UNIVERSITÀ DEGLI STUDI DI ROMA - Padis
UNIVERSITÀ DEGLI STUDI DI ROMA - Padis
UNIVERSITÀ DEGLI STUDI DI ROMA - Padis
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
1<br />
<strong>UNIVERSITÀ</strong> <strong>DEGLI</strong> <strong>STU<strong>DI</strong></strong> <strong>DI</strong> <strong>ROMA</strong> “LA SAPIENZA”<br />
CIRPS - Centro Interuniversitario In Sviluppo Sostenibile<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT<br />
D’EMPOWERMENT DES<br />
COMMUNAUTÉS LOCALES DU SUD<br />
- RÉFLEXIONS SUR LA COOPÉRATION<br />
INTERNATIONALE AU DÉVELOPPEMENT<br />
THÈSE DE DOCTORAT<br />
DOCTORAT EN DÉVELOPPEMENT DURABLE ET<br />
COOPÉRATION INTERNATIONALE – Cycle 21 - 2009<br />
Directrice de thèse : Prof. Alessia Mariotti<br />
Dipartimento di Scienze Economiche, Università di Bologna<br />
Co-directeur : Andrea Micangeli, CIRPS, Università La Sapienza<br />
Candidate : Cécile Rousset<br />
Matricule : 81516063<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
RÉSUMÉ<br />
La problématique de la thèse s’articule autour des potentialités du tourisme<br />
communautaire comme moteur de développement des communautés locales du Sud,<br />
dans une optique d’empowerment apte à les faire sortir des logiques<br />
d’assistentialisme encore récurrentes au sein de l’aide au développement. Nous<br />
dépasserons la dichotomie tourisme de masse versus tourisme alternatif en essayant<br />
de réfléchir sur les potentialités du tourisme classique pour favoriser le<br />
développement local et mettre à jour les difficultés du tourisme alternatif dans cette<br />
besogne. En analysant les problèmes aussi bien théoriques que pratiques auxquels se<br />
confrontent les projets de tourisme communautaire, il sera possible d’identifier les<br />
bonnes pratiques permettant que le tourisme ne soit pas seulement source de<br />
croissance économique mais de développement local communautaire.<br />
Dans le cadre d’une réflexion complète sur l’empowerment, développer la thématique<br />
politique en se focalisant sur le rôle sociopolitique du tourisme au sein d’un monde<br />
globalisé, s’est révélé incontournable pour clore et recontextualiser le débat dans un<br />
monde post-moderne.<br />
Mots-clés : tourisme communautaire, empowerment, développement,<br />
coopération internationale, politique, commercialisation.<br />
2
REMERCIEMENTS<br />
Au long de ce parcours du combattant qui est un doctorat, certains soutiens<br />
sont essentiels pour surpasser les moments de doute, de découragement, de remise<br />
en question. Les premières personnes vers qui mon esprit se tourne instantanément<br />
en pensant aux remerciements, sont sans hésiter mes parents, m’ayant porté un<br />
soutien inconditionnel. Dans cette vie nomade qui m’a caractérisée particulièrement<br />
lors de ces trois dernières années, ils m’ont soutenue dans tous les instants et donné<br />
la force et l’équilibre indispensable nécessaires pour s’engager dans une vie de<br />
coopérants et d’expatriés. Ils ont également constitué de précieux touristes « test » à<br />
de maintes occasions, toujours curieux et enthousiastes.<br />
Massimo, mi sei stato vicino nei momenti più difficili di chiusura della tesi,<br />
paziente e pieno di attenzioni. Hai l’anima di un viaggiatore (e non di un banale<br />
turista), in ricerca di te stesso e del mondo. I miei pensieri volano a te…<br />
Stefano, è stato un piacere lavorare con te sulla scrittura di un articolo<br />
comune. Senza di te, questa tesi non avrebbe raggiunto lo stesso grado di maturità e<br />
di sistemazione. Il mio fermento di idee aveva bisogno della tua canalizzazione. Si<br />
puo ogni momento contare su di te e ti voglio un gran bene.<br />
Alla mia ballerina, Lavinia, i miei pensieri non potrebbero non andare. Più che<br />
essere la mia ufficiale maestra d’italiano, a prescindere delle lontananze, rimane<br />
sempre vicino.<br />
Un abbraccio enorme ad Alessia, ed alla sua piccola appena arrivata in questo<br />
mondo, che mi ha appoggiato in questa tesi ed è stata sempre presente per<br />
consigliarmi in tutte le mie scelte lavorative.<br />
Ringrazio anche il COSV e particolarmente Claudia che mi ha dimostrato una<br />
grande fiducia. Viva Tinkuna!<br />
Allo splendido popolo Saharawi, da militante più che accademica direi<br />
« Viva el Sahara Libre!» Grazie Mattia per l’appoggio incondizionato al progetto di<br />
turismo… e per tutto il resto!<br />
3<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
SOMMAIRE<br />
INTRODUCTION .......................................................... 10<br />
1.<br />
Tourisme et développement .................................................................... 10<br />
Objectifs de la recherche ......................................................................... 12<br />
Méthodologie .......................................................................................... 16<br />
Originalité et innovation ......................................................................... 24<br />
Définition de la terminologie à utiliser ................................................... 27<br />
1. Qu’est-ce que le tourisme ? .................................................................. 27<br />
2. Le développement : un champ sémantique complexe .......................... 30<br />
3. L’empowerment des communautés locales comme objectif ................. 33<br />
Tourisme et développement : contribution des<br />
différents tourismes alternatifs à l’empowerment des<br />
communautés ............................................................................ 36<br />
4<br />
1.1. Tourisme de masse versus tourisme alternatif : dépasser la<br />
dichotomie. ............................................................................................ 36<br />
Le tourisme durable comme objectif .......................................................................... 39<br />
1.2. Catégorisation et définition des divers types de tourisme alternatif. . 47<br />
1.2.1 Classification de la typologie des tourismes alternatifs ..................... 47<br />
1.2.2 Les expressions reflétant des valeurs ..................................................... 52<br />
Classification sous l’angle des visiteurs (de la demande) ........................................... 52<br />
Classification sous l’angle des visités (de l’offre) ........................................................ 59<br />
1.2.3. Les expressions reflétant des produits touristiques ..................... 67<br />
1.3. Le tourisme alternatif en pratique .................................................... 75<br />
1.3.1. Analyse comparée de la pratique du tourisme alternatif entre<br />
France et Italie…………….. ..................................................................................... 75<br />
1.3.2. Analyse des pratiques touristiques alternatives en France ............. 82
2. Les projets de développement en tourisme<br />
communautaire : entre recherche de rentabilité et de<br />
développement : analyse du rôle des acteurs, difficultés ................ 90<br />
5<br />
2.1 Les difficultés inhérentes à la mise en place d’un tourisme<br />
communautaire : un tour de terrain théorique .................................... 890<br />
2.1.1 Assurer une participation équitable : un défi difficile à<br />
surmonter ................................................................................................................. 91<br />
2.1.2 De la participation à l’implication : la nécessité de désigner<br />
des représentants .................................................................................................. 94<br />
2.1.3 De l’implication de la communauté à la production de<br />
bénéfices .................................................................................................................. 97<br />
2.2. Le rôle des « agents de changement » ou planificateurs de tourisme<br />
communautaire : Qui sont-ils ? Quelles stratégies ? Quelles<br />
compétences ? Quelles limites ? .......................................................... 1022<br />
2.2.1. Le rôle de l’Etat ...................................................................................... 104<br />
2.2.2. Le rôle des ONG ....................................................................................... 1078<br />
2.2.3. Le rôle du secteur privé ........................................................................ 115<br />
2.3. Analyse d’études de cas : les difficultés des projets de coopération<br />
en tourisme entre rentabilité économique et développement local. ...... 133<br />
2.3.1. Etude comparée de différentes initiatives d’écotourisme<br />
communautaire de populations indigènes amazoniennes. ...................... 134<br />
2.3.2 Etude sur la rentabilité des entreprises de tourisme<br />
communautaire (CBTE) en Amérique Latine ............................................... 153<br />
2.4. Aspect critique des projets de coopération en tourisme<br />
communautaire : commercialisation et marketing ................................ 161<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
2.4.1 La coopération internationale confrontée à la difficulté de<br />
commercialisation ................................................................................................ 161<br />
Stratégies de commercialisation : comment commercialiser ? Quel<br />
segment du marché attirer ? ................................................................. 164<br />
1. Le marché du tourisme indépendant : un secteur qui possède de<br />
nombreux avantages. ................................................................................................. 165<br />
2. Cibler le tourisme alternatif : avantages et inconvénients. ....................... 174<br />
3. L’intégration de TO plus classiques dans la commercialisation de<br />
produits touristiques communautaires......................................................................177<br />
2.4.2. Modalités et limites de la participation du secteur touristique<br />
classique à l’empowerment des communautés locales ? .......................... 182<br />
1. La variété des pratiques de la Responsabilité sociale d’entreprises : de la<br />
pratique du don à l’adaptation des pratiques entrepreneuriales. ......................... 183<br />
2. Commercialisation du tourisme communautaire par des TO classique ......... 188<br />
3. Le tourisme comme instrument d’empowerment<br />
politique dans un monde globalisé .....................................193<br />
6<br />
De l’empowerment au changement social ............................................. 193<br />
3.1 Réflexions introductives autour des théories sur le développement<br />
et la coopération internationale ............................................................ 194<br />
3.1.1. Un bref historique des théories de développement.....................<br />
195<br />
3.1.2. Repenser la coopération internationale dans un contexte de<br />
post-développement et d’émergence des mouvements sociaux .............. 198<br />
3.2. Les liens entre tourisme et politique ............................................. 202<br />
3.2.1 Le tourisme comme instrument politique ........................................... 205<br />
3.2.2. Le tourisme comme instrument de paix ........................................ 208<br />
3.2.3. La dimension politique de la représentation de la culture et du<br />
patrimoine .............................................................................................................. 214<br />
3.2.4. Focus sur le “Justice Tourism”: dans une optique de<br />
sensibilisation politique et sociale des visiteurs .......................................... 224<br />
3.2.5. Analyse des motivations des touristes : entre hédonisme et<br />
activisme ................................................................................................................. 242
3.3.<br />
Le tourisme comme instrument d’empowerment politique : un<br />
nouveau modèle de développement dans un monde globalisé...............<br />
246<br />
3.3.1 Globalisation et création de nouveaux espaces d’actions à<br />
l’échelle locale ........................................................................................................ 246<br />
3.3.2.<br />
Le tourisme comme instrument politique dans les temps de<br />
globalisation...........................................................................................................<br />
253<br />
3.3.3. Explications du modèle : le tourisme comme facteur<br />
d’empowerment dans un monde globalisé..................................................<br />
1598<br />
1. De l’empowerment économique à l’empowerment politique : la culture<br />
comme ressource......................................................................................<br />
262<br />
2. Cercle vertueux d’empowerment politique endogène ................................ 267<br />
3. Renforcement du processus d’empowerment à travers le “Justice Tourism” .. 275<br />
3.4. Etudes de cas .................................................................................. 281<br />
3.4.1. Le tourisme en Israël / Palestine .......................................................... 28181<br />
3.4.2. Développement de "Reality Tours" au Chiapas par Global<br />
Exchange .............................................................................................. 284<br />
3.4.3. Projet de développement du tourisme solidaire dans les camps<br />
réfugiés sahraouis en Algérie……………………………………………………….303<br />
Introduction : Contexte historique et rôle central du concept d'identité sahraoui ... 303<br />
1. Patrimonialisation de l'histoire et consolidation de l'identité.. ......................... 306<br />
2.Le “Justice Tourism”comme instrument de sensibilisation politique et sociale :<br />
sortir de l’oubli. ........................................................................................ 316<br />
3.Présentation du projet de coopération de développement du tourisme<br />
responsable ............................................................................................. 318<br />
CONCLUSION ....................................................................... 326326<br />
ANNEXE ……………………………………………………………………….330<br />
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ....................................... 336<br />
7<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
INDEX DES FIGURES<br />
Figure 1 : Modèle théorique de Weaver : quatre idéaux-types du tourisme……………42<br />
Figure 2 : Scénarios de développement des destinations selon Weaver…………………43<br />
Figure 3 : Schéma de classification des tourismes selon un double continuum de<br />
conscientisation des visiteurs et de responsabilisation des visités ……………………… ..51<br />
Figure 4 : Classification des tourismes selon les piliers du tourisme durable.…………68<br />
Figure 5 : Classification des niveaux de participation selon Arstein…………..……… ….93<br />
Figure 6 : Différents stages de participation………………………………………………………99<br />
Figure 7 : Rôles potentiels des organisations gouvernementales et non<br />
gouvernementales pour soutenir les initiatives de tourisme communautaire….…….110<br />
Figure 8: Hard and Soft dimensions of ecotourism…………………………………….………174<br />
Figure 9 : Le tourisme communautaire comme instrument de développement politico<br />
social : un modèle d’empowerment dans un monde global …………………….………….258<br />
Figure 10 : Stratégies de développement indigène avec identité dans le domaine<br />
économique………………………………………………………………………………………………..….265<br />
Figure 11 : Relations entre justice tourism et mouvements sociaux..........................288<br />
Figure 12 : Contribution des Reality tour à l’empowerment des communautés locales<br />
et des touristes……………………………………………………………………………………………….301<br />
INDEX DES ENCADRÉS<br />
Encadré 1 : Participation communautaire et philosophie de l’OMT……………………. 94<br />
Encadré 2 : Présentation de TOI et STI………………………………………………………..…189<br />
8
INDEX DES TABLEAUX<br />
Tableau 1 : Evolution des perspectives académiques dans la recherche en tourisme..18<br />
Tableau 2. Potentialités du tourisme en termes d’empowerment et de<br />
disempowerment des communautés locales………………………………………………………..35<br />
Tableau 3 : Classification de la variété de « l’autre tourisme »………………………………47<br />
Tableau 4 : Tableaux de synthèse des différents types de tourisme alternatif…………48<br />
Tableau 5 : récapitulatif sur les capacités de chaque acteur pour faciliter la<br />
planification en tourisme communautaire………………………………………………………..120<br />
Tableau 6 : La mosaïque des compétences nécessaires au tourisme de qualité…….130<br />
Tableaux 7 : Tableaux synthétiques sur des études de cas d’écotourisme<br />
communautaire en zone Amazonienne : entre croissance et développement…………135<br />
Tableau 8 : Tableau comparatif analysant la contribution des différents projets<br />
touristiques à la croissance économique et à l’empowerment des communautés… .146<br />
Tableau 9: Liste des contacts et réponses des CBTE par pays………………………………156<br />
Tableau 10 : Classification des CBTE selon le type de propriété………………………….158<br />
Tableau 11 : Répartition des bénéfices destinés à financer des projets<br />
communautaires ……………………………………………………………………………………………166<br />
Tableau 12 : Avantages liés au développement du segment du tourisme indépendant<br />
par les planificateurs de projets de tourisme communautaire…………………………….186<br />
Tableau 13 : Avantages et inconvénients des deux approches : donation et adaptation<br />
des pratiques managériales………………………………………………………………………………192<br />
Tableau 14 : Contact interculturel entre hôtes et touristes………………………………….213<br />
Tableau 15: Analyse comparée des impacts économiques sociaux et politiques sur la<br />
communauté locale Sahraouie des voyages de solidarité organisés par les<br />
Associations de solidarité et ceux du tourisme responsable......................................313<br />
9<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
INTRODUCTION<br />
Tourisme et développement<br />
Lors des dernières décennies s’est affirmé le rôle important du tourisme comme<br />
secteur économique de première importance pour le développement international.<br />
Selon le Programme des nations Unité pour le Développement (PNUD), le tourisme<br />
représente une des cinq principales sources d'exportation pour 83% des pays à<br />
l'échelle mondiale et la principale source pour 38 % d’entre eux. De par son fort taux<br />
de croissance comme industrie, et malgré ses faiblesses, le tourisme est largement<br />
conçu comme instrument de développement (Harrison, 2001). De nombreux<br />
organismes des Nations Unies, comme l'Organisation Mondiale du Tourisme (OMT),<br />
le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) et l'Organisation des<br />
Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture (l'UNESCO), ont adopté le<br />
tourisme comme un outil de coopération internationale, notamment pour son action<br />
dans la réduction de la pauvreté, un des objectifs du millénaire.<br />
Pour les pays en développement, l’essor du tourisme de masse peut être une<br />
solution séduisante, précisément parce qu’elle permet de se procurer rapidement<br />
des devises, surtout si l’on fait appel aux principaux opérateurs qui ont directement<br />
accès aux marchés internationaux. Toutefois, comme de nombreuses études l’ont<br />
montré, cette option présente de sérieux inconvénients.<br />
En premier lieu, elle tend à déposséder le gouvernement et les communautés des pays<br />
d’accueil du pouvoir de décision en matière de développement au profit des<br />
voyagistes et des pays où se recrutent les gros bataillons de leur clientèle, lesquels<br />
peuvent notamment décider d’investir ailleurs, mettant ainsi fin au développement.<br />
Deuxièmement, elle tend à privilégier presque exclusivement le développement des<br />
sites les plus attractifs ou les mieux préservés en se désintéressant des zones et<br />
populations à problèmes.<br />
10
Troisièmement, et c’est une conséquence logique de ce qui précède, elle tend à<br />
consacrer la majeure partie des investissements à des aspects secondaires comme<br />
l’apparence esthétique ou la satisfaction des besoins de la clientèle au détriment des<br />
problèmes socioéconomiques fondamentaux et des besoins des communautés<br />
d’accueil.<br />
Quatrièmement, les retombées économiques se bornent en général aux bénéfices à<br />
court terme liés à la création d’emplois dans le secteur touristique ou les services<br />
annexes, lesquels sont fréquemment précaires et mal payés. La majorité des recettes<br />
du tourisme international ne profitent pas au pays d’accueil mais aux pays des<br />
principaux opérateurs. Enfin, seule une fraction marginale de la culture du pays<br />
d’accueil participe au tourisme de masse. Étant donné que l’effort de développement<br />
se concentre sur un nombre de sites restreint établi à l’avance, et vise essentiellement<br />
à promouvoir des activités de loisirs, la culture n’apparaît souvent que sous forme de<br />
manifestations ponctuelles et sélectives qui n’autorisent que des contacts limités<br />
entre les touristes et leurs hôtes.<br />
Dans la pratique, la plupart des pays en développement ont choisi la formule du<br />
plan-cadre de développement du tourisme national et régional. Ce type de<br />
plan est généralement élaboré en coopération avec de grandes organisations<br />
internationales comme le FMI ou la Banque mondiale, l’accent étant mis sur les<br />
dimensions économique et spatiale du développement touristique et la mise en œuvre<br />
de méthodes de production à grande échelle hautement standardisées dans des<br />
espaces sélectionnés.<br />
Cette forme de développement se voit souvent reprocher la « ségrégation » physique<br />
et sociale qu’elle opère entre les touristes et la population locale, ses objectifs à courte<br />
vue en matière d’emplois, pour la plupart d’une durée limitée à la phase initiale des<br />
projets, et son absence d’insertion dans l’économie locale, sous prétexte que les<br />
bénéfices du secteur touristique auront forcément des « retombées » dont profiteront<br />
les populations locales.<br />
Cette formule se caractérise par l’absence de participation communautaire, en<br />
termes d’engagement comme au niveau de la prise de décision. Pourtant, malgré ces<br />
11<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
critiques et faute de schémas alternatifs, c’est ce modèle « industriel » du<br />
développement touristique qui demeure largement dominant à l’heure actuelle.<br />
La participation communautaire et une vision du bas vers le haut est loin<br />
d’être le modèle qui prédomine. Il faudrait que les communautés locales soient<br />
étroitement associées au processus de planification. Encore faut-il qu’elles aient les<br />
moyens de jouer ce rôle dans le cadre des politiques définies aux niveaux national et<br />
régional, ce qui, dans beaucoup de PMA sans véritable tradition démocratique et où<br />
la corruption est institutionnalisée à tous les niveaux, relève sans doute davantage du<br />
vœu pieux que de la réalité.<br />
Objectifs de la recherche<br />
Cette thèse se concentre sur la thématique générale du tourisme et du<br />
développement. Son premier objectif est de déterminer dans quelles situations le<br />
tourisme peut faciliter, plutôt qu’empêcher le développement des pays du Tiers-<br />
Monde, analysé dans la perspective des communautés locales. Notre champ d’étude a<br />
été rapidement réduit pour s’intéresser particulièrement au tourisme comme<br />
instrument de coopération internationale, c'est-à-dire en se focalisant sur le rôle d’un<br />
acteur particulier qu’est l’ONG. En effet, un nombre croissant d’ONG à niveau<br />
international (notamment en Italie) développe des projets de coopération, en<br />
utilisant le tourisme comme secteur principal ou complémentaire d'intervention,<br />
pour favoriser le développement local et lutter contre la pauvreté.<br />
Au fur et à mesure de la recherche, s’est affirmée avec majeure conviction la centralité<br />
du concept anglo-saxon d'empowerment, qui permet d'affronter dans une nouvelle<br />
optique le lien entre tourisme et développement local. La problématique de la thèse<br />
s’est donc articulée autour de ce concept en s’interrogeant sur les potentialités du<br />
tourisme comme moteur de développement des communautés locales des pays du<br />
sud, c’est-à-dire permettant leur empowerment, aptes à les faire sortir des logiques<br />
d’assistentialisme, encore récurrentes au sein de l’aide au développement.<br />
L’empowerment peut être défini comme un processus permettant à la communauté<br />
locale de pouvoir décider et gérer de façon autonome ses propres choix politiques,<br />
12
économiques et sociaux afin de pouvoir prendre en charge sa propre destinée.<br />
Stromquist (2002) le définit comme un processus composé de quatre dimensions :<br />
cognitive, psychologique, politique et économique. Nous nous concentrerons sur les<br />
objectifs d’empowerment politiques et économiques, en analysant les aspects<br />
cognitifs et psychologiques en tant que moyens pour obtenir les deux premiers<br />
objectifs cités.<br />
La politique et l'économie sont interdépendants et complémentaires puisque<br />
l'indépendance économique renforce l'indépendance politique en permettant aux<br />
communautés de pouvoir choisir leur propre mode de développement.<br />
Cette recherche se veut empirique, basée majoritairement sur des expériences de<br />
terrain. La définition des problématiques de cette thèse s’est constituée pour<br />
répondre aux problèmes concrets émergés sur le terrain, dans le cadre de projets de<br />
coopération axés sur le développement du tourisme responsable. Contrairement à la<br />
pratique commune, il a été décidé de réaliser le travail de terrain en premier lieu,<br />
pour retourner à la théorie dans un second.<br />
Notre position se veut positive, pragmatique et à la recherche de solutions et bonnes<br />
pratiques. Il est nécessaire de sortir des logiques de victimisation où les<br />
communautés du Tiers-Monde sont présentées uniquement comme victimes d’une<br />
mauvaise planification touristique, soumis à un rapport de force inégal au sein du<br />
système monde et où le tourisme est présenté comme une nouvelle force postcolonisatrice.<br />
De nombreux auteurs issus de la théorie de la Dépendance sont très<br />
critiques quant au rôle du tourisme quel qu’il soit (de masse ou alternatif) comme<br />
facteur de développement pour les pays du Sud.<br />
« Alternative travel… works as a reassuring front for continued extension of the<br />
logistics of the commodity system, even as it masquerades as a (liberal) project of<br />
cultural concern, and despite the best intentions of its advocates » (Hutnyk, 1996,<br />
p.215).<br />
Cette critique radicale se base sur l’idée que le tourisme est un fidèle héritier du<br />
système capitaliste (le droit au tourisme proclamé dans les pays Occidentaux après la<br />
Seconde Guerre Mondiale est loin d’être un droit pour tous), inscrit dans un système<br />
13<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
mondial inégalitaire. Malgré les meilleures intentions, il serait impossible que le<br />
tourisme se transforme en instrument de développement pour les pays du Sud.<br />
Cette analyse fort intéressante, ayant le mérite d’intégrer une réflexion sur les<br />
équilibres de pouvoir à l’échelle mondiale, ne laisse aucune place à la proposition<br />
correctrice et donc à la possibilité de réformer ce système mondial tant critiqué.<br />
« Une condamnation sans égards du tourisme dans le Tiers-Monde semble<br />
inappropriée quand beaucoup de communautés qui luttent pour trouver des moyens<br />
pour améliorer leur niveau de vie, ont identifié le tourisme comme stratégie<br />
principale pour le développement ». (Traduction libre. Scheyvens, 2002, p.3).<br />
La position qui veut être soutenue au long de cette thèse et pour lequel l’auteur<br />
cherche à trouver une application pratique quotidienne et professionnelle est la<br />
suivante : privilégier uniquement la critique constructive c’est-à dire assortir la<br />
critique d’une proposition. A quoi bon porter une critique radicale, qui ne propose<br />
pas de solutions de rechange et porte donc à l’inaction et à la consolidation de l’état<br />
de fait remis en question ?<br />
Dans l’optique de faire bénéficier les populations locales du tourisme, il est difficile de<br />
trouver des éléments de réponse dans des théories aussi critiques. Quelle serait donc<br />
la solution ? Le meilleur touriste est-il celui qui reste chez lui ? Faut-il prôner la fin du<br />
tourisme ? Et surtout ces détracteurs seraient-ils eux même prêts à renoncer à leur<br />
droit et plaisir de voyager ?<br />
L’approche qui souhaite être développée dans cette thèse, loin des simplifications<br />
dualistes, est celle de la nuance et de la recherche de solutions, sans occulter la<br />
complexité de la réalité.<br />
Bien que le tourisme ne doit pas être vu comme une panacée, comme la solution<br />
miracle pour répondre aux problèmes du développement, on ne peut nier ses<br />
potentiels effets positifs. L’enjeu réside donc dans la maximisation des effets<br />
bénéfiques et la minimisation de ceux négatifs (qui existent et ne seront pas passés<br />
sous silence…). En tenant compte de la dépendance, du manque de pouvoir de<br />
nombreux Etats des pays du Tiers-monde dans l’arène globale et la position<br />
marginalisée des communautés du Tiers-Monde, le développement doit embrasser<br />
14
des valeurs telles que l’autosuffisance, l’autodétermination et l’empowerment, aussi<br />
bien que l’amélioration des conditions de vie de ses habitants (Friedmann 1992,<br />
Mowforth and Munt 1998, Scheyvens 2002).<br />
Le tourisme de masse (ou conventionnel) et le tourisme alternatif seront comparés<br />
pour examiner à quel titre ces deux formes de tourisme peuvent jouer un rôle positif<br />
en terme de développement.<br />
Avec une formation de base en sciences politiques et plus spécifiquement en<br />
économie sociale, cette thèse se focalisera sur les piliers politiques, sociaux, humains<br />
et économiques de la durabilité. Si la problématique environnementale n’est<br />
quasiment pas traitée au cours de l’analyse, c’est par manque de compétences en la<br />
matière et non pour dévaloriser son importance cruciale. Plutôt que d’insérer<br />
quelques banalités sur le sujet, il sera laissé le soin au lecteur de se reporter à des<br />
travaux de collègues environnementalistes pour compléter leur vision.<br />
L’empowerment est un terme majeur du débat puisque de nombreuses politiques de<br />
développement ont été mises en place jusqu’à présent pour les communautés et non<br />
par les communautés. En introduisant des réflexions sur l’empowerment, la relation<br />
entre politique et tourisme doit être analysée parce que le politique, réduit à son sens<br />
plus propre, traite des relations de pouvoir.<br />
Le concept de pouvoir peut être défini comme suit: « The probability that one actor<br />
within a social relationship will be in a position to carry out this own will despite<br />
resistance » (Weber cité dans Sofield, 2003).<br />
Le concept d’empowerment peut être conçu come le résultat d’un processus social<br />
permettant le changement des relations de pouvoir entre les acteurs (au niveau<br />
communautaire, national et international) et notamment la relation asymétrique de<br />
pouvoir entre la communauté et la société nationale. La science politique conçoit<br />
l’empowerment en termes de réassignation de pouvoir à un groupe, une communauté<br />
ou une nation ayant préalablement subi une aliénation forcée de leur pouvoir (James<br />
1992, Lijphart 1995 cité dans Sofield 2003, p.80). Cet élément de récupération de<br />
pouvoir suite à un antérieur disempowerment est absent dans les autres disciplines.<br />
15<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Les recherches sur le tourisme sont souvent orientées vers les impacts de cette<br />
activité : le discrédit moral imputé à la distraction oisive de « privilégiés du Nord »<br />
dans des sociétés du Sud oblige le chercheur à se positionner « pour »ou « contre»<br />
sans s’intéresser à toutes les dynamiques de cette activité fortement humaine, qui a<br />
beaucoup à nous apprendre sur les sociétés humaines. Lors de conférences<br />
académiques sur le thème, ce sont souvent des débats féroces et partisