />

pérennité<br />

Etat<br />

Communautés Voyagiste<br />

PLANIFICATION-<br />

DEVELOPPEMENT<br />

Viser une planification et<br />

un développement à long<br />

terme<br />

Influencer toutes les<br />

formes de tourisme pour<br />

qu’elles intègrent des<br />

principes de durabilité<br />

Intégrer des indicateurs<br />

de durabilité et des<br />

moyens de contrôle sur le<br />

plan environnemental,<br />

économique, social et<br />

culturel<br />

Stratégie marketing<br />

Persistance de leakages et<br />

peu de développement de<br />

l’économie locale<br />

Manque de participation<br />

des populations locales


Principales<br />

valeurs<br />

Acteurs<br />

prépondér<br />

ants<br />

Logique<br />

d’action<br />

Dérives<br />

possibles<br />

Pour tous<br />

possibilité<br />

de dérive<br />

marketing<br />

49<br />

Tourisme<br />

communautaire<br />

Participation<br />

Empowerment<br />

Engagement<br />

Communauté locale<br />

ONG<br />

EMPOWERMENT-<br />

GOUVERNANCE<br />

PARTICIPATIVE<br />

Favoriser la participation<br />

des communautés locales<br />

pour définir les modalités<br />

de son offre touristique<br />

Favoriser le<br />

développement de<br />

compétences<br />

Diversifier l’économie par<br />

la création d’emplois et de<br />

micro-entreprises<br />

Risque d’avoir une<br />

répartition inégale des<br />

bénéfices à l’intérieur de la<br />

communauté avec<br />

émergence de conflits<br />

internes<br />

Problèmes de<br />

commercialisation et de<br />

rentabilité des initiatives<br />

Improvisation de la part<br />

de certains TO qui ne<br />

peuvent s’improviser<br />

agents de développement<br />

Problèmes du manque de<br />

confiance des TO<br />

Peut être planifié sans<br />

respect de critères<br />

environnementaux<br />

Tourisme équitable Tourisme intégré<br />

Equité Transparence Interdépendance<br />

Accueil<br />

Communauté locale<br />

Opérateurs touristiques<br />

JUSTE<br />

RE<strong>DI</strong>STRIBUTION<br />

Engager tous les acteurs<br />

de la chaîne touristique à<br />

promouvoir l’équité dans<br />

les transactions<br />

Assurer un profit décent<br />

aux petits prestataires<br />

locaux afin d’assurer leur<br />

pérennité<br />

Dans un environnement<br />

fortement concurrentiel,<br />

le tourisme est très<br />

sensible aux prix<br />

Grande difficulté à<br />

passer outre les agences<br />

réceptives nationales car<br />

manque de confiance<br />

dans les opérateurs<br />

locaux et<br />

communautaires<br />

Impossibilité que le<br />

transport aérien,<br />

pourcentage important<br />

d’un package de<br />

tourisme équitable soit<br />

réellement équitable<br />

Communauté locale<br />

Pouvoir politique central<br />

ou local Opérateurs<br />

touristiques<br />

COHABITATION<br />

Favoriser l’intégration des<br />

prestations touristiques à<br />

la vie locale des<br />

communautés visitées.<br />

Encourager les retombées<br />

économiques directes<br />

dans les communautés<br />

Souvent planifié et<br />

coordonné par des<br />

organismes extérieurs à la<br />

communauté sans que<br />

celle-ci l’ait réellement<br />

souhaité.<br />

Absence d’empowerment<br />

Peut être sans lien avec la<br />

planification de<br />

développement durable<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Principales<br />

valeurs<br />

Acteurs<br />

prépondér<br />

ants<br />

Logique<br />

d’action<br />

Dérives<br />

possibles<br />

Pour tous<br />

possibilité<br />

de dérive<br />

marketing<br />

Tourisme pro pauvre Justice Tourism<br />

Développement<br />

Coopération<br />

Justice<br />

ONG<br />

Organisations internationales<br />

DEVELOPPEMENT<br />

Favoriser l’intégration des<br />

populations les plus pauvres dans<br />

la prestation de services<br />

touristiques<br />

Renforcement des capacités<br />

Prévoir des mécanismes de<br />

redistribution des bénéfices<br />

touristiques au sein de la<br />

communauté locale<br />

Nécessaire intervention<br />

d’Organisations internationales ou<br />

d’ONG pour assurer une réelle<br />

implication des populations<br />

pauvres<br />

Difficulté d’insérer les populations<br />

les pus pauvres dans un secteur<br />

comme le tourisme qui nécessite<br />

capital, ou ouverture d’esprit,<br />

connaissances de langues<br />

étrangères<br />

Des produits touristiques finaux de<br />

qualité souvent basique qui auront<br />

du mal à trouver un marché<br />

Justice Solidarité<br />

Activisme<br />

ONG/acteur privé<br />

Communauté locale Touriste<br />

EMPOWERMENT POLITIQUE<br />

Vise à sensibiliser les touristes sur des<br />

problématiques politico-sociales des pays<br />

du Sud<br />

Cherche à créer de l’activisme chez le<br />

touriste après son retour<br />

Tourisme comme facteur de changement<br />

social<br />

Dark tourism<br />

Risque de tomber dans le voyeurisme et non<br />

dans la solidarité<br />

Risque de ne pas créer l’activisme voulu en<br />

faveur des communautés locales et<br />

possibilité de déceptions de leur part<br />

Source : Réélaboration personnelle à partir du tableau de Deslile et Jolin(2007, p.63-65)<br />

50


Tourisme<br />

de masse<br />

Figure 3 : Schéma de classification des tourismes selon un double continuum de<br />

conscientisation des visiteurs et de responsabilisation des visités<br />

Visiteurs Hôtes<br />

Majeure conscientisation Social / culturel Majeure participation<br />

51<br />

Tourisme<br />

responsable<br />

Tourisme<br />

solidaire<br />

Justice<br />

tourism<br />

Tourisme<br />

durable<br />

Majeure participation Economique Environnemental<br />

Tourisme<br />

communautaire<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment<br />

Tourisme<br />

équitable<br />

Tourisme social Tourisme pro-pauvre<br />

Source : Elaboration personnelle à partir de Jolin P (2007, p.62)<br />

Ce schéma met en lumière le fait que le tourisme durable n’est pas un type de<br />

tourisme alternatif mais bien l’objectif auxquels tous les types de tourisme doivent<br />

aspirer, en s’inscrivant dans une dynamique de développement durable qui contient<br />

trois piliers : environnemental, économique, social/culturel.<br />

Les deux catégories de tourisme se distinguent de par leurs intentions c’est à dire s’ils<br />

visent une majeure participation des hôtes ou s’ils visent une majeure<br />

conscientisation des touristes.<br />

Le tourisme communautaire, au centre de la réflexion de cette thèse, représente le<br />

type de tourisme qui accorde le plus d’importance à l’implication de la population<br />

locale. L’autre type de tourisme à l’étude dans notre analyse, le justice tourism est<br />

celui qui accorde une priorité absolue à la conscientisation du visiteur.


1.2.2 Les expressions reflétant des valeurs<br />

Classification sous l’angle des visiteurs (de la demande)<br />

Le tourisme responsable<br />

C’est le qualificatif qui a été choisi, après un débat assidu entre ses membres,<br />

par l’AITR (Association italienne de tourisme responsable). La spécificité du tourisme<br />

responsable est qu’il met l’accent sur le rôle du visiteur. La notion de responsabilité<br />

est centrale : elle doit concerner aussi bien le voyageur que les entreprises<br />

touristiques (notion de responsabilité sociale d’entreprise).<br />

Comment définir l’adjectif « responsable » ? « qui pèse les conséquences de ses actes<br />

», « réfléchi », « qui doit répondre de ses actes »… (Dictionnaire Larousse)<br />

La notion de responsabilité induit inévitablement une dimension de connaissances :<br />

Quel est mon acte ? Est-il bien mesurable ? Quelles sont ses conséquences ?<br />

Le premier point commun de tous les acteurs du tourisme responsable est de<br />

contribuer au développement des populations d’accueil et de minimiser les<br />

impacts négatifs du tourisme, aussi bien par la conscientisation des touristes que par<br />

le changement de pratiques des opérateurs touristiques.<br />

Ce tourisme, appelé par certains, éthique, fait référence à la conscience sociale et à la<br />

façon de voyager du touriste. En anglais, il peut être traduit par l’expression<br />

conscientious tourism, conscious tourism ou social conscious tourism.<br />

Il est axé sur la connaissance des réalités locales, de la culture, des modes de vie et<br />

aussi de la situation politique et sociale. Le tourisme responsable, comme il est conçu<br />

par les TO italiens, alterne en général activités culturelles et rencontres avec des<br />

acteurs locaux (association, projets sociaux).<br />

Le tourisme responsable, au même titre que la majorité des autres tourismes<br />

alternatifs insiste particulièrement sur :<br />

52<br />

- la sensibilisation des voyageurs et la préparation au voyage,<br />

- les possibilités de contact avec la population locale : rencontres, activités<br />

culturelles, logement chez l'habitant.


- les problématiques environnementales : sensibilisation et responsabilisation<br />

des voyageurs, gestion des déchets, gestion des ressources ;<br />

Le concept de tourisme responsable implique une conscientisation du touriste, qui<br />

doit être responsable de ses actes et des impacts qu’ils peuvent avoir sur les pays de<br />

destination.<br />

Cette conscientisation peut dans certains cas porter sur des thèmes politiques.<br />

Studienkreis für Tourismus und Entwicklung (Institute for Tourism and<br />

Development) a décidé de développer en 1995 le concours "TO DO! Contest for<br />

Socially Responsible Tourism". Entre 1995 et 2007, environ 241 projets issus de 63<br />

pays différents ont participé à ce concours, dont 60% provenaient de PED.<br />

(http://www.todo-contest.org/). La caractéristique commune à de nombreux<br />

gagnants était l’implication de ces derniers dans des conflits politico-sociaux mettant<br />

en péril leurs droits tels que le Brésil (conflits sur la propriété des terres), Bali<br />

(dégradation environnementale autours de Sua Bali), l’Equateur (exploitation<br />

pétrolière), le Canada (conflits terriens, Riding Mountain National Park) et la<br />

Palestine (conflit politique).<br />

Beaucoup de communautés du Sud sont confrontées à des problèmes politiques et<br />

peuvent justement utiliser le tourisme comme instrument d’empowerment politique<br />

pour donner visibilité aux luttes dans lesquelles elles sont engagées.<br />

Le tourisme social<br />

Il est très souvent utilisé à tort, comme synonyme de tourisme solidaire.<br />

Pourtant, la définition de tourisme social est bien sans ambigüités. Ce secteur<br />

préconise le droit aux vacances et l’accessibilité au tourisme à tous les groupes de la<br />

population. L’avènement des congés payés et la baisse du temps de travail, ont été<br />

mis en place dans la France d’après-guerre, pour permettre l’accès de tous au<br />

tourisme. Le Bureau International du tourisme social fut crée en 1963, pour rendre<br />

effectif le droit aux vacances et l’accessibilité au tourisme à tous les groupes de<br />

population.<br />

53<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Chapeauté par le BITS, ce concept «réfère aux programmes, aux réalisations et aux<br />

actions visant à rendre effectifs le droit aux vacances et l’accessibilité au tourisme à<br />

tous les groupes de la population, notamment les jeunes, les familles, les retraités, les<br />

handicapés, les personnes aux revenus modestes… mais qui visent aussi la qualité de<br />

la relation entre les visiteurs et les communautés d’accueil.»<br />

Certains auteurs soulignent que le tourisme social, par le développement des colonies<br />

et centres de vacances s’est peu à peu intégré au tourisme de masse. Il ne manifeste<br />

qu'occasionnellement le souci de former les voyageurs en citoyens du monde. Ce<br />

mouvement n’a d’ailleurs intégré que tout récemment les questions d’équité et de<br />

solidarité avec les communautés d’accueil, l’accessibilité.<br />

Le tourisme solidaire<br />

Cette expression introduit la notion de solidarité entre le touriste et les populations<br />

d’accueil dans l’optique d’une amélioration des conditions de vie des communautés<br />

visitées. Pour comprendre et définir cette relation, il est nécessaire de s’arrêter sur le<br />

sens du mot solidarité.<br />

La solidarité est le « sentiment de responsabilité et de dépendance<br />

réciproque au sein d'un groupe de personnes qui sont moralement obligées les unes<br />

par rapport aux autres. Ainsi les problèmes rencontrés par l'un ou plusieurs de ses<br />

membres concernent l'ensemble du groupe. La solidarité conduit l'homme à se<br />

comporter comme s'il était directement confronté au problème des autres, sans quoi,<br />

c'est l'avenir du groupe (donc le sien) qui pourrait être compromis. »<br />

(www.toupie.org).<br />

La solidarité humaine est une démarche humaniste qui fait prendre<br />

conscience que tous les hommes appartiennent à la même communauté d'intérêt. La<br />

solidarité doit être distinguée de l'altruisme qui conduit à aider son prochain, par<br />

simple engagement moral, sans qu'il y ait nécessité de réciprocité, ainsi que de la<br />

coopération où chacun travaille dans un esprit d'intérêt général pour l'ensemble.<br />

Emile Durkheim (1858-1917), sociologue français, a montré que la solidarité<br />

pouvait prendre des formes différentes :<br />

54


• solidarité fondée sur la similarité des individus dans les sociétés<br />

traditionnelles à forte conscience collective,<br />

• solidarité liée aux interdépendances dans les sociétés modernes en<br />

raison de la division du travail et l'individualisme.<br />

L’utilisation politique du terme traduit la redistribution coercitive des revenus et des<br />

richesses par un « devoir de solidarité » entre membres d'une même société, pour<br />

faire face à l’augmentation des inégalités sociales menaçant la cohésion sociale<br />

provoquées notamment par la spoliation des richesses produites par le travail au<br />

profit du capital. Selon les plus libéraux, économiquement parlant, cette pratique de<br />

solidarité tendrait vers l'assistanat.<br />

Le tourisme solidaire s'inscrit à la fois dans une perspective "responsable" et<br />

"équitable", mais est plus directement associé au financement de projets de solidarité,<br />

sous différentes formes.<br />

• Le voyagiste peut soutenir des actions de développement.<br />

• Une partie du prix du voyage peut servir au financement d'un fonds d’entraide<br />

communautaire ou d'un projet de développement.<br />

• Le touriste est mis à contribution à titre bénévole, dans le cadre d’un<br />

programme spécifique.<br />

Le tourisme solidaire possède encore ses contours imprécis mais la caractéristique<br />

primordiale objective qui différencie le tourisme solidaire de ses expressions cousines<br />

(notamment du tourisme responsable) est le financement d’un projet de<br />

développement. Il serait important de définir si cette condition est exclusive ou non.<br />

Sans remettre en cause l’organisation et la planification d’un voyage, mais en<br />

donnant 5% du prix du forfait à une association quelconque, un TO peut-il prétendre<br />

faire du tourisme solidaire ?<br />

Le fait de reverser une partie du prix d’un séjour pour financer un projet de<br />

développement peut être conçu «comme une démarche hypocrite destinée à donner<br />

bonne conscience aux consommateurs occidentaux et à redorer l’image des<br />

55<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


opérateurs sans changer réellement la donne sur le terrain. Les dollars récoltés lors<br />

d’un voyage labellisé « éthique » dans un hôtel avec golf ne suffiront jamais à<br />

compenser la perte pour les villages alentours qui ont été déplacés faute d’eau<br />

entièrement captée pour arroser le parcours de golf ! Et si les projets de<br />

développement concernent justement ces communautés déplacées, alors, on marche<br />

sur la tête. » (P. Jacquot, juin 2003 in Laurent, 2004)<br />

Un voyage qui ne prévoit pas le financement d’un projet de coopération, mais permet<br />

réellement un empowerment de la population locale, ne serait-il pas préférable ?<br />

L’ONG anglaise « Tourism for development » (TFD) a mis en place un mécanisme<br />

assez intéressant de fund raising qui pourrait être classifié dans la catégorie du<br />

tourisme solidaire.<br />

Le label « TFD » identifie les professionnels du tourisme (hôteliers, voyagistes,<br />

compagnies aériennes...) qui acceptent de redistribuer un pourcentage de leurs<br />

bénéfices :<br />

• 1%, maximum 1 dollar, par nuit vendue par les hôteliers et voyagistes,<br />

• 1%, maximum 3 dollars, par siège vendu pour les compagnies aériennes, pour<br />

financer, au nom du tourisme, des microprojets de développement dans le domaine<br />

du minimum vital (eau, nutrition, habitat) dans les pays où ils exercent leurs<br />

activités.<br />

Ces microprojets de développement sont réalisés par des associations humanitaires<br />

localement implantées et qui ont fait leurs preuves. « Tourism For Development »<br />

intervient comme « banque » pour financer les microprojets de ces associations.<br />

L’expression équitable est souvent associée à celle de solidaire. Le regroupement<br />

français ATES signifie « association de tourisme équitable et solidaire ». Solidaire<br />

renvoi également au concept d’économie sociale et solidaire.<br />

En analysant les différentes définitions de « tourisme solidaire » que l’on trouve dans<br />

la littérature, il est possible de se rendre compte qu’il existe de nombreux amalgames<br />

entre tous les types de tourisme alternatif. Tous les concepts sont souvent mélangés<br />

et ne transparait plus la spécificité de chaque type de tourisme. Chacun des voyagistes<br />

56


français de l’ATES choisit, pour des raisons de sensibilité personnelle, des termes<br />

différents pour désigner le type de voyages alternatifs qu’ils proposent. Ce choix ne<br />

résulte pas d’une démarche scientifique. Il est certain que ce manque de clarté et la<br />

démultiplication des différentes dénominations engendre une confusion extrême<br />

chez le touriste, qui ne sait plus comment s’y retrouver…<br />

« Le tourisme solidaire prend généralement la forme d’un tourisme de rencontre et<br />

d’échange, tourisme intégré et communautaire » (De Sousa Santos, Rouby,<br />

Malandain et Schéou, 2006, p.26).<br />

Le « tourisme solidaire (et responsable) regroupe les formes de tourisme<br />

« alternatif » qui mettent au centre du voyage l’homme et la rencontre, et qui<br />

s’inscrivent dans une logique de développement des territoires ». (UNAT, 2002).<br />

Carte d’identité du tourisme solidaire<br />

Territoires : quelconque<br />

Caractéristique : outil de cofinancement de projets de développement local.<br />

Evolution : élargit son ambition à l’équité nord-sud et au développement<br />

durable.<br />

Affinité : philanthropisme, solidarité, économie solidaire.<br />

Repères : un pourcentage X du montant d’une prestation ou d’un chiffre<br />

d’affaires cofinance/finance une opération de développement local.<br />

Partenaires : associations, groupements, communautés villageoises, groupes sociaux<br />

minoritaires.<br />

Acteurs dominants : associations, agences, TO.<br />

Image grand public : peu connue (élitiste ?).<br />

Justice tourism<br />

“Tours that advocate for a cause in situations where a local population is<br />

experiencing repression or has experienced a communal trauma at the hands of a<br />

dominant group” (Scheyvens, 2002).<br />

57<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Ce genre de tourisme, qui peut être considéré comme une typologie spécifique de<br />

tourisme responsable, est situé dans des zones de conflits social/politique et vise à<br />

éduquer les visiteurs sur ces problématiques de conflits. Ce type de tourisme peut être<br />

comparé au tourisme politique.<br />

Selon Scheyvens, les objectifs du Jusice tourism peuvent être résumés comme suit :<br />

- construire des liens de solidarité entre les visiteurs et les visités<br />

- Promouvoir la connaissance réciproque et des relations basées sur l’équité, le<br />

partage et le respect.<br />

- Soutenir l’autosuffisance et l’autodétermination des communautés locales<br />

- Maximiser les bénéfices économiques, sociaux et culturels au niveau local<br />

Le justice tourism n’est pas un produit touristique. Il évoque un processus, une<br />

philosophie d’organisation du tourisme. Il ne suffit pas de visiter des sites pauvres<br />

(favelas) ou des zones de conflits pour faire du justice tourism puisque ceci peut<br />

également être organisé pour répondre à une nécessité de voyeurisme de certains<br />

touristes, insensibles aux intérêts de la population locale. Ce qui est important n’est<br />

pas le sujet du tourisme en lui-même mais la façon dont le sujet est approché, qui<br />

contrôle le sujet, et s’il existe de réelles opportunités d’interactions avec les locaux.<br />

Carte d’identité du Justice tourism<br />

Territoires : zones de conflits politiques ou sociaux ou zones pauvres<br />

Caractéristique : Vise à la sensibilisation politico-sociale du visiteur et à<br />

son engagement dans de nouveaux activismes.<br />

Evolution : élargit son ambition à la transformation sociale, à l’équité<br />

nord-sud et aux changements de politiques internationales dans les pays<br />

émetteurs.<br />

Affinité : activisme, sensibilisation politico-sociale.<br />

Repères : ce n’est pas le lieu (zones de conflits) mais l’objectif<br />

(conscientisation et création de nouveaux activismes) qui caractérise ce<br />

type de tourisme.<br />

Partenaires : associations, groupements, communautés villageoises, groupes sociaux<br />

minoritaires.<br />

Acteurs dominants : visiteur, associations, ONG, communauté locale.<br />

Image grand public : inconnue.<br />

58


Classification sous l’angle des visités (de l’offre)<br />

Le tourisme enclavé<br />

Source: Delisle et Jolin, 2007, p.25<br />

Le tourisme intégré<br />

C’est le contraire du tourisme enclavé, où le client est isolé et les contacts avec<br />

la population locale réduits au minimum (exemple : séjours all inclusive). Il désigne<br />

les formes touristiques proposées et gérées par les populations locales elles-mêmes,<br />

formes qui s’intègrent de façon harmonieuse dans les diverses dynamiques<br />

collectives, sociales et environnementales, du lieu d’accueil. Cette expression est née<br />

dans les années 60-70 avec les expériences menées à l’initiative du Français Christian<br />

59<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Saglio dans la région de Casamance (Sénégal). Mettant ses compétences au service<br />

des populations locales, celui-ci les a aidés à créer un dispositif d’accueil qui leur soit<br />

spécifique, c’est-à-dire conforme aux traditions locales et dont la gestion corresponde<br />

aux pratiques et aux rythmes saisonniers locaux. Les bénéfices du tourisme ainsi<br />

produits sont gérés par un système bancaire local dont profite toute la population<br />

pour son développement communautaire. (Madieng S, 2000 in Laurent, 2004)<br />

Son exemplarité pour l’époque a fait du « tourisme intégré » un précurseur, en<br />

inspirant quantité de travaux théoriques et en servant de modèle, en particulier, au<br />

«tourisme communautaire ».<br />

Le tourisme équitable<br />

L’expression de « tourisme équitable » se réfère au commerce du même nom. Né<br />

récemment de la volonté d’adopter des règles « équitables », par opposition au<br />

fonctionnement actuel du marché mondial, le commerce équitable prend en compte<br />

une juste rémunération des producteurs, exige que la traçabilité des produits soit<br />

totalement garantie, et impose un certain nombre de pratiques, comme le paiement<br />

comptant des produits afin que les producteurs puissent faire face à leurs propres<br />

échéances et investissements. Il suppose donc une organisation cohérente et une<br />

maîtrise de toute la chaîne de production.<br />

Une démarche de tourisme « équitable » devrait remplir un certain nombre de<br />

conditions qui sont communes à l’ensemble des tourismes alternatifs :<br />

• La responsabilisation de voyageurs.<br />

• La participation effective des communautés d'accueil à la définition et (au moins en<br />

partie) à la gestion des activités touristiques. Les bénéfices perçus localement<br />

devraient être majoritairement réinvestis dans des actions de développement.<br />

Nous pouvons dégager les critères suivants propres au tourisme équitable (El Alaoui,<br />

1999) :<br />

Pour les pays d'accueil<br />

60


• Permettre aux pays du Sud de mieux bénéficier des flux touristiques,<br />

notamment pour les plus marginalisés d'entre eux, grâce à une aide à<br />

l'investissement.<br />

• Assurer une plus juste répartition des flux de devises vers les pays du Sud.<br />

• Réduire l'endettement des pays du Sud pour le financement de leurs<br />

investissements touristiques.<br />

• Réduire l'emprise des pays du Nord et de leurs multinationales touristiques<br />

sur le tourisme des pays du Sud notamment en réduisant le contrôle des<br />

chaînes hôtelières et des entreprises touristiques internationales sur les<br />

prestations réceptives.<br />

• Donner la possibilité aux communautés de s'exprimer jusqu'à pouvoir dire non<br />

au tourisme sur la base du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.<br />

Permettre aux populations locales une véritable participation dans le<br />

développement touristique.<br />

• Assurer un développement touristique durable c'est à dire prenant en compte<br />

tous les aspects du développement local et notamment le bien être des<br />

populations et le respect de l'environnement.<br />

• Eradiquer les aspects les plus dramatiques du tourisme : prostitution<br />

enfantine et travail forcé.<br />

Pour les entreprises touristiques<br />

61<br />

• Contraindre les entreprises du Nord et du Sud à respecter les différentes<br />

conventions internationales et nationales en matière de droit du travail, de<br />

respect de l'environnement, etc.<br />

• Limiter l'endettement des prestataires en versant des avances substantielles et<br />

en payant les prestations le plus rapidement possible.<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


• Garantir un juste prix pour les prestations fournies par les pays récepteurs ;<br />

c'est à dire un prix qui tienne compte des réalités locales en matière de salaire,<br />

de droits des travailleurs, d'investissement (notamment des achats en devises),<br />

d'environnement mais aussi de formation.<br />

• Rééquilibrer le contrôle respectif des partenaires du Nord et du Sud dans le<br />

processus de production et de commercialisation des prestations touristiques.<br />

• Garantir des relations commerciales durables entre partenaires du Nord et du<br />

Sud, c'est à dire des relations à long terme et non pas du dumping commercial.<br />

• Limiter au maximum les intermédiaires.<br />

Pour les touristes<br />

• Former et informer l'opinion publique des méfaits du tourisme<br />

• Imposer aux touristes un comportement respectueux des populations locales,<br />

de leurs coutumes, de leurs traditions, de leur culture et de leur<br />

environnement<br />

Les associations qui se définissent « de tourisme équitable » en France sont censées<br />

se soumettre au contrôle de la Plate-Forme du Commerce Equitable. Les membres<br />

s’élèvent au nombre de trois (Croq’Nature, la Route des Sens, Tourisme et<br />

Développement Solidaires Voyages)<br />

Les principes du Tourisme équitable correspondent en fait aux exigences minimales<br />

de la « Corporate Social Responsablity » ou responsabilité sociale des entreprises,<br />

que la plupart des grandes entreprises disent affectionner.<br />

En reprenant la distinction très pertinente de De Loeu (2005, p.4), on peut dire que<br />

le tourisme équitable se démarque nettement du tourisme solidaire puisqu’il ne se<br />

préoccupe pas du financement de projets de développement. Plus qu’à la solidarité, il<br />

renvoie à l’éthique. A partir du moment où les intervenants sont rémunérés<br />

justement, la solidarité n’est plus indispensable : on se trouve hors du registre de<br />

l’assistentialisme et de la philanthropie. Cette dynamique va, en notre sens, beaucoup<br />

plus dans une optique d’empowerment des populations locales.<br />

62


Limites du commerce équitable en tourisme<br />

L'adaptation de la notion d'équité au tourisme reste délicate à cause de la complexité<br />

du marché touristique, qui n'est pas réductible à une simple transaction entre<br />

producteurs et consommateurs.<br />

L’aspect le plus problématique pour obtenir des bénéfices locaux significatifs est de<br />

réduire les leakages (fuites), ce qui est difficile lorsque le logement et le transport<br />

sont aux mains d’entreprises multinationales. Les bénéfices économiques à travers un<br />

produit touristique équitable resteront marginaux en terme du prix total du package<br />

international. Environ 10-15% du prix du package rémunère l’intermédiaire (compris<br />

assurance et coûts divers) et de 30 à 35% va à la compagnie aérienne.<br />

Le problème de la transparence du prix est un des plus problématiques puisque les<br />

TO plaident la confidentialité commerciale. Sans rendre publics les coûts de<br />

structure, il pourrait être possible de rendre public le pourcentage du package qui va<br />

à des entreprises touristiques locales. Au niveau de la labellisation, une réflexion est<br />

en cours, mais il n’existe pas encore à ce jour de système en fonctionnement. Ce qui<br />

pourrait être développé dans le secteur du tourisme est l’implication des<br />

consommateurs dans l’évaluation.<br />

Les spécificités du tourisme font qu'il est difficile de montrer en quoi un produit<br />

touristique est équitable puisque le comportement du touriste est décisif pour<br />

déterminer si un voyage sera équitable. Il est délicat de dire aux gens : "ce produit est<br />

équitable si vous vous comportez de manière responsable dans votre consommation<br />

touristique". Et c'est pourtant le cas.<br />

Carte d’identité du tourisme équitable<br />

Territoires : toutes zones (pas forcément les zones hors tourisme de masse)<br />

Caractéristique : outil de rééquilibrage des rapports commerciaux Nord-Sud et<br />

d’amélioration des conditions de travail.<br />

Evolution : ouverture sur la participation, les modes de production respectueux de<br />

l’environnement.<br />

Affinité : commerce équitable, tourisme éthique, Responsabilité sociale d’entreprise.<br />

63<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Repères : les rapports commerciaux, les contrats de prestations et les partenariats<br />

locaux n’obéissent pas à la règle du moins disant.<br />

Populations : communautés locales.<br />

Acteurs dominants : associations, plate-forme/réseaux d’associations, agences.<br />

Image grand public : commerce équitable.<br />

Le tourisme communautaire (Community Based Tourism – CBT)<br />

Il désigne les formes touristiques proposées et gérées par les populations<br />

locales elles-mêmes, formes qui s’intègrent de façon harmonieuse dans les diverses<br />

dynamiques collectives du lieu d’accueil. Il existe de nombreux types de projets de<br />

tourisme communautaire mais deux principes fondamentaux doivent être respectés :<br />

une juste répartition des bénéfices entre les membres de la communauté et<br />

l’implication des communautés dans le processus de décisions.<br />

Selon Deslisles et Jolin (2007), le concept accorde une place fondamentale au<br />

processus de prise de décision des résidents d’une communauté visitée, c'est-à-dire à<br />

une forme de gouvernance participative où la population choisit les visiteurs qu’elle<br />

souhaite recevoir, ainsi que les modalités de leur intégration dans la communauté. Le<br />

tourisme communautaire a pour objectif de générer des revenus, de créer des<br />

emplois, de réduire la pauvreté et de causer un minimum d’impacts sur la culture et<br />

l’environnement local.<br />

Comme souligné auparavant, la difficulté inhérente au tourisme communautaire est<br />

de permettre une répartition des bénéfices équitable entre les membres de la<br />

communauté.<br />

“local ownership does not guarantee equitable distribution of the benefits, there<br />

always being the risk of local elites monopolising the benefits of tourism ventures”<br />

(Mowforth & Munt, 2003)<br />

Il a été décidé d’opter pour l’expression tourisme communautaire dans cette thèse<br />

puisque ce serait le type de tourisme qui accorde le plus d’importance à l’implication<br />

et à la participation de la population locale. Hors, le cœur de notre problématique est<br />

bien l’empowerment des ces communautés, qui ne peut être obtenu sans leur<br />

64


participation. Il est souhaité que ce tourisme communautaire soit également<br />

équitable et durable (ce qui n’est pas toujours le cas, notamment au niveau<br />

environnemental)…<br />

Ce tourisme communautaire trouve son équivalent anglais dans l’expression<br />

« community based tourism (CBT) ».<br />

Comme nous l’avons mentionné précédemment, le tourisme communautaire<br />

correspond à une philosophie de développement touristique. Un tourisme<br />

communautaire peut développer différentes sortes de produits touristiques :<br />

écotourisme, tourisme culturel,… Pour être rigoureux et précis, il peut être judicieux<br />

de rajouter l’expression « à base communautaire » pour désigner des produits<br />

touristiques qui tiennent réellement comme objectif l’empowerment et la<br />

participation des communautés locales. Il est notamment possible de parler<br />

d’écotourisme à base communautaire.<br />

Carte d’identité du tourisme CBT Community Based Tourism<br />

Territoires : tous les territoires (ruraux ou urbains)<br />

Caractéristique : activité gérée en quasi-totalité par des communautés locales<br />

marginalisées ou non.<br />

Evolution : ouverture sur la professionnalisation, la mise en réseau et la promotion<br />

de différents segments touristiques (écotourisme, tourisme culturel, etc).<br />

Affinité : écotourisme, ethnotourisme, tourisme culturel et de nature.<br />

Repères : Utilisation d’entreprises touristiques locales, issues de la communauté.<br />

Existence de mécanismes pour assurer une répartition des bénéfices du tourisme sur<br />

l’ensemble de la communauté.<br />

Populations impliquées : communautés locales via une représentation choisie par ses<br />

membres (coutume, tradition, organisation ad hoc).<br />

Acteurs dominants : associations, ONG, TO, agences.<br />

Image grand public : écotourisme, ethnotourisme.<br />

65<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Tourisme pro-pauvres, tourisme pour les pauvres, ou Pro-Poor Tourism<br />

(PPT)<br />

Le Tourisme Pro pauvre (PPT) a pour unique objectif d’augmenter les bénéfices que<br />

le tourisme permet de capter en direction des populations pauvres. Le PPT n’est pas<br />

un produit touristique ou une niche mais reflète une approche du développement<br />

touristique. Les stratégies PPT sont de trois grands types :<br />

- L’extension des avantages économiques pour les pauvres, en favorisant<br />

notamment l’emploi des personnes les plus pauvres.<br />

- L’augmentation des impacts non économiques par le financement de projets<br />

sociaux grâce aux gains du tourisme (impact indirect sur les pauvres).<br />

- Le développement de politiques permettant une plus grosse implication des<br />

populations pauvres dans la prise de décision.<br />

Les stratégies pro-pauvres peuvent être impulsées par de nombreux acteurs : tour<br />

opérateurs, hôtels, ONG, planificateurs touristiques étatiques,… Pour O<strong>DI</strong> (Overseas<br />

Development Institute), le pro-poor tourism se distingue facilement des autres types<br />

de tourisme alternatif : « Bien que le tourisme pro-pauvre rejoigne d’autres<br />

approches telles que le tourisme durable et responsable, le CBT ou l'écotourisme, sa<br />

caractéristique principale est qu'il met les personnes pauvres et la pauvreté au<br />

premier rang des priorités. ». Ils font cependant remarquer les similitudes : « Après<br />

avoir accentué les différences, il est important de préciser que beaucoup d’initiatives<br />

CBT, responsables, durables et éco, sont en réalité pro-pauvres dans leur impact et<br />

sont de bons exemples de stratégies de PPT sans en porter l’étiquette.» (Traduction<br />

libre, www.odi.org.uk).<br />

Le tourisme communautaire, censé répartir les bénéfices du tourisme à l’ensemble de<br />

la population devrait automatiquement inclure des stratégies pro-pauvres afin<br />

d’impliquer plus de personnes que quelques foyers d’une communauté.<br />

66


Carte d’identité du tourisme pro-pauvre<br />

Territoires : zones où la pauvreté est élevée.<br />

Caractéristique : en théorie, implication de pauvres à un maximum de niveau :<br />

acteurs, bénéficiaires.<br />

Evolution : vers des politiques de discrimination positive et la professionnalisation.<br />

Affinité : solidarité, relations Nord-Sud, accords internationaux.<br />

Repères : l’affichage et les mécanismes « pro-pauvres » doivent être évidents pour les<br />

touristes.<br />

Populations impliquées : communautés locales dites « pauvres ».<br />

Acteurs dominants : associations, TO, agences, institutions, institutions financières.<br />

Image grand public : approche anglo-saxonne des relations Nord-Sud.<br />

L'industrie du tourisme de masse tarde à emboîter la philosophie du PPT et seules<br />

quelques niches très spécialisées sont concernées : l'écotourisme ou le tourisme<br />

communautaire, par exemple. Un des problèmes du tourisme pro pauvres est la<br />

faiblesse des liens entre les projets et le marché touristique. On construit des<br />

infrastructures, on entraîne une main d'œuvre locale, mais au bout du compte, on<br />

semble oublier qu'à l'offre doit correspondre une demande. Dans certains cas, des<br />

communautés sont incitées à investir en main-d’œuvre et en terrain, et à s'endetter,<br />

dans des projets voués à l'échec. Ceux qui les avaient conseillés ne possèdent tout<br />

simplement pas la compétence dans la commercialisation du tourisme, ou même<br />

dans la gestion de ce type de projets. Quant aux entreprises touristiques, leur<br />

implication se limite à des dons faits au nom de leur responsabilité sociale, mais rares<br />

sont celles voulant faire les choses différemment, pour améliorer la vie des<br />

populations là où elles opèrent.<br />

1.2.3. Les expressions reflétant des produits touristiques<br />

Certains produits touristiques appliquent particulièrement bien l’un des<br />

aspects et valeurs présentées précédemment. L’écotourisme peut se pratiquer à base<br />

communautaire, de façon responsable, solidaire,… Selon Jolin et Deslisles (2007), ces<br />

67<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


types de tourisme se focalisent particulièrement sur l’un ou l’autre des piliers du<br />

tourisme durable : social/culturel, économique ou environnemental.<br />

Figure 4 : Classification des tourismes selon les piliers du tourisme durable<br />

Tourisme culturel<br />

Ethnotourisme<br />

Agrotourisme<br />

Social/culturel<br />

Congés solidaires Ecotourisme<br />

Voyages de coopération volontaire Tourisme vert / Tourisme de plein air<br />

Source : Jolin, 2007, p.67<br />

Tourisme<br />

durable<br />

Tourisme d’aventure<br />

Economique Environnemental<br />

Le schéma présenté par Jolin nous semble incomplet et quelque peu erroné dans le<br />

sens où ce dernier classifie le tourisme volontaire ou les congés solidaires dans le pôle<br />

économique. Selon nous, volunteer tourism, tourisme humanitaire, reality tours,<br />

congés solidaires, seraient à classifier dans un pôle politique, qui est absent. Le pôle<br />

économique, resterait vide car tous les produits touristiques contribuent au<br />

développement économique, étant insérés dans une dynamique marchande, mais<br />

aucun n’a comme composante de son offre, l’économie.<br />

L’écotourisme et le tourisme vert ou de nature<br />

Le concept d’écotourisme est apparu dans les années 1985 dans les milieux<br />

naturalistes nord-américains afin d’alerter la population sur les dégâts causés par la<br />

fréquentation croissante des espaces naturels. Quelques années plus tard, en 1990,<br />

cette démarche s’institutionnalise avec la création de la Société internationale<br />

d’écotourisme. Lors de l’émergence du concept, l’écotourisme était défini comme une<br />

68


forme de voyage responsable dans des espaces naturels, contribuant à la préservation<br />

et conservation de l’environnement naturel.<br />

Le critère de l’implication des populations locales n’a été que tardivement introduit<br />

dans les définitions sur l’écotourisme même si le terme a été inventé vers 1983 par<br />

Ceballos Lascurain qui intégrait initialement le souci des impacts sur les populations<br />

locales.<br />

« Ecotourism is environmentally responsible, enlightening travel and visitation to<br />

relatively undisturbed natural areas in order to enjoy and appreciate nature (and<br />

any accompanying cultural features both past and present) that promotes<br />

conservation, has low visitor impact, and provides for beneficially active socioeconomic<br />

involvement of local populations » (Ceballos-Lascurain 1996).<br />

La Déclaration du Québec de 2002, l’Ecotourism Society et l’OMT soulignent<br />

l’importance de l’implication des populations locales dans leur définition.<br />

L’OMT identifie plusieurs caractéristiques propres à l’écotourisme :<br />

• Il rassemble toutes les formes de tourisme axées sur la nature.<br />

• Il comporte une part d’éducation et de sensibilisation<br />

• Il est généralement organisé pour des petits groupes.<br />

• Il s’accompagne de retombées négatives limitées sur l’environnement naturel.<br />

• Il favorise la protection des zones naturelles : en procurant des avantages<br />

économiques aux communautés d’accueil, en créant des emplois et en<br />

sensibilisant la communauté locale.<br />

La définition large d’écotourisme inclut tous les types de tourisme basés sur<br />

l’appréciation de phénomènes naturels : le tourisme de nature (ou tourisme vert).<br />

Une définition plus restrictive de l’écotourisme (avec focus environnemental)<br />

soutient que celui-ci se différencie des deux premiers puisqu’il doit être géré de façon<br />

durable, en incluant des actions d’éducation environnementale et de soutien à la<br />

conservation.<br />

69<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Le marché de l’écotourisme et du tourisme de nature en général connaît une<br />

croissance située entre 10% et 25% annuellement, loin devant les 3% à 5% de<br />

croissance du tourisme généraliste (Lindberg & al, 1997). Ce secteur a donc franchi la<br />

distance entre niche et segment de marché.<br />

Il existe deux positions en ce qui concerne le concept de durabilité, qui se<br />

traduisent en deux philosophies distinctes d’écotourisme qu’Acott matérialise par<br />

l’utilisation des expressions écotourisme dur et doux (Acott 1998)<br />

La position douce soutient des politiques réformistes, en assurant que le<br />

développement, à travers l’utilisation responsable des ressources et avec l’implication<br />

des populations locales, peut aller de pair avec la conservation.<br />

L’autre position plus dure souligne que la nécessité de préserver les ressources<br />

implique une croissance nulle. Dans une optique d’écotourisme dur, les thématiques<br />

environnementales peuvent également s’opposer aux besoins des communautés<br />

locales. C’est ce que Dobson dénonce comme une forme “d’écoimpérialisme” (In<br />

Mowforth & Munt, 2003, p.46) qui répond aux exigences et besoins<br />

environnementaux de l’Occident. Ce phénomène a été particulièrement illustré lors<br />

de la création de différents parcs régionaux de par le monde où des populations<br />

locales ont été chassées de leur lieu de vie pour répondre aux désirs de conservation<br />

environnementale et aux envies des touristes pour des espaces vierges (Scheyvens,<br />

2002).<br />

Limites de l’écotourisme<br />

Il est nécessaire de dénoncer le greenwashing qui est omniprésent et se traduit<br />

notamment par l’utilisation abusive du terme éco dans un but purement marketing.<br />

Il existe de nombreux projets ou produits éco touristiques qui sont contrôlés<br />

entièrement par des opérateurs étrangers, dont le seul but est la maximisation des<br />

profits et qui ne consultent en rien les populations locales. C’est ce qui a été dénoncé<br />

par les indigènes, lors de l’année écotourisme 2002, qui ont décidé d’organiser une<br />

action pour dénoncer le manque d’implication et de participation des populations<br />

70


locales dans les projets écotouristiques. La déclaration d’Oaxaca 3 stipule que les<br />

indigènes doivent :<br />

• connaître les impacts positifs et négatifs avant qu’un développement soit<br />

accepté ; participer à toutes les étapes du projet ;<br />

• pouvoir dire non à n’importe quelle étape<br />

• viser l’autosuffisance<br />

• ne pas être les objets mais bien les sujets actifs du projet ;<br />

• avoir des droits mais également des responsabilités.<br />

Exploité comme un simple argument de marketing, l’écotourisme omet souvent<br />

d’impliquer les populations locales. Les mécanismes de retour des bénéfices attendus<br />

auprès des populations locales sont rarement abordés sur le plan pratique. Dans<br />

d’autres cas, ce sont les gouvernements nationaux ou locaux qui peuvent s’accaparer<br />

des bénéfices économiques de projets écotouristiques sans en faire bénéficier les<br />

acteurs locaux. (Scheyvens 2002, Akama 1996).<br />

L’écotourisme : tiraillé entre objectifs idéologiques et profit<br />

L’écotourisme est, par nature, une affaire de petite envergure. Les entreprises<br />

écotouristiques ne peuvent pas devenir de grandes entreprises, parce qu’elles ne<br />

feraient plus dans l’écotourisme (respect de la capacité de charge). Pour toutes ces<br />

raisons, beaucoup d’experts pensent que l’écotourisme ne sera jamais une affaire très<br />

lucrative. Seulement 30 % environ des entreprises qui se consacrent au tourisme vert<br />

atteindraient le seuil de rentabilité. L’ecotourisme pur est difficilement rentable. A<br />

partir de ce constat, on peut se demander si la pratique écotouristique ne va pas être<br />

pervertie par des réalités économiques de rentabilité.<br />

3 The International Forum on Indigeneous Tourism, Oaxaca, Mexique, 18-20 Mars 2002.<br />

71<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


De nombreux projets de tourisme communautaire développent des produits<br />

écotouristiques. L’expression « écotourisme à base communautaire »<br />

(Community-based-ecotourism) devrait être un pléonasme puisque l’écotourisme<br />

devrait par définition assurer aux membres des communautés locales un fort degré<br />

de contrôle sur les activités afin qu’ils puissent retenir une proportion significative<br />

des bénéfices en leur faveur.<br />

Carte d’identité de l’écotourisme<br />

Territoires : zones naturelles avec une composante culturelle forte.<br />

Caractéristique : outil de conservation de la nature.<br />

Evolution : incorpore progressivement des objectifs locaux de nature sociale,<br />

culturelle et économique.<br />

Affinité : tourisme de nature, tourisme naturaliste, développement durable.<br />

Repères : satisfait le besoin des clients des pays émetteurs d’une nature préservée.<br />

Populations : communautés locales.<br />

Acteurs dominants : ONG, agences et TO.<br />

Image grand public : nature, détente, élitiste.<br />

Le tourisme culturel<br />

Il définit les produits dont la finalité est l’enrichissement culturel du voyageur<br />

au contact du patrimoine du pays visité. Le tourisme culturel a souvent tendance à<br />

privilégier le passé, par exemple dans l’architecture, au détriment du patrimoine «<br />

immatériel » (héritages culturels et dynamiques locales). Plutôt élitiste, le tourisme<br />

culturel n’est donc pas exempt d’ambiguïté lorsque les populations locales sont mises<br />

au service d’un patrimoine ancien, au mépris de leur culture présente, ce qui est<br />

généralement le cas dans les hauts lieux du patrimoine architectural (en Egypte, les<br />

Pyramides ou Angkor), avec pour conséquence paradoxale d’entraîner une<br />

déculturation des cultures locales contemporaines. Autre dérive, celle du pillage des<br />

patrimoines (pointes de flèches du désert, icônes, statues et morceaux<br />

d’architecture…). Le tourisme culturel, peut se développer sous différentes formes :<br />

ethno tourisme, tourisme patrimonial, etc.<br />

72


Le tourisme ethnoculturel, l’ethnotourisme (ou tourisme indigène)<br />

C’est un produit touristique souvent développé par des projets de tourisme<br />

communautaire de communautés indigènes ou autochtones. La communauté locale<br />

doit être à l’origine de son entreprenariat touristique. Il représente une rencontre<br />

entre le touriste et l’hôte et comporte un côté de sensibilisation du touriste au respect<br />

de l’identité culturelle. Il représente une rente alternative pour les communautés<br />

indigènes, tout en permettant la défense ou la récupération de la culture, de la<br />

cosmovision et de l’esprit des communautés indigènes.<br />

Il permet de renforcer et de développer des réseaux locaux, nationaux et<br />

internationaux de tourisme indigène, à mêmes de permettre des échanges<br />

d’expériences entre communautés, de s’apporter un soutien en terme de marketing et<br />

de promotion des destinations.<br />

Tourisme volontaire (volunteer tourism, tourisme humanitaire, camps<br />

de travail)<br />

Un produit significatif du tourisme alternatif, considérée comme le plus impliqué<br />

dans l’objectif de sensibilisation du tourisme est le tourisme volontaire que l’on peut<br />

appeler voluntourism, volunteer tourism, service-learning, volontariat international,<br />

expérience internationale, study abroad programme, study tourism… Cette forme de<br />

tourisme s’est crée suite à une demande forte de la part des touristes pour une plus<br />

grande implication avec les sociétés et cultures locales (Mac Cannell, 1976). Ce<br />

tourisme peut être classifié comme un produit du Justice Tourism.<br />

Le volunteer tourisme peut combiner un travail volontaire avec des activités plus<br />

traditionnelles de tourisme et de recréation. De nouveaux TO se sont spécialisés sur<br />

ce marché et des ONG se sont également insérées sur ce créneau en essayant de<br />

capter la visite de ces nouveaux volontaires. Cette expérience a pour but d’augmenter<br />

la connaissance des participants quant aux problématiques du développement, ses<br />

73<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


causes et comment ils pourraient contribuer à la réduction de ces problèmes. Il<br />

implique nécessairement la réalisation de travaux volontaires par le participant.<br />

Reality tourism<br />

Ce produit touristique, issu de la philosophie du “Justice Tourism” possède comme<br />

objectif premier la conscientisation du visiteur dans une optique de transformation<br />

sociale globale.<br />

Selon Global Exchange, une ONG américaine spécialisée en Justice Tourism, les<br />

reality tours sont des voyages socialement responsables dans l’optique de créer des<br />

liens de solidarité entre tous les participants.<br />

“Reality Tours are founded on the principles of experiential education and each tour<br />

focuses on important social, economic, political and environmental issues. The<br />

emphasis is on meeting the people, learning the facts firsthand, and then working<br />

toward the alleviation of global problems and enacting positive change.”<br />

(www.globalexchange.com)<br />

Les voyages de solidarité<br />

C’est une déclinaison du voyage d’immersion mais aux côtés d’une population<br />

particulièrement marquée par des événements graves (conflits, guerres). Lorsque des<br />

communautés sont ainsi victimes de troubles, c’est-à-dire souvent réduites à l’état de<br />

ghetto social et culturel, un séjour de personnes étrangères auprès d’elles peut non<br />

seulement faciliter le dialogue et l’ouverture, mais aussi avoir valeur de témoignage et<br />

déboucher sur d’éventuelles actions ultérieures.<br />

Nous citerons seulement quelques uns de ces produits puisque la dénomination est<br />

finalement d’une importance secondaire, l’important étant de comprendre leur<br />

philosophie et contenu.<br />

Au delà des mots, il est nécessaire de se pencher sur les pratiques.<br />

S’interroger sur les stratégies à disposition pour permettre l’empowerment des<br />

communautés locales sera donc notre objectif. C’est ce que nous ferons dans<br />

une seconde partie de cette thèse.<br />

74


« The importance of developing strategies to link local projects into wider strategies<br />

and movements for change at both national and international levels is clearly<br />

defined… This issue is critical in relation to long-term goals for transformation. If<br />

community participation and empowerment are to contribute to such longer-term<br />

goals, then strategies need to be formulated…to engage wider political processes<br />

and to be set within a framework of (existing) economic, social and political<br />

structures». (Craig et Mayo, 1995, p.9-10)<br />

1.3. Le tourisme alternatif en pratique<br />

« Le tourisme est l’industrie qui consiste à transporter des gens qui seraient mieux<br />

chez eux dans des endroits qui seraient mieux sans eux. »<br />

Mistler, académicien, critique et homme politique français, 1897-1988.<br />

Le bon touriste serait-il celui qui reste à la maison ? Pour explorer le monde, il ne<br />

resterait guère d'autre choix que de revenir à une vieille méthode : s'installer<br />

confortablement dans un fauteuil avec une pile de livres… Etant donné que très peu<br />

d’entre nous sont prêts à renoncer à leur DROIT au voyage, quelles sont les<br />

alternatives qu’il nous reste ?<br />

1.3.1. Analyse comparée de la pratique du tourisme alternatif<br />

entre France et Italie<br />

1. Le tourisme alternatif : pratiques et acteurs<br />

En Europe, les organisations de tourisme solidaire diffèrent par leurs attaches<br />

historiques nationales, par les statuts choisis (associations, coopératives, fondations,<br />

syndicats), par leur taille et leur poids monétaire, par les fédérations et réseaux<br />

constitués, par les catégories de bénéficiaires ciblées et par les champs géographiques<br />

couverts.<br />

Au niveau pratique, il est nécessaire de rappeler que l’activité touristique résulte de<br />

l’assemblage de prestations de services fournies par une multiplicité d’organisations<br />

différentes au Sud comme au Nord. Comment procèdent les différents opérateurs de<br />

75<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


tourisme alternatif pour s’assurer que l’offre des différents prestataires soit équitable<br />

et favorise le développement local ?<br />

En général, une association au nord commercialise en direction de clients/usagers<br />

solvables du nord des voyages, tout en soutenant techniquement les organisations de<br />

base du sud dans l’élaboration du séjour touristique et dans le choix du projet de<br />

développement<br />

Ce tourisme alternatif représente une innovation en termes de processus de<br />

production du tourisme, celle de la coproduction du service entre l’ensemble des<br />

partenaires dans un objectif de développement économique, social et<br />

environnemental approprié par les populations du territoire d’accueil. La production<br />

touristique associe ainsi trois acteurs : les associations du nord, les organisations de<br />

base du sud et les touristes (brokers, hôtes et visiteurs).<br />

Les associations du Nord informent et sensibilisent aux méfaits du tourisme de<br />

masse, vendent des voyages solidaires et viennent en appui organisationnel aux<br />

populations du sud (structuration en collectif, appui à l’ingénierie des projets<br />

notamment).<br />

Les organisations du Sud produisent la prestation touristique, réaffectent une partie<br />

des bénéfices tirés de l’activité touristique dans leurs projets de développement<br />

communautaire.<br />

Les touristes sont supposés adopter un comportement respectueux des spécificités<br />

locales. Une fois sensibilisées et conscientisés sur les problématiques du Sud, ils<br />

pourront adopter un rôle actif et de soutien en se lançant dans de nouveaux<br />

activismes.<br />

2. L’hétérogénéité des modes de structuration du tourisme solidaire<br />

Au niveau européen, des distinctions nettes ressortent aussi bien dans la pratique du<br />

tourisme alternatif que dans le débat théorique et académique. Les deux pays à<br />

l’étude dans ce chapitre, la France et l’Italie, ont été choisis aussi bien pour leur<br />

dynamisme dans ce secteur (pays où l’offre alternative est constituée en réseaux et<br />

76


qui peuvent être considérés comme deux pionniers européens) que pour la<br />

connaissance personnelle des réseaux de tourisme alternatif de ces deux pays acquise<br />

par l’auteur durant ces dernières années.<br />

En Italie, c’est le terme « tourisme responsable » qui fait l’objet d’une labellisation et<br />

a porté à la création de l’AITR (Associazione italiana di turismo responsabile) en<br />

1998.<br />

En France, plusieurs termes sont employés mais deux ont acquis une légitimé plus<br />

forte par la création de l’ATES : Association de tourisme équitable et solidaire. Nous<br />

utiliserons cependant l’expression « tourisme solidaire » pour qualifier les différentes<br />

expérimentations à la française.<br />

Si dans la conception française, le tourisme solidaire est principalement à destination<br />

des pays en voie de développement, l’Italie retient un éventail géographique plus<br />

large : le tourisme responsable concerne tout autant les pays moins développés que le<br />

territoire italien lui-même.<br />

Selon Bellia R et Richez-Battisti (2004), ayant effectué une étude comparative entre<br />

les réseaux de tourisme alternatif en France et en Italie, des différences assez<br />

marquantes se font ressortir entre les pays transalpins.<br />

L’Italie semble en effet avoir réussi à structurer un réseau et à combiner des principes<br />

civiques avec des principes d’organisation industriels. À l’opposé, la France se<br />

caractérise par un mode de production artisanal du tourisme solidaire et des<br />

structures peu connectées entre elles.<br />

L’Italie : Réseau structuré et industrialisation du service<br />

Le tourisme responsable en Italie s’est crée en réactions au mouvement d’opposition<br />

au tourisme de masse relayé par différents acteurs hétérogènes aussi bien dans leur<br />

mode d’organisation que dans leurs valeurs : des ONG de coopération internationale,<br />

des organismes de tourisme social, des coopératives de services et de tourisme, des<br />

associations de défense des consommateurs, des coopératives de commerce<br />

équitable….<br />

77<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


A la fin des années 80, ces acteurs se sont donc regroupés dans l’objectif de<br />

sensibiliser l’ensemble des acteurs (touristes, TO, populations locales) aux impacts<br />

négatifs produits par le tourisme de masse.<br />

Ce regroupement, loin d’être facile à réaliser, s’est basé sur la recherche du<br />

compromis.<br />

« Nous étions d’accord surtout ce que l’on ne voulait pas (…) Nous partagions une<br />

volonté commune et au lieu de nous disperser sur les nombreux désaccords que nous<br />

avions, nous nous sommes concentrés sur les quelques points sur lesquels nous<br />

étions d’accord et sur les forces et les volontés que chacun pouvait apporter »<br />

(Entretien Président d’AITR, In Bellia R, 2004).<br />

La première production formelle de ce regroupement, issu d’un Forum du tourisme<br />

responsable remonte à 1997 : l’adoption d’une Charte du Tourisme Responsable<br />

décrivant les principes fondateurs du tourisme responsable. Trouver un consensus<br />

entre les différents acteurs en présence fut loin d’être facile (dizaine de grosses<br />

fédérations d’obédience idéologiques très diverses) mais a permis de produire les<br />

bases d’une vision commune dans le domaine.<br />

L’Associazione italiana di turismo responsabile fut crée un an après l’adoption de<br />

cette Charte, en 1998, dans l’objectif de fédérer l’ensemble des initiatives de tourisme<br />

solidaire en Italie et d’élargir le réseau (une cinquantaine d’adhérents en 2003). Elle a<br />

pour mission la promotion, l’information, ainsi que le lobbying auprès des pouvoirs<br />

publics et l’éducation au tourisme responsable.<br />

Des consortiums d’agences de voyage dédiés à la commercialisation de voyages de<br />

tourisme responsable ont vu le jour comme Viaggi Solidali, Pindorama, Viaggi e<br />

miraggi. D’autres TO spécialisés en tourisme responsable maintiennent des activités<br />

classiques d’agences de voyage (Planet Viaggi).<br />

Les membres de l’AITR doivent adhérer à la Charte même si aucun contrôle et<br />

aucune sanction ne sont prévus en cas de non-respect d’un des critères. La signature<br />

de cette Charte se limite à une déclaration de bonnes intentions. Des campagnes de<br />

sensibilisation sur les externalités négatives du tourisme et sur le comportement des<br />

touristes sont conduites régulièrement par l’AITR.<br />

78


La spécificité italienne réside dans une co-construction de l’activité touristique forte<br />

entre TO spécialisés et ONG. Une grande partie de l’offre des TO provient de la<br />

commercialisation de projets de coopération développés par des ONG. De plus les<br />

TO de tourisme responsable qui se sont constitués sont issus majoritairement du<br />

monde de la coopération internationale (plus rarement du monde du tourisme<br />

classique).<br />

En France : prédominance d’un mode de production artisanal<br />

Le développement du tourisme solidaire en France a suivi des logiques tout à fait<br />

différentes.<br />

« On assiste dans les années 90 à l’émergence de projets de tourisme solidaire au sein<br />

d’associations qui ont développé individuellement et sur leur propre lieu<br />

d’intervention, une nouvelle forme de tourisme orienté vers le développement<br />

économique local. Chacune a établi ses propres principes et démarches et qualifie à sa<br />

manière le tourisme alternatif qu’elle contribue à développer : éco-tourisme, tourisme<br />

solidaire, équitable ou éthique… De ce point de vue, on constate la faiblesse de<br />

coproduction en interne des fondements et principes du tourisme solidaire. Ce n’est<br />

qu’à posteriori que les associations productrices de ces différentes formes de<br />

tourisme tentent aujourd’hui de se regrouper, tout en revendiquant leurs<br />

spécificités». (Bellia R, 2005)<br />

Il existe de nombreux regroupements et tentatives d’inter coopérations partielles qui<br />

reflètent un fort manque de cohésion dans le secteur.<br />

Le regroupement national ATES (Association de tourisme équitable et solidaire), créé<br />

en 2006, dépend de l’UNAT (l’Union Nationale des Associations de Tourisme) et a<br />

repris le travail de coordination qu’avait mis en place l’UNAT notamment grâce à<br />

l’élaboration d’un document (Carnet de Voyages) recensant l’ensemble des<br />

expériences conduites en matière de tourisme solidaire (27 structures recensées).<br />

Comme le souligne Bellia R (2005), « cet investissement de forme, indispensable<br />

pour donner une lisibilité au tourisme solidaire en France, a pourtant suscité des<br />

79<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


débats auprès de la plupart des associations de tourisme solidaire. En effet, le fait que<br />

l’UNAT réalise ce fascicule d’information a été perçu comme une tentative de cette<br />

Union de tourisme social pour devenir le porte-parole d’un tourisme solidaire. »<br />

La remise en question de la légitimité de l’UNAT dans le champ du tourisme solidaire<br />

a conduit à l’émergence de l’ATES… A voir si celle-ci est perçue comme légitime pour<br />

être porte paroles du tourisme solidaire français ou si la diversité des initiatives de<br />

tourisme solidaire fait que les structures n’arrivent pas à se reconnaître dans un<br />

organisme de regroupement.<br />

L’ATES n’est pas le seul réseau de tourisme solidaire. D’autres réseaux se sont<br />

constitués sur la base d’une proximité géographique ou axiologique.<br />

- Le réseau Départ CADR (Collectif des Associations de Développement de Rhône-<br />

Alpes) regroupe 9 associations de tourisme solidaire et 30 engagées dans la solidarité<br />

internationale et le commerce équitable.<br />

- Quatre associations4 se sont regroupées pour intégrer la plate-forme pour le<br />

commerce équitable en 2002 et ont rédigé une charte du tourisme équitable.<br />

- L’ATR (Association de tourisme responsable) regroupe des TO classiques orientés<br />

"Ecotourisme" et/ou "tourisme d'aventure" souhaitant entrer sur le marché du<br />

tourisme responsable (Atalante,…) et qui partagent une Charte éthique en commun.<br />

Cette structure se distingue fortement de l’ATES qui est composée de structures<br />

associatives. Il est possible de constater qu’associations à but non lucratif et<br />

entreprises ont beaucoup de mal à dialoguer<br />

En l’absence d’un cadre commun, (absence d’une Charte présente dans le cas italien),<br />

« il semble exister autant de conceptions du tourisme solidaire que<br />

d’expérimentations. De ce point de vue, le tourisme solidaire s’apparente à un secteur<br />

artisanal, caractérisé par l’hétérogénéité des produits proposés et leur absence de<br />

standardisation. Les voyages solidaires français sont le plus souvent le résultat d’une<br />

construction en binôme entre un acteur du Sud et un acteur du Nord, donnant<br />

chacun leur propre conception du tourisme solidaire.» (Bellia R, 2005).<br />

4 TDS, Croq’nature, Djembé, La Route des Sens<br />

80


Dans la construction des voyages solidaires, les opérateurs du Nord et du Sud<br />

semblent explicitement coproduire l’activité de service. L’absence d’intermédiaires,<br />

jouée par l’ONG dans le cas italien, peut permettre d’obtenir un jeu à sommes<br />

positives ou à sommes négatives dans l’optique d’empowerment des communautés<br />

locales hôtes du Sud.<br />

Ces initiatives sont très diverses, souvent liées à une personne qui a une attache<br />

particulière avec un pays. Ces promoteurs ont souvent créé des associations sans but<br />

lucratif, qui fonctionnent comme de petites agences autonomes, spécialisées dans les<br />

« voyages solidaires » dans les pays en développement.<br />

Les associations en France ne commercialisent pas d’initiatives portées par des ONG<br />

mais aident directement leurs partenaires du Sud à se constituer en coopératives ou<br />

en organisations villageoises pour gérer les flux de touristes solidaires qu’ils envoient.<br />

La question qui se pose est donc de déterminer si ces associations possèdent les<br />

compétences nécessaires d’agents de développement, à même de favoriser<br />

l’empowerment des communautés.<br />

Le fait que certains dirigeants d’associations en France aient eu un parcours antérieur<br />

dans l’agro-tourisme, ou aient été des techniciens du développement local contribue à<br />

la sensibilité des opérateurs français aux questions du développement et à leur<br />

efficacité du point de vue de l’ingénierie de projets, mais tous les acteurs ne possèdent<br />

pas forcément ce background.<br />

Le tourisme alternatif français étant basé sur le concept du tourisme solidaire<br />

implique quasi automatiquement le financement de projets de coopération par<br />

l’opérateur touristique. Comme nous le développerons dans la partie suivante sur<br />

l’analyse de l’offre française, il n’existe pas d’homogénéité dans cette pratique.<br />

Certains opérateurs consacrent 30 % des bénéfices à la réalisation d’un projet de<br />

développement alors que d’autres seulement 3%. Ce tourisme, encore artisanal<br />

semblerait surdéterminé par le financement de projets de développement au sud,<br />

laissant à la marge l’objectif de conscientisation du tourisme.<br />

« En France malheureusement, on reste beaucoup dans l’idéologie. La dispersion des<br />

efforts et des initiatives n'aide pas du tout la cause du Tourisme alternatif et donne<br />

81<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


une image brouillée de ce concept dans notre pays. D’autant que la notion de «<br />

tourisme solidaire » promue par l’UNAT – autrement dit le fait de contribuer à un<br />

projet de développement par son voyage – tend à éclipser celle de « tourisme<br />

équitable ». (El Alaoui F, 2006)<br />

Bellia R, termine son analyse comparative par les conclusions suivantes :<br />

« L’Italie a fait le pari d’une organisation « industrielle » intégrée, fortement<br />

structurée en réseau autour de projets au sud et au nord, centrée sur la<br />

transformation des comportements, dans le cadre de filières intégrées et de stratégies<br />

de mutualisation des compétences ».<br />

« La France se caractérise par une organisation artisanale du tourisme solidaire<br />

centrée sur la coexistence de petits producteurs faiblement connectés les uns aux<br />

autres et fortement orientée vers le développement local au Sud. » (Bellia, 2004)<br />

Nous convergeons tout à fait avec son analyse sur la disparité de l’offre mais mettons<br />

plus en doute son affirmation sur l’orientation du tourisme solidaire vers le<br />

développement local du Sud. L’offre est centrée plus exactement sur le financement<br />

de projets de développement au Sud, hors il est assez difficile d’analyser de prime<br />

abord si ces financements contribuent réellement au développement local et à<br />

l’empowerment des populations ou s’il est plus l’héritier d’une logique<br />

assistentialiste, bien française. Ce thème sera traité plus en profondeur dans l’analyse<br />

ci-après.<br />

1.3.2. Analyse des pratiques touristiques alternatives en<br />

France<br />

Le contenu de la récente brochure de l’Union Nationale des Associations de Tourisme<br />

et de plein air (UNAT, 2002, « D’autres voyages, du tourisme à l’échange ») permet<br />

d’esquisser une typologie approximative du contenu des actions de tourisme solidaire<br />

des associations françaises membres de l’ATES. 5<br />

5 Les structures analysées ont été les suivantes : 1 : A Pas de Loup ; 2 : ARVEL ; 3 : Atalante ; 4 :<br />

CEVIED ; 5 : Couleurs Sensations (association) ; 6 : Croq’Nature & Amitié Franco-Touareg ; 7 :<br />

Ecotours ; 8 : La Burle (SCOP) ; 9 : La route des cuisines (association) ; 10 : La Route des Sens<br />

(association) ; 11 : Madagascar autrement & Nature et Tourisme ; 12 : Palabres sans frontières<br />

82


1. Financement d’actions ponctuelles - action humanitaire, matériels<br />

• Micro-actions de développement : envoi de semences potagères, médicaments, petit<br />

matériel scolaire<br />

• Fournitures scolaires, aide à une cantine.<br />

• Petites opérations humanitaires : école, dispensaires, adduction d’eau.<br />

2. Financements d’actions de développement<br />

• De 15 à 30 EUR/voyageur reversés aux associations partenaires ou utilisés pour<br />

financer des projets de développement local.<br />

• De 3 à 35% du prix du séjour reversé pour financer des projets de développement<br />

• Dons à des associations de solidarité qui n’agissent pas forcément sur le territoire<br />

des populations hôtes (ex : 3% du prix du voyage reversés à l’association « Slow Food<br />

» en faveur de la biodiversité alimentaire)<br />

• Financements de microprojets réalisés localement par l’association ou par son<br />

partenaire local– (création de jardins expérimentaux, ramassage des déchets, soutien<br />

à des établissements scolaires et à des petites entreprises artisanales, case de santé …)<br />

• Bénéfices alimentant un fond de développement local, géré directement par la<br />

communauté.<br />

• Création de pôle de solidarité d’anciens voyageurs autour de microprojets : santé,<br />

éducation, artisanat, agriculture.<br />

3. Autonomie des partenaires locaux recherchée dans une limite de 5ans<br />

d’accompagnement (objectif cité par une seule structure)<br />

(association) ; 13 : Point Afrique (Coopérative de voyages) ; 14 : Saïga ; 15 : Tourisme &<br />

Développement Solidaire (association) ; 16 : Vision du Monde (association) ; 17 :Vacances Bleues-<br />

Voyager autrement (agence) ; 18 : ADEN ; 19 : Amder Voyages (agence) ; 20 : Djembé (association) ; 21<br />

: Les amis de Mamadou et du Sénégal (association) ; 22 : les amis de Tamnougalt (association) ; 23 :<br />

Maroc chez l’habitant (agence) ; 23 : SME/Mass Education ; 25 : Posada San Rafael (ferme-auberge) ;<br />

26 : Tourisme et Solidarité – Secours catholique / Caritas France (groupement d’associations) ; 27 :<br />

Village Ahémé (Hotel).<br />

83<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


4. Vers une sensibilisation et éducation des visiteurs<br />

• Sensibilisation particulière des visiteurs aux problèmes locaux sociaux,<br />

économiques, environnementaux et culturels.<br />

• Chantiers communautaires dans le cadre d’une formation aux réalités du<br />

développement local au Sud : construction de bâtiments publics collectifs, d’écoles,<br />

dispensaires…<br />

• Rencontres organisées avant les voyages.<br />

• Invitation des voyageurs motivés à la poursuite d’action d’aide au développement<br />

après le retour.<br />

• Information aux voyageurs sur les nuisances potentielles du tourisme classique.<br />

L’analyse succincte des actions présentées par les vingt-sept pionniers du tourisme<br />

solidaire de la brochure UNAT permet de tirer des conclusions intéressantes.<br />

Financement d’actions humanitaires ou de projets de développement<br />

Les cibles et domaines d’action sont majoritairement le financement d’actions<br />

humanitaires ponctuelles ou plus couramment de projets de développement (local ou<br />

non).<br />

Les actions de développement local concernent, dans l’ordre décroissant, le<br />

développement rural (agriculture, élevage), la scolarisation et l’éducation, la santé, la<br />

gestion de l’eau, l’artisanat, la salubrité.<br />

Les montants affectés au financement de telles actions sont très éclectiques ; ils<br />

peuvent s’exprimer sous la forme de forfaits (de 15 à 30 euros) ou d’un pourcentage<br />

du prix du séjour (de 3% à 30%). Ce manque d’harmonisation peut sembler une<br />

faiblesse.<br />

La participation à des actions de développement peut s’exprimer de différentes<br />

formes :<br />

84


- Action directe réalisée par l’agence de voyage qui joue le rôle d’agent de<br />

développement.<br />

Interrogation : Dans ce cas, il est légitime de se demander si celle-ci possède les<br />

compétences nécessaires pour mettre en place des actions de développement.<br />

- Action de développement menée par le partenaire local.<br />

Interrogation : Cette modalité d’action semble être en faveur d’une logique<br />

d’empowerment des partenaires du Sud. Cependant les partenaires en question<br />

réaliseront-ils des actions en faveur de l’ensemble de la population locale. Ces<br />

partenaires sont-ils représentatifs de la population locale et organisent-ils une<br />

juste répartition des bénéfices dans une optique d’empowerment social ?<br />

- Financements de projets réalisés par d’autres partenaires extérieurs (ONG,<br />

associations) auprès de la population locale visitée<br />

Interrogation : Cette modalité semble être intéressante si les partenaires en<br />

question sont des professionnels de la coopération. La difficulté pour l’agence est<br />

de trouver des partenaires de confiance.<br />

- Dons pour soutenir des actions menées en dehors du territoire local d’accueil<br />

Interrogation : Le financement d’actions qui ne concernent pas la population<br />

d’accueil ne participe pas d’une logique de développement local. Sa raison d’être<br />

peut être directement remise en question. Cette philanthropie ne serait-elle pas<br />

tout simplement un moyen de se donner bonne conscience, redorer le blason du<br />

revendeur ?<br />

Les rapports avec les autorités - nationales, régionales, locales - et avec les<br />

organismes internationaux - UNESCO, PNUE…- ne sont mentionnés par aucune<br />

structure. Cela peut engendrer une duplication des actions de développement sur le<br />

terrain et ne permet pas de créer des effets de synergie entre les différents opérateurs<br />

de développement sur un même territoire.<br />

85<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Sensibilisation des touristes<br />

Le volet « sensibilisation des touristes » avant le voyage est beaucoup plus important<br />

que celui consacré à la réflexion après le voyage. Selon nous, les réflexions post<br />

voyages, que peuvent encourager les agences, ont pourtant une importance cruciale<br />

pour permettre que le tourisme se transforme en réel instrument de transformation<br />

sociale et le touriste en potentiel activiste. Le voyage ne devrait pas s’arrêter une fois<br />

posées les valises, de retour chez soi.<br />

Vers un empowerment des partenaires du Sud ?<br />

Rechercher à créer les conditions pour une autonomie des partenaires locaux dans<br />

une limite de 5 ans d’accompagnement est un objectif partagé par très peu de<br />

structures. Si l’on raisonne dans une optique de tourisme équitable, et non seulement<br />

solidaire, cette mesure est la seule qui permette à terme d’établir des liens plus justes<br />

avec les partenaires du Sud et de changer la logique d’opération du tourisme. On<br />

s’inscrit réellement dans une optique de recherche d’empowerment des<br />

communautés locales. On pourrait donc en conclure que les actions des associations<br />

de l’ATES se situent plus dans une optique de philanthropie que d’empowerment.<br />

Les réflexions conclusives qui peuvent être faites et ont été mis en exergue par l’étude<br />

sont le manque de pratiques d’évaluation et la présentation généralement<br />

minimaliste du volet « solidaire » des voyages c’est à dire des actions menées par la<br />

plupart des structures, auprès du grand public. Ces deux éléments révèlent qu’il<br />

existe un niveau de transparence assez faible de ces dernières, ce qui ne favorise pas<br />

la compréhension auprès du public.<br />

Limites : De nombreuses associations de tourisme solidaire créent elles-mêmes leurs<br />

propres produits, qui ne sont pas à l'initiative des communautés.<br />

Corporatisme et élitisme ?<br />

Il est intéressant de savoir si ce concept de tourisme solidaire n’est pas réservé, de<br />

fait, à une sorte d'élite, qu'elle soit intellectuelle ou financière. Car dans ce cas, cela<br />

irait à l'encontre de ses principes. Dans la réalité, la clientèle à laquelle s'adresse les<br />

86


produits mis sur le marché à ce jour, est une minorité intellectuelle (étudiants,<br />

enseignants, membres d'associations) et aussi financière (les produits sont plus<br />

coûteux que le tourisme classique).<br />

Il existe une volonté forte de ne pas étendre cette pratique. Forte volonté de<br />

différenciation par rapport au stupide touriste de masse…. Qu’on le veuille ou non…<br />

On se trouve donc devant des produits réservés en priorité à certaines catégories de<br />

personnes refusant le tourisme de masse. Dans son ouvrage intitulé « Enquête sur le<br />

tourisme de masse, l'écologie face au territoire », Florence Deprest démontre que de<br />

tous temps, les élites se sont opposées au tourisme de masse, donc au peuple. Nous<br />

pouvons à cet égard évoquer l'année 1936 où sont apparus les congés payés. A cette<br />

époque, la classe sociale aisée craignait par-dessus tout de voir déferler dans ses lieux<br />

de villégiature habituels des quantités d'ouvriers et d'employés.<br />

Il faudrait veiller à ce que le tourisme équitable ne devienne pas l'ultime refuge contre<br />

un tourisme que l'on pourrait qualifier de "vulgaire" dans ce sens que vulgaire vient<br />

de vulgus, le commun des hommes, la foule, la masse en latin. C'est là une des dérives<br />

possibles du concept qui pourtant, part d'un bon sentiment à l'origine.<br />

Vers une commercialisation directe : une utopie ?<br />

L'idéal serait que les communautés des pays d'accueil puissent se passer<br />

d'intermédiaires et commercialiser directement leurs produits dans les pays<br />

émetteurs. Ce serait un renversement de la situation actuelle où, nous l'avons vu, ce<br />

sont les entreprises des pays émetteurs qui viennent, chez eux, gérer leurs propres<br />

produits. Il serait peut être intéressant de voir si une agence basée sur la<br />

commercialisation de produits originaux entièrement gérés par les populations<br />

locales pourrait rencontrer un écho favorable en Europe. L'initiative reviendrait alors<br />

au Sud et permettrait d'éviter le schéma trop classique : décision au Nord, exécution<br />

au Sud.<br />

Mais, au-delà des critiques de forme, d’affichage et de crédibilité qu’il est<br />

légitime d’énoncer, trois interrogations, d’ordre éthique et philosophique<br />

viennent à l’esprit, vaguement culpabilisantes :<br />

87<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


• Le tourisme responsable n’est-il pas qu’une forme neo-élitiste de voyage réservé à<br />

une clientèle aisée, favorisée, de niche elle-aussi ?<br />

• Ne répétons-nous pas, à l’abri d’une posture et de mots-écrans, une attitude<br />

hégémonique, ethnocentrique, unilatérale ?<br />

• Le tourisme responsable, au lieu de s’attaquer aux industriels et promoteurs du<br />

tourisme de masse, n’est-il pas qu’un alibi, une danseuse, une bonne conscience au<br />

rabais ?<br />

« L’autocritique est la seule façon de légitimer, si ce n’est accepter, la critique de<br />

l’autre. Il faudra bien que les acteurs du tourisme responsable en fassent un élément<br />

de leurs cahiers des charges ». (Laurent A, 2002, p.156)<br />

88


2. Les projets de développement en tourisme<br />

communautaire : entre recherche de<br />

rentabilité et de développement (analyse du rôle des<br />

acteurs, difficultés et bonnes pratiques)<br />

2.1 Les difficultés inhérentes à la mise en place d’un<br />

tourisme communautaire : un tour de terrain théorique<br />

Retour sur la définition et les spécificités du tourisme communautaire<br />

Le tourisme communautaire ne peut pas se définir comme produit touristique<br />

mais comme philosophie de développement touristique. C’est un type de tourisme<br />

géré par et pour les communautés locales, avec un fort niveau de participation et<br />

d’implication dans la gestion des activités développées.<br />

Parmi les nombreuses définitions du tourisme communautaire, il est décidé de<br />

retenir la suivante.<br />

« Community-based Tourism (CBT) is a form of tourism in which a significant<br />

number of local people has substantial control over, and involvement in its tourism<br />

development and management. The major proportion of the benefits remains within<br />

the local economy. Members of the community, even those who are not indirectly<br />

involved in tourism enterprises, gain some form of benefit as well (community fund,<br />

multiplier effect etc.) » (Haüsler N, 2005)<br />

Le concept de participation communautaire puise ses sources dans les théories<br />

politiques sur la démocratie des années 70-80, qui se sont développées en réaction à<br />

la centralisation, à la bureaucratisation et aux rigidités étatiques. La nécessité de<br />

89<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


l’implication des communautés dans la planification touristique a été reconnue par de<br />

nombreux organismes internationaux (OMT, CNUCED) 6 et comme élément crucial<br />

dans l’optique du développement d’un tourisme durable (Murphy, 1985, 1988;<br />

Scheyvens, 1999).<br />

L’ouvrage de Murphy « Tourism : a community approach » (1985) est devenu<br />

l’ouvrage de référence autour duquel les débats sur le tourisme communautaire se<br />

sont cristallisés. Ces débats, confinés aux chercheurs anglo-saxons, ont largement<br />

évolués depuis 1985 et incorporent un éventail de nouvelles thématiques : typologies<br />

de participation, rôle des différents acteurs, ownership et implication des<br />

populations, … (Murphy 1985, Haywood 1988, Simmons 1994, Jamal et Getz, 1995,<br />

Reed 1997, Timothy, 1999, Scheyvens, 2005, Beeton, 2006; Hall, 2003; Pretty, 1995 ;<br />

Simmons, 1994; Tosun, 2006). Le CBT est un concept extrêmement ambigu et<br />

idéaliste qui nécessite empowerment politique, démocratie et une large distribution<br />

des bénéfices au sein des communautés locales. Une révision de la littérature sur la<br />

planification participative du tourisme communautaire nous permettra d’identifier le<br />

fossé qui existe entre les exigences théoriques et les difficultés pratiques. Comment<br />

assurer un réel développement local communautaire à travers le tourisme sans se<br />

limiter à la création d’épisodes productifs isolés n’impliquant que quelques membres<br />

de la communauté ?<br />

Le défi : assurer une juste répartition des bénéfices au sein de<br />

communautés structurées par de fortes relations de pouvoir internes<br />

Utiliser le tourisme comme instrument de développement communautaire est<br />

un concept très clair mais difficile à mettre en pratique à cause de la nature<br />

hétérogène des communautés (Scheyvens, 2002, p.9). La plus grande difficulté dans<br />

la mise en place d’une approche communautaire en termes de planification<br />

touristique est bien la nature politique de ce processus de planification. Selon<br />

l’approche pluraliste, le pouvoir est relativement bien distribué et toutes les parties<br />

ont la même possibilité de participer au processus politique. Cette approche échoue à<br />

6 Dès 1992, la CNUCED a notamment reconnu lors du Sommet de Rio que l’industrie touristique<br />

« could contribute towards development of the community » (United Nations, 1992, 1997).<br />

90


prendre en compte le fait que de nombreux intérêts et de nombreux membres de la<br />

communauté sont complètement exclus du processus de prise de décisions. Ces<br />

restrictions de participation dans la prise de décision peuvent « stunt the political<br />

consciousness of the local public by limiting the range of opinions and denying<br />

minorities the op opportunity to grow to mqjorities » (Crenson, 1971, p.180-181, cité<br />

dans Hall C, 1998, p.172). En effet, certaines familles ou individus sont susceptibles<br />

de réclamer certains privilèges en raison de leur statut apparent. Les élites arrivent<br />

parfois à coopter et dominer les efforts du développement communautaire pour<br />

monopoliser les bénéfices du tourisme (Mowforth et Munt 1998, Scheyvens 2002).<br />

Penser que les communautés puissent partager sans difficultés la production du<br />

produit touristique et les bénéfices qui en dérivent de façon équitable entre ses<br />

membres est excessivement romantique et irréaliste (Taylor 1996, Scheyvens 2002).<br />

Le débat sur la participation communautaire dans le tourisme s’est largement<br />

concentré sur les modalités d’implication de la communauté dans le processus de<br />

planification. Cette implication est difficile à obtenir du fait que la communauté ne<br />

peut pas être conçue comme un groupe homogène.<br />

2.1.1 Assurer une participation équitable : un défi difficile à<br />

surmonter<br />

Dans le débat actuel autour du processus de participation, le consensus a été<br />

établi sur la nécessité d’impliquer les populations locales dans la planification<br />

touristique ; ce qui reste à définir est qui doit être impliqué et comment.<br />

Les difficultés liées à la participation<br />

Sewell et Phillip (1979) ont identifié trois limites inhérentes au processus de<br />

planification participatif, qui doivent être surmontées :<br />

1. Il est difficile d’obtenir un fort degré de participation en présence d’un nombre<br />

trop élevé de participants puisque la profondeur de l’engagement tendra à<br />

diminuer en fonction du nombre de personnes participant à l’activité.<br />

91<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


2. Pour faire face à cette limite est émergée l’idée de recourir à la constitution de<br />

groupes représentatifs de la communauté. La seconde difficulté qui intervient<br />

est donc celle d’identifier des délégués aptes à représenter les différents points<br />

de vue de la communauté, c’est-à-dire à agir dans le sens de l’intérêt général.<br />

3. Lorsque l’on réussit à obtenir un fort taux de participation ou à identifier des<br />

personnes représentatives, il reste difficile d’atteindre un bon niveau<br />

d’implication tenant compte des ressources et du temps disponible mis à<br />

disposition par les acteurs.<br />

Haywood (1988) a identifié d’autres obstacles institutionnels et pratiques qui rendent<br />

difficiles la participation de toute la communauté dans le processus de planification :<br />

- manque de connaissances en matière de planification touristique dans<br />

l’ensemble des communautés.<br />

- perception diffuse chez les membres de la communauté que la participation<br />

n’est pas utile ou qu’elle nécessite d’y consacrer trop de temps (qu’ils ne<br />

possèderaient pas à disposition).<br />

- peu de volonté de la part des décideurs politiques d’encourager une<br />

démocratie représentative et participative.<br />

Les théories sur la participation communautaire<br />

Le thème de la participation est omniprésent au sein des discours et<br />

présentations PowerPoint des intervenants de conférence portant sur le thème du<br />

tourisme responsable ou durable. Pourtant comme il a pu être constaté maintes fois<br />

sur le terrain, le processus de participation des communautés locales n’est souvent<br />

que rhétorique et grève les possibilités de succès des projets de coopération en<br />

tourisme.<br />

L’analyse de nombreux projets de développement réalisés dans la dernière décennie<br />

montre que la communauté est plus souvent traitée comme objet que comme<br />

partenaire actif du processus de développement (Timothy, 1999).<br />

Il existe de nombreux modèles d’analyse sur la participation. Nous en présenterons<br />

quelques uns dans le détail.<br />

92


1. La hiérarchie de la participation d’Arnstein<br />

La hiérarchie de la participation conceptualisée par Arnstein (1969) présente<br />

différents degrés de participation.<br />

Figure 5: Classification des niveaux de participation selon Arstein<br />

La majeure partie des projets de coopération semblerait ne permettre qu’une<br />

participation « tokéniste » de la population locale. Le tokénisme traduirait une<br />

politique visant à accomplir un geste symbolique pour l’accomplissement d’un<br />

objectif spécifique. La participation authentique de citoyens empowered ne se<br />

produirait que rarement (Tosun, 2000).<br />

2. La participation selon Milne<br />

Milne propose un autre type de distinction très pertinent entre différentes<br />

sortes de participation, selon l’acteur à l’origine de l’action. La « participation<br />

autorisée » se réaliserait à travers les gouvernements (ou tout acteur externe) qui<br />

établissent et dirigent un processus encourageant l’implication de la population locale<br />

dans la prise de décisions et « l’organisation politique indépendante » interviendrait<br />

là où des groupes séparés tentent de prendre le contrôle du tourisme, que ce soit par<br />

des moyens non-conflictuels ou par des contestations plus directes (groupe de<br />

protestation à Goa, en Inde).<br />

3. La participation selon Scheyvens<br />

Pour Scheyvens, il existe quatre niveaux de participation<br />

communautaire (Scheyvens 2002) :<br />

93<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


• Partage d’informations : les concepteurs et chefs de projet partagent les<br />

informations avec la communauté locale afin de faciliter l’action collective et<br />

individuelle.<br />

• Consultation : La communauté n’est pas seulement informée mais consultée<br />

sur les problèmes clés à chaque étape du cycle de projet.<br />

• Prise de décision : la communauté est impliquée dans le processus de prise<br />

de décision pour l’élaboration et la mise en œuvre du projet.<br />

• Initiative de l’action : La communauté prend l’initiative en termes de prise<br />

de décisions et de mise en place d’actions concernant le projet.<br />

Lorsque les communautés sont pauvres et marginalisés, il est impossible qu’elles<br />

prennent l’initiative de l’action et arrivent à augmenter leur participation dans le<br />

secteur touristique. L’intervention d’un acteur extérieur, pour développer la<br />

participation autorisée, est parfois indispensable pour initier un processus<br />

d’empowerment des communautés par le tourisme. Nous reviendrons sur ce point<br />

par la suite en analysant quels types d’acteurs (Etat, privé, ONG) sont les plus aptes à<br />

jouer ce rôle d’agent de transformation.<br />

Encadré 1 : Participation communautaire et philosophie de l’OMT<br />

L’OMT, malgré un discours officiel promouvant l’importance de la participation et<br />

l’implication des communautés dans tout projet de développement touristique,<br />

montre clairement sa préférence pour les approches « top-down ».<br />

« The bottom-up approach involves holding meetings with local districts or<br />

communities to determine what type of development they would like to have. These<br />

local objectives and ideas are then fitted togetehr into a national or regional plan.<br />

This approach achieves greater local public involvment in the planning process. But<br />

it is more time consuming and may lead to conflicting objectives, policies and<br />

development recomendations among local aereas. These conflicts need to be<br />

reconcilied at the national and regional levels in order to form a consistent plan »<br />

(1994 OMT, cité dans Sofield 2003, p.106)<br />

La stratégie suivie est de gérer l’implication des communautés de façon à ce qu’elles<br />

soutiennent la planification touristique qui a déjà été décidée de l’extérieur (topdown),<br />

dans l’optique de minimiser les réactions communautaires adverses. L’objectif<br />

final est loin d’être celui d’’impliquer la communauté pour que celle-ci détermine ellemême<br />

le rôle que le tourisme peut recouvrir en son sein.<br />

94


2.1.2 De la participation à l’implication : la nécessité de désigner des<br />

représentants<br />

Quel segment de la communauté impliquer ?<br />

Il est difficile d’impliquer l’ensemble de la communauté puisque tout le monde<br />

n’a pas un intérêt particulier dans le développement touristique.<br />

“While it is clear that the public needs to be consulted on a wide range of issues, not<br />

all citizens wish to be consulted on a large number of issues that are of little interest<br />

to most people” (Sewell et Phillip, 1979, p.358).<br />

Il est donc important de déterminer quels sont les segments de la population qui<br />

doivent être consultés. Nous postulons, de par notre expérience sur le terrain, qu’il<br />

est souhaitable d’organiser deux niveaux d’implication et de participation :<br />

- Le premier niveau d’implication plus actif doit se baser sur les parties prenantes<br />

sélectionnées pour leur implication directe dans le développement touristique<br />

(entrepreneurs et personnes déjà travaillant dans le secteur et personnes démontrant<br />

un intérêt particulier). Il est fondamental que l’accès soit permis à tous les intéressés<br />

et qu’il n’y ait aucune restriction à la participation. La présence de certains leaders<br />

dans ce groupe est central pour garantir une certaine implication et non seulement<br />

une participation passive.<br />

- Puisque tous les membres de la communauté, seront touchés de façon directe ou<br />

indirecte par le développement du tourisme, il est souhaitable d’organiser un autre<br />

niveau de consultation/participation élargi à l’ensemble de la communauté. Pour<br />

s’assurer que la communauté accepte le tourisme et réfléchisse sur les impacts qu’il<br />

peut avoir, il est nécessaire de produire un code éthique du tourisme que les touristes<br />

se devront de respecter. Il est également important de réfléchir sur les modalités<br />

permettant que le tourisme profite à l’ensemble de la communauté (taxes de séjour,<br />

répartition d’un pourcentage des bénéfices, etc.)<br />

95<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Le principe de la représentation et le rôle central des structures sociales<br />

informelles<br />

Il est difficile de déterminer quels sont les acteurs clés légitimes en mesure de<br />

représenter les intérêts de la communauté (Sofield, 2003). Comment s’assurer qu’une<br />

communauté est réellement représentée par la voix de ses représentants ?<br />

Rééquilibrer la structure de pouvoir existante au sein de la communauté est une des<br />

variables clés pour obtenir un empowerment. Pour atteindre cet objectif, il est<br />

nécessaire :<br />

1) D’assurer un accès égalitaire au processus décisionnel à tous les membres de la<br />

communauté ;<br />

2) D’obtenir des informations critiques sur les structures de pouvoir en place dans la<br />

communauté ;<br />

3) D’identifier les structures sociales latentes/informelles.<br />

En révisant la littérature sur la participation communautaire, on peut constater que<br />

la majorité des études théoriques conseillent de puiser les représentants<br />

communautaires dans des structures sociales formelles (formal network structures).<br />

Dans la majorité des cas, les acteurs impliqués sont choisis pour la position qu’ils<br />

occupent dans les institutions communautaires, tels que les gouvernements locaux<br />

(maires), les représentants des industries (Chambre de commerce) ou les institutions<br />

sociales. Cette pratique est soutenue par la théorie positionnelle qui soutient que les<br />

détenteurs de pouvoir sont ceux qui occupent des positions formelles de leadership<br />

ou de gestion.<br />

Reed (1997) a cependant mis en lumière que la résistance au développement du<br />

tourisme provient très fréquemment des leaders politiques ou de l’industrie<br />

dominante qui sont issus des structures communautaires formelles.<br />

Jeong conseille donc de se focaliser sur les réseaux informels pour identifier des<br />

acteurs qui pourraient jouer le rôle d’intermédiaires et de représentants (covert<br />

power broker). Si la structure sociale formelle représente le squelette d’une<br />

96


communauté, les réseaux informels en représenteraient le système nerveux<br />

(Krackhardt et Hanson, 1993 cité dans Jeong, 2005).<br />

Au sein des structures informelles, il est possible d’identifier des individus influents<br />

possédant la confiance de la majorité de la communauté et souvent appelés pour<br />

débrouiller des conflits. Ces derniers ne sont pas forcément publiquement reconnus<br />

par des institutions sociales formelles en tant que leaders communautaires. Ces<br />

acteurs auraient la capacité d’utiliser des canaux différents pour atteindre tous les<br />

membres de la communauté dans un processus de planification participative.<br />

En utilisant la structure sociale informelle d’une communauté, il serait donc possible<br />

de réduire les risques de mauvaise représentation des opinions de la communauté et<br />

obtenir des consensus et des accords plus efficaces à même d’assurer que les<br />

opportunités économiques soient accessibles à tous les membres.<br />

2.1.3 De l’implication de la communauté à la production de bénéfices<br />

L’implication de la communauté locale dans le processus de planification permetelle<br />

automatiquement une prise de contrôle et une participation aux bénéfices du<br />

développement touristique ?<br />

La naissance d’un nouveau concept = Community Benefit Tourism Initiatives (CBTI)<br />

CBTI, pourrait être traduit en français par l’expression « initiatives de tourisme<br />

bénéficiant aux communautés ». Ce concept est basé sur le principe du transfert des<br />

bénéfices à la communauté. Il se différencie du concept de « community based<br />

tourism » (tourisme communautaire) qui se concentrerait sur les questions de<br />

propriété, de gestion et de contrôle des projets touristiques (Lea, 1988; Scheyvens,<br />

2002). En effet, le CBTI postule que pour qu’une communauté profite des bénéfices<br />

du tourisme, il n’est pas forcément nécessaire qu’elle soit impliquée dans la gestion,<br />

le contrôle du projet ou qu’elle soit propriétaire de l’initiative.<br />

L’implication de la communauté dans le processus de décision ne serait donc pas une<br />

condition indispensable pour permettre à la communauté de tirer des bénéfices du<br />

tourisme. Les planificateurs de projets touristiques telles que les entreprises privées<br />

qui souhaitent utiliser le tourisme comme instrument de développement local mais<br />

97<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


ne possèdent pas forcément les compétences et le temps nécessaires pour organiser<br />

un processus de planification participative efficace pourraient quand même<br />

s’impliquer dans des initiatives de développement touristique profitant aux<br />

communautés.<br />

« Participation in a tourism initiative is not a precondition for benefits reaching<br />

communities » (Kontogeorgopoulos, 2005; Li, 2006).<br />

L’étude de Kontogeorgopoulos sur une entreprise éco-touristique thaïlandaise (Sea<br />

Canoe) a montré que même sans impliquer la participation de la communauté locale<br />

dans son projet (en termes de contrôle et de propriété), cette dernière a transféré des<br />

bénéfices à la communauté, notamment en termes de création d’emplois.<br />

Cette entreprise, qui embauche entre 45 et 60 personnes paye ses salariés en dessus<br />

de la moyenne nationale, avec un salaire garanti mensuel (pour faire face à la<br />

saisonnalité de l’activité) et leur accorde des bénéfices sociaux, sanitaires et éducatifs.<br />

Selon l’auteur, tenant compte des conditions sociales, politiques et culturelles de la<br />

Thaïlande, un tel type de tourisme qui contribue au développement local n’aurait pas<br />

pu émerger si l’ownership et le contrôle de l’initiative n’avait pas été aux mains<br />

d’expatriés étrangers. Un entrepreneur qui travaille d’une façon éthique pourrait<br />

donc permettre à une communauté de récupérer plus de bénéfices que si celle-ci avait<br />

le contrôle de son propre projet touristique, notamment parce que le privé a les<br />

compétences en termes de marketing et de connaissance du marché, que les<br />

communautés ne possèdent pas.<br />

Certains modèles de partage des revenus (revenue-sharing schemes (TRS))<br />

fournissent d’excellents exemples de transfert des bénéfices du tourisme à une<br />

communauté, sans que celle-ci soit impliquée dans le projet. Les modèles TRS sont<br />

notamment utilisés dans les aires protégées et les parcs nationaux et permettent aux<br />

communautés de récupérer un pourcentage des revenus du tourisme. Elles utilisent<br />

ces fonds la plupart du temps pour aider à la construction d’infrastructures telles<br />

qu’écoles, hôpitaux, routes (Simpson, 2008)<br />

98


Adapter le niveau de participation de la population locale dans le<br />

développement touristique pour assurer le maximum de bénéfices<br />

Le développement touristique peut se réaliser en faisant appel à différents<br />

niveaux de participation de la communauté locale. Les intérêts, connaissances et<br />

capacités de la communauté locale doivent être attentivement évalués pour décider<br />

quel degré de participation et d’ownership est souhaitable afin d’obtenir le maximum<br />

de bénéfices pour la communauté locale. Il est nécessaire de se départir de l’idée<br />

préconçue que le maximum d’ownership et de contrôle au niveau local est synonyme<br />

de maximum de bénéfices en termes de développement touristique.<br />

La participation serait un processus graduel. Il serait irréaliste de penser qu’en<br />

l’intermédiaire d’un temps court, une communauté soit capable de passer du stade de<br />

récepteur passif de bénéfices à une communauté « empowered » capable de prendre<br />

ses propres décisions. Pour conduire les communautés sur le chemin de<br />

l’empowerment, il est donc utile d’évaluer leur position actuelle et de poser un<br />

objectif réaliste en termes de participation et d’ownership.<br />

Figure 6 : Différents niveaux de participation<br />

Source : GTZ, 1998<br />

99<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Différents scénarios de participation au développement touristique<br />

1. Aucune participation au développement touristique<br />

Population locale comme propriétaire des ressources<br />

Perception de revenus à travers le paiement de droits d’entrée/utilisation, de licences<br />

de chasse,…<br />

Mise en place d’un fond auto-administré pour le développement communautaire (ex :<br />

construction d’infrastructures, d’écoles,…)<br />

Déléguer des droits d’usage peut s’avérer une option intéressante lorsque<br />

l’implication directe dans le tourisme est impossible à cause d’absence de<br />

connaissances et capacités locales ou le refus de s’impliquer directement par craintes<br />

d’impacts socioculturels négatifs. Les gains peuvent être regroupés dans un fonds<br />

communautaire qui sera ensuite utilisé pour fiancer des projets sociaux, éducatifs,<br />

etc.<br />

2. Participation indirecte au développement touristique<br />

Communauté locale comme fournisseur d’entreprises touristiques grâce<br />

à l’augmentation de la consommation de produits au niveau local<br />

(business linkages)<br />

Provision de Services d’alimentation ou d’aliments : provision de fruits, légumes, etc.<br />

Provision de matériaux de construction locaux et de main d’œuvre pour la<br />

construction d’infrastructures touristiques<br />

Production artisanale : vente directe auprès des touristes ou dans des magasins.<br />

Cette participation indirecte est facilitée par le tourisme puisque c’est le marché qui<br />

se déplace vers le producteur.<br />

3. Participation directe au développement touristique<br />

a. Communauté locale embauchée en tant qu’employés :<br />

100


Travail dans le secteur du tourisme ou de la conservation de la nature (garde parc,<br />

guide, hôtellerie, restauration, etc.)<br />

Création de plus vastes opportunités lorsque des possibilités de formation sont mises<br />

à disposition.<br />

b. Communauté locale crée des entreprises touristiques indépendantes :<br />

Des niveaux d’éducations supérieures sont nécessaires ou la présence de locaux ayant<br />

vécu à l’étranger et possédant une expérience dans le domaine touristique.<br />

Disponibilité d’investissement en capital ou accès à des sources de prêt ou<br />

financements externes.<br />

Nécessité de réaliser des collaborations pour assurer une bonne stratégie de<br />

marketing et de commercialisation (avec des agences réceptives, des TO étrangers ou<br />

développer une stratégie pour attirer des touristes indépendants).<br />

Les entreprises locales indépendantes n’arriveront à se développer que sur un<br />

segment spécifique du marché : bas de gamme ou de gamme intermédiaire (en<br />

termes de confort et de qualité du service). Pour atteindre des segments haut de<br />

gamme, les entreprises locales seront contraintes à travailler en collaboration avec<br />

des entreprises touristiques professionnelles. Les Joint Venture avec des entreprises<br />

responsables peuvent permettre aux locaux d’acquérir un professionnalisme qui leur<br />

manque, tout en permettant une forte auto-détermination.<br />

101<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


2.2. Le rôle des « agents de changement » ou planificateurs<br />

de tourisme communautaire : Qui sont-ils ? Quelles stratégies ?<br />

Quelles compétences ? Quelles limites ?<br />

La nécessité de l’intervention d’un agent extérieur<br />

Les communautés ont besoin d’être soutenues pour mettre en place des<br />

initiatives de tourisme communautaire, principalement pour deux raisons.<br />

- Manque de connaissances et savoir faire.<br />

- Soutien dans le processus de planification pour permettre une participation<br />

égalitaire entre les membres de la communauté.<br />

Les attentes des communautés locales en termes de développement touristique et les<br />

compétences de la communauté doivent être évaluées par un acteur tiers puisque ces<br />

dernières ont tendance à avoir une vision des choses peu réalistes et seulement<br />

concentrées sur les gains économiques.<br />

Nous nous interrogerons sur le rôle que les différents acteurs peuvent jouer pour<br />

faciliter le développement d’un tourisme communautaire selon deux<br />

axes problématiques :<br />

- Quels sont les acteurs les mieux placés pour apporter les compétences<br />

manquantes aux communautés afin qu’elles s’intègrent dans le secteur<br />

touristique c’est-à-dire capable de fournir les meilleures activités de capacity<br />

building ?<br />

- Quels sont les acteurs les mieux placés pour s’assurer que le développement du<br />

tourisme profitera à l’ensemble de la communauté dans une optique<br />

d’empowerment et non seulement de production de richesses. Il en revient à<br />

déterminer quel acteur est le plus à même de faciliter un processus de<br />

planification participatif.<br />

Comme nous l’avons développé dans une première partie, les personnes possédant du<br />

pouvoir au sein d’une communauté n’ont aucune intention de le redistribuer à<br />

d’autres membres. Pour assurer que le tourisme ne profite pas seulement aux<br />

membres les plus puissants d’une communauté, Jamal et Getz suggèrent que le<br />

102


gouvernement local agisse comme arbitre afin d’équilibrer les rapports de pouvoir au<br />

sein de la communauté.<br />

Les autorités locales sont souvent élues par la communauté entrepreneuriale locale et<br />

opèrent donc comme des agents sous influence, ne pouvant être considérés comme<br />

suffisamment neutres pour pouvoir jouer un rôle d’arbitre (Hollinshead 1990, Reed<br />

1997) ; sans compter les problèmes de corruption ou de manque de transparence des<br />

fonds publics, omniprésents au sein des gouvernements locaux.<br />

La littérature touristique converge sur la nécessité d’avoir un agent de changement<br />

(change agent) légitime pour faciliter le processus de planification participatif (Jamal<br />

and Getz 1995). Ce qui reste à débattre est quel acteur est le mieux à même de<br />

soutenir les communautés dans ce processus : le pouvoir public (l’Etat), le tierssecteur<br />

(ONG) ou le secteur privé (entreprises touristiques) ?<br />

Une analyse émergeant des acteurs du terrain<br />

Pour analyser les problèmes fréquents auxquels se confrontent les<br />

planificateurs en tourisme communautaire, notre travail s’est principalement basé<br />

sur l’analyse d’un forum online, qui nous a semblé très pertinent et novateur organisé<br />

par Planeta.com et EplerWood International, entre le 1er et 18 Novembre 2005<br />

intitulé « Ecotourism Emerging Industry Forum ». Ce forum a permis une collecte<br />

inédite d’informations fournie par des acteurs hétérogènes (ONG, TO, consultants)<br />

sur des thématiques qui possèdent une importance cruciale sur le terrain et pourtant<br />

très peu traitées par le monde académique. Le thème particulier de ce forum était<br />

centré sur l’écotourisme et non le tourisme communautaire. Cependant si l’on conçoit<br />

l’écotourisme comme un produit touristique développé par les communautés locales<br />

(l’implication des populations locales serait un critère décisif), les réflexions<br />

présentées peuvent s’étendre au tourisme communautaire.<br />

La dynamique des interventions qui ont émergé au long du forum n’était pas<br />

seulement destinée à la description des difficultés rencontrées mais également à la<br />

formulation de solutions (optique de problem solving). Même si ce débat a eu lieu en<br />

2005, environ trois ans et demi en arrière, il se démontre encore très précurseur,<br />

103<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


notamment par rapport à l’état des débats actuels en Europe, et tout spécialement en<br />

France et en Italie. On ne saurait répéter la longueur d’avance des anglo-saxons et<br />

américains en la matière.<br />

Nous organiserons notre analyse en commençant par écarter le rôle central que peut<br />

recouvrir l’Etat (central ou local) dans les pays du Sud en tant que facilitateur de<br />

projets de développement en tourisme communautaire. Nous nous focaliserons très<br />

rapidement sur le rôle des ONG et des acteurs privés. Alors que les premiers sont<br />

critiqués quant à la capacité de mettre en place des initiatives rentables et durables<br />

les deuxièmes sont critiqués sur leur faible capacité d’implication de la population<br />

locale, réduisant les opportunités d’empowerment.<br />

« It is amazing how much most communities have been ostracized from planning in<br />

spite of all our lofty ideals... » (Hilel O)<br />

2.2.1. Le rôle de l’Etat<br />

Les gouvernements pourraient jouer un rôle majeur pour faciliter le<br />

développement du tourisme communautaire puisque l’Etat possède de nombreuses<br />

compétences :<br />

- En matière d’élaboration de la politique nationale touristique.<br />

- Il édicte les lois en matière de tourisme.<br />

- Il est chargé de développer une stratégie marketing de promotion de son pays<br />

sur le marché international (participation à salons et foires de tourisme)<br />

- Il est chargé de fournir des informations touristiques sur son territoire<br />

national.<br />

Les gouvernements auraient donc les moyens de faciliter les projets de tourisme<br />

communautaire grâce à :<br />

- L’aide financière et technique aux projets de tourisme communautaire.<br />

- La mise en place d’une législation spéciale pour le tourisme communautaire.<br />

- Faire la promotion des initiatives de tourisme communautaire lors<br />

d’évènements de promotion à l’étranger (lors de salons notamment).<br />

104


- Donner des informations sur les projets de tourisme communautaire au grand<br />

public, notamment à travers des offices de tourisme ou un portail<br />

d’information internet.<br />

La gestion et la planification de l’usage de la terre, les régulations environnementales<br />

et du travail, la construction d’infrastructures, la prestation de services sociaux<br />

(santé, l’éducation, etc) et services publics essentiels (comme la gestion des déchets)<br />

sont des thèmes essentiels influençant fortement sur le bon fonctionnement des<br />

initiatives communautaires.<br />

Dans la pratique, cependant les régulations étatiques sont quasiment inexistantes et<br />

le manque d’implication de l’Etat notamment dans la construction des infrastructures<br />

et la prestation de services basiques (routes, communication, traitement et collecte<br />

des déchets, etc) grèvent les possibilités d’empowerment des communautés.<br />

Certains analystes, comme Mowforth et Munt soulignent le rôle indispensable de<br />

l’implication de l’Etat.<br />

“While it is important that ideas for, and control of, tourism developments should<br />

come from within the community, it is also important that the local community be<br />

able to make use of, and benefit from, the assistance of national government<br />

resources to help establish and co-ordinate their ideas and schemes. This is<br />

particularly necessary where local communities may lack the resource, skill and<br />

finance base required. Hence, a partnership arrangement may often be more<br />

suitable than a community attempting to do everything entirely from within its own<br />

human, physical and financial resources” (Mowforth et Munt, 1998, p.257).<br />

Tout en rejoignant Mowforth et Munt sur la nécessité d’une intervention extérieure<br />

pour aider les communautés dans le processus de planification participatif (au niveau<br />

financier mais aussi de transfert de compétences) et sur la légitimité que l’Etat<br />

possède pour recouvrir ce rôle, la pratique montre que la majorité des gouvernements<br />

des pays du Sud sont incapables ou ne possèdent pas la volonté de jouer ce rôle. Les<br />

gouvernements ne pourraient recouvrir qu’un rôle limité aussi bien pour des raisons<br />

de manque de ressources financières ou de compétences en la matière, que pour des<br />

choix politiques déterminés. Les gouvernements du Sud (comme ceux du Nord…)<br />

105<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


favorisent la plupart du temps la pénétration de capital étranger pour servir les<br />

intérêts des élites locales plutôt que de servir les intérêts de la majorité des citoyens<br />

en appuyant les initiatives de développement local. La majorité des politiques<br />

nationales touristiques des pays du Sud concentrent la majorité de leurs efforts à<br />

attirer de grands investisseurs étrangers ou nationaux ; le tourisme étant avant tout<br />

conçu comme générateur de devises (et non comme instrument de développement<br />

local).<br />

Même lorsque certains pays proclament l’importance officielle du développement du<br />

tourisme communautaire dans leurs politiques nationales touristiques, les effets<br />

escomptés peuvent ne pas se faire sentir à cause d’un manque de compétences<br />

pratiques les empêchant de faciliter le développement de ce secteur. C’est notamment<br />

le cas de la Bolivie, avec le nouveau gouvernement d’Evo Morales qui a inscrit le<br />

développement du tourisme communautaire comme axe central de sa politique<br />

nationale touristique. Selon Cox, ex vice-ministre du tourisme bolivien, le tourisme<br />

communautaire a été intégré comme une des priorités du développement<br />

économique dans le plan national de développement de 2006, et ce dans une optique<br />

de création d’emplois et de revenus. Malgré les bonnes intentions du gouvernement<br />

bolivien, le soutien de l’Etat aux projets de tourisme communautaire reste marginal<br />

ou peu efficace. Le gouvernement d’Evo Morales a utilisé le tourisme communautaire<br />

comme instrument politique (dans un contexte d’affirmation des droits des<br />

populations indigènes), mais a manqué de compétences pratiques pour y apporter un<br />

soutien efficace. En effet, selon Cox, le tourisme revêt une importance cruciale pour<br />

« la consolidation des territoires indigènes et pour surpasser les problèmes généraux<br />

engendrés par le colonialisme et le néolibéralisme ». (Entretien réalisé par Baima lors<br />

de la Conférence internationale de tourisme durable de Fortaleza, 2008, traduction<br />

libre)<br />

Même si l’Etat ne nous semble pas en mesure de jouer le rôle d’agent de changement,<br />

il se doit cependant de jouer un rôle actif secondaire de légitimation. En effet,<br />

l’empowerment des communautés nécessite la reconnaissance et le soutien de l’Etat<br />

dans un second temps pour assurer la durabilité du processus.<br />

« Empowerment for communities usually requires environmental or institutional<br />

change to allow a genuine reallocation of power to ensure appropriate changes in<br />

106


the asymmetrical relationship of the community to the wider society ». (Beeton,<br />

2005)<br />

2.2.2. Le rôle des ONG<br />

Les ONG peuvent jouer un rôle déterminant pour aider les communautés à<br />

tirer des bénéfices de l’activité touristique.<br />

L’ONG : acteur le plus apte à favoriser l’empowerment collectif ?<br />

Pour obtenir un empowerment collectif, il est nécessaire d’organiser une juste<br />

participation des différents membres de la communauté à travers un processus de<br />

planification participatif. Les planificateurs touristiques ne peuvent se baser sur les<br />

quelques membres plus entreprenants et puissants de la communauté pour mettre en<br />

œuvre un projet. Dans cette optique, il ne peut y avoir d’empowerment.<br />

« Sometimes when the private sector intervenes directly, only a few community<br />

members (already "entrepreneurial") can jump on the bandwagon. Sometimes, a<br />

good NGO or project can actually raise the critical mass of potential participants,<br />

and can position tourism within a portfolio of development options (as against<br />

operators, who would reasonably only focus on their own business) ». (Hilal, In<br />

Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />

Comme nous le développerons largement dans cette partie, nous postulons que les<br />

ONG seraient mieux placées que les acteurs privés pour organiser un processus de<br />

planification participative, à même d’assurer une juste répartition des bénéfices du<br />

tourisme au sein de la communauté. Ce processus demande beaucoup de temps et de<br />

compétences pour être mis en place, que ne possèdent pas les acteurs privés. Il est<br />

évidemment bien plus facile de s’appuyer exclusivement sur les membres les plus<br />

dynamiques d’une communauté pour mettre en place un projet.<br />

En effet, même si nous reconnaissons l’importance des leaders, sur lesquels il peut<br />

être utile de s’appuyer pour lancer un projet, un mécanisme doit être mis en place<br />

pour s’assurer que ceux-ci représenteront les intérêts de la communauté dans son<br />

entier. Un effort doit donc être réalisé pour communiquer avec les membres les<br />

107<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


moins visibles et communicatifs de la communauté, comme les femmes et les<br />

anciens.<br />

Comme le souligne Finn, il est possible que certaines ONG n’intègrent pas une<br />

démarche de planification participative équitable.<br />

« I've seen even NGOs (who ostensibly should have been doing 'community<br />

development') take the easier road by working primarily with a few of the most<br />

outgoing and entrepreneurial community members, who basically dominated the<br />

community decision-making process. From a business standpoint (and perhaps for<br />

NGOs with short time frames and small budgets), this approach may be much more<br />

efficient than a truly democratic but much messier participative approach ». (Finn,<br />

In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />

Cependant, même si certaines ONG échouent dans ce processus, il n’en reste pas<br />

moins que les ONG sont les acteurs les mieux placés pour le faire et surtout les moins<br />

intéressés à obtenir des résultats dans un temps le plus court.<br />

Quel rôle aux communautés : Entre imposition et implication .<br />

Les communautés ne pourront participer activement dans un projet<br />

touristique que si elles ont l’impression que le projet leur appartient (Guevara 1996).<br />

Pour cela, il est indispensable que les ONG impliquent les communautés dans<br />

l’écriture des projets de coopération en tourisme. La stratégie suivie par de<br />

nombreuses ONG est de gérer l’implication des communautés de façon à ce qu’elles<br />

soutiennent la planification touristique qui a déjà été décidée de l’extérieur (topdown),<br />

dans l’optique de minimiser les réactions communautaires adverses.<br />

La plupart du temps, cette implication se limite à une consultation passive et biaisée :<br />

lorsqu’une ONG arrive dans une communauté pour présenter son projet de<br />

développement déjà bouclé, les communautés préfèrent accepter le projet plutôt que<br />

de prendre le risque de perdre ce partenariat même si elles ne sont pas satisfaites des<br />

activités ou des objectifs du projet. « Mieux vaut pire que rien du tout ». Elles<br />

acceptent souvent des projets, dont elles ne se sentent pas maîtres, ce qui grève dès le<br />

départ les possibilités de réussite de ce dernier.<br />

108


Les approches néopopulistes conseillent la sensibilisation et le renforcement des<br />

capacités des communautés au tout début de la planification touristique, plutôt que<br />

leur planification tardive. Il serait optimal de pouvoir réaliser ces activités avant le<br />

commencement du projet, pendant le processus de planification, pour que la<br />

communauté possède les outils nécessaires afin de pouvoir réellement participer à la<br />

conception du projet. Hors ceci est purement irréalisable de par les modalités de<br />

financement de tous les projets de coopération qui ne permettent pas d’utiliser des<br />

fonds à cet effet.<br />

Importance de créer des synergies entre ONG et gouvernements<br />

La collaboration entre ONG et secteur public permettrait d’obtenir des effets de<br />

synergies. Certains domaines offriraient des espaces de collaboration intéressants.<br />

Nous reprendrons les secteurs qui nous semblent les plus pertinents : 7<br />

- Financements et investissements<br />

- Formation et capacity building<br />

- Initiatives touristiques en collaboration<br />

- Services d’informations et de conseils : au niveau de la promotion, des finances<br />

et de l’opération.<br />

7 Nous ne sommes pas d’accord avec l’auteur pour dire que la fourniture de services sociaux et<br />

environnementaux ressort de la compténce d’une ONG. Nous la classifierons dans les compétences<br />

propres du secteur public.<br />

109<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Figure 7 : Rôles potentiels des organisations gouvernementales et non<br />

gouvernementales pour soutenir les initiatives de tourisme communautaire.<br />

Source : GTZ, 2007<br />

Renforcement des capacités des institutions<br />

En ce qui concerne les domaines d’actions propres aux agences<br />

gouvernementales, il pourrait être bénéfique que les ONG interviennent pour<br />

110


enforcer les capacités de certaines agences gouvernementales afin que celles-ci<br />

puissent mener à bien leurs actions : en terme de constitution d’un corpus législatif,<br />

marketing,… L’Union Européenne réserve d’ailleurs certains de ces programmes au<br />

renforcement des capacités des acteurs locaux. 8<br />

Les offices de tourisme sont des organisations privées ou paraétatiques de promotion<br />

du tourisme d’importance cruciale. Leur rôle est de développer et promouvoir l’offre<br />

des produits touristiques sur leur territoire. Au niveau national, l’office central est<br />

chargé du marketing de la destination et peut donc donner visibilité aux initiatives de<br />

tourisme communautaire sur le marché mondial (par la participation à des salons<br />

internationaux). Au niveau local, la présence d’offices de tourisme, point de passage<br />

quasiment obligé du tourisme indépendant, est indispensable pour assurer la<br />

promotion locale des initiatives touristiques. La coopération internationale pourrait<br />

donc renforcer les capacités de ce type d’institutions en favorisant leur<br />

développement organisationnel. Un transfert de compétences techniques et<br />

organisationnelles pourrait être intéressant entre les offices de tourisme des pays<br />

portant assistance et ceux assistés.<br />

Analyse des problèmes rencontrés dans les projets touristiques appuyés<br />

par des ONG<br />

« Ecotourism is a business, and as such, needs to be distinguished from fields<br />

such as “rural poverty alleviation”, “rural development”, “environmental<br />

conservation”, and so on (…) The first key question needs to be is there a sustainable<br />

tourism business here? I'm afraid this question is typically not asked, and if it is, it is<br />

not answered by someone with expertise in the tourism industry. Thus many<br />

projects are developed or built, with little thought as to marketing (…)» (Epler<br />

Wood, In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />

8<br />

Le dernier appel à candidature de l’UE en Bolivie portait notamment sur le renforcement des<br />

capacités des pouvoirs locaux.<br />

111<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


De nombreuses ONG créent de fausses attentes chez les populations locales en<br />

montant des projets de développement touristique qui ne réussissent à combler leurs<br />

attentes par leur manque de rentabilité, qui met en péril leur durabilité.<br />

« NGOs and other agencies who may raise inappropriate expectations or create<br />

white elephants » (Hilel O)<br />

1. Problème de mauvaise gestion des ONG<br />

Les ONG, en n’impliquant pas les acteurs du secteur privé dès le début de la<br />

mise en œuvre du projet, n’arrivent pas à assurer la commercialisation des initiatives.<br />

De plus, au niveau de la capacité de gestion, les ONG doivent se départir de leur<br />

modèle de gestion propre qui suit une logique de financements à fond perdu sans<br />

retour sur investissement et n’intègrent pas de considérations sur la rentabilité. En<br />

effet, les entreprises de tourisme communautaire se doivent d’être rentables.<br />

« The NGO mix the concept of donation without return with investment which must<br />

have a return (…) The inability to separate ecotourism business from their NGO<br />

management model was stifling the potential of their ecotourism enterprise ».<br />

(Epler Wood, In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />

2. Les ONG enlisées dans des logiques de fund raising plutôt que tournées vers<br />

l’obtention de résultats<br />

La participation des communautés locales aux processus décisionnels est très<br />

souvent manipulée par les organisations qui aident à monter des projets. La plupart<br />

des communautés n’ont aucune connaissances en matières de tourisme, elles<br />

dépendent donc entièrement des informations et des recommandations données par<br />

l’organisation qui les accompagnent.<br />

Les ONG impliquées dans des initiatives touristiques sont souvent critiquées pour<br />

leur manque de transparence et pour l’attention excessive consacrée à leur<br />

autopromotion (Mader, n.d.) Le fund raising et le maintien de bons contacts avec les<br />

donateurs seraient les principaux objectifs des ONG (Mader, n.d.).<br />

112


Les ONG n’impliqueraient pas forcément les populations locales dans leurs projets<br />

puisque leur objectif ne serait pas tant l’empowerment des populations locales mais<br />

finalement faire tourner de l’argent, cultiver leurs rapports avec les donateurs, et<br />

maintenir donc par là même la dépendance envers eux.<br />

« If (…) you go the NGO/foundation way, (…) it is only too easy for the<br />

project/program managers to start managing the project by and for itself, thinking<br />

of how to keep the program beyond the immediate goals, looking for more<br />

proposals, cultivating donors, fundraising, creating the NGO mentality that would<br />

deviate precious resources away from the immediate needs of ecotourism and social<br />

development... it becomes kind of a permanent fixture, regardless of its results for<br />

the direct stakeholders, community and ecotourism operators. » (Hilel O, In<br />

Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />

Cette critique récurrente faite à la coopération internationale n’est pas sans<br />

fondements puisque la façon dont le système de l’aide au développement est pensé<br />

cultive ce genre de comportements. Les modalités de financement et d’évaluation des<br />

projets rendent la réalisation de projets peu centrée sur la recherche de résultats.<br />

3. Manque de compétences propres des ONG en matière de tourisme<br />

Le problème du manque de professionnalisme du personnel des ONG,<br />

coopérants avec profil généraliste sans compétences spécifiques en matière de<br />

développement touristique, représenterait un handicap lourd, diminuant les<br />

possibilités de réussite des projets. Ce problème a notamment été abordé lors de<br />

séminaires de l’AITR, qui conseille d’embaucher des consultants et des experts<br />

touristiques pour combler à ce manque.<br />

Ce problème, traité lors du Forum, amène certains intervenants à conseiller que les<br />

donateurs internationaux commencent à privilégier la mise en œuvre de projets de<br />

développement par des entreprises de conseil plutôt que par des ONG (l’assertion<br />

n’est pas sans intérêt puisque c’est un consultant qui le propose)<br />

113<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


« By setting up a project, you can hire short-term professionals in each slot (instead<br />

of the same generalists NGOs would tend to use). How about trying to raise funds to<br />

set up a professional time-defined team (2-3 years seems like a good horizon) to<br />

work in a project, competitively selected in a fair technically focused bidding, with<br />

clear deliverables and close monitoring of results? Not an NGO/foundation, and not<br />

only business left to itself. » (Hilel O, In Ecotourism Emerging Industry Forum,<br />

2005)<br />

Les coopérants généralistes qui travaillent sur des projets de coopération en<br />

tourisme, sans compétences spécifiques dans ce domaine, ont du mal à gérer la partie<br />

commercialisation et marketing. Il existerait également une certaine résistance au<br />

sein de la coopération à intégrer des logiques de marché. Il est donc important d’avoir<br />

recours à des experts en tourisme.<br />

4. Des ONG intéressés ?<br />

Certains intervenants ont dénoncé les pratiques d’ONG qui créeraient des<br />

structures écotouristiques, notamment en Amérique Centrale, plus dans l’optique de<br />

récupérer les fonds d’un business rentable que dans une optique de coopération au<br />

développement.<br />

« Coincidentally I was just doing a review of a business plan for an NGO in Central<br />

America . The business plan did not clearly delineate between the goals and<br />

objectives of the NGO overseeing the ecotourism project and the goals and objectives<br />

of the tourism program as a business. It was never clearly outlined how the tourism<br />

business's funds would be used by the NGO.There was a fundamental confusion in<br />

the document about if the tourism program was there to actually create a viable<br />

and profitable concern or to provide a certain amount of funds to the NGO on an<br />

annual basis ». (Epler Wood, In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />

La séparation de la comptabilité est donc essentielle dans un projet de coopération<br />

entre les financements propres de l’ONG, c’est-à-dire ses fonds opérationnels, et la<br />

comptabilité de l’entreprise de tourisme communautaire crée, et ce que l’ONG<br />

récupère un intéressement aux bénéfices ou non.<br />

114


Selon l’expérience de l’auteure, peu d’ONG européennes, issues de la coopération<br />

internationale, récupèrent une partie des recettes des projets touristiques qu’elles<br />

créent. Au contraire, la plupart du temps, les financements sont organisés à fond<br />

perdu et la communauté récupère la totalité des bénéfices économiques. Ce biais peut<br />

être plus présent parmi les ONG locales, notamment en Amérique Latine.<br />

5. Des projets qui demandent du temps…<br />

Les projets de développement en tourisme communautaire requièrent beaucoup de<br />

temps. Le processus de développement, basé sur une approche « business oriented »,<br />

sera beaucoup plus long que celui d’entreprises classiques puisque les procédures de<br />

planification participative nécessitent temps et patience.<br />

Les projets de la coopération internationale, généralement limités à trois ans ne<br />

permettent donc pas de soutenir toutes les phases de développement d’un projet de<br />

tourisme communautaire. Il serait donc indispensable que les donateurs prennent en<br />

considération cette limite et augmente le temps et les ressources des projets au-delà<br />

de cette limite pour soutenir le fonctionnement de l’entreprise dans ses premières<br />

années. Les contraintes temporelles et administratives (trois ans, durée moyenne<br />

d’exécution des projets et impossibilité de financer des études de faisabilité) rendent<br />

très difficiles l’empowerment des populations. La question de la temporalité est<br />

importante puisque le processus d’empowerment ne peut se dérouler que sur une<br />

longue période. Les résultats obtenus dépendront donc en grande partie du degré<br />

d’empowerment de départ des communautés : jouer le rôle de facilitateur est une<br />

chose, mettre en route un processus dans une communauté fortement marginalisée<br />

en est une autre. Nous reviendrons sur ce point crucial par la suite.<br />

2.2.3. Le rôle du secteur privé<br />

Des compétences propres essentielles<br />

Le secteur privé est bien placé pour fournir des possibilités d’insertion sur le<br />

marché aux initiatives de tourisme communautaire, pour offrir du capacity building<br />

et du soutien technique et financier aux PME.<br />

115<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Le secteur privé est plus réactif aux exigences du marché que n’importe quel acteur. Il<br />

est donc en mesure de répondre de façon rapide et dynamique aux changements de<br />

tendance sur le marché et peut donc percevoir rapidement les opportunités à saisir.<br />

En effet, étant donné que ni les communautés, ni les ONG, ni les agences<br />

gouvernementales ne possèdent ces compétences, il est nécessaire d’organiser des<br />

collaborations restreintes et thématiques avec le secteur privé, seul à même de<br />

fournir du capacity building dans ces domaines.<br />

Le secteur privé possède certaines compétences particulières et uniques (que ne<br />

possèdent pas d’autres acteurs) qui peuvent s’avérer fort utiles pour promouvoir des<br />

initiatives de tourisme communautaire :<br />

- Positionner un produit sur le marché ;<br />

- Organiser un bon marketing touristique ;<br />

- Connaître les exigences en matière de qualité ;<br />

- Donner une bonne visibilité auprès des medias ;<br />

- Développer et renforcer des industries secondaires (alimentation,…)<br />

- Faciliter la communication avec d’autres acteurs et réseaux.<br />

- Réaliser des donations à des associations des communautés locales (pour<br />

financer des projets sociaux).<br />

- Bonne connaissance du marché.<br />

- Emploi de personnel local.<br />

- Sensibilisation des touristes au tourisme durable et au respect des<br />

communautés.<br />

- Lobbying auprès des gouvernements ou d’organismes internationaux.<br />

Les TO : des acteurs aptes à favoriser des projets touristiques plus<br />

rentables ?<br />

Il est fondamental que la commercialisation des initiatives de tourisme<br />

communautaire soit prévue dès le début du projet et non seulement à la fin puisqu’il<br />

est nécessaire d’organiser des voyages tests, des formations continues sur le terrain<br />

en parallèle à l’accueil de visiteurs pour faire face aux problèmes qui surviendront<br />

inexorablement au fur et à mesure. Cette méthodologie est indispensable pour<br />

116


assurer la durabilité de l’initiative afin que celle-ci ne s’écroule pas une fois le projet<br />

terminé et l’ONG partie.<br />

Les TO qui sont à l’origine de projets de tourisme communautaire ont donc un<br />

avantage sur ce point puisque leur action est dirigée à une commercialisation rapide.<br />

« This is the advantage of being an inbound tour operator working together with<br />

the community serving clients, as we are. We can offer an immediate benefit once<br />

we start somewhere » (Jan Wigsten, In Ecotourism Emerging Industry Forum,<br />

2005)<br />

La connaissance du marché et les excellentes compétences en gestion d’entreprise des<br />

TO leur permettent de développer des projets de tourisme communautaire rentables.<br />

« As an inbound tour operator, I am sort of sorry to say that, we alone, produce<br />

better community benefits and job creation in a locations in Mongolia that are<br />

outside of protected areas, than any NGOs or donors ». (Wigsten J, In Ecotourism<br />

Emerging Industry Forum, 2005)<br />

Deux types d’objections peuvent cependant être avancés remettant en cause le<br />

secteur privé comme agent de transformation le plus adapté :<br />

- Si les projets des TO ont de meilleurs taux de réussite en matière de gestion et de<br />

rentabilité, c’est bien parce qu’ils choisissent des communautés déjà empowered pour<br />

mettre en œuvre des initiatives touristiques, aptes à mener des opérations rentables à<br />

court terme et capables de produire des bénéfices.<br />

Au contraire, lorsqu’une ONG choisit sa zone d’intervention, le critère de choix est<br />

complètement l’inverse : elle choisira une zone où la communauté locale est<br />

appauvrie et disempowered pour développer un projet de tourisme communautaire.<br />

Arriver à insérer ce type de populations dans des processus productifs coûte<br />

beaucoup plus d’efforts. La rentabilité d’une entreprise touristique communautaire<br />

ne pourra donc être obtenue qu’après un temps de capacity building et de<br />

transformation.<br />

- L’autre objection concerne finalement le type d’objectifs que les planificateurs de<br />

projet se fixent en accompagnant une initiative de tourisme communautaire. Quels<br />

117<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


sont les critères du succès d’un projet ? Le montant des revenus créés, le nombre<br />

d’emplois créés ou s’intéressent-on également au thème de l’empowerment, de la<br />

juste répartition des bénéfices ? Si l’on s’intéresse également aux résultats en termes<br />

d’empowerment pour mesurer la réussite d’un projet de tourisme, les acteurs privés<br />

ne seront peut-être plus considérés comme les meilleurs accompagnateurs de projets.<br />

Difficultés des TO à assurer un empowerment collectif<br />

L’industrie touristique peut difficilement être considérée comme l’acteur le<br />

plus approprié pour faciliter le développement et l’empowerment des communautés<br />

locales, puisque sa première motivation est de maximiser le profit. L’intérêt de ces<br />

entreprises pour le développement local communautaire est basé sur le pragmatisme<br />

plutôt que sur du philanthropisme.<br />

Nous postulons que les TO ne peuvent pas réaliser le travail d’une ONG en terme<br />

d’aide au développement ; ces derniers ne pourront donc soutenir que les<br />

communautés déjà empowered ou que les membres les plus actifs de communautés<br />

plus marginalisées.<br />

Selon Kutay, gérant du TO Widland Adventure, certains facteurs sont essentiels pour<br />

permettre la réussite d’un projet de tourisme communautaire :<br />

- la présence au sein de la communauté de leaders formés sensibles au bien-être<br />

collectif,<br />

- la présence d’une organisation sociale forte ou d’une ONG locale,<br />

- la présence d’une agence réceptive ayant envie de travailler avec les<br />

communautés,<br />

En effet, un TO ne peut mettre en œuvre à lui seul un mécanisme de planification<br />

participative. Lorsque les conditions à peine énoncées ne sont pas présentes, cela<br />

n’empêchera pas le TO de chercher à développer un projet de tourisme. Il est même<br />

possible que ce projet obtienne de bons résultats en termes de rentabilité mais il ne<br />

favorisera que les plus aisés de la communauté et ne s’inscrira donc pas dans une<br />

logique communautaire, ni d’empowerment collectif. C’est le risque que courent de<br />

118


nombreux projets touristiques développés par des TO, qui auraient en fin de compte<br />

de communautaire, que le nom.<br />

Même si l’industrie touristique a parfois la volonté de s’impliquer dans des initiatives<br />

de tourisme responsable et communautaire, la difficulté de faire devenir ce business<br />

rentable font que la majeure partie du temps cette volonté ne reste que de bonnes<br />

intentions. Les TO multinationaux pourraient difficilement transférer des bénéfices<br />

aux communautés, de par leur situation géographique lointaine, leur manque de<br />

temps et leur manque d’intérêt pour les communautés locales (Timothy, 2002). Ces<br />

grosses entreprises sont engagées dans une lutte constante pour casser les prix et<br />

faire des fusions pour être compétitifs. Les petites agences réceptives locales<br />

semblent donc plus à même de s’intéresser aux intérêts de la communauté,<br />

notamment de par leur proximité géographique ; elles seraient cependant limitées de<br />

par leur manque de ressources (temps, volume d’activité et finances) et leur nécessité<br />

de lutter quotidiennement pour survivre. Quant aux petits opérateurs spécialisés en<br />

tourisme responsable, ils sont confrontés à l’isolement et se battent constamment<br />

pour rester sur le marché avec des prix compétitifs, sans compromettre leurs<br />

principes.<br />

Les TO peuvent difficilement « play both the role of social negotiator/development<br />

support and business partners (…) Operators cannot be expected to play this role<br />

and most of them have enough of a hard time just staying afloat, selling and<br />

surviving, thank you very much!! » (Hillel O, In Ecotourism Emerging Industry<br />

Forum, 2005)<br />

Epler Wood définit le modèle de gestion développé par les entreprises comme le plus<br />

approprié pour garantir la rentabilité d’une entreprise touristique communautaire.<br />

Elle reconnaît cependant que les acteurs privés (TO) ne peuvent pas développer de<br />

projets dans des zones particulièrement pauvres et marginalisées, à cause de<br />

l’impératif de réaliser des bénéfices à court terme auxquels ils sont soumis et leur<br />

impossibilité de suivre un projet à perte pendant plusieurs années.<br />

119<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Tableau 5 : récapitulatif sur les capacités de chaque acteur pour faciliter la planification<br />

en tourisme communautaire<br />

Acteur Compétences spécifiques et formes de<br />

coopération<br />

ONG - Compétente en termes de planification,<br />

d’implication des communautés, de gestion.<br />

Secteur<br />

privé<br />

120<br />

- Professionnels en matière de développement<br />

avec compétences spécifiques nécessaires.<br />

- Contact/collaboration directe avec les<br />

communautés.<br />

- Accès à différentes formes de financements<br />

(étatiques, internationaux, privés…).<br />

- L'implication d'ONG est essentielle pour faciliter<br />

la planification participative et l’évaluation du<br />

développement touristique (évaluation de la<br />

sensibilité écologique et socioculturelle de la<br />

zone).<br />

- Les ONG peuvent soutenir et renforcer les<br />

associations organisationnelles ou sociales à<br />

l’intérieur des communautés, indispensables pour<br />

s’assurer que les bénéfices seront répartis sur<br />

l’ensemble de la communauté et seront facteurs de<br />

développement et non seulement de croissance.<br />

- Les contacts avec des ONG du Nord peuvent être<br />

très utiles pour faciliter une stratégie marketing<br />

au niveau international (contact avec des TO dans<br />

les pays sources, utiliser les réseaux de ces<br />

ONG,…)<br />

- Apporte les meilleures garanties en termes de<br />

mises en œuvre technique, de par son expérience.<br />

- Bonne connaissance du marché et du système<br />

touristique mondial indispensable pour la<br />

commercialisation<br />

Formes de collaboration<br />

- Consulting sur développement de produits,<br />

marketing, commercialisation,…<br />

- Formation d’une main d’œuvre locale<br />

- Embauche d’employées ou sous-traitance auprès<br />

d’entreprises indépendantes<br />

- joint ventures avec la population locale.<br />

- Co-financement d’infrastructures touristiques,<br />

amélioration de la demande et création de<br />

nouveaux attractifs<br />

Faiblesses<br />

- Peu de connaissances en matière<br />

commerciale et marketing puisqu’elles<br />

ont un focus purement social ou<br />

environnemental.<br />

- Une connaissance détaillée de la<br />

destination étant indispensable pour<br />

assurer un développement du produit et<br />

établir une bonne stratégie marketing,<br />

nécessité d’établir des collaborations<br />

avec les professionnels touristiques<br />

(secteur privé, experts).<br />

- En tourisme, les initiatives idéalistes<br />

se concentrant sur le maximum<br />

d’ownership échouent souvent à<br />

produire des bénéfices tangibles en<br />

terme de développement touristique.<br />

- Les ONG devraient augmenter leur<br />

collaboration avec le secteur public pour<br />

permettre des effets de synergie.<br />

- Les ONG peuvent jouer un bon rôle de<br />

médiateur entre les communautés<br />

locales et le secteur privé.<br />

- Evaluer la volonté de coopérer.<br />

- Ne possède pas de vision à long terme<br />

puisque orienté principalement par le<br />

profit qui impose une logique moyen<br />

voir court terme.<br />

- Orienté vers la croissance dans une<br />

optique purement économique et non<br />

tourné vers le développement local<br />

- Ne travaille pas dans une optique<br />

d’empowerment collectif. Risque que les<br />

profits soient accaparés par quelques<br />

membres de la communauté.


Gouvern<br />

ement et<br />

agences<br />

étatiques<br />

- Partenariat public-privé (public private<br />

partnership= PPP).<br />

-Capital limité mais possibilité de faciliter l’accès<br />

des communautés locales à d’autres donateurs, à<br />

des banques,…<br />

- Aide en termes de marketing international<br />

- Amélioration des conditions générales: mise en<br />

place d’incitations à l’investissement,<br />

d’infrastructures touristiques (routes, aéroports,..)<br />

assure la sécurité personnelle des touristes, etc.<br />

- Contrôle et législation dans l’optique d’un<br />

développement durable : renforcement de lois<br />

pour garantir des standards environnementaux,…<br />

- Construction, administration, et maintenance<br />

d’infrastructures de récolte et traitement des<br />

déchets.<br />

Source : Elaboration propre<br />

La nécessité d’une collaboration entre ONG et TO<br />

- Compréhension incomplète de ce<br />

qu’est le tourisme communautaire.<br />

- Peu d’expériences avec le partenariat<br />

public-privé.<br />

- Manque de connaissances et<br />

d'expériences en termes de business<br />

management<br />

- Cadre légal souvent inexistant en<br />

matière de régulation environnementale<br />

et de conservation et protection de la<br />

nature.<br />

- Tourisme orienté majoritairement<br />

dans une optique de récolte de devises<br />

et de croissance économique plus dans<br />

une optique de développement local.<br />

Les projets menés par des ONG ont de bonnes stratégies mais ont souvent de<br />

mauvaises connaissances marketing et de l’industrie touristique. Ce manque de<br />

connaissances conduit souvent à l’échec de ces projets sur le marché. A l’inverse, de<br />

grosses entreprises touristiques offreent des produits de tourisme communautaire<br />

très profitables, mais qui n’incluent pas un partenariat avec les communautés locales.<br />

En conséquence, peu de projets touristiques réussissent à appliquer tous les critères<br />

du tourisme communautaire, à permettre aussi bien rentabilité de l’entreprise<br />

qu’empowerment des communautés. Vers quel modèle de gestion se tourner ?<br />

Certaines collaborations pourraient-elles permettre de répondre aux limites<br />

énoncées ?<br />

Partenariat public – privé : la meilleure forme de gestion ?<br />

Pourquoi les partenariats communauté/privé/ONG pourraient-ils être si<br />

nécessaires ? En quoi l’ONG peut-elle jouer un rôle de médiateur entre le secteur<br />

privé et les communautés ?<br />

121<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Le partenariat public-privé peut se définir comme tel :<br />

« Public-private partnerships are relationships for mutual benefit between the<br />

public development cooperation and the private industry. In this model, the<br />

development cooperation promotes projects of private enterprises in foreign<br />

countries if they provide a significant benefit with regard to aspects of development<br />

policy. Such PPP projects can help attract private capital for the developing<br />

countries, as well as sensitive and mobilize private enterprises » (GTZ, 2007)<br />

La coopération avec le secteur privé reste tout à fait marginale dans le secteur de la<br />

coopération internationale, même si la GTZ en a fait une de ses priorités d’actions.<br />

La majorité des participants au Forum « Ecotourism Emerging Industry Forum »,<br />

sont d’accords pour définir le partenariat privé/communauté comme la meilleure<br />

option pour mettre en place des projets de tourisme communautaire viable.<br />

Cependant, pour s’assurer que les zones les plus marginalisées puissent aussi se<br />

constituer comme bénéficiaires, les ONG pourraient également jouer un rôle dans ces<br />

partenariats.<br />

Les partenariats et collaborations avec le secteur privé sont essentiels dans les projets<br />

de coopération en tourisme puisqu’ils permettent de combler les lacunes des<br />

communautés en termes de capacités et connaissances touristiques. Le but des<br />

projets de coopération doit être clair : aider les communautés à s’organiser pour<br />

pouvoir devenir de bons prestataires de services, aptes à s’intégrer dans la chaine<br />

touristique et être rémunérés de façon équitable pour le service rendu. Il est utopique<br />

et erroné de penser et de vouloir que les communautés réussissent à créer des<br />

agences de voyage réceptives. Elles n’en ont souvent pas les compétences. Les<br />

communautés se doivent donc de planifier et gérer le voyage alors que le TO ou<br />

agence de voyage est chargé d’attirer les clients, d’organiser la préparation au voyage<br />

et la réflexion post-voyage. Même si la communauté gère complètement la réception<br />

et l’organisation du tourisme sur place, et qu’elle arrive à mettre en place une agence<br />

réceptive ou opérateur touristique, cela n’empêche pas qu’elle doive vendre son<br />

produit auprès d’opérateurs et d’intermédiaires étrangers.<br />

Le partenariat diffère d’une relation commerciale classique au sens où la<br />

communauté n’a jamais joué le rôle d’un TO et a peu d’expérience en gestion du<br />

122


tourisme. De la même façon, on ne peut attendre d’un TO qu’il possède la<br />

compétence ou les ressources nécessaires pour soutenir un processus participatif de<br />

développement communautaire. C’est bien pour cette raison que la présence d’un<br />

tiers médiateur peut s’avérer utile pouvoir créer un pont entre ces deux mondes qui<br />

raisonnent selon des logiques bien différentes.<br />

L’ONG comme médiateur dans les partenariats privé – communauté ?<br />

Lors de collaboration avec le secteur privé (joint venture), la communauté a<br />

son mot à dire dans la planification et la gestion de l’activité touristique mais elle n’en<br />

a pas le contrôle total. Ce type de tourisme peut représenter une modalité<br />

d’organisation très intéressante lorsque la communauté manque de connaissances<br />

managériales et de savoirs faires pour faire fonctionner avec succès une entreprise<br />

touristique (Wheat, 1999a, p.7).<br />

Cependant, il existe le risque que l’acteur privé, qui possède un plus fort pouvoir de<br />

négociation, négocie un arrangement qui soit fortement défavorable à la<br />

communauté. Cater (1995, p.201) souligne que les opérateurs indigènes ne sont pas<br />

en mesure de concurrencer l’image, les ressources et la puissance des entreprises<br />

multinationales.<br />

Pour cette raison, les communautés ont très souvent besoin de soutien de la part de<br />

tiers médiateurs comme les ONG, qui puissent les aider à négocier et gérer de tels<br />

partenariats. Les ONG sont encore assez réticentes à développer des partenariats<br />

communauté/privé sous forme de joint venture.<br />

« It is often recommended to communities that they create your own enterprise and<br />

do not work together with the larger private companies.»Joint Ventures" are not<br />

recommended to them. But I personally find Joint Ventures to be the most<br />

interesting option. » (Haüsler N, In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />

L’efficience des projets de coopération qui engagent souvent de grandes sommes<br />

d’argent, est remise en cause par rapport aux résultats acquis en fin de projet. Avec<br />

des sommes d’argent bien inférieures, les partenariats public/privés permettraient<br />

123<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


d’obtenir de biens meilleurs résultats. Dans un contexte de crise économique et de<br />

diminution des financements des différents gouvernements européens alloués à l’aide<br />

au développement, une telle alternative serait donc à même de répondre aux défis<br />

futurs.<br />

« Do we really have to create a community tourism project with expensive<br />

ecolodges, and many years of intensive training when frequently this does not lead<br />

to a successful story? Would it be not better to support the activities the people<br />

already do - like handicrafts, crops, honey making, medicinal plants etc. etc. by<br />

supporting the cooperation between the private sector and the communities in their<br />

area? » (Haüsler N, In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />

La coopération allemande semble être une des plus actives en matière de projets PPP.<br />

La GTZ a par exemple établit un partenariat avec un TO allemand (Studiosus and<br />

Aventoura) pour intégrer la visite de certains projets de coopération de la GTZ dans<br />

leurs packages. Cela permet notamment de sensibiliser les touristes aux problèmes<br />

du développement dans les pays du Sud. Un autre exemple de programme PPP de la<br />

GTZ implique le « International Business Leaders Forum » (IBLF) et la chaîne<br />

d’hôtels Marriott, Starwood and Intercontinental. Ce partenariat vise à donner la<br />

possibilité à des jeunes socialement défavorisés de participer à une formation dans<br />

cet hôtel très réputé afin qu’ils puissent acquérir de bonnes chances pour commencer<br />

une carrière gratifiante.<br />

Le rôle que la GTZ va jouer dans ces programmes n’est cependant pas clair : est-il<br />

celui de catalyseur des programmes PPP, celui de partenaire public ou celui de<br />

financeur de certaines initiatives privées ?<br />

Subventions directe au secteur privé ?<br />

Si le secteur privé est intéressé à collaborer avec les communautés, il a pour<br />

autant besoin de soutien financier selon Epler Wood, pour pouvoir intervenir non<br />

seulement dans les communautés déjà prêtes et formées mais aussi dans des zones<br />

plus marginalisées.<br />

124


« If the business will be developed in areas where poverty is high, infrastructure is<br />

poor and ethnic differences tend to be sensitive” – as the investment of time,<br />

patience and manpower will be much higher for the private company. For that<br />

reason it is important to develop practical solutions that allow donors to develop<br />

useful technical assistance programs directly to business development in poor<br />

regions. » (Epler Wood, In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />

Nous postulons cependant que les donateurs ne devraient pas subventionner<br />

directement le secteur privé mais donner un rôle d’intermédiaire aux ONG qui<br />

travailleraient en partenariat avec les TO, les deux ayant des compétences propres et<br />

complémentaires.<br />

Un nouveau modèle de gestion PPP = Le BOT Model<br />

Quel est le meilleur modèle de gestion apte à assurer une durabilité financière aux<br />

initiatives de tourisme communautaire ? Le modèle BOT est-il un modèle adapté ?<br />

La valeur du modèle BOT, Build, Operate and Transfer, qui a pour but d’attirer<br />

l’investissement des secteurs privés dans les communautés prévoit un retour sur<br />

l’investissement pour l’entreprise et un transfert de la propriété en faveur de la<br />

communauté à la fin du projet. BOT est une forme de financement de projet où une<br />

entité privée reçoit une concession du secteur privé ou public, pour financer,<br />

planifier, construire et faire fonctionner une entreprise pour une période donnée<br />

entre 20 et 30 ans. Après la fin de la période de concession, la propriété est transférée<br />

à la communauté. Celle-ci peut décider de laisser en gérance l’entreprise qui<br />

possédait la concession ou reprendre le contrôle total de l’activité.<br />

Ce modèle semble intéressant mais étant jeune, il n’est pas possible d’évaluer encore<br />

les résultats puisqu’aucun projet n’a encore réalisé de transfert de propriété à une<br />

communauté (transfert après une durée d’opération conjointe de vingt ans).<br />

Jusqu’à présent, ces projets semblent avoir démontré une bonne fonctionnalité sur le<br />

long terme mais l’élément le plus critique sera sûrement celui du transfert en fin de<br />

période.<br />

125<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


« Let's touch on the issue of BOT transfers- Indeed, from my experience, this is a<br />

difficult procedure, specifically with the “T” in BOT. (…)I think the transfer is the<br />

stumbling point. In fact, I would argue that this is why sustainability is so elusive,<br />

not just in ecotourism, but in all sustainable international development. As I<br />

mentioned, the two projects that I worked with that were in the process of the BOT<br />

transfer… lacking in transfer of management skills, which I would argue is the key<br />

to a successful transfer! Model is compelling, but there has been very little research<br />

done on the success of these projects » (Bloom T, In Ecotourism Emerging Industry<br />

Forum, 2005).<br />

Ce modèle a montré d’intéressants résultats en Bolivie où il a été appliqué. Dans la<br />

zone du salar d’Uyuni a été financé un projet de création d’hôtels communautaires<br />

(de luxe) TAYKA, en suivant le modèle BOT. Financé par le BIT à hauteur d’un<br />

million de dollars, l’entreprise est constituée de trois associés paritaires : 33% des<br />

parts sociales appartiennent à la société financière PRODEM, 33% à une agence de<br />

voyage réceptive Fremen et 33% aux communautés.<br />

A chacun des partenaires a été assigné un rôle précis :<br />

- Prodem est le maître d’œuvre.<br />

- Fremen s’occupe de la commercialisation.<br />

- La communauté a mis à disposition la main d’œuvre pour la construction de l’hôtel.<br />

Etant donné que les financements du BIT n’ont pas suffis pour construire les 4 hôtels,<br />

Prodem a rajouté des financements propres, ce qui a modifié l’équilibre entre les<br />

parts sociales en faveur de ce dernier (au détriment de Fremen) et reculé le moment<br />

prévu de transfert de propriété à la communauté (non plus 15 ans mais 20 ans).<br />

Les hôtels sont opérationnels depuis environ seulement trois ans, ce qui permet de<br />

tirer des conclusions limitées mais fort riches d’enseignements.<br />

Ce type de financement a permis d’obtenir la construction d’hôtels de catégorie haut<br />

de gamme (ce sont les meilleures de la région), qu’il n’aurait pas été possible<br />

d’obtenir par un modèle classique de projet de coopération, sans partenariat avec le<br />

126


privé. En effet, les communautés, même avec le soutien d’ONG n’auraient pas pu<br />

garantir un tel niveau de gestion et la prestation de services de qualité. La<br />

communauté a été fortement investie dans le projet et après trois ans, certains des<br />

trois hôtels sont entièrement gérés par les communautés (dans le sens où le gérant<br />

est issu de cette dernière). Dans certains hôtels, tous les postes de travail sont<br />

assumés par des membres de la communauté alors que dans d’autres des personnes<br />

de l’extérieur ont été embauchées du fait du désintérêt et de l’instabilité des locaux à<br />

maintenir un poste de travail fixe.<br />

Les bénéfices, qui jusqu’en 2008 n’avaient pas encore été dégagés (mais qui devraient<br />

l’être en 2009) seront réparties entre les trois associés. Une taxe de 1$ par jour par<br />

touriste est reversée directement dans un fonds communautaire.<br />

Les problèmes rencontrés jusqu’à présent sont issus de la conflictualité existante au<br />

sein des communautés d’accueil. En effet, lorsque les promoteurs sont arrivés dans<br />

les communautés pour présenter le projet, celles-ci se sont divisées entre opposants<br />

et adhérents. Ce n’est donc pas toute la communauté qui a accepté de rentrer dans la<br />

société « Tayka » mais seulement une partie de cette dernière, constituée sous forme<br />

d’associations. Depuis que le projet fonctionne et porte ses fruits, cela n’a fait<br />

qu’attiser les conflits au sein des communautés et l’opposition des membres exclus<br />

des bénéfices de l’initiative. Même la taxe d’1$ par jour est destinée à l’association et<br />

non à l’ensemble de la communauté. Dans une des communautés, le conflit est si fort<br />

qu’un incendie criminel a été organisé contre l’hôtel il y a environ un an.<br />

Au niveau de la rentabilité et de la qualité des services de l’entreprise, les résultats<br />

sont mitigés mais en constante amélioration. Le manque de professionnalisme des<br />

locaux a, au départ, eu des conséquences négatives sur la qualité du service (selon<br />

différentes agences de voyage interrogées) mais les progrès sont rapides. La difficulté,<br />

très grande dans la région, est celle de la professionnalisation. En effet, les locaux, au<br />

début du projet, ont décidé d’assurer le service de l’hôtel sur la base d’un principe de<br />

rotation entre les membres de l’association. Hors, cela n’a pas du tout fonctionné et<br />

entraîné une qualité de service très basse les premières années d’exploitation. Après<br />

analyse de la situation, l’association a décidé de professionnaliser son mode de<br />

fonctionnement en créant des postes de travail salarié. Depuis lors, il semble que le<br />

127<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


personnel de l’hôtel soit assez fixe et qualifié, ce qui a permis une nette amélioration<br />

au niveau de la qualité du service. Les formations qui ont été réalisées dans la<br />

communauté dans l’optique de diversifier les sources de revenus touristiques par la<br />

production d’artisanat ou la formation de guides n’ont pas été efficaces à cause d’un<br />

fort turn over de la population dû à une forte migration.<br />

Sur les quatre hôtels qui étaient prévus, un d’eux n’est encore pas terminé. Selon<br />

Prodem, le manque de dynamisme au sein de la communauté pour construire l’hôtel<br />

est le résultat des politiques assistentialiste menées par les ONG dans la région qui a<br />

atomisé la capacité d’entreprendre des communautés : ces dernières souhaiteraient<br />

seulement recevoir, sans rien donner en contrepartie. Nous ne pouvons donner<br />

d’autres détails sur ce conflit entre prodem et la communauté mais il est intéressant<br />

de noter que, pour Prodem, ce genre d’initiatives BOT se différencie nettement du<br />

reste des pratiques de la coopération internationale, et serait à même de permettre de<br />

sortir des logiques d’assistentialisme, nourries par les stratégies d’actions des ONG<br />

internationales.<br />

Le projet étant récent, il est difficile d’émettre des hypothèses sur la faisabilité du<br />

transfert de propriété aux communautés ou non dans 15 ans. Cependant, on peut<br />

remarquer que les communautés de la zone sont assez clairvoyantes. 9 Dans<br />

l’hypothèse d’une gestion catastrophique de leur part, il est fort probable qu’elles<br />

appellent leurs anciens associés à la rescousse pour reprendre la gérance de l’hôtel.<br />

Le risque qui pourrait être identifié dans ce genre de modèles de gestion est le<br />

suivant : l’entreprise possédant la concession pourrait être incitée à ne pas investir le<br />

maximum en termes de capacity building à même de développer une autonomie forte<br />

au sein de la population locale, afin que celle-ci ne soit pas en mesure de reprendre la<br />

gestion à la fin de la période d’opération et que l’entreprise reste finalement aux<br />

mains de l’opérateur privé.<br />

En tout cas, ce qui a manqué et ce qui continue de manquer dans l’initiative Tayka est<br />

le capacity building et la formation continue de la population locale. Prodem et<br />

Fremen n’étant pas des professionnels du développement, il se peut que le manque<br />

128


d’implication des populations locales dans le projet, notées auparavant, provienne<br />

d’un manque de professionnalisme de leur part en termes de planification<br />

participative.<br />

Ce genre de modèles BOT nous semble très intéressant, surtout dans un contexte de<br />

diminution des financements internationaux de l’aide au développement qui obligera<br />

très rapidement les ONG à adapter de nouveaux modes de fonctionner, si elles<br />

souhaitent survivre : gérer des financements moins élevés en étant plus efficients,<br />

faire des accords avec le secteur privé, développer des projets de microcrédit…<br />

La force de ce modèle est bien de programmer un transfert de propriété après une<br />

période longue, sensée être utilisée pour former la communauté10 , et pour<br />

l’accompagner dans un processus d’empowerment. En effet, se fixer comme objectif<br />

qu’une communauté réussisse à gérer un hôtel de luxe se catégorise bien dans une<br />

logique d’empowerment et non d’assistentialisme.<br />

9 La Communauté de Quetena Chico qui possède un hôtel communautaire a décidé, se rendant compte de sa<br />

mauvaise capacité de gestion et le faible rendement de l’hôtel, de louer cet hôtel à un opérateur privé pour<br />

300$ par mois.<br />

129<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


En guise de conclusion : une nette répartition des tâches entre ONG et<br />

secteur privé<br />

130


Laurent (2003), dans ce tableau, identifie deux phases distinctes dans le processus de<br />

planification touristique :<br />

- la première phase consiste à passer de la ressource au produit.<br />

- la deuxième du produit au marché.<br />

Chacune de ces phases fait appel à des compétences différentes. En analysant les<br />

compétences des deux acteurs que sont les ONG et les TO, il est possible de<br />

déterminer avec précision quel acteur est le plus compétent pour réaliser chacune de<br />

ces tâches et donc proposer un partage des rôles clair.<br />

Passer de la ressource au produit : une compétence de l’ONG<br />

Les ONG accompagnant les projets de développement en tourisme semblent plus<br />

performantes que le secteur privé pour passer de la « ressource » au « produit » c’està-dire<br />

pour :<br />

- Définir les objectifs de valorisation et les conditions de sauvegarde de la<br />

ressource.<br />

C’est souvent l’objectif principal des ONG dans une vision de développement durable.<br />

- Requérir l’adhésion et l’autorisation des détenteurs de la ressource.<br />

Les ONG sont souvent bien acceptées dans les communautés au sens où leur<br />

intervention est recherchée puisqu’elles agissent selon un but non lucratif et<br />

apportent des soutiens financiers. En ce qui concerne le secteur privé, ils ont<br />

beaucoup plus de mal à obtenir l’adhésion des détenteurs de la ressource lorsqu’ils<br />

veulent monter un projet touristique, puisqu’ils demanderont des contreparties et ne<br />

sont pas mus par le principe de l’intérêt collectif mais celui du profit.<br />

- Mettre en place une stratégie d’organisation qui implique la participation<br />

étroite des populations<br />

Les ONG ont pour rôle d’impliquer fortement les populations locales dans leurs<br />

projets. Le thème de la participation est pourtant un thème complexe où il existe<br />

différents degrés de participation. Le secteur privé se confronte à de nombreuses<br />

131<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


difficultés pour impliquer les populations locales puisqu’il possède difficilement les<br />

compétences pour garantir cette adhésion et que ce n’est pas son objectif.<br />

Passer du produit au marché, une compétence des TO<br />

En revanche, lors de la seconde étape, pour passer du « produit » au « marché », les<br />

ONG se confrontent à de nombreuses difficultés et manquent de compétences que le<br />

privé en revanche possède.<br />

- Bien connaître son produit.<br />

Les ONG ont du mal à adapter leurs produits aux exigences du marché, puisqu’elles<br />

connaissent mal ou pas du tout ce dernier.<br />

- Savoir cibler sa clientèle, suivre ses attentes et cibler son évolution.<br />

Les ONG ne peuvent posséder ces compétences techniques pointues. Ce sont<br />

seulement les acteurs professionnels locaux et internationaux qui pourront avoir ces<br />

connaissances. En ce sens, il est important que les ONG fassent des accords de<br />

collaboration avec le secteur privé et travaillent en collaboration avec celui-ci ou avec<br />

des consultants spécialisés sur ce thème.<br />

- Organiser la promotion et la communication<br />

Là aussi, les ONG pêchent sur ce plan. Bien que ces dernières années le travail de la<br />

coopération ait considérablement évolué et que les ONG sont en train de développer<br />

de nouvelles compétences dans le domaine de la communication, elles ne connaissent<br />

pas le mode de fonctionnement du système touristique mondial. Là encore, le travail<br />

en partenariat avec le secteur privé est nécessaire.<br />

Pour passer du marché au produit, les ONG se doivent de collaborer avec le secteur<br />

privé touristique pour pouvoir assurer le succès des projets de développement en<br />

tourisme, et allier rentabilité et empowerment.<br />

132


2.3. Analyse d’études de cas : les difficultés des projets de<br />

coopération en tourisme entre rentabilité économique et<br />

développement local.<br />

Après s’être concentré sur l’analyse théorique des problématiques liées au<br />

développement du tourisme communautaire, l’objectif de cette partie a pour but de se<br />

concentrer sur l’analyse des problèmes auxquels se confrontent, dans la pratique, les<br />

projets de développement en tourisme communautaire.<br />

Les aspects critiques des initiatives de tourisme communautaire peuvent<br />

être résumés dans les points suivants :<br />

• Distribution équitable des revenus au sein des équilibres de pouvoir interne<br />

• Communication, Marketing et développement de produits<br />

Le tourisme entre objectif de croissance économique et de<br />

développement local.<br />

L’hypothèse sous-jacente de notre recherche est que croissance économique et<br />

empowerment ne vont pas de pair : il est tout à fait possible qu’un projet touristique<br />

obtienne de bons résultats en matière de croissance économique mais ne réussisse<br />

pas à produire un empowerment des populations locales. La rentabilité économique<br />

n’est pas le développement.<br />

L’activité touristique ne peut être seulement évaluée en termes économiques mais en<br />

termes d’amélioration générale des conditions de vie. Volle A. (2005) organise par<br />

exemple une distinction nette entre croissance économique et développement local.<br />

Même si elle n’introduit pas la notion d’empowerment dans sa réflexion, son<br />

hypothèse laisse transpirer le concept : « Le tourisme n’a pas uniquement une<br />

fonction économique il peut être motivé par d’autres fins, sociales et géostratégiques,<br />

qui peuvent finalement se transformer en de nouvelles richesses» (Volle A, 2005).<br />

En analysant différentes initiatives de tourisme communautaire chez les sociétés<br />

Mapuche du Chili, Volle en conclut que « les initiatives dont les capacités de gestion<br />

territoriale sont les plus élevées ne sont pas forcément les plus rentables à court<br />

133<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


terme mais pourraient être les plus aptes à produire, dans le futur, du développement<br />

parce qu’elles lient dans un élan de restructuration sociale, culture et<br />

développement ».<br />

2.3.1. Etude comparée de différentes initiatives d’écotourisme<br />

communautaire de populations indigènes amazoniennes.<br />

L’objectif de l’analyse de ces études de cas pratiques est de déterminer si<br />

empowerment et rentabilité sont indissociables ou indépendants. Un projet de<br />

tourisme communautaire peut-il être rentable, produire croissance économique, sans<br />

produire du développement local ? Un projet peut-il permettre un fort empowerment<br />

de la communauté locale alors même qu’il n’est pas fortement rentable ?<br />

En abordant les études de cas à la lumière de cette problématique, nous chercherons<br />

à dégager des variables clés qui semblent influencer le succès ou l’échec des projets.<br />

Savoir tirer des leçons des expériences passées est fondamentale pour réussir à<br />

formuler de bonnes pratiques en matière de projets de coopération.<br />

Les 5 expériences de tourisme communautaire de populations indigènes<br />

Amazoniennes à l’étude dans cette partie proviennent de l’ouvrage d’Azevedo Luiza,<br />

Ecoturismo indigena, très intéressant pour l’analyse détaillée apportée sur chaque<br />

cas d’étude. Son analyse globale est par contre décevante puisqu’elle se limite à<br />

analyser forces et faiblesses de chaque initiative plutôt que faire une réelle analyse<br />

comparative, apte à dégager des conclusions générales et transposables.<br />

Le matériel primaire (récolte d’informations sur des cas pratiques) étant d’une<br />

richesse inouïe, nous avons décidé de consacrer un sous-chapitre de cette thèse à<br />

l’approfondissement de son travail. En systématisant dans un tableau récapitulatif<br />

les informations que l’auteure a fournies pour chaque cas d’étude et en introduisant<br />

de nouvelles variables qu’elle n’avait pas pris en compte (initiative de l’action, motif<br />

de l’action et empowerment politique), nous sommes en mesure de tirer des<br />

conclusions très intéressantes sur les variables clés permettant à un projet d’atteindre<br />

de bons résultats en terme de croissance économique ou/et en termes<br />

d’empowerment.<br />

134


1. Analyse détaillée de chaque cas d’étude<br />

Tableaux 7 : Tableaux synthétiques sur des études de cas d’écotourisme communautaire<br />

en zone Amazonienne : entre croissance et développement.<br />

Localisation du projet Réserve Pataxó De Jaqueira – Bahia - Brésil<br />

Temps d’opération 7 ans<br />

Attractifs touristiques<br />

Bases organisationnelles<br />

présentes avant le projet<br />

Visites d’une durée de deux heures avec :<br />

- Observation de l’architecture traditionnelle<br />

- Promenade sur un sentier dans la lagune sèche<br />

- Dégustation de plats typiques<br />

- Danses traditionnelles rituelles -<br />

Atelier de peinture corporelle<br />

- Visite d’une serre<br />

NON<br />

Initiative de l’action Elle provient de la communauté qui a trouvé des financements<br />

auprès de l’Etat.<br />

Raisons poussant à<br />

l’action<br />

Initiative financière et<br />

gestion<br />

Gains financiers du<br />

tourisme<br />

Commercialisation<br />

135<br />

Motifs avant tout économiques et de récupération culturelle. La<br />

propriété des terres a été récupérée avant la mise en route du<br />

projet.<br />

- Appui financier de 64 000$ reçu dans le cadre du programme<br />

étatique Proecotur (Programme de développement de<br />

l’écotourisme pour l’Amazonie Légale).<br />

- Contact avec les Secrétariats du gouvernement municipal<br />

- Echange avec une ONG Tribus Jovenes qui a organisé<br />

plusieurs ateliers de formation (marketing, comptabilité,<br />

gestion de projets…)<br />

- Gestion interne de l’activité touristique par une association de<br />

la communauté dénommée ASPECTUR<br />

Mécanismes de distribution de la rente<br />

- Utilisation de la majorité des revenus (65%) pour payer<br />

l’alimentation et le gasoil<br />

- 30% des entrées utilisées pour rémunérer les employés.<br />

- situation géographique privilégiée (proximité tourisme de<br />

masse)<br />

- Accessibilité facile (présence d’infrastructures, notamment<br />

routières) -<br />

Commercialisation par plus de 8 agences de voyage réceptives<br />

nationales et de deux TO portugais -<br />

Promotion internet<br />

- Publicité dans les guides touristiques<br />

- Participation à des foires internationales<br />

u Produit touristique en phase de consolidation et croissance<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Bénéfices<br />

Coûts et<br />

faiblesses<br />

Economiques<br />

(cycle de vie de Butler)<br />

- Création de 30 postes de travail : 20 à temps plein et 10 à<br />

temps partiel -<br />

vente d’artisanat<br />

- salaires perçus lors de performances culturelles dans des clubs<br />

et hôtels (Club Med et autres) -<br />

donations captées par l’agence de voyage Brasil travel.<br />

Sociaux Forte implication des femmes<br />

Politiques<br />

Culturels - Revitalisation et récupération de la langue native, rituels,<br />

danses, chants traditionnels et vêtements.<br />

- Renouveau de la production artisanale qui n’existait plus<br />

Environne -<br />

mentaux<br />

Economiques<br />

- Grande différences entre les salaires du comité directif<br />

d’ASPECTUR (de 350 à 500$ par mois) et les employés (entre<br />

60 et 80$)<br />

- Très bons revenus générés par l’activité touristique mais avec<br />

une distribution des bénéfices très inégale.<br />

- Non intégration du secteur agricole au secteur touristique. (Ils<br />

possèdent des terres fertiles mais ne produisent pas les aliments<br />

qui sont consommés par les touristes).<br />

- Risque que le tourisme devienne une monoculture<br />

- Pas d’empowerment économique collectif, seulement<br />

individuel<br />

Sociaux - Aucun investissement de la part d’ASPECTUR dans des<br />

infrastructures d’éducation ou de santé<br />

- Inexistence d’empowerment social<br />

Culturels<br />

Environneme<br />

ntaux<br />

- Développement de la production artisanale limitée aux<br />

membres de l’association. Exclusion des autres membres de la<br />

communauté des bénéfices du tourisme (pas d’effet<br />

multiplicateur)<br />

- Changement des habitudes alimentaires<br />

- Changement des patrons de consommation : forte<br />

augmentation d’achat de biens de consommation<br />

technologiques*<br />

- Capacité de charge du sentier limitée à 15 personnes non<br />

respectée. Environ 50 touristes par jour.<br />

- Extraction illégale de bois pour la construction de maisons et<br />

d’artisanat<br />

- Absence de codes de conduite que les touristes devraient<br />

respecter<br />

- Absence de tri sélectif<br />

Source : Elaboration propre à partir des données d’Azevedo Luinda L, 2007<br />

136


* Le changement des habitudes de consommation (plus forte demande pour des biens technologiques<br />

a été classé dans coûts et faiblesses) dans le sens où il représente un changement par rapport à la<br />

culture existante. Nous postulons cependant que ce changement n’est pas forcément négatif.<br />

Brève conclusion sur l’étude de cas Pataxó:<br />

Cette expérience de tourisme communautaire est celle qui note les meilleurs<br />

bénéfices en termes de fréquentation touristique et de croissance économique. Un<br />

réseau étendu de commercialisation et une bonne accessibilité permettent<br />

d’expliquer ces bons résultats.<br />

Seul l’empowerment culturel a un impact positif sur toute la communauté puisque les<br />

Pataxó ont su marchandiser leur culture tout en possédant un bon niveau de contrôle.<br />

En revanche en termes d’empowerment, les résultats sont beaucoup plus mitigés :<br />

- Bénéfices accaparés par une partie de la population.<br />

- Non respect de critères environnementaux<br />

En termes d’empowerment social et politique, on ne note pas de résultats positifs. Ce<br />

tourisme, qui permet de distribuer des bénéfices à une mince partie de la<br />

communauté, serait plus justement à catégoriser dans le tourisme associatif plus que<br />

communautaire.<br />

Localisation du projet Napo Galeras, Equateur<br />

Temps d’opération Plus de 10 ans<br />

Attractifs touristiques<br />

Bases organisationnelles<br />

présentes avant le projet<br />

- Connaissance de la culture<br />

- récit de contes, légendes et histoires de la communauté<br />

- introduction aux plantes médicinales<br />

- promenade jusqu’à un mirador<br />

- navigation en canot et bain dans le fleuve<br />

- présentation du lavage de l’or et de la production artisanale<br />

- cérémonie du shaman et danses traditionnelle<br />

- 3 cabanes touristiques situées à 10 min de la communauté<br />

(Capacité = 12 personnes)<br />

OUI, favorisant cohésion interne du groupe et<br />

empowerment<br />

Initiative de l’action Elle provient de la communauté, des fédérations indigènes et<br />

du réseau indigène d’écotourisme (RICANCIE)<br />

137<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Raisons poussant à<br />

l’action<br />

Initiative financière et<br />

gestion<br />

Gains financiers du<br />

tourisme<br />

Commercialisation :<br />

Bénéfices<br />

138<br />

Economiques<br />

Sociaux<br />

Motifs fortement politiques.<br />

Fédérations indigènes utilisant le développement de projets de<br />

tourisme communautaires comme stratégies de résistances<br />

pour défendre leurs territoires des entreprises pétrolières,<br />

forestières<br />

- Financement sous forme de donations par la GTZ avec main<br />

d’œuvre locale comme contrepartie (système de mingua –<br />

travail collectif)<br />

- gestion interne à travers l’Association Las Galeras et<br />

RICANCIE (réseau d’écotourisme)<br />

- Appui politique de la part de fédérations indigènes telles que<br />

COICA, CONFENAIE et FOIN.<br />

- Appui de la coopération espagnole.<br />

- Le réseau RICANCIE reçoit le paiement du package et en<br />

garde 25% pour couvrir les coûts d’administration et<br />

marketing - Napo galeras récupère 75% du prix et l’utilise pour<br />

payer le transport fluvial, l’achat d’aliments, le paiement des<br />

salaires, le financement de projets d’éducation, de santé et<br />

culturels. - Les touristes sont invités à faire des dons<br />

pour financer des projets<br />

- Accès difficile (3H en véhicule – 20Mn de canoë) et 5H de<br />

marche. Depuis l’auberge, communication seulement par<br />

radio. - Présence d’un bureau à Tena équipé de tous les<br />

moyens de communication.<br />

- Commercialisation directe à travers la page web de<br />

RICANCIE et de la FEPTCE (fédération de tourisme<br />

communautaire de l’Equateur).<br />

- Publicité dans guides de tourisme et revues spécialisées.<br />

- Commercialisation à travers agences de voyages nationales.<br />

- Participation à foires internationales.<br />

Produit touristique en phase de consolidation (cycle de vie de<br />

Butler)<br />

- Création de 6 postes de travail : 4 permanents et 2 de<br />

remplacement. Les postes de remplacement sont rotatifs pour<br />

permettre une majeure distribution des bénéfices.<br />

- Salaire égal pour tous = 3$ par jour<br />

- taux d’emploi = 10%<br />

- augmentation de l’activité agricole liée au tourisme<br />

- Amélioration de la structure de l’école.<br />

- Construction d’une cantine pour les enfants.<br />

- Achat de médicaments, de matériel scolaire et d’un<br />

générateur électrique.<br />

- 50% des emplois sont occupés par des femmes.<br />

- Cohésion interne du groupe.<br />

- Eloignement des cabanes positif pour laisser de l’intimité à la<br />

population hôte.<br />

Politiques - Tous les membres participent à la gestion de l’entreprise


Coûts et<br />

faiblesses<br />

touristique<br />

- Majeure résistance acquise face aux compagnies pétrolières,<br />

forestières ou de tourisme de masse<br />

Culturels - Renforcement et réappropriation de la culture.<br />

- Augmentation de l’estime de soi.<br />

- Récupération de danses et chansons traditionnelles<br />

Environneme<br />

ntaux<br />

- Capacité de charge des cabanes adéquate<br />

Economiques - Faible fréquentation touristique : 1100 visiteurs entre 1994 et<br />

2004<br />

Sociaux - Il n’y a pas de femmes dans les postes de direction<br />

Culturels - Changement dans l’alimentation et les habitudes de<br />

consommation*<br />

Environne -<br />

mentaux<br />

- Extraction de bois pour la construction des cabanes sans<br />

suivre un plan de gestion.<br />

- Présence de nombreux déchets autour des cabanes.<br />

- Utilisation de bois pour cuisiner et pour rendre l’eau potable<br />

Source : Elaboration propre à partir des données d’Azevedo Luinda L, 2007<br />

Brève conclusion sur l’étude de cas Napo Galeras:<br />

Cette expérience de tourisme communautaire est celle qui note d’excellents bénéfices<br />

en termes d’empowerment, à tous les niveaux (exceptés environnemental) alors que<br />

les résultats en terme économiques ne sont pas mirobolants dû à une faible<br />

fréquentation (difficulté d’accès).<br />

Les résultats en termes d’empowerment social et politique sont excellents, les<br />

bénéfices sont largement distribués au sein de la communauté et permettent d’activer<br />

une dynamique de développement local. La présence d’une forte cohésion identitaire,<br />

politique et sociale, avant le début du projet semble être un facteur décisif expliquant<br />

ces bons résultats.<br />

139<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Localisation du projet Projet d’écotourisme Napo Wildlife Center (NWC) –<br />

Equateur<br />

Temps d’opération Plus de 4 ans<br />

Attractifs touristiques<br />

Bases organisationnelles<br />

présentes avant le projet<br />

- Eco hôtel de luxe avec services confortables et restauration<br />

internationale, 10 cabanes (capacité : 20 personnes)<br />

- Visite aux jardins de plantes médicinales.<br />

- Randonnées ethnobotaniques.<br />

- Dégustation de produits typiques (chicha)<br />

- Jeu d’arcs et de flèches.<br />

- Tour d’observation d’oiseaux.<br />

OUI<br />

Initiative de l’action Elle semble provenir essentiellement de la Fondation Eco<br />

Ecuador<br />

Raisons poussant à<br />

l’action<br />

Initiative financière et<br />

gestion<br />

Gains financiers du<br />

tourisme<br />

Commercialisation :<br />

Bénéfices<br />

140<br />

Economiques<br />

Sociaux<br />

Motifs mixtes avec forte composante économique<br />

- Eco-Ecuador est propriétaire de 51% de l’hôtel et la<br />

communauté de 49%.<br />

- Eco Ecuador possède une concession exclusive pour 20 ans.<br />

Après 20 ans, la communauté peut décider de se séparer de<br />

son associé pour gérer seule la structure.<br />

- Accès assez facile (3H de navigation).<br />

- Publicité dans guides touristiques et revues spécialisées.<br />

-Commercialisation par agences de voyage nationales et pages<br />

web.<br />

-Participations à salons spécialisés en écotourisme<br />

- Gains répartis de manière égalitaire.<br />

- Flux élevés et consolidés avec un bon taux d’occupation.<br />

- Augmentation de l’activité agricole et élevage d’animaux<br />

pour le tourisme.<br />

- Création de 20 postes de travail pour les indigènes, 10 non<br />

indigènes et 10 temporels.<br />

- Poste de gérant occupé par un indigène depuis 2007.<br />

- Production artisanale amplifiée.<br />

- Investissements dans le domaine de l’éducation.<br />

- Visite d’un médecin pour donner des consultations aux<br />

employés et à tous les membres de la communauté.<br />

- Achat de panneaux solaires pour l’école.<br />

- Comité artisanal de femmes.<br />

- Cabanes éloignées de la communauté pour préserver<br />

l’intimité.


Coûts et<br />

faiblesses<br />

Politiques - majeure cohésion sociale dans la communauté avec<br />

renforcement des mécanismes internes de participation et de<br />

prise de décisions<br />

Culturels - Maintien des cultures traditionnelles et de l’usage de plantes<br />

médicinales<br />

Environne -<br />

mentaux<br />

- Respect de la capacité de charge.<br />

- Utilisation de matériel local.<br />

- Réalisation d’une étude d’impacts environnementaux.<br />

- Absence de déchets dans les alentours.<br />

- Programme environnemental scolaire.<br />

- Code de conduite élaboré avec les habitants.<br />

- Utilisation de technologie à faibles impacts.<br />

Economiques - Décoration des cabanes luxueuses avec des matériaux<br />

importés de Quito<br />

Sociaux - Seuls 4 postes de travail féminins et aucune femme<br />

dirigeante<br />

Culturels - Changement dans les habitudes de consommation. Achat<br />

d’équipements vidéo*<br />

Environneme<br />

ntaux<br />

Source : Elaboration propre à partir des données d’Azevedo Luinda L, 2007<br />

* Le changement des habitudes de consommation (plus forte demande pour des biens technologiques<br />

a été classé dans coûts et faiblesses) dans le sens où il représente un changement par rapport à la<br />

culture existante. Nous postulons cependant que ce changement n’est pas forcément négatif.<br />

Brève conclusion sur l’étude de cas NWC:<br />

Cette expérience de tourisme communautaire note d’excellents bénéfices aussi bien<br />

en termes d’empowerment que de croissance économique. Le partenariat ONGcommunauté<br />

à travers la co-division de la propriété de l’entreprise touristique semble<br />

très intéressant puisque la fondation Eco-Ecuador a réussi aussi bien à assurer une<br />

excellente rentabilité de l’entreprise (facilité par un accès assez facile) qu’une<br />

dynamique de développement local. Le modèle BOT (built – operate – transfer) est<br />

efficace en matière de gestion et indispensable pour assurer une qualité de services<br />

dans des entreprises écotouristiques hauts-de-gamme. Cette fondation qui semble<br />

posséder une bonne compétence aussi bien en matière d’écotourisme (au niveau<br />

managérial) que de coopération en développement a su prendre l’initiative de l’action<br />

141<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


et impliquer la population locale par la suite. Cela veut bien dire qu’il n’est pas<br />

indispensable que l’initiative de l’action provienne de la communauté locale pour<br />

obtenir un empowerment final. L’aide d’un agent de transformation compétent peut<br />

donc se révéler d’une importance fondamentale pour accompagner des initiatives de<br />

tourisme communautaire.<br />

Localisation du projet Projet d’écotourisme Pukani – Pérou<br />

Temps d’opération Plus de 4 ans<br />

Attractifs touristiques<br />

Bases organisationnelles<br />

présentes avant le projet<br />

- Bain dans le fleuve et ballade en bateau<br />

- Randonnée<br />

- Vente d’artisanat - observation d’oiseaux<br />

- Football avec les jeunes de la communauté<br />

- Cabanes avec une capacité pour 12 personnes<br />

- Cuisine régionale<br />

OUI<br />

Initiative de l’action Elle semble provenir de la communauté (qui hébergeait déjà<br />

des touristes sans avoir de structure), combiné à l’intérêt de<br />

l’ONG Peru Verde<br />

Raisons poussant à<br />

l’action<br />

Initiative financière et<br />

gestion<br />

Gains financiers du<br />

tourisme<br />

Commercialisation :<br />

142<br />

Motifs mixtes avec forte composante économique<br />

- Don de 10 000$ de Tropical Nature capté par Peru Verde<br />

- Gestion locale par les deux associations communautaires de<br />

Pukani et Libertad.<br />

20% de la rente pour le transport<br />

20% pour les aliments<br />

40% pour les salaires<br />

20% pour la communauté<br />

- Accès assez difficile (vol 45 min, navigation 2H et marche<br />

1H) - Absence de promotion et de canaux de<br />

commercialisation.<br />

- Phase initiale du modèle de Butler.<br />

- Absence de promotion du projet sur les sites web de Peru<br />

Verde et de l’agence de voyage Inka Natura Travel.<br />

- Contact pour la réservation à travers mail à Peru Verde<br />

Economiques - Renforcement de la production artisanale et agricole.<br />

- 16 postes de travail créés dont 6 permanents et 8 de<br />

remplacement (basés sur le principe de la rotation).<br />

- Redistribution équitable.


Bénéfices<br />

Coûts et<br />

faiblesses<br />

Sociaux<br />

Politiques<br />

- investissement dans des projets sociaux : construction d’une<br />

école, achat de médicaments, de matériel pour l’école, d’un<br />

générateur électrique.<br />

- Fort empowerment collectif.<br />

- Cabanes éloignées de la communauté pour préserver<br />

l’intimité<br />

- Renforcement de la participation et dans le processus de<br />

prise de décisions.<br />

- Renforcement des structures organisationnelles des deux<br />

groupes indigènes.<br />

Culturels - Revalorisation des valeurs de la culture native.<br />

- Renforcement du sentiment ethnique.<br />

- Revitalisation de la production artisanale.<br />

Environneme<br />

ntaux<br />

- Construction des cabanes avec du matériel local.<br />

- Capacité de charge adéquate.<br />

Economiques - Peu de visiteurs étant donné le coût élevé du transport : de<br />

2002 à 2004, 48 touristes.<br />

Sociaux<br />

Culturels<br />

Environneme<br />

ntaux<br />

- Absence d’un code de conduite pour les touristes.<br />

- Utilisation du bois pour la cuisine.<br />

Source : Elaboration propre à partir des données d’Azevedo Luinda L, 2007<br />

Brève conclusion sur l’étude de cas Pukani :<br />

Cette expérience de tourisme communautaire note d’excellents résultats en termes<br />

d’empowerment même si la rentabilité de l’initiative est faible à cause des difficultés<br />

d’accès et d’une stratégie de commercialisation faible. Les facteurs de succès<br />

semblent résider dans la forte cohésion sociale et conscience identitaire existants<br />

avant le lancement du projet.<br />

Localisation du projet Projet d’écotourisme Health Wildlife Center (HRWC)<br />

– Pérou<br />

Temps d’opération Plus de 5 ans<br />

143<br />

- Eco hôtel de semi-luxe avec restauration internationale, 6<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Attractifs touristiques<br />

Bases organisationnelles<br />

présentes avant le projet<br />

cabanes (capacité : 12 personnes)<br />

- Visite aux jardins de plantes médicinales<br />

- Randonnées ethnobotaniques<br />

- Navigation et baignade dans le fleuve<br />

- Jeu d’arcs et de flèches<br />

NON<br />

Initiative de l’action Elle appartient aux entreprises privées qui ont même fait<br />

déplacer des populations indigènes dans la zone du projet<br />

pour pouvoir obtenir le prêt de Rainforest Action Network<br />

Raisons poussant à<br />

l’action<br />

Initiative financière et<br />

gestion<br />

Commercialisation :<br />

Bénéfices<br />

144<br />

Economiques<br />

Sociaux<br />

Culturels<br />

Environneme<br />

ntaux<br />

Economiques<br />

Raisons purement économiques avec focus sur la protection<br />

de l’environnement<br />

- Prêt de 140 000 $ issu du programme de développement<br />

durable des communautés indigènes de Rainforest Action<br />

Network.<br />

Entreprise conformée par :<br />

- Les associés issus de la communauté = Comunal Indian<br />

Lodge (possède 60% de la propriété)<br />

- Rainforest Expedition (opérateur privé possédant 20%)<br />

- Jungla Lodge (opérateur privé possédant 20%)<br />

- Accès assez difficile (4H de navigation de Puerto Maldonado)<br />

- Bureau à Puerto Maldonado avec tous les systèmes de<br />

communication<br />

- Commercialisation à travers 3 agences de voyage nationales<br />

mais seule Inka Natura travel promotionne l’initiative sur sa<br />

page web<br />

- trois employés à plein temps non locaux et 2 locaux plus un<br />

local temporaire<br />

- Utilisation de matériel local pour la construction des<br />

cabanes.<br />

- Capacité de charge adéquate.<br />

- Utilisation du parcellement.<br />

- Utilisation de technologies à faible impact<br />

- Programme scolaire d’éducation environnementale.<br />

- Elaboration d’un code de conduites pour les touristes<br />

- Flux touristique faible = 120 personnes annuelles.<br />

- Taux d’occupation faible = inférieurs à 50%.<br />

- L’activité agricole n’a pas été augmentée, ni l’élevage<br />

d’animaux.<br />

- Les aliments sont achetés à Lima ou Puerto Maldonado.


Coûts et<br />

faiblesses<br />

Sociaux<br />

- Pas de production artisanale<br />

- Les services de guides et transport ne sont pas faits par des<br />

indigènes<br />

- Il n’y a pas de femmes qui travaillent.<br />

- Forte migration de travail (vers Puerto Maldonado).<br />

- Pas d’amélioration dans les services essentiels (santé,<br />

éducation…).<br />

- Conflit social et économique entre les colons, les métisses et<br />

les populations indigènes, notamment pour un problème de<br />

terre.<br />

-Les populations indigènes n’étaient pas présentes dans la<br />

zone et 6 familles ont donc migré dans l’espoir<br />

d’hypothétiques bénéfices économiques (présence d’indigènes<br />

nécessaire pour obtenir le prêt).<br />

- Indifférence et empathie des indigènes envers le projet et<br />

absence de participation dans le processus décisionnel.<br />

- Compétition entre les groupes sociaux<br />

Culturels - Pas de revalorisation de la culture locale<br />

Environneme<br />

ntaux<br />

Source : Elaboration propre à partir des données d’Azevedo Luinda L, 2007<br />

Brève conclusion sur l’étude de cas HRWC :<br />

Cette expérience de tourisme communautaire note de mauvais résultats aussi bien en<br />

termes de croissance économique (dû à la difficulté d’accès) que de développement<br />

local. Cela montre bien que le partenariat public-communauté n’est pas forcément le<br />

modèle miracle qui assure les meilleurs taux de succès. Les entreprises privées n’ont<br />

pas su impliquer la population dans le projet et l’ont instrumentalisé dans leurs<br />

propres intérêts dès le début, notamment en encourageant le déplacement de<br />

populations indigènes dans la zone du projet afin qu’ils puissent accéder à l’obtention<br />

de financements. Ce cas de figure illustre l’exemple de certains partenariats<br />

communauté-privé qui peuvent être instrumentalisés par le secteur privé<br />

exclusivement à la recherche de bénéfices économiques et ne cherchant pas à inclure<br />

les communautés à travers un processus de planification participatif.<br />

145<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Tableau 8 : Tableau comparatif analysant la contribution des différents projets<br />

touristiques à la croissance économique et à l’empowerment des communautés<br />

Positionnement<br />

sur le marché<br />

Pataxo Napo<br />

galeras<br />

Privilégié Non privilégié Moyennement<br />

privilégié<br />

NWC Pukani HRWC<br />

Non privilégié Moyennement<br />

privilégié<br />

Flux touristiques Elevé Moyen Adéquats Réduits Moyens<br />

Stratégie de<br />

commercialisation<br />

Bonne Bonne Bonne Mauvaise Moyenne<br />

Revenus Elevés Moyens Elevés réduits Moyens<br />

Résultats en<br />

termes de<br />

croissance<br />

économique<br />

Sources de<br />

financement<br />

Initiatives de<br />

l’action<br />

(ownership)<br />

Motifs de l’action<br />

Bases<br />

organisationnelles<br />

préliminaires<br />

Empowerment<br />

économique<br />

Empowerment<br />

politique<br />

146<br />

Bons Moyens Bons Réduits Moyens<br />

Don du<br />

gouvernement<br />

Communauté<br />

Prépondérance<br />

économique et<br />

composante<br />

culturelle<br />

Non<br />

Fort<br />

empowerment<br />

économique<br />

individuel (des<br />

seuls<br />

membres de<br />

l’association)<br />

Don de la<br />

coopération<br />

internationale<br />

Communauté<br />

(avec soutien<br />

politique de<br />

fédérations<br />

indigènes)<br />

Politique<br />

Oui<br />

Oui, relatif<br />

(avec<br />

intégration<br />

d’autres<br />

secteurs<br />

économiques)<br />

Financement ONG<br />

locale avec gestion<br />

partenariale<br />

ONG/communauté<br />

et intéressement<br />

aux bénéfices<br />

Don de la<br />

coopération<br />

internationale,<br />

géré par ONG<br />

locale<br />

ONG locale Communauté<br />

(avec soutien<br />

de l’ONG<br />

locale)<br />

Motifs mixtes avec<br />

forte composante<br />

économique<br />

Oui<br />

Oui<br />

(avec intégration<br />

d’autres secteurs<br />

économiques)<br />

Motifs mixtes<br />

avec forte<br />

composante<br />

économique<br />

Oui<br />

Oui, relatif<br />

Opérateurs<br />

écotouristiques<br />

privés<br />

Opérateurs<br />

privés<br />

Raisons<br />

purement<br />

économiques<br />

avec focus sur la<br />

protection de<br />

l’environnement<br />

Non<br />

Non<br />

Non Oui Oui Oui Non


Empowerment<br />

social<br />

Empowerment<br />

culturel<br />

Résultats en<br />

termes<br />

d’empowerment<br />

Non Oui Oui Oui Non<br />

Oui Oui Oui Oui Non<br />

Mitigés<br />

(empowerment<br />

individuel<br />

économique et<br />

empowerment<br />

culturel)<br />

Bons<br />

Bons<br />

Bons<br />

Source : Elaboration propre à partir des données d’Azevedo Luinda L, 2007<br />

2. SYNTHESE : Analyse comparée. Quelle contribution en termes de<br />

croissance économique et d’empowerment ?<br />

Comme il en est ressorti des études de cas individuels, les facteurs se révélant<br />

essentiels afin que le tourisme permette une forte croissance économique ne<br />

permettent pas forcément à la communauté de se lancer dans un processus<br />

d’empowerment.<br />

Facteurs essentiels pour que le tourisme soit un bon vecteur de<br />

croissance économique<br />

147<br />

- localisation, accès et logistique<br />

Les difficultés d’accès (temps et coûts élevés) constituent un fort handicap, au<br />

même titre que la difficulté de communication, afin d’assurer une bonne<br />

fréquentation touristique.<br />

- Efficacité de la stratégie de commercialisation<br />

La collaboration avec des agences de voyages réceptives et la promotion sur<br />

internet sont des facteurs clés pour permettre une bonne commercialisation de<br />

l’offre et assurer une fréquentation touristique élevée.<br />

- Fréquentation touristique et production de revenus<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment<br />

Mauvais


Une bonne fréquentation touristique est nécessaire pour assurer une production de<br />

revenus contribuant à la croissance économique. Cependant cette croissance<br />

économique n’est pas forcément à même de permettre un empowerment<br />

économique, si les bénéfices de l’activité touristique ne sont pas répartis entre les<br />

membres de la communauté. Lors de projets réalisés dans le cadre de partenariats<br />

privé/communauté, il est important d’analyser la répartition des revenus entre les<br />

deux acteurs. Dans le cas du projet HRWC, la fréquentation touristique moyenne<br />

permet la captation de revenus mais ceux-ci sont accaparés par l’opérateur<br />

touristique.<br />

Croissance et empowerment : des variables indépendantes<br />

Il est très intéressant de noter qu’une faible fréquentation touristique (dû aux<br />

difficultés d’accès et logistiques) n’empêche pas de produire de bons résultats en<br />

termes d’empowerment. Les deux projets qui connaissent la plus faible fréquentation<br />

touristique (Napo Galeras et Pukani) possèdent d’excellents résultats en termes<br />

d’empowerment (social, politique et culturel). Le très bon contrôle qu’ils<br />

maintiennent sur l’initiative leur permet notamment de mieux résister face aux<br />

agressions répétées des compagnies pétrolières et forestières et des opérateurs de<br />

tourisme de masse externes opérant de façon incontrôlée.<br />

L’étude des différents cas montre de façon assez nette qu’il n’y a pas de corrélation<br />

forte entre la fréquentation touristique, les niveaux de revenus (et donc croissance<br />

économique) et l’empowerment.<br />

L’étude de cas de la communauté Pataxó est assez révélatrice : elle constitue<br />

l’expérience la plus visitée et créatrice de revenus mais ne permet pas<br />

d’empowerment social ou politique. Elle ne permet d’ailleurs qu’un empowerment<br />

économique individuel, accaparé par certains membres de la communauté. Les<br />

manifestations de l’échec en termes d’empowerment se matérialisent dans :<br />

- L’absence de mécanisme de redistribution équitable.<br />

- L’absence de transparence dans la gestion financière.<br />

148


Facteurs essentiels pour que le tourisme se transforme en instrument<br />

d’empowerment<br />

Plusieurs variables peuvent être identifiées<br />

- Existence de bases organisationnelles antérieures et de capital social.<br />

Cet élément semble être le plus déterminant pour assurer qu’un projet atteigne ses<br />

objectifs en termes d’empowerment. Pour que le tourisme soit apte à générer des<br />

bénéfices sociaux, il est nécessaire qu’il existe une cohésion sociale entre les membres<br />

de la communauté. L’existence d’organisations et d’un fort capital social sont des<br />

conditions préalables indispensables à tout lancement d’un projet touristique.<br />

Les deux projets qui n’enregistrent pas de bons résultats en termes d’empowerment<br />

(Pataxo et HRWC) ne comptaient pas de structures organisationnelles sur lequel le<br />

projet pouvait s’appuyer. L’incapacité d’obtenir une cohésion interne pour la gestion<br />

du projet est un facteur limitant fortement les possibilités d’empowerment social.<br />

Dans le cas de la communauté Pataxó, on peut cependant noter qu’il existe un fort<br />

empowerment économique individuel et un empowerment culturel alors que dans le<br />

cas de HRWC, on ne note aucun type d’empowerment, ni individuel, ni collectif.<br />

Dans le cas de communautés marginalisées qui sont dépourvues d’organisations<br />

sociales mais souhaitent s’ouvrir au tourisme, il est indispensable que les ONG<br />

réalisent un projet préalable ayant pour but l’empowerment collectif avant de mettre<br />

en œuvre un projet de développement touristique ou bien qu’elles intègrent une forte<br />

composante de renforcement de la cohésion sociale dans leurs projets.<br />

- Sources de financement.<br />

Quelle est l’incidence de l’origine du financement sur la réussite ou l’échec des<br />

projets ? Selon Clay (2002), les expériences dépendantes de dons ne réussissent pas à<br />

améliorer les conditions de vie des populations indigènes et ne renforcent pas les<br />

liens de solidarité à l’intérieur de la communauté.<br />

Burneo (2002), Heher (2003) et l’OMT (2004) soutiennent que le modèle de gestion<br />

plus efficace est celui de la collaboration entre le secteur privé et les communautés<br />

149<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


puisqu’il suppose une majeure efficacité de gestion et le financement ne correspond<br />

pas à une donation mais à un prêt qui doit être remboursé. L’entreprise privée serait<br />

plus efficace en termes de commercialisation et les prêts représenteraient la forme la<br />

plus appropriée de soutien aux entreprises collectives puisqu’ils exigent une plus<br />

grande responsabilité comptable.<br />

Les résultats de notre analyse comparative ne nous amènent pas aux mêmes<br />

conclusions. Les différentes initiatives, dont l’existence a été permise grâce à des<br />

donations notent de bons résultats en matière d’empowerment, peut-être parce que<br />

l’initiative de l’action revenait majoritairement à la communauté.<br />

La collaboration avec le secteur privé dan le cas de HRWC a permis une croissance<br />

économique moyenne mais a obtenu des résultats catastrophiques en terme<br />

d’empowerment. Le modèle privé-communauté ne fonctionne pas forcément toujours<br />

bien : une des variables importantes est celle de l’ownership.<br />

On peut constater que les projets financés par la coopération internationale ou locale<br />

(Napo Galeras, NWC, Pukani) enregistrent de meilleurs résultats en termes<br />

d’empowerment (pas en termes de production de richesse) que les projets financés<br />

par l’Etat ou le secteur privé.<br />

- Initiatives de l’action<br />

Lorsque l’initiative du projet provient des communautés, cela facilite le processus<br />

d’empowerment bien qu’il soit préférable qu’un agent extérieur contrôle ce processus<br />

(agent de transformation) afin qu’il ne soit pas accaparé par certains membres de la<br />

communauté au détriment des autres. C’est ce qui s’est passé dans le cas de la<br />

communauté Pataxó.<br />

Il semble par contre possible, comme le montre l’expérience de NWC, qu’un projet<br />

dont l’initiative vienne d’une ONG et non de la communauté puisse arriver à mettre<br />

en route une dynamique d’empowerment au sein de la communauté.<br />

Lorsque l’initiative du projet remonte à un acteur privé, il est assez probable de<br />

pouvoir obtenir une certaine croissance économique mais il sera beaucoup plus<br />

difficile d’atteindre un empowerment de la communauté, notamment pour des<br />

150


aisons de compétences. L’acteur privé, comme nous l’avons développé<br />

précédemment est compétent en matières de marketing et de commercialisation mais<br />

il ne possède pas les compétences pour permettre l’implication des communautés.<br />

- Motifs de l’action<br />

Il semble avoir une corrélation assez forte entre les succès des initiatives en termes<br />

d’empowerment et les motifs qui ont poussé les communautés à vouloir développer le<br />

tourisme. Lorsque les motifs sous-jacents sont purement économiques, il est plus<br />

probable que le tourisme faille dans son objectif d’empowerment, même s’il pourrait<br />

atteindre de bons résultats en termes de création de richesse (Pataxo, HRWC).<br />

Problèmes généraux se dégageant dans l’ensemble des projets :<br />

- difficulté face à la gestion communautaire<br />

Selon Chase Smith (1995, 2002), les entreprises collectives peuvent permettre<br />

d’assurer la récupération et la gestion des territoires mais elles ne sont pas efficaces<br />

en termes de gestion administrative et de marché. La majorité des indigènes<br />

possèdent la famille comme unité de production, et non la collectivité ou<br />

communauté. Ce facteur serait déterminant dans les explications des échecs des<br />

tentatives communautaires.<br />

Chase Smith (1995), en se basant sur différentes études de cas, en Bolivie, Pérou,<br />

Equateur, Colombie, soutient la thèse suivante : les entreprises collectives qui ont été<br />

implantées grâce à des donations n’ont pas été viables notamment dû à un manque<br />

de sentiment de propriété personnelle (absence d’ownership lorsqu’on parle de<br />

collectif). Selon Clay (2002), dans la majorité des cas, les projets administrés par des<br />

associations communautaires réussissent à couvrir tout juste les coûts du personnel.<br />

Le système de rotation entre les postes de travail non permanents (Napo Galeras et<br />

Pukani) permet d’éviter l’abandon des activités traditionnelles et une meilleure<br />

répartition des bénéfices. Bien qu’il soit intéressant quant à l’empowerment social,<br />

151<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


cette alternative est loin d’être efficace pour l’entreprise et souvent incapable<br />

d’assurer une qualité dans la prestation des services.<br />

Les financements étatiques ou de la coopération internationale en matière de<br />

tourisme communautaire ont été quasiment exclusivement réservés, jusqu’à présent,<br />

aux financements d’entreprises communautaires qui ont été caractérisées par de très<br />

faibles taux de succès (Altman & Finlayson 1993), (Burchett, 1993a), (Bennett, 2005).<br />

Très peu de ressources ont été destinées au soutien d’entreprises familiales ou<br />

individuelles qui cherchent à survivre dans un contexte très compétitif et qui<br />

pourtant ont démontré de meilleurs taux de réussite que les entreprises<br />

communautaires (Altman & Finlayson 1993).<br />

Les problèmes rencontrés par les entreprises communautaires sont communément<br />

les suivants : difficile prise de décision, peu de transparence, trop de bénéficiaires en<br />

comparaison à l’échelle du projet, pas d’implication de tous les membres, mauvaise<br />

qualité de service, pas de professionnalisation (Bennett, 2005).<br />

Etant donné que le concept de tourisme communautaire implique l’idée de<br />

répartition de bénéfices sur l’ensemble de la communauté, il serait intéressant de<br />

penser au développement de formes hybrides, en stimulant le développement de<br />

l’entreprise familiale et individuelle, tout en assurant une contrepartie<br />

communautaire, par l’intermédiaire de la taxation et/ou par la création d’activités<br />

complémentaires (effet multiplicateur). 11<br />

- Problème récurrent de la formation :<br />

La formation des ressources humaines intervient toujours seulement dans la phase<br />

initiale. Hors il serait nécessaire de prévoir une formation continue. Des programmes<br />

de qualification et de formation sont essentiels pour assurer la durabilité d’un projet<br />

en tourisme, tout particulièrement dans les domaines de la gestion d’entreprise et du<br />

marketing.<br />

11 Pour développer ce concept, consulter l’étude de cas sur la bolivie.<br />

152


« Bien qu’elles soient essentielles à la viabilité de tout le processus, les formations en<br />

accueil, en services, en gestion de micro-entreprises, en marketing et en planification<br />

sont peu répandues» (Deslisles et Jolin, 2007, p.91 et p.102).<br />

Il est nécessaire de développer :<br />

- Une formation continue auprès d’entreprises touristiques (On-the-job<br />

training). La formation théorique faite en salle de classe se révèle fort peu<br />

utile. Il est nécessaire de pratiquer sur le terrain.<br />

153<br />

- Les formations en matière d’hospitalité (interculturalité) doivent se dérouler<br />

sur une longue période et impliquer tous les acteurs travaillant dans le<br />

tourisme<br />

- La formation de formateurs hautement qualifiés (cours, workshops,<br />

séminaires) qui pourront permettre un effet multiplicateur.<br />

- La possibilité d’accorder des bourses d’étude pour former des jeunes en<br />

matière de tourisme (niveau élevé, universitaire par exemple)<br />

- Des stages, cours à l’étranger et échanges d’expériences, qui peuvent s’avérer<br />

très utile pour élargir la vision des membres. Un instrument très utile pour<br />

renforcer l’empowerment des communautés est l’échange d’expériences, en<br />

organisant des visites à des communautés ayant développé des projets de<br />

tourisme, plus matures. Echanger sur les avantages et les risques de l’initiative<br />

est très utile. En parlant avec des personnes qui ont les mêmes codes de<br />

communication qu’eux, les communautés pourront vraiment évaluer les<br />

problèmes et se rendre compte des réalités. Il est conseillé qu’ils filment ces<br />

rencontres afin que l’ensemble de l’échange puisse être retranscrit à toute la<br />

communauté.<br />

2.3.2. Etude sur la rentabilité des entreprises de tourisme<br />

communautaire (CBTE) en Amérique Latine<br />

Malgré certains manuels de bonnes pratiques qui ont pu être publiés, il reste difficile<br />

de mesurer les taux de succès des différents projets de coopération en tourisme. En<br />

effet, peu d’analyses précises ont été établies pour mesurer les bénéfices que les<br />

communautés locales ont pu retirer de tels projets. L’étude à peine présentée qui s’est<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


focalisée sur l’empowerment social, culturel, environnemental, n’est pas rentrée dans<br />

les détails sur la rentabilité économique des entreprises à l’étude. Même si l’on vient à<br />

peine de démontrer que la rentabilité économique d’une entreprise communautaire<br />

ne permet pas automatiquement l’empowerment de la communauté ; une<br />

communauté empowered par un projet de tourisme ne pourra que renforcer son<br />

processus d’empowerment si la rentabilité de son entreprise augmente. De plus, en<br />

dessous d’un certain seuil de rentabilité (s’il n’y a pas de touristes et pas de revenus),<br />

il est difficile de créer de l’empowerment grâce au tourisme et le fait de ne pas<br />

combler les attentes de la population peut au contraire se traduire par un<br />

disempowerment.<br />

La récente étude d’EplerWood International (mai 2008) 12 qui s’est attachée à<br />

analyser la rentabilité de plus d’une centaine de projets d’écotourisme en Amérique<br />

Latine peut donc compléter notre panorama d’études de cas. Les résultats qui ont<br />

émergé sont forts intéressants et seront donc présentés ci-dessous. La plupart des<br />

projets visant à la création d’entreprises écotouristiques à base communautaire<br />

(CBTE= community based tourism enterprise), financés par la coopération<br />

internationale et exécutés par des ONG ont été développés selon une approche trop<br />

peu attentive aux exigences de la demande, ne permettant pas une insertion de ces<br />

entreprises dans la chaîne de valeur touristique locale. De nombreuses entreprises<br />

ont fait faillite à cause d’un manque de rentabilité dû principalement à une faible<br />

fréquentation touristique. Le modèle communautaire classique développé par les<br />

ONG semble donc avoir échoué. L’étude montre pourtant qu’en développant ces<br />

CBTE comme des PME et en les liant à l’industrie touristique locale, les choses<br />

auraient pu aller autrement.<br />

La recherche s’est focalisée sur l’Amérique Latine où se sont concentrés de nombreux<br />

projets de développement en écotourisme les dix dernières années. La recherché a été<br />

organisée directement auprès des communautés à travers l’envoi de questionnaires<br />

en espagnol, afin d’analyser les nécessités des organisations de base. En effet, alors<br />

que de nombreux experts ont analysé les causes d’échecs ou de succès de nombreux<br />

12 Holly MJ, Community-Based Tourism Enterprise in Latin america, Triple Bottom Line Outcomes of 27<br />

projects, In EplerWood International Publication, May 2008.<br />

154


projets de tourisme, les communautés n’avaient pas encore pu s’exprimer sur la<br />

question.<br />

Méthodes et résultats de la collecte de données<br />

138 questionnaires ont été envoyés à des entreprises CBTE localisées au Mexique,<br />

Guatemala, Honduras, Nicaragua, Costa Rica, Panama, Equateur, Pérou et Bolivie<br />

Il a été constaté que 62% des 138 entreprises communautaires d’écotourisme<br />

interrogées possédaient des problèmes de poste électronique ou de services<br />

téléphoniques. Ce ne sont donc que 57 organisations qui ont reçu le questionnaire et<br />

dont 27 d’entre elles seulement ont répondu. Le taux de réponse de 20% est donc<br />

assez faible.<br />

Alors que la majorité des CBTE ont été crées dans les années 90, seulement 30% des<br />

CBTE de cette génération sont représentés dans le groupe de répondants. La majorité<br />

d’entre elles ont malheureusement disparu. Ce sont les nouvelles initiatives qui<br />

survivent en plus grand nombre, ou parce qu’elles touchent encore quelques<br />

financements ou parce que la nouvelle génération possède un modèle de<br />

fonctionnement plus rentable.<br />

Tableau 9: Liste des contacts et réponses des CBTE par pays.<br />

Pays Contacts potentiels Réponses des CBTE<br />

Mexique 8 1<br />

Panama 5 1<br />

Pérou 4 1<br />

Costa Rica 24 2<br />

Honduras 7 2<br />

Bolivie 18 3<br />

Guatemala 14 3<br />

Equateur 41 7<br />

Nicaragua 17 7<br />

Total: 138 27<br />

Source : Holly M.J, 2008<br />

155<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Propriété<br />

48% des CBTE ont déclaré que la propriété de l’entreprise revenait exclusivement à la<br />

communauté.<br />

Tableau 10 : Classification des CBTE selon le type de propriété<br />

Type de propriété CBTEs<br />

Enterprise communautaire 12<br />

Propriété partagée 9<br />

ONG 2<br />

Entreprise familiale 1<br />

Corporatif 1<br />

Secteur privé 1<br />

Source : Holly M.J, 2008<br />

Financement<br />

Les initiatives ont été financées pour leur création par différentes sources :<br />

- 41% par une ONG.<br />

- 27% par le secteur privé.<br />

- 7% par le gouvernement.<br />

- 25% Autres sources (communauté, personnelles).<br />

Finances<br />

Les données sur la situation financière des CBTE sont très incomplètes et illustrent<br />

bien l’ampleur des problèmes comptables de ces entreprises qui ont du mal à tenir un<br />

registre de leurs comptes. Alors que 81% des CBTE déclarait posséder une entreprise<br />

rentable, seulement 26% fournissait un ensemble complet de données annuelles sur<br />

le chiffre d’affaire, les coûts opérationnels et les bénéfices. Alors que toutes<br />

156


déclaraient réaliser des profits, après vérification le 4/7 d’entre elles fonctionnaient à<br />

perte. Les CBTE redistribuent l’argent à la communauté, avant d’avoir calculé leur<br />

profit. Sans appliquer des règles de gestion durable, les CBTE perdraient donc leur<br />

investissement sur le moyen et long terme. 93% des initiatives déclarait reverser de<br />

l’argent à la communauté dont 52% reversait directement l’argent de façon<br />

individuelle aux membres de la communauté (et non pour financer des projets<br />

sociaux). En moyenne, environ 40% des bénéfices sont reversés à la communauté.<br />

Ces fonds peuvent servir à financer différents types de projets.<br />

Marketing et assistance technique<br />

De nombreuses CBTE manquent d’accès à internet ou de personnels compétents.<br />

Moins de la moitié des CBTE (45%) se disent satisfaits de la formation qu’ils ont<br />

reçue sur internet. 34% ne considère pas internet comme un instrument de<br />

promotion efficace. Il est insuffisant que les agences de développement créent le site,<br />

sans prendre en compte comment la communauté gérera les réservations, les mises à<br />

jour du site,…<br />

Assistance technique la plus utile<br />

93% déclarait qu’ils auraient besoin de cours en langue pour leur personnel (anglais<br />

et français). 89% auraient besoin de cours en gestion d’entreprise et en comptabilité.<br />

Des cours de marketing, d’internet, de guide étaient conçus comme moins<br />

indispensables mais très nécessaire (70%).<br />

Publicité effective<br />

Les CBTE opèrent en dehors de l’économie touristique traditionnelle. Ils ne<br />

dépendent pas de TO mais du bouche à oreille, des brochures et pour certains de leur<br />

site internet. En liant ces projets à chaîne de valeur touristique locale, il serait<br />

possible de les rendre beaucoup plus rentables. Le bouche à oreille serait l’instrument<br />

publicitaire le plus efficace (92%), suivi par les brochures (74%), internet (66%) et les<br />

TO et ONG en dernier (49%). Le type de publicité le moins efficace serait la<br />

participation à des foires, dans des entreprises touristiques locales…<br />

157<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Limites de la rentabilité des CBTE<br />

Les barrières les plus grandes au développement de l’entreprise seraient :<br />

- le manque de publicité (56%)<br />

- le manque de clients (44%)<br />

- location géographique isolée (44%)<br />

Le développement d’intermédiaires formés qui pourrait jouer le rôle de liaison<br />

commerciale entre les CBTE et la chaîne de valeur touristique locale pourrait pallier<br />

aux défaillances des stratégies marketing. Il est important que ces entreprises<br />

acquièrent une approche plus centrée sur la demande et sur le marché, chose que les<br />

agences de développement ne leur ont pas enseignée.<br />

CBTE comme générateurs de bénéfices sociaux<br />

Si la rentabilité des entreprises est souvent très faible, le transfert de bénéfices à la<br />

communauté a pourtant bien lieu et sur ce point les registres sont très clairs et aptes à<br />

assurer la transparence.<br />

Tableau 11: Répartition des bénéfices destinés à financer des projets communautaires<br />

Pourcentage des CBTE allouant des fonds à différents types de projets :<br />

Conservation 89%<br />

Education 78%<br />

Infrastructure 67%<br />

Santé 61%<br />

Autre 33%<br />

Source : Holly M.J, 2008<br />

« In tourism, we have relied too often on the good will of donors and philanthropists<br />

to bring genuine social benefits to local people. But the social enterprise model<br />

demands a more long term solution. If local people run their own businesses,<br />

successfully using social enterprise models, as part of the larger tourism value<br />

chain, they will cover their costs and have increasingly positive social and<br />

environmental impacts ». (Jones, 2008)<br />

158


Le résultat de cette étude est intéressant pour analyser l’efficacité des modèles de<br />

CBTE implantés en Amérique Latine. Le premier constat, décevant est que seulement<br />

31% des CBTE possèdent une communication normale via internet ou téléphone. Les<br />

autres 69% sont injoignables ; cela signifie forcément que leurs entreprises se<br />

trouvent dans l’impossibilité d’opérer. La base du problème est avant tout la<br />

communication.<br />

La majorité des CBTE rencontre de gros problèmes de rentabilité, au niveau<br />

économique. La fonction sociale de ces entreprises (redistribution de bénéfices à la<br />

communauté) remplit par contre tout à fait son rôle et cela avec transparence.<br />

Cette situation est assez emblématique et démontre les lacunes des planificateurs,<br />

pour la plupart des ONG. Ces dernières exécutent un bon travail en terme<br />

d’empowerment collectif, d’équité c’est-à-dire qu’elles gèrent très bien le côté social<br />

du projet mais pêchent complètement sur le plan économique. Il ne faut pourtant pas<br />

oublier que le tourisme est un secteur productif et les CBTE des entreprises soumises<br />

à des exigences de rentabilité. Si le tourisme veut créer du développement, il faut<br />

aussi qu’il réussisse à créer des richesses.<br />

On peut raisonnablement conclure que ce modèle de CBTE développé s’est révélé un<br />

échec sur le long terme. Les recommandations pourraient être les suivantes :<br />

• Améliorer les capacités des CBTE en termes de gestion d’entreprise et de<br />

comptabilité.<br />

• Donner une importance cruciale aux stratégies de marketing et de<br />

commercialisation. Compter sur le bouche à oreilles comme stratégie<br />

publicitaire majeure montre bien ses limites.<br />

• Commercialiser l’offre auprès de TO et agences de voyages.<br />

• Réaliser une formation informatique complète pour permettre d’avoir une<br />

bonne gestion du site internet, instrument fondamental.<br />

Il serait intéressant d’analyser le modèle de CBTE mis en place par le secteur privé,<br />

avec l’aide par exemple de TO. Les résultats ne seraient-ils pas tout à fait à l’opposé :<br />

159<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


une bonne rentabilité mais peu de transparence dans la gestion et peu de bénéfices<br />

distribués aux communautés ?<br />

Le tourisme étant un secteur productif, il est nécessaire que les planificateurs se<br />

rendent compte que la compétitivité et la rentabilité sont des pré-requis essentiels<br />

pour que les initiatives touristiques qu’ils développent participent non seulement à la<br />

croissance économique mais puissent participer à l’empowerment des communautés<br />

locales.<br />

« Drawing from tourism benefits for the host region, assumes the application of<br />

free-market mechanisms for ecological and social purposes. This implies accepting<br />

the logic of a system mainly carried by private enterprise, in which competitiveness<br />

and operational profitability are both the core purpose and at the same time the<br />

prerequisite for its very ability to function » (GTZ, 1999a).<br />

La Coopération italienne reconnaît l’importance de réaliser des études de marché<br />

pour ne pas créer de fausses attentes chez les populations locales et permettre<br />

rentabilité et viabilité aux initiatives développées. Toute nouvelle initiative doit avoir<br />

un segment du marché à cibler déjà identifié, au début du projet. L’importance de<br />

voyages test préliminaires est fondamental pour permettre d’améliorer petit à petit le<br />

produit et l’adapter parfaitement aux exigences du marché.<br />

160


2.4. Aspect critique des projets de coopération en tourisme<br />

communautaire : commercialisation et marketing<br />

2.4.1. La coopération internationale confrontée à la difficulté de la<br />

commercialisation<br />

Murphy, pionnier en tourisme communautaire, qui s’est attaché dès les années<br />

80 à traiter le thème sous un angle politico-social en vient depuis 2004 à analyser le<br />

thème sous un angle purement économique. Son travail qu’il a focalisé de plus en<br />

plus sur la recherche de rentabilité des entreprises de tourisme communautaire<br />

montre qu’une des failles les plus importantes du tourisme communautaire est bien<br />

le problème du manque de rentabilité.<br />

« Communities will be better positioned if they allow their actions to be guided by<br />

key business management principles and adopt a strategic management focus ».<br />

(Murphy, 2004).<br />

Murrphy a donc présenté un modèle de gestion d’entreprise combiné à une<br />

planification collaborative pour faciliter le développement touristique<br />

communautaire. Il conseille notamment une forte collaboration avec le secteur privé.<br />

« Interaction and communication with the private sector; including investors,<br />

developers, planners and managers from outside the community would also seem to<br />

be critical to the success of any CBTI »(Murphy, 2003; Wearing et MacDonald,<br />

2002).<br />

L’évolution des thèmes de recherche de ce professionnel avec une forte expérience<br />

nous amène à penser que les failles de gestion, marketing et commercialisation des<br />

projets en tourisme communautaire représentent l’obstacle clé qui empêche que le<br />

tourisme puisse se transformer en instrument réel de développement local pour les<br />

communautés. Nous consacrerons donc la dernière partie de notre analyse à ce<br />

thème central.<br />

L’importance particulière que revêtent les compétences en marketing et en gestion<br />

d’entreprise pour assurer le succès du développement touristique et atteindre des<br />

objectifs en termes de politiques de développement a été très longtemps sous-<br />

161<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


estimée. Ce n’est que ces dernières attentions que les ONG commencent à y prêter<br />

attention. Il est désormais conseillé de développer des études de marché et des<br />

stratégies marketing complètes, de fournir de l’assistance aux PME touristiques dans<br />

le domaine du marketing et de la promotion de leurs produits et une assistance<br />

marketing aux pays dans lesquels des projets touristiques sont en cours pour qu’ils<br />

apprennent à promouvoir leur destination sur le marché mondial.<br />

De nombreux efforts en termes de promotion sont nécessaires : l’établissement de<br />

réseaux de distribution, la mise en place de stratégies de relations publiques,<br />

l’élaboration de matériel publicitaire, une présence sur le web, la participation à des<br />

foires internationales de tourisme, etc.<br />

La commercialisation est la partie la plus problématique dans les projets de<br />

développement de tourisme communautaire. Jusqu’à présent, les projets n’incluaient<br />

pas de stratégies de commercialisation dans leur planification. Hors, il faut compter<br />

environ trois ans pour mettre en place une stratégie et démarcher les clientèles cibles.<br />

Les communautés locales n’ont ni les compétences (connaissances de l’industrie<br />

touristique, gestion, réseaux), ni les ressources pour mettre en place une stratégie.<br />

Quant à elles, les ONG sont souvent très carencées en matière managériales ; elles<br />

manquent d’expérience et d’expertise.<br />

De nombreux projets de tourisme durable, réussis en termes d’empowerment<br />

culturel, psychologique et écologique peuvent être mis en péril par le manque de<br />

rentabilité économique. Le thème de la commercialisation des produits touristiques<br />

est la partie actuellement la plus problématique pour les communautés et où les ONG<br />

pêchent à apporter un soutien efficace. Lorsque les projets sont économiquement<br />

non-viables, ils seront obligatoirement voués à l’échec. Ce semble une tautologie mais<br />

de nombreux planificateurs et acteurs du développement semblent l’oublier. Les<br />

donateurs, les ONG et les communautés négligent très souvent l’importance<br />

fondamentale du marketing.<br />

Le projet écotouristique Sunungukai, du Zimbabwe, qui a développé des chalets<br />

communautaires et un camping, possède des problèmes de rentabilité économique<br />

bien qu’il ait reçu des évaluations très positives d’anciens visiteurs, des<br />

recommandations du Rough Guide et du Lonely Planet et qu’il ait gagné un prix en<br />

1993 lors du concours « tourism for tomorrow » de British Airways. (Scheyvens,<br />

162


2002, p.99, issu de d’un travail de terrain effectué en 1998). Les taux d’occupation du<br />

site étaient très bas (entre 1,7 et 4,4% pour une capacité de 480 lits par mois en 1997<br />

et 1998). Le projet était pourtant une réussite en terme d’empowerment<br />

psychologique : la communauté était très fière de son campement et certains<br />

résidents s’étaient déclaré honorés de recevoir des touristes, qui étaient intéressés à<br />

connaître leur style de vie. Cet enthousiasme s’est peu à peu essoufflé après plusieurs<br />

années de fonctionnement dû à une faible occupation et aux faibles retours<br />

financiers.<br />

Les communautés qui investissent de l’énergie et des ressources dans une initiative<br />

de développement touristique veulent percevoir des bénéfices tangibles et rapides en<br />

termes de revenus. Il est irréaliste de penser que des communautés pauvres puissent<br />

attendre plusieurs années avant de voir les résultats de leur investissement. D’où la<br />

prépondérance d’insister sur les stratégies de commercialisation dès le début du<br />

projet.<br />

Définition d’une stratégie commune de promotion et de<br />

commercialisation entre les différentes Agences de Développement et<br />

Coopération européennes<br />

Depuis 2004, les Agences de Développement et Coopération européennes cherchent<br />

à agir en collaboration dans le domaine du tourisme responsable et durable pour<br />

mettre en œuvre des actions dans le domaine de la mise en réseau de bonnes<br />

pratiques et dans celui de l’appui à la commercialisation.<br />

A travers plusieurs évaluations, il est apparu que les projets financés par la<br />

coopération internationale souffraient de problèmes de mise en marché. L’aide<br />

s’arrête trop tôt ou l’assistance technique fournie par les ONG n’est pas pertinente par<br />

manque de connaissance des marchés et des filières de commercialisation. Les ADC<br />

ambitionneraient donc d’organiser conjointement des événements d’appui à la<br />

commercialisation pour faciliter l’accès au marché européen des petits producteurs<br />

du Sud et pour créer des partenariats avec des tour-opérateurs dans les pays<br />

d’accueil.<br />

Plusieurs initiatives soutenues par la coopération ont prouvé qu‘un partenariat avec<br />

les voyagistes dès le démarrage du projet était nécessaire (eductour ou famtour sur<br />

163<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


les marchés récepteurs du côté de l’offre) et qu’un accompagnement sur les marchés<br />

émetteurs du côté de la demande (présence sur les foires et salons européens) et la<br />

confrontation prestataires/tour opérateurs était très pédagogique et<br />

commercialement très efficace.<br />

Depuis 3 ans la GTZ soutient l’organisation d’un salon spécialisé REISE PAVILLON<br />

en Allemagne en organisant un hall des projets et des produits de tourisme durable<br />

(49 exposants en 2004). La plupart d’entre eux sont des projets financés par la<br />

coopération allemande. Cependant le salon attire de plus en plus d’autres prestataires<br />

des pays du Sud et de l’Europe de l’Est qui vendent des produits de tourisme<br />

équitable, solidaire, alternatif… Il serait intéressant de dupliquer cette initiative, qui<br />

est devenue un lieu de commercialisation intéressant, dans d’autres pays d’Europe à<br />

travers la constitution d’un réseau.<br />

Des actions plus spécifiques sur le thème de la commercialisation ont donc été<br />

proposées :<br />

- des actions communes au niveau offre (structuration et renforcement des réseaux<br />

de prestataires comme Redturs),<br />

- des actions de sensibilisation et de promotion commune à travers Internet et les<br />

médias,…<br />

‐ Créer des lieux spécialisés pour accueillir les petits producteurs du Sud en tourisme<br />

équitable dans les foires traditionnelles comme Fitur, WTM, ITB, SMT.<br />

Stratégies de commercialisation : comment commercialiser ? Quels types<br />

de produits touristiques développer ? Quel segment du marché attirer ?<br />

Lorsque des ONG développent des produits touristiques, elles doivent se focaliser sur<br />

l’analyse du marché. Si elles n’ont pas organisé une fine analyse de la demande, il y a<br />

de fortes chances que l’offre qu’elles proposeront, ne trouve pas une demande<br />

satisfaisante. Dans la promotion d’un produit touristique local, il est indispensable<br />

d’impliquer les TO et les intermédiaires, et ce non seulement à la fin du projet mais<br />

dès le début. Leurs intérêts doivent être compris et leurs connaissances doivent être<br />

capitalisées notamment pour concevoir les produits touristiques à développer.<br />

164


L’ONG se doit d’adapter le type de développement touristique au cas par cas dans<br />

chaque communauté. Il n’existe pas de modèle à répliquer en la matière. Le tourisme<br />

communautaire, comme répété maintes fois au long de notre analyse, n’est pas un<br />

produit mais une philosophie. Le type de produits touristiques qu’une communauté<br />

développera ne peut être déterminé que par elle. Une fois en possession de<br />

l’information sur la situation de l’offre et de la demande (étude de marche), c’est à<br />

elle de prendre ses décisions en connaissance de cause. La collaboration de TO et<br />

d’experts touristiques est essentielle pour réaliser une analyse sur l’offre et la<br />

demande de la région touristique en question. Cette analyse est une pré-condition<br />

essentielle pour assurer une durabilité économique au projet.<br />

Imposer aux communautés de développer des produits écotouristiques, ethno<br />

touristiques ou imposer une commercialisation à travers les seuls opérateurs<br />

spécialisés en tourisme responsable serait encore une fois imposer un modèle<br />

« occidentalo-centriste ».<br />

En effet, peut-on refuser aux pays du Sud notre modèle de vie et décréter de façon<br />

unilatérale que la meilleure voie pour eux est un développement lent et contrôlé.<br />

(« fais ce que je dis, mais pas ce que je fais ») ? Ne risque-t-on pas de marginaliser les<br />

communautés en les contraignant à développer des produits de tourisme alternatif et<br />

en les tenant à l'écart du flux d’un tourisme plus traditionnel qui pourrait peut-être<br />

leur permettre un développement local ?<br />

Il existe trois catégories de tourisme qui peuvent être ciblées :<br />

- le tourisme indépendant<br />

- le tourisme responsable (AITR, ATES)<br />

- les TO plus classiques.<br />

1. Le marché du tourisme indépendant : un secteur qui possède<br />

de nombreux avantages.<br />

“The market for community-based ecotourism is not necessarily backpackers in my<br />

view. But it will be backpackers unless there is effective, community-private sector<br />

165<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


partnerships to make these projects meet quality standards in the long term”. (Epler<br />

wood, Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />

Les communautés locales manquent souvent de compétences, d’expériences et<br />

de ressources pour fournir des services touristiques au marché touristique<br />

international haut de gamme. Les routards (bugdget tourism, backpackers, tourisme<br />

indépendant) peuvent constituer un public cible intéressant, même s’ils sont<br />

habituellement très décriés et utilisés comme boucs émissaires. « While such<br />

concerns about social behavior are clearly legitimate, it is also true that<br />

backpackers have become scapegoats who are blamed for many of the social ills<br />

associated with tourism, regardless of the support they provide for the local<br />

economy ». (Crick, 1994, cité in Scheyvens, 2002, p. 146).<br />

La tendance des gouvernements du Sud (et pas seulement…) d’ignorer ou de<br />

décourager le segment du tourisme indépendant (routard) se fait souvent au<br />

détriment du développement social et des économies locales.<br />

Tableau 12 : Avantages liés au développement du segment du tourisme indépendant par<br />

les planificateurs de projets de tourisme communautaire<br />

Avantages liés au développement<br />

économique<br />

- Dépense plus d’argent que les autres<br />

touristes puisque leur durée de visite est<br />

plus longue.<br />

- Diffusion des bénéfices économiques<br />

plus large sur le territoire car les<br />

routards pénètrent des endroits<br />

marginalisés où n’arrive pas le tourisme<br />

organisé.<br />

- Ne demande pas de produits de luxe et<br />

consomment des produits et services<br />

locaux (non importés donc diminution<br />

des leakages)<br />

- Les membres de la communauté avec<br />

peu de capital et d’entrainement peuvent<br />

fournir des services et des produits à ce<br />

segment de marché (petites entreprises<br />

peu qualifiées)<br />

166<br />

Avantages liés au développement<br />

non économique<br />

- Les locaux pourront se réaliser<br />

beaucoup plus facilement à travers la<br />

création d’une petite entreprise qu’en<br />

devenant salarié (souvent peu qualifiés<br />

comme nettoyeurs ou serveurs) d’une<br />

entreprise appartenant à des opérateurs<br />

étrangers(empowerment psychologique).<br />

- En étant propriétaire de leurs propres<br />

entreprises, la communauté peut<br />

s’organiser pour représenter ses intérêts<br />

et négocier avec des organismes<br />

extérieurs (empowerment politique).<br />

- L’intérêt des routards pour la rencontre<br />

avec les locaux peut permettre une<br />

interaction sociale plus équitable avec la<br />

communauté qu’avec des hôtes d’hôtels 5<br />

étoiles.


- Moins inconstante que celle du<br />

tourisme international organisé, la<br />

demande est moins sensible aux<br />

problèmes d’instabilité politique ou aux<br />

problèmes aériens.<br />

- Moins sujet à la saisonnalité que le<br />

tourisme organisé.<br />

- Les petites entreprises locales sont plus<br />

facilement économiquement viables avec<br />

un petit nombre de visiteurs car les<br />

investissements initiaux sont faibles et<br />

les fuites minimales. (Wall et Long 1996).<br />

Source : Elaboration personnelle.<br />

- Les routards utilisent moins de<br />

ressources (douche à l’eau froide et<br />

ventilateur comparé à la climatisation et<br />

l’eau chaude utilisée par les segments<br />

plus traditionnels) et ont donc moins<br />

d’impact sur l’environnement.<br />

Le tourisme indépendant routard est le segment le plus porteur pour assurer<br />

un marché conséquent au tourisme communautaire et au pro-poor tourism, surtout<br />

lors du commencement du projet, puisque les communautés développent des<br />

produits touristiques qui sont dirigés majoritairement à un segment bas de gamme,<br />

de par le manque de capital financier et de connaissances des exigences du tourisme<br />

international.<br />

« They (backpackers) go anywhere, they seek everything and there is very little<br />

added value in their purchases (...) The product and market fit for CBT is<br />

backpackers. CBT Tourism is not sufficiently developed to be ready for any other<br />

market. Backpackers buy direct, not from tour operators and there are no sticky<br />

customer service issues to worry over when they come home. The marketing<br />

channels are well established through the various guide book and website<br />

referrals » (Duffy G, Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005).<br />

De plus, il est nécessaire d’organiser une différentiation au sein du tourisme<br />

indépendant. Ce type de tourisme ne rime pas forcément avec backpacker et budget<br />

tourism. Il existe un public indépendant qui se développe en dehors du traditionnel<br />

public jeune au bas pouvoir d’achat , qui est à la recherche de services de qualité, de<br />

différenciation et qui est prêt à dépenser plus. Ces touristes ne voyagent pas dans le<br />

tourisme organisé simplement pour maintenir une plus grande liberté dans la<br />

programmation de leurs voyages.<br />

167<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


« My last comment has to do with the notion that backpackers are not an<br />

appropriate market segment for CBT. I understand that there are different<br />

segments within the 'backpacker' label, and that 'upscale backpackers' (or what ever<br />

the appropriate term should be), can be a very lucrative market niche, and one<br />

relatively easily reached via internet marketing » (Finn M, Ecotourism Emerging<br />

Industry Forum, 2005)<br />

La promotion pour ce type de segment est beaucoup moins coûteuse<br />

(recommandations guides touristiques, brochures à distribuer dans des endroits<br />

clés,…) que pour attirer des segments traditionnels du tourisme organisé.<br />

Le tourisme indépendant, au même titre que le tourisme volontaire pourrait<br />

représenter des publics cibles intéressants notamment lors du démarrage d’initiatives<br />

puisque le manque de confiance des TO envers les initiatives communautaires jeunes<br />

(et moins jeunes) est très fort. Ce type de public est également enclin à accepter une<br />

qualité de services plus basse. Dan un contexte d’augmentation des recours<br />

judiciaires des touristes organisés, les TO sont de plus en plus réticents à<br />

commercialiser de tels types d’initiatives. Quant à lui, le touriste indépendant ne peut<br />

se plaindre à personne de retour chez lui.<br />

« Most tourism operators do NOT want to work with unproven organizations. So<br />

how to begin to get the word out internationally, and start getting visitors and<br />

income, while simultaneously empowering the community and giving them a<br />

chance to 'learn as they went'? internet marketing. What we did was to begin a<br />

program of paying volunteers, and yes, backpackers, since these groups were much<br />

more inclined to be 'forgiving' in terms of things like relative inaccessibility, and of<br />

the service being a bit 'rough around the edges.' Many were drawn specifically by<br />

the chance to participate in some useful activities (planting trees, teaching English,<br />

even some building and other things » (Finn M, Ecotourism Emerging Industry<br />

Forum, 2005).<br />

L’importance des guides touristiques<br />

Certains guides touristiques dédiés au tourisme durable et à l’écotourisme sont<br />

nés ces dernières années, chez les éditions du Routard, du Petit futé, de la Lonely<br />

Planet. Ces guides possèdent un potentiel très important pour faciliter la<br />

168


commercialisation des initiatives de tourisme communautaire de par le monde. Dans<br />

la phase actuelle, les premières éditions qui sont nées, visent plus à la sensibilisation<br />

de l’opinion publique sur le thème du tourisme durable (grande partie des ouvrages<br />

est destinée à vulgariser le concept) qu’à la publication et à la promotion des<br />

initiatives. En effet, ces guides ne se focalisent pas sur une zone géographique mais<br />

citent de façon sporadique de nombreuses initiatives dispersées de par le monde.<br />

Pour un touriste qui prépare son séjour dans un pays, il pourra donc prendre<br />

quelques adresses dans le guide mais ne pourra pas programmer tout son voyage car<br />

ces ouvrages possèdent seulement quelques initiatives par pays. Il est cependant à<br />

noter que certains éditeurs ont récemment sorti des ouvrages sur le tourisme durable,<br />

focalisés sur des zones géographiques permettant de surmonter l’obstacle à peine<br />

énoncé. Il est donc à espérer que dans le futur se développent des guides de tourisme<br />

communautaire par destination.<br />

Le fait que les touristes se disputent souvent avec les locaux sur le fait que quelque<br />

chose n’est pas comme il était indiqué dans leur bible, montre le pouvoir que ces<br />

éditeurs possèdent. Les touristes indépendants se fient effectivement presque les<br />

yeux bandés à leurs guides.<br />

Lorsqu’une initiative de tourisme communautaire est publiée dans un guide<br />

touristique, cela représente un atout majeur en termes de promotion. Les<br />

planificateurs des projets de tourisme durable doivent donc penser à utiliser cet outil<br />

puisque les éditeurs sont souvent assez intéressés à publier de telles initiatives.<br />

Internet comme instrument de promotion du tourisme<br />

communautaire pour le marché touristique indépendant<br />

Portails d’information et de promotion sur le tourisme responsable<br />

Echoways (www.echoways.org), et solidaltour (www.solidaltour.it) sont des portails<br />

d’informations français et italiens promouvant des initiatives de tourisme<br />

responsable de par le monde. Ils représentent des outils très intéressants pour<br />

faciliter la promotion et donner visibilité à des initiatives communautaires.<br />

169<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Ces sites rassemblent les initiatives de nombreux pays du monde, donnant un bref<br />

descriptif du produit touristique développé et les détails des personnes à contacter. .<br />

Echoways, avant d’insérer une initiative sur son site, organise une évaluation du<br />

projet touristique, pour définir s’il respecte les critères du tourisme responsable.<br />

Cette évaluation permet de restreindre l’accès aux seules initiatives sérieuses et est<br />

donc gage de confiance pour le client. Evidemment, cela représente un travail énorme<br />

et limite donc le nombre d’initiatives qui sont publiées puisque cela implique un fort<br />

travail en amont.<br />

Développement de l’outil Internet : une opportunité encore non exploitée à sa juste<br />

valeur<br />

Internet est un outil très efficace pour capter le tourisme indépendant en forte<br />

croissance au niveau mondial.<br />

« Web can level the playing field and provide an opportunity for those with fewer<br />

resources to find their way to potential consumers in a relatively cost-effective<br />

way ». (Suarez A, In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />

Très peu d’initiatives communautaires utilisent efficacement leur site internet et<br />

réussissent à le maintenir ajourné puisqu’elles ne seraient pas autonomes pour le<br />

faire. Les agents de développement ou TO qui ont accompagné des initiatives de CBT<br />

ont peut-être su développer de très bons sites internet mais ils n’ont pas été capables<br />

de former les communautés pour que celles-ci puissent ensuite le gérer de façon<br />

autonome.<br />

« The communities themselves have been identified as a weak actor regarding<br />

Internet marketing. Most of them do not see the need or are not able due to technical<br />

or financial problems - to answer the mails and do not update the sites at all.<br />

Language is another problem, as most of these WebPages are in English or Spanish<br />

only but should be offered at least in two or even more languages » (Suarez A, In<br />

Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />

Par conséquent Mader (In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />

recommande aux agences de développement et donateurs de ne pas financer<br />

170


seulement la création de sites web mais la participation au site web. Ce concept de<br />

participation implique que des formations en communication et création de sites web<br />

devraient être offertes aux membres de la communauté. Ces formations devraient<br />

commencées par des choses très simples telles que la création et la manutention d’un<br />

courrier électronique<br />

- Nouvelles techniques de promotion par internet<br />

Les potentialités d’internet sont rarement utilisées par les agents de développement,<br />

par manque de connaissances dans le domaine. Utiliser les potentialités internet à<br />

leur maximum ne se limite pas seulement à créer un site, et le laisser ensuite évoluer<br />

à sa guise sur la toile. Il est important d’apparaître dans les premières lignes des<br />

moteurs de recherche et cela ne peut être laissé au hasard. Il peut être intéressant de<br />

payer pour être dans les premiers ou bien de se faire de la publicité sur d’autres sites.<br />

« The important thing about websites is that you need to appear in the top 20<br />

listings (top 10 ideal) of whatever specific search team you are considering. The<br />

quick and dirty way is to buy your way to the top; i.e. pay-per-click, but<br />

knowledgeable consumers realize that it's a paid listing and may not give it full<br />

credence. The other way is to link with appropriate websites -- for us this means<br />

tourism and travel-related sites. What my associates and I recommend is to develop<br />

a great website with great links to appropriate, high-quality sites, ideally with<br />

reciprocal arrangements (you promote me; I promote you) as this raises your<br />

search ranking significantly. But because this can take a good 6-8 months to get<br />

your web ranking up, we will also recommend pay-per-click for key search phrases<br />

to immediately get your name in the top ». (Perez, In Ecotourism Emerging<br />

Industry Forum, 2005)<br />

Internet peut également être utilisé comme outil de fund raising, pour accumuler de<br />

petites sommes d’argent, en hébergeant sur son propre site des liens publicitaires. En<br />

utilisant de nouveaux réseaux tels que facebook, il est également possible de s’assurer<br />

une excellente promotion. Il est nécessaire d’approfondir les recherches sur la<br />

171<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


diversité des opportunités créées par internet et qui sont encore complètement<br />

ignorées.<br />

- Développement d’outils de réservation<br />

Le développement de systèmes de réservation on-line d’initiatives de tourisme<br />

communautaire est encore inexistant. Il pourrait être intéressant d’utiliser des<br />

systèmes de réservation on line spécialisés sur le marché du tourisme indépendant<br />

(par exemple www.backpackertours.com). Il serait sinon fort utile de développer de<br />

nouveaux sites qui jouent le rôle de centrales de réservation. Ces sites se développent<br />

de plus en plus sur le net pour la réservation d’hôtels. Il serait intéressant de laisser<br />

l’accès libre à toutes les initiatives communautaires, sans organiser une évaluation<br />

préalable, en laissant le touriste évaluer lui-même l’initiative. En donnant une note et<br />

en laissant un commentaire, une fois le service consommé, les touristes pourraient<br />

jouer eux-mêmes le rôle des évaluateurs. Ce genre de centrales de réservation<br />

pourrait se développer sur une base nationale, avec un soutien technique et financier<br />

d’agences gouvernementales.<br />

Les communautés s’organisent en réseaux nationaux et internationaux<br />

pour faciliter la commercialisation directe<br />

Presque tous les pays d’Amérique Latine ont organisé des réseaux nationaux de<br />

tourisme communautaire. Le premier but de ces réseaux est de favoriser les échanges<br />

d’expériences et d’organiser un lobbying sur les pouvoirs publics. Depuis peu, ils<br />

commencent cependant à concentrer leurs efforts sur le thème de la<br />

commercialisation puisqu’ils se rendent compte que c’est un des problèmes clés<br />

auxquels ils se confrontent et qui retarde le développement de ce secteur.<br />

La FEPTCE (Federacion plurinacional de turismo comunitario del Ecuador)<br />

s’est par exemple dotée de critères ou de standards de fonctionnement et de niveaux<br />

de qualité minimale pour répondre aux exigences des voyagistes.<br />

172


En matière de promotion et de commercialisation, les partenariats et les réseautages<br />

sont les outils les plus efficaces. Les chercheurs se sont rendus compte que la<br />

diffusion de l’information dans des groupes d’amis, des groupes de discussion sur<br />

internet, ou au sein de réseaux semblent être assez efficaces. En effet, le bouche à<br />

oreille est un outil de promotion vieux comme le monde et dont l’importance n’est<br />

plus remise en doute. Par l’utilisation d’une communication à l’intérieur de réseaux,<br />

ce bouche à oreilles peut dupliquer son efficacité.<br />

Ce type de réseaux de tourisme communautaire, essentiellement tourné sur la<br />

commercialisation directe, pourrait favoriser le développement de centrales de<br />

réservation (sur internet) plutôt que de se limiter à une seule promotion sur leurs<br />

sites internet. Ces réseaux pourraient également faciliter la commercialisation auprès<br />

d’agences de voyage. Au Mexique, un réseau de communautés d’origines ethniques<br />

distinctes de l’Etat du Chiapas, Senda Sur, a joint ses forces à des petites agences de<br />

voyage privées spécialisées en écotourisme pour consolider son offre. Le réseau s’est<br />

doté d’une centrale d’informations et de réservation. (Deslisles et Jolin, 2007, p.91).<br />

Nécessité de sensibiliser le marché indépendant au tourisme<br />

responsable<br />

Une meilleure éducation et sensibilisation des routards sur les impacts qu’ils<br />

ont sur les communautés locales des pays qu’ils visitent est cependant essentielle<br />

pour pouvoir miser sur ce segment de marché. Des maisons d’édition de guides<br />

(spécialement Lonely Planet et Rough Guides) pourraient jouer un rôle clé pour<br />

sensibiliser les voyageurs et leur fournir des informations détaillées et appropriées<br />

sur les normes culturelles et les comportements à adopter dans chaque destination.<br />

L’ONG Tourism Concern a quant à elle publié une brochure destinée aux routards<br />

(backpackers) avec une liste détaillée des comportements à adopter pour être un<br />

voyageur responsable (« The Community tourism guide », Mann, 2001).<br />

173<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


2. Cibler le tourisme alternatif : avantages et inconvénients.<br />

Le public du tourisme alternatif est un public avec un fort pouvoir d’achat, prêt à<br />

dépenser plus pour avoir un produit touristique différent et équitable. Sensibilisé et<br />

intéressé à la rencontre avec d’autres cultures, ce public est prêt à s’adapter avec<br />

beaucoup plus de facilités aux imprévus du voyage et au manque de confort. Il serait<br />

également moins porté à se plaindre devant les tribunaux à son retour de voyage.<br />

Prédisposition à accepter des conditions de confort basiques<br />

La catégorisation de Fennell entre “soft ecotourism” et “hard ecotourism” est fort<br />

intéressante, notamment pour définir le type de public à cibler pour commercialiser<br />

un projet de tourisme. Selon lui, un élément aussi banal que le degré d’adaptation au<br />

confort est déterminant dans le choix du public target.<br />

Figure 8 : Hard and Soft dimensions of ecotourism<br />

Ce diagramme montre que l’écotouriste convaincu (B) est prêt à accepter des<br />

conditions de confort plus dures pour vivre une expérience écotouristique complète<br />

vu son fort intérêt porté à la nature. Un touriste avec un intérêt mineur pour la<br />

nature (A) ne sera pas prêt à accepter des conditions de confort minimales.<br />

174


Ce raisonnement peut être transposé au tourisme culturel ou ethnotourisme. Si une<br />

personne est très intéressée à la connaissance de l’autre (population autochtone), elle<br />

peut accepter de passer outre l’existence de conditions de confort sommaires. Au<br />

contraire, plus son intérêt diminue, plus elle sera demandeuse de conditions de<br />

confort.<br />

Le tourisme communautaire, tout particulièrement à ses débuts, a beaucoup de<br />

difficultés à proposer le confort recherché par les touristes. En ciblant le touriste<br />

alternatif, intéressé avant tout par le contact avec les populations locales, il est<br />

possible que ce dernier accepte les conditions de confort sommaire proposées par les<br />

initiatives communautaires.<br />

Une clientèle déjà sensibilisée … apte à diminuer les impacts négatifs sur<br />

les communautés locales<br />

Le touriste responsable est souvent conscient des ravages du tourisme de masse sur<br />

les communautés et des difficultés de la relation interculturelle. Le tourisme<br />

alternatif s’adresse souvent à une clientèle déjà sensibilisée. Cet aspect est<br />

généralement présenté comme négatif alors que c’est un point qui peut aussi être<br />

valorisé. Premièrement parce qu’il faut bien commencer avec une cible.<br />

Deuxièmement parce que ces personnes sont les meilleures ambassadrices du<br />

tourisme solidaire (répercussion en terme de crédibilité et non de simple argument<br />

défendu à des fins commerciales). De plus, encourager le système de parrainage<br />

permettrait, outre des économies réalisées au niveau de la commercialisation, de<br />

construire la notion de réseau (client/offre).<br />

La coopération italienne base ses stratégies de commercialisation des<br />

projets touristiques sur le tourisme responsable<br />

En Italie, les ONG développent de forts rapports de collaboration avec les TO de<br />

tourisme responsable membres de l’AITR, notamment pour assurer la<br />

commercialisation de leurs produits.<br />

175<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Ce rapport permettrait de :<br />

- faciliter l’arrivée de touristes à la fin du projet (en faveur de la durabilité de<br />

l’initiative).<br />

- cibler l’offre touristique aux besoins de la demande (hygiène, organisation,<br />

alimentation,…).<br />

Etant donné l’ampleur du marché du tourisme responsable (moins de 5% des<br />

touristes), il est impossible de remplir les initiatives de tourisme communautaire<br />

uniquement avec le tourisme responsable. Cependant, commercialiser les projets de<br />

tourisme communautaire auprès de TO non membres de l’AITR provoque une forte<br />

réticence au sein de l’AITR :<br />

« C’è un gruppo di TO che si sta staccando dal resto dei TO, e che stanno<br />

introducendo degli aspetti per noi sensibili nei loro cataloghi. Adeguamento,<br />

convizione o opportunismo ? » (Davolio M, Président de l’AITR, in Golinelli, 2008)<br />

La nouvelle collaboration entre ASTOI (Associazione dei TO italiani) et COSV (ONG<br />

italienne) pour promouvoir le tourisme communautaire au sein du tourisme classique<br />

a suscité une forte réaction au sein de l’AITR. Malgré les discours, il persiste un fort<br />

corporatisme refusant que le tourisme communautaire puisse être commercialisé au<br />

sein de TO classiques. Les TO classiques ne chasseront pourtant jamais sur les<br />

mêmes terres que celles du tourisme responsable (grande peur des TO spécialisés)<br />

puisque l’offre des petites agences ou des TO spécialisés est différente. Il ne faut donc<br />

pas que ces derniers réagissent avec peur et corporatisme aux tentatives des TO<br />

classiques à adopter des démarches plus responsables.<br />

En effet, les touristes responsables sont un public facilement fidélisable et une fois<br />

qu’ils ont voyagé avec des TO spécialisés, il est peu probable qu’ils retournent sur du<br />

tourisme de masse avec des TO plus classiques.<br />

“But we know that once we've reached them and provided them with the kind of<br />

experience they are not likely to get with a mass tourism provider, both in terms of<br />

the sales/service, as well as that comparatively authentic travel experience to an<br />

environmentally and/or culturally enriching destination.” (Smith, Ecotourism<br />

Emerging Industry Forum, 2005).<br />

176


L’ouverture du tourisme communautaire vers d’autres clientèles représente de<br />

nombreux défis mais qui selon nous se doivent d’être relevés. En effet, le tourisme<br />

communautaire peut être commercialisé en combinaison avec d’autres formes de<br />

tourismes plus traditionnelles : un élément dans un circuit, en extension à un<br />

tourisme balnéaire ou culturel… En partant du principe que l’on ne modifie pas les<br />

comportements d’un coup de baguette magique et afin de pallier les réticences, dues<br />

en partie à la crainte que toute nouveauté suscite, il est nécessaire de chercher à<br />

inviter le touriste traditionnel à découvrir des initiatives de tourisme<br />

communautaire. De plus, au cours d’une vie « on est plusieurs touristes à la fois ».<br />

Cela peut vouloir dire deux choses différentes : que les personnes peuvent évoluer<br />

dans leurs pratiques touristiques au long de leur parcours et qu’une même personne<br />

peut très bien voyager dans l’année dans un hôtel cinq étoiles au bord de la mer et<br />

passer son autre séjour dans une initiative de tourisme communautaire rustique.<br />

Bien que se soient développés de petits TO de tourisme alternatif, le tourisme reste<br />

majoritairement dans les mains de grandes entreprises transnationales. Il est donc<br />

crucial de s’interroger sur les possibilités de contagion aux TO classiques afin que le<br />

tourisme soit plus équitable, responsable et soit réellement facteur de développement<br />

local pour les communautés hôtes.<br />

3. L’intégration de TO plus classiques dans la commercialisation<br />

de produits touristiques communautaires<br />

« Tourism promotion aiming at poverty reduction should no longer be limited to<br />

just niche products. Instead, efforts of development policy should be shifted to<br />

integrate other sectors more strongly, including, in particular, mass and luxury<br />

tourism. This is the only way to optimally utilize the potential which tourism<br />

provides for poverty reduction and to advocate the objectives of sustainable tourism<br />

extensively and, thus, credibly » (GTZ, 2007).<br />

177<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Commercialisation classique à travers TO et agences de voyage.<br />

Les principaux avantages de travailler avec des intermédiaires de vente sont les<br />

suivants (Delisle et Jolin, 2007, p.92) :<br />

• La représentation de l’offre dans le pays même par les agences<br />

réceptives.<br />

• La possibilité d’être représenté à l’étranger, notamment lors de salons et<br />

foires touristiques par ses intermédiaires. Cela représente une forte<br />

économie de moyens et de ressources.<br />

• La négociation dans la langue de la clientèle est un atout.<br />

• Importants réseaux de contacts qu’ils possèdent.<br />

Comment s’assurer que les communautés ne se fassent pas exploiter par des<br />

intermédiaires, sachant qu’elles ont des difficultés à calculer les coûts, à établir une<br />

tarification équitable et ne connaissent pas le fonctionnement des réseaux de<br />

distribution traditionnels ?<br />

En effet, si les intermédiaires de vente peuvent représenter un bon moyen pour<br />

commercialiser l’offre touristique de communautés, ils peuvent imposer des<br />

conditions très défavorables, en se trouvant en position de force. Afin d’établir un<br />

partenariat solide, le rôle médiateur d’une ONG peut se révéler très utile, pour<br />

protéger et défendre les intérêts des communautés.<br />

La nécessité d’une contamination du secteur touristique classique<br />

Si on veut impacter l’ensemble du système touristique mondial et sensibiliser le plus<br />

de gens possibles à l’échange interculturel, on ne peut pas se limiter au traditionnel<br />

public du tourisme responsable.<br />

De par l’intermédiaire du tourisme, une personne apprend à se confronter à l’altérité.<br />

Cet apprentissage au respect de la différence et de la diversité se fait au cours d’un<br />

processus et non d’un seul voyage. Pour cela, il faut proposer une palette variée de<br />

178


voyages (certains qui pourraient être classifiés dans le tourisme traditionnel et<br />

d’autres dans le secteur du touriste alternatif) pour s’adapter au profil de chaque<br />

personne.<br />

On ne peut imaginer qu’un touriste du Club Med, habitué à rester dans des villages<br />

vacances où le rapport avec l’hôte est réduit à zéro, puisse du jour au lendemain<br />

partir faire un reality tour dans les camps palestiniens. Cependant, les initiatives de<br />

tourisme communautaire qui se combinent au tourisme de masse (visite d’une<br />

journée dans une communauté indigène comme la communauté Pataxó au Brésil,<br />

proche d’un flux fort de tourisme conventionnel) peuvent se refléter fort utile pour<br />

éduquer le touriste à l’altérité, se remettre en question,… Lors d’un prochain voyage,<br />

ce touriste aura peut-être envie d’approfondir cette expérience qui lui aura plu et<br />

changera peut-être légèrement sa façon de voyager.<br />

Les puristes et les inventeurs du tourisme responsable sont très souvent élitistes sur<br />

ce thème et condamnent ce genre d’initiatives de collaboration avec le secteur<br />

traditionnel.<br />

« I feel there are too many people who claim to work in "ecotourism" that are<br />

horrified by the thought that someone on a mass tourism trip (think cruise ship or<br />

large outbound tour company - say, TUI or First Choice) might want to experience<br />

an authentic, culturally rich trip that benefits local people and the environment (and<br />

isn't that ecotourism?) (…) From the perspective of a small business or community<br />

you really shouldn't care where your tourists are coming from as long as they pay a<br />

reasonable price (and yes in this side of the business it is tough so it becomes volume<br />

vs. price) and act reasonably (culturally appropriate etc.) (...) I have been recently<br />

researching market connectivity between SMEs and the cruise sector. There are<br />

some good examples, and could and should be many more. Certainly market<br />

penetration into these supply chains is far from easy but they are looking to<br />

diversify their product offerings. » (Sweeting J, Ecotourism Emerging Industry<br />

Forum, 2005)<br />

Il faut cependant être clair avec les objectifs de notre lobbying en tourisme<br />

responsable : si l’objectif est la transformation sociale, l’apprentissage de la tolérance,<br />

ces initiatives ne peuvent être condamnées de prime abord. Nous ne pouvons<br />

179<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


continuer à nous maintenir dans une pensée élitiste où la pratique du tourisme<br />

responsable servirait à se différencier socialement du vil touriste de masse… Nous ne<br />

pouvons pas non plus continuer à penser que le tourisme responsable est un acte non<br />

commercial (prononcé lors de nombreuses conférences en tourisme), en dehors d’un<br />

système capitaliste décrié… Le tourisme implique une relation commerciale, qu’on le<br />

veuille ou non.<br />

Il est d’une importance capitale que le tourisme de masse se dirige vers un tourisme<br />

durable et que le tourisme responsable ne reste pas une niche déconnectée du reste<br />

de l’industrie. Les grands TO possèdent les instruments markéting et de<br />

communication ainsi que le public source pour essayer de dynamiser l’intérêt du<br />

grand public au tourisme responsable. Leur grande taille leur permet également<br />

d’influencer les fournisseurs et les distributeurs pour qu’ils intègrent des politiques<br />

de tourisme durable au long de la chaîne de valeur.<br />

Stratégies de commercialisation sur le marché du tourisme organisé<br />

Même si internet peut représenter un outil commercial très intéressant pour attirer le<br />

tourisme indépendant, ne pas s’introduire sur le marché du tourisme organisé<br />

signifierait passer à côté d’une intéressante opportunité commerciale.<br />

« Whilst the internet may represent one opportunity for marketing and selling the<br />

product (e.g.responsibletravel.com), the more traditional travel agent route should<br />

continue to play an integral part in the initiatives’ marketing strategy and<br />

distribution network » (Mader R)<br />

Les planificateurs de projets de tourisme communautaire doivent former des accords<br />

commerciaux très tôt pour promouvoir la commercialisation de leurs produits,<br />

auprès de TO internationaux ou d’agences réceptives locales et nationales. Deux types<br />

de stratégies sont possibles pour commercialiser des initiatives de tourisme<br />

communautaires. Les ONG internationales possèdent par ailleurs l’avantage d’avoir<br />

des contacts sur un marché émetteur, celui de leur pays d’origine.<br />

1° Prendre contact directement avec les TO internationaux dans les<br />

marchés émetteurs<br />

180


2° Prendre contact avec les agences de voyage réceptives dans les pays<br />

récepteurs.<br />

1° Prendre contact directement avec des TO dans les pays émetteurs permet de les<br />

informer directement de l’existence du produit touristique, dans l’optique que ceux-ci<br />

puissent faire pression sur leurs agences de voyage réceptive afin qu’elles intègrent ce<br />

produit dans leur package. C’est la solution la plus efficace car le preneur de décision<br />

est le TO dans le pays source et non l’agence de voyage réceptive. Cependant c’est une<br />

stratégie qui demande énormément de temps afin de prendre contact avec l’ensemble<br />

des TO dans les pays émetteurs (combien de pays à contacter ?). Cette stratégie peut<br />

être adoptée sur un ou deux pays, notamment dans le pays d’origine de l’ONG. Celleci<br />

recherchant toujours une visibilité sur son territoire national, il est intéressant de<br />

mettre en œuvre une telle stratégie.<br />

Cette stratégie ne représente qu’une première phase. Une fois que le TO a démontré<br />

de l’intérêt, il est nécessaire de prendre contact avec son agence réceptive sur le<br />

territoire d’accueil pour s’arranger sur les conditions pratiques d’opérer. Bien<br />

évidemment celle-ci sera beaucoup plus disposée à collaborer étant donné que son<br />

client aura démontré de l’intérêt pour le produit.<br />

Il serait intéressant de convaincre le TO de se passer de son agence réceptive<br />

nationale en contractant directement un opérateur local (les prix baissent car moins<br />

d’intermédiaires), déjà partenaire et revendeur du produit. Ce principe hérité du<br />

commerce équitable est pourtant difficile à mettre en place pour une raison de<br />

manque de confiance. Les TO sont en effet très réticents à l’idée de se séparer de leur<br />

agence réceptive pour contracter directement une agence locale.<br />

2° La deuxième stratégie consiste à prendre contact directement avec les agences<br />

réceptives nationales, qui ont déjà des relations de confiance et des contrats de<br />

collaboration avec de nombreux TO au niveau international. Ces dernières pourront<br />

donc proposer cette offre nouvelle aux TO avec lesquels ils travaillent.<br />

Problème : les agences de voyage réceptive nationales dans les pays du Sud peuvent<br />

avoir des mentalités plus conservatrices et moins en faveur du tourisme<br />

181<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


communautaire que les TO européens. Dans ce cas, ils pourraient faire une rétention<br />

d’informations et ne pas proposer l’offre à leurs partenaires.<br />

La stratégie de commercialisation : une démarche qui doit s’effectuer<br />

avec beaucoup d’anticipation<br />

Un temps considérable est nécessaire pour assurer l’inclusion d’un produit sur le<br />

marché international et sa présence dans les brochures des agences et TO. Il est<br />

important que l’information sur le produit se communique très tôt aux TO (même s’il<br />

n’est pas encore prêt à être opéré). Les prix doivent être fournis aux agences/TO au<br />

moins une saison (un an) à l’avance afin que les revendeurs puissent introduire les<br />

prix dans leurs systèmes de vente, intègrent l’offre dans les catalogues, fassent de la<br />

promotion auprès des revendeurs et de la clientèle, qui prend souvent des décisions<br />

de voyage longtemps à l’avance. En faisant les prix, il est nécessaire de prendre en<br />

considération les commissions qui seront versées à chaque intermédiaire (entre 12 et<br />

20% du prix).<br />

2.4.2. Modalités et limites de la participation du secteur<br />

touristique classique à l’empowerment des communautés<br />

locales ?<br />

Après avoir largement insisté sur la nécessité que le tourisme communautaire tente<br />

de se commercialiser à travers des filières de tourisme classique, il nous paraît<br />

indispensable d’approfondir ce thème, qui est d’ailleurs celui entre tous, le plus<br />

source à polémiques. Nous chercherons à répondre à plusieurs types de questions :<br />

Comment les grands TO peuvent-ils soutenir le processus d’empowerment des<br />

communautés locales, en dehors de la commercialisation directe d’initiatives de<br />

tourisme communautaire ? Est-ce-que la pratique du don aux communautés locales,<br />

qui peut être classifié comme tourisme solidaire, permet-il l’empowerment des<br />

communautés locales ? Quelles sont les opportunités et les freins à la<br />

commercialisation de produits communautaires dans le secteur touristique<br />

classique ?<br />

182


1. La variété des pratiques de la Responsabilité sociale<br />

d’entreprises : de la pratique du don à l’adaptation des pratiques<br />

entrepreneuriales.<br />

Les entreprises peuvent contribuer de différentes façons au développement durable,<br />

en agissant d’une façon socialement responsable en tant que citoyens corporatifs. Il<br />

existe de nombreuses manières de catégoriser les actions de responsabilité sociale<br />

qu’elles peuvent mettre en place mais la distinction la plus évidente qui peut être faite<br />

est celle entre la pratique de la donation et l’adaptation des pratiques managériales.<br />

La donation se réfère à une approche philanthropique, où les entreprises font des<br />

dons, financiers ou non à des bonnes causes, qu’elles ponctionnent sur leurs profits<br />

non taxés.<br />

L’adaptation des pratiques managériales signifie changer un ou plusieurs<br />

éléments dans la gestion opérationnelle afin que l’entreprise soit toujours gérée de<br />

façon efficace, mais d’une façon qui permette d’améliorer les impacts économiques,<br />

sociaux et environnementaux de son activité sur l’environnement local.<br />

Ces deux pratiques peuvent être effectuées de façon à optimiser les bénéfices sociaux<br />

tout en continuant à opérer de façon rentable (sans faire de bénéfices économiques<br />

mais sans pertes). Il s’avère utile d’analyser les avantages et inconvénients des deux<br />

types de pratique, dans l’optique du développement local et de l’empowerment des<br />

communautés locales.<br />

L’approche philanthropique de la donation<br />

L’approche philanthropique (dons) possède différents avantages pour l’entreprise :<br />

les dons sont faciles à administrer et n’interférent pas dans la pratique de leurs<br />

opérations quotidiennes. Ils possèdent également une forte visibilité au sein de<br />

l’opinion publique.<br />

Au niveau des récepteurs de ce don, l’avantage est que la communauté locale peut<br />

bénéficier d’une forte injection de fonds, qu’elle n’aurait jamais pu regrouper seule et<br />

qu’elle peut utiliser pour répondre aux besoins collectifs identifiés. Même les plus<br />

183<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


pauvres, qui n’auraient pas pu participer à l’activité touristique, peuvent donc profiter<br />

indirectement des bénéfices de cette activité.<br />

Il existe cependant plusieurs types de dons qu’une entreprise de tourisme puisse<br />

faire, il est intéressant d’analyser à qui elle donne et où.<br />

Elle peut donner directement ou indirectement en faveur de la communauté locale ou<br />

bien à une œuvre sociale et charitable autre (ex de don à Slow Food). Dans ce dernier<br />

cas, l’intérêt est nul et la philanthropie semble plus une façon de se donner bonne<br />

conscience que de tenter de rééquilibrer les impacts jugés négatifs du tourisme sur les<br />

communautés locales.<br />

Les dons en faveur des communautés locales peuvent se réaliser de façon<br />

directe à un fonds communautaire géré par la communauté même ou à une ONG<br />

locale ou internationale qui travaille avec cette communauté. La première modalité<br />

est intéressante puisque ce sont les membres de la communauté, qui de façon<br />

autonome, évalueront leurs besoins et tenteront de changer leurs propres conditions<br />

de vie (forte logique d’empowerment). Cependant, si la communauté est très<br />

marginalisée, elle aura du mal à mettre en place des projets efficaces et il est possible<br />

que, par manque de gestion transparente, certains membres s’accaparent partie de<br />

ces fonds. Le financement de fonds communautaires est donc une option très<br />

intéressante mais seulement pour les communautés déjà organisées et empowered.<br />

Au cas contraire, l’intervention d’une ONG pourrait s’avérer indispensable.<br />

Le principe de la donation est un principe qui a été incorporé notamment par TUI,<br />

surtout dans un objectif de protection environnementale. Après une période d’essai,<br />

ce principe a été institutionnalisé dans le sens où un pourcentage du prix du package<br />

est automatiquement reversé à certaines destinations (projet de protection des<br />

tortues en Turquie par exemple). Cependant, comme à peine spécifié, ces dons ne<br />

sont pas dirigés aux communautés locales mais à des projets de protection de<br />

l’environnement (conception du tourisme durable dans sa version réduite, c’est-àdire<br />

importance donnée à la seule durabilité environnementale).<br />

Les dons peuvent être interprétés comme une façon de maintenir la paix sociale, de<br />

rendre contentes les communautés pour qu’elles continuent à coopérer et à recevoir<br />

des touristes.<br />

184


L’approche alternative : l’adaptation des pratiques managériales<br />

L’avantage de l’approche alternative, l’adaptation des pratiques managériales, réside<br />

dans le potentiel effet d’échelle. Etant donné le volume de touristes et de capitaux que<br />

les entreprises gèrent, un petit changement visant à impliquer la population locale<br />

dans la prestation de services touristiques, peut avoir un impact économique énorme<br />

au niveau local.<br />

Le second avantage est qu’à travers l’augmentation des linkages, il est possible que se<br />

mette en place un effet multiplicateur, grâce au développement de secteurs annexes<br />

au tourisme (agriculture, artisanat), favorable au développement de l’économie<br />

locale.<br />

Pour établir des business linkages au sein de la communauté locale, le TO peut :<br />

- Se fournir en matériaux de construction auprès d’entreprises locales<br />

- S’approvisionner auprès de marchands locaux (nourriture, objets,…)<br />

- Utiliser des opérateurs touristiques locaux (opérateur, logement, restauration)<br />

- Présenter les activités culturelles de la zone<br />

- Proposer des projets communautaires<br />

- Faciliter le transfert de connaissances et de compétences<br />

L’approche alternative peut fournir de fortes opportunités d’empowerment collectif,<br />

en permettant une bonne répartition des bénéfices au sein de la communauté. En<br />

préférant loger ses clients dans un hôtel communautaire plutôt que dans un hôtel<br />

international, l’entreprise favorise tous les membres de la communauté (même les<br />

plus pauvres) car partie des bénéfices vont financer des projets communautaires. En<br />

contractant les services d’entreprise communautaire, l’entreprise favorisera<br />

indirectement l’ensemble de la communauté.<br />

Nous suggérons que l’adaptation des pratiques managériales possède de meilleurs<br />

impacts sur le long terme pour favoriser le développement et l’empowerment des<br />

communautés du Sud. Il est nécessaire de sortir de la philanthropie si l’on souhaite<br />

remettre en cause les injustices du système touristique mondial.<br />

185<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Analyse comparée des deux approches<br />

Tableau 13: Avantages et inconvénients des deux approches<br />

Avantages<br />

Inconvénients<br />

186<br />

Donation Adaptation des pratiques<br />

managériales<br />

Développement :<br />

- Peut permettre de répondre<br />

aux besoins de la communauté<br />

- Injection de sommes<br />

importantes dans la<br />

communauté<br />

Commercial :<br />

N’interfère pas dans la gestion<br />

commerciale<br />

- peuvent être déduits de la<br />

fiscalité<br />

- bonne visibilité au sein de<br />

l’opinion publique<br />

Développement<br />

- Projets qui échouent ou qui se<br />

révèlent inutiles<br />

- Gestion non transparente des<br />

fonds au sein de la<br />

communauté<br />

- Crée de la dépendance, et est<br />

issu d’une logique paternaliste<br />

Développement :<br />

- Sur le long terme, fort impact sur<br />

l’économie locale, grâce<br />

notamment à un effet<br />

multiplicateur<br />

- Permet un réel empowerment et<br />

de rééquilibrer le système<br />

touristique, actuellement en<br />

défaveur des communautés<br />

locales du Sud<br />

Commercial :<br />

-Favorise le développement du<br />

produit et création de produits<br />

complémentaires<br />

- Développement d’une image de<br />

marque<br />

- Peut à certaines conditions<br />

permettre une diminution des<br />

coûts (si élimination de<br />

l’intermédiaire pour contracter<br />

directement le prestataire local)<br />

Développement :<br />

- Les impacts sont difficiles à<br />

évaluer et cela nécessite du temps<br />

- Les bénéfices peuvent être<br />

inégalement distribués entre les<br />

membres de la communauté. Les<br />

membres les plus pauvres ne<br />

pourront être embauchés dans le<br />

secteur touristique


Source : Elaboration propre<br />

- Le développement de la<br />

communauté n’entre pas dans<br />

la compétence spécifique des<br />

entreprises. Elles ne pourront<br />

donc pas les appuyer dans ce<br />

processus<br />

Commercial :<br />

- Requiert des changements dans<br />

le mode d’opérer de l’entreprise<br />

(temps, difficultés)<br />

- Problème de confiance envers les<br />

prestataires locaux<br />

« Beyond Corporate Social Responsibility and the role of the private sector in<br />

development: there is growing recognition that businesses need to move beyond<br />

philanthropy and a narrow interpretation of ‘corporate social responsibility’ (CSR)<br />

to an approach to doing business that enhances development impact by drawing on<br />

their core competencies » (Ashley C et Hayson G, 2005).<br />

Le fait qu’une entreprise touristique fasse des donations, pourrait lui permettre d’être<br />

classifié dans la catégorie d’opérateurs de tourisme solidaire. La seconde option, qui<br />

remet en cause la façon d’opérer, pourrait être plus facilement reconnue comme<br />

faisant partie du tourisme équitable.<br />

La Responsabilité Sociale d’entreprise : une pratique encore peu<br />

développée chez les TO<br />

Les évaluations de la Responsabilité sociale d’entreprise (RSE) ou Corporate Social<br />

Responsibility semblent demeurer des outils très peu utilisés et peu efficaces.<br />

« Tourism as an industrial sector has been slow to embrace the ideal of CSR<br />

reporting ».<br />

Alors que le PNUD a investi des sommes considérables pour construire des lignes<br />

directrices en termes d’évaluation de la RSE dans l’industrie touristique à travers<br />

l’initiative Global Reporting Initiative (GRI), appuyé par la Responsible Tour<br />

Operator's Initiative, il semble que très peu d’entreprises touristiques aient utilisé ce<br />

187<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


système d’évaluation pour mesurer leurs performances économiques, sociales et<br />

environnementales. 13<br />

La GRI a pourtant crée un supplément sectoriel pour mesurer la durabilité des<br />

pratiques des TO. Les indicateurs, regroupés en cinq catégories sont les suivants :<br />

gestion et développement du produit, gestion interne, supply chain management,<br />

relations avec la clientèle et coopération avec la destination.<br />

« The tourism industry has not “joined the fold” with respect to these reporting<br />

systems. While UNEP and CI worked substantially to create CSR reporting<br />

guidelines via the Responsible Tour Operator's Initiative (…), to date these<br />

guidelines have not been used for any known tourism industry reporting project<br />

(…) » (Bloom T, In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005) 14<br />

2. Commercialisation du tourisme communautaire par des TO<br />

classique<br />

Réticences et difficultés rencontrées par les TO classiques dans la<br />

commercialisation des produits de tourisme communautaire.<br />

Les réticences et difficultés identifiées sont les suivantes :<br />

- Les taux de marge sont beaucoup plus bas que dans le tourisme classique (en<br />

ne les baissant pas, il est très difficile d’être compétitif).<br />

- Manque de qualité des services proposés.<br />

- Manque de confiance dans les opérateurs locaux qui ne seraient pas fiables<br />

quant à la prestation des services touristiques.<br />

- Initiatives de tourisme communautaire souvent perçues comme non durables<br />

(la durabilité est un critère important pour convaincre une entreprise de<br />

s’investir dans la promotion et la vente d’un produit puisqu’au départ elle<br />

opère souvent quasiment à perte). Ce manque de durabilité pourrait être dû à<br />

la corruption, au manque de personnes compétentes, au turn-over ou au<br />

retrait trop précoce du soutien d’agences de développement.<br />

13<br />

http://www.globalreporting.org/AboutGRI/WhatWeDo/. Sourced’informations provenant du personnel de la<br />

GRI.<br />

14 http://www.toinitiative.org/reporting/documents/TourOperatorsSupplementNovember2002.pdf<br />

188


- Ce type d’alliances demande du temps.<br />

- Difficulté pour faire les réservations (problème de communication dans les<br />

communautés locales).<br />

- Intérêt variable du public pour le tourisme communautaire. Ce n’est pas un<br />

argument marketing (l’écotourisme quant à lui est devenu un réel segment du<br />

marché et n’est plus seulement une niche).<br />

- La minimisation du prix est un objectif prioritaire dans un environnement<br />

aussi concurrentiel.<br />

- Eviter le risque est une priorité surtout avec l’augmentation des démarches<br />

judiciaires des clients.<br />

- Lorsque les TO possèdent leur propres fournisseurs dans le pays de<br />

destination, ils auront peu d’intérêt à utiliser des fournisseurs locaux (par<br />

exemple lorsqu’un TO possède des chaînes d’hôtels).<br />

- Les TO ont besoin d’avoir un produit standardisé, connu, sur lequel il n’y a<br />

pas de risques et la confiance est déjà gagnée. « Mostly, what is sold is well<br />

known, and has been for a couple of years. That 5-day, 4-night stay at a<br />

resort in Portugal may not be the most exciting thing, but they know it works<br />

and won't let them down? » (Hilel O, In Ecotourism Emerging Industry<br />

Forum, 2005)<br />

Meyer (2003) arrête son analyse sur deux raisons principales qui expliqueraient la<br />

réticence des TO du tourisme de masse à commercialiser des initiatives de tourisme<br />

communautaire.<br />

1. Environnement très compétitif, très sensible à la variable prix.<br />

Les grands TO classiques soutiennent que l’environnement dans lequel ils opèrent est<br />

tellement compétitif qu’en augmentant les prix pour des raisons non essentielles<br />

(payer plus justement et faire participer la population locale), ils perdraient leur<br />

avantage comparatif et leur clientèle. Ces opérateurs du tourisme de masse<br />

demandent des produits basics et peu chers ; ils ne sont pas intéressés par la<br />

différenciation et par la qualité.<br />

189<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


2. Directive touristique de l’UE sur la protection du consommateur<br />

Une directive de l’UE de 1992, visant la protection des intérêts du consommateur<br />

rend responsable le TO de tous les éléments du package qu’il vend. Plutôt que d’avoir<br />

à faire à une multitude de petits prestataires locaux, dans lesquels le TO n’a pas<br />

forcément confiance, il préférera se simplifier la vie en contractant un seul<br />

intermédiaire (une agence réceptive nationale reconnu et de confiance). En effet, la<br />

faible confiance du TO envers l’entreprise communautaire est le problème clef. Le<br />

thème de la qualité est également un élément intimidateur qui limite la volonté des<br />

TO à mettre en œuvre des business linkage. De plus de plus de touristes poursuivent<br />

légalement des TO lorsqu’ils ne sont pas satisfaits ; ces derniers hésitent donc de plus<br />

en plus à prendre des risques en travaillant avec des communautés locales.<br />

Un intérêt encore faible des TO classiques envers le tourisme<br />

communautaire<br />

Certains facteurs peuvent encourager de gros TO à commercialiser des initiatives de<br />

tourisme communautaire (ils restent cependant peu nombreux et convaincants) :<br />

1) Si cela leur permet de réduire leurs coûts, il est probable qu’ils intègrent<br />

certains produits de tourisme communautaire dans leurs packages.<br />

2) Amélioration et diversification du produit. Même si les gros TO sont plus<br />

guidés par la nécessité de réduire les coûts que par celle de fournir un produit<br />

de qualité et diversifié, la compétition est si forte que proposer une expérience<br />

différente peut représenter un avantage comparatif.<br />

3) Responsabilité sociale d’entreprise. Se procurer une bonne image de marque<br />

face au public.<br />

4) Initiatives industrielles encourageant la mise en place de pratiques en faveur<br />

d’un tourisme plus durable (TOI et STI).<br />

La « International Tour Operator Initiative » (TOI) et la « Sustainable tourism<br />

initiative » anglaise (STI), les deux plus grandes initiatives de tourisme durable<br />

impliquant de grands TO se sont focalisées sur la chaîne de valeurs et sur l’adaptation<br />

190


de leurs pratiques managériales. Ces initiatives n’en sont cependant qu’à leurs débuts<br />

et voient peu d’applications pratiques.<br />

Encadré 3 : Présentation de TOI et STI<br />

La Tour Operator Initiative (TOI) est un groupe international travaillant en<br />

partenariat avec le PNUE, l’UNESCO et l’OMT (WTO/OMT), basé à Paris. Il regroupe<br />

des grands TO internationaux tels que First Choice, Airtours, et vise à introduire des<br />

considérations environnementales, culturelles et sociales dans la gestion du tourisme<br />

en vue de la durabilité. Un manuel intégrant les aspects socioculturels de la durabilité<br />

a été rédigé, favorisant notamment la valorisation des fournisseurs et des petites<br />

entreprises.<br />

La Sustainable Tourism Initiative (STI) est un partenariat entre quarante<br />

organisations anglaises concernées par le tourisme : TO, associations industrielles,<br />

ONG, monde académique et gouvernement. Le Bureau du Commonwealth a mis à<br />

disposition un fonds de £150,000 pour sa création en 2001. Son objectif est de<br />

développer les pratiques du tourisme durable au sein de l’industrie touristique, la<br />

sensibilisation des touristes et des actions conjointes dans les destinations.<br />

Certains TO ont adhéré à des chartes sur le tourisme responsable. Il existe cependant<br />

un décalage entre l’adhésion à une charte et son application sur le terrain. Plus de la<br />

moitié des Tour Opérateurs adoptant une charte ne mentionnent aucune action<br />

menée sur le terrain. A l’opposé, certains TO organisent des actions alors même qu’ils<br />

n’ont signé aucune charte éthique (entreprise partenariale avec des communautés<br />

autochtones, contribution aux espaces protégés…).<br />

Les TO de masse sont donc assez peu susceptibles de commercialiser du tourisme<br />

communautaire. Pour réussir à intégrer le tourisme communautaire sur le marché du<br />

tourisme mondial, la stratégie à adopter est donc de cibler les TO spécialisés sur des<br />

segments de marché particulier tel que le tourisme d’aventure ou le tourisme culturel.<br />

Ces derniers sont plus concentrés sur la recherche de différenciation et de qualité que<br />

sur la baisse des coûts. En France, on pourrait citer comme exemple les TO membres<br />

de l’ATR qui ont intégré la notion de responsabilité dans leur opération.<br />

191<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


La pénétration du tourisme communautaire sur le marché touristique classique est<br />

un pari loin d’être aisé et les problématiques émergeant sur le parcours, complexes. Si<br />

l’on souhaite cependant tenter de faire évoluer ce mastodonte qu’est l’industrie<br />

touristique, ce pari se doit d’être relevé.<br />

192


3. LE TOURISME COMME INSTRUMENT<br />

D’EMPOWERMENT POLITIQUE DANS UN<br />

MONDE GLOBALISE<br />

De l’empowerment au changement social<br />

Friedmann a mis en exergue que l’empowerment économique ne garantit pas<br />

l’empowerment social et politique (Friedmann, 1992) et que très souvent les<br />

bénéfices économique du tourisme communautaire sont accaparés par certaines<br />

fractions de la communauté, celles qui sont le moins nécessiteuses. Pour faire face à<br />

cette inégalité, il était de majeure importance de s’attacher au concept<br />

d’empowerment social, dans le sens d’une large et équitable participation. C’est ce<br />

que nous avons fait dans notre deuxième partie.<br />

Le concept d’empowerment sur lequel nous avons centré notre réflexion au long de<br />

notre analyse représente un élément clé pour assurer que les projets de tourisme<br />

communautaire puissent déboucher sur du développement local autogéré et non sur<br />

des épisodes productifs isolés, permis grâce à des interventions assistentialiste, dont<br />

la durabilité peut être mise à rude épreuve. Jusqu’à ce stade de l’analyse, nous avons<br />

pourtant laissé de côté (ou traité de façon seulement transversale) l’étude d’un thème<br />

majeur : celui de l’empowerment politique. En quoi le tourisme peut-il être facteur de<br />

changement social ?<br />

En effet, lorsque l’on s’interroge sur la thématique de l’empowerment, il est<br />

nécessaire d’aller plus loin dans la réflexion. Certains auteurs ont par exemple lié leur<br />

analyse de l’empowerment à la thématique du changement social et du mouvement<br />

social.<br />

Paulo Freire est le théoricien qui a développé le plus d’idées autour du terme<br />

d’empowerment, grâce à son travail sur l’éducation (Freire P, 1970). Il conçoit<br />

l’empowerment comme un processus visant au changement social sur une grande<br />

échelle, non seulement changeant la position de la personne dans la structure de la<br />

société mais modifiant la structure en elle-même. Grâce à un processus d’éducation<br />

193<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


asé sur la recherche de solutions et le dialogue entre pairs (Triantafillou et Nielsen,<br />

2001), plus que sur un simple transfert de connaissances, les oppressés prendraient<br />

graduellement conscience de leur propre situation et des forces qui les oppressent. Ce<br />

processus dénommé conscientisation leur donnerait la force et la capacité de s’unir<br />

avec des autres dans une même situation pour forcer la société à changer dans son<br />

entier.<br />

Certaines formes de tourisme peuvent permettre aux communautés locales de<br />

renforcer leur « pouvoir politique » et de se créer de nouveaux réseaux de soutien.<br />

Dans le cadre d’une réflexion sur l’empowerment, ce tourisme peut contribuer à la<br />

conscientisation décrite par Freire.<br />

La composante politique sur laquelle nous concentrerons notre troisième partie est<br />

essentielle dans une réflexion sur le post-développement :<br />

“Alternative development doesn’t deny the need for economic growth but includes a<br />

political element (inclusive democracy) as one of its principle ends of<br />

action.”(Friedmann, 1992 p. 34)<br />

3.1 Réflexions introductives autour des théories sur le<br />

développement et la coopération internationale<br />

Afin d’analyser la pertinence du tourisme comme instrument de coopération<br />

internationale, favorable à un changement social global et à l’empowerment politique<br />

des communautés locales, il est nécessaire d’inscrire notre analyse dans une réflexion<br />

plus importante sur le développement alternatif et les théories du postdéveloppement.<br />

Depuis quelques décennies, le concept de développement est de plus en plus remis en<br />

question. En effet, comme le souligne Sachs (Sachs, 1993), après plus de cinquante<br />

ans de coopération internationale, la mise en place de projets de développement<br />

visant à réduire les inégalités de par le monde et permettre aux sociétés pauvres<br />

d’atteindre des standards de vie similaires à ceux des pays occidentaux, se révèle être<br />

un échec. Les résultats escomptés ont été loin d’être atteints et la désillusion des pays<br />

en développement est grande.<br />

194


Afin de comprendre en quoi le tourisme peut représenter un instrument efficace de<br />

coopération aujourd’hui, il est nécessaire d’apporter un cadrage théorique à notre<br />

réflexion. Présenter l’évolution des théories sur le développement et les critiques<br />

actuelles de la coopération au développement nous paraît essentiel.<br />

3.1.1. Un bref historique des théories de développement<br />

Le concept de développement a été popularisé par le Président Truman en 1949 pour<br />

matérialiser la division du monde entre deux blocs (Esteva et Prakash, 1998) : les<br />

pays développés et les pays sous-développés. Les seconds auraient besoin d’aide pour<br />

rattraper leur retard et atteindre la prospérité grâce à la croissance économique. Le<br />

développement était donc conçu comme un processus linéaire où l’Etat avait un rôle<br />

central à jouer.<br />

Dans les années 70, l’émergence de la théorie de la modernisation a préconisé la<br />

nécessité d’un effacement de l’Etat au profit du marché. Les nouvelles politiques<br />

néolibérales mises en place ont matérialisé cette perte de pouvoir de l’Etat. Les<br />

politiques de développement dans les pays du tiers-Monde ont donc intégré cette<br />

nouvelle stratégie avec la mise en place de politiques d’ajustement structurelles par le<br />

FMI et la banque mondiale visant à libéraliser les économies de ces pays.<br />

« The economy dominates (…) man and the environment are at the service of the<br />

economy » (De Kadt, 1990, p.21)<br />

Le paradigme néolibéral/théorie de la modernisation a donc pris le dessus à la fin de<br />

la Guerre froide avec un constant recul du rôle de l’Etat, l’accroissement des<br />

inégalités non seulement au niveau global mais au sein des pays développés<br />

(diminution de la classe moyenne), l’augmentation des dégâts environnementaux,<br />

l’augmentation des problèmes politiques (terrorisme)… Seuls certains pays<br />

Européens ont réussi à mitiger les effets négatifs et inégalitaires d’un capitalisme<br />

incontrôlé par la mise en place d’un Etat Social fort, mais dont la structure s’étiole<br />

peu à peu en ce début de XXIème siècle. Les années 80 furent ainsi dénommées par<br />

Esteva et Prakasch comme la décennie perdue du développement (Esteva et Prakash,<br />

1998).<br />

195<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


En opposition à la théorie de la modernisation (modèle évolutionnaire versus modèle<br />

révolutionnaire), s’est développée dans les années 70, la théorie de la dépendance.<br />

Etant donné l’existence de relations de dépendance et d’oppression entre les pays<br />

développés et sous-développés, cette théorie conseillait aux PED de favoriser une<br />

industrialisation interne (substitut à l’importation) comme stratégie de<br />

développement. L’application de politiques d’autosuffisance s’est pourtant révélée<br />

être un échec (Lehman, 1997) et a engendré l’augmentation de la dette interne desdits<br />

pays.<br />

Une nouvelle théorie a donc émergée plus tard dans les années 80 : la théorie du<br />

système mondial. Cette école de pensée, dirigée par des auteurs tels que Wallerstein<br />

soutient que la globalisation n’est pas un phénomène nouveau puisqu’il existe un<br />

système mondial depuis des siècles. La nouveauté réside dans le fait que la<br />

globalisation est désormais basée sur une économie globale plutôt que sur un système<br />

politique global, rendant donc ce système beaucoup plus stable (Chirot et Hall, 1982<br />

et Hettne, 1990). Cette école divise le monde entre noyau, semi-périphérie et<br />

périphérie. Le noyau exploiterait les surplus de la périphérie pour nourrir son<br />

expansion (permanence du concept de dépendance). Cette théorie reprend de<br />

nombreux concepts marxistes : le système global crée une forte division de classes<br />

avec la persistance d’un prolétariat vivant dans les zones périphériques.<br />

Dans cette perspective, il y a peu d’espoir que les pays en développement arrivent à se<br />

sortir de leur situation, sans remettre en cause tout le système global, par exemple<br />

par la mise en place d’un gouvernement socialiste mondial (Hettne, 1990). Cette<br />

théorie met en exergue les relations d’interdépendance entre tous les pays et<br />

l’impossibilité de trouver une solution isolée.<br />

Vers de nouvelles théories : développement alternatif et postdéveloppement<br />

Dans les années 80, une nouvelle préoccupation est apparue sur l’échiquier<br />

international : celle de l’écologie. Peu à peu, on s’est rendu compte que les ressources<br />

naturelles ne sont pas illimitées, que les problèmes environnementaux se multiplient<br />

(manque d’eau, baisse des réserves de pétrole, réchauffement climatique,<br />

catastrophes naturelles plus fréquentes) et que cela pourrait remettre en cause à<br />

terme les fondements de notre mode de développement.<br />

196


Toujours dans une optique de recherche d’alternative et non de remise en question, a<br />

émergé sur la scène mondiale le concept de développement durable. Il ne faut pas<br />

oublier que ce sont les impératifs écologiques qui ont conduit à l’émergence de ce<br />

concept. Contrairement à certains auteurs, nous postulons que la rhétorique sur<br />

l’équité et la prise en compte de thématiques sociales n’a été que secondaire et non<br />

inextricablement lié à l’émergence du concept. Le concept de développement durable,<br />

né dans une optique majoritairement environnementale, a ensuite évolué pour<br />

prendre en compte les piliers sociaux, économiques et culturels.<br />

« The concept of sustainable development derived from the realisation that<br />

development, the environment and equity were all inextricably linked » (Sofield,<br />

2003). Les stratégies de développement dans les pays du Tiers-Monde devraient donc<br />

être actuellement conduites dans l’optique d’un développement durable.<br />

Post-développement<br />

Les théories du développement alternatif ont été très critiquées par une mouvance<br />

« rouge » radicale, ne réussissant pas à prendre en compte les causes structurelles et<br />

écologiques du sous-développement et de par la naïveté des actions politiques<br />

recommandées afin d’apporter une solution aux problèmes du système (Pepper 1987<br />

cité dans De Kadt, 1992). Nourri par le courant postmoderniste, une nouvelle école de<br />

pensée qui rejette le concept de développement est né : le post-développement. Elle<br />

est représentée par des auteurs tels qu’Esteva, Escobar, Leys, Sachs. Le diagnostic est<br />

le suivant : dans un monde globalisé dominé par le néolibéralisme, les pays ne sont<br />

plus capables de contrôler leur développement à l’intérieur de leurs frontières.<br />

Les théories du post-développement donnent un rôle prépondérant aux mouvements<br />

sociaux comme facteur de changement social. En effet, ayant reconnu l’impuissance<br />

des Etats et des organisations de développement à mettre en œuvre des politiques de<br />

développement, il ne reste pas beaucoup d’options en termes de problem solving : ou<br />

est proclamé l’impossibilité de réformer le système ou peut être mis l’accent sur<br />

l’importance d’un développement endogène, porté par des mouvements sociaux<br />

(Esteva et Prakash, 1998).<br />

197<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


3.1.2. Repenser la coopération internationale dans un contexte<br />

de post-développement et d’émergence des mouvements<br />

sociaux<br />

Critiques de la coopération internationale<br />

Certains aspects critiques de la coopération internationale ont été mis à jour par les<br />

théoriciens du développement alternatif :<br />

- le manque de participation de la population locale (Pieterse, 2000). Les<br />

populations locales seraient globalement considérées comme objets des<br />

politiques de développement et non sujets, qui devraient appliquer des idées et<br />

des méthodes de coopérants et experts des pays du Nord. Les théories du<br />

développement alternatif ont donc préconisé l’utilisation de méthodologies<br />

ascendantes et non descendantes, de nouvelles formes de participation.<br />

- le manque de participation des femmes dans les projets de développement. De<br />

nombreuses approches sur la parité des genres ont émergés pour inclure les<br />

femmes (Koczbersky, 1998).<br />

- L’utilisation de solutions des pays du Nord pour traiter des problèmes des PED<br />

par le transfert de technologies industrielles modernes s’est révélé un désastre<br />

dans bien des cas (Ghosh, 1984). L’utilisation de technologies appropriées a<br />

donc été proposée pour assurer une durabilité de l’action, une fois l’aide<br />

extérieure arrivée à son terme.<br />

Ces critiques se trouvent être au cœur du thème abordé puisque, comme il sera<br />

développé par la suite, les projets de développement en tourisme se sont intéressés à<br />

ces problématiques et intègrent comme méthodologie clef :<br />

- une démarche participative<br />

- l’intégration des femmes dans les projets en tourisme (qui sont souvent les<br />

premières bénéficiaires)<br />

- la thématique de l’empowerment<br />

- la prise en compte d’une nécessité de développement durable (concept de<br />

tourisme durable)<br />

198


Selon Nyamugasira (1998), les ONG du Nord se concentreraient désormais plus sur la<br />

recherche de l’empowerment et de la mise en réseau, alors que les ONG du Sud se<br />

focaliseraient sur la mise en place des programmes au jour le jour (très utopique).<br />

Dans la pratique de la coopération, cette collaboration idéale ne reste souvent qu’un<br />

écrit sur le papier. Les ONG du Nord peinent toujours à mettre en place des<br />

politiques permettant de sortir les populations locales de l’assistentialisme auxquelles<br />

elles se sont habituées et la recherche de l’empowerment reste bien souvent lointaine.<br />

Quant aux ONG du Sud, elles collaborent avec des ONG du Nord dans des projets de<br />

développement plus souvent pour obtenir des financements (aptes à financer ses<br />

propres activités en cours) plus que pour leur implication éthique, morale et<br />

technique dans la réalisation de projets, dans lesquels elles n’ont souvent pas été<br />

impliquées dans la planification.<br />

Rôle des mouvements sociaux<br />

Le rôle des mouvements sociaux a été complètement occulté dans la plupart des<br />

théories sur le développement (Korten in Welton, 2006). Giddens en revanche<br />

apporte quelques éclaircissements sur le sujet en analysant le rôle des mouvements<br />

sociaux au sein de la globalisation et donc du développement. Il estime que ces<br />

derniers peuvent recouvrir un rôle central au sein d’un monde globalisé, en<br />

combattant les impacts négatifs de la globalisation (en proposant un nouveau modèle<br />

de développement globalisé non basé sur le néo-libéralisme) et en faisant du lobbying<br />

en faveur d’une plus grande démocratie. Les mouvements sociaux seraient donc aptes<br />

à soutenir sur le long terme les processus de post-développement.<br />

Les nouveaux mouvements sociaux se caractérisent par (Esteva et Prakash, 1998):<br />

- Une méfiance envers les leaders et la centralisation des directions politiques<br />

- Permettent la participation de différentes idéologies et classes<br />

- Cherchent à éviter de mener ou contrôler les forces sociales qu’ils activent<br />

- Ont des structures organisationnelles flexibles<br />

- Préfèrent se focaliser sur des campagnes spécifiques.<br />

Pour Esteva et Prakash, le meilleur niveau d’action est le local. Ils reconnaissent<br />

cependant le rôle du global puisque les mouvements de résistance locaux ont besoin<br />

199<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


de “create a critical mass of political opposition capable of stopping those forces”<br />

(Esteva et Prakash, 1997, p.281).<br />

Typologie d’ONG et stratégies de développement favorisées<br />

Korten (1990) identifie 4 types différents d’ONG caractérisées par des stratégies<br />

propres.<br />

Les ONG de première génération cherchent à compléter les besoins immédiats des<br />

personnes, cherchant peu à agir sur les causes de la pauvreté mais seulement sur les<br />

symptômes.<br />

Les ONG de seconde génération gèrent les problèmes au niveau local, identifiant les<br />

causes de la pauvreté dans l’inertie des populations locales. Le rôle de l’ONG est donc<br />

d’aider et de former les personnes pour qu’elles puissent se sortir de la pauvreté. Une<br />

fois formée, la population serait capable de se débrouiller seule, après le retrait de<br />

l’aide.<br />

La troisième génération d’ONG reconnaît l’influence des structures de pouvoir locales<br />

sur la capacité des gens à améliorer leur propre situation.<br />

La quatrième génération d’ONG travaille au niveau macro puisqu’elle a réalisé que les<br />

inégalités au niveau international ont un fort impact sur les problèmes au niveau<br />

local. Sans pouvoir agir directement sur les politiques au niveau international, elles<br />

soutiennent que les stratégies au niveau local, répliquées de nombreuses fois, peuvent<br />

avoir un effet à large spectre même si ces stratégies courent toujours le risque d’être<br />

annihilées par des forces internationales. Les stratégies de ces ONG<br />

correspondraient à des stratégies du développement alternatif (Korten, 1990 p. 123)<br />

basées sur l’action des mouvements sociaux. Le rôle de ces ONG ne serait pas de<br />

contribuer financièrement à ces mouvements sociaux mais de jouer le rôle d’activiste<br />

ou d’éducateur. Leur rôle devrait être celui de « energise a critical mass of<br />

independent, decentralised initiative in support of a social vision» (Korten, 1990<br />

p.127).<br />

200


Petras (2003), quant à lui, a proposé de classifier les ONG selon une autre typologie<br />

basée sur la provenance de leurs financements, qui influencerait le type de politiques<br />

de développement qu’elles seraient capables de mettre en place. Les ONG financées<br />

par la banque mondiale ou USAID seraient des promotrices du néolibéralisme<br />

(Petras, 2003 p. 141). Les ONG réformistes essayant de corriger les excès du libre<br />

marché, dépendant de financements nationaux, mettraient en place des stratégies<br />

issues du développement alternatif. La troisième catégorie d’ONG, les radicales,<br />

s’aligneraient aux mouvements de masse populaires plutôt qu’aux institutions<br />

globales et seraient les mieux placées pour mettre en place des stratégies de postdéveloppement.<br />

Le problème est que les ONG radicales sont celles qui n’arrivent pas<br />

à capter de financements parce qu’elles ne sont pas parfaitement dans le moule du<br />

système. Par manque de fonds, se réduit leur rôle potentiel de transformation sociale.<br />

Utilisation politique des réseaux transnationaux<br />

Les réseaux ont le pouvoir de fonctionner comme des entités économiques et des<br />

communautés de personnes, opérant au bénéfice des membres appartenant et<br />

circulant dans ce réseau et partageant les mêmes objectifs et la même culture de<br />

réseau (Capra, 2004).<br />

Plus les réseaux se développent, plus ils ont la capacité de lier des personnes et des<br />

communautés entre elles, qui dans d’autres circonstances n’auraient pas eu<br />

l’opportunité de prendre contact à cause de leurs différences d’origine sociale,<br />

culturelle, éducationnelle et financière (Lowe, 2005). Le fait que la réunion de ces<br />

différentes personnes se réalise de façon tout à fait volontaire est la preuve d’une<br />

volonté commune d’atteindre certains objectifs, de permettre de nouvelles prises de<br />

conscience, de coopérer, d’échanger des informations.<br />

Grâce à la constitution de réseaux, les peuples indigènes ont pu commencer à<br />

communiquer et interagir au niveau global, au même titre que d’autres minorités<br />

ethniques ou groupes d’intérêts qui ont trouvé dans l’arène global un espace d’action.<br />

A travers la constitution d’un réseau transnational, ces groupes peuvent unir leurs<br />

forces pour revendiquer des droits politiques et sociaux, chercher des soutiens<br />

201<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


financiers, notamment en s’appuyant sur des réseaux d’organismes internationaux<br />

dédiés à la préservation des droits des minorités,… Il existe en effet de nombreuses<br />

ONG qui maintiennent des réseaux de contact uniquement dans la sphère globale et<br />

ignorent complètement la sphère des Etats Nations : cela leur permet de faire le pont<br />

entre le global et le local, en outrepassant le niveau national.<br />

3.2. Les liens entre tourisme et politique<br />

Les perspectives critiques d’économie politique ont été ignorées dans la recherche<br />

contemporaine en tourisme à l’exception notable de Hall, (1990, 1994, 2001) Urry<br />

(1990a), Matthews (1978) Richter (1983a, 1983b, 1989) et de contributions plus<br />

nouvelles telles que celles de Wrelton (2006). Jusqu’à présent, aucun ouvrage de<br />

géopolitique ne s’est vraiment intéressé à la question touristique. Bien que le<br />

tourisme fasse partie du champ de toutes les sciences humaines et sociales, il est<br />

enfermé soit dans des considérations économiques générales, soit dans une approche<br />

anthropologique.<br />

“Tourism has been rarly studied in terms of its political importance” (Matthews et<br />

Richter, 1991, p.122). En 1975, Matthews se lamentait du fait que la littérature en<br />

tourisme manquait fortement de recherche en politique. En 1998, c’est au tour de<br />

Hall, le plus gros théoricien dans le domaine, de répéter que les aspects politiques du<br />

tourisme sont très rarement abordés dans la littérature. Plus de dix ans après, nous<br />

pouvons malheureusement refaire le même constat : la rareté de la recherche<br />

académique sur les thématiques politiques est déconcertante. Cette troisième partie<br />

de la thèse s’attardera donc à étudier comment le tourisme peut être utilisé non<br />

seulement à des fins économiques mais également à des fins politiques par les<br />

communautés locales.<br />

202<br />

L’examen des relations entre tourisme et politique peut être analysé à des<br />

différents niveaux : international, national, régional, local et individuel. L’étude de<br />

la politique est étroitement corrélée à l’étude du pouvoir. « Politics is about<br />

power, who gets what, where, how and why » (Lasswell, 1936 cité dans Hall,<br />

1998, p.2).


Pouvoir et tourisme<br />

Les relations de pouvoir jouent un rôle crucial au sein du tourisme. Etudier la<br />

dynamique de ces relations de pouvoir est central pour déterminer si le tourisme peut<br />

réellement permettre l’empowerment des communautés locales. Les relations de<br />

pouvoir sont multiformes et fluctuantes : elles existent entre l’hôte et le touriste,<br />

entre l’Etat et les communautés locales,…<br />

De nombreux auteurs ont réduit la relation de pouvoir à une relation binaire et figée<br />

entre hôtes et touristes (Pearce, 1989 cité dans Wrelon E.). Dans les études<br />

anthropologiques sur le tourisme, le pouvoir est toujours identifié comme<br />

appartenant au seul touriste et conçu dans une relation exclusivement unilatérale.<br />

Ces analyses ont été contestées à la lumière de recherches qui mettent en avant le lien<br />

entre le global et le local. Certains chercheurs ont montré que les locaux ne sont pas<br />

simplement passifs lorsqu‘ils sont confrontés aux changements économiques et<br />

sociaux (Milne, 1998) : ces derniers peuvent négocier constamment et contester la<br />

direction prise par le développement dans la logique de la protection de leurs<br />

intérêts. L’incorporation d’une réflexion sur l’empowerment politique et l’activisme<br />

des locaux dans cette thèse permet de proposer une nouvelle vision contrastant<br />

l’analyse binaire présentant les locaux dominés écrasés par les touristes et l’industrie<br />

dominante.<br />

Cheong et Miller (2000) ont développé une théorie très intéressante sur les relations<br />

de pouvoir au sein du tourisme, en s’inspirant des travaux de Foucault. Le pouvoir<br />

doit être conçu plus comme une relation que comme une entité puisque le pouvoir<br />

afflue dans de nombreuses directions. Le pouvoir est omniprésent : dans tout type de<br />

situations s’imbriquent des relations de pouvoir.<br />

Les chercheurs ont tendance à concevoir le tourisme comme un système social<br />

binaire basé sur la distinction hôtes/visiteurs. Miller et Auyong (1991) ont proposé<br />

d’élargir ce modèle sociologique touristique en intégrant un troisième élément au<br />

schéma traditionnel locaux/touristes : l’intermédiaire ou le broker. Ces<br />

intermédiaires, dans le domaine du secteur privé sont représentés par les<br />

propriétaires d’hôtels, les employés, les guides, les TO, les agences de voyages. Les<br />

intermédiaires du secteur public incluent les planificateurs, les politiciens, les offices<br />

203<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


de tourisme, etc. D’autres types de brokers peuvent inclure les chercheurs, les<br />

médias, les guides touristiques, etc (Miller et Auyong, 1998).<br />

Les intermédiaires possèdent un pouvoir non négligeable au sein des relations de<br />

pouvoir à l’intérieur du système touristique puisqu’ils possèdent le pouvoir de<br />

contrôler ce que le touriste peut voir, où il va et jusqu’à son comportement. Les<br />

touristes sont donc soumis à l’influence de nombreux intermédiaires.<br />

Les tours organisés contraignent fortement les mouvements du touriste pendant leur<br />

voyage puisque tout est décidé à l’avance par l’intermédiaire, le TO. Les organisateurs<br />

qui mettent au point les circuits ou les itinéraires exercent une influence<br />

socioéconomique directe sur les populations concernées, puisqu’ils encouragent les<br />

touristes à visiter certains lieux plutôt que d’autres. Il peut leur arriver, par exemple,<br />

d’exagérer (ou de minimiser au contraire) la dangerosité de telle ou telle destination,<br />

et, ce faisant d’empêcher les contacts entre certains secteurs de la population et les<br />

visiteurs, de priver le commerce local d’une source de revenus bien nécessaire et de<br />

perpétuer l’image négative de certaines destinations. Les TO ont un contrôle exclusif<br />

sur les systèmes de réservation, la dissémination des brochures et d’autres matériels<br />

promotionnels. Les touristes dépendent complètement des guides, des employés de<br />

l’hôtel all inclusive et de toute une série d’autres intermédiaires.<br />

Dans le cas du tourisme indépendant, même si les mouvements du touriste sont<br />

théoriquement complètement libres, ceux-ci dépendront beaucoup des guides<br />

touristiques. En effet, la plupart du temps, ces derniers suivent les indications de ce<br />

guide comme une bible. Que ce soit le TO ou le guide touristique, ils présélectionnent<br />

ce qu’ils veulent ou non montrer au touriste, qui se retrouve dans une liberté de choix<br />

assez limitée.<br />

Quant à la population locale, elle est souvent présentée comme ne possédant aucun<br />

moyen de contrôle sur le tourisme, sorte de victime. Elle contribue pourtant à la<br />

formation du regard du touriste (« tourist gaze »). Elle peut choisir quoi montrer ou<br />

non au touriste, le type de patrimoine qu’elle privilégiera au détriment d’autres, etc.<br />

Comme souligné par Goffman, il existe des espaces « front and back » au sein de<br />

l’espace touristique : la communauté hôte peut décider quoi montrer et exposer au<br />

regard du visiteur (le front) et quelles manifestations intimes elle souhaite maintenir<br />

à l’écart (le back).<br />

204


3.2.1 Le tourisme comme instrument politique<br />

Le tourisme peut être considéré autant comme instrument de politique extérieure<br />

que comme activité commerciale. L’idéologie politique d’un Etat influencera<br />

fortement sa politique extérieure, y compris les politiques liées au tourisme<br />

international. Nous allons nous intéresser à la thématique de l’instrumentalisation du<br />

tourisme : peut-il être un moyen de propagande politique ou un instrument<br />

favorisant les constructions identitaires ? En effet, les anciens états socialistes<br />

assignaient au tourisme international des objectifs économiques et politiques clairs<br />

qui se différenciaient fortement des pays Occidentaux possédant une autre<br />

conception du rôle de l’Etat.<br />

Le tourisme comme instrument de politique extérieure<br />

Les autorités utilisent souvent le tourisme comme instrument de sanctions<br />

économiques ou d’embargo. C’est le cas par exemple de l’embargo économique<br />

américain à Cuba, les sanctions contre le Nord de la République de Chypre (turque).<br />

En cas de situations d’embargo, le tourisme international joue un rôle important<br />

puisqu’il est découragé au même titre que d’autres formes de commerce.<br />

Une seconde utilisation politique du tourisme s’exprime dans les avertissements aux<br />

voyageurs émis par le Ministère des affaires étrangères de chaque pays. Dans sa<br />

forme plus extrême, il peut formellement déconseiller les voyages dans certains pays.<br />

Ce genre d’avis a des répercussions énormes sur les industries touristiques des pays<br />

de destination (Timothy, 2005) et peuvent donc être utilisées comme monnaie<br />

d’échange pour obtenir certaines faveurs au niveau international.<br />

La promesse d’une augmentation du tourisme, au même titre que d’autres formes de<br />

commerce, peut être utilisée par les autorités d’un pays pour gagner le soutien d’un<br />

pays sur une question politique internationale (monnaie d’échange). Cela est évident<br />

dans les nouvelles relations touristiques entre le Chine et Taiwan ou entre les Etats-<br />

Unis et la Lybie.<br />

205<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Tourisme et promotion d’une idéologie<br />

Le tourisme peut être utilisé comme instrument de propagande auprès des visiteurs<br />

étrangers afin d’améliorer l’image du pays au sein de l’opinion publique<br />

internationale.<br />

Les ex-pays communistes d’Europe de l’Est comme les pays communistes asiatiques<br />

utilisent le tourisme principalement dans cette optique. Les endroits montrés aux<br />

touristes et les informations fournies visent à discréditer la publicité négative,<br />

présenter les vertus de l’idéologie en question et créer des mouvements d’opinion<br />

publics qui lui sont favorables dans d’autres pays. Les camps de travail à Cuba ou au<br />

Nicaragua étaient utilisés par le gouvernement pour promouvoir les valeurs<br />

socialistes parmi de jeunes militants de l’Ouest (Stock, 1977). Les efforts pour<br />

restreindre le flux de personnes aux idéologies contraires était cependant plus<br />

important que ceux réalisés pour la promotion de valeurs politiques.<br />

L’ouverture du Tibet au tourisme en 1979 n’a pas favorisé comme le souhaitait le<br />

gouvernement chinois l’image du Tibet comme partie intégrante de la Chine : les<br />

tibétains ont réussi à instrumentaliser le tourisme dans leur intérêt et ont rallié du<br />

soutien en faveur d’un Tibet libre.<br />

Tourisme et patrimoine (instrumentalisation de l’histoire à des fins<br />

politiques)<br />

Une des dernières utilisations politiques du tourisme, sûrement la plus courante est<br />

l’utilisation du patrimoine pour renforcer le sentiment patriotique national (McLean,<br />

1998) ou a d’autres fins politiques (renforcer le sentiment d’identité d’une<br />

communauté opprimée…) Le concept de « heritage tourism » (tourisme patrimonial)<br />

définit ce type de tourisme organisé autour de la visite de sites patrimoniaux. Sont<br />

souvent mis en patrimoine des sites de guerre associés à des héros nationaux, pour<br />

réanimer l’identité nationale (Richter, 1989).<br />

206


Etude de cas : l’utilisation du tourisme dans les pays communistes<br />

Le tourisme dans les ex pays socialistes<br />

Hall a identifié certains objectifs qui ont conduit les Etats socialistes à développer le<br />

tourisme (Hall, 1990). Nous citerons seulement ceux qui se différencient des objectifs<br />

considérés comme plus traditionnels :<br />

- Projeter une image favorable du pays hôte au monde entier<br />

- Promouvoir la paix internationale et la compréhension, comme défini dans le<br />

dogme socialiste.<br />

- Conscientiser culturellement et idéologiquement le visiteur, pour le convaincre<br />

de la supériorité du socialisme.<br />

- Eviter d’introduire des influences « anti-socialistes, révisionnistes ou<br />

capitalistes », capables de « faire tourner la tête » aux populations indigènes<br />

travaillant dans le tourisme.<br />

Hall a montré que le tourisme dans les Etats socialistes avait été utilisé à des fins non<br />

seulement économiques : le tourisme interne a donc été utilisé comme moyen de<br />

redistribuer des opportunités d’emploi et de promouvoir des images régionales et<br />

nationales positives. Le tourisme externe a été plus utilisé comme outil de politique<br />

extérieure, une façon de produire de la propagande aux bénéfices du système<br />

communiste (Hall, 2001).<br />

Le tourisme en Chine<br />

Avant 1978, la chine concevait le tourisme comme instrument diplomatique pour<br />

encourager les bonnes relations internationales et permettait l’entrée aux seuls<br />

visiteurs d’autres pays communistes ou de pays non alignés. Depuis la proclamation<br />

de la doctrine de l’économie de marché socialiste, le tourisme a été conçu comme une<br />

opportunité pour moderniser la Chine et surtout gagner des devises étrangères<br />

(Richter, 1983b, 198, Hall C, 1998).<br />

Il existe cependant toujours de l’inquiétude auprès des membres plus conservateurs<br />

du parti communiste qui y voient le risque d’expansion de l’idéologie capitaliste.<br />

Après les évènements de T’ian-an-men en 1989, la Chine a décidé de faire subir un<br />

207<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


endoctrinement politique aux 620 000 personnes travaillant dans le secteur du<br />

tourisme (Parker, 1992 cité dans Hall, 1998).<br />

Le tourisme est inséparable de la transmission d’idées entre nations. Même si<br />

certains touristes voyagent dans « une bulle de cristal » ; l’image que les touristes<br />

donnent d’eux, particulièrement en termes de liberté et de richesse, peuvent avoir des<br />

impacts sur les aspirations sociales et politiques des populations hôtes.<br />

3.2.2. Le tourisme comme instrument de paix<br />

L’OMT avec son slogan « le tourisme comme passeport pour la paix » n’a pas obtenu<br />

de grandes réalisations. Les études sur le tourisme comme facteur de paix sont<br />

souvent porteurs de discours très généraux et idéalisateurs alors que les études de cas<br />

sont manquantes. Parmi les auteurs qui écrivent sur ce thème, la majeure partie fait<br />

preuve d’un idéalisme débordant mais privé d’une vraie réflexion poussée.<br />

Le tourisme aurait le potentiel de rapprocher les cultures et les personnes dans une<br />

optique de connaissance mutuelle et de création d’un sentiment d’appartenance à une<br />

communauté plus grande, la race humaine. « Reducing international tourism to<br />

become patterns and flows, costs and benefits, neglects its formidable role as vector<br />

of cultural exchange » (UNESCO, 1997 cité dans Robinson M, 1999, p.2). L’idée que<br />

le tourisme possède la capacité de générer une harmonie interculturelle est héritée<br />

des traditions romantiques (et élitistes) du voyage des XVIII et XIXème siècles. Elle<br />

est dénoncée par certains comme étant le reflet d’une tradition moraliste et<br />

eurocentriste. L’idée que le voyage ouvre l’esprit et enseigne la tolérance est à la base<br />

de l’argument que le tourisme est un potentiel vecteur de paix (D’Amore, 1988 et Val<br />

et ar., 1998). Cette idée a été reprise par de nombreux organismes internationaux.<br />

Documents internationaux promouvant le tourisme comme facteur de<br />

paix<br />

De nombreux documents internationaux postulent que le tourisme est un potentiel<br />

vecteur de paix et de tolérance. La Déclaration de Manille sur le tourisme mondial en<br />

208


1980 déclarait déjà que le tourisme représente “ a vital force for peace and<br />

international understanding”.<br />

La Charte de tourisme durable rédigée lors de la Conférence Internationale sur le<br />

tourisme durable à Lanzarote en 1995 reconnaît dans son préambule que le “...<br />

tourism affords the opportunity to travel and to know other cultures, and that the<br />

development of tourism can help promote closer ties and peace among peoples,<br />

creating a conscience that is respectful of diversity of culture and lifestyles”.<br />

Le Code éthique de l’OMT, adopté au Chili en 1999 affirme quant à lui que « through<br />

the direct, spontaneous and non-mediatized contacts it engenders between men and<br />

women of different cultures and lifestyles, tourism presents a vital force for peace<br />

and a factor of friendship and understanding among the peoples of the world ».<br />

En plus de ces déclarations d’intentions, une structure internationale a été crée pour<br />

promouvoir le tourisme comme instrument de paix : l’Institut International pour la<br />

paix par le tourisme (IIPT). Cette ONG fondée par Louis D’Amore en 1985 vise à :<br />

“... fostering and facilitating tourism initiatives which contribute to international<br />

understanding and cooperation, an improved quality of environment, the<br />

preservation of heritage, and through these initiatives, helping to bring about a<br />

peaceful and sustainable world. It is based on a vision of the world's largest<br />

industry, travel and tourism - becoming the world's first global peace industry; and<br />

the belief that every traveler is potentially an "Ambassador for Peace” (IIPT<br />

website).<br />

L’IIPT a été sujet à de nombreuses critiques pour avoir échoué à utiliser son accès<br />

privilégié aux leaders de l’industrie touristique pour faire du lobbying en faveur d’une<br />

justice sociale. Navaya ole Ndaskoi de Indigenous Rights for Survival International a<br />

notamment refusé une invitation pour présenter une communication à la conférence<br />

Africaine d’IIPT en 2003, disant ‘‘the conferences are, I like to believe, most certainly<br />

the triumphs of the powerful, the rich, and those expecting perks’’ suggérant que les<br />

activités d’IIPT sont plus influencées par les intérêts de l’industrie touristique que par<br />

l’agenda de justice que devrait suivre cette ONG (voir<br />

http://www.ogiek.org/faq/maasai.htm).<br />

209<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Selon Hall, considérer le tourisme comme une force pour la paix représente<br />

cependant une interprétation simpliste des complexités du tourisme et des relations<br />

internationales (1994).<br />

Les études de cas empiriques peu favorables à la thèse du tourisme<br />

facteur de paix<br />

Nombre de chercheurs ont postulé que le tourisme peut représenter une force<br />

positive capable de réduire les tensions et les suspicions en influençant les politiques<br />

nationales, les relations internationales et la paix mondiale (D’Amore, 1988a, b; Hall,<br />

1994; Jafari, 1989; Matthews, 1978; Matthews & Ritcher, 1991; Richter, 1989, 1996;<br />

Var et al, 1994, Kelly 1996). D’autres recherches se sont développées sur le rôle que le<br />

tourisme peut jouer pour améliorer les relations entre deux pays en conflits ou<br />

séparés (Butler & Mao, 1996; Kim et Crompton, 1990; Yu, 1997; Zhang, 1993).<br />

Cependant la majorité des recherches empiriques n’a pas su montrer de corrélation<br />

nette entre tourisme et paix (Anastasopoulous, 1992; Pizam 1996, Jafari, 1991).<br />

Anastasopoulous (1992) a questionné la validité de l’hypothèse soutenant que le<br />

tourisme est facteur de paix après avoir analysé une visite d’étudiants grecs en<br />

Turquie montrant que ces derniers avaient développé des sentiments négatifs envers<br />

le pays hôte. Une recherche similaire de Pizam sur un voyage d’étudiants américains<br />

en ex Union Soviétique a dévoilé que ceux-ci n’avaient aucunement amélioré leur<br />

opinion sur le pays visité.<br />

Notre hypothèse est que le tourisme peut aider dans un processus de normalisation<br />

des relations politiques mais ne représente qu’un instrument à l’intérieur d’un<br />

processus plus grand de réconciliation, nécessitant la mobilisation d’autres<br />

ressources politiques et économiques.<br />

Jusqu’à présent, et nous rejoindrons en cela la théorie de Robinson, il existe très peu<br />

d’exemples qui démontrent que le tourisme ait joué un quelconque rôle dans le<br />

développement d’une paix internationale.<br />

Le tourisme peut jouer un rôle secondaire et informel en matière diplomatique. Selon<br />

Davidson et Montville (1982 in Causevic et Kim and Crompton, 2006), il existe deux<br />

210


canaux différents en termes de diplomatie. Le premier canal diplomatique officiel<br />

correspond à celui utilisé par le gouvernement, appelé track one diplomacy. Le<br />

second canal non officiel est celui des relations interpersonnelles (track two<br />

diplomacy). Ce deuxième canal donne au tourisme une importance stratégique<br />

particulière pour favoriser la paix mondiale<br />

En étudiant le cas de la Bosnie Herzégovine (BH), Causevic et Kokkranikal (2005)<br />

montrent que le tourisme n’a pas pu permettre d’améliorer la compréhension<br />

mutuelle entre les différentes entités de la BH et que le tourisme a été incapable de se<br />

transformer en instrument de réconciliation de nations divisées. Sa conclusion est<br />

que la diplomatie informelle (track two diplomacy) basée sur le renforcement des<br />

liens interpersonnels, n’est possible et efficace qu’en complément du premier type de<br />

diplomatie plus formel, c’est-à-dire en présence d’une volonté institutionnelle<br />

d’améliorer les relations.<br />

« Without track one diplomacy, it is not possible to make more informal track two<br />

diplomacy, people-to-people relations to work » (Causevic et Kim and Crompton,<br />

2006).<br />

L’échange interculturel : entre compréhension mutuelle et conflit<br />

Le tourisme comme instrument favorable au changement d’attitude<br />

La théorie du contact soutient que le changement d’attitude est un précurseur de la<br />

paix (Pizam, 1996; Tomljenovic et Faulkner, 2000). L’importance du tourisme,<br />

comme moyen de sensibilisation et de conscientisation prend alors tout son sens.<br />

Faire du tourisme signifie essentiellement vivre une série d’expériences très intimes<br />

et personnelles liées à la découverte de cultures nouvelles et différentes (Cohen<br />

2004). Dans un monde où les conflits sont souvent dus à la mécompréhension et à<br />

une mauvaise communication entre cultures, la confrontation directe au quotidien<br />

avec un large éventail de cultures est essentielle. En tant qu’individus, la<br />

mondialisation nous met de plus en plus en contact avec des cultures « autres ». Le<br />

tourisme peut contribuer puissamment à une meilleure compréhension de lieux et de<br />

211<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


peuples différents, (…) par une approche plus démocratique et quotidienne des<br />

cultures (Bouchenaki 2004).<br />

Kelly I, a cherché à démontrer comment l’expérience touristique peut être gérée de<br />

telle façon à encourager les personnes à adopter des attitudes de tolérance conduisant<br />

à des relations plus harmonieuses entre les différentes cultures. Les prédispositions<br />

négatives telles que les préjudices, les stéréotypes et l’ethnocentrisme pourraient être<br />

remplacées par des dispositions positives telles que la tolérance, la compassion, la<br />

justice et le respect.<br />

En soumettant les participants d’un voyage de tourisme volontaire d’Oxfam<br />

(Community Aid Abroad study tours) à des questionnaires pré-voyages et posvoyages,<br />

Kelly (1998) a cherché à analyser les changements individuels d’attitude<br />

suite à une expérience touristique. Il a noté que le tourisme volontaire pouvait<br />

engendrer un changement d’attitudes positif chez les touristes (jeunes en<br />

l’occurrence) : plus grand sens de responsabilité envers les problèmes des pays du<br />

Sud, plus de soutien à l’aide internationale, envie de rejoindre une organisation<br />

humanitaire, etc. Il a cependant noté que les participants étaient déjà sensibles à ce<br />

genre de problématiques avant leur voyage. Le voyage n’aurait permis que de<br />

renforcer des prédispositions existantes envers l’activisme. Si le tourisme veut se<br />

transformer en réel facteur de paix, il est nécessaire que les organisations de tourisme<br />

alternatif attirent un plus grand marché, afin d’attirer un nouveau public et non<br />

seulement le public habituel déjà sensibilisé. L’autre alternative est que le tourisme<br />

classique adopte des éléments du tourisme alternatif, pour sensibiliser son public à<br />

ces problématiques.<br />

La difficulté de l’échange interculturel<br />

Pour autant, il serait abusif de prétendre que la quête d’expériences culturelles<br />

inédites est la principale motivation du tourisme international ; il est évident que si<br />

de nombreux touristes voyagent pour échapper à leur réalité quotidienne<br />

(Enzensberger 1964), beaucoup d’autres préfèrent rester à l’intérieur de la « bulle »<br />

protectrice que l’on associe souvent au «tourisme de masse ».<br />

Cela n’empêche pas que le tourisme possède un fort potentiel pour augmenter les<br />

échanges interculturels et représente une pierre angulaire dans l’apprentissage à la<br />

212


tolérance. Le tourisme possède des effets aussi bien positifs que négatifs sur les<br />

communautés visitées. Jusqu’à présent, en se basant sur des études de cas au niveau<br />

mondial, il semble que le tourisme ait peu favorisé la paix mondiale. En étant<br />

conscient de cet état de fait, il semble possible de réfléchir sur les échecs présents et<br />

tenter de penser comment le tourisme pourrait se transformer en réel instrument de<br />

paix. C’est aussi beaucoup une question d’intentions…<br />

Tableau 14 : Contact interculturel entre hôtes et touristes<br />

Effets positifs Effets négatifs<br />

• Développer des attitudes positives<br />

envers l’autre<br />

• Apprendre sur d’autres cultures et<br />

coutumes<br />

• Réduire les perceptions négatives<br />

et les stéréotypes<br />

• Développer des liens d’amitié<br />

• Développer la fierté,<br />

l’appréciation, la compréhension,<br />

le respect et la tolérance pour la<br />

culture des autres<br />

• Augmenter l’estime de soi<br />

Source : Robinson M, 1992, p.9 adapté de Reisinger, 1994.<br />

• Développer des attitudes<br />

négatives envers l’autre<br />

• Tension, hostilité, suspicion, et<br />

non-compréhension<br />

• Isolation, ségrégation et<br />

séparation<br />

• Chocs entre des valeurs<br />

différentes<br />

• Difficultés à former des liens<br />

d’amitié<br />

• Sentiments de supériorité et<br />

d’infériorité<br />

• Problèmes de communication<br />

• Ethnocentrisme<br />

• Choc culturel<br />

On ne peut passer sous silence la difficulté du contact interculturel, qui est un<br />

phénomène désormais très courant étant donné la grande mobilité de nos sociétés<br />

(migrations de travail du Sud vers le Nord, tourisme, etc). Dans nos sociétés de plus<br />

en plus métissées, il n’est pas nécessaire de voyager pour être confronté à l’échange et<br />

au conflit interculturel (problèmes actuels d’intégration de personnes immigrées dans<br />

les pays européens).<br />

« Worldwide interaction is now an established phenomenon (Gessner et Schade,<br />

1990) and tourism is only one form of intercultural interaction » (Robinson M,<br />

1999, p.6)<br />

213<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Les flux touristiques inégalitaires (quasi exclusivement du Nord vers le Sud) et le fait<br />

que le système mondial capitaliste actuel soit dominé par des relations inégalitaires<br />

de pouvoir entre les touristes des pays du Nord et les hôtes des pays du Sud<br />

(Mowforth et Munt, 1998, Britton, 1991) rend le contact culturel biaisé par une<br />

relation de force inégale.<br />

Conflit ne veut pas dire absence de paix<br />

Même si le tourisme crée des conflits (ce que l’on ne peut nier : conflits interculturels,<br />

conflits entre les hôtes, etc), cela ne veut pas dire pour autant qu’il s’oppose à la paix.<br />

Selon Galtung, le conflit devrait être inséré dans n’importe quel débat sur la paix. La<br />

paix serait “what we have when creative conflict transformation takes place nonviolently”<br />

(Galtung 1996, p.265). En d’autres mots, on pourrait dire que les conflits<br />

font partie intégrante du concept de paix. Selon Gudykunst, le combat (“graceful<br />

fighting”) est également nécessaire dans un processus de planification participative<br />

(1998, p.314). La recherche sur tourisme et paix devrait donc se développer en se<br />

concentrant sur les expériences de conflits des touristes et leurs réactions face à cela.<br />

Le touriste pourrait donc contribuer à développer la paix lorsqu’il adopte une attitude<br />

qui considère la rencontre avec l’autre comme une opportunité de développement<br />

émotionnel et la gère d’une façon non violente.<br />

3.2.3. La dimension politique de la représentation de la culture<br />

et du patrimoine<br />

La contribution du tourisme patrimonial à l’empowerment des<br />

communautés<br />

Le patrimoine est une construction subjective et politiquement instrumentalisable.<br />

Les historiens ont largement analysé l’utilisation instrumentale que l’on peut faire de<br />

l’histoire. Selon Lowenthal (1998), « history is about the pursuit of truth while<br />

heritage is not ». Le patrimoine servirait les intérêts de groupes d’intérêts particuliers<br />

et serait en ce sens fortement politique. Le patrimoine serait finalement “anything<br />

you want it to be » (Hewison, 1987). Sa valeur résiderait non dans sa précision<br />

analytique mais dans sa résonance psychologique (Davison, 2000).<br />

214


Chaque génération réinterprète son passé en fonction de son présent pour construire<br />

son idée de patrimoine, qui est ensuite mis en valeur comme symbole visible de<br />

l’identité. Le tourisme patrimonial (’heritage tourism) est donc un fort instrument<br />

politique au sens où le promoteur du patrimoine peut décider comment le passé peut<br />

jouer un rôle dans le présent. Dans le jeu politique, il est récurrent d’instrumentaliser<br />

l’histoire à des fins actuelles.<br />

« History is not a final, completed and given reality that can be unproblematically<br />

mined and reprocessed into definitive heritage. It is an evolving construction,<br />

determined by the value-laden choices of the historian… Heritage is always e<br />

selection from history, and histiry itself is a construction, then it is possible to<br />

envisage heritage as a selection from a selection ». (Dann GMS et Seaton A.V, 2001,<br />

p.26)<br />

Qui doit contrôler la forme de développement des sites du patrimoine ? Quelle<br />

interprétation du passé doit-être choisie ? Comment, dans des sociétés plurielles avec<br />

un mixage ethnique, est-il possible de conter l’histoire qui inclut toutes les parties<br />

prenantes de façon équitable ?<br />

Le tourisme patrimonial qui se développe dans des lieux récemment sortis de guerre<br />

ou des lieux troublés de l’histoire, représente une forme de tourisme culturel de plus<br />

en plus développé (tourisme dans les anciens camps de concentration, tourisme en<br />

Afrique du Sud, etc.). L’importance de la commémoration permet d’assurer que la<br />

mémoire collective n’oublie pas les circonstances dans lesquels des actes inhumains<br />

ont pu se produire, aussi bien pour exprimer des regrets et remords que pour tirer<br />

des leçons des évènements passés. Lorsque bien organisé, ce tourisme peut avoir une<br />

portée aussi bien thérapeutique (pour ceux qui ont été les victimes), qu’éducatifs<br />

(pour les jeunes générations notamment) ou que réconciliatrice.<br />

Bien que la motivation initiale conduisant les communautés à développer un<br />

tourisme patrimonial soit premièrement économique, les bénéfices sociaux et<br />

psychologiques qui peuvent émerger lors du processus de construction, tels le<br />

renforcement du sentiment identitaire, sont de plus en plus valorisés par les<br />

communautés.<br />

215<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


La constitution du patrimoine est un mécanisme clef pour définir les identités<br />

communautaires, ethniques ou nationales et récrire le paysage postcolonial.<br />

En Afrique du Sud, soumis à un processus fondamental de transformation<br />

sociopolitique, où l’ancien groupe marginalisé est désormais politiquement<br />

empowered, la mise en place d’une politique du patrimoine répond à plusieurs<br />

désirs : la volonté de construire un sentiment national, de raconter l’autre version de<br />

l’histoire (qui n’a pas pu s’exprimer pendant longtemps) et de contribuer à<br />

l’empowerment culturel et politique. La création d’une nouvelle identité nationale se<br />

fait à travers un processus de remémoration sélectif qui légitime l’ordre politicosocial<br />

présent.<br />

« Monuments and heritage sites are thus a vehicle for nation building, for<br />

constructing a new idendity, and presenting their identity to the outside. The<br />

foreign tourist as Other looks in and helps define the South African self ». (Moosa,<br />

1998 cité dans Marshall, 2004).<br />

Selon Marshall, il ne peut être nié que la célébration et la marchandisation<br />

(commodification) du patrimoine culturel est largement perçu par le public comme<br />

empowering. Il représente pour les communautés oppressées, une forme de<br />

validation et de reconnaissance de leur propre histoire et culture.<br />

Dans les anciens Etats socialistes, le patrimoine a joué un rôle important dans la<br />

formulation des identités postcommunistes. L’histoire a été réécrite et représentée<br />

afin d’attirer des touristes étrangers et pour forger de nouvelles identités nationales<br />

en référence au passé communiste. Le patrimoine et le tourisme sont donc des<br />

composantes importantes des nouvelles politiques de l’Europe de l’Est.<br />

La marchandisation de la culture locale à travers le tourisme ne conduit pas<br />

forcément à sa destruction selon Greenwood ; au contraire dans certains cas elle peut<br />

stimuler sa revalorisation. Le changement est partie intégrante du processus social<br />

(Greenwood, 1989, p.183).<br />

Le concept d’authenticité culturelle s’inscrit dans une forte polémique autour de la<br />

signification de l’histoire et révèle certaines contradictions. Le monde occidental<br />

vacille entre la volonté de donner des droits politiques sur la base de l’authenticité<br />

216


aciale et des revendications ethniques et en même temps de convertir tous les<br />

membres de la population en sujet politiquement égaux. L’allocation de droits<br />

politiques sur des bases culturelles peut conduire à l’invention de traditions<br />

culturelles propres dans l’optique d’acquérir de tels droits. Selon Greenwood, le<br />

tourisme opère dans cette arène conflictuelle.<br />

« Those groups seeking to establish or expand political rights by the reinforcement<br />

of their cultural traditions and ethnic identity see tourism as a double-edged sword.<br />

The ability to attract tourists to their locations is itself a ratification of cultural<br />

claims about uniqueness(…) Yet the very process of packaging and merchandising<br />

ethnicity for tourism alters local culture in important ways, creating internal<br />

divisions that may be politically destructive or diluting local culture » (Grennwood,<br />

1989, p.184).<br />

La marchandisation de la culture a donc un rôle clairement politique dans la mesure<br />

où il est possible de se faire reconnaître certains droits politiques sur la base de<br />

l’authenticité raciale et des revendications ethniques.<br />

Tourisme, marchandisation de la culture et empowerment politique<br />

La recherche d’authenticité et la critique de la marchandisation de la culture<br />

Depuis que le concept d’authenticité a été introduit par Mac Cannell (1976), il ne<br />

cesse d’être au cœur de nombreux débats touristiques. Certains auteurs considèrent<br />

que les touristes sont à la recherche d’authenticité par la visite d’autres lieux, loin des<br />

affres de leur vie quotidienne. Le touriste cherche l’authenticité, en opposition à sa<br />

réalité, qu’il ne considère plus authentique. L’authentique serait donc le différent ;<br />

l’élément étranger que le touriste a perdu dans sa vie quotidienne. Il serait donc lié au<br />

concept d’exotisme.<br />

La notion d’authenticité n’est pas une qualité objective : c’est un concept construit<br />

socialement qui possède une connotation plus ou moins négociable dans sa<br />

signification (Cohen, 1998). C'est-à-dire que ce qui est authentique pour le touriste ne<br />

l’est pas forcément pour la communauté hôte.<br />

217<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Il est important de démystifier le fait que le fait folklorique perd sa fonctionnalité<br />

sociale dès qu’il est mis en interaction avec des touristes. On peut dire que la<br />

manifestation folklorique revalorisée et réinterprétée, passant de valeur d’usage à<br />

valeur d’échange, peut jouer un rôle important dans le maintien des traditions<br />

populaires et comme réaffirmation de l’identité culturelle. Du point de vue de la<br />

communauté, l’authenticité pourrait être synonyme d’acceptation. Une manifestation<br />

culturelle sera considérée comme authentique si elle a mobilisé la communauté hôte<br />

qui soutient cette initiative et apprécie l’image que cette dernière renvoie d’elle.<br />

Nous considérons que l’essence de l’authenticité est sa signification culturelle, c’est-àdire<br />

que sa définition doit être faite par les propres communautés hôtes. C’est<br />

finalement sans participation active que le folklore se transforme en un simple<br />

spectacle, sans lien avec le territoire et la communauté.<br />

Le processus de marchandisation de la culture<br />

Le concept d’authenticité est profondément lié à celui de marchandisation de la<br />

culture (commodification). Le tourisme transformerait la culture en un produit,<br />

empaqueté pour être vendu à des touristes, perdant en cela son authenticité.<br />

Selon Cohen, il y a marchandisation lorsque « once personal cultural displays of<br />

living traditions or a cultural text of lived authenticity become a cultural product<br />

which meeds the needs of commercial tourism » (Cohen, 1977 cité dans Hall, 1998,<br />

p.176)<br />

Les touristes ne disposent que d’un temps très court pour visiter chaque escale de<br />

leur périple et ne peuvent donc expérimenter que quelques échantillons de la culture<br />

locale. Ce travail de transposition réductrice (fait par les organisateurs de circuit)<br />

conduit inévitablement à déformer le sens et la forme des manifestations<br />

authentiques pour les présenter de manière plus accessible aux touristes et aux<br />

étrangers en général (Greenwood, 1977).<br />

C’est bien ce même principe de transposition réductrice qui permet d’autre part aux<br />

communautés locales de pouvoir instrumentaliser de façon positive leur culture (ou<br />

patrimoine) et l’expérience échangée avec le touriste à des fins de sensibilisation<br />

politique et sociale.<br />

218


L’arrivée de touristes a souvent pour effet d’élargir et d’internationaliser l’espace<br />

social des communautés d’accueil. Dans un tel contexte, des éléments, des pratiques<br />

ou des lieux qui n’avaient au départ aucun intérêt particulier du point de vue des<br />

autochtones peuvent prendre un relief extraordinaire aux yeux des touristes et<br />

devenir ainsi pour la communauté un moyen d’échange avec le monde extérieur et<br />

une ressource symbolique servant à définir et délimiter les formes d’identité locale ou<br />

sociale (Lash et Urry, 1994).<br />

Avec l’augmentation de l’attrait des touristes pour les cultures indigènes, l’affirmation<br />

des identités locales (Macdonald 1997) et la (re)création de l’ethnicité (Adams 1997;<br />

MacCannell 1984; Wood 1997) ont été favorisées. D’un autre côté, il existe également<br />

le risque de muséification qui tendrait à fossiliser les communautés du Sud dans leur<br />

état actuel, en leur refusant le droit à la modernisation.<br />

Marchandisation et empowerment<br />

Qui a le droit et la légitimité pour définir ce qui est authentique ? (Taylor, 2001)<br />

Le débat sur l’authenticité doit analyser comment cette notion est articulée, par qui et<br />

pour quelle raison afin de déterminer dans quelles circonstances le tourisme culturel<br />

peut représenter un instrument stratégique et politique pour certaines communautés<br />

marginalisées du Sud. Ce qui est crucial est d’analyser les liens entre pouvoir et<br />

culture et comment le tourisme peut se transformer en instrument d’empowerment.<br />

L’empowerment politique est conçu par Scheyvens et Sofield aussi bien comme un<br />

processus multidimensionnel que comme un résultat. « Empowerment provides a<br />

shift in the balance between the powerful and the powerless, between the dominant<br />

and the dependent » (Sofield, 2003).<br />

La marchandisation est fréquemment analysée comme quelque chose de négatif.<br />

Mowforth et Munt la définisse comme « a kind of institutionalized racism that<br />

celebrates primitiveness » (1998, P.270). Pourtant, si elle sert des objectifs clairs et<br />

bénéfiques tels que l’empowerment économique, social et culturel, elle n’est pas<br />

forcément à critiquer.<br />

219<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


« Why does touristic commodification lead, in some communities, to<br />

disempowerment, while in others, authenticity is appropriated and becomes a<br />

powerful resource? » (Cole S, 2007) « While in some, the commodification of culture<br />

may be a dis-empowering experience, in others, marginal cultures have<br />

appropriated tourism as a political instrument in the construction of their identity »<br />

(Bianchi 2003, p.20).<br />

Grünewald nous explique que la communauté Pataxó du Brésil a pris clairement<br />

conscience qu’en promotionnant certains aspects de leur culture et de leur identité,<br />

ils pouvaient créer des bénéfices économiques et culturels pour leur groupe. Il conclut<br />

ainsi : «” tourism has not acted degradingly on indigenous culture. Quite the<br />

opposite: it gives the Pataxó a distinctive status in the region” (Grünewald, 2002 p.<br />

1001). Les Pataxó ont très vite fait la distinction entre la culture qu’ils souhaitent<br />

montrer et leurs pratiques culturelles quotidiennes. Cette différentiation leur a<br />

permis d’utiliser le tourisme à leurs fins propres.<br />

Selon Mac Donald « commodification can be a way of affirming identity and value »<br />

(Dans Robinson M, 1999, p.12). La popularité croissante du tourisme culturel<br />

représente une opportunité intéressante pour les communautés locales (notamment<br />

indigènes) puisque cela leur permet d’utiliser leurs ressources culturelles comme<br />

sources de revenus. Un développement autocentré et alternatif qui n’est pas<br />

bénéfique seulement d’un point de vue économique mais peut permettre un<br />

renforcement de l’identité culturelle et sociale peut donc être rendu possible.<br />

Certaines cultures indigènes sont tout à fait conscientes des bénéfices économiques et<br />

politiques que peut leur apporter le fait de marchandiser leur culture pour répondre<br />

à une nouvelle demande mondiale. L’association canadienne de tourisme aborigène<br />

(CNATA) estime qu’environ 15000 personnes sont embauchées dans des entreprises<br />

de tourisme aborigène, produisant 150 millions de $ de revenus annuels. Cet<br />

empowerment économique grâce à l’utilisation de la culture comme ressource a<br />

permis aux aborigènes canadiens de renforcer leur pouvoir de négociation politique.<br />

Ils ont notamment réussis à récupérer le tiers des terres qu’ils réclament (Alberta<br />

Aboriginal Toursim Alliance, 1996 cité dans Robinson M, 1999, p.13-14)<br />

220


«This provides Canada’s aboriginal peoples with the power of choice they have<br />

previously lacked, and thus increased ability to shape the commodification<br />

process ». (Dans Robinson M, 1999, p.14)<br />

Tourisme et empowerment : analyse de cas.<br />

Empowerment, culture et maoris<br />

Des auteurs travaillant sur le tourisme indigène tels que Ryan reconnaissent le rôle<br />

du tourisme comme instrument d’empowerment économique, social mais aussi<br />

politique.<br />

« Ryan has generally maintained a view that tourism represents a potential asset<br />

for income, employment and enhancement of a political recognition of the role and<br />

importance of Maori culture in New Zealand » (Ryan, 2001, p.236). Selon les termes<br />

de Maslow, un sens d’appartenance sociale a été renforcé et permis aux aborigènes de<br />

jouer un plus large rôle dans le contexte politique de la Nouvelle-Zélande.<br />

Dans le cas des maoris, les bénéfices économiques sont intangibles et les entreprises<br />

touristiques Maori qui ont été créées ne sont pas forcément de petite taille. « Maori<br />

have significant property interests which range from hotels to executive suites in<br />

sports stadiums, and hence at one level operate in a manner similar to European or<br />

Asian tourism business interests » (Ryan, 2001, p.237).<br />

Au niveau de l’empowerment social, les revenus du tourisme ont été utilisés pour<br />

financier des actions collectives. Un autre élément positif est le fort sentiment<br />

identitaire (être Maori) qui relie les individus entre eux et avec leur lieu<br />

d’appartenance (territoire).<br />

En analysant la situation du développement du tourisme Maori, Ryan constate que la<br />

culture est parfois « marchandisée » c’est-à-dire utilisée comme base du produit<br />

touristique alors que dans d’autres cas, le produit touristique perd sa composante<br />

culturelle.<br />

221<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Ryan analyse les produits touristiques Maori selon le degré d’ownership,<br />

l’importance de la composante culturelle et la durée/intensité de l’expérience. Un<br />

hôtel de 200 chambres, propriété d’un Maori, dans laquelle la culture Maori est<br />

représentée comme inesthétique possède un taux d’ownership fort alors que<br />

l’implication culturelle et l’intensité de l’expérience sont jugées comme faibles.<br />

A l’inverse, un spectacle de danse réalisé par un groupe Maori dans un hôtel qui ne<br />

leur appartient pas possède un très faible score en termes d’ownership et d’intensité<br />

de l’expérience mais intègre une forte composante culturelle.<br />

Pour juger du degré d’empowerment acquis grâce au développement d’un produit<br />

touristique, il est réducteur de limiter l’analyse au seul aspect culturel : la<br />

classification de Ryan est intéressante puisqu’elle combine l’aspect empowerment<br />

économique à l’aspect empowerment culturel.<br />

Cette analyse montre que le développement du tourisme communautaire permet de<br />

donner vie à de nombreuses formes hybrides de produits touristiques, certains<br />

pouvant être catégorisés comme appartenant au tourisme traditionnel (hôtel de luxe<br />

classique) et d’autres à des produits qui pourraient être qualifiés comme tourisme<br />

culturel ou alternatif (séjour dans un Manae). Les membres de la communauté<br />

doivent trouver leur propre chemin quant aux produits qu’ils ont envie de développer<br />

et il semble erroné que les projets de développement ou ONG imposent encore une<br />

fois un modèle aux communautés du Sud qui serait celui d’un tourisme alternatif, de<br />

rencontre. L’imposition de critères de durabilité est quant à lui essentiel mais<br />

pourquoi ne pas imaginer le développement d’un tourisme de masse durable dans<br />

certaines communautés…<br />

Communauté asiatique Ngadha<br />

Cole a réalisé une étude de cas intéressante dans la communauté Ngadha, en<br />

Indonésie, en analysant les répercussions de la marchandisation de la culture<br />

organisée par cette dernière pour attirer des touristes en termes d’empowerment ou<br />

de disempowerment. Elle a montré que la pression organisée par les touristes et le<br />

gouvernement local en faveur d’une muséification de leur culture et du refus de toute<br />

222


modernisation n’a pas empêché la communauté de se servir du tourisme comme<br />

instrument d’empowerment.<br />

Selon Cole (2007), les touristes jugent l’authenticité de la culture locale en relation<br />

avec la pauvreté. Toute tentative organisée par la communauté pour retirer des<br />

bénéfices économiques du tourisme et améliorer ses conditions de vie est jugée par<br />

les touristes comme une « dénaturation ». Les pouvoirs politiques locaux<br />

(département provincial du tourisme) organisent le même type de pressions sur la<br />

communauté pour que celle-ci ne change pas et ont été même jusqu’à lui refuser<br />

l’électricité. Ils sont conscients que la culture doit être « vendue » pour le tourisme et<br />

que « l’authentique » attire.<br />

Cette pression pour figer la culture locale dans ses traditions passées et sa condition<br />

économique défavorisée, issue des touristes et du gouvernement local, n’a pas<br />

entraîné le maintien de celle-ci dans le sous-développement mais lui a permis de<br />

mettre en œuvre un processus d’empowerment.<br />

« Their new identity, (re)created through tourism, has given the local groups new<br />

political (and potential economic) capital to manipulate. Identity and pride are<br />

important steps to empowerment » (Cole, 2007).<br />

L’ouverture au tourisme a pourtant permis à cette communauté de renforcer son<br />

identité en tant que groupe ethnique. Elle a permis aux villageois d’augmenter leur<br />

estime de soi, l’orgueil et l’appropriation de leur culture traditionnelle. Le tourisme<br />

s’est donc transformé en ressource manipulable à des fins économiques et politiques.<br />

Il a également été utilisé come arme rhétorique pour contrebalancer le pouvoir de<br />

l’Etat et de l’église.<br />

Les villageois ont su mobiliser leur nouvelle identité ethnique, reconnue par des<br />

agents extérieurs (les touristes) comme ressource. Face à une communauté active, le<br />

tourisme peut donc se révéler un fort instrument d’empowerment. La relation entre<br />

la marchandisation de la culture et l’ownership est cruciale pour permettre aux<br />

populations marginalisées de maintenir le contrôle de leur tourisme en faveur de<br />

leurs intérêts propres. Le tourisme peut représenter une ressource politique<br />

importante que les communautés locales peuvent manipuler à leurs avantages.<br />

223<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


« People can use cultural commodification as a way of affirming their identity, of<br />

telling their own story, and of establishing the significance of local experiences »<br />

(Macdonald 1997).<br />

3.2.4. Focus sur le justice tourisme : dans une optique de<br />

sensibilisation politique et sociale des visiteurs<br />

Après avoir présenté différentes théories démontrant le rôle politico-social que peut<br />

jouer le tourisme dans un monde global, il s’agit désormais de chercher à s’interroger<br />

sur le type de tourisme le plus à même de favoriser l’apprentissage culturel, la<br />

compréhension mutuelle et l’activisme politique à même de s’inscrire dans une<br />

dynamique de changement social global.<br />

Trouver une définition du concept de « Justice tourism » est loin d’être aisé et<br />

de nombreux auteurs ont critiqués les problématiques de justice entourant le<br />

tourisme (De Kadt 1979, Mowforth and Munt 1998).<br />

Au même titre que d’autres types de tourisme alternatif, mais encore à un plus<br />

grand degré puisque son objectif premier est centré autour de la sensibilisation et la<br />

transformation politique et sociale (idéalisme), ce type de tourisme est critiqué pour<br />

n’être qu’un simple slogan, un argument marketing qui n’impliquerait pas de<br />

changements radicaux dans la pratique du tourisme. L’objectivité de cette critique<br />

sera analysée dans cette partie.<br />

Classification du Justice tourism<br />

Pour de nombreux auteurs, le tourisme responsable intégrerait en son sein des<br />

interrogations sur la justice ; ce qui impliquerait que la catégorie de « justice<br />

tourism » n’aurait pas lieu d’être. Pour certains auteurs comme Holden, Lea, le<br />

tourisme responsable a pour objectif de développer des relations plus significatives<br />

qu’une simple transaction économique entre touristes et hôtes. (Lea 1993, p. 708 cité<br />

dans Scheyvens 2002, p. 103).<br />

Ayant présenté les grandes lignes du Justice Tourisme dans notre première<br />

partie, nous rentrerons directement dans le vif du sujet. L’auteure ayant développé la<br />

224


plus forte réflexion sur ce thème, Scheyvens, développe quatre formes de « justice<br />

tourism ». Tous visent indirectement la sensibilisation politique et sociale du touriste<br />

et sa potentielle contribution en faveur d’un « monde meilleur ». Elle décrit donc<br />

quatre types de situations :<br />

225<br />

1° Lorsque des communautés oppressées (historiquement ou dans le présent) ont<br />

la possibilité de partager leurs expériences passées avec le visiteur, le sensibiliser<br />

et de récrire l’histoire en leur faveur. Il peut notamment se manifester à travers le<br />

tourisme patrimonial.<br />

2°Le tourisme révolutionnaire ou tourisme politique.<br />

3° Le tourisme dans les zones pauvres qui permet au touriste d’améliorer sa<br />

compréhension des questions de pauvreté et de manifester leur solidarité à des<br />

populations marginalisées. Il peut se traduire dans le poverty tourism.<br />

4° Il peut impliquer des touristes des pays du Nord payant pour venir réaliser des<br />

travaux de conservation ou une aide volontaire au développement (tourisme<br />

volontaire ou humanitaire).<br />

1. Les communautés hôtes racontent leur passé ou présent<br />

d’oppression.<br />

Dans de nombreux pays, des populations minoritaires ou non (comme les<br />

peuples indigènes) ont été opprimés sur la base de leur ethnicité, de leur religion ou<br />

de leurs croyances. Ces peuples opprimés peuvent s’engager dans le tourisme en<br />

proposant des voyages centrés sur le passé (tourisme patrimonial). Ce genre de<br />

tourisme peut permettre au visiteur d’appréhender des thématiques telles que les<br />

droits de l’homme et les questions de justice en donnant la possibilité aux<br />

populations locales de s’exprimer sur leur propre histoire et corriger des versions<br />

officielles et médiatisées qui peuvent être souvent différentes de la leur.<br />

Un exemple de ce type de tourisme peut être fourni dans les Caraibes par les<br />

circuits éducationnels dans les sites du commerce d’esclaves transatlantique (Boyd<br />

1999). Un autre exemple est le tourisme qui attire des visiteurs dans les sites<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


significatifs du mouvement anti-apartheid en Afrique du Sud telle que l’école<br />

primaire de Nelson Mandela, le Robben Island Museum15 où il a été incarcéré. Les<br />

communautés qui organisent de telles activités peuvent bénéficier d’un<br />

empowerment psychologique conséquent en ayant la possibilité de raconter leurs<br />

propres luttes à un public réceptif, après des années de silence forcé imposé par un<br />

gouvernement hostile.<br />

Il existe également des communautés qui souhaitent raconter l’histoire de leur<br />

présent et non simplement celle d’un passé révolu. C’est le cas de pays actuellement<br />

en guerre ou en conflits et qui souhaitent utiliser le tourisme comme moyen de<br />

sensibilisation politique et sociale afin de soutenir les luttes dans lesquelles elles sont<br />

engagées.<br />

C’est le cas de la Palestine, du peuple Sahraoui, des communautés mapuches<br />

du Chili, du mouvement sans terre brésilien,…<br />

Il existe une prolifération d’expressions pour définir ce type de voyages :<br />

« tourisme politique », « tourisme militant ».<br />

Vers des notions proches : tourisme politique et militant<br />

Le tourisme politique implique de voyager dans des zones de conflits afin de donner<br />

l’opportunité au touriste de pouvoir étudier les circonstances du conflit sur le terrain<br />

et pour développer une compréhension de l’histoire locale. Les destinations les plus<br />

populaires sont Israël et la Palestine, l’ex-Yougoslavie, l’Afrique.<br />

Les TO qui proposent ce type de tours peuvent être soit des ONG, soit des entreprises<br />

privées, avec une optique partisane ou non.<br />

Les tours politiques responsables devraient remplir les caractéristiques suivantes :<br />

- Se rendre compte et analyser la situation sur le terrain<br />

- Fournir des moments de briefing<br />

- Rencontrer des gens ordinaires des deux parties impliquées dans le conflit<br />

15<br />

Ce musée attire 900 visiteurs par jour et de nombreux anciens prisonniers recouvrent le rôle de guide (Goudie<br />

et al 1999).<br />

226


- Rencontrer des activistes, des groupes pacifistes et des officiels du<br />

gouvernement<br />

- Proposer une offre culturelle<br />

Il est très difficile que ces voyages soient organisés dans une neutralité politique. Il<br />

est évident qu’ils cherchent à être instrumentalisés par l’une des deux parties en<br />

cause puisque leur raison d’être est bien la sensibilisation de l’opinion publique<br />

internationale. Le but est de rallier le visiteur à sa cause, afin que dès son retour, il<br />

puisse devenir activiste.<br />

« These types of tours tend to be advocacy oriented with the intention of motivating<br />

tour participants to become involved in the issues and active on their return home ».<br />

(Scheyvens, 2002)<br />

Quand ces voyages ne sont pas organisés dans une optique de neutralité mais de<br />

soutien politique à l’une des deux parties, ils devraient adopter la dénomination de<br />

« tourisme militant ».<br />

La différence entre le touriste politique et le militant est que le premier viendrait<br />

avant tout pour observer et se faire une opinion sur une situation, un conflit, qu’il<br />

peut connaître ou penser mal maîtriser. Le deuxième arrive déjà convaincu et<br />

sensibilisé : son voyage aura pour objectif de renforcer ses convictions et son<br />

militantisme.<br />

Dans une optique de sensibilisation de l’opinion publique internationale, attirer un<br />

touriste politique, et non déjà militant, peut être plus efficace puisque cela permet de<br />

sensibiliser des personnes non encore acquises à la cause.<br />

227<br />

2. Tourisme révolutionnaire<br />

Le terme de « tourisme révolutionnaire » a été initialement utilisé pour<br />

désigner les voyageurs indépendants en recherche d’aventure, souvent jeunes, qui<br />

affluaient dans des pays en proie à des guerres civiles tels que le Nicaragua et le<br />

Salvador, à la moitié des années 80 (Ross, 1999 cité par Scheyvens, 2002, p.115). La<br />

situation politico sociale de certains pays latino-américains a attiré par le passé et<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


attire toujours des touristes en quête d’altérité idéologique, dénommés “touristes<br />

révolutionnaires”. L’expérience des militaires progressistes péruviens dans les années<br />

70 était un fort objet de curiosité et de nombreux touristes visitaient les coopératives<br />

crées suite à la réforme agraire. Vingt cinq ans plus tard, les touristes suivent les<br />

traces du Che en Bolivie, celles plus récentes du sous commandant Marcos au<br />

Chiapas, ou se rendaient en Argentine au plus fort de la crise pour rencontrer des<br />

« piqueteros ».<br />

Encore une fois, Mowforth et Munt son très critiques sur ce genre de touristes,<br />

accusés d’égocentriques à la recherche d’aventures.<br />

« Travel to « dangerous » Thirld World countries, to regions suffering civil<br />

war and insurrection has become attractive to the bearers of new tourism who have<br />

become increasingly preoccupied with the need to distance themselves from<br />

tourists » (1998, p.79).<br />

Ces touristes ne se reconnaissent aucunement dans la catégorie de touristes et se<br />

considèrent comme activistes politiques ou souhaitent tout simplement marquer leur<br />

solidarité. De nombreux « touristes révolutionnaires» sont accusés de visiter ces<br />

endroits plus pour le plaisir et le frisson de visiter de potentielles zones de conflits<br />

que dans une réelle démarche de solidarité et de soutien à des causes considérées<br />

comme justes.<br />

Selon Scheyvens, pour que le tourisme révolutionnaire soit vraiment un<br />

tourisme juste, cela dépendra du comportement du touriste, c’est-à-dire de son<br />

objectif : vient-il pour observer une situation et un conflit afin de se procurer une<br />

dose d’adrénaline ou souhaite-t-il s’impliquer activement pour soutenir une cause<br />

politique ? Il existe forcément les deux cas de figure et prendre une position ferme sur<br />

ce sujet, sans étudier la cas-par-cas serait hasardeux. De plus, il serait simpliste<br />

d’opposer radicalement les deux motivations : un vrai activiste politique souhaitant<br />

apporter son soutien à une communauté en conflit, ne peut-il pas également être<br />

grisé par cette dose d’adrénaline que cela lui procure ?<br />

Un excellent exemple de foyer de tourisme révolutionnaire est celui du<br />

Chiapas, au Mexique, où les communautés indigènes sont en conflit avec l’état<br />

national depuis la rébellion zapatiste de 1994. Ces touristes auraient profondément<br />

228


contribué à soutenir l’économie locale (achat à des coopératives pro-zapatistes) et<br />

s’engageraient fortement pour la cause défendue, même après leur retour. Nous<br />

reviendrons sur ce cas d’étude très riches en enseignements par la suite.<br />

« People go back home, look at their photos, talk about their experiences, and<br />

participate in the solidarity movement » (témoignage de Ernesto Ladesma, gérant<br />

d’un logement local, cité in Ross, 1999, p.5)<br />

Tourisme révolutionnaire à Cuba<br />

Cuba, en parallèle au développement du tourisme de masse, pour lequel l’île est très<br />

renommée depuis une décennie, a développé depuis 1969 le tourisme<br />

révolutionnaire.<br />

Le premier, qui permet au pays d’engranger 2,5 billions de $ par an, est développé<br />

pour des raisons purement économiques alors que le deuxième possède une forte<br />

connotation politique. Selon Gabriel Benitez de l’institut Cubain pour la solidarité<br />

entre les peuples (ICAP), la majorité des participants deviendraient à leur retour<br />

activistes dans des groupes de solidarité cubains dans leurs pays d’origine. “That way<br />

the revolutionary message reaches places it didn’t before,” (Benitez)<br />

Cuba a reçu l’an dernier 1200 touristes pour participer à un programme de tourisme<br />

politico-social. Depuis 1969, date des premières arrivées de touristes révolutionnaires<br />

venus planter de la canne à sucre, environ 55000 citoyens de tous les pays ont visité<br />

Cuba sous cet angle. De nombreux activistes trouvent les informations sur ce<br />

programme à travers des groupes de solidarité cubains, d’autres par internet. Ils<br />

reçoivent tous des séminaires de préparation avant d’entrer dans le pays en tant<br />

qu’invité (visa d’invité) et non que touriste. Le gouvernement a récemment fait des<br />

efforts pour essayer d’attirer de jeunes européens gauchistes, puisque Fidel Castro<br />

n’est pas forcément populaire auprès de ce public.<br />

229<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Tourisme révolutionnaire au Nicaragua<br />

Le tourisme révolutionnaire organisé dès 1983 au Nicaragua avait pour but de porter<br />

un soutien à la Contre-révolution. Les touristes étaient sensés vivre avec les<br />

Nicaraguayens, partager les risques de la contre violence et mettre leur vie en danger<br />

s’il le fallait. Ils se transformaient ainsi en premières sources d’information<br />

alternative. Le rôle de témoins que jouent ce genre de touristes représente une<br />

importante figure politique. En retournant ensuite chez eux, ces touristes peuvent<br />

expliquer, témoigner aux autres de ce qui s’est réellement passé dans un pays. Pour<br />

renforcer la portée de ces témoignages, l’utilisation des médias est une stratégie<br />

incontournable pour renforcer la visibilité de la cause.<br />

Tourisme révolutionnaire au Venezuela : la nouvelle tendance<br />

Le Venezuela est en revanche le nouveau lieu à la mode pour les gauchistes étrangers,<br />

après Cuba dans les années 60 et le Nicaragua dans les années 80 (Gould J, 2006).<br />

Bien que le ministère du tourisme ne possède pas de chiffres sur ce tourisme<br />

politique ou tourisme révolutionnaire, son nombre aurait augmenté de 17% entre<br />

2001 et 2005, malgré les conflits politiques et les grèves qui ont secoué le pays.<br />

De nombreux personnages célèbres visitent le Venezuela mais aussi de jeunes<br />

étudiants gauchistes qui viennent y étudier, fascinés par cette nation qui cherche une<br />

alternative aux politiques néolibérales qui ont ravagé l’Amérique Latine durant les<br />

vingt dernières années. L’impopularité de Chavez dans l’administration Bush et<br />

l’utilisation de fonds issus du pétrole pour financer des programmes sociaux ont<br />

rendu le Venezuela très populaire dans le monde gauchiste. Certains américains ont<br />

décidé d’y établir leur résidence alors que d’autres sont attirés par un tourisme<br />

révolutionnaire organisé par le gouvernement ou des groupes privés.<br />

Alors que certains le visitent comme de bons routards, d’autres s’adressent à des<br />

ONG telles que Global Exchange pour organiser leur voyage. L’ONG américaine<br />

propose deux séjours de deux semaines à 1300 $ pour visiter les quartiers pauvres où<br />

le soutien à Chavez est le plus fort. Les tours incluent des visites à des classes, des<br />

coopératives,… Les visiteurs ont la possibilité de discuter avec des ministères, de<br />

parler avec des compagnies pétrolières étatiques qui expliquent comment les<br />

pétrodollars sont utilisés dans des programmes sociaux.<br />

230


Les Américains qui voyagent au Venezuela souhaiteraient donner un signal politique<br />

fort : Reva Batterman, 27 ans dit qu’elle souhaite montrer qu’ils ne sont pas tous des<br />

supporteurs de Bush ou des impérialistes. Il existe également une envie<br />

d’informations directe. « They don’t trust Fox News. They don’t trust the<br />

mainstream news. They want to see with their own eyes what’s happening here »<br />

(Kurland E, entretien récupérér par Forero J, 2006).<br />

Ce genre de tourisme a été capitalisé par le gouvernement pour mettre en exergue<br />

certains éléments de sa politique extérieure qui fascinent et surtout pour faire oublier<br />

les problèmes politiques internes. Ce que les gens viennent voir avec curiosité est<br />

l’expérience politique vénézuélienne à la recherche d’une alternative au modèle<br />

néolibéral…<br />

Une dynamique combinée de développement du tourisme<br />

révolutionnaire en Amérique Latine<br />

Comme nous venons de le montrer, le tourisme révolutionnaire est assez développé<br />

dans certains pays d’Amérique Latine, connus pour leur opposition au système<br />

Américain.<br />

Les accords d’intégration de l’ALBA signés entre Bolivie, Cuba et Venezuela<br />

comprennent la mise en place d’un programme tourisme populaire, pour encourager<br />

le tourisme entre ces pays, dans une optique de connaissance mutuelle. Grâce à des<br />

aides économiques aux entreprises privées pour qu’elles diminuent leurs prix et des<br />

bourses de voyage, la population la moins aisée pourrait avoir accès au droit au<br />

voyage. Ce développement du tourisme social semble pourtant être resté une belle<br />

déclaration d’intention, un message politique plus qu’une réalisation.<br />

Venezuela et Cuba ont par ailleurs lancé un nouveau produit touristique binational<br />

pour offrir la possibilité aux touristes étrangers de combiner ces deux pays, promus<br />

comme route du tourisme révolutionnaire. "Si la revolución es cambio, cambio de<br />

paradigmas, cambios estructurales, transformación, mejoramiento de la calidad de<br />

231<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


vida, desarrollo sostenible, saneamiento ambiental, definitivamente esto es un<br />

turismo revolucionario" (Entretien Vice-ministère du toursime vénézuélien 16 ).<br />

3. Amélioration de la compréhension des problématiques de la<br />

pauvreté chez les touristes<br />

Le concept de « Poverty tourism » développé par Scheyvens définit le type de voyages<br />

dans des zones pauvres et marginalisées respectant les principes du justice tourism,<br />

c'est-à-dire étant aussi éthique qu’équitable.<br />

Pour certains auteurs, le tourisme incluant la visite de zones pauvres en<br />

appelle au voyeurisme des touristes. Mowforth et Munt, critique l’instrumentalisation<br />

et l’esthétisation de la pauvreté qui deviendrait expérimentalement intéressant et<br />

appréciable (Mowforth et Munt 1998 : 78).<br />

Richburg dénomme les voyageurs indépendants à la recherche d’endroits où<br />

sévit famine et désolation humaine des « voyeurs de la misère » (cité par Mac Laren<br />

1998, p.56). Il dénonçait tout particulièrement les voyageurs indépendants qui ont<br />

rejoint la Somalie à la fin des années 80 pour se faire une opinion personnelle sur le<br />

désastre humanitaire. Alors que certains d’entre eux étaient poussés par le réel désir<br />

de donner un coup de main, d’autres sont allés prendre des photos de personnes à<br />

l’article de la mort pour pouvoir les vendre à leur retour. Evidemment, cette pratique<br />

est à l’antithèse du «justice tourism». Ce sont finalement les comportements de<br />

certains touristes et TO face à la pauvreté qui sont critiquables. Organisé de façon<br />

responsable et géré par les communautés hôtes, le tourisme peut être un fort<br />

instrument de sensibilisation aux thématiques de la pauvreté.<br />

Goudie et al (1999) suggère qu’exclure les endroits isolés et marginalisés (tels<br />

que les banlieues en difficulté, favelas, zones rurales marginalisées,…) des<br />

programmes de voyage des TO les isole encore plus du système économique et social<br />

16 (http://www.cubanet.org/CNews/y06/may06/12o2.htm#turismo)<br />

232


de leur pays d’appartenance et du système global, permettant de renforcer les<br />

inégalités existantes :<br />

« In the light of the history of South Africa and current socioeconomic/spatial<br />

inequalities, it is a serious weakness within the tourism industry<br />

that its potential as a tool for economic empowerment and social integration has<br />

not been fully realized. Black areas…have largely been terra incognita for the<br />

tourism industry and, consequently, black South Africans have been given little<br />

opportunity to participate as partners or leaders within this industry sector »<br />

(Goudie et al 1999 : 27 – 8).<br />

Les « township tour » sont devenus des activités très populaires à<br />

Johannesburg. Certains critiquent le fait qu’ils ne profiteraient qu’à une poignée de<br />

résidents. Cependant lorsque bien organisés, ils permettent de surmonter les<br />

stéréotypes sur les habitants de ces banlieues noires et de leur donner une visibilité.<br />

(Scheyvens 2002, p. 107-108)<br />

Tourisme dans les favelas : solidarité ou voyeurisme ?<br />

Le tourisme dans les favelas ou township est-il moteur d’une restructuration urbaine<br />

effectuée au moyen de la mise en exergue de la diversité spatiale et culturelle<br />

constitutive des espaces métropolitains, ou simple dynamique à visée économique ? Il<br />

est intéressant de réfléchir aux nouvelles modalités selon lesquelles espaces et<br />

populations pauvres participent aux dynamiques économiques urbaines, entre<br />

instrumentalisation de la durabilité et stratégies de sortie de crise.<br />

Dans certains cas, les tours dans les favelas sont l’expression de l’organisation des<br />

habitants qui se sont regroupés en associations pour prendre en main l’activité<br />

touristique. Dans d’autres cas, ce sont des agences privées qui ont organisé ce<br />

tourisme et versent une partie des gains aux profits des associations locales.<br />

La ligne de démarcation entre le voyeurisme et la solidarité est très fine. L’appel à des<br />

valeurs humanitaires semble être la clef de cette démarcation. Visiter une favela peut<br />

donner la possibilité de procurer une visibilité aux cultures locales. Le fait d’acheter<br />

des produits fabriqués par les habitants, de s’intéresser à leur organisation sociale, de<br />

parrainer un enfant ou une institution bénévole permet de sortir de la logique de la<br />

233<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


spectacularisation du malheur. Les favelas sont le résultat et l’expression d’un<br />

manque de structure, de l’absence de l’Etat, où les habitants ont du s’organiser seuls<br />

pour construire un espace vivable et convivial. Ce que les visiteurs viennent voir et<br />

duquel ils pourraient tirer des enseignements est cette capacité humaine à se<br />

débrouiller. Dans cette optique, il est possible de concevoir un échange d’expériences.<br />

Tourisme dans les favelas : une possibilité de revaloriser la culture<br />

Pour les habitants des favelas, l’image négative qu’ils peuvent avoir de leurs propres<br />

conditions de vie est doucement ébranlée, lorsqu’ils commencent à devenir<br />

médiatisés, lorsque la photo de leur quartier apparaît dans les magazines à côté de<br />

celle de certaines célébrités.<br />

La médiatisation comme force politique<br />

En 1996, la pop star Michael Jackson et le réalisateur Spike Lee ont visité le « morro<br />

Don Marta » à Rio de Janeiro pour y tourner le vidéo-clip d’une chanson. Un bras de<br />

fer entre la communauté et le pouvoir publique a surgi à cet égard pour donner ou<br />

non l’autorisation de ce filmage. Ce conflit fut très révélateur de l’importance de la<br />

médiatisation comme moyen d’empowerment politique. L’Etat s’est retrouvé en<br />

concurrence avec la population pour la circulation transnationale d’une image. Plus<br />

l’absence de l’Etat devenait une évidence, plus la puissance communautaire se mettait<br />

en valeur et soutenait la visibilité mondiale qu’elle pouvait obtenir d’une telle<br />

initiative.<br />

Ce genre de tourisme dans les zones pauvres peut aussi bien permettre<br />

l’empowerment des populations visitées que se limiter à une simple expérience de<br />

voyeurisme : tout dépend finalement de l’approche des TO et de l’attitude des<br />

touristes.<br />

4. Travail bénévole de touristes pour la conservation de la nature ou la<br />

coopération au développement (voluntourism)<br />

Selon Wearing, le tourisme volontaire (volunteer tourism) peut être défini comme<br />

« those tourist who, for various reasons, volunteer in an organized way to<br />

234


undertake holidays that might involve aiding or alleviating the material poverty of<br />

some groups in society, the restoration of certain environments or research into<br />

aspects of society and environment » (2001, p.1).<br />

En décomposant l’expression entre volontariat et tourisme, on peut se faire<br />

clairement une idée sur la signification de l’expression qui combine aussi bien des<br />

activités de volontariat que des visites touristiques plus classiques. En revanche, le<br />

terme volunteering (volontariat) ne mettrait l’accent que sur la seule activité de<br />

volontariat. Ce terme traduit toutes les activités de volontariat classiquement appelés<br />

camps de travail – chantiers internationaux – voyages de découverte – service<br />

learning, qui mettraient l’accent sur l’acquisition d’expériences. Ces volontaires ne se<br />

perçoivent pas du tout comme des touristes.<br />

Dans notre réflexion, il ne nous semble pas nécessaire d’organiser une distinction<br />

entre les deux : ce sont des personnes voyageant à l’étranger pour passer la majorité<br />

de leur temps à faire du volontariat (qu’il y ait activité de tourisme ou non apparaît<br />

secondaire).<br />

Le choix du vocabulaire utilisé pour qualifier ce genre d’expériences n’est pas anodin.<br />

A peine change-t-on la dénomination de « service lerning » par « volunteer<br />

tourism », on peut se permettre de remettre en question l’image positive<br />

habituellement liée au volontariat puisque le mot tourisme suscite automatiquement<br />

débat et remise en question sur son bien-fondé.<br />

Selon Scheyvens (2002, p.111, traduction libre), ce type de tourisme peut être analysé<br />

comme :<br />

235<br />

• utile : offrant une aide constructive aux pays du Sud à travers le transfert de<br />

compétences.<br />

• éducatif : il permet un échange culturel riche, créant des opportunités de<br />

compréhension interculturelle qui ne serait pas atteignable par l’intermédiaire<br />

de voyages conventionnels.<br />

• inoffensif : il laisse libre expression aux désirs altruistes de petits groupes de<br />

touristes.<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


• nocif : engendrant une relation inéquitable qui voit le Nord comme capable de<br />

répondre aux problèmes de développement du Sud. De plus ces personnes ne<br />

sont pas des professionnels du développement et ne peuvent s’improviser dans<br />

ce rôle. La bonne volonté ne peut remplacer le professionnalisme.<br />

Deux types de tourisme humanitaire existent :<br />

- activités de bénévolat en faveur de la conservation de la nature.<br />

- activités de bénévolat dans le domaine de la coopération internationale.<br />

Aide à des projets de conservation de la nature<br />

Ce type de tourisme, environnementalement responsable, (Wearing, 2001) attire des<br />

volontaires souvent motivés par un unique intérêt pour la conservation des espèces<br />

en danger. L’implication des populations locales est très souvent absente dans ces<br />

chantiers de travail.<br />

« A global concern for the environment and the call to « think-globally, act locally»<br />

while lofty and harmless in practice, have a tendency to become a crusade that is<br />

devoided of notions of social justice and a concern for local people’s perceptions »<br />

(Mowforth et Munt 1998, p.181).<br />

Ce type de travail volontaire ne se situe pas au centre de notre étude puisqu’il ne<br />

participerait en rien à l’empowerment des populations locales ; au contraire, il peut<br />

participer au disempowerment des communautés qui n’ont plus le contrôle de leurs<br />

propres ressources naturelles et aucun pouvoir de décision. Avant de s’engager dans<br />

de telles missions écologiques bénévoles, les volontaires devraient trouver les<br />

réponses à ces questions : Les communautés sont-elles informées de l’existence du<br />

camp de travail ? Ont-elles un pouvoir de contrôle sur celui-ci ?<br />

Aide à des projets de développement<br />

Hutnyk est très cynique quant au rôle de ce « tourisme de charité » (Hutnyk, 1996<br />

cité dans Scheyvens 2002, p.113), soulignant le manque de professionnalisme et de<br />

compréhension des thématiques de développement de ces volontaires. Hutnyk<br />

236


conçoit le tourisme volontaire comme une pratique « entrenching inequitable<br />

relationships which see the West as having the answers to the developmental<br />

problems of the Third World, while failing to acknowledge the place of the West in<br />

creating/entrenching such problems, and ignoring the skills, resources and<br />

knowledge of Third World peoples » (Hutnyk, 1996)<br />

Il existe de nombreux types d’acteurs et d’organisateurs de tourisme humanitaire,<br />

dont les motivations et l’éthique peuvent varier de façon notoire. En effet, certaines<br />

organisations (ONG) ont une réelle orientation altruiste et dont l’action répond à des<br />

besoins réels dans les pays du Sud. De nombreuses ONG ne sont pas spécialisés dans<br />

l’offre de tourisme humanitaire mais peuvent proposer une seule destination, dans<br />

leur lieu d’intervention. D’autres acteurs privés, comme les agences de voyage, ont pu<br />

saisir l’opportunité et répondre à la demande naissante.<br />

Une organisation comme Cross-cultural Solutions a l’ambition très idéaliste que les<br />

touristes fourniront des solutions aux problèmes auxquels sont confrontés les pays du<br />

Sud. « give volunteers from all over the world the opportunity to come face to face<br />

with global issues and become part of productive solution ». 17<br />

D’autres organisations possèdent une démarche beaucoup plus bénéfique, à notre<br />

goût, en soulignant le rôle éducatif de tels voyages. Pour Ladakh Farm Project et<br />

Karakol Intercultural Programme, l’objectif de ce type de voyages réside dans la<br />

construction de rapports humains entre des personnes issues de différentes parties<br />

du globe, pour favoriser la compréhension interculturelle dans les deux sens. Ladakh<br />

Farm Project sponsorise des personnes du Sud à voyager au Nord pour démystifier<br />

certains stéréotypes développés par les mass médias et qui ont des effets dévastateurs<br />

au Sud. En se trouvant dans une logique d’échange et non de donneurs de leçons, on<br />

peut vraiment parler d’empowerment.<br />

« A main focus of our work in Ladakh is to provide much-needed information about<br />

the real costs of conventional development. We also work to dispel some of the<br />

myths about life in the West that are so corrosive to cultural and individual self-<br />

17 www.crossculturalsolutions.org/projectindia/ccs.html<br />

237<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


esteem. We sponsor Ladakhi community leaders to come to the West on 'reality<br />

tours', which serve to balance the glamourised image of modern, urban life that is<br />

spread through advertising, television and tourism»<br />

Certains TO proposent des séjours d’une semaine. Une durée aussi courte ne laisse<br />

pas le temps pour apporter une réelle aide. En revanche, il est possible de nouer<br />

d’autres formes de rapports avec la communauté locale muées par des logiques de<br />

solidarité et non seulement de profit. Si le travail bénévole n’est qu’éducatif,<br />

finalement, ne serait-ce pas plus honnête de développer d’autres formes de justice<br />

tourism, sans intégrer de travail de volontariat international ?<br />

Interrogations sur l’utilité du volontariat<br />

Il est difficile de s’assurer que les compétences des touristes et le travail réalisé<br />

réponde aux réels besoins des communautés. Dans de nombreux cas, le travail<br />

volontaire est simplement un prétexte et l’utilité de celui-ci peut être remise en cause.<br />

« The work can probably bel’ done faster if the locals do it themselves, provided they<br />

have the funds to do so » (Entretien à Yin, réalisé par Harng Luh S, 2005).<br />

Si ce type de tourisme est réalisé dans une optique de développement, le tourisme<br />

volontaire ne représenterait pas la meilleure option vu l’inefficacité du travail réalisé.<br />

Cependant ces volontaires travaillant gratuitement et se payant la plupart du temps<br />

tous leurs frais personnels (nourriture, logement,…), même s’ils ne sont pas efficaces<br />

au travail, constituent de toute façon une ressource supplémentaire et n’empêchent<br />

pas l’aide au développement de continuer son travail de façon professionnelle.<br />

Le risque de ce genre d’aide est cependant d’augmenter la dépendance des locaux<br />

envers l’aide extérieure. Entretenir une logique d’assistentialisme est très contreproductif<br />

et facteur de disempowerment des populations locales qui ne sont ensuite<br />

plus capables de prendre leur propre destin en mains (c’est un reproche que l’on peut<br />

faire à l’aide au développement en général).<br />

238


Lorsque les touristes possèdent des comportements inappropriés, les effets de ce<br />

tourisme seront plus négatifs que positifs sur la communauté locale. Un local ayant<br />

reçu un groupe de jeunes volontaires décrit l’expérience de cette façon ; ce sont de<br />

« rich kids who have nothing better to do. They don’t know anything about the<br />

developing world and they are just big guys who think they can develop things in<br />

one month’s time. I don’t like that. They are too spoilt. They are not meant for<br />

Cambodia» (Entretien réalisé par Harng Luh S, 2005).<br />

Si ces voyages sont finalement organisés dans l’unique optique de faire vivre de dures<br />

conditions à des jeunes occidentaux afin qu’ils apprécient dès leur retour, le confort<br />

qu’ils ont chez eux (Yin, 2005), les bénéfices de l’expérience en termes de solidarité et<br />

de compréhension mutuelle seront très réduits.<br />

Pour juger de l’efficacité de ce genre de tourisme en termes d’empowerment des<br />

communautés locales, là encore cela dépendra beaucoup du rôle du touriste et du<br />

comportement de la population locale.<br />

Au-delà du volontariat, un apprentissage de la diversité culturelle<br />

En mettant de côté l’analyse sur l’utilité du volontariat, il est intéressant d’analyser<br />

comment ce genre de tourisme permet de nouer d’autres types de relations avec la<br />

communauté locale. En général, il permet une bien meilleure interaction avec les<br />

locaux qui ne jugent pas et ne rejettent pas ces derniers comme les touristes de<br />

masse.<br />

Selon Harng Luh (2005) qui a mené une étude sur le volontariat de jeunes étudiants<br />

de Singapour en Asie, une relation de compréhension mutuelle peut naître entre<br />

l’hôte et le visiteur. Les premiers se rendraient compte des injustices sociales alors<br />

que les deuxièmes qui n’ont pas la possibilité de voyager pourraient avoir une<br />

ouverture sur le monde et voir que la vie dans les pays développés n’est pas toujours<br />

si facile et diffère de l’image renvoyé par les médias.<br />

« Thus, volunteer tourism has the capacity to forge in-depth and good relationships<br />

between most unlikely people in disparate geographic locales, often belonging to<br />

different ends of the social and wealth spectrum » (Harng Luh S, 2005).<br />

239<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Le tourisme a donc la capacité d’augmenter la compréhension mutuelle, la<br />

communication et donc la tolérance. L’objectif recherché à travers ce volontariat<br />

serait de former de jeunes citoyens responsables, désireux de s’impliquer dans la<br />

résolution de problèmes sociaux, aptes à se transformer en citoyens plus actifs et<br />

engagés.<br />

Le tourisme volontaire doit être présenté comme un échange d’expériences plutôt que<br />

comme une action philanthropique ou de charité. La pitié est destructrice alors que<br />

l’admiration est « empowering »<br />

Ne serait-ce pas plus juste de développer un tourisme responsable plutôt que de<br />

vouloir organiser des volontariats qui peuvent être plus nocifs que positifs pour des<br />

personnes n’ayant pas les compétences nécessaires en matière de développement. Il<br />

semble difficile de penser que l’on puisse s’inventer coopérant d’un jour à l’autre.<br />

Assumer sa position de touriste, qui ne vient pas sauver le monde, mais connaître, ne<br />

serait-il pas intellectuellement et émotionnellement plus honnête ? Nous reviendrons<br />

sur ce thème plus largement dans notre cas d’étude sur le peuple Sahraoui.<br />

Quelle participation des communautés locales ?<br />

Etant donné qu’il n’existe aucune régulation contrôlant le tourisme volontaire,<br />

n’importe qui peut décider de lancer un programme dans une communauté locale.<br />

Cela peut conduire à une multiplication d’initiatives sans coordination entre elles<br />

conduisant à une distribution inégale des ressources. Une planification participative,<br />

impliquant la communauté locale, doit donc être programmée pour que ce tourisme<br />

puisse être bénéfique. McGehee et Andereck (2005), par une étude réalisée sur deux<br />

communautés de Tijuana au Mexique ont montré que l’acceptation de la<br />

communauté locale pour ce genre de tourisme était forte mais que la demande d’une<br />

plus grande participation dans la planification était également un élément essentiel.<br />

80% des sondés ont exprimé leur accord ou profond accord pour améliorer la<br />

participation de la population dans la réception des touristes volontaires. 70% ont<br />

également exprimé leur souhait de développer cette activité et de recevoir plus de<br />

visiteurs.<br />

Conditions pour que le justice tourism remplisse son objectif de<br />

transformation sociale :<br />

240


Cela dépend des motivations des trois acteurs en jeu.<br />

• Si le justice tourism n’est pas programmé dans le respect des besoins des<br />

communautés locales, il est fort probable que le TO (ou ONG) organisateur<br />

impose sa propre vision des choses (risque de disempowerment plus que<br />

d’empowerment).<br />

• Si la communauté locale est motivée pour développer le tourisme pour des<br />

raisons purement économiques, sans prendre en compte la dimension<br />

politico-sociale, il est plus difficile de mettre en route un cercle vertueux<br />

d’empowerment.<br />

• Un autre élément clé est celui des motivations du touriste. Il est impossible<br />

que le tourisme remplisse son rôle d’empowerment des communautés locales<br />

et de transformation sociale si le touriste est essentiellement motivé par the<br />

”thrill of entering a potential conflict zone, rather than any concern for<br />

building solidarity or a commitment to justice issues” (Scheyvens, 2002 p.<br />

117). Dans ce cas de figure, il existe le risque que cette expérience se<br />

transforme en dark tourism, concept développé par Lennon et Folley (1999) ou<br />

Hall (2001). De telles formes de tourisme sont mises en banc d’accusation,<br />

étant motivés par le voyeurisme, promus pour des raisons strictement<br />

économiques et « milking the macabre » (Dan, 1999 cité dans Richter 2002)<br />

plutôt que par un réel désir d’éducation ou de création de liens de solidarité<br />

entre hôtes et visiteurs.<br />

Risques de dérive du justice tourism : dark tourism<br />

Le terme générique de « Dark tourism» ou « thanatourisme » a été inventé en 2002<br />

par Foley et Lennon. Il existe différentes catégories de figure propices à ce « tourisme<br />

sombre « :<br />

- le « tourisme des champs de bataille » comme les plages du débarquement en<br />

Normandie,<br />

- le « tourisme des désastres » que l’on a pu voir se développer à la Nouvelle<br />

Orléans à la suite de l’Ouragan Katrina,<br />

241<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


- le tourisme sur les lieux où des personnes célèbres sont morts (ex : Kennedy)<br />

ou la visite des cimetières.<br />

- le « tourisme des prisons », celle d’Alcatraz étant la plus connue.<br />

- le tourisme de guerre. L’Irak serait la destination à la mode du moment.<br />

Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive, puisque l’étude du tourisme sombre n’en est<br />

qu’à ses balbutiements, mais elle donne une idée de la diversité des phénomènes<br />

qu’elle regroupe. Le dark tourism peut donc être décrit comme la visite de sites qui<br />

sont connectés d’une certaine façon à la mort (champs de bataille, cimetières,<br />

endroits où a eu lieu un crime célèbre,…). Le thanatourisme possèderait la même<br />

signification:<br />

“…travel to a location wholly, or partially, motivated by the desire for actual or<br />

symbolic encounters with death, particularly, but not exclusively…” (1996, p.240).<br />

Les deux concepts ne caractérisent pas la nature de la destination visitée mais les<br />

motifs qui poussent le voyageur à s’y rendre : voyeurisme, recherche de sensations,<br />

etc.<br />

3.2.5. Analyse des motivations des touristes : entre hédonisme<br />

et activisme<br />

Analyser les motivations des touristes nous apparaît central à ce point de la réflexion<br />

puisque celles-ci influenceront le type d’interactions qui se produit entre hôte et<br />

visiteurs et surtout détermineront si le tourisme peut réellement se transformer en<br />

instrument de changement social de par la transformation du touriste en activiste,<br />

après son retour de voyage.<br />

La majorité des auteurs ont analysé le tourisme comme motivé par des raisons<br />

purement égoïstes liées aux loisirs et à la recherche de plaisir (Mowforth et Munt,<br />

2003). C’est d’ailleurs cette idée qui prédomine au sein de l’opinion publique. Les<br />

volontaires internationaux qui partent faire des camps de travail à l’étranger ne se<br />

reconnaissent pas dans l’appellation de touriste volontaire ou humanitaire. Les<br />

touristes alternatifs ne se reconnaitraient pas non plus dans l’appellation de<br />

242


« touriste » et préfèreront sûrement la notion de voyageur pour mettre l’exergue sur<br />

la volonté de connaissances qui motivent leurs voyages.<br />

Nous n’entrerons pas dans le débat de savoir s’il est juste et pertinent de classifier le<br />

volontariat international dans la catégorie tourisme (volunteer tourism). Nous<br />

concevons le tourisme dans son acception la plus large, donnée par l’OMT … Ce qui<br />

nous intéresse avant tout est de voir comment les échanges interculturels (par les<br />

voyages, les rencontres dans des pays étrangers au sien) sont facteur de changement<br />

social.<br />

Après cet aparté qui semblait nécessaire pour recadrer l’objectif de la recherche, il est<br />

nécessaire de retourner sur le thème de la motivation des touristes alternatifs. Si le<br />

touriste est un être mû par l’unique désir de prendre du plaisir par la pratique de<br />

loisirs, il semble difficile que le tourisme puisse jouer un rôle positif en terme de<br />

changement social.<br />

Cependant, comme il l’a été développé par certains auteurs, tous les touristes n’ont<br />

pas comme unique motivation la recherche de plaisir. Premièrement, on peut<br />

souligner qu’il est réducteur imaginer qu’il n’existe qu’une seule motivation poussant<br />

au voyage. Les touristes sont mus par plusieurs motifs au même moment qui<br />

influencent leur décision de voyager (Pearce PL, 1993). De plus, la plupart des<br />

motivations changent au cours du cycle de vie d’une personne.<br />

La classification de Cohen<br />

Selon Cohen, le tourisme n’est pas seulement motivé par la recherche de récréation et<br />

de diversion, ou d’authenticité. Il propose une classification des expériences<br />

touristiques en cinq catégories.<br />

1. Le tourisme de récréation<br />

2. Le tourisme de diversion<br />

3. Le tourisme d’expérience<br />

4. Le tourisme d’expérimentation<br />

5. Le tourisme d’existence<br />

243<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


1. C’est la catégorie la plus classique. Par le voyage, le touriste cherche à se divertir, au<br />

même titre qu’il peut le faire avec d’autres activités telles que le cinéma, la<br />

télévision,… Il recherche par là une sensation de plaisir et de bien-être pour rompre<br />

sa routine et sa vie de travail étouffante et frénétique.<br />

2. Pour ces touristes, voyager a perdu sa dimension récréative : cela procure<br />

simplement une diversion pour se sortir de la routine aliénante de la vie quotidienne.<br />

Le voyage ne procure pas du plaisir mais permet de rendre l’aliénation endurable.<br />

Ces deux premiers types, les plus diffusés, sont associés au tourisme de masse. En<br />

revanche, il existerait d’autres motivations plus profondes chez certains touristes,<br />

notamment les « post-modernes ».<br />

3. L’aliénation et le désenchantement causés par les rythmes de vie de la société<br />

moderne, conduisent certaines personnes à vouloir donner un sens à leur vie. Alors<br />

que les plus radicaux, aspirent à transformer le monde par la révolution, les<br />

alternatifs moins radicaux recherchent à donner du sens dans leur vie, par la<br />

rencontre avec l’autre, c'est-à-dire par le tourisme (MacCannell, 1976, p.3). Ce genre<br />

de touristes cherche à se convaincre qu’ils arrivent à nouer des relations authentiques<br />

en passant outre le « front » pour pénétrer dans le « back » des sociétés hôtes.<br />

4. Le tourisme n’est pas la seule forme d’activité possible dans cette recherche<br />

effrénée de nouvelles expériences : mysticisme, drogue, etc, peuvent servir<br />

d’alternatives. Le touriste expérimental est à la recherche de lui-même et n’est pas<br />

conscient de ce qu’il recherche…<br />

5. Le touriste qui est éternellement en recherche de nouvelles expériences et ne peut<br />

plus se passer de voyager d’un endroit à l’autre, en étant incapable de se fixer dans un<br />

endroit est à classer dans le registre de l’existentiel. Cohen voit en lui la figure du<br />

voyageur.<br />

La catégorisation de Cohen représente une base intéressante sur laquelle appuyer des<br />

analyses sur les expériences touristiques mais elle peut être réélaborée. En mixant les<br />

différentes catégories existantes, il est possible d’expliquer de nouvelles formes<br />

hybrides de tourisme.<br />

244


La classification de Mowforth et Munt<br />

Mowforth et Munt (2003) ont basé leur classification des touristes sur le travail de<br />

Bourdieu. Selon eux, la majorité des touristes alternatifs voyageraient pour acquérir<br />

du capital culturel, qui leur permettrait de se différencier au niveau de leur classe<br />

sociale. Ce ne serait donc pas l’altruisme qui motiverait ces nouveaux touristes<br />

alternatifs. La nouvelle bourgeoisie serait le premier client des produits<br />

écotouristiques, puisque leur capital économique leur permettrait de se payer des<br />

voyages à la carte coûteux, possédant une composante environnementale pour<br />

légitimer leur voyage. L’autre catégorie qu’ils identifient est celle des « égotouristes »<br />

qui sont moins nombreux que les premiers et cherchent à définir leur individualité en<br />

pratiquant d’autres manières de faire du tourisme.<br />

En suivant cette logique de classification de Bourdieu, il est possible d’identifier deux<br />

types de touristes (Wrelton, 2006):<br />

- les « CV builders » (les jeunes souhaitant enrichir leur CV) qui sont de jeunes<br />

gens qui utilisent le tourisme comme moyen pour se construire un capital<br />

culturel. Ils ont globalement des expériences d’assez long terme et voyagent<br />

en tant que touristes indépendants ou touristes volontaires (volunteer<br />

tourists).<br />

- Les « nouveaux intellectuels » qui légitiment leur expérience de voyage à<br />

travers l’ajout d’aspects éducationnels.<br />

Cette critique de Mowforth et Munt sur les motivations non altruistes des touristes<br />

alternatifs est à relativiser et replacer dans un débat plus large sur<br />

altruisme/égoïsme. L’auteure postule que même les plus grandes figures historiques<br />

qui ont finalement sacrifiées leur vie pour un idéal, dans un intérêt collectif étaient<br />

mues non seulement par des motivations altruistes mais aussi égoïstes. Lorsqu’une<br />

personne fait un choix personnel de travailler dans la coopération au développement,<br />

de faire du volontariat, où n’importe quelque mission sociale servant l’intérêt général,<br />

elle fait ce choix avant tout parce que cela donne un sens à sa vie, parce que cela la<br />

rend heureuse, dans une optique purement individuelle. Cet aparté ne vise en rien à<br />

minimiser le rôle de ces personnes mais seulement à remettre en doute la pertinence<br />

de la dichotomie altruisme/égoïsme. Les motivations portant à n’importe quelle prise<br />

245<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


de décision sont complexes et ne peuvent être jugées de façon manichéenne selon un<br />

axe égoïsme/altruisme.<br />

Mowforth et Munt, de par leur analyse sur la typologie des touristes alternatifs<br />

mettent le doigt sur un élément intéressant pour notre réflexion : ces touristes<br />

alternatifs occidentaux représentent en quelque sorte des formeurs d’opinions dans<br />

leurs pays (classe sociale élevée ou jeunesse formée). Cela signifierait donc qu’ils ont<br />

le potentiel pour être de forts vecteurs de transformation sociale grâce à leur capital<br />

social, à leurs réseaux et à la position qu’ils occupent dans la société.<br />

3.3. Le tourisme comme instrument d’empowerment<br />

politique : un nouveau modèle de développement<br />

dans un monde globalisé<br />

L’objectif que nous proposons dans cette partie est de se focaliser sur le rôle<br />

sociopolitique du tourisme dans le cadre d’un modèle de développement au sein d’un<br />

monde globalisé. Dans ce contexte, nous proposons un modèle d’empowerment pour<br />

les communautés locales marginalisées, visant à élargir leur autonomie politique et<br />

leur pouvoir de négociation à l’échelle nationale, en grade de leur fournir une plus<br />

grande liberté et autonomie dans la gestion de leur propre choix de développement.<br />

Le modèle étudie les nouvelles opportunités que le tourisme peut offrir, en<br />

développant les aspects politiques, économiques et de visibilité médiatique. Ce<br />

graphique a pour objectif de synthétiser toutes les réflexions développées jusqu’alors<br />

sous forme de schéma.<br />

3.3.1 Globalisation et création de nouveaux espaces d’actions à<br />

l’échelle locale<br />

L’innovation que nous proposons d’intégrer dans ce schéma est de recontextualiser le<br />

tourisme à l’heure d’aujourd’hui, c’est-à-dire dans un contexte de globalisation. Pour<br />

ce, il est nécessaire de définir ce concept et de s’affronter au démantèlement de<br />

nombreuses idées reçues.<br />

246


La globalisation est au centre de toutes les discussions, en passant des bavardages de<br />

comptoirs où elle vient, diabolisée, aux réunions de l’OMC où les opportunités<br />

commerciales tentent d’être maximisées. Elle est souvent représentée comme une<br />

sorte de force surhumaine, volonté de dieux démiurges, qui agirait indépendamment<br />

des pratiques des acteurs sociaux (Mato., 2007). Les relations Nord-Sud restent<br />

encore marquées par un imaginaire lié aux événements conflictuels (guerres,<br />

esclavagisme, inégalités économiques, etc.) et au traumatisme de la colonisation<br />

(Laïdi Z, 2002). Aussi la mondialisation évoque-t-elle encore une idée de domination,<br />

de manipulation, de ruse des pays riches : l’imaginaire du complot est vivace dans<br />

certains esprits : la mondialisation serait une conspiration de Wall Street et du FMI<br />

pour faire main basse sur la planète. La mondialisation est souvent vécue, ou associée<br />

par beaucoup à une destruction sociétale. La sphère de l’économie irait en<br />

s’autonomisant de plus en plus, s’affranchissant ainsi du cadre fermé de l’Etat Nation<br />

classique et entrant en conflit avec les autres sphères, (notamment le politique,<br />

l’esthétique, etc.) indiquées par Weber.<br />

La globalisation sera conçue comme « l'intensification des relations sociales<br />

mondiales qui relient les localités lointaines, en faisant en sorte que les événements<br />

locaux soient modelés par les événements qui se vérifient des milliers de kilomètres<br />

plus loin et vice-versa ». (Giddens, 2001).<br />

Les « processus de globalisation » étant loin d’être récents, il est légitime de se<br />

demander pourquoi ils ont acquis une importance prépondérante au sein du débat<br />

public international. Ce qui distingue la globalisation aujourd’hui des évènements<br />

globaux historiques est la vitesse et l’intensité des mouvements du capital, du travail<br />

et de la technologie à travers le monde. De plus, la globalisation est assimilée à<br />

l’imposition d’un modèle économique néolibéral avec pour corollaire son lot<br />

d’impacts négatifs sur les sociétés locales : accroissement de l’inégale répartition des<br />

richesses, imposition d’un modèle hégémonique culturel consumériste, acculturation,<br />

augmentation de la pauvreté…<br />

De nombreux mouvements sociaux au niveau mondial disent s’opposer à la<br />

globalisation. Selon Jackson R, « Strategies to oppose globalisation, including<br />

alternative models of economic development, have been formultaed by the<br />

247<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


International Forum on Globalization (2002) » Cette opposition focalise un intérêt<br />

croissant qui transcende les frontières nationales et les groupes d’intérêts dans un<br />

mouvement qui peut être appelé globalisation par le bas (Brecher et al, 2000).<br />

L’erreur commune qui se retrouve chez Jackson et est omniprésente au sein de<br />

l’opinion publique est de définir ce type de mouvements comme « no-global » ou<br />

opposés à la globalisation. Hors ces nouveaux types de mouvements sociaux<br />

émergent justement des processus de globalisation et de mises en réseau<br />

transnationaux entre les différentes sociétés civiles. Ils ne s’opposeraient pas à la<br />

globalisation mais chercheraient simplement à proposer d’autres alternatives de<br />

globalisation : c'est-à-dire une globalisation par le bas, une globalisation non<br />

seulement économique (imposition d’un modèle néo-libéral) mais qui prône la<br />

diversité culturelle.<br />

Mais la globalisation serait-elle un phénomène exclusivement négatif ? En réalité,<br />

comme tout phénomène complexe, il implique des risques mais aussi l’émergence de<br />

nouvelles opportunités, très souvent sous-estimées ou reléguées au second plan. La<br />

globalisation représente un ensemble complexe de processus qui opèrent de façon<br />

contradictoire et antagonique : libéralisme vs protectionnisme, globalisation vs<br />

régionalisation, homogénéisation vs diversité,… Cependant ce processus ne serait pas<br />

univoque et dominé par une logique uniquement économique. Il existe de multiples<br />

formes de mondialisation (politique, culturelle, commerciale, juridique, scientifique,<br />

médiatique notamment), guidées chacune par leurs lois internes.<br />

En effet, les communautés locales marginalisées doivent s’adapter à la réalité de ce<br />

nouveau contexte global et en tirer profit pour sortir des logiques perverses de<br />

paupérisation et marginalisation dans lesquelles elles sont immergées. Giddens<br />

considère la globalisation comme une force positive qui a le potentiel d’avoir un effet<br />

démocratisant notamment grâce à l’émergence de nouveaux mouvements sociaux<br />

globaux et grâce à la diffusion de nouvelles technologies capables de créer de<br />

nouvelles sphères publiques au niveau global (Lewandowski, 2003). A l’intérieur de<br />

ce contexte, il apparaît pertinent de s’interroger sur le rôle du tourisme, activité<br />

globalisatrice par excellence, et ses implications sur la pauvreté. L’objectif que nous<br />

nous proposons est de nous focaliser sur le rôle sociopolitique du tourisme dans le<br />

248


cadre d’un modèle de développement politique, social et économique au sein d’un<br />

monde globalisé.<br />

La globalisation renvoie de plus en plus à une implosion ethnique ou communautaire<br />

des nations et des pays, c’est l’alliance inattendue du local et du global qui se dessine<br />

ainsi par delà les Etats. Une globalisation vernaculaire (Arjun Appadurai), ou un<br />

« ethnisme » global (Georges Corm), s’annoncent comme les nouvelles idéologies<br />

mondiales.<br />

Le territoire : une perte de sens ?<br />

« L'ancrage identitaire n'est plus territorial, il est symbolique et réticulaire. C'est<br />

l'appartenance à un réseau qui prime sur l'inscription dans un espace juridicoétatique<br />

». (Appadurai, 2002)<br />

Nous postulons que la multiplication des réseaux transnationaux ne s’impose pas à<br />

l’ancrage identitaire basé sur un territoire. Au contraire, les communautés locales qui<br />

revendiquent une identité fortement liée à leur territoire utilisent les réseaux<br />

transnationaux pour défendre ce dernier. Le territoire reste alors un espace en<br />

perpétuel questionnement en relation avec l’extérieur. De façon concrète,<br />

l’articulation entre le local et le global peut sembler difficile mais finalement, tout ceci<br />

aboutit à une nouvelle méthode, voire une nouvelle école de pensée dont les<br />

fondements peuvent se résumer simplement (Calame P) :<br />

*halte au cloisonnement.<br />

*place à l’expérience de chaque territoire acteur.<br />

*importance de la gestion de la communication.<br />

*inscription dans la relation internationale.<br />

Le territoire est loin d’être un simple lieu géographique délimité. En effet, le territoire<br />

est le lieu où les relations se nouent entre les différents partenaires et où les réseaux<br />

se créent afin d’agir ensemble. Ce territoire devient donc un acteur à part entière de la<br />

mondialisation.<br />

249<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


La gestion des ressources selon des méthodes décidées localement est souvent plus<br />

optimale que les méthodes de gestion préconisées par le marché mondial. C’est donc<br />

entre autre par la mise en réseaux de ces initiatives locales qu’il est possible de vivre<br />

ensemble dans la diversité.<br />

La thèse défendue par Calame est que le territoire local est la brique de base de la<br />

gouvernance, car l’édifice se construit du local au global. Il faut penser à partir du<br />

local pour être capable d’analyser et de trouver des solutions au modèle actuel de<br />

développement, et ainsi faire évoluer la gouvernance territoriale. La globalisation par<br />

le bas, crée de nouvelles pressions pour l’autonomie locale. La globalisation ne se<br />

limite pas seulement à retirer du pouvoir ou de l’influence aux communautés locales<br />

et nations pour le transférer à l’arène globale mais il existe également l’effet opposé.<br />

« Les nationalismes locaux jaillissent comme réponse aux tendances globalisantes, à<br />

mesure que la domination des anciens Etats nations s’affaiblit » (Traduction libre,<br />

Giddens 2000 : 23).<br />

Globalisation et identité<br />

L’identité nationale subit une transformation dans ce processus : elle ne se substitue<br />

pas par une identité transnationale mais mue par une intégration réciproque entre<br />

ces deux réalités.<br />

McCarthy (1997) souligne que les identités transnationales peuvent se former grâce<br />

au processus d’intégration globale favorisant les contacts personnels et la<br />

communication. Ces contacts peuvent, loin de mettre à risque les identités<br />

nationalistes, régionalistes ou communautaires, les renforcer. Il relie l’identité<br />

transnationale à l’activisme transnational.<br />

Giddens affirme que « l’idée selon laquelle la tradition est imperméable au<br />

changement est un mythe. Les traditions évoluent au cours du temps, mais peuvent<br />

également être altérées ou transformées de façon assez rapide. Si je peux m’exprimer<br />

de la sorte, je dirai qu’elles sont inventées et réinventées » (Traduction libre, Giddens<br />

(2000 :51) cité in Dias, 2003 : 107).<br />

250


Contrairement au sens commun, l’exposition des cultures locales au phénomène de<br />

globalisation peut permettre un renforcement de l’identité culturelle, en ayant<br />

recours à des manifestations folkloriques, la communauté réinterprète et renforce sa<br />

tradition historique, résistant au processus d’assimilation de la culture du voyageur.<br />

(Dias, 2007 : 111)<br />

La « double logique de l’innovation issue de l’interaction entre dynamique locale et<br />

logique globale, loin de signaler la fin des territoires ou leur occidentalisation,<br />

poserait comme centrale une stratégie interculturelle facteur de changement social,<br />

renouvelant la problématique réductrice de la déstructuration des sociétés d’accueil<br />

par le tourisme » (Volle, 2005, p.17) Cette dynamique locale se situe entre une longue<br />

tradition de résistance et de contact avec le monde extérieur et les logiques<br />

dominantes.<br />

Globalisation<br />

différenciation<br />

et effets sur les cultures : homogénéisation /<br />

La globalisation est très souvent représentée comme une force d’homogénéisation<br />

culturelle : c’est le scénario le plus diffus au sein de l’opinion publique internationale.<br />

Elle serait perçue comme une occidentalisation déguisée ou une américanisation du<br />

monde. Il est incontestable que dans tous les pays, développés comme en<br />

développement, on assiste à une standardisation croissante, les chaînes<br />

internationales d’hôtellerie, de restauration et de commerce prenant apparemment<br />

de plus en plus le pas sur les entreprises nationales et locales pour imposer leurs<br />

propres critères de qualité. En réalité, la production culturelle globale ne se limite pas<br />

à l’imposition et l’exportation de la culture déterminée d’un pays. La globalisation<br />

suscite des processus de réappropriation.<br />

Finalement, la globalisation ne peut être analysée de façon dichotomique : ou elle<br />

engendre une homogénéisation ou elle favorise la diversité culturelle. La diffusion de<br />

valeurs globales provoque différents types de réactions au sein des communautés<br />

locales qui passent du rejet à l’incorporation de nouveaux us et coutumes. Il existe<br />

deux processus opposés et simultanés qui sont la disparition d’anciennes cultures<br />

251<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


d’un côté et la consolidation de certaines d’un autre, après une confrontation à<br />

l’altérité.<br />

En d’autres termes, les échanges entre cultures ne sont pas seulement utilitaires, ils<br />

drainent aussi toute une dimension symbolique de reconnaissance mutuelle. On le<br />

voit clairement dans les revendications de « reconnaissance culturelle » de diasporas<br />

ou de minorités au sein des sociétés globales, notamment occidentales. Ce<br />

phénomène est-il un premier indice d’une demande universelle, et donc les prémices<br />

d’une société civile mondiale en construction ? L’amorce d’une future<br />

« gouvernance » mondiale ? Rien n’empêche de penser que cela en constitue les<br />

origines.<br />

Vers l’émergence d’une société civile internationale apte à proposer un<br />

modèle alternatif de développement ?<br />

L’usage très large du terme de société civile fait de celui-ci un instrument privilégié<br />

du discours politique. Appelé à l’aide tout autant au sein des courants de pensées<br />

néolibérales que des mouvements marxistes, ce concept englobe une multiplicité de<br />

sens et de niveaux de compréhension parfois contradictoires. La société civile se<br />

démarque d’un côté de la sphère Etatique, et de l’autre de la sphère « privée »,<br />

familiale et des liens de la communauté locale.<br />

Un élément prédominant dans la conception occidentale moderne de la société civile,<br />

et ce notamment depuis la fin de l’ère communiste, est son rôle affiché de<br />

«contestation» vis-à-vis de l’Etat. La société civile est alors conçue comme une<br />

structure de pouvoir alternative, parallèle à l’Etat, cherchant à mettre en place une<br />

nouvelle légitimité du pouvoir.<br />

Nouvelle forme de « partenariat » des politiques publiques, pilier des politiques de<br />

« bonne gouvernance », nouvel interlocuteur de la communauté internationale, les<br />

organisations de la société civile sont ainsi placées au centre du jeu politique des pays<br />

du Sud.<br />

252


Culture globale<br />

Edgar Morin (2002) soutient la possibilité de la construction d’une société globale<br />

qui représente une culture planétaire. Selon lui, il existe une civilisation mondiale, en<br />

dehors de la civilisation occidentale, qui développe une rencontre interactive entre les<br />

sciences, les techniques, l’industrie, le capitalisme et qui comporte un certain nombre<br />

de valeurs standardisées. En même temps, cette culture comporte de multiples<br />

cultures en son sein puisque chaque société génère sa culture propre.<br />

De nombreuses communautés transnationales voient le jour pour soutenir des<br />

intérêts communs, à partir de similitudes culturelles ou sociales. La mise en réseau de<br />

différents groupes locaux, qui se mettent en contact avec d’autres groupes de régions<br />

et pays différents, est rendu possible par l’existence d’un paramètre de contact qui est<br />

le partage d’une culture globale.<br />

La culture globale émergente se constitue de catégories et modèles universaux dans<br />

lesquelles les différences culturelles deviennent intelligibles et comparables. Même si<br />

ce modèle et ces valeurs ont une origine occidentale, les personnes du monde entier<br />

se les réapproprient, et les utilisent pour exprimer leurs propres objectifs. Les<br />

personnes du monde entier, en Bolivie, en Suisse ou en Chine peuvent discuter sur<br />

l’importance des droits de l’homme. L’existence d’une culture globale, c'est-à-dire<br />

d’un point de contact avec l’autre donne la possibilité de se confronter et d’échanger<br />

sur des visions différentes du monde.<br />

3.3.2. Le tourisme comme instrument politique dans les<br />

temps de globalisation<br />

Tourisme, empowerment et recherche de visibilité<br />

Kotler (1999) soutient que la recherche de visibilité des populations indigènes à<br />

travers le tourisme est une des conséquences des pressions qu’elles subissent de la<br />

part d’entreprises forestières, pétrolières, minières pour l’utilisation de leur territoire.<br />

La croissance démographique, l’extension des frontières agricoles (exploitation de<br />

l’élevage bovin et surexploitation de la pêche), l’extraction d’hydrocarbures, de<br />

253<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


essources forestières et minières, la surexploitation du tourisme de masse et la<br />

création d’infrastructures nationales et transnationales ont augmenté les pressions<br />

sur les territoires et les économies indigènes. Ces pressions pour l’exploitation de<br />

leurs terres ont engendré l’appauvrissement de leur qualité de vie et la détérioration<br />

de leurs ressources, gérées auparavant de façon durable. Dans certains cas, la<br />

création d’aires protégées ou de parc nationaux a impliqué l’imposition de limites<br />

d’accès aux ressources naturelles des communautés indigènes et a même provoqué<br />

leur déplacement forcé.<br />

Il existe plusieurs moyens pour obtenir la propriété d’une terre : la prescription, la<br />

cession ou le transfert, la conquête ou l’occupation d’une terra nullius. La dernière<br />

modalité nous importe particulièrement puisque l’occupation touristique d’une terra<br />

nullius peut permettre d’acquérir un titre de propriété. Le tourisme est actuellement<br />

utilisé pour soutenir des revendications territoriales dans différents endroits du globe<br />

(activités touristiques dans l’Antarctique promues par l’argentine,…)<br />

Le tourisme peut renforcer la capacité de la communauté à gérer le conflit terrien<br />

faces aux acteurs qui représentent le pouvoir économique local. Le marketing de la<br />

visibilité promu par les projets de tourisme communautaire possède certains objectifs<br />

aussi bien économiques que politiques : défense des terres, nouveaux revenus,<br />

gestion des ressources naturelles…<br />

Selon Chase Smith (1995, 2002), les projets d’alternative économique sont crées par<br />

les communautés afin d’acquérir un majeur contrôle et accès à leurs territoires et<br />

ressources naturelles face à la pression de différents acteurs sociaux. La logique<br />

économique ne rentrerait qu’en second lieu.<br />

Il est important de mentionner le rôle que le tourisme a pu recouvrir pour certaines<br />

communautés indigènes, traditionnellement marginalisées par leurs Etats Nations et<br />

qui ne possédaient aucun pouvoir de négociation avec le gouvernement national. Le<br />

tourisme leur a permis de construire une alternative de développement et de les sortir<br />

de la marginalisation dans laquelle elles étaient plongées.<br />

254


Du local au global : de nouvelles marges d’actions<br />

Actuellement, la conscience de vivre dans un monde globalisé s’amplifie et un<br />

nombre croissant d’acteurs au niveau planétaire développe ses pratiques sociales<br />

dans ce cadre. Par exemple, la « conscience de la globalisation » (Mato, 2007) a<br />

particulièrement influencé les agissements politiques des communautés indigènes<br />

qui ont choisi de construire leur identité indigène au niveau transnational, comme<br />

stratégie politique (Russo, 2007).<br />

Lors des dernières décennies, ont été adoptés au niveau national et international, des<br />

cadres législatifs reconnaissant des droits spécifiques aux populations indigènes. De<br />

par un fort lobbying international, les populations autochtones ont réussi à légitimer<br />

leurs revendications d’autonomie face aux Etats, en faisant reconnaître leurs droits<br />

au sein de différents textes juridiques internationaux. La Convention 169 de<br />

l’Organisation Internationale du Travail (1989) reconnaît les populations autochtones<br />

comme des peuples avec des droits collectifs. Le projet de déclaration universelle sur<br />

le droit des peuples autochtones, élaboré par les Nations Unies porte sur les droits au<br />

territoire, au développement économique, à l’éducation, à la langue, à la culture, à la<br />

libre organisation et détermination.<br />

Bien que ces instruments se situent dans le droit international consensuel, c’est-àdire<br />

n’ayant aucune force d’imposition sur les Etats (Rouland, 1999), ils ont constitué<br />

une force de lobbying à même de convaincre certains Etats à réviser leur législation et<br />

accorder certains des droits revendiqués.<br />

Les organisations indiennes ont appris à se renforcer politiquement, sans se couper<br />

du monde, en nouant des relations supranationales pour faire reconnaître leurs<br />

droits, négligeant même parfois l’échelon national marqué par des relations<br />

décevantes (Volle, p.27) Le cas de la Confédération des Organisations Indigènes du<br />

Bassin Amazonien (COICA), qui regroupent neuf pays, symbolise la nouvelle<br />

dynamique qui va du local au global et vice-versa, à l’appui d’un réseau de relations<br />

multi scalaires. Elle s’est notamment illustrée au niveau international par ses<br />

démarches auprès de la Banque Mondiale afin d’obtenir un droit de regard sur tout<br />

projet affectant l’Amazonie. Certains projets touristiques amérindiens ont pour<br />

premier objectif de rencontrer des alliés à leurs revendications. « Il s’agit donc de<br />

255<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


tisser un réseau à l’échelle de la planète pour faire pression sur les gouvernements<br />

nationaux pour que soient reconnus leurs droits et leur capacité de gestion des<br />

territoires ». (Volle, p.26)<br />

En fait, les communautés indigènes représentent l’exemple parfait de minorités qui<br />

ont échoué à s’affirmer dans l’espace national, provoquant leur marginalisation.<br />

L’absence de possibilités de négociation avec le niveau national les a poussées à<br />

chercher d’autres voies pour protéger leurs droits menacés et pour obtenir leur<br />

propre affirmation. Lorsque le modèle de référence était l’échelon national, les<br />

communautés se trouvaient dans une isolation, une impasse conduisant à<br />

marginalisation et pauvreté, pouvant déboucher dans des cas extrêmes jusqu’à la<br />

lutte armée. Maintenant que les processus de globalisation ont affaibli les Etats, de<br />

nouvelles marges de manœuvre semblent s’ouvrir pour répondre à des problèmes<br />

anciens. La mise en réseau de réalités distinctes et de mouvements sociaux au niveau<br />

planétaire a permis la constitution de réseaux transnationaux capables de sortir les<br />

communautés de l’isolation.<br />

Il est intéressant de noter comment des populations locales marginalisées se sont<br />

crées un espace d’action au niveau global en s’appropriant des logiques<br />

universalisantes. Aurélie Volle parle de « branchement » 18 d’une dynamique locale<br />

amérindienne sur un courant de pensée universalisant qui est celui du<br />

développement durable. (Volle A., p .28 à 33). Elles ont incorporé ce discours très à la<br />

mode dans le monde occidental, pour légitimer les droits ancestraux sur leurs terres,<br />

promouvoir leur cosmovision et mobiliser l’opinion publique à leurs causes. Les<br />

organisations indigènes ont appris que les relations transnationales pouvaient<br />

améliorer leur pouvoir de négociation avec les gouvernements nationaux.<br />

« Paradojicamente, lo que los indigenas y nuestras organizaciones habiamos<br />

planteado a nuestros gobiernos, en cada uno de los paises amazonicos, tuvo que<br />

esperar a ser dicho en inglés » (COICA, 1989 In Mato, 2007).<br />

18 L’idée de « branchement » est empruntée à J.L Amselle (2001) qui explique « en recourant à la métaphore<br />

électrique ou informatique du branchement, c’est-à-dire à delle d’une dérivation de signifiés particularistes par<br />

rapport à un réseau de signifiants planétaires, on parvient à se démarquer de l’approche qui consiste à voir<br />

dans notre monde globalisé le produit d’un mélange de cultures vues elles-mêmes comme des univers<br />

étanches, et à mettre au centre de la réflexion l’idée de triangulation, c’est-à-dire le recours à un élément tiers<br />

pour fondre sa propre identité. » in Anthropologie de l’universalité des cultures, Paris, Flammarion.<br />

256


Se « brancher » n’engendrerait en rien un risque d’acculturation mais permettrait de<br />

profiter d’une opportunité extérieure pour renforcer son identité au niveau interne et<br />

trouver du soutien. Le tourisme, activité occidentale par excellence exogène, peut être<br />

réapproprié par les communautés locales grâce à cette logique du branchement et du<br />

partage d’une éthique. Se « brancher » permettrait de profiter d’une opportunité<br />

extérieure pour renforcer son identité au niveau interne et trouver du soutien.<br />

Indigènes qui profitent de la rhétorique du développement durable et<br />

l’intègrent dans le discours politique<br />

L’émergence du paradigme du développement durable (CNUCED 1987) a entériné le<br />

rôle de la diversité culturelle comme partie intégrante du concept de biodiversité<br />

(Nations Unies, 1993) proclamé dans la Convention sur la diversité biologique.<br />

L’importance du rôle des populations indigènes comme symbole de diversité et la<br />

prépondérance de leurs connaissances utiles dans la gestion de l’environnement ont<br />

ainsi été reconnues. Cette reconnaissance officielle leur a donné une nouvelle<br />

légitimité et un nouveau rôle sur la scène globale.<br />

Les populations indigènes peuvent profiter d’une nouvelle opportunité avec le<br />

tourisme puisque les tendances mondiales du tourisme indiquent un intérêt croissant<br />

envers la connaissance de cultures ancestrales, fournissant un enrichissement<br />

spirituel permettant aux touristes de sortir de la charge matérialiste du monde dans<br />

lequel ils vivent.<br />

Comment le tourisme, activité occidentale par excellence totalement exogène à<br />

l’origine aux communautés amérindiennes, est-il réapproprié comme nouvelle<br />

activité amérindienne ? La réalisation d’initiatives touristiques indigènes ne signifie<br />

pas que ces populations acceptent l’idéologie du système dominant. « Au contraire,<br />

l’affirmation de leur particularité culturelle et de leur éthique touristique montrent<br />

que l’enjeu économique est moins important que les enjeux socioculturels et<br />

politiques » (Volle, p.31)<br />

257<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


3.3.3. Explications du modèle : le tourisme comme facteur d’empowerment dans un monde globalisé<br />

Figure 9 : Le tourisme communautaire comme instrument de développement politico-social : un modèle d’empowerment dans un monde global.<br />

ASPECTS PSYCHOLOGIQUES<br />

CONTROLE<br />

CULTUREL<br />

ESTIME DE SOI<br />

REAPPROPRIATION<br />

DE LA CULTURE<br />

ETHNODEVELOPPEM ENT<br />

POSSIBLE<br />

STRUCTURATION SOCIALE<br />

EVENEMENTS<br />

PRODUCTIFS ISOLES<br />

CROISSANCE<br />

ASPECTS ÉCONOMIQUES<br />

CAPACITÉ DE GÉNÉRER DES REVENUS<br />

artisanat<br />

ACTIVITÉS INTÉGRÉES<br />

TOURISME<br />

TERRITOIRE<br />

IDENTITÉ<br />

a c tiv ité s<br />

connexe<br />

s trans po<br />

t t<br />

EFFET<br />

M ULTIPLICA TEUR<br />

agri‐<br />

culture<br />

DÉVELOPPEMENT LOCAL ÉCONOMIQUE<br />

LIBERTÉ ET AUTONOMIE DANS LES<br />

CHOIX DE DÉVELOPPEMENT<br />

ASPECTS POLITIQUES<br />

CAPACITÉ À ORGANISER LES RESSOURCES<br />

CON<strong>DI</strong>TION<br />

IN<strong>DI</strong>SPENSABLE<br />

MOBILISATION DES RESSOURCES EN<br />

VUE D'UN OBJECTIF COLLECTIF<br />

DEVELOPPEMENT LOCAL POLITIQUE<br />

MISE EN RÉSEAU TRANSNATIONALE<br />

GRACE AU TOURISME<br />

AUGMENTATION DU POUVOIR<br />

DE NÉGOCIATION<br />

EMPOWERMENT POLITIQUE<br />

CULTURE<br />

ASPECTS SOCIAUX<br />

COHESION DU GROUPE<br />

PRESENCE DE<br />

STRUCTURES<br />

ORGANISATIONNELLES ET<br />

SOCIALES<br />

RE<strong>DI</strong>STRIBUTION DES<br />

BENEFICES AU SEIN DE LA<br />

COMMUNAUTE<br />

JUSTICE TOURISM<br />

valeur ajoutée<br />

EMPOWERMENT 1<br />

CERCLE VERTUEUX<br />

D'EM POWERM ENT ENDOGENE<br />

EMPOWERMENT 2<br />

CERCLE VERTUEUX<br />

D'EM POWERM ENT EXOGENE<br />

EMPOWERMENT 3


A la base du modèle, on note la présence d’une communauté locale c’est-à-dire<br />

d’une société au sens sociologique du terme qui est caractérisée par une culture, une<br />

structuration sociale et donc une identité spécifique. Avant de proposer une<br />

explication de ce modèle, il est nécessaire de poser quelques définitions des notions<br />

précitées, nécessaires à la compréhension du graphique.<br />

La culture serait définie comme l’ensemble des modes de vie et des valeurs présents<br />

à l’intérieur d’une société (personnes ou groupe de personnes). Elle « doit être<br />

considérée comme un ensemble de signes distinctifs, spirituels, matériels,<br />

intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social et qui<br />

englobent, outre l’art et la littérature, les modes de vie, les façons de vivre ensemble,<br />

les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances » (UNESCO 2001).<br />

Loin d’être statiques et autoréférentielles, les cultures sont fluides et se redéfinissent<br />

constamment selon les influences du monde extérieur. C’est ainsi que, citant Wolf,<br />

nous pouvons affirmer que le défi en tant que chercheur est de dépasser les visions<br />

essentialistes des cultures pour comprendre comment les protagonistes combinent<br />

des pratiques anciennes et des configurations nouvelles constamment rénovées dans<br />

ce processus de résistance et d’intégration à la société globale (Carter et Beeton,<br />

2003). Il en résulte que l’identité ethnique n’est pas une reproduction infinie mais un<br />

processus, une valeur relationnelle « attribuée socialement, maintenu socialement et<br />

transformé socialement » (Berger et Luckman, 1995).<br />

Nous nous contenterons d’affirmer que la construction sociale de l’identité est<br />

soumise aux influences extérieures, sans émettre de jugement de valeur sur cette<br />

réalité. Les populations indigènes ont par exemple utilisé des recours « non<br />

traditionnels » comme l’usage de la langue nationale, de nouvelles formes<br />

d’organisation politiques transnationales pour renforcer leur processus<br />

d’empowerment et leurs identités.<br />

La structuration sociale, fortement corrélée à la culture, représente un système<br />

d’interrelations qui unissent les individus présents dans une société. Aucune culture<br />

ne pourrait exister sans une société et aucune société ne pourrait exister sans une<br />

culture (Giddens, 1989).<br />

259<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Pour finir, l’identité est un concept fortement lié à celui de culture. La communauté<br />

locale se situe sur un territoire géographiquement déterminé, qui ne se limite pas à<br />

un simple espace topographique mais qui est considéré comme un espace socialisé<br />

par l’homme sur lequel la communauté résidente réalise l’ensemble de ses activités.<br />

Le territoire synthétise l’histoire des relations instaurées entre l’homme et la nature ;<br />

il constitue une « réordination » de l’espace dont l’ordre est à chercher dans les<br />

systèmes informationnels dont dispose l’homme en tant qu’appartenant à une<br />

culture. La société locale et le territoire ne représentent qu’une partie du cadre<br />

puisqu’ils doivent se confronter au monde extérieur, et ce encore plus dans un monde<br />

globalisé comme celui actuel. De telles influences avec le monde externe auront des<br />

incidences sur la dynamique et sur le développement des communautés locales.<br />

L’ensemble des éléments décrits jusqu’alors permettent de définir de façon<br />

synthétique une communauté locale. Cette dernière dispose, au départ, d’une certaine<br />

dotation en ressources économiques, politiques, etc. qui détermineront l’ampleur des<br />

capacités décisionnelles dont elle dispose. Pour développer ce concept et proposer<br />

une dimension analytique, nous aurons recours au concept d’empowerment, qui peut<br />

être décomposé en quatre dimensions : sociale, culturelle, politique et économique.<br />

La dimension sociale se concrétise lorsque le tourisme favorise la cohésion de la<br />

communauté (Scheyvens, 2000). Cet aspect est important puisqu’il permet d’étendre<br />

le processus d’empowerment au-delà du cercle individuel, c’est-à-dire à l’ensemble de<br />

la communauté. L’empowerment peut être défini comme un processus qui permet<br />

aux communautés locales de décider elles-mêmes des stratégies de développement<br />

qu’elles souhaitent adopter.<br />

A la base de notre modèle vertueux, nous partons du principe que les communautés<br />

locales sont parties prenantes et possèdent une capacité de contrôle sur le<br />

développement du tourisme ; peu importe si la volonté de s’ouvrir au tourisme ait<br />

émergée au sein de la communauté (existence d’un leader ou décision collective) ou<br />

que celle-ci provienne de l’extérieur (Etat, ONG, opérateur touristique) et ait été<br />

appropriée par la communauté dans un second temps. L’étude de cas de 5 projets<br />

écotouristiques dans des zones amazoniennes nous a démontré que, des projets dont<br />

l’initiative de l’action incombe à un agent extérieur, approprié seulement dans un<br />

second temps par la communauté locale, peuvent montrer de bons résultats en<br />

termes d’empowerment.<br />

260


Dans le modèle proposé, le tourisme n’agit pas comme catalyseur du processus<br />

d’empowerment ; il a un rôle de renforcement du processus. La communauté part<br />

d’un niveau d’empowerment donné qui est représenté dans le graphique comme<br />

niveau d’ « empowerment 1 ». Au centre de la réflexion, nous nous interrogeons sur<br />

la possibilité d’augmenter le niveau de départ dans le but de garantir aux<br />

communautés locales de majeures espaces décisionnels. Dans notre analyse, nous<br />

nous concentrerons plus sur les aspects économiques et politiques.<br />

L’innovation de ce graphique consiste à proposer une connexion entre empowerment<br />

politique et économique19 , une distinction entre pocessus d’empowerment endogène<br />

et exogène mais surtout à analyser la valeur ajoutée que peut représenter le justice<br />

tourism dans un contexte de mise en réseau transnational.<br />

Dans un monde globalisé, nous postulons que cet empowerment aura des<br />

conséquences non seulement sur les sociétés nationales mais à l’échelle<br />

internationale, grâce à l’émergence de mise en réseaux au niveau transnational.<br />

Associer le tourisme avec d’autres activités et mouvements sociaux au niveau<br />

transnational lui permet de recouvrir un nouveau rôle, fortifiant et dynamisant le<br />

cercle vertueux du processus d’empowerment des communautés locales. Ce<br />

processus d’empowerment politique se décompose donc en deux phases : la première<br />

se situe dans l’espace propre et est endogène alors que la seconde se déroule dans<br />

l’espace de l’interaction. Les prochaines sections visent à analyser en quoi le tourisme<br />

peut permettre le déclenchement d’une premier cercle vertueux endogène où<br />

empowerment économique et empowerment politique se renforcent et la naissance<br />

d’un deuxième cercle vertueux celui-ci exogène et centré sur l’empowerment<br />

politique.<br />

19 En effet, l’empowerment économique ne garantit pas nécessairement l’empowerment social et politique<br />

(Friedman, 1992) mais l’indépendance économique et sociale engendre de l’autonomie politique.<br />

261<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


1. De l’empowerment économique à l’empowerment politique : la<br />

culture comme ressource<br />

La partie économique se propose d’étudier le rôle que peut revêtir le tourisme dans<br />

les communautés traditionnelles. Comme souligné précédemment, les processus de<br />

globalisation en cours engendrent une restructuration globale du panorama<br />

international, ayant de forts impacts sur les communautés locales qui doivent<br />

remettre en cause leur façon de vivre, de s’organiser et de produire. La globalisation<br />

néolibérale imposant de fait des activités économiques de type modernes, engendre<br />

une déstabilisation des systèmes locaux, provoquant la disparition des activités<br />

traditionnelles, minant les processus économiques et les styles de vie (et donc des<br />

valeurs qui lui sont associées). En affirmant que la dynamique économique modifie le<br />

visage d’une société confrontée aux changements, il est nécessaire de souligner que ce<br />

changement doit être analysé dans une optique plus générale, c’est-à-dire de<br />

transformation et de crise sociale et non seulement en terme de variation des<br />

grandeurs économiques. Comme le souligne Polanyi (1974, p.92), « l’ordre<br />

économique est…fonction de l’ordre social dans lequel celui-ci se développe ». Les<br />

changements sont souvent perçus comme des impositions venant de l’extérieur qui<br />

ne peuvent rester confinés à la seule sphère économique. Le processus économique<br />

peut engendrer une désagrégation des communautés locales avec l’effondrement<br />

consécutif des institutions (tout d’abord économiques, puis politiques et sociales dans<br />

un second temps) à travers lesquelles se matérialisait l’existence de cette<br />

communauté. Cette problématique est aujourd’hui de prime importance et l’exigence<br />

de trouver des politiques de développement, ne visant pas à la seule croissance<br />

économique mais conjuguant développement économique et respect des valeurs<br />

culturelles ancrées dans la réalité régionale est plus que d’actualité. L’objectif de cette<br />

section est de présenter un modèle de développement compatible avec la valorisation<br />

de l’output adapté aux capacités de contrôle et de gestion des communautés<br />

traditionnelles, afin de garantir une expansion des ressources à leur disposition et<br />

augmenter ainsi leur autonomie. Comment le tourisme peut-il jouer ce rôle ?<br />

Un empowerment économique indispensable pour sortir de la<br />

marginalisation<br />

262


Une société a besoin de produire les moyens de sa subsistance et de son autonomie si<br />

elle ne veut pas rester indéfiniment indépendante. L’assistanat, alimenté par les<br />

politiques de coopération produisent des ravages dans les sociétés des pays du Sud :<br />

« Plus une communauté est dépendante d’une activité économique dont elle n’est pas<br />

maître ou de l’aide gouvernementale, tels les programmes d’assistance, les<br />

subventions, les allocations, les prestations, plus elle est soumise à des décisions<br />

venant de l’extérieur, sur lesquelles elle n’a pas le droit de regard. Ce sont les autres<br />

qui pensent et qui décident pour elles. La relation qui s’établit entre celui qui possède<br />

et celui qui reçoit (…) atrophie (…) l’aptitude à réfléchir, à analyser, à faire du choix et<br />

à agir de façon appropriée en cas de problèmes » (Vachon B, 1993, p.87).<br />

Il est fondamental de générer un développement et un pouvoir économique indigène<br />

à travers le marché, mais par des fins différentes de la simple rentabilité et<br />

accumulation. Les indigènes, de façon planifiée et autogérée, c’est-à-dire à travers le<br />

contrôle culturel, doivent veiller à ce qu’il n’existe pas un développement de type<br />

capitaliste, qui cherche à maximiser les gains et la rentabilité des investissements, au<br />

risque de la surexploitation des ressources naturelles et de l’expulsion de main<br />

d’œuvre indigène en dehors de la communauté.<br />

Les sociétés indigènes qui par le développement du tourisme, s’affairent à des<br />

réalisations de type économique, sont souvent dénoncées comme étant simplement<br />

absorbées par la logique capitaliste. Pourtant la microéconomie, comme le souligne<br />

Vachon est « produire et consommer autrement, mettre en place des façons et des<br />

moyens de produire qui répondent à d’autres préoccupations, à d’autres objectifs, à<br />

d’autres valeurs. C’est faire en sorte que les activités de production contribuent à<br />

améliorer la qualité de nos rapports sociaux au lieu de soumettre toute l’organisation<br />

sociale à leurs exigences » (Vachon, 1993, p.83).<br />

A partir de la théorie sur les systèmes territoriaux précédemment développés,<br />

les projets de développement doivent tenir compte des exigences et des problèmes<br />

réels des populations dans un contexte territorial donné. Dans le cas des sociétés<br />

traditionnelles, cela revient à identifier les activités économiques qui pourront être<br />

« intégrées » entre elles (au sens économique) et surtout en relation avec la culture<br />

locale. La nécessité de garantir une indépendance économique correspond au besoin<br />

263<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


de sortir des logiques d’assistentialisme économique pour permettre un processus<br />

d’empowerment.<br />

L’ethno développement : la réconciliation entre économie et culture<br />

L’ethno développement est une option de développement pour les peuples indigènes<br />

qui se propose aussi bien de renforcer la culture que de minimiser les impacts du<br />

développement sur cette dernière. Ce concept est né à la fin des années 70, développé<br />

par les politiques néo indigénistes des organismes internationaux et des ONG pour<br />

les groupes indigènes du Continent latino-américain (Menares 1, 2004). La culture ne<br />

doit pas être conçue comme un ensemble de croyances figées dans le temps.<br />

Le développement avec identité des peuples indigènes se réfère à un processus qui<br />

comprend le renforcement des peuples indigènes, l’harmonie avec l’environnement,<br />

la bonne administration des territoires et des ressources naturelles, l’exercice de<br />

l’autorité et le respect des valeurs et droits indigènes, incluant les droits culturels,<br />

économiques, sociaux et institutionnels des peuples indigènes en accord avec leur<br />

propre cosmovision et gouvernance. Adopter ce concept signifie accepter les objectifs<br />

économiques de ces peuples qui, dans de nombreux cas, ne recherchent pas<br />

nécessairement à maximiser la rentabilité de leurs ressources à court ou moyen terme<br />

mais donnent la priorité à une vision de bien-être, d’équilibre avec l’environnement et<br />

de préservation des ressources pour les générations futures.<br />

Le tourisme pourrait apparaître comme un retour aux temps où l’économie et la<br />

culture n’étaient point opposées. Le tourisme, qui représente une innovation et<br />

l’adoption d’un élément extérieur pourrait s’inscrire dans une tradition d’intégration<br />

d’éléments extérieurs aux sociétés traditionnelles.<br />

264


Figure 10 : stratégie de développement indigène avec identité dans le domaine<br />

économique<br />

Source : BID, 2005<br />

Economie traditionnelle<br />

Economie<br />

Interculturelle<br />

Economie<br />

de marché<br />

La légitime préoccupation pour les impacts négatifs du tourisme sur les sociétés<br />

locales témoigne d’une vision statique des cultures dites traditionnelles :<br />

« Qu’en est-il du développement si, sous prétexte de préserver les identités<br />

culturelles, on interdit aux sociétés locales, muséifiées, toute évolution socioéconomique<br />

? » (Saccareau, 1999, p.43-44 in Volle, 2005).<br />

Volle en vient à s’interroger si l’immobilité de la culture ne serait-elle pas source de<br />

maintien des logiques de pauvreté ? « Le développement du tourisme en terre<br />

mapuche semble donc marqué des hésitations d’une société qui est en train de<br />

traverser une époque de grandes mutations socio-économiques et culturelles où il<br />

s’agit d’effectuer des choix d’avenir capables de rompre avec la logique de la pauvreté<br />

mais aussi avec des logiques culturelles anciennes qui ne font qu’entretenir cette<br />

pauvreté ». (p.121).<br />

Au lieu de conserver la culture et la figer, ce qui compte est le « contrôle culturel »,<br />

c’est-à-dire la capacité de décision que possède le groupe indigène sur les ressources<br />

afin de pouvoir établir et définir le type de développement désiré dans le futur. Bonfil<br />

Batalla définit le concept de contrôle culturel comme : “La capacidad de decisión<br />

sobre los recursos culturales, es decir, sobre todos aquellos componentes de una<br />

cultura que deben ponerse en juego para identificar las necesidades, los problemas<br />

y las aspiraciones de la propia sociedad e intentar satisfacerlas, resolverlas y<br />

cumplirlas”.(Bonfil Batalla, 1982)<br />

265<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Le concept de contrôle culturel<br />

Le schéma de contrôle culturel servirait de pierre angulaire au processus d’ethnodéveloppement<br />

élaboré par Bonfil Batalla.<br />

RESSOURCES DECISIONS RESSOURCES<br />

Propres Culture<br />

autonome<br />

Externes Culture<br />

appropriée<br />

Propres Externes<br />

Bénéfices économiques du tourisme<br />

Culture externe Propres<br />

Culture imposée Externes<br />

Le tourisme doit être conçu comme une activité complémentaire capable de<br />

revaloriser les secteurs traditionnels tels que l’agriculture et l’artisanat grâce à une<br />

augmentation de la demande relative et aux effets du multiplicateur. La tendance<br />

actuelle mondiale du marché touristique à valoriser les cultures traditionnelles et le<br />

tourisme culturel représente une nouvelle opportunité à saisir pour les communautés<br />

locales. Réussir à allier culture et développement en transformant la culture en<br />

ressource est une des clés du processus d’empowerment. De nombreuses<br />

organisations indigènes ont saisi cette opportunité pour renforcer les pratiques<br />

d’ethno développement basées sur le tourisme et la production d’artisanat indigène<br />

ou populaire. Si les bénéfices qui dérivent du développement touristique sont<br />

principalement de nature économique à travers la production de revenus locaux, les<br />

effets induits sont tout aussi intéressants à analyser. On peut noter :<br />

266<br />

• l’expansion des secteurs intégrés à la société et à l’économie, qui permet<br />

d’obtenir un effet multiplicateur au niveau local plus important que si les<br />

activités n’étaient pas intégrées (Colombi, 2007);


• une majeure attention portée au respect de l’environnement qui devient au<br />

même titre que la culture, une ressource pour la croissance. Les sociétés<br />

traditionnelles se définissent par une relation de quasi complicité avec la<br />

nature, de dépendance mutuelle et réciproque.<br />

• Eviter les phénomènes de déracinement social et freiner l’exode rural en<br />

proposant de nouvelles alternatives de travail, attractives pour les populations<br />

jeunes.<br />

Pour terminer cette démonstration, il est nécessaire de souligner que le problème du<br />

sous-développement n’est pas lié à la dimension ou à la multiplicité des interventions<br />

réalisées mais plutôt à leurs natures, à leurs caractéristiques en relation au contexte<br />

socio-économique dans lequel elles viennent s’insérer. On refuse souvent d’admettre<br />

que l’imposition de projets de développement étrangers à un contexte socioculturel<br />

déterminé ne peut que conduire, dans la meilleure des hypothèses, à la réalisation<br />

d’épisodes productifs singuliers qui se transforment difficilement en logiques de<br />

croissance cumulative et peuvent par contre empirer les tensions et créer des<br />

déséquilibres à même de conduire à la désagrégation du système socio productif<br />

traditionnel. Comme souligné par de nombreux auteurs et démontré à un stade<br />

antérieur de notre réflexion, la rentabilité économique n’est pas le développement. Le<br />

lien entre l’économique et le politique mis en relief dans le graphique est un lien<br />

causal assez simple : l’indépendance économique est un pré requis pour obtenir<br />

l’indépendance politique. L’assistentialisme et la dépendance économique annihile<br />

toute possibilité de choisir son propre mode de développement.<br />

2. Cercle vertueux d’empowerment politique endogène<br />

Dans cette section, nous nous proposons d’analyser les variables déterminant<br />

la réussite ou l’échec d’un processus d’empowerment. Un focus particulier sera<br />

consacré à l’empowerment politique. Nous avons pu identifier ces variables à partir<br />

de l’analyse des différentes étude de cas menées au long de notre réflexion antérieure.<br />

A ce titre, les conclusions les plus intéressantes ont été retirées des études de cas des<br />

267<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


projets d’écotourisme dans la zone amazonienne, développés dans notre deuxième<br />

partie.<br />

Trois variables principales influencent la réussite du processus<br />

d’empowerment :<br />

1. la cohésion identitaire et l’appropriation de la culture à des fins propres<br />

2. L’existence de structures organisationnelles et sociales préexistantes<br />

3. les raisons sous-jacentes au développement touristique : politiques, économiques ?<br />

4. les sources de financement du projet et l’acteur à l’initiative du projet<br />

Le cercle vertueux qui se met en place dépend du niveau d’organisation sociale, de la<br />

conscience identitaire de base et de l’appropriation de la culture, déterminant la<br />

capacité à mobiliser les ressources en vue d’un objectif collectif. Cette mobilisation<br />

permet dans un second temps de renforcer la conscience identitaire (aspect culturel<br />

de l’empowerment), la capacité de travailler ensemble (aspect social de<br />

l’empowerment), et la capacité de mobiliser des ressources en vue d’un objectif<br />

commun (aspect politique). La représentation graphique de ce schéma vertueux est<br />

présentée dans la figure 1.<br />

1. L’appropriation de la culture recouvre un rôle fondamental au sens où<br />

elle définit le niveau de l’estime de soi des acteurs, permet la valorisation des<br />

connaissances autochtones et favorise la prise de conscience collective.<br />

L’appropriation de la culture, c'est-à-dire la capacité d’organiser un contrôle culturel<br />

en fonction de ses intérêts propres dépend complètement de la conscience identitaire<br />

du groupe. Les deux concepts sont fortement liés.<br />

Selon Volle, « la capacité de gestion politique est pratiquement proportionnelle à la<br />

conscience identitaire » (Volle A., 2006, p. 155). Là où la culture est bien implantée et<br />

transparaitrait dans la gestion touristique, les capacités d’affirmer des droits, de<br />

conduire des négociations et de procéder à des analyses plus globales de la situation<br />

du peuple Mapuche sont plus élevées. Là où la culture n’est que résiduelle, la capacité<br />

de gestion politique est nulle car le tourisme n’y est finalement qu’une activité<br />

économique.<br />

268


Comme nous l’avons largement développé précédemment, la marchandisation de la<br />

culture n’est pas une chose négative en soi et peut permettre l’empowerment, à<br />

conditions d’avoir une forte conscience identitaire.<br />

En écoutant le récit de nombreuses communautés indigènes d’Amérique Latine,<br />

narrant leurs expériences de tourisme communautaire, on constate que le tourisme<br />

les a aidées à créer de la solidarité, à renforcer leur identité et à assumer avec fierté<br />

leurs traditions. Par exemple, la communauté indigène Pataxó du Brésil a compris<br />

que la commercialisation de sa culture à travers le tourisme pourrait lui amener des<br />

bénéfices aussi bien économiques que culturels, sans pour autant la conduire dans un<br />

processus d’acculturation. Au contraire, elle a renforcé son identité (réappropriation<br />

de la langue qui commençait à se perdre, valorisation des traditions) et la cohésion au<br />

sein de la communauté (Grünewald, 2002, p. 1001). La communauté locale doit<br />

posséder le contrôle de l’expérience pour pouvoir instrumentaliser le tourisme à des<br />

fins politiques ou sociales. Ce contrôle peut se réaliser à travers la sélection des<br />

espaces « front and back » (concept développé par Goffman) qui expriment la<br />

dichotomie entre l’espace propre préservé du regard extérieur et l’espace ouvert au<br />

touriste.<br />

2° Cette variable semble être le plus déterminant pour assurer qu’un projet atteigne<br />

ses objectifs en termes d’empowerment. Pour que le tourisme soit apte à générer des<br />

bénéfices sociaux, il est nécessaire qu’il existe une cohésion sociale entre les membres<br />

de la communauté. L’existence de structures organisationnelles et sociales et<br />

d’un fort capital social sont des conditions préalables indispensables à tout lancement<br />

d’un projet touristique. Sans cette condition de base, il est fort probable que le<br />

tourisme ne soit à même que de développer des épisodes productifs singuliers.<br />

L’accaparation des bénéfices par quelques membres et l’inexistence de projets<br />

collectifs et communautaires sont symptomatiques de cette situation.<br />

3° Il est beaucoup plus facile que le tourisme engendre autonomie et empowerment<br />

politique, dans des communautés qui conçoivent le tourisme comme instrument<br />

politico-social et non seulement comme source de revenus.<br />

269<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Si une communauté est par exemple insérée dans un conflit social et politique, elle<br />

percevra aisément le tourisme comme moyen d’éducation et de sensibilisation à sa<br />

cause (“faire passer un message”) et le cercle vertueux de l’empowerment pourra se<br />

mettre plus facilement en marche. Les leaders politiques mapuche conçoivent le<br />

tourisme comme la mise en action de leur revendication sur le contrôle territorial.<br />

“Pour les mapuche, il est clair que le tourisme n’est pas une fin en soi, une activité<br />

purement économique, il répond dans la plupart des cas, à des stratégies qui visent<br />

un objectif éminemment politique : la reconnaissance d’une culture marginalisée et le<br />

respect du territoire par l’occupation physique des terres, contre des entreprises<br />

forestières ou les intérêts de promoteurs touristiques externes.” (A. Volle, 2006,<br />

P.177) 20<br />

Cependant, cette variable n’est pas déterminante : en effet, la plupart des<br />

communautés développent le tourisme avant tout pour des motivations<br />

économiques et ce n’est qu’au gré du processus qu’elles prennent conscience du<br />

fort pouvoir politico-social que celui-ci possède. Elles ne l’instrumentalisent donc que<br />

dans un second temps. Lors du lancement de certains projets touristiques mapuche,<br />

la vocation éducative, sociale ou politique du tourisme n’était pas abordée. Au même<br />

titre, la culture mapuche était peu présente dans la mise en valeur touristique. Le<br />

tourisme en terre Mapuche, fréquenté en majorité par des touristes nationaux n’est<br />

pas du tout motivé par la spécificité culturelle mais par un environnement naturel<br />

très beau et des prix attractifs. Peu à peu, les Mapuche ont pris conscience du pouvoir<br />

du tourisme comme instrument de sensibilisation politique et sociale (notamment<br />

envers les jeunes touristes européens). En ce sens, le tourisme constituerait un fort<br />

instrument politique, même s’il a été conçu quasi exclusivement dans un premier<br />

temps comme outil économique.<br />

4° La dernière variable influençant le processus d’empowerment politique endogène<br />

est constituée des sources de financement qui définissent le degré<br />

d’indépendance politique. Ce financement peut provenir de sources différentes : Etat,<br />

ONG nationales, ONG internationales et autofinancement. Le choix d’utiliser une<br />

source plutôt qu’une autre (ou l’utilisation de ressources mixtes) dépendra du<br />

positionnement idéologique des porteurs de projets : certains leaders mapuches<br />

20 Ibid.<br />

270


efusent toute aide étatique puisqu’ils soupçonnent l’Etat de vouloir appuyer<br />

financièrement leurs projets pour mieux les intégrer et nier leurs spécificités<br />

culturelles. En ce sens, ils préfèrent très souvent utiliser des réseaux internationaux<br />

d’ONG pour obtenir des financements. (A.Volle, 2006, p.36), plutôt que de négocier<br />

avec l’Etat ; afin de garder un certain pouvoir de décision interne, pouvoir cher aux<br />

peuples qui cherchent à conserver une identité culturelle spécifique.<br />

Quelle est l’incidence de l’origine du financement sur la réussite ou l’échec des<br />

projets ? Les dons seraient-ils plus voués à l’échec que les prêts ? Les différentes<br />

initiatives, dont l’existence a été permise grâce à des donations notent de bons<br />

résultats en matière d’empowerment, peut-être parce que l’initiative de l’action<br />

revenait majoritairement à la communauté.<br />

Lorsque la décision de développer le tourisme provient de la communauté elle-même<br />

(et non d’un acteur externe : ONG, Etat, entreprise), le projet a beaucoup plus de<br />

chances d’atteindre ses objectifs en termes d’empowerment. Cependant, il est<br />

possible qu’un projet dont l’initiative vienne d’une ONG, et non de la communauté,<br />

puisse arriver à mettre en route une dynamique d’empowerment au sein de la<br />

communauté, en organisant un bon processus de planification participative.<br />

Le processus de développement endogène : synthèse<br />

Pour conclure la réflexion sur le processus d’empowerment endogène, nous<br />

pouvons affirmer que l’utilisation du tourisme peut contribuer à l’émergence de<br />

nouveaux espaces d’autonomie pour les communautés locales, aussi bien dans le<br />

domaine économique (développement local) que politique (majeure autonomie<br />

politique et augmentation des marges de manœuvre politiques) ; le politique et<br />

l’économique se renforcent mutuellement afin de nourrir le premier cercle vertueux<br />

d’empowerment (passage du niveau 1 au niveau 2).<br />

L’augmentation de l’indépendance politique et économique contribue au<br />

développement de la société locale (flèches rouges dans la Figure 1) et permet une<br />

amélioration successive des quatre aspects de l’empowerment à travers les<br />

mécanismes précédemment décrits qui amélioreront les capacités de gestion et de<br />

271<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


choix autonome du propre modèle de développement. Nous pouvons définir cette<br />

première phase de « développement endogène », étant donné que les processus<br />

décrits sont internes à la communauté et peuvent se mettre en marche<br />

indépendamment du rôle du touriste c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire que la<br />

communauté locale ait appréhendée la vision éducative ou sociale que peut revêtir le<br />

tourisme. Que la communauté accueille des touristes plus intéressés par la<br />

connaissance de l’environnement naturel que par sa culture propre ou que ce dernier<br />

soit susceptible ou non de s’engager dans de nouveaux activismes après le voyage n’a<br />

pas d’importance à ce stade du processus d’empowerment. Par exemple, l’étude d’A.<br />

Volle réalisée au Chili montre que la majorité des touristes en terre mapuche sont des<br />

touristes nationaux, plus intéressés par l’attractivité des prix et la beauté des paysages<br />

que par la spécificité culturelle de l’offre et l’envie de découvrir la culture mapuche.<br />

Cela n’empêche pas que se mette en marche le premier cercle vertueux de<br />

l’empowerment ; en revanche il limitera la possibilité de mettre en route le deuxième<br />

cercle vertueux exogène. Le rôle du tourisme comme facteur de sensibilisation<br />

politique et sociale sera appréhendé dans la partie suivante en étudiant le processus<br />

d’empowerment exogène, rendu possible par le contact avec l’extérieur et la création<br />

de réseaux transnationaux.<br />

Pour que ce processus d’empowerment politique endogène soit durable, il est<br />

nécessaire qu’il soit légitimé par la Société nationale. La capacité politique, c’est-àdire<br />

la reconnaissance des formes indigènes d’organisation et d’administration du<br />

pouvoir, doit être formellement reconnue et validée par l’Etat et la société nationale<br />

afin qu’elle puisse être exercée effectivement sur le territoire ancestral.<br />

L’empowerment politique passe par la légitimation et la reconnaissance officielle et<br />

étatique. Toutes les réponses cherchées par une population locale ne sont pas<br />

forcément dans ses mains (Volle, 2005, p.165). Il est nécessaire que la société<br />

nationale change d’attitude. Reconnaissance au sommet de l’Etat et dynamique locale<br />

devraient coexister en vue d’opérer du changement.<br />

272


Quel est le niveau d’empowerment 1 nécessaire pour permettre la mise en<br />

place du cercle vertueux ?<br />

La question qui reste la plus ambiguë dans la problématique de l’empowerment est le<br />

degré d’autosuffisance ou de confiance en soi nécessaire pour que l’empowerment<br />

puisse avoir lieu. A partir de quel moment, le cercle vertueux endogène de<br />

l’empowerment peut-il se mettre en place ? Dans le modèle proposé, le tourisme<br />

n’agit pas comme catalyseur du processus d’empowerment ; il a un rôle de<br />

renforcement du processus. La communauté part d’un niveau d’empowerment donné<br />

qui est représenté dans le graphique comme niveau d’empowerment 1. Comment<br />

permettre à des communautés très marginalisées et disempowered de se lancer sur le<br />

chemin de l’empowerment ? Doivent-elles le faire seules ou l’aide extérieure est-elle<br />

efficace ?<br />

Lors de nos analyses de cas impliquant des sociétés émergées dans un conflit<br />

politique (Zapatistes, Sahraouis, etc.) il a été mis à jour que les sociétés en question<br />

étaient déjà empowered. La mise en réseaux transnationale n’a permis que la mise en<br />

marche d’un second cycle d’empowerment, celui-ci exogène. La question centrale est<br />

donc comment mettre en route un processus d’empowerment dans une communauté<br />

très marginalisée et disempowered ? Quels seront les éléments déclencheurs ?<br />

La question peut-être plus provocante peut-être la suivante : une communauté peutelle<br />

réellement être empowered grâce à une intervention d’une ONG extérieure ? Ne<br />

serait-ce pas un processus interne pour lequel une intervention externe est peu utile ?<br />

Il existe deux écoles de pensées. Certains auteurs considèrent que l’autosuffisance<br />

(self help) doit être quasiment totale pour permettre un processus d’empowerment et<br />

que aide et soutien extérieurs doivent être minimaux. L’autre approche considère que<br />

l’implication des communautés dans le mécanisme de prise de décisions est suffisante<br />

pour permettre l’empowerment (McArdle, 1989).<br />

Le problème immédiat qui surgit dans l’optique de la première approche est<br />

l’impossibilité pour ceux qui ont le moins de ressources et de capacités de s’aider euxmêmes.<br />

Ils seront donc éternellement condamnés à leur situation. La pratique<br />

semble pourtant confirmer l’hypothèse que les taux de réussite des projets de<br />

273<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


coopération agissant sur des populations très marginalisées et pauvres est très faible.<br />

De nombreux programmes de développement ont échoué dans le Tiers-Monde à<br />

cause de l’hypothèse erronée que les communautés pauvres ont la capacité de se<br />

prendre en charge de façon autonome lorsqu’une opportunité se présente à eux.<br />

L’aide extérieure qui est par définition occasionnelle ou discontinue laisserait donc<br />

les communautés dans un état de dépendance envers l’aide extérieure (Kotze, 1987).<br />

De telles communautés manqueraient également de connaissances pour fixer un<br />

agenda de discussion en faveur de la mise en place d’un développement approprié.<br />

De par leur incapacité à contrôler l’agenda, elles seraient incapables de devenir<br />

empowered.<br />

La deuxième théorie peut également être mise en doute à la lumière des difficultés<br />

rencontrées par la coopération internationale au développement. Excepté la<br />

participation de la communauté dans la prise de décisions, tout le reste du processus<br />

de développement est laissé aux mains d’experts et de coopérants. Cette méthode<br />

peut être qualifiée de tokénisme, puisque si le processus de développement est<br />

contrôlé par des membres extérieurs à la communauté, on ne pourrait pas parler<br />

d’empowerment (Rose et Black, 1985, cité dans Sofield 2003, p.81). Finalement, il<br />

serait impossible d’atteindre l’empowerment à travers des projets de développement<br />

menés par des agences extérieures. De nombreuses ONG chercheraient plus à<br />

persuader les résidents des bénéfices du tourisme plutôt que de chercher à les<br />

empower afin qu’ils puissent prendre leurs propres décisions.<br />

Certains auteurs voient cependant une possibilité d’empowerment dans le<br />

comportement qu’adaptera la communauté face à l’aide extérieure. En effet, les<br />

personnes confrontées à des conditions et à des circonstances introduites ou<br />

imposées par des forces externes ne font pas que recevoir passivement, elles peuvent<br />

aussi répondre activement.<br />

« There are no single unifform responses to conditions imposed from outside forces.<br />

Rather the variety of local conditions generates a variety of responses to forces that<br />

may lie outside the reach of control of individuals » (Friedman, 1988, p.7)<br />

Le processus qui place les communautés en situation de s’adapter, de réagir et de<br />

répondre à une intervention extérieure peut leur permettre de se lancer sur le chemin<br />

274


de l’empowerment. Le type de réponses adoptées par la communauté conditionnera<br />

le type de contrôle qu’elle peut avoir sur sa propre situation.<br />

Notre jeune expérience dans le monde de la coopération nous a enseigné que si une<br />

communauté n’est pas active et entreprenante, il est presque sûr que le projet de<br />

développement sera voué à l’échec. L’idée sous-jacente est que l’on ne peut pas aider<br />

quelqu’un qui ne veut pas être aidé. Dans ce cas-là, cela signifierait que la coopération<br />

peut avoir des résultats satisfaisants seulement sur des populations déjà légèrement<br />

empowered. Cela reviendrait à reconnaître l’inefficacité de la coopération pour faire<br />

face à des situations de marginalisation et pauvreté trop extrêmes.<br />

3. Renforcement du processus d’empowerment à travers le “Justice<br />

Tourism”<br />

La partie la plus innovatrice du modèle proposé consiste à présenter en quoi le<br />

justice tourism peut jouer un rôle de sensibilisation politique et sociale, procurant<br />

visibilité à la communauté locale, à même de renforcer son processus<br />

d’empowerment. Nous faisons référence à la seconde partie du graphique présentée<br />

dans la Figure 1, relative au processus de développement exogène puisque le passage<br />

à ce nouveau niveau d’empowerment ne dépend plus de mécanismes internes à la<br />

communauté locale mais plutôt à la façon dont cette dernière établit des relations<br />

avec l’extérieur. La nécessité de nouer des liens avec l’extérieur naît de la condition de<br />

marginalisation politique et/ou économique dans laquelle se trouve immergée la<br />

communauté locale suite à un rapport conflictuel entretenu avec le gouvernement<br />

national.<br />

Le renforcement des processus de globalisation représente une nouvelle opportunité<br />

pour les communautés locales puisqu’elle affaiblit le pouvoir des états nationaux et<br />

permet l’émergence de nouveaux espaces de mobilisation au niveau supranational.<br />

Les communautés locales en situation conflictuelle avec l’Etat national ont compris<br />

qu’elles devaient dépasser ce niveau national avec lequel elles n’ont aucun pouvoir de<br />

négociation pour nouer des réseaux au niveau transnational. Certains mouvements<br />

sociaux globaux (particulièrement les regroupements indigènes) sont capables<br />

275<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


d’organiser un lobbying sur les instances supranationales afin de faire reconnaître<br />

leurs droits au niveau international, dont le respect peut ensuite être imposé à<br />

l’échelle nationale. Les nouvelles opportunités nées de cette mise en réseau au niveau<br />

transnational permettent le passage du niveau d’empowerment 2 au niveau<br />

d’empowerment 3.<br />

Les communautés locales impliquées dans des conflits politiques ou sociaux voient<br />

dans la rencontre avec des touristes internationaux une opportunité pour<br />

médiatiser leurs causes et obtenir du soutien.<br />

Dans cette optique, le tourisme peut jouer un rôle clé pour augmenter la visibilité de<br />

communautés locales marginalisées à travers différentes modalités d’action :<br />

La littérature existante met en avant le rôle du touriste comme facteur de<br />

changement social et comme acteur central apte à procurer visibilité aux<br />

communautés locales. Ce concept est développé comme toile de fond dans les<br />

théories sur le justice tourism. Il propose de réels échanges d’expériences entre hôtes<br />

et visiteurs capables de créer de nouveaux activismes pour soutenir les populations<br />

locales en situation de conflits politiques ou sociaux ou plus largement comme facteur<br />

de changement social et politique dans les pays sources occidentaux.<br />

L’activisme peut prendre des formes très différentes selon les personnes, leurs<br />

motivations et ressources. Au sein de la littérature, alors que l’impact de l’expérience<br />

touristique sur les touristes individuels (Hutnyk, 1996, Wearing, 2001) a été analysé,<br />

celui sur la société du pays émetteur reste très peu étudié. Calculer cet impact est<br />

pourtant fondamental pour comprendre en quoi le tourisme revêt un rôle en matière<br />

de transformation sociale. Le concept d’effet multiplicateur, en terme de<br />

sensibilisation de l’opinion public est très important pour mesurer cet impact tenant<br />

compte du fait que la majorité des touristes responsables sont des personnes<br />

impliquées au niveau social et qui peuvent faire circuler les informations: création<br />

d’un network après le voyage entre les participants, maintien de contacts entre les<br />

visiteurs et les communautés d’accueil, contact des participants avec leur entourage<br />

extérieur (famille, amis, travail) et leurs réseaux.<br />

La réflexion sur la médiatisation de l’initiative touristique est l’apport innovant que<br />

nous proposons d’apporter au sens où nous ne limitons pas les effets que peut<br />

276


ecouvrir le tourisme en termes de visibilité au seul rôle du touriste. La visibilité<br />

s’acquiert avant tout grâce à la médiatisation. Dans un monde actuel où les mass<br />

media sont créateurs d’opinion, la communication et la publicisation sont des<br />

instruments politiques cruciaux. Pour sortir de l’isolement et trouver des soutiens<br />

politiques, il est important de médiatiser les initiatives de tourisme communautaire.<br />

Les communautés locales seules n’ont pas la possibilité et les contacts pour accéder<br />

aux mass media. En ce sens, ce sont les ONG porteuses de projet qui peuvent jouer un<br />

rôle déterminant en intégrant dans les budgets des activités pour la promotion et la<br />

communication des initiatives. Elles se devraient également de favoriser la création<br />

de réseaux d’échanges d’expériences en matière de tourisme communautaire.<br />

Tourisme et création d’activismes<br />

Le tourisme a rarement été analysé comme catalyseur de participation à des<br />

mouvements sociaux ou comme créateur ou activateur d’activisme (Hall 1994;<br />

McGehee 2002). Le tourisme, en augmentant l’activisme social des participants après<br />

leur retour, peut pourtant être facteur de changement social. Voyager deviendrait<br />

utile et peut constituer une activité militante. Il existe un avant et un après voyage, le<br />

touriste devenant après le déplacement et le séjour adhérent de l’association<br />

vendeuse du circuit. La motivation dominante de ces types de tourisme est une plus<br />

grande justice sociale entre les pays du nord et du sud.<br />

La théorie des mouvements sociaux peut permettre d’expliquer cette hypothèse. Les<br />

théories de la psychologie sociale soutiennent que la conscientisation est un préalable<br />

indispensable à la participation dans des mouvements sociaux. La théorie de la<br />

mobilisation des ressources déclare que les réseaux qu’un activiste établit, aussi bien<br />

au sein de mouvements sociaux qu’en dehors, sont vitaux au succès de son activité<br />

d’activisme et de sensibilisation.<br />

Nous stipulons que le jutice tourism peut permettre de sensibiliser et conscientiser<br />

les participants sur différents thèmes politico-sociaux. Cette sensibilisation constitue<br />

un préalable nécessaire à toute possible implication active future, qu’elle débouche<br />

directement ou non sur la création de nouveaux activismes.<br />

277<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Mouvements sociaux<br />

Un mouvement social peut être défini comme ‘‘an organized effort by a significant<br />

number of people to change (or resist change in) some major aspects of society’’<br />

(Marshall 1994, p.489). L’objectif large est donc de remodeler les modes de<br />

gouvernance et les modes de prise de décisions.<br />

Selon Knoke (1988) et Klandermans (1992), deux pré-requis essentiel à la<br />

participation et au soutien à des mouvements sociaux seraient l’appartenance à des<br />

réseaux sociaux et la conscientisation. Le premier serait aussi bien un précurseur<br />

qu’un multiplicateur dans le sens où l’activisme sera bien plus efficace si la personne<br />

est impliquée dans de nombreux réseaux puisqu’elle pourra sensibiliser beaucoup<br />

plus facilement un grand nombre de personnes. En ce qui concerne la<br />

conscientisation, elle est considérée comme passage obligé : avant qu’une personne se<br />

mobilise pour une cause, elle doit d’abord prendre conscience des inégalités qui<br />

existent et de la justesse de la cause qui doit être défendue.<br />

Réseaux sociaux<br />

Les réseaux sociaux sont des liens qui nouent des individus entre eux qui supportent<br />

et partagent le même type d’idées et d’objectifs. Les réseaux peuvent servir comme<br />

source d’informations ou de mobilisation. Pour échanger des informations au niveau<br />

international, l’utilisation de canaux informels tels que les réseaux sociaux sont les<br />

plus efficaces pour faire circuler des informations. McAdam et Rucht (1993)<br />

affirment que la « diffusion of ideas about movement activities on an international<br />

scale occurs through ‘‘mediatized’’ social networks ».<br />

De la conscientisation à l’activisme…<br />

La conscientisation peut avoir lieu sur une période courte ou de façon soudaine. Elle<br />

peut être directe (participation à une expérience de justice tourism) ou indirecte<br />

(réception d’informations par le bouche à oreilles,…).<br />

L’expérience d’un voyage de justice tourism, même s’il peut être limité dans le temps<br />

est très impactant en termes d’intensité. Il permet de créer des liens forts entre les<br />

participants qui partagent tout (repas, logements,…) et les communautés.<br />

278


Il est important de souligner que la conscientisation ne se concrétise pas<br />

automatiquement par la création d’activisme : elle signifie devenir sympathisant à<br />

une cause. Transformer cette sympathie en action procède d’une seconde étape.<br />

Un élément important de la conscientisation est qu’elle porte vers la politisation. En<br />

étudiant l’activisme des féministes lesbiennes, Taylor et Whittier’s (1992) ont montré<br />

que ce dernier ne se limitait pas à l’activisme politique mais se manifestait dans tous<br />

les aspects de la vie quotidienne. « For example, women of the movement shop only<br />

at gay-friendly stores, subscribe to magazines that promote their political and<br />

social platform, and travel using only gay-friendly airlines, accommodations, and<br />

restaurants » (In McGehee NG, Santos C.A, 2005). En effet le noyau dur de touristes<br />

responsables en Italie, qui voyagent seulement avec des membres de l’AITR italien<br />

replace cette forme de voyager dans une démarche globale plus citoyenne. Ce public<br />

serait également consommateur de produits issus du commerce équitable, lecteurs de<br />

certains types de journaux,…Les individus choisiront donc de participer parce qu’ils<br />

souhaitent étendre leurs identités d’activistes dans le monde du voyage (McGehee et<br />

Norman 2002).<br />

De la théorie à la pratique<br />

L’étude de Mc Gee et de Santos visant à analyser les effets du tourisme volontaire sur<br />

les participants et leurs comportements après le voyage est très intéressante<br />

(McGehee NG, Santos C.A, 2005). . En interrogeant des participants de quatre<br />

organisations américaines (Mobility International, WorldPULSE et The American<br />

Jewish World Service), les auteurs ont confirmé que ces voyages stimulaient<br />

l’activisme des militants après leur retour et leur implication dans des mouvements<br />

sociaux.<br />

De nombreux participants ont déclaré élargir leurs réseaux sociaux, par des amitiés<br />

crées lors du voyage avec d’autres participants. A moindre mesure, d’autres ont<br />

déclaré nouer des relations avec les populations locales. De nombreux participants<br />

ont déclaré que ces contacts avaient été maintenu après le voyage et que l’expérience<br />

279<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


vécue avait eu des impacts forts sur leurs vies (‘‘enlightening,’’ ‘‘eye opening,’’ and<br />

‘‘life changing’’)<br />

La conscientisation effectuée a pu se manifester sous différentes formes : prise de<br />

conscience des réalités et injustices sociales, de la nature globale et complexe des<br />

problèmes sociaux, la réalisation que beaucoup de temps et d’efforts pour qu’un<br />

changement permanent se passe sera nécessaire (Mueller, 1992).<br />

L’activisme et la participation à des mouvements sociaux après le voyage s’est révélé<br />

renforcée. Pour la majorité d’entre eux qui n’étaient pas activistes par avant, ils se<br />

sont engagés dans de nouveaux mouvements sociaux. Certains ont même crée leur<br />

propre organisation. Il a été noté que nombre de touristes ont décidé d’entreprendre<br />

un tel voyage à un moment critique de leur vie en terme de changements : après le<br />

collège ou l’université, au moment de la retraire, des gens pensant à un changement<br />

de carrière, etc.<br />

Cette étude a confirmé le pouvoir du justice tourism pour créer et établir des relations<br />

qui dépassent largement le temps de l’expérience elle-même. Ce genre de voyages,<br />

impactant fortement la vie des participants, serait apte à favoriser le changement<br />

social.<br />

Etre touriste et être citoyen n’implique pas deux identités distinctes, deux<br />

compartiments en vase clos qui évoluent selon des circuits différents et n’établissent<br />

pas de relations entre eux. Lorsque le touriste décide de visiter des lieux de conflits, il<br />

se convertit en citoyen. Selon Lacarrieu (2004), les touristes qui s’impliquent<br />

postérieurement au voyage avec une capacité de résistance et un compromis<br />

politique, se sentant avoir pris un compromis avec la réalité visitée, sont fortement<br />

minoritaires.<br />

280


3.4. Etudes de cas<br />

3.4.1. Le tourisme en Israël / Palestine<br />

Dans un contexte comme celui d’Israël et de la Palestine, le tourisme est fortement<br />

instrumentalisé à des fins politiques.<br />

Un tourisme classique instrumentalisé principalement au service des<br />

Israéliens<br />

Selon Bowman, le tourisme traditionnel en Israël est fortement instrumentalisé par la<br />

population juive à des fins aussi bien économiques que politiques. « Tourists (…) are<br />

likely to return (…) with a sense of « Israel » as an oasis of Western democracy<br />

surrounded by bellicose wastes of « Arab » tyranny » (Bowman G, 2001)<br />

Peu de touristes visitant la région sont intéressés par le conflit israélo-palestinien : la<br />

majorité des touristes étant des visiteurs juifs qui viennent rendre visite à leur famille<br />

et l’autre majorité des visiteurs étant des chrétiens en pèlerinage. Selon l’auteur, 70%<br />

des visiteurs qui ne sont pas pèlerins visitent Israël par l’intermédiaire de tours<br />

organisés conduits par des guides Israéliens qui fournissent aux touristes des<br />

informations idéologiquement connotées. Rappelons que, jusqu’en 1995, les autorités<br />

israéliennes interdisaient aux Palestiniens la profession de guide touristique et<br />

limitaient le plus possible toute rencontre avec les touristes.<br />

Les guides ne commentent pas seulement des paysages mais construisent pour le<br />

touriste un cadre d’analyse interprétatif. Ils communiquent des « conceptions of a<br />

general order of existence » (Geertz, 1987, p.90).<br />

Les présentations des guides en Israël ne sont pas régulées au niveau de l’Etat comme<br />

ce peut être le cas dans certains régimes totalitaires (Hollander, 1981) et les guides<br />

sont assez libres pour construire le genre de discours qu’ils estiment appropriés. Les<br />

guides Israéliens insistent très régulièrement sur l’altérité et la dangerosité de la<br />

population arabe et se présentent comme occidentaux, dignes de la confiance du<br />

touriste. La majorité des guides Palestiniens quant à eux tendraient à masquer leur<br />

identité palestinienne pour ne pas créer de problèmes avec le touriste. Ils perdent<br />

281<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


cependant l’occasion de pouvoir parler de leur situation d’occupés. D’autres guides<br />

palestiniens ne cachent pas leur appartenance et tentent de délivrer leur vision<br />

d’Israël. Cependant, il existe un fort risque que le guide se voit enlever sa licence<br />

d’exercice pour avoir fait des commentaires politiques. La licence peut même être<br />

retirée à l’agence de voyage ce qui fait que de plus en plus d’agences sont réticentes à<br />

engager des guides palestiniens. Les guides palestiniens sont donc beaucoup moins<br />

nombreux que leurs homologues israéliens.<br />

Certaines organisations juives comme « Bridges for Peace », crée en 1985 voient dans<br />

le tourisme un instrument de sensibilisation politique. « We want the tourists to go<br />

back and tell the story of Israel as it is.. to clarify politics… » (Bowman G, 2001)<br />

Dans les circuits touristiques, les zones palestiniennes sont complètement écartées<br />

pour deux raisons : rendre invisible la présence substantielle de palestiniens sur cette<br />

terre et permettre aux guides israéliens de qualifier la population palestinienne de<br />

dangereuse. Les endroits que les touristes peuvent voir ne sont pas seulement l’image<br />

réédifié de leurs attentes, mais le résultat d’un dialogue entre les touristes et les<br />

brokers qui servent de médiation entre le tourist gaze et son objet. Cela montre bien<br />

le pouvoir que possèdent les sociétés hôtes, souvent dépeintes comme victimes<br />

impuissantes du tourisme international.<br />

Développement du Justice tourism par des Palestiniens comme moyen<br />

de susciter de nouveaux activismes<br />

Le tourisme classique développé en Israël ne développant qu’une image superficielle<br />

et biaisée de la situation politique, un groupe de Palestiniens a décidé de créer une<br />

association de tourisme alternatif (ATG), en 1995, pour participer au développement<br />

du secteur touristique en Palestine et contribuer à mieux faire connaître les différents<br />

aspects de la vie des Palestiniens.<br />

« The current situation directly strengthens Israel through a virtual tourist<br />

monopoly and exploits Palestinian resources and heritage while excluding<br />

Palestinians from tourism’s economic, political and human benefits » (Kassis R,<br />

2005, www.patg.org)<br />

282


Ils soutiennent que le justice tourism peut être utilisé comme instrument de<br />

sensibilisation politique et sociale. Afin de lutter contre les stéréotypes négatifs<br />

communs du peuple Palestinien et améliorer leur image au niveau international, par<br />

un contact direct avec la population palestinienne. Le Justice Tourism représenterait<br />

un élément essentiel pour renforcer et préserver l’esprit et la fierté nationale, tout en<br />

contribuant à la préservation du patrimoine culturel.<br />

Selon Ayman Abuzulof (guide de voyage ATG), leur objectif « est de changer les<br />

stéréotypes qui collent aux Palestiniens et de montrer aux touristes d’autres visages<br />

que ceux qu’ils découvrent par le prisme de la télévision » (www.patg.org)<br />

Ce type de tourisme a pour objectif final la sensibilisation politique et sociale dans<br />

l’optique de faire naître de nouveaux activismes parmi les visiteurs « to promote<br />

justice tourism as a viable alternative. This will be done by fostering human<br />

encounters that can help break the culture of silence and lead to political awareness,<br />

personal transformation of the visitor and the visited, and contribute to a just peace<br />

through advocacy and political action » (Kassis R, 2005, www.patg.org)<br />

En vivant la vie quotidienne des Palestiniens, les visiteurs seraient à mêmes de<br />

percevoir les injustices subies quotidiennement par ce peuple. Cette conscientisation<br />

les porteraient à vouloir agir contre ces injustices de retour chez eux.<br />

Que ce genre de voyages soit qualifié de tourisme ou non n’est pas le fond du<br />

problème. ATG utilise le concept de Justice Tourism mais définit les touristes plus<br />

facilement par le terme « délégation ». Ces délégations sont constituées d’un public<br />

assez éclectique : des groupes de solidarité internationale, des académiques, des<br />

groupes religieux, des journalistes et des chercheurs, des membres d’ONG et<br />

d’organisations politiques, des touristes et des groupes de pèlerins. Ces voyages<br />

prévoient des rencontres avec des ONG israéliennes et palestiniennes (Israeli<br />

Committee Against House Demolitions et the International Solidarity Movement),<br />

des groupes de la société civile, des victimes du conflit, des communautés mixtes<br />

israéliennes/palestiniennes, etc.<br />

Les principaux objectifs de ce type de tourisme seraient les suivants :<br />

283<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


1. Promouvoir le tourisme comme instrument de paix dans les territoires<br />

occupés, dans le but de terminer l’occupation.<br />

2. Créer des groupes de solidarité étant capables de militer dans leur propre pays<br />

à travers la conscientisation et la sensibilisation de l’opinion publique et en<br />

organisant un lobbying sur la question palestinienne auprès de leurs propres<br />

gouvernements.<br />

3. Développer des campagnes destinées à sensibiliser l’opinion publique, tels que<br />

le boycott de produits israéliens, etc.<br />

4. Permettre de rompre le silence et de briser la solitude et l’isolation dans<br />

lesquels les Palestiniens sont plongés.<br />

ATG n’est pas la seule organisation favorisant le justice tourism en Palestine. « Olive<br />

Co-operative » (http://www.olivecoop.com/review.html) a été crée fin 2003 pour<br />

soutenir la cause pacifique en Palestine et Israël et permettre aux visiteurs de se<br />

procurer une opinion sur le conflit à partir d’une expérience directe de rencontre des<br />

organisations travaillant en faveur de la justice et de la paix dans les deux camps. Ce<br />

tourisme permet également de procurer des opportunités économiques équitables<br />

aux palestiniens. Ce type de tourisme vise lui aussi à créer de l’activisme.<br />

« As a result of our tours, people have felt motivated and informed to take action<br />

and work for change on return to their home country »<br />

(http://www.olivecoop.com/review.html)<br />

3.4.2. Développement de "Reality Tours" au Chiapas par Global<br />

Exchange<br />

Une étude intéressante sur l’activisme<br />

La thèse de Wrelton étudie le rôle du justice tourism comme moteur d’activisme<br />

social21 . Son étude se focalise sur le rôle que peut jouer ce type de tourisme en tant<br />

21 Elle traduit l’expression « justice tourism » par l’expression espagnole « turismo responsable ». Ce qui montre<br />

bien la difficulté ou l’impossibilité de traduire certaines expressions dans d’autres langues, sans risque<br />

d’organiser de confusions sur le concept.<br />

284


que méthode éducative, de transformation sociale ou pour la création de nouveaux<br />

activismes. Ce type de tourisme est évalué dans la perspective des trois acteurs<br />

impliqués : l’ONG jouant le rôle de tour opérateur (broker), le touriste et la<br />

communauté locale hôte. Son étude de cas est basée sur la réalisation d’un reality<br />

tour au Chiapas, organisé par l’ONG américaine Global Exchange. Il nous semble<br />

intéressant de reprendre les conclusions de cette analyse puisqu’après la Palestine,<br />

c’est un des cas les plus connus au monde où un mouvement politique a su utiliser le<br />

tourisme (ou les échanges transnationaux) comme instrument de renforcement<br />

politique.<br />

Global Exchange et les reality tours<br />

Global Exchange est une ONG américaine de défense des droits de l’homme. Sa<br />

mission principale est l’éducation de l’opinion publique américaine pour contrer les<br />

fausses informations qui sont actuellement diffusées par les médias. L’organisations<br />

de voyages («reality tours») représente le tiers de l’activité de l’organisation et existe<br />

depuis la création de l’ONG en 1988. L’idée sous-jacente est que le voyage permet de<br />

créer de profonds changements au sein des personnes<br />

A travers le voyage, l’objectif est de catalyser des processus de transformation<br />

individuelle et collective. Ces tours sont nés de l’idée que la diplomatie citoyenne<br />

possède un fort potentiel pour faire évoluer les politiques des gouvernements. Ce<br />

tourisme doit donc stimuler les participants à agir quand ils retournent chez eux, afin<br />

qu’ils effectuent un lobbying politique pour changer les éléments de politique<br />

extérieure américaine défavorables aux pays du Sud.<br />

A l’inverse d’autres organisations, Global Exchange se focalise non seulement sur les<br />

droits politiques mais sur les droits économiques. Le but affiché est de remettre en<br />

cause les politiques économiques et étrangères de l’Etat américain, qui ont d’énormes<br />

impacts sur les pays du Sud.<br />

A travers l’éducation, ce que cherche à créer Global Exchange est la création de<br />

nouveaux activismes. L’idée est que l’action doit se réaliser au niveau américain, en<br />

faisant du lobbying auprès de l’Etat américain ou des grosses corporations plutôt que<br />

285<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


sur les institutions du pays visité. L’idée sous-jacente est que ce ne sont pas les<br />

citoyens du Nord qui peuvent régler tous les problèmes et dire aux autres pays quoi<br />

faire (interventionnisme). Selon eux, l’activisme du nord a comme premier objectif<br />

d’essayer d’ébranler les relations inégalitaires de pouvoir existantes mais n’est pas<br />

capable de créer d’alternatives puisque le changement doit provenir des organisations<br />

de la base : « The rich won’t solve poverty only the poor can do that » (Kevin,<br />

fondateur de GE, communication personnelle, 28 Juillet 2005 in Wrelton E). L’idée<br />

sous-jacente est que chacun doit agir dans sa propre sphère d’influence pour tenter<br />

de modifier un ordre mondial inégalitaire. « Penser localement et agir globalement ».<br />

Global Exchange inscrit son action dans la théorie du post-développement qui<br />

souligne l’importance du lobbying au niveau international et de l’émergence de<br />

mouvements sociaux transnationaux pour tenter de répondre aux problèmes de<br />

développement (ONG de quatrième génération).<br />

« Global Exchange as an organisation takes a role as a bridge between social<br />

movements and the US public, facilitating the connection and possible solidarity<br />

that may be created between the two » (www.globalexchange.com).<br />

Le choix des pays de destination s’organise selon deux critères :<br />

- dans les pays où la politique étrangère américaine est source d’oppression et<br />

d’occupation qui souffrent directement des conséquences de la globalisation,<br />

du néolibéralisme et des accords de l’ALCA. Exemples : Cuba (voyager à Cuba<br />

signifie braver l’embargo), Nord du Mexique (se rendre compte des impacts<br />

négatifs de l’exploitation capitaliste par la visite des maquiladoras).<br />

- Dans des pays où des mouvements sociaux forts sont en cours pour proposer<br />

des alternatives au modèle néolibéral et peuvent servir d’inspiration et<br />

d’exemple. Exemples : Brésil (contact avec le mouvement sans terres),<br />

Venezuela (politique du gouvernement opposé au dogme néolibéral),<br />

Mexique (rencontre avec le mouvement zapatiste).<br />

GE favorise donc la création de relations avec des mouvements sociaux dans l’optique<br />

de les aider à avoir de la visibilité. Elle ne souhaite pas utiliser le tourisme comme<br />

opportunité de développement économique, afin de ne pas créer des relations de<br />

dépendance. Qu’on le veuille ou non, l’organisation de voyages implique la naissance<br />

286


d’une relation économique, à même de créer aussi bien des liens de dépendance que<br />

d’émancipation. Même si le premier objectif de ces voyages reste politique, il semble<br />

dommage de ne pas saisir l’opportunité que peut représenter le tourisme en termes<br />

de développement économique. Dans tous les cas, les communautés locales des pays<br />

du Sud se trouvent dans une relation de dépendance au niveau du système mondial.<br />

Le choix de ne pas intervenir sur le plan économique signifie décider les abandonner<br />

à leur propre sort.<br />

Global exchange inclue les principes basiques du tourisme socialement responsable :<br />

- présence d’un médiateur culturel (tour leader),<br />

- utilisation d’hôtels et restaurants de petite taille et de coopératives de<br />

transport pour assurer la meilleure redistribution des bénéfices possibles<br />

- préparation du touriste avant le départ22 , réunion de briefing pendant le<br />

voyage et réunions après le retour.<br />

Les reality tour peuvent représenter d’excellents outils de défense et protection des<br />

droits de l’homme. En amenant des délégations dans des endroits soumis à des<br />

violations de droits de l’homme, le visiteur peut jouer le rôle de témoin («act as eyes<br />

and ears for the outside world » www.globalexchange.com) ou peut aider à limiter<br />

les abus du gouvernement sur des groupes minoritaires. Au Chiapas, la présence de<br />

touristes a permis de limiter la répression gouvernementale sur les populations<br />

indigènes. Les reality tour peuvent également consister en des missions d’observation<br />

électorale, des missions de contrôle et d’évaluation sur le respect des droits<br />

élémentaires de l’homme dans certaines régions.<br />

L’objectif des « reality tours » est d’arriver à sensibiliser le touriste afin qu’il se<br />

mobilise après son retour de voyage et se lance dans de nouveaux activimes dans son<br />

propre pays. Pour cela, il est nécessaire d’analyser également les impacts que ce type<br />

de tourisme produit dans les pays touristiques émetteurs et non seulement dans les<br />

pays de destination. La recherche sur ce thème est par ailleurs très pauvre :<br />

22 Une sélection des participants est organisée à travers la distribution d’un questionnaire avec des questions<br />

telles que : « Pourquoi souhaitez-vous partir ? Comment pensez-vous partager votre expérience après votre<br />

retour ? ». Ce questionnaire donne l’impression que la candidature du touriste peut être refusé si les réponses<br />

ne sont pas satisfaisantes. Il n’en est pourtant rien. Pour assurer la rentabilité économique, on ne peut se<br />

permettre de refuser des participants…<br />

287<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


“… Past impact studies have usually concentrated solely on the effect that tourists<br />

have within the destinations. Future macrobased studies may attempt to correlate<br />

the effects of an individual within the tourist region but also in light of the effect that<br />

person would also have had on their home environment” (Fennell, 2003 p. 81).<br />

Figure 11 : Relations entre justice tourism et mouvements sociaux<br />

Mouvement social global<br />

ONG hôtes et communautés locales TO et touristes<br />

JUSTICE<br />

TOURISM<br />

Mouvements sociaux locaux Mouvements sociaux locaux au sein<br />

Source : Wrelton, 2006.<br />

Un bref résumé de l’histoire du mouvement zapatiste…<br />

de la société civile du pays<br />

émetteur de touristes<br />

L’armée de libération nationale zapatiste (EZLN) s’est formée en janvier 1994, en<br />

opposition à la mise en place de l’ALCA, accord considéré par l’EZLN comme la<br />

sentence de mort des peuples indiens du Mexique (Harvey, 1995). La lutte armée ne<br />

dura que douze jours jusqu’à la signature du cessez-le-feu le 12 Juin 1994. L’EZLN<br />

déclara vouloir du travail, la propriété de la terre, un logement, la démocratie, la<br />

justice et la paix (Harvey, 1995). L’objectif de ce mouvement n’est donc pas la prise<br />

de pouvoir mais la reconnaissance du droit à un développement alternatif et<br />

endogène (Benjamin, 1995).<br />

L’EZLN a su très rapidement adopter un discours occidental sur la démocratie, qui<br />

leur était peut-être exogène, pour séduire l’opinion public international et renforcer<br />

par là-même leur pouvoir de négociation face au pouvoir national.<br />

288


Ils ont été un des premiers mouvements politiques à prendre conscience du poids<br />

politique que peuvent octroyer la création de réseaux transnationaux et ont donc basé<br />

leur stratégie de résistance sur la création de tels réseaux. Depuis 1994, le<br />

mouvement zapatiste a donc essayé de rallier de nombreux acteurs internationaux à<br />

sa cause en invitant des ONG nationales et internationales, des groupes de solidarité<br />

et des activistes au Chiapas. Donner une dimension internationale au conflit a permis<br />

d’empêcher le gouvernement de l’étouffer.<br />

« This international presence ‘made it difficult, if not impossible, for the government<br />

to reduce the scope of the conflict to Chiapas » (Rus et al., 2003 p. 17).<br />

En 1992, Le gouvernement mexicain a proposé de l’argent à travers des politiques de<br />

développement destinés au Chiapas, afin d’intégrer cette région isolée dans<br />

l’économie mexicaine. Le mouvement zapatiste a pourtant refusé, montrant par là<br />

qu’il s’opposait à toute forme de développement, au sens occidental du terme.<br />

Le mouvement zapatiste possède des traits de caractères communs aux nouveaux<br />

mouvements sociaux (Esteva et Prakash, 1998).<br />

- Se méfie des leaders et des décisions politiques centralisées.<br />

- Permet la participation de différentes idéologies et classes sociales<br />

- Evite de contrôler les forces sociales qu’ils activent<br />

- Structure organisationnelle flexible<br />

- Se concentre sur des campagnes spécifiques.<br />

Ce mouvement social s’inscrit dans un processus de post-développement.<br />

Le rôle de global Exchange au Chiapas<br />

Global Exchange est présent au Chiapas depuis 1995, date où ils ont implanté un de<br />

leurs bureaux à San Cristobal de las Casas (bureau qui a fermé en 2003).<br />

Leur rôle a été multiple :<br />

- envoyer des délégations à travers des « reality tours »<br />

- envoyer des volontaires pour accompagner des activistes des droits de<br />

l’homme mexicains et pour peupler les camps de la paix établis dans<br />

différentes communautés.<br />

289<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


- Divulguer des informations à l’opinion publique internationale, par la<br />

publication de rapports et l’organisation de conférences.<br />

Dans l’optique d’une sensibilisation politique, le rôle de la communication et de la<br />

médiatisation est central. Actuellement, global exchange organise trois-quatre reality<br />

tours par an au Chiapas et continue de diffuser des informations sur la situation<br />

politique.<br />

Le tourisme est utilisé comme un moyen pour sensibiliser l’opinion publique, en<br />

donnant la possibilité à certaines personnes d’être témoins, de voir de leurs propres<br />

yeux et comprendre des situations politico-sociales. Cet objectif de sensibilisation ne<br />

s’arrête pas à l’organisation de voyage : pour toucher un plus grand nombre, il est<br />

nécessaire de communiquer et de médiatiser les informations.<br />

Empowerment et Zapatistes<br />

Dans le contexte du Chiapas, la rébellion zapatiste et la politisation de la population<br />

ont résulté d’un processus d’empowerment interne, un processus qui a conduit à la<br />

politisation de la population entière du Chiapas et non de la seule communauté<br />

zapatiste.<br />

L’échec des politiques de développement dans la région ont conduit à un processus<br />

d’empowerment qui est venu de l’intérieur. Le rôle du Sous-commandant Marcos<br />

peut être conçu comme celui de catalyseur externe qui a favorisé un processus de<br />

conscientisation. Pour reprendre ses propres mots, le rôle du sous-commandant<br />

Marcos était d’enseigner la « palabra politica » (le discours politique), l’histoire dans<br />

des termes occidentaux (Harvey, 1998). On retrouve comme élément commun dans<br />

de nombreuses luttes indigènes, l’intégration d’une logique politique occidentale, qui<br />

leur permet de mobiliser l’opinion publique (discours sur droits de l’homme, autodétermination,<br />

développement durable,…) Le commandant Marcos a très bien su<br />

utiliser les potentiels du nœud global –local. Par des stratégies modernes et globales<br />

de communication, il a réussi à socialiser sa lutte à l’échelle de la planète. L’EZLN a<br />

vite incarné la voix des laissés pour compte du néolibéralisme. Les rencontres<br />

intercontinentales nombreuses ont permis de montrer qu’il est possible de lier<br />

290


universalité et ethnicité en articulant démocratie et identité non pas contre la<br />

démocratie occidentale mais dans l’approfondissement de l’idée démocratique ». (Le<br />

Bot Y,1997, p.294 cité dans Volle, 2005, p.190)<br />

Le mouvement est très démocratique puisque les décisions sont prises par les<br />

Comités clandestins révolutionnaires indigènes (CCRI). Les femmes sont<br />

encouragées à participer à ce mouvement, contrairement à leur rôle traditionnel.<br />

L’EZLN ne cherche pas à prendre le pouvoir mais souhaite créer un espace politique<br />

dans lequel la démocratie peut être exercée (Benjamin, 1995).<br />

Une grande partie du développement du mouvement s’est basée sur l’éducation avec<br />

notamment l’enseignement de l’espagnol aux communautés paysannes. Bien que cela<br />

puisse s’opposer au désir d’éducation de Freire que les oppressés s’expriment dans<br />

leur propre langage, le mouvement a encouragé l’apprentissage de l’espagnol afin que<br />

les populations locales soient aptes à communiquer dans la langue dominante du<br />

pays, leur permettant de pouvoir lire, écrire et d’acquérir la capacité de comprendre<br />

les forces plus larges qui affectent leur réalité (conscientisation possible seulement<br />

avec des personnes éduquées).<br />

Utilisation politique du tourisme<br />

Les zapatistes utilisent le tourisme comme instrument pour répandre leurs idées,<br />

augmenter le soutien en faveur de leur autonomie et comme fonte financière<br />

complémentaire pour les aider à rester séparés du gouvernement Mexicain. Ce lien<br />

entre l’économique et le politique mis en relief dans le graphique présenté dans cette<br />

thèse est clairement illustré ici. L’indépendance économique renforce l’indépendance<br />

politique et le choix de choisir son propre mode de développement.<br />

L’imposition d’une alerte rouge en pleine haute saison touristique 2005, bloquant les<br />

flux touristiques, montre bien que le tourisme est considéré plus comme instrument<br />

pour assurer la continuité de leur mouvement politique que manne financière. Si les<br />

objectifs que se sont fixés la communauté locale sont clairs (politiques et<br />

empowerment), ils ne devraient pas donner la précédence à l’économique.<br />

291<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Un mouvement déjà empowered avant de s’ouvrir au tourisme<br />

Le courant zapatiste était déjà un mouvement établi et fort avant que Global<br />

Exchange leur apporte du soutien. La création de ce mouvement est justement le<br />

résultat d’un fort processus d’empowerment endogène au niveau local. Les forces<br />

globales jouent cependant un rôle important pour influencer les actions au niveau<br />

local. Global exchange, en permettant de mettre en réseau le mouvement avec des<br />

acteurs transnationaux a pu soutenir un processus d’empowerment exogène (voir<br />

graphique, cercle d’empowerment 2).<br />

C’est également ce qui s’est passé avec le peuple Sahraoui (comme nous le<br />

développerons dans l’étude de cas), qui possède une forte identité collective, et mis en<br />

place une dynamique d’empowerment endogène très forte. Ce qu’il recherche est de<br />

lancer un processus d’empowerment exogène qui pourrait lui permettre de le<br />

soutenir au niveau politique.<br />

On pourrait donc en conclure que lorsque des communautés souhaitent développer le<br />

tourisme à des fins politiques, cela signifie qu’elles sont déjà « empowered » (au<br />

niveau interne) et fortes. Pour accompagner de telles communautés dans un<br />

processus d’empowerment exogène, ce serait les ONG de quatrième génération<br />

(porteurs des théories du post-développement) qui seraient le mieux placées, c’est-àdire<br />

en organisant un travail de lobbying au niveau macro (et non local) plutôt que de<br />

mettre en place des projets locaux destinés à l’empowerment (Korten).<br />

Etude de cas centré sur un voyage de global exchange au Chiapas<br />

Dans l’optique d’utiliser le tourisme comme moteur de changement social, il est<br />

nécessaire d’étudier les motivations des trois acteurs impliqués dans le voyage (TO –<br />

Communauté locale – touriste) puisque celles-ci peuvent être notoirement<br />

différentes.<br />

Le TO organise-t-il ces voyages comme source de fund-raising ou comme élément de<br />

sensibilisation politique et sociale ?<br />

292


Le touriste voyage-t-il intéressé à vivre une expérience “authentique”, par<br />

voyeurisme, solidarité sociale ou activisme ?<br />

Les communautés locales impliquées sont-elles intéressées à développer le tourisme<br />

seulement pour des raisons économiques où ont-elles conscience que le tourisme<br />

peut représenter un instrument de sensibilisation politique et sociale ?<br />

Les “reality tour, comme leur nom l’indique, soulignent la réalité et l’authenticité de<br />

l’expérience vécue. Comme nous l’avons mis en exergue, ce sont les populations hôtes<br />

qui contrôlent l’authenticité de l’expérience touristique, selon ce qu’elles désirent<br />

montrer ou non au touriste. Les motivations qui poussent la communauté à s’ouvrir<br />

au tourisme sont donc centrales.<br />

Si les hôtes privilégient le tourisme pour des motifs économiques, il est fort probable<br />

qu’ils montrent au touriste ce qu’ils pensent que ce dernier a envie de voir. Si au<br />

contraire des motifs plus politiques et éducatifs se cachent derrière l’ouverture au<br />

tourisme, il y a de fortes chances que le touriste puisse vivre une expérience plus<br />

authentique.<br />

”When considering the Reality Tours and their desire for real or authentic<br />

experience, the views of the hosts with regard to the purpose of the meetings would<br />

matter a great deal. If the hosts have a vested economic interest in tourism then<br />

their interactions with visiting groups may be seen as a production for the benefit of<br />

the visiting tourists. If the earnings of the host groups, from the meetings, were<br />

significant and this mattered more to them than the education of the Reality Tour<br />

participants, then the portrayal of the reality of the situation would take second<br />

place to the interests and desires of the tourists”. (Wrelton E, 2006)<br />

Type de public<br />

Le profil type du touriste correspond à un public progressiste et ayant assez de capital<br />

financier pour voyager. La variable âge semble peu déterminante. Etudiants,<br />

retraités, enseignants, professionnels dans l’humanitaire et l’éducation semblent<br />

être les catégories socioprofessionnelles les plus représentées. Les participants sont la<br />

plupart des temps des personnes déjà activistes (mouvement anti-apartheid en<br />

Amérique du Sud, opposants à la guerre en Irak, volontariat en Amérique du Sud…).<br />

293<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Cela facilite l’échange d’informations mais limite l’objectif de sensibilisation de<br />

l’opinion public.<br />

Problèmes de rentabilité<br />

Au même titre que n’importe quel TO, l’organisation de « reality tour » doit se<br />

soumettre aux logiques et contraintes du marché. Ces contraintes peuvent<br />

conditionner l’objectif final qui est celui de la sensibilisation de l’opinion public et la<br />

création de nouveaux militantismes.<br />

Les tours les plus intenses et durs (dans des zones difficiles mais qui justement<br />

nécessitent encore plus une aide extérieure) ont du mal à trouver un public nombreux<br />

et peuvent donc être menacés d’annulation pour faute de rentabilité. Global Exchange<br />

a donc été contraint d’identifier des tours plus généraux et « softs », aptes à attirer un<br />

plus large public.<br />

Cet impératif tout d’abord économique a cependant permis d’attirer un public plus<br />

large et de sensibiliser de nouvelles personnes, ayant des profils beaucoup moins<br />

militants.<br />

Dans l’optique d’une conscientisation de l’opinion publique, il est intéressant<br />

d’atteindre de nouvelles personnes qui ne sont pas déjà des militants engagés.<br />

Cependant, dans l’optique du second objectif, c’est-à-dire la création de nouveaux<br />

militantismes à la suite du voyage, il sera plus difficilement atteint avec ce nouveau<br />

public.<br />

Hormis l’étude des différentes motivations poussant les acteurs à<br />

s’impliquer dans ce type de tourisme, il est utile d’analyser les effets et les<br />

bénéfices que peut apporter ce tourisme aux différents acteurs.<br />

Motivations des reality tours<br />

Le partage de connaissance<br />

294


Un des objectifs clés du « relatity tour » est l’apprentissage et l’échange de<br />

connaissances sur les thèmes de justice sociale, droits de l’homme, commerce<br />

équitable, accords de libre échange et leurs effets,… Le but n’est pas seulement<br />

d’analyser des situations locales mais de les connecter à un cadre global plus grand<br />

afin de comprendre quelles responsabilités la politique américaine peut avoir dans<br />

l’émergence de ces problèmes.<br />

”see the bigger picture and the links that this picture shows between the US and<br />

these problems” (Wrelton, 2006)<br />

Certaines personnes peuvent créer des effets multiplicateurs importants en termes de<br />

transmission de ces connaissances et de sensibilisation de l’opinion publique : c’est le<br />

cas des figures professionnelles telles que les professeurs ou journalistes,….<br />

Le flux d’information du Sud au Nord s’oppose à l’idée commune que le Nord<br />

développé possède toutes les réponses. Le Sud a à apprendre au Nord en termes de<br />

lien social, de solidarité intergénérationnelle : la solidarité porte en elle une<br />

réciprocité de l’échange.<br />

La recherche d'une alternative<br />

La recherche d’une alternative est un thème qui revient très fréquemment parmi les<br />

motivations des participants. Sur les huit personnes présentes durant le tour, six<br />

déclaraient remettre en question des éléments de leur propre culture et souhaitaient<br />

observer des alternatives créées par des mouvements sociaux tels que le mouvement<br />

zapatiste. Les concepts remis en question sont les suivants : néolibéralisme,<br />

consumérisme et capitalisme.<br />

Un des objectifs affichés de GE est celui de montrer ”alternatives to corporate<br />

Western dominated globalisation” (Nadya, employee de GE, communication<br />

personnelle, 28 Juillet 2005)<br />

295<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


En ce qui concerne les ONG locales, la majorité soulignait leur appartenance à des<br />

mouvements sociaux globaux. ‘it is not only a local struggle’ (Représentan CIDESI,<br />

communication personnelle, 19 Juillet 2005).<br />

Une des ONG locales visitées, CIDESI, ressent la nécessité de se mettre en contact<br />

avec d’autres organisations partageant le même engagement, telles que GE. Elles se<br />

disent membres d’un mouvement plus grand qui partagent une même volonté de<br />

changer le monde, sous l’influence du marxisme, du socialisme et des théories de la<br />

libération.<br />

Au même titre, une autre ONG locale CIEPAC centra son intervention auprès des<br />

touristes sur les problèmes structurels du système mondial et sur l’imposition de<br />

politiques néolibérales aux pays du Tiers-Monde grèvant leur possibilité de<br />

développement. Afin de résoudre les problèmes de développement, le focus est donc<br />

centré sur la résistance aux idéologies et au concept de développement occidental.<br />

Tous les acteurs partagent un même objectif : changer le monde. S’ils s’accordent sur<br />

les problèmes du système mondial et si la résistance les regroupe, ils ont cependant<br />

plus de difficultés à proposer des solutions communes. Il y a l’idée d’un mouvement<br />

social global mondial et ample mais personne ne sait définir quel est le lien ou les<br />

valeurs partagées.<br />

Solidarité<br />

Un des objectifs de GE est de créer des liens de solidarité entre les membres du<br />

groupe et les membres de la communauté locale visitée.<br />

Il semble que certains liens de solidarité se soient créés avec leurs hôtes : “I felt that<br />

this is a really good connection and that we’re all just struggling to make a living,<br />

you know basically what it all boils down to, and to be treated with dignity” (Julie,<br />

participante au tour, communication personnelle, 15 Juillet 2005)<br />

En ce qui concerne les communautés visitées, ce type de tourisme leur permet de<br />

sortir de leur isolement et de voir qu’il existe des gens ailleurs confrontés au même<br />

type de problèmes. Cette solidarité, qui leur permet de sortir de l’invisibilité est un<br />

296


acte positif en lui-même (que le touriste se lance après ou non dans l’activisme). La<br />

visite à des ONG locales permet l’empowerment aussi bien psychologique que social<br />

de ces dernières.<br />

La création de réseaux<br />

Les trois acteurs sont motivés par la volonté de créer des relations et réseaux.<br />

Il existe plusieurs types de réseaux qui peuvent se former grâce au justice tourism :<br />

- émergence d’un nouveau réseau entre les participants au tour<br />

- création d’un réseau entre les participants et les communautés locales<br />

- connections des deux premiers réseaux à des réseaux déjà existants faisant<br />

partie du réseau social existant des participants (effet multiplicateur de taille)<br />

De nombreux participants choisissent ce type de tourisme pour favoriser les<br />

rencontres avec des gens ouverts d’esprit. “I hope to meet people on this trip that are<br />

part of a community of people in the world that are committed to doing social<br />

justice work, and like networking that way “(Anna, participante au tour,<br />

communication personnelle, 6 juillet 2005)<br />

Après le voyage, des réseaux se sont effectivement créés entre les participants. Un<br />

groupe Yahoo a été notamment formé pour permettre le partage de photos et<br />

d’informations (articles sur l’activisme). Les contacts ont cependant été sporadiques<br />

et un des participants s’est déclaré déçu du manque de participation.<br />

La création de réseaux et de contacts entre les ONG locales et les participants semble<br />

être limitée. Les ONG locales ont cependant toutes en mémoire des exemples<br />

d’implication locale d’ex-voyageurs. Certains touristes retourneraient au Chiapas<br />

comme observateur des droits de l’homme ou pour donner des cours d’anglais. Dans<br />

l’autre sens, un des touristes a invité un représentant d’une ONG locale (CIEPAC) à<br />

réaliser des conférences en Arizona et une campagne médiatique dans la presse<br />

locale. De petites initiatives individuelles peuvent permettre de bons résultats en<br />

297<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


terme de sensibilisation de l’opinion publique comme le montre cet exemple, grâce à<br />

l’effet multiplicateur.<br />

Une des ONG locales visitée a déclaré cependant que le manque de contact post-tours<br />

avec les visiteurs était perçu comme un problème de taille a « gap in our outreach to<br />

the First Worl » (Représentant CIEPAC, communication personnelle, 15 Juillet<br />

2005).<br />

Motivations financières ?<br />

Les visites aux ONG locales organisées par GE laissent très peu de bénéfices à ces<br />

dernières. La philosophie de GE est qu’elles nécessitent plus un soutien politique<br />

qu’une aide financière. L’autre argument avancé pour réduire l’apport économique,<br />

est la volonté de ne pas créer de relations de dépendance. Le majeur apport financier<br />

que ces ONG peuvent recevoir est par la vente d’artisanat ou de n’importe quel<br />

produit au touriste. Ils semblent donc que les motivations qui poussent les ONG<br />

locales à recevoir des délégations telles que celles de GE sont bien avant tout<br />

politiques.<br />

Stimuler l’activisme<br />

L’objectif principal annoncé par GE est de créer de l’activisme à travers l’éducation et<br />

la conscientisation. GE a donc essayé de mettre en place des pratiques pour tenter de<br />

maximiser cet activisme tel que la distribution de pack de suivi après le retour de<br />

voyage. Ce dossier, en plus de contenir les différents contacts des ONG visitées,<br />

fournit d’ultérieurs contacts, ressources et réseaux pour permettre aux participants<br />

de s’impliquer plus. GE a d’ailleurs manifesté qu’ils étaient déçus par le peu de feedback<br />

des participants et par le manque d’activisme.<br />

« So it becomes meaningful for the hosts, cause I think we could so easily burn out<br />

the hosts if we keep coming back to the same ones over and over again and they<br />

don’t see any change in US policy » (Kirsten, fondateur de GE, communication<br />

personnelle, 3 août 2005)<br />

298


En ce qui concerne les ONG visitées, leur objectif principal est bien de chercher du<br />

soutien à travers l’activisme de leurs hôtes, une fois de retour chez eux. Cette<br />

nécessité s’est notamment fait plus présente dans une des communautés visitées qui<br />

s’opposait à un projet de développement du gouvernement risquant d’avoir des<br />

impacts très négatifs quant à la pollution de leur rivière. Rencontrer des groupes<br />

internationaux était considéré comme nécessaire pour publiciser leur cause à travers<br />

les médias ou l’écriture de lettres de soutien.<br />

Quel potentiel de transformation sociale ?<br />

L’attitude et le parcours des participants (personnes déjà activistes) laissent penser<br />

qu’ils pourront satisfaire les objectifs escomptés de GE et des ONG locales en terme<br />

d’éducation, de conscientisation et de divulgation d’information, de par leur<br />

implication dans de nombreux réseaux.<br />

Tous les participants ont déclaré lors du questionnaire post-voyage avoir parlé de leur<br />

expérience à leur famille et amis. Certains ont notamment créés des opportunités<br />

spéciales pour divulguer l’information sous formes d’expositions, de groupes de<br />

discussions, de diffusion de film ou de photos...<br />

Trois des participants ont écrit des articles ou publications sur le Chiapas. Un<br />

membre a également organisé l’accueil d’un intervenant d’une ONG pour pouvoir<br />

donner une conférence en Arizona. Même le participant le moins politisé, a utilisé son<br />

expérience pour enrichir son enseignement et a introduit de nouveaux thèmes de<br />

discussions tels que l’ALCA.<br />

En termes d’éducation du grand public, les résultats sont beaucoup plus limités car<br />

les reality tour sont composés majoritairement de personnes déjà actives socialement.<br />

En effet, l’américain moyen est absent de ce genre de tourisme, peut-être par ce qu’il<br />

est planifié de façon trop extrême, avec très peu de temps laissé aux loisirs…. Dans<br />

cette optique, il peut être intéressant de penser des voyages plus softs (ce que fait<br />

d’ailleurs global exchange) afin de pouvoir toucher un nouveau public moins<br />

sensibilisé.<br />

Etant donné que le groupe était majoritairement gauchiste, l’auteur (Wrelton, 2006),<br />

constate que l’on ne peut pas parler de changements significatifs chez les membres.<br />

299<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Ce tourisme n’aura pas créé de l’activisme mais l’aura encouragé et démultiplié. Au<br />

niveau de l’activisme direct en faveur des communautés locales, après le retour, les<br />

résultats semblent beaucoup plus mitigés. Cela peut conduire à la frustration à long<br />

terme des communautés hôtes. Par exemple, comme nous l’avons mentionné<br />

précédemment, une des communautés hôtes, impliquée dans un conflit avec le<br />

gouvernement avait appelé clairement les touristes à la mobilisation, après leur<br />

retour, par l’écriture de lettres de soutien au gouvernement ou par la mobilisation de<br />

la presse. Selon les réponses aux questionnaires, il ne semble qu’aucun membre n’ait<br />

organisé une action quelconque.<br />

Pour apporter une conclusion brève, on pourrait dire que ce genre de tourisme<br />

stimule l’activisme sur l’environnement local du participant et sur des problèmes<br />

globaux sur lesquels ils ont un minimum de contrôle. Au contraire, l’activisme direct<br />

en faveur des communautés locales est plus faible. Dans tous les cas, ces voyages<br />

permettent de démontrer un lien de solidarité et sortir certaines populations de<br />

l’isolement, leur donnant visibilité au moins le temps d’une rencontre.<br />

Réflexion conclusive sur la contribution de ce type de tourisme à<br />

l’empowerment des communautés locales<br />

GE a décidé d’organiser des tours au Chiapas afin d’apporter son soutien à la culture<br />

de résistance des zapatistes, fruit d’un processus d’empowerment déjà existant et fort.<br />

Ce tourisme n’a donc pas jouer le rôle de catalyseur dans ce processus<br />

d’empowerment endogène. Il a cependant permis de renforcer un processus<br />

d’empowerment externe.<br />

Les reality tour, dans leur programmation, apportent une attention particulière à la<br />

thématique de la distribution du pouvoir. Ils essaient d’intégrer les groupes plus<br />

marginalisés, les moins entendus pour essayer de rééquilibrer une relation de pouvoir<br />

inégalitaire au niveau national. Ils contribuent à l’empowerment en rendant possible<br />

l’échange d’informations, la création de réseaux de soutien,… Seul l’empowerment<br />

économique est laissé à l’écart par GE; ce qui considérons comme dommageable.<br />

300


Depuis 2003, GE a fermé son bureau dans le Chiapas, puisque les communautés<br />

locales ne nécessitaient plus de soutien dans leur processus d’empowerment<br />

endogène. Il se concentre désormais sur l’empowerment des participants du groupe<br />

et sur l’empowerment externe de la communauté par la constitution de mise en<br />

réseau transnationale.<br />

Figure 12 : Contribution des Reality tour à l’empowerment des communautés locales et<br />

des touristes<br />

Source : Wrelton, 2006, p.152, issu de Stromquist, 2002<br />

301<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


3.4.3. Projet de développement du tourisme solidaire dans les camps<br />

réfugiés sahraouis en Algérie.<br />

Cette étude de cas vise à illustrer la fonction que peut recouvrir le tourisme dans la<br />

sphère politique notamment à travers son rôle de sensibilisation politique et sociale.<br />

La présente analyse, basée sur l’étude d’un projet de développement touristique par<br />

la Société Sahraouie dans les camps réfugiés de Tindouf (Algérie) propose<br />

d'interroger les motivations politiques et sociales qui peuvent inciter certaines<br />

communautés locales à développer le tourisme. En effet, le Justice tourism peut être<br />

utilisé comme instrument de sensibilisation des touristes dans l’optique de la<br />

résolution d’un conflit politique, afin que ceux-ci se lancent dans de nouveaux<br />

activismes.<br />

Cette réflexion globale sera exposée à travers l'analyse d'un cas particulier : le projet<br />

de développement du tourisme responsable dans les camps réfugiés Sahraouis en<br />

Algérie. Il existe des motifs politiques internes et externes qui stimulent cette<br />

élection de développement : le renforcement de l'identité Sahraoui au niveau interne<br />

et la sensibilisation de l'opinion publique au niveau international.<br />

Comme nous l’avons développé précédemment, la mise en patrimoine est un acte<br />

fortement politique qui peut permettre de renforcer l'identité des communautés<br />

locales à travers la valorisation de la culture. La culture possède un rôle de<br />

représentation politique et renforce les idéologies nationales. L'importance d'une<br />

politique culturelle qui légitime l'identité est cruciale dans des lieux de conflits, où<br />

cette identité est mise en question.<br />

L'idée de développer un projet de tourisme responsable avec le peuple sahraoui est<br />

née il y a trois ans, suite à une demande de la Représentation de la RASD en Italie<br />

(République arabe sahraoui démocratique) présentée au CIRPS. Cette idée s’est<br />

traduite par la réalisation d'une étude de faisabilité en 2006-2007 financée par la<br />

province de Milan et la réalisation d’un voyage test en décembre 2007 - janvier 2008,<br />

commercialisé par une agence de voyage de l’AITR, Planet Viaggi. Suite à ces deux<br />

302


initiatives, nous avons développé un concept note mais le projet ne s’est pas encore<br />

réalisé et le fund raising continue.<br />

En introduction, il apparaît indispensable de présenter le contexte historique du<br />

conflit du Sahara Occidental, afin de poser des bases solides pour pouvoir saisir les<br />

différentes dimensions de la réflexion qui s’ensuivra.<br />

Nous décomposerons notre analyse en trois parties, chacune d’elles intégrant des<br />

analyses théoriques développées le long du corpus de notre thèse.<br />

Le corps analytique sera décomposé dans trois parties :<br />

1. Patrimonialisation de l'histoire et consolidation de l'identité. Le<br />

tourisme comme interface : de l’intérieur à l’extérieur.<br />

Cette partie vise à s’attacher au processus d’empowerment politique endogène<br />

qu’ont mené activement les Sahraouis depuis leur arrivée dans les camps.<br />

2. Le Justice Tourisme comme instrument de sensibilisation<br />

politique et sociale : sortir de l’oubli.<br />

Nous développerons ici les potentialités du tourisme pour permettre un processus<br />

d’empowerment externe, renforcé par la mise en réseau transnationale et la<br />

création de nouveaux activismes.<br />

3. Présentation et analyse du projet de coopération<br />

Nous essaierons d’analyser en quoi ce projet cherche à intégrer les bonnes<br />

pratiques présentées lors de notre réflexion, afin de faciliter un processus<br />

d’empowerment.<br />

Introduction : Contexte historique et rôle central du concept d'identité<br />

sahraoui<br />

Le Sahara Occidental est un territoire de l'Afrique situé dans l'extrémité occidentale<br />

du désert du Sahara, au bord de l'océan Atlantique, entre Mauritanie et Maroc. Il<br />

s'agit du dernier pays africain décolonisé et qui n'a pas réussi à obtenir son<br />

indépendance formelle lors du retrait du colon. Son processus de décolonisation a été<br />

303<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


interrompu en 1976, lorsque l'Espagne, ancienne puissance coloniale abandonna le<br />

peuple sahraoui, en signant le 14 novembre 1975, l'accord tripartite de Madrid avec le<br />

Maroc et la Mauritanie. Cet accord centralisé par l'Espagne a prononcé la séparation<br />

du Sahara Occidental, (partie méridionale en faveur du Maroc et partie<br />

septentrionale à la Mauritanie). Le Maroc réclamait depuis de longues années des<br />

droits ancestraux sur ce territoire. Toutefois, le Tribunal International de Justice de<br />

Haye a nié, par un avis de sa Cour, en 1975 l'existence de liens de souveraineté<br />

territoriale entre le territoire du Sahara Occidental et le royaume de Maroc.<br />

Avec l'occupation militaire en 1976, a éclaté une guerre impliquant le Maroc, la<br />

Mauritanie et l’Armée de libération nationale Sahraouie. A partir de là a commencé le<br />

début de l'exode du peuple sahraoui dans le désert algérien proche de Tindouf, où<br />

vivent encore aujourd'hui la plus grande partie de ce peuple (entre 100 000 et 200<br />

000 personnes).<br />

Entre temps la Mauritanie signait le 25 août 1979 un accord de paix avec le Front<br />

Polisario, en se retirant des zones occupées. La guerre avec le Maroc s’est quant à elle<br />

terminée en 1990 par une médiation des Nations Unies. Cependant, le Sahara<br />

Occidental reste toujours occupé par le Maroc, bien que la souveraineté marocaine<br />

sur ce dernier ne soit pas reconnue par les Nations Unies et soit rejetée par le groupe<br />

armé Front Polisario. Les Sahraouis ont crée un Etat en exil, la République Arabe<br />

Sahraoui Démocratique (RASD) et ont proclamé leur indépendance dès 1976. La<br />

RASD est reconnue par l'Union africaine et par presque 100 pays dans le monde, la<br />

majorité d’entre eux sont africains ou latino-américains. Ce gouvernement administre<br />

de facto la zone du Sahara Occidental non contrôlée par le Maroc (les territoires<br />

libérés) et les camps réfugiés de Tindouf. Actuellement, le territoire du Sahara<br />

Occidental est divisé par un mur de plus de 2.000 km de longueur, surveillé par plus<br />

de 150.000 soldats de l'armée marocaine (avec des radars et des mines<br />

unipersonnelles). Ce dispositif coûte plus de 1,5 millions d’euro par jour. Dans la<br />

zone, la MINURSO, Mission des Nations Unies pour le referendum dans le Sahara<br />

Occidental surveille le respect du cessez-le-feu depuis 1991 et devait contrôler le bon<br />

déroulement du référendum prévu pour décider de l’avenir de ce territoire. Plusieurs<br />

plans de paix ont promulgué l'organisation d'un referendum mais tous ont échoué.<br />

Aujourd'hui, le Maroc propose, à la place, d'accorder au Sahara Occidental une vaste<br />

autonomie sous sa souveraineté. Cette solution a été rejetée par le Front Polisario. Le<br />

304


gouvernement de Rabat a utilisé à beaucoup d'occasions la pression politique et<br />

l'arrestation d'activistes humanitaires contre les sahraouis qui habitent dans les<br />

territoires occupés, soumis à de fortes répressions et tortures.<br />

L'importance cruciale du concept d'identité par le peuple saharaui.<br />

Avec l'invasion du Sahara Occidental en 1976 et l'entrée des troupes dans le territoire,<br />

le monarque du Maroc a favorisé le processus de dénaturalisation de l'identité<br />

sahraoui, marqué par de nombreuses violations systématiques des droits de l’homme.<br />

Caratini (2000) soutient que la question de l'identité est à l'essence du problème<br />

entre le Maroc et les Sahraouis. Le Polisario, sous influence de la pensée occidentale,<br />

a compris que le concept de peuple pouvait constituer une forte arme politique :<br />

reconnaître l'existence d'un peuple signifie en outre la reconnaissance à ses membres<br />

du droit de créer une nation. Le Front Polisario a flanqué à la lutte de libération<br />

nationale, « une révolution sociale » indispensable pour supporter le projet<br />

indépendantiste. Cette révolution a consisté à éliminer le « système tribal » Saharaui<br />

et les rivalités que ce dernier engendrait. Etant donné l'absence du concept de peuple<br />

dans la base culturelle Sahraoui, il est intéressant de comprendre comment les<br />

Sahraouis, tribus nomades et structurées par un système conflictuel, ont réussi à<br />

créer un fort sentiment d’appartenance à un même peuple, pouvant prétendre à<br />

construire une Nation dans un seul territoire.<br />

Cette reconstruction de l'identité a été pensée par la RASD pour démontrer à<br />

l'opinion publique internationale des pays occidentaux que ce peuple s'avérait éligible<br />

à l'autodétermination puisqu’il était prêt à construire un Etat dans son territoire, sans<br />

la présence du Maroc. Pour cette raison Julien et Abjean observent que les Sahraouis<br />

veulent apparaître non seulement comme un peuple mais comme un « peuple<br />

exemplaire ». Ceci explique le haut niveau d'organisation présente dans les camps de<br />

Tindouf. L'image officielle qu'une communauté veut donner d’elle-même est<br />

importante pour comprendre comment cette communauté veut être perçue. Les<br />

Sahraouis, depuis l’exil, ont donné une importance cruciale à la présence étrangère<br />

dans les camps réfugiés. En interrogeant certains représentants de la RASD dans des<br />

pays étrangers, ils insistent sur l’importance d’encourager les gens à visiter les camps<br />

et vivre avec les familles Sahraouis, pour que ceux-ci se transforment en témoins.<br />

305<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Cette expérience a été rendue possible par l’organisation de voyages de solidarité par<br />

les réseaux internationaux de solidarité avec le peuple Sahraoui. Les Sahraouis, et ce<br />

surtout depuis la fin de la guerre (track one diplomacy), possèdent pour seule<br />

stratégie de résolution du conflit, la track two diplomacy, c’est-à-dire la voie non<br />

officielle. La nécessité est forte de sensibiliser et d'informer l’opinion publique sur le<br />

conflit du Sahara Occidental puisque, à l’inverse du conflit israélo-palestinien, il n’est<br />

pas du tout médiatisé. Le conflit du Sahara Occidental est connu comme le « conflit<br />

oublié » : la sensibilisation est donc une arme centrale pour continuer la lutte pour<br />

l'autodétermination.<br />

Expliquer les racines du conflit et l'importance du thème identitaire a permis de<br />

donner des outils analytiques nécessaires au lecteur pour qu’il saisisse comment le<br />

tourisme peut servir des objectifs politiques internes comme externes de la RASD.<br />

Dans cette analyse, la question à débattre est la suivante : Dans quelle mesure le<br />

tourisme responsable peut représenter une stratégie de développement viable et<br />

souhaitable pour le peuple Sahraoui ? Selon certains politiciens Sahraouis, cette<br />

élection stratégique serait motivée pour des raisons majoritairement politiques. Il est<br />

cependant important de noter que cela ne fait pas l’unanimité au sein du<br />

gouvernement Sahraoui. Ses partisans conçoivent le tourisme comme un vecteur<br />

idéal pour affirmer son identité et sa revendication du droit à l'autodétermination sur<br />

la scène internationale.<br />

1. Patrimonialisation de l'histoire et consolidation de l'identité.<br />

Le Tourisme comme interface : de l’intérieur vers l'extérieur.<br />

La récupération et la protection du patrimoine culturel Sahraoui constituent un acte<br />

fondamental, très symbolique pour un peuple réfugié et opprimé qui fait face à un<br />

risque de perte d’identité et d’acculturation.<br />

Les camps réfugiés sahraouis représentent un de ces espaces dans des zones de<br />

conflit où les concepts d'identité culturelle nationale et de patrimoine sont<br />

fragmentés ou violemment remis en question. La culture est perçue comme une arme<br />

politique et un instrument de bataille. Une des victoires les plus importantes de la<br />

306


RASD, au point de vue politique, a été de réussir à créer un sentiment fort<br />

d’appartenance à une même nation à l'intérieur de la société Sahraoui. Cette<br />

construction a été rendue possible grâce à une représentation particulière du<br />

patrimoine et d'une mythologie du passé aptes à créer cohésion et légitimation. Il est<br />

intéressant de constater que bien avant de s’ouvrir au tourisme (de se présenter à<br />

l’extérieur), la RASD a organisé une patrimonialisation de son territoire par la<br />

création de musées (renforcement de l’intérieur).<br />

Création de musées et valorisation du patrimoine<br />

Les Sahraouis considèrent comme un danger le fait de construire des infrastructures<br />

solides et stables dans le désert, même si elles étaient aptes à faciliter leur vie<br />

quotidienne, parce qu'ils ont peur d'affaiblir le projet indépendantiste. Ils ont<br />

cependant perçu l'exigence de construire trois musées. Il est fondamental de<br />

s'interroger sur les raisons qui ont poussé une population retranchée dans un des<br />

lieux les plus inhospitaliers que la planète, sans tradition dans ce camp, a sentir la<br />

nécessité de fixer dans un espace objet et histoire sur son passé et son présent. Les<br />

musées jouent un rôle clef dans la préservation du patrimoine et dans la création<br />

d'identités culturelles. En ce sens, nous nous concentrerons sur la politique de<br />

muséification organisée dans différents camps par la RASD. Le Musée National du<br />

Peuple Sahraoui, le Musée de la Guerre et le musée de Tifariti ont aidé à réécrire<br />

l'histoire Sahraoui et à organiser une nationalisation de la mémoire fonctionnelle au<br />

projet du Polisario. Ces manifestations peuvent être comprises comme stratégies<br />

pour donner du sens à la cause sahraouie.<br />

Selon Chiaravalloti, les Sahraouis, citoyens d'une nation en exile, conduisent une<br />

bataille pour obtenir visibilité dans le monde et cherchent s'approprier une nouvelle<br />

identité par tous les moyens disponibles : les musées en font partie. À travers les<br />

musées, ils essaient d'exorciser le scandale de l'absence de nouvelles, données,<br />

documents qui témoignent au monde la présence de la question sahraouie. » Le<br />

musée de la Guerre, a été créé en 1979. Il contient de nombreux armements capturés<br />

à l'armée marocaine. Son objectif essentiel est de conserver des preuves, témoins<br />

qu’une guerre a vraiment eu lieu entre Sahraouis et Marocains ;<br />

307<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


“Su objetivo esencial es hacer entender al mundo, cuando venga a los campos, que<br />

tuvo lugar una guerra entre el ejercito saharaui y marroquí; que puedan ver la<br />

realidad y no solo escuchar nuestras palabras”. 23<br />

Le Musée National du peuple Sahraoui est né durant l'année 1997, grâce à la<br />

collaboration de l'Université de Girone et du Ministère de la culture de la RASD. Il<br />

présente des informations sur la préhistoire, l'histoire, la culture traditionnelle et<br />

l'environnement naturel Sahraoui. Ce musée répond à la volonté de mise en place<br />

d'une politique de conservation et divulgation du patrimoine, notamment par la<br />

conservation de restes archéologiques retrouvés dans les territoires libérés.<br />

“Los dos museos, aunque son diferentes, ayudan a entender los documentos. Si un<br />

extranjero viene y no puede ver ciertos documentos, existe el riesgo que no se<br />

concientice y que permanezca en un cierto sentido indiferente. Al ver esos<br />

documentos, los instrumentos tradicionales nómadas o los restos militares de una<br />

batalla, se puede dar cuenta en modo diferente y vivir mayormente nuestro<br />

sufrimiento; lo vive de más cerca.” 24<br />

Par conséquent, les musées s’adressent plus à la population qu'aux étrangers afin que<br />

les nouvelles générations puissent pouvoir connaître les objets utilisés dans le passé.<br />

Tous les enfants visitent les deux musées afin qu’ils sachent ce qu'a représenté la<br />

guerre et la vie traditionnelle nomade.<br />

Le développement du tourisme est complémentaire aux initiatives de récupération du<br />

patrimoine culturel en cours et constitue un instrument très utile pour divulguer et<br />

conserver le patrimoine culturel Sahraoui. Dans les territoires libérés, lieu hautement<br />

symbolique pour ce peuple (zone de Tifariti), existent plusieurs zones archéologiques<br />

de grande importance où se trouvent des peintures rupestres. Ces peintures<br />

pourraient disparaître si aucun plan de conservation n'est programmé en raison des<br />

actes dégradation qu’elles subissent et du manque d'intérêt qu'elles suscitent au sein<br />

23 Intervista Director del Museo de laGuerra, Mohamed Sidi Aupa, por Bruno Chiaravalloti in "Autorapprsentazione<br />

di un’identità in cambiamento. Il popolo saharawi’, op.cit.<br />

24 Intervista hecha al Director del Museo de la Guerra Mohamed Sidi Aupa, por Bruno Chiaravalloti in<br />

"Auto-rapprsentazione di un’identità in cambiamento. Il popolo saharawi’, op.cit.<br />

308


de la population. Le fait que des touristes visitent ce patrimoine permet de le<br />

revaloriser aux yeux des sahraouis.<br />

Aas et al (2005) ont souligné que le tourisme peut jouer un rôle positif en termes de<br />

valorisation et gestion de patrimoine. Certains patrimoines ne sont pas du tout<br />

valorisé par la population locale. En réalisant l’importance économique de ce<br />

patrimoine, les autochtones commenceront à le valoriser et le respecter pour sa<br />

valeur économique et dans un second temps pourront devenir fiers et orgueilleux de<br />

ce dernier (empowerment psychologique et culturel). C’est l’objectif visé par la visite<br />

des peintures rupestres à Tifariti, visitées par les touristes.<br />

La contribution du tourisme national se révèle essentielle pour le processus de<br />

construction d’une nation. La visite à des sites emblématiques de l’identité nationale<br />

est récupérée comme élément confédérateur (es. Sahraouis). La ferveur patriotique<br />

peut être alimentée et cultivée par le tourisme (cas des ex-pays de l’URSS – voir étude<br />

de Hall).<br />

L’ouverture au tourisme<br />

La société Sahraouie qui vit dans les camps réfugiés s’est vue encouragé, par choix ou<br />

obligation à s’ouvrir vers l'extérieur pour deux motifs. Tout d’abord parce qu'elle<br />

dépend totalement de la coopération et solidarité internationale pour sa subsistance<br />

physique dans les camps : cela implique la présence de personnes étrangères dans les<br />

camps, les coopérants. Deuxièmement, parce que la RASD a pris la décision politique<br />

de chercher aide et appui diplomatique à l’étranger, en tentant de sensibiliser<br />

l’opinion publique à sa cause. Le peuple Sahraoui a su tisser des réseaux de solidarité<br />

très étendus grâce aux actions de ses représentants dans plusieurs pays stratégiques.<br />

Il existe des associations de solidarité et soutien au peuple Sahraoui, plus ou moins<br />

forts, dans presque tous les pays européens. Les contacts permanents du peuple<br />

Sahraoui avec des coopérants et des associations de solidarité depuis presque trente<br />

années ont soumis ce peuple à la dynamique de la rencontre interculturelle. Les<br />

Sahraouis ont vu depuis le début de leur exil, leur territoire « envahi» de<br />

représentant de différentes cultures, avec lesquels ils n'avaient jamais eu dialogue<br />

direct dans le passé. Grâce au travail des associations de solidarité, tous les enfants<br />

309<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Sahraouis, au moins une fois pendant leur scolarité, passent un été à l'étranger, pour<br />

échapper à la chaleur, profiter parfois de cures médicales et promouvoir la<br />

connaissance du conflit par la présence de ces jeunes ambassadeurs. La majorité<br />

d’entre eux voyagent en Espagne où ils vivent dans des « familles d'adoption », avec<br />

lesquelles ils nourrissent une relation affective très forte et pendant plusieurs années.<br />

Les enfants parlent de « leur famille espagnole » et il est commun que la famille visite<br />

l'enfant aux camps. Ce type de relation a favorisé les voyages d'étrangers (non<br />

professionnels) dans les camps.<br />

De nombreux jeunes Sahraouis ont la possibilité d'étudier à l’étranger grâce à des<br />

bourses d'étude offerts par des pays politiquement amicaux (le Cuba, l'Algérie, la<br />

Libye, etc.). Nombreux Sahraouis ont vécu et ont étudié à l’étranger plus de dix<br />

années. Il existe dans les camps une main d'œuvre très formée et de nombreux<br />

intellectuels prêts à gouverner dans le cas d'un retour hypothétique dans un Sahara<br />

Occidental libéré. Ces influences culturelles contradictoires font des camps un<br />

laboratoire social privilégié.<br />

L'univers sahraoui n'est pas perçu par ses habitants comme un espace complètement<br />

clos mais qui s'avère perméable dans ses frontières. Le contact et la rencontre avec la<br />

diversité sont pensés comme un stimulant effectif pour une remise en question<br />

collective et non comme une menace à l'identité. En ce sens, le tourisme ne se limite<br />

pas à une intrusion de personnes étrangères. Il y a une idée de mouvement, d'échange<br />

entre personnes et cultures : le flux ne se trouve pas en sens unique.<br />

L'idée de développer un projet de développement du tourisme n'est pas née par<br />

hasard. Des voyages de connaissances et solidarité, ou des événements destinés à<br />

attirer des visiteurs étrangers dans les camps sont organisés depuis de nombreuses<br />

années. Il s'agit de « camps de travail », voyages organisés par des associations de<br />

solidarité avec le peuple Sahraoui, un marathon annuel (tourisme sportif), un Festival<br />

de Cinéma dans le désert. Le peuple Sahraoui est un peuple habitué à recevoir des<br />

étrangers en visite, qu’ils soient coopérants ou visiteurs solidaires. S’hasarder à<br />

qualifier ces derniers de touristes signifierait lever une onde de contestation au sein<br />

des associations de solidarité. Pourtant, si nous maintenons la définition du tourisme<br />

que nous avons utilisé jusqu’à présent, nous pourrions qualifier ces derniers dans<br />

cette catégorie. Ce type de visiteurs, en visite dans les camps sont logés dans des<br />

310


familles. La RASD a décidé de favoriser ce type de logement pour permettre au<br />

visiteur de vivre la vie quotidienne des familles Sahraouis.<br />

La décision de développer ou non le tourisme dans une société doit être prise après<br />

une analyse de coût-bénéfices détaillée. Analyser les risques permet de les anticiper,<br />

de les prévoir et de les éviter, dans la mesure du possible. Dans ce cas précis où la<br />

société Sahraouie est déjà habituée à la rencontre interculturelle, il est fondamentale<br />

de présenter brièvement les impacts que ces derniers ont eu sur la société Sahraouie.<br />

Quels impacts ?<br />

Puisque le tourisme implique une rentrée d'argent dans une société, il est intéressant<br />

d’anticiper les impacts qu'il pourrait avoir sur le système social et économique. La<br />

monnaie a été introduite depuis quelques années dans les camps avec son corollaire,<br />

le développement des inégalités à l'intérieur de la population. L’argent a été introduit<br />

par les pensions accordées par le gouvernement espagnol aux sahraouis ou fils de<br />

sahraouis ayant travaillé pendant l'administration coloniale. Depuis ce moment, le<br />

système égalitaire qui garantissait la cohésion sociale a été altéré. Les salaires des<br />

coopérants achetant des biens dans les camps ont accéléré ce processus.<br />

L'introduction de l'argent a engendré la création de petits marchés et l'organisation<br />

de transports privés. De nouvelles coutumes ont été introduites avec les voyages<br />

estivaux des enfants dans des pays européens, qui revenaient souvent avec de l’argent<br />

donné par les familles hôtes. L'utopie égalitaire qui régnait dans les camps et cette<br />

forme de « socialisme réel » qui le caractérisait ont été altérées. Cette modification<br />

s'avère immédiatement visible par la présence de radios, panneaux solaires, TV,<br />

réfrigérateurs, paraboles, automobiles et téléphones portables présents dans les<br />

familles les plus riches. Malgré ces changements, les différences sociales ont été<br />

contenues et l'esprit communautaire a survécu.<br />

Des impacts négatifs liés à la complexité de l'échange culturel sont déjà présents dans<br />

les camps. C’est le cas des enfants qui demandent des bonbons avec insistance et<br />

parfois agressivité dans la rue. Ce comportement est né du manque de préparation<br />

de quelques étrangers qui, en pensant faire du bien, ont créés des dynamiques<br />

311<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


perverses. Nombreuses initiatives comme le SaharaMarathon et le festival de cinéma,<br />

créés pour sensibiliser l'opinion publique internationale à la cause Sahraouie ont<br />

permis l’arrivée de nombreuses personnes dans les camps, pas toujours bien<br />

préparées.<br />

En développant un tourisme responsable, il est indispensable de préparer le touriste<br />

avant le départ dans les camps pour qu’il analyse les impacts que peut avoir sa<br />

présence sur la société locale. En parallèle, il est indispensable que la communauté<br />

locale réfléchisse sur cet échange culturel et mette au point une charte éthique du<br />

tourisme, édictant des règles que le touriste se devrait de respecter une fois arrivé.<br />

L'opposition au tourisme.<br />

Comme nous l'avons expliqué, nombreux voyages de solidarité sont organisé dans les<br />

camps. Le mot « tourisme » ou « touriste » n'a été jamais utilisé et les groupes qui<br />

arrivent sont appelés « délégations » ou voyages de solidarité. En comparant les<br />

programmes de ces visites à celui que nous avons proposé lors de notre voyage test<br />

avec des touristes responsables, les différences sont très fines. Pour ne pas limiter le<br />

voyage à une expérience de connaissance (touristique), les organisateurs de ces<br />

voyages (associations de solidarité) programment la réalisation d’activités de<br />

volontariat au cours du séjour (par exemple, l'animation dans une école,…) . Nous<br />

postulons que cette activité n’est que prétexte pour justifier de l’éthique et de<br />

l’engagement des voyageurs, qui ne sauraient assumer avec tranquillité un simple<br />

statut de touriste. L'utilisation du mot « prétexte » n'est pas neutre mais il traduirait<br />

cette nécessité forcée d’organiser une activité de coopération humanitaire pour se<br />

donner bonne conscience alors que ces gens ne sont pas forcément compétents et leur<br />

rôle non indispensable.<br />

Les « délégations » qui se rendent dans les camps Sahraouis sont motivées par des<br />

intérêts et des perspectives diverses. Plus qu’attiré par l'exotisme du désert, ces<br />

personnes souhaiteraient démontrer leur solidarité humaine (plus que politique). Ils<br />

ont exactement le profil du justice tourist que nous avons développé précédemment<br />

dans notre réflexion. Selon Chiaravalloti, “En la mayoría de los casos, se<br />

encuentran en el desierto argelino, come se hubieron podido encontrar en Chiapas<br />

312


mexicano o en Turquía para celebrar la vigilia del 31 con los curdos. De un cierto<br />

punto de vista, son embajadores de la causa Saharaui y no buscan objetos mas o<br />

menos auténticos de la cultura de este pueblo (…) La bandera de la RASD es ahorra<br />

mas “auténtica” que una darrà o un turban”. 25<br />

Le rejet d'utiliser le mot « tourisme », qui a une connotation très négative, est<br />

commun dans le monde de la coopération. Beaucoup d'associations de solidarité au<br />

peuple Sahraoui ont boycotté l'utilisation du mot « tourisme » et se sont plaints<br />

auprès du Représentant Sahraoui en Italie lorsqu’ils ont été informés de la volonté de<br />

mettre en place un projet de développement de tourisme responsable dans les camps.<br />

Il nous a été demandé de remplacer le terme « tourisme responsable » par « voyage<br />

de solidarité et de connaissance ». Cela nous paraît être une grande hypocrisie…<br />

Comment pouvoir affirmer et opiner que le voyageur serait une personne<br />

respectueuse, solidaire et facteur de changement social et politique alors que le<br />

touriste un simple idiot voyeuriste? L’important est de définir ce qui se cache derrière<br />

les mots…<br />

En analysant les répercussions d'un voyage « de tourisme responsable »<br />

commercialisé par une agence de voyage de tourisme responsable avec les<br />

répercussions d'un voyage de solidarité organisé par une association de solidarité<br />

avec le peuple Sahraoui, nous pouvons faire quelques comparaisons sur les impacts<br />

économiques, politiques et sociaux de tels voyages.<br />

313<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Tableau 15 : Analyse comparée des impacts économiques sociaux et politiques sur la<br />

communauté locale Sahraouie des voyages de solidarité organisés par les Associations<br />

de solidarité et ceux du tourisme responsable.<br />

Impacts<br />

économiques<br />

Impacts<br />

socioculturels<br />

Impacts<br />

politiques<br />

Source: Elaboration personnelle.<br />

Voyage de solidarité organisé par une<br />

association<br />

- Les Sahraouis qui jouent le rôle de guide<br />

sont des fonctionnaires. (pas de création<br />

d’emploi et de répartition des bénéfices dans<br />

la communauté).<br />

- Le logement se réalise auprès de familles<br />

ou bien parfois dans le protocole (structure<br />

d’accueil indépendante destinée aux<br />

coopérants). Dans le cas des familles, la<br />

rémunération est basse (6€/jour/personne<br />

- Quand le logement sera fait dans le<br />

protocole, impossibilité de partager la vie<br />

quotidienne avec les familles<br />

- Préparation au voyage non prévue par<br />

toutes les organisations<br />

- Grands groupes (charters) ayant un impact<br />

plus massif sur la population locale.<br />

Participants déjà sensibilisés à la cause<br />

Sahraouie (hormis le Marathon) puisque ce<br />

sont des sympathisants de groupes de<br />

solidarité. Le voyage renforce l’activisme<br />

mais ne sensibilise pas un nouveau public.<br />

Tourisme responsable<br />

- Des personnes privées sont<br />

employées pour recouvrir ce<br />

rôle. Salaire équitable et<br />

négocié.<br />

- Valorisation de la<br />

rémunération des familles après<br />

concertation et entretiens<br />

auprès d’elles<br />

(10€/jour/personne).<br />

- Préparation au voyage.<br />

- Taille des groupes limitée<br />

(max 12 personnes<br />

L’objectif est de sensibiliser des<br />

personnes non encore<br />

sympathisants à la cause. Dans<br />

le groupe de touristes du voyage<br />

test (13 personnes), la majorité<br />

étaient des habitués du<br />

tourisme responsable, ne<br />

connaissant pas forcément la<br />

cause de façon approfondie.<br />

Une touriste n’avait par<br />

exemple jamais entendu parler<br />

des Sahraouis. Dans ce cas de<br />

figure, ces voyages peuvent<br />

permettre d’atteindre un<br />

nouveau public et élargir les<br />

rangs des activistes<br />

Il est cependant possible de comprendre les réticences et préoccupations de certains<br />

politiciens Sahraouis face au développement d’un « tourisme responsable ». Comme<br />

nous l’avons développé dans une première partie de notre thèse, la confusion est<br />

grande dans la pléthore des touristes alternatifs et les motivations de ses défenseurs<br />

pas toujours claires. Devenant un thème de plus en plus à la mode et fourre-tout, de<br />

nombreuses personnes s’improvisent planificateurs en tourisme responsable et<br />

314


arrivent dans des communautés promettant monts et merveilles par le<br />

développement d’un tourisme alternatif. Nombre de ces personnes n’ont pas les<br />

connaissances suffisantes en matière de tourisme communautaire (et les problèmes<br />

qu’il suscite en termes de répartition des bénéfices, de processus de planification<br />

participative), de thématiques de développement, et arrivent dans une optique<br />

seulement commerciale. Face à cet état de fait, la méfiance des acteurs<br />

gouvernementaux peut être la bienvenue.<br />

Le tourisme responsable ne focalise pas son centre d’intérêt sur le touriste mais sur la<br />

communauté locale qui doit être souveraine dans les décisions prises sur le<br />

développement touristique. Cette souveraineté signifie reconnaître les espoirs<br />

légitimes que cette population met dans le tourisme, en termes de répercussions<br />

professionnelles, sociales, économiques et politiques afin de ne pas créer de faux<br />

espoirs et déceptions. En ce sens, c'est la Communauté qui décide ce qu'elle veut<br />

montrer au touriste, le fameux espace « front » et l’espace d’intimité qu’elle veut se<br />

réserver.<br />

La Communauté Sahraouie ne doit pas s'adapter aux exigences des touristes : ce<br />

dernier choisit, en pleine conscience, d'effectuer ce voyage en partageant les mêmes<br />

conditions de vie du peuple Sahraoui (manque d’eau, conditions hygiéniques<br />

difficiles,…). Dans ce cas précis, nous rejetons l'idée de se lancer dans une dynamique<br />

d'amélioration des prestations matérielles pour le touriste (construction de pensions,<br />

douches, installations de générateurs électriques) pour ne pas créer de tensions et<br />

iniquités entre la communauté locale et les visiteurs. Il ne faut pas oublier que nous<br />

sommes dans un contexte de camps de réfugiés et que la principale motivation de ce<br />

tourisme est la sensibilisation politique.<br />

La pertinance des concepts de “hard” et “soft” tourisme développés par Laarman et<br />

Durst (1987 cité dans Wrelton 2006) entrent ici en jeu. Plus le touriste est intéressé<br />

par le sujet du voyage (justice sociale et démonstration de solidarité dans ce cas), plus<br />

il serait apte à supporter des conditions de confort très basiques. C’est bien ce qu’a<br />

confirmé notre voyage test puisque les participants ont été soumis à des conditions<br />

physiques assez extrêmes, sans s’en plaindre (qualité logements, longues attentes<br />

sous le soleil, absence de douches, etc). Un public classique n’aurait surement pas<br />

315<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


enduré ce genre de désagréments. Dans ce genre de situations, la sélection du type de<br />

tourisme à développer est importante : il est impossible de penser attirer un public du<br />

tourisme classique.<br />

2. Le Justice Tourisme comme instrument de sensibilisation politique<br />

et sociale : sortir de l’oubli.<br />

Le Tourisme peut être conçu comme une interface : de l’intérieur vers l'extérieur.<br />

Après avoir fortifié l'identité intérieure de la société à travers notamment une mise en<br />

patrimoine de l'histoire, la décision de recourir au tourisme peut paraître comme une<br />

suite logique pour affirmer cette identité vers l'extérieur. Le développement d’un<br />

tourisme responsable par le peuple Sahraoui a pour objectif de renforcer la<br />

conscience collective de cette population réfugiée et de sensibiliser la Communauté<br />

internationale sur les dimensions de ce conflit oublié. Après avoir réalisé un<br />

processus d’empowerment endogène, ce peuple est à même de favoriser un processus<br />

de développement exogène à travers la mise en réseaux transnationale. Et c’est bien<br />

ce qu’il a fait en développant un réseau d’associations de solidarité de par le monde,<br />

en développant les voyages de solidarité dans les camps, etc. Le projet de<br />

développement de tourisme responsable que nous proposons s’inscrit dans une<br />

logique postmoderne qui répond aux critères des ONG de quatrième génération<br />

(Korten, 1990), c'est-à-dire une action d’ advocacy au niveau international.<br />

Ce tourisme peut être un instrument dominant :<br />

• pour révéler une image positive des sahraouis et de leur lutte au niveau<br />

international.<br />

• pour préserver et renforcer la fierté et l'esprit national, contribuant à la santé<br />

du patrimoine culturel.<br />

• pour créer de nouveaux groupes de solidarité et de nouveaux activismes. Les<br />

touristes, de retour chez eux peuvent se transformer en « ambassadeurs » de la cause<br />

Sahraoui dans leurs pays, favoriser la sensibilisation de l'opinion publique et<br />

organiser des activités de lobbying auprès de leurs gouvernements.<br />

316


Avant de continuer à approfondir la réflexion, il est nécessaire de retourner sur<br />

l'analyse politique du conflit. Le conflit du Sahara Occidental est un problème de<br />

politique internationale : les clés de la résolution de ce conflit ne se trouvent pas dans<br />

les mains des principaux intéressés mais dans celles des grandes puissances<br />

occidentales (par dessus tout France, Etats-Unis et Espagne qui ont un poids majeur<br />

pour faire pression sur le Maroc afin que celui-ci accepte un référendum<br />

d'autodétermination). En ce sens, les principales actions diplomatiques qui peuvent<br />

être menées par la RASD pour résoudre le conflit sont des actions et des pressions au<br />

niveau politique. Depuis le début le conflit et surtout depuis la fin de la guerre en<br />

1991, les Sahraouis ont choisi la voie de la diplomatie »two track diplomacy ». Ils ont<br />

créé d'importants réseaux de solidarité et ont mis en place différents réseaux<br />

d’ambassade sahraouies à l’étranger (représentants de la RASD dans différents<br />

pays), dans l’objectif d’organiser un lobbying auprès des gouvernements et de<br />

sensibiliser l'opinion publique. En effet, l'opinion publique joue un rôle fondamental,<br />

même si limité, pour influencer les décisions de politique extérieure de ses Etats. Le<br />

tourisme prend ainsi tout son sens dans cette optique. Il peut être éducatif et<br />

influencer de façon positive les questions internationales.<br />

Le tourisme est conçu comme instrument de transformation sociale et politique,<br />

vecteur de paix, grâce au rôle du touriste qui ne termine pas son voyage quand il<br />

posera ses valises de retour chez lui. Le fait que le tourisme puisse représenter un réel<br />

facteur de changement politique et social dépend du comportement du touriste à son<br />

retour. Ce dernier peut agir et rester en contact avec les populations locales de<br />

différentes manières : en faisant des donations ou en s’impliquant directement dans<br />

des associations de solidarité, en organisant des expos photo ou des récits de voyages<br />

ou tout simplement en jouant le rôle de témoin et diffusant des informations sur la<br />

cause sahraouie dans ses réseaux sociaux (rôle du bouche à oreilles).<br />

Sortir de l’oubli<br />

Sortir des communautés de l’isolement et de l’oubli possède une valeur symbolique et<br />

psychologique incommensurable. Comme le témoigne volontiers le peuple Sahraoui,<br />

il n’y a rien de pire que l’oubli et que l’indifférence générale. Les visiteurs, de par leur<br />

seule présence et leur volonté d’aider peuvent apporter un fort soutien psychologique<br />

317<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


à ces communautés abandonnées qui ont l’impression d’acquérir une nouvelle<br />

visibilité au monde. Les touristes partageaient avec les locaux « something intangible<br />

yet essential – hope and faith in humanity » (Harng Luh S, 2005).<br />

3. Présentation du projet de coopération de développement du<br />

tourisme responsable<br />

Le projet présenté ci-dessous (concept note) est l’aboutissement d’une étude<br />

de faisabilité approfondie menée en 2006-2007 (projet financé à hauteur de 6000<br />

euros par la Province de Milan) et de l’organisation d’un voyage test organisé en<br />

décembre 2007 – janvier 2008. Le Secrétariat d’Etat à la jeunesse et aux sports de la<br />

RASD a été chargé par la Présidence de s’occuper de cette thématique et nous avons<br />

travaillé en étroite collaboration avec lui depuis le début. En parallèle, le Ministère de<br />

la coopération a récemment apporté tout son appui à cette initiative.<br />

Résultats de l’étude de faisabilité :<br />

L’étude de faisabilité du projet de développement touristique réalisée en 2006 et<br />

2007 s’est concentrée autour de la Sahara Marathon. La Sahara Marathon est une<br />

course de solidarité en faveur du peuple Sahraoui organisée par différentes<br />

associations en Italie (El Ouali), Espagne et Allemagne. Elle a atteint sa huitième<br />

édition en février 2008 et compte plus de 200 participants du monde entier. Son<br />

objectif principal est la sensibilisation de l’opinion publique internationale à la cause<br />

sahraouie. Cette course internationale de haut niveau est l’occasion de mettre le feu<br />

des projecteurs sur le peuple Sahraoui grâce à une couverture médiatique. Ce<br />

marathon n’est pas seulement un événement sportif d’un jour. Les participants<br />

restent de quatre à sept jours dans les camps, hébergés en famille. Ils partagent la vie<br />

quotidienne du peuple Sahraoui et suivent un programme de visites « touristiques ».<br />

Profiter de la présence de plus de 200 «touristes sportifs» dans les camps était une<br />

occasion inespérée pour tirer les conclusions de leurs expériences et organiser une<br />

analyse de la demande potentielle en tourisme. Des questionnaires de satisfaction ont<br />

donc été réalisés pour connaître l’opinion de ces participants sur la qualité du<br />

logement, le rapport noué avec les familles, les conditions sanitaires, les activités<br />

réalisées. En parallèle, des entretiens ont été réalisés auprès des familles hôtes pour<br />

318


savoir si la communauté locale était partie prenant de cette initiative ou si elle le<br />

subissait de façon positive.<br />

Les réponses à ces questionnaires ont constitué une source précieuse pour identifier<br />

les points d’intérêts touristiques dans les camps et pour comprendre que toute la<br />

valeur de l’expérience résidait dans le partage de la vie quotidienne des familles<br />

sahraouies. Cette étude approfondie a permis de confirmer qu’il existe un public<br />

intéressé par des voyages solidaires auprès des sahraouis et que la difficile situation<br />

sanitaire des camps n’est pas un obstacle au développement du tourisme. En<br />

parallèle, la communauté locale a confirmé son souhait d’être impliquée dans un<br />

développement du tourisme.<br />

Cette première étape a été fondamentale pour confirmer la pertinence de l’idée du<br />

développement du tourisme. Cependant, pour définir de façon détaillée les modalités<br />

de ce projet et répondre à la question « Qu’est-ce qui manque dans l’état actuel des<br />

choses pour organiser de façon durable et autonome l’accueil de touristes dans les<br />

camps ? », il nous a paru fondamental d’organiser un voyage test. Au terme de l’étude<br />

des préférences déclarées des touristes, il a été possible de mettre sur pied un circuit<br />

test d’une dizaine de jours.<br />

Le premier résultat a été de constater qu’il existait des agences de voyage de tourisme<br />

responsable intéressées par la commercialisation de ce séjour. Le choix de<br />

commercialiser ce voyage par l’intermédiaire d’une agence de l’AITR (Association<br />

italienne de tourisme responsable) et non par le réseau des associations de solidarité<br />

du peuple Sahraoui a été réfléchi. L’objectif est d’attirer un public différent de celui<br />

qui va habituellement dans les camps, un public de « touristes responsables » non<br />

sensibilisés à la cause Sahraouie.<br />

Grâce à ce voyage test, il s’agissait de comprendre si la communauté sahraouie était<br />

prête, sans la réalisation d’un projet de coopération (sans financements extérieurs), à<br />

organiser de façon autonome son tourisme. Dans le cas contraire, quelles<br />

améliorations ou quelle formation pourraient être faite pour lui permettre d’effectuer<br />

ce parcours d’apprentissage. Tirer les conclusions de ce premier voyage test a été<br />

essentiel pour identifier les problèmes inhérents à l’organisation du tourisme et<br />

définir les solutions qui sont présentées dans ce projet.<br />

319<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Un circuit touristique a donc été organisé du 27 décembre 2007 au 6 janvier 2008<br />

dans les camps et les territoires libérés, commercialisé par l’agence Planet Viaggi,<br />

membre de l’AITR.<br />

Les conclusions de ce voyage test ont été les suivantes :<br />

- Le circuit a suscité un intérêt très fort puisque le groupe de voyageurs s’est<br />

constitué en un temps record. L’attrait du programme a été confirmé ainsi que le<br />

positionnement du prix.<br />

- Le voyage a été un succès : la satisfaction des participants a été<br />

majoritairement très élevée.<br />

- Cette expérience a permis de mettre la lumière sur les problèmes<br />

d’organisation (retards constants, problèmes de formation, problème des voitures,…)<br />

et les manques matériels. En effet, la communauté sahraouie n’est pas formée pour<br />

fournir des produits et des services de qualité aux visiteurs. C’est dans cette optique<br />

qu’il est capital de réaliser un projet de développement des capacités réceptives pour<br />

que la population puisse prendre en main et organiser de façon indépendante le<br />

développement du tourisme responsable.<br />

En créant une coopérative de tourisme solidaire, la possibilité sera offerte aux<br />

visiteurs qui se rendent dans les camps réfugiés de réaliser une série d’activités qui<br />

leur permettent de connaître la cause Sahraouie, l’organisation des campements et de<br />

partager leur culture (musique, peinture, danse, rite du thé). Il leur sera offert de<br />

visiter les territoires libérés pour apprécier la richesse touristique du Sahara<br />

Occidental avec ses peintures rupestres, l’immersion dans la culture bédouine.<br />

Pour permettre d’assurer une viabilité et une rentabilité au projet, un des résultats<br />

attendus du projet consiste à la mise en place d’un réseau d’agences de voyages de<br />

tourisme responsable commercialisant la destination (Italie, France, Espagne,<br />

Belgique, Angleterre) et se coordonnant entre eux. L’intérêt des TO italiens de<br />

tourisme responsable pour ce type de voyages est déjà largement confirmé.<br />

320


Objectifs généraux du projet :<br />

1. Augmenter la visibilité de la cause Sahraouie au niveau<br />

international et plus particulièrement européen.<br />

Il ne faut pas oublier que le peuple Sahraoui vit depuis 30 ans dans des camps<br />

réfugiés dans l’attente d’une résolution du conflit et dans l’espoir d’un retour dans le<br />

territoire du Sahara Occidental. Depuis le début du conflit, et encore plus depuis le<br />

cessez-le-feu de 1991, la RASD a basé sa stratégie de résolution du conflit sur la<br />

diplomatie. De par son réseau d’ambassadeurs dans de nombreux pays clés, la RASD<br />

essaie de sensibiliser aussi bien le monde politique que l’opinion publique. En France<br />

tout particulièrement, une très faible minorité de personnes connaissent l’existence<br />

de ce conflit. Le rôle de la France est pourtant loin d’être neutre et son soutien à la<br />

politique marocaine est très fort.<br />

A ce titre, le tourisme peut jouer un rôle de sensibilisation majeur et atteindre des<br />

gens complètements ignorants de l’existence de ce peuple. Depuis déjà de<br />

nombreuses années les associations de soutien au peuple Sahraoui organisent des<br />

voyages de connaissance et de solidarité dans les camps pour permettre à leurs<br />

membres et à toute personne intéressée de connaître et de partager les conditions de<br />

vie du peuple Sahraoui. Ils se défendent pourtant bien d’organiser du tourisme et<br />

parlent d’activités de solidarité. Ces voyages sont souvent malheureusement limités<br />

au traditionnel public ami du peuple Sahraoui et ne jouent pas leur rôle politique de<br />

sensibilisation. Ils ne convainquent que des personnes déjà acquises à la cause. En<br />

deuxième lieu, ce genre d’initiative ne créent pas des postes de travail puisque les<br />

intervenants sont tous membres du gouvernement. Elles ne laissent donc presque<br />

aucun bénéfice économique à la communauté locale. Ce genre d’initiatives pourrait<br />

bénéficier du présent projet de développement dans la mesure où ils pourraient<br />

s’organiser directement avec la coopérative de tourisme. Ils profiteraient ainsi de<br />

personnes mieux formées qui proposeraient des activités diversifiées pour les<br />

voyageurs et ces initiatives participeraient plus au développement de l’économie<br />

locale.<br />

Au retour d’un voyage de tourisme solidaire, il existe toujours quelques personnes au<br />

sein du groupe qui vont continuer à nouer des liens avec la communauté locale en<br />

321<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


s’engageant dans quelque activité humanitaire ou de solidarité. Au cours de notre<br />

voyage test, nous avons pu constater que plus du tiers des participants déclarait<br />

souhaiter s’engager dans une activité de soutien au peuple Sahraoui. Entre une mère<br />

de famille préparant une exposition sur le mode de vie et l’histoire des sahraouis pour<br />

l’école primaire de sa fille, une conférence avec présentation des diapositives du<br />

voyage, une action politique auprès d’un parti du parlement européen, et des<br />

expositions photos, on peut dire que le voyage test aura été un succès de ce point de<br />

vue. Certains touristes se transforment donc en ambassadeur de la cause sahraouie.<br />

S’ils ont réussi à nouer un réel contact avec la communauté locale lors de leur<br />

expérience de vie en famille, ils ne peuvent rester indifférents au sort de ce peuple.<br />

On connaît l’importance du bouche à oreille : une seule personne qui a voyagé dans<br />

les camps peut sensibiliser des dizaines d’autres par ses récits de voyages autour<br />

d’elle.<br />

Dans cet objectif de sensibilisation politique et de promotion de la cause sahraouie, il<br />

ne faut pas seulement tenir compte du nombre de touristes qui vont être accueillis<br />

dans les camps mais de l’ampleur et de la communication autour de ce projet.<br />

On distinguera deux types de communication : la communication grand public à<br />

travers les mass médias et la communication institutionnelle à travers le réseau des<br />

organisations internationales.<br />

De nouvelles personnes pourront être amenées à connaître la cause sahraouie grâce à<br />

ce nouveau canal de diffusion qu’est le tourisme. Il y a de plus en plus d’émissions<br />

spécialisées sur les voyages et le tourisme responsable devient le sujet de nombreuses<br />

émissions de télé ou de radio. Il faut donc profiter de ce canal pour toucher un<br />

nouveau public. En ce sens, il est fondamental de prévoir un budget promotion<br />

important dans ce projet, à même de pouvoir financer le voyage de journalistes et la<br />

réalisation d’une vidéo.<br />

D’autre part, le projet doit également avoir une visibilité politique et institutionnelle.<br />

Il est essentiel qu’il soit représenté dans les conférences internationales des Nations<br />

Unies (OMT, Unesco, Unep) et dans les cercles académiques d’excellence. D’où<br />

l’importance du choix des partenaires de ce projet qui donnent à cette initiative une<br />

forte résonance européenne si ce n’est mondiale. Il est fort intéressant que le<br />

tourisme avec les Sahraouis soit abordé dans le réseau UNITWIN de l’UNESCO.<br />

322


2. La création d’emplois pour les jeunes.<br />

La jeunesse Sahraouie paie lourdement le coût de l’exil et doit fait face à l’absence<br />

d’activités productives générant des ressources. Dans ces circonstances, il est<br />

fondamental de créer des opportunités pour cette jeunesse. Ce projet a pour objectif<br />

de développer des activités qui puissent répondre aux problèmes de la jeunesse<br />

Sahraouie.<br />

Compte tenu des conditions climatiques (désert de la Hammade) et du caractère<br />

transitoire des camps réfugiés, il est impossible de miser sur un développement basé<br />

sur des secteurs traditionnels tels que l’industrie ou l’agriculture. La production<br />

artisanale qui existe dans les camps est de faible qualité ou assez chère et rencontre<br />

de grosses difficultés en termes de commercialisation. En effet, les produits ne sont<br />

pas exportés et doivent être vendus sur place aux étrangers ou coopérants de passage.<br />

En ce sens, l’accueil de touristes dans les camps pourra permettre de développer<br />

l’artisanat et de créer des postes de travail dans cette branche.<br />

Les jeunes Sahraouis n’ont jamais vécu en dehors des camps réfugiés et connu autre<br />

chose qu’une économie de subsistance, totalement dépendante de l’aide humanitaire.<br />

Cette situation d’assistentialisme préoccupe beaucoup la RASD qui cherche à<br />

maintenir une population active et formée dans l’optique d’un retour sur son propre<br />

territoire. En ce sens, de nombreux jeunes sahraouis ont la possibilité d’étudier à<br />

l’étranger grâce à des accords politiques passés avec certains pays qui offrent des<br />

bourses à des jeunes universitaires Sahraouis (Cuba, Algérie, Lybie,…). Il existe donc<br />

des jeunes gens formés et diplômés dans les camps, dont l’énergie et le potentiel<br />

restent sous-utilisés en raison de l’absence d’emploi.<br />

La création d’emploi est un objectif important non seulement à titre économique<br />

mais surtout symbolique et pratique : la jeune génération doit s’habituer à la vie<br />

réelle en vue d’une résolution du conflit et d’un abandon du statut de réfugié.<br />

323<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


3. Encourager la préservation du patrimoine culturel et<br />

archéologique Sahraoui<br />

Le développement du tourisme est complémentaire aux initiatives de récupération du<br />

patrimoine archéologique et culturel et joue un rôle fondamental quant à la diffusion<br />

et à la préservation de ce patrimoine. Depuis 1996, l’Université de Girone réalise des<br />

travaux de recherche pour la récupération de ce patrimoine et effectue des missions<br />

archéologiques dans les territoires libérés : rédaction d’un livre descriptif sur les<br />

peintures rupestres de Rekeiz Lemgasem, création du Musée National Sahraoui. Les<br />

sites des peintures rupestres sont soumis à de nombreux actes de vandalisme puisque<br />

ils ne sont pas protégés et leurs visites très peu contrôlées. Le tourisme peut avoir son<br />

rôle à jouer pour la préservation de ce patrimoine puisqu’il peut permettre la collecte<br />

de fonds (taxe d’entrée au site) nécessaires pour payer un gardien. La visite de ce<br />

patrimoine par des touristes étrangers permettra de valoriser ce patrimoine aux yeux<br />

de la communauté sahraouie qui jusqu’à présent y attache peu d’importance.<br />

Le thème de l’identité est un thème central pour le peuple Sahraoui. C’est autour de<br />

ce concept que se base la légitimité de leur lutte. Le sentiment d’appartenance à un<br />

même peuple, le fait de se sentir Sahraoui est une création assez nouvelle : une<br />

conquête de la RASD. En effet, c’est un peuple nomade qui se reconnaissait<br />

traditionnellement dans des structures tribales et non dans l’idée de nation. En ce<br />

sens, le patrimoine culturel et archéologique Sahraoui est un élément plus que capital<br />

dans la formation de ce sentiment d’identité, d’appartenance à un passé commun.<br />

La visite de touristes ne représente aucun risque d’acculturation : au contraire, elle<br />

permet au peuple Sahraoui d’affirmer sa propre culture et de la diffuser.<br />

324


CADRE LOGIQUE DU PROJET<br />

Objectifs généraux<br />

1. Augmenter la visibilité de la cause<br />

Sahraouie au niveau international et<br />

plus particulièrement européen.<br />

2. Dynamiser l’économie locale en<br />

créant notamment de nouveaux<br />

postes de travail pour les jeunes<br />

3. Encourager la préservation et la<br />

divulgation du patrimoine culturel et<br />

archéologique Sahraoui<br />

Objectif spécifique<br />

Développer la capacité réceptive du peuple<br />

sahraoui pour qu’il puisse gérer de façon<br />

autonome les voyages du tourisme<br />

responsable<br />

Résultats<br />

325<br />

1. Création d’une coopérative<br />

touristique entièrement gérée par des<br />

jeunes Sahraouis<br />

2. Mise sur pied d’un réseau d’agences<br />

de voyages de tourisme responsable<br />

commercialisant la destination<br />

(Italie, France, Espagne, Belgique,<br />

Angleterre) et se coordonnant entre<br />

eux.<br />

3. Promotion du tourisme responsable<br />

auprès du peuple Sahraoui dans les<br />

mass media européens<br />

4. Divulgation du patrimoine<br />

archéologique et culturel<br />

Indicateurs<br />

1. Nombre d’articles ou de livres<br />

publiés, de reportages télé ou radio<br />

diffusés, de conférences<br />

internationales où le projet a été<br />

représenté<br />

2. Montant de la recette touristique<br />

annuelle qui reste dans les camps<br />

sahraouis<br />

3. Nombre de visiteurs et de fonds<br />

récoltés pour la préservation de ce<br />

patrimoine<br />

- Nombre de touristes solidaires<br />

reçus dans l’année.<br />

- Nombre d’agences de voyages de<br />

tourisme responsable<br />

commercialisant des séjours auprès<br />

du peuple Sahraoui.<br />

- Nombre de personnes formées<br />

pour travailler dans le secteur du<br />

tourisme<br />

- Nombre de circuits ou séjours<br />

différents proposés à la vente.<br />

- Nombre de familles ayant logé des<br />

touristes et montant de la<br />

rémunération de cette activité<br />

- Nombre de personnes non<br />

adhérentes à des associations de<br />

soutien au peuple Sahraoui ayant<br />

visité les camps<br />

- Nombres de circuits/séjours venus<br />

à l’année, avec une répartition selon<br />

la nationalité du touriste.<br />

- Nombre d’articles publiés ou de<br />

reportages effectués sur le thème du<br />

développement du tourisme durable<br />

Conditions externes<br />

-Stabilité politique en<br />

Algérie et Mauritanie<br />

sans recrudescence<br />

d’actes de terrorisme.<br />

- Stabilité de la politique<br />

aérienne d’Air Algérie<br />

(tarifs, horaires)<br />

- Efficacité des<br />

Représentations RASD à<br />

l’étranger pour la<br />

délivrance de visas<br />

- Efficacité du contrôle<br />

administratif du<br />

Ministère de la<br />

coopération et du<br />

Secrétaire d’Etat à la<br />

jeunesse<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


CONCLUSION<br />

Après cette étude complexe sur le lien entre tourisme et empowerment des<br />

communautés locales du Sud, il convient de dresser un bilan thématique quant aux<br />

apports novateurs que cette thèse aura tenté de développer. Le schéma sur le rôe du<br />

tourisme comme instrument d’empowerment dans un monde globalisé nous permet<br />

de recontextualiser le tourisme dans les temps de globalisation. Ce modèle cherche à<br />

synthétiser les enseignements et conclusions tirés au fur et à mesure de notre<br />

réflexion et représente en lui-même une bonne réflexion conclusive.<br />

Le tourisme : un instrument de coopération inefficace pour des sociétés<br />

très marginalisées<br />

La question centrale dans la problématique de l’empowerment est le degré<br />

d’autosuffisance ou de confiance en soi nécessaire pour que l’empowerment puisse<br />

avoir lieu, pour que le cercle vertueux puisse se mettre en place. Comment permettre<br />

à des communautés très marginalisées, sans conscience identitaire et cohésion sociale<br />

d’instrumentaliser le tourisme à leurs propres fins ?<br />

En s’interrogeant sur les variables clés déterminant les possibilités de mise en place<br />

d’un cercle vertueux d’empowerment endogène, nous avons constaté que la présence<br />

de structures sociales au sein de la commuanuté est une condition préalable<br />

indispensable pour qu’un projet touristique puisse créer de l’empowerment. Pour des<br />

communautés marginalisées et sans cohésion sociale, il est fort probable que le<br />

tourisme ne puisse représenter au mieux qu’un instrument de croissance<br />

économique, accaparé par les membres plus puissant et actifs de la communauté. La<br />

conclusion la plus intéressante qui a émergé de notre réflexion est la remise en cause<br />

de l’efficacité de la coopération internationale pour intervenir dans des communautés<br />

très marginalisées, partant d’un niveau initial d’empowerment très bas. Pour ces<br />

communautés, un travail en amont de renforcement de la cohésion sociale et<br />

identitaire doit être mis en place avant de penser à un quelconque développement<br />

touristique.<br />

326


Le tourisme : instrument de transformation sociale dans un monde<br />

globalisé.<br />

Au sein d’un monde globalisé, caractérisé par l’émergence de mouvements sociaux<br />

transnationaux, les communautés locales voient se dessiner de nouveaux espaces de<br />

mobilisation politique et sociale. Pour certaines communautés insérées dans des<br />

conflits politico-sociaux, le tourisme peut représenter un fort instrument<br />

d’empowerment politique. De par l’émergence d’une culture globale, traçant les<br />

prémisses de la constitution d’une société civile internationale, communautés locales<br />

et visiteurs peuvent partager certaines visions politiques du monde. Les initiatives de<br />

justice tourism promouvant le tourisme comme instrument de conscientisation<br />

politique sont prometteuses en termes de changement social, même si elles restent<br />

très isolées.<br />

Les projets de coopération internationale en tourisme : bonnes pratiques<br />

L’objectif assigné à cette thèse ne s’arrêtait pas à une analyse théorique puisqu’elle a<br />

été conçue dès le début dans l’optique de formuler des recommandations aptes à<br />

proposer des pistes de réponses aux problèmes pratiques rencontrés par les projets<br />

de coopération en tourisme communautaire. La majorité des projets de tourisme<br />

développés par les ONG échouent sur le long terme pour des questions de manque de<br />

rentabilité. Ces dernières doivent impérativement se concentrer sur la thématique de<br />

la gestion d’entreprise et sur la commercialisation des initiatives touristiques. Pour<br />

cela, elles doivent innover en collaborant avec le secteur privé, capable d’apporter aux<br />

communautés ces compétences nécessaires qu’elles ne sont pas à mêmes de<br />

transmettre. Cette focalisation sur le thème de la rentabilité ne doit pas les éloigner<br />

pour autant de leur objectif final : celui de l’empowerment des communautés locales.<br />

Comme nous l’avons démontré à de maintes reprises, croissance économique n’est<br />

pas synonyme de développement local.<br />

Nous espérons que notre partie sur l’étude des stratégies de commercialisation du<br />

tourisme communautaire permettra de faire évoluer le débat figé et partisan des<br />

professionels du tourisme responsable. Imposer une commercialisation des<br />

327<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


initiatives communautaires sur ce seul segment de marché (ne représentant en outre<br />

qu’un pourcentage infime de ce dernier) représente souvent une condamnation à<br />

mort pour les communautés locales. Malgré la bonne volonté des partisans du<br />

tourisme responsable, ceux-ci imposent encore une fois un modèle occidentalocentriste<br />

aux communautés. Ce sont aux communautés à décider elles-mêmes du<br />

type de touristes qu’elles souhaitent accueillir et non à nous ! La tentative de l’ONG<br />

COSV de commercialiser une initiative de tourisme communautaire auprès d’un TO<br />

classique culturel italien (Kel 12, non membre de l’AITR) a fait l’éffet d’un pavé dans<br />

une marre et a illustré le fort corporatisme de l’AITR qui refuse de voir les TO<br />

classiques marcher sur leurs plates-bandes.<br />

Le tourisme alternatif, volonté de différentiation sociale ?<br />

Le tourisme alternatif est encore trop souvent le qualificatif officiel employé pour<br />

masquer une recherche de différenciation d’une population cherchant une bonne<br />

"fréquentation" et à se distinguer de l’hédonisme crétin du tourisme de masse, par<br />

une recherche plus spirituelle dans la rencontre des cultures. Or si le tourisme<br />

durable est un devoir, il ne faut cependant pas négliger un impératif qui est celui du<br />

droit aux vacances et au tourisme pour tous. Il reste donc à concilier tourisme social<br />

et tourisme durable, qui pour le moment est encore essentiellement un tourisme de<br />

niche de marché, réservé à des clientèles et des espaces privilégiés.<br />

Le tourisme comme instrument d’empowerment … un potentiel<br />

encore peu exploité<br />

Bien que le tourisme puisse être un générateur de revenus et un instrument<br />

d’empowerment, il ne peut avoir la prétention de combler l’écart entre les pays riches<br />

et les autres. Afin que le tourisme se transforme en réel instrument d’empowerment<br />

des communautés locales et vecteur de paix, il est nécessaire que les équilibres de<br />

pouvoir au niveau international changent. Il est peu probable que les Etats des pays<br />

en développement aient un pouvoir politique suffisant ou tout simplement la volonté<br />

de favoriser le développement d’un tourisme communautaire au détriment des<br />

328


grands groupes industriels, étant donné l’ampleur de la dette ou les programmes<br />

d’austérité imposés par le FMI. Pour réformer l’industrie touristique dans son<br />

ensemble, les choses sont difficiles. L’illustre la position de l’OMT. Le Code Global<br />

d’éthique du tourisme (1999) a été élaboré après le triomphe du Consensus de<br />

Washington et promeut un tourisme se laissant guider par les forces du marché ‘‘the<br />

world tourism industry as a whole has much to gain by operating in an<br />

environment that favours the market economy, private enterprise and free trade<br />

and that serves to optimise its beneficial effects on the creation of wealth and<br />

employment’’ (WTO, 1999). Hors, il est impossible que l’industrie du tourisme à elleseule<br />

décide de s’autoréguler et d’adopter des démarches à même de favoriser le<br />

développement des pays du Sud.<br />

Il est également peu probable que de nouvelles organisations globales<br />

alternatives aient suffisamment de poids pour imposer des critères de durabilité à<br />

l’industrie touristique dans son ensemble. L’unique option qui reste donc, est celle de<br />

l’activisme à travers des mises en réseaux d’organisations, opérant à différentes<br />

échelles et à différentes phases du développement touristique. Le pouvoir qu’ont les<br />

mouvements de protestation des consommateurs opposés à l’actuel modèle de<br />

globalisation sont forts (Kline, 2002). Il faut donc miser sur la sensibilisation du<br />

public pour que ceux-ci fassent pression sur les grands groupes touristiques<br />

internationaux. Comme le souligne Jackson, “There is a huge reservoir of untapped<br />

political power in an activist tourism, waiting to be implemented for the betterment<br />

of the world” (Jackson, p.180).<br />

329<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


ANNEXE<br />

PACCHETTO <strong>DI</strong> TURISMO SOSTENIBLE E SOLIDALE NEI CAMPI<br />

SAHARAWI E NEI TERRITORI LIBERATI<br />

Durata del viaggio : 10 giorni<br />

Date del viaggio : dal 28 dicembre al 6 gennaio<br />

Numero minimo di partecipanti : 6 viaggiatori<br />

Numero massimo di partecipanti : 12 viaggiatori<br />

Questo pacchetto è gestito dall’agenzia di viaggio<br />

Planet Viaggi di Verona.<br />

COSTI<br />

Quota di Partecipazione volo escluso 500 Euro<br />

Volo aereo, assicurazione e visto 650-700 Euro più 50 di visto<br />

Fondo personale 50 Euro<br />

I campi profughi Saharawi si trovano a circa un'ora di distanza da Tindouf, città<br />

algerina situata nel Sud-Ovest del Paese, vicina ai confini con Marocco e<br />

Mauritania. Là vivono da oltre 30 anni come rifugiati duecentomila profughi<br />

saharawi. Nonostante le dure condizioni climatiche a cui è sottoposto e la<br />

mancanza di risorse, il popolo saharawi è riuscito a creare uno Stato regolato da<br />

tutte le sue istituzioni, grazie alla forza di volontà, alla solidarietà e alla<br />

cooperazione internazionale. Anche se esule da 32 anni, questo popolo non ha<br />

mai dimenticato il proprio patrimonio culturale, conservandone le più tipiche<br />

tradizioni anno dopo anno e dimostrando nello stesso tempo una grande apertura<br />

culturale. I Saharawi sono felici di accogliere tra di loro gli stranieri, di mostrare<br />

la propria cultura e sopratutto parlare della loro storia.<br />

Il viaggio si svolge sia nei campi profughi algerini che nei territori liberati (Bihr<br />

Lelhu, Tifariti), tutti e due sotto il governo della RASD (Repubblica Araba<br />

Saharawi Democratica). Passando da “wilaya” a “wilaya”, conosceremo i progetti<br />

realizzati per migliorare le condizioni di vita dei Saharawi. Tramite la visita ad<br />

alcuni musei e con l’aiuto delle nostre guide locali, comprenderemo la storia di<br />

questo popolo. Oltre a comprendere la loro storia, vivremo il loro presente,<br />

ospitati nelle loro tende, bevendo il tè, giocando con i bambini. Spostandosi in<br />

jeep nel deserto potremo ammirare la diversità dei suoi paesaggi, ascoltare il<br />

suo silenzio e percepire la sua immensità. La notte di capodanno la<br />

trascorreremo nelle dune sotto le stelle, e sarà un’esperienza indimenticabile. La<br />

visita alle pitture rupestri , un patrimonio unico in un'area remota del deserto<br />

darà l'impressione<br />

ai partecipanti di essere i primi esploratori a scoprire questi<br />

gioielli.<br />

330


1° giorno (venerdì 28) : ITALIA<br />

/ TINDOUF<br />

Partenza da Roma per Algeri, con volo<br />

di linea. Arrivo nel pomeriggio. Visita<br />

di Algeri nel pomeriggio in autobus e<br />

cena libera. Ritorno in aeroporto per il<br />

volo delle 22.45 con destinazione<br />

Tindouf. Arrivo a Tindouf all’1.05.<br />

Trasferimento a Smara in jeep con<br />

sistemazione e notte in famiglia.<br />

2° giorno (sabato 29) :<br />

IMMERSIONE NEL PRESENTE<br />

DELLA VITA DEL POPOLO<br />

SAHARAWI<br />

La mattinata è lasciata libera per<br />

permettere di riposarsi e di conoscere<br />

la famiglia ospitante. Dopo aver<br />

condiviso i primi pasti saharawi, ci<br />

troveremo per andare nel villaggio<br />

vicino (una “wilaya” chiamata Scuola<br />

27 febbraio) a visitare il Museo<br />

Nazionale Saharawi. Con l’aiuto di<br />

una guida locale, sarete immersi nella<br />

storia del popolo Saharawi.<br />

Visiteremo anche il “laboratorio ad<br />

impatto zero”, nato da un progetto di<br />

cooperazione legato alla<br />

sensibilizzazione della raccolta dei<br />

rifiuti. Per apprezzare la bellezza del<br />

Sahara, andremo a vedere il<br />

tramonto nelle dune di sabbia,<br />

davanti ad una tazza di tè.<br />

Raggiungeremo<br />

quindi le nostre<br />

famiglie per condividere la cena con<br />

loro.<br />

331<br />

ITINERARIO<br />

3° giorno (domenica 30) :<br />

SMARA/DAJLA<br />

In mattinata, dopo aver salutato la<br />

nostra famiglia che ritroveremo alla<br />

fine del soggiorno, saliremo in jeep<br />

per Dajla. La “riposante Dajla”, con<br />

la sua oasi e il suo ritmo di vita più<br />

calma, è la wilaya più isolata, che si<br />

trova 180 km più a Sud. Durante il<br />

tragitto potremo ammirare i bellissimi<br />

paesaggi desertici e fare una sosta<br />

alla “valle della luna”, caratterizzata<br />

da paesaggi lunari molto singolari.<br />

Arriveremo nel primo pomeriggio e<br />

saremo accolti in famiglia con un<br />

pranzo. Avremo tempo per<br />

ambientarci e conoscere i nostri nuovi<br />

ospiti, condividendo un té, iniziandoci<br />

all’arte dell’ henné…Faremo visita ad<br />

un personaggio carismatico della<br />

wilaya, che possiede una collezione<br />

privata archeologica ed avrà<br />

interessanti storie da raccontarci...<br />

Ceneremo<br />

infine in famiglia.<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


4°giorno (lunedì 31) :<br />

CAPODANNO SOTTO LE STELLE<br />

La mattina ci troveremo in compagnia<br />

di una guida della wilaya per visitare<br />

l’ospedale, l’orto, l’oasi. Ci parlerà del<br />

ritmo e dello stile di vita di Dajla…<br />

Dopo esserci rilassati in famiglia ed<br />

aver condiviso l’ultimo pranzo<br />

dell’anno con i nostri ospiti, partiremo<br />

nel pomeriggio per le dune di Dajla.<br />

Una passeggiata in cammello nelle<br />

dune ci permetterà di avvicinarci in<br />

un altro modo alla vita nomade del<br />

deserto. Prima di cominciare la<br />

serata, ciascuno potrà godere<br />

intimamente del tramonto, della<br />

singolarità e del silenzio del deserto.<br />

Festeggeremo la serata del 31 con<br />

una cena nomade ed un spettacolo di<br />

musica e danza tradizionale saharawi.<br />

La notte verrà trascorsa a seconda<br />

delle preferenze di ognuno sotto le<br />

stelle o sotto la jaima (tenda<br />

saharawi).<br />

5° giorno (martedì 1 gennaio):<br />

ATTRAVERSO IL DESERTO.<br />

DAJLA/TIFARITI.<br />

Dopo essersi svegliati con la luce del<br />

giorno, faremo colazione e lasceremo<br />

le dune per partire per il nostro<br />

viaggio nel deserto nei territori<br />

liberati. Il lungo percorso in jeep ci<br />

permetterà di osservare la diversità<br />

dei paesaggi e dei colori del deserto.<br />

Faremo una sosta a Bihr Lehlu, unico<br />

"villaggio di passaggio”, molto<br />

peculiare, dove consumeremo il<br />

332<br />

nostro pranzo e condivideremo un té<br />

con una famiglia nomade.<br />

Riprenderemo il nostro viaggio per<br />

arrivare in serata a Tifariti.<br />

6° giorno (mercoledì 2 gennaio):<br />

VISITA ALLE PITTURE RUPESTRI<br />

La nostra giornata sarà dedicata alla<br />

scoperta archeologica. Osserveremo<br />

delle stupende pitture rupestri situate<br />

all'interno di caverne nel sito di<br />

Rekeiz Lemgasen. Le pitture non sono<br />

segnalate, e dovremo partire alla loro<br />

ricerca con l’aiuto del nostro<br />

archeologo. La loro scoperta regala<br />

l’emozione dei primi esploratori. Il<br />

pomeriggio sarà consacrato alle visite<br />

di tombe megalitiche. Tornando a<br />

Tifariti, visiteremo il museo di Tifariti<br />

incentrato sulla vita tradizionale<br />

nomade. Ci immergeremo in questo<br />

mondo durante la serata, quando<br />

potremo gustare una cena tipica e lo<br />

svolgimento di “laboratori<br />

partecipativi” (taller), lasciando la<br />

possibilità a ciascuno di imparare a<br />

fare il té, a cucinare il pane nella<br />

terra, a mettere la melfa, a<br />

partecipare ai giochi tradizionali<br />

saharawi,...<br />

7° giorno (giovedì 3 gennaio) :<br />

DESERTO E VITA NOMADE.<br />

TIFARITI/SLUGILLA<br />

Partiremo di mattina per attraversare<br />

un altro pezzo del deserto fino alla<br />

zona archeologica di Sluguilla.<br />

Faremo una sosta lunga per pranzare<br />

nella stessa famiglia nomade di Bihr<br />

Lelhu che ci aveva accolto all’andata.<br />

Arriveremo ad inizio serata nei<br />

dintorni di Sluguilla e continueremo la


nostra “notte nomade” con delle<br />

attivitàpartecipative.<br />

8° giorno (venerdì 4 gennaio) :<br />

VISITA ARCHEOLOGICA.<br />

RITORNO DALLE NOSTRE<br />

FAMIGLIE <strong>DI</strong> SMARA.<br />

Visita della zona archeologica di<br />

Sluguilla con le spiegazioni del nostro<br />

archeologo.Dopopranzo, iprenderemo<br />

le jeep per un paio di ore, il tempo di<br />

raggiungere il campo di Smara.<br />

Ritroveremo le nostre famiglie e<br />

avremo la serata libera da trascorrere<br />

con loro.<br />

9° giorno (sabato 5 gennaio):<br />

RABUNI E STORIA DEL<br />

CONFLITTO.<br />

Dopo esserci riposati dalla nostra<br />

spedizione nel deserto e aver<br />

ritrovato l'ospitalità delle famiglie, ci<br />

ritroveremo il mattino per visitare il<br />

centro AFAPREDESA (Asociacion de<br />

Familiares de Presos y Desaparecidos<br />

Sahrauis) e il Museo della Guerra, i<br />

quali ci saranno presentati<br />

dettagliatamente da due guide locali.<br />

Queste ultime visite ci permetteranno<br />

di comprendere meglio la realtà del<br />

conflitto Saharawi. Sarà anche<br />

l’occasione di visitare un’altra wilaya<br />

(villaggio), Rabuni, dove sono<br />

installati il Governo e tutti gli enti<br />

governativi. Il pranzo si consumerà in<br />

famiglia e il pomeriggio verrà lasciato<br />

libero per permettere di fare acquisti<br />

ed esplorare le stradine di Smara.<br />

Ceneremo insieme in un ristorante<br />

prima di partire per l’aeroporto. Volo<br />

per Algeri alle 2.10.<br />

10° giorno (domenica 6 gennaio):<br />

TINDOUF-ALGERI-<strong>ROMA</strong>.<br />

333<br />

Arrivo in prima mattinata ad Algeri<br />

(4.10). Possibilità per chi vuole di<br />

prenotare una camera d’albergo per<br />

risposarsi qualche ora. Partenza da<br />

Algeri alle 13.30 per Roma.<br />

NB: Questo è il programma di<br />

massima, che può essere soggetto a<br />

cambiamenti nel corso del viaggio<br />

proprio per la sua natura che cerca di<br />

adeguarsi alla vita delle comunità<br />

locali e di sfruttare le occasioni che si<br />

presentano, oltre che per il suo<br />

carattere pionieristico.<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />

Réflexions sur la Coopération Internationale au développment


Un viaggio solidale:<br />

Un viaggio di turismo responsabile rispetta dei principi di equità economica, tolleranza,<br />

rispetto, conoscenza, incontro. Innanzitutto vuole essere un modo per rilanciare realmente<br />

le economie locali dei paesi di destinazione, lasciando la maggior parte dei profitti alle<br />

popolazioni locali. In secondo luogo pone l’incontro con le popolazioni locali come momento<br />

centrale dell’esperienza turistica rendendo il viaggio una imperdibile occasione di confronto<br />

tra diverse culture, di conoscenza di un altro popolo, in un’ottica di scambio culturale.<br />

- L’alloggio in famiglia permette di dare un diretto introito economico alle famiglie,<br />

senza intermediari. Questo aiuto economico è molto importante per loro, vista la<br />

diminuzione degli aiuti alimentari che li colpisce.<br />

- Incontri con partner coinvolti in progetti di cooperazione: visita al laboratorio<br />

ad impatto zero che fabbrica delle medaglie a partire da materiali di scarto, visita ad<br />

una cooperativa di donne, all'ospedale.<br />

- Partecipare a quel viaggio ricopre un ruolo importante, quello di aumentare la<br />

visibilità del popolo Saharawi e conoscere la storia di questo conflitto dimenticato<br />

da tutti.<br />

Punti forti:<br />

- La visita alle pitture rupestri di Rekeiz Lemgasen. Il sito di Rekeiz Lemgasen<br />

possiede cinque volte più pitture di tutte quelle che si conoscevano fino adesso nei<br />

territori del Marocco, Sahara e Mauritania riuniti.<br />

- Capodanno nulle dune con notte sotto le stelle. Con spettacolo tradizionale<br />

Saharawi.<br />

- Un turismo partecipativo con l'organizzazione di laboratori per imparare a fare il<br />

tè, a cucinare il pane sotto la terra...<br />

- Un vero contatto con le popolazioni locali grazie all’esperienza di vita in famiglia.<br />

334<br />

DETTAGLI COSTI<br />

Quota di partecipazione, da versare in agenzia: 500 €<br />

Fondo personale: 50 €<br />

Costo volo aereo (più assicurazione e visto) a partire da: 710 € (635+25+50) (volo aereo<br />

internazionale Roma-Algeri e 1 volo interno Algeri-Tindouf, tasse e diritti d’agenzia inclusi)<br />

L’avvicinamento a Roma si organizza in modo individuale. L’agenzia vi pùo nonostante aiutare per<br />

proporvi varie alternative.<br />

La quota di partecipazione di 500 € comprende:<br />

- Tutti i trasferimenti su terra in 4X4 durante il soggiorno come da programma<br />

- Trattamento di pensione completa durante tutto il circuito<br />

- Serata di capodanno dove si assisterà a danze tradizionali saharawi<br />

- 2 Accompagnatori dall’Italia (gruppo min. 10 persone)<br />

- Assistenza e guida da parte di personale qualificato locale parlante italiano<br />

- Visite ed escursioni come da programma<br />

- Ingressi ai siti, tasse governative, percentuali di servizio<br />

- Assicurazioni infortuni di viaggio e medico-bagaglio<br />

- Organizzazione tecnica<br />

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vers un empowerment des communautés locales


- Materiale di informazione<br />

- Spese di segreteria e di spedizione<br />

- Contributo all’associazione culturale Planet Viaggiatori Responsabili<br />

La quota di fondo personale di 50 € comprende:<br />

- La cena ad Algeri il giorno 28.<br />

- La cena del giorno 5 gennaio in un ristorante dei campi, prima della partenza per l'aeroporto.<br />

- La possibilità di alloggio in Albergo ad Algeri tra la notte del 5 e 6 gennaio (facoltativo)<br />

- Eventuali mance e regali alle famiglie ospitanti.<br />

La quota non comprende:<br />

- Volo internazionale A/R da Roma ad Algeri con volo di linea Alitalia in classe economica e il volo<br />

interno A/R da Algeri a Tindouf con volo di linea di Air Algerie.<br />

- Il visto di entrata per l’Algeria.<br />

- L’assicurazione per il volo.<br />

- Bevande e consumazioni fuori dai pasti<br />

- Extra di carattere personale, facchinaggio, mance personali e quanto non espressamente indicato<br />

dal programma<br />

- Tutto quanto non espressamente citato alla voce “la quota comprende”<br />

TESTIMONIANZE:<br />

Quest'iniziativa di turismo è la prima di questo genere, ma da 7 anni si svolge la<br />

maratona nei campi profughi saharawi. I partecipanti vengono non solo per<br />

l’evento sportivo, ma effettuano un programma "turistico". Troverete in seguito<br />

dei commenti di partecipanti alla maratona.<br />

« Un’esperienza molto commovente. Un shock totale vedendo le condizioni di vita di questo popolo.<br />

Non ho mai visto un popolo così felice, anche se vivendo sotto tale condizioni di stress ».<br />

«Una vacanza così ti lascia il segno e la voglia di tornare. Forse ho capito il senso del mal d' Africa. È<br />

stata un’esperienza nuova e straordinaria ».<br />

« La gentilezza e la dignità del popolo saharawi ha reso questo viaggio un insegnamento di vita e mi<br />

ha arricchito di un dono inaspettato e prezioso »<br />

Se siete interessati o per qualsiasi richiesta di informazione, potete prendere contatto con<br />

l'organizzatrice del viaggio all'idirizzo cecile_rousset@hotmail.com.<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />

– vers un empowerment des communautés locales<br />

335


336<br />

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SITES INTERNET<br />

Organisations – Associations ayant trait au tourisme<br />

• Associations Transverses – Réseau archimède http://www.chez.com/transverses/<br />

• ATES – Association pour un tourisme équitable et solidaire<br />

A l’initiative de l’UNAT, cette association a été crée en 2006 et vise à regrouper les associations<br />

françaises engagées dans le tourisme solidaire. www.unat.asso.fr<br />

• ATR – Agir pour un tourisme responsable. www.tourisme-responsable.org<br />

• BITS – Bureau International du tourisme social<br />

Fondé en 1963, cet organisme œuvre pour la promotion du tourisme social mais s’intéresse<br />

depuis quelques années au tourisme solidaire. www.bits-int.org<br />

• Dante<br />

C’est un réseau de 15 ONG d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse, spécialisées dans le tourisme et<br />

le développement. www.dante-tourismus.org<br />

• Department for International Development’s pro-poor tourism strategy<br />

www.propoortourism.org.uk/index.html<br />

• Echoway www.echoway.net (France)<br />

• www.ecotourism.org<br />

Réseau le plus ancien en matière d’écotourisme, crée dans les années 90 (ONG).<br />

• Organisation mondiale du tourisme (OMT) http://www.unwto.org/index_f.php<br />

• Overseas Development Institute (O<strong>DI</strong>) http://www.odi.org.uk/<br />

• Mercure Tourisme équitable (Québec). www.tourisme-equitable.qc.ca<br />

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• Planeta.com. Global journal on ecotourism. http://www.planeta.com/<br />

• Plateforme du commerce équitable http://www.commercequitable.org/tourisme/<br />

• Responsible Travel : www.responsibletravel.com<br />

• Thirld World Network (Partie dédiée au tourisme). http://www.twnside.org.sg/tour.htm<br />

• TIES – The International Ecotourism Society<br />

• Tourism concern. www.tourismconcern.org.uk<br />

• Tourisme durable. www.tourisme-durable.net<br />

• Tourisme solidaire et développement durable http://www.tourisme-solidaire.org<br />

• World Tourism and Travel Council (WTTC) www.wttc.org<br />

Organisations de tourisme communautaire<br />

• ACTUAR - Associacion costaricense de turismo rural comunitario.<br />

http://www.actuarcostarica.com/app/cms/www/index.php<br />

• FENATUCGUA – Federacion nacional de turismo comunitario en Guatemala.<br />

http://fenatucgua.org/<br />

• FEPTCE – Fédération plurinationale du tourisme communautaire en Equateur.<br />

http://www.turismocomunitario.ec/tcomunitario/<br />

• Redtur Red de Turismo Comunitario de America Latina (OIT) www.redtur.org<br />

• SendaSur - Red de ecoturismo de Chiapas. http://www.sendasur.com/<br />

• TUSOCO - red Boliviana de Turismo Solidario Comunitario. www.tusoco.org<br />

Codes de conduite<br />

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367


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• Carta d’identità per viaggi sostenibili (AITR – Association italienne de<br />

tourisme responsable)<br />

http://www.aitr.org/carta_viaggi_sostenibili.html<br />

http://www.aitr.org/Charte%20des%20voyages%20durables.html<br />

• Charte d’éthique du tourisme (France)<br />

Charte osignée par le Gouvernement français et les principaux acteurs de l’industrie touristique<br />

(SNCF, ACCOR, Club Med,…)<br />

http://www.tourisme.gouv.fr/fr/navd/dossiers/tour_ethiqe/charte_france.jsp<br />

• Charte du tourisme durable<br />

Adoptée en 1995 lors de la Conférence Mondiale de anzarote.<br />

http://www.tourisme-solidaire.org/ressource/pdf/charte_ts.pdf<br />

• Charte du tourisme de TDS (Tourisme et développement solidaires)<br />

Tourisme & Développement Solidaires, association de solidarité internationale chargée<br />

d'expérimenter, de mettre en œuvre, d’expertiser et de promouvoir de nouvelles formes de<br />

tourisme équitables et solidaires, au service du développement des populations d’accueil.<br />

http://www.tourisme-dev-solidaires.org/charte.htm<br />

• Charte du tourisme équitable.<br />

Rédigée par la Plate-forme du commerce équitable et publicisée par le voyagiste Croq Nature.<br />

www.croqnature.com/tourismeequitable.htm<br />

• Charte éthique du voyageur du voayagiste Atalante et de Lonely Planet<br />

http://www.atalante.fr/PdfWeb/charte-ethique-du-voyageur.pdf<br />

http://www.lonelyplanet.fr/_htm/charte/index.php<br />

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• Code Mondial d’éthique du tourisme (adopté en 1999 par l’OMT).<br />

http://www.world-tourism.org/code_ethics/fr.html<br />

Organismes proposant du tourisme humanitaire<br />

Etats-Unis<br />

• Cross cultural solutions. www.crossculturalsolutions.org<br />

• International Society for ecology and Culture : non-profit organisation concerned with<br />

the protection of both biological and cultural diversity. The Ladakh Farm project.<br />

http://www.isec.org.uk/pages/ladakh.html<br />

• Go Philanthropic http://www.gophilanthropic.com/<br />

• Transition abroad http://www.transitionsabroad.com/<br />

Angleterre<br />

• Discovery Initiatives, travel to protect.http://www.discoveryinitiatives.co.uk/<br />

• Earthwatch Institute http://www.earthwatch.org/<br />

France<br />

• Planète urgence http://www.planete-urgence.org/missions/<br />

• Cybelle Planète (écovolontariat) www.cybelle-planete.org<br />

Canada<br />

• Horizon cosmopolite http://www.horizoncosmopolite.com/<br />

Guides touristiques<br />

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369


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• Lonely Planet http://www.lonelyplanet.com/<br />

• Le Routard<br />

http://www.routard.com/<br />

Dossier sur le tourisme responsable<br />

http://www.routard.com/guide_dossier/id_dp/73/voyager_responsable.htm<br />

Dossier sur le tourisme équitable<br />

http://www.routard.com/mag_dossiers/id_dm/19/ordre/2.htm<br />

• Echoway www.echoway.fr<br />

EchoWay est une association Loi 1901. EchoWay est un lieu d'information et d'échange qui<br />

recense les lieux et associations proposant un tourisme équitable, solidaire et écologique<br />

accessible au voyageur partant seul, des informations sur le tourisme solidaire pour sensibiliser<br />

à un tourisme responsable, des adresses dans le monde entier, un livre d'or, des informations,<br />

un réseau de voyageurs à rejoindre, une rubrique sur l'écovolontariat...<br />

o Voyages pour la planète www.voyagespourlaplanete.com<br />

Voyagespourlaplanete.com est le premier guide de voyages en ligne spécialisé sur le thème du<br />

tourisme responsable, proposant une superbe collection de séjours écologiques et solidaires<br />

dans le monde entier.<br />

Thème de la responsabilité sociale d’entreprise<br />

• Global Reporting Initiative (GRI) collabratice centre of the UNEP<br />

http://www.globalreporting.org/ReportingFramework/SectorSupplements/TourOperators<br />

The Global Reporting Initiative (GRI) has pioneered the development of the world’s most widely<br />

used sustainability reporting framework and is committed to its continuous improvement and<br />

LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />

vers un empowerment des communautés locales


application worldwide. This framework sets out the principles and indicators that organizations<br />

can use to measure and report their economic, environmental, and social performance.<br />

Autres sites<br />

• Ecotouris me autochtone, site de Sylvie Blangy. http://www.aboriginalecotourism.org<br />

• Association française d’écotourisme. http://www.ecotourisme.info/<br />

• Destinet - Sustainable tourism information portal<br />

http://destinet.ew.eea.europa.eu/<br />

• Ecoclub – International Ecotourism Club http://www.ecoclub.com/<br />

• The Travel and Tourism Research Association http://ttra.com/<br />

• The US Travel Industry Association http://www.tia.org/<br />

• Fair Trade in Tourism South Africa (FTTSA), www.fairtourismsa.org.za<br />

• Tourism Keys - your source for internet marketing training and resources<br />

http://www.tourismkeys.ca/<br />

• Equation (Indian tourism NGO) www.equitabletourism.org<br />

• Réseau de veille en tourisme www.veilletourisme.com<br />

• BEST (Business Enterprises for Sustainabe Travel) www.sustainabletravel.org<br />

• EcoTour – your source for planning an eco-holiday.<br />

http://www.ecotourdirectory.com/<br />

• Ecoclub http://www.ecoclub.com/<br />

• Institut International pour la paix par le tourisme www.iipt.org<br />

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– vers un empowerment des communautés locales<br />

371


Certification<br />

372<br />

• Certification for Sustainable Tourism (Costan Rican Tourism Institute)<br />

http://www.turismo-sostenible.co.cr/EN/home.shtml<br />

• Fair Trade in Tourism South Africa (FTTSA) http://www.fairtourismsa.org.za/<br />

• Green Globe 21 Worlwide Benchmarking and certification www.greenglobe.or<br />

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vers un empowerment des communautés locales

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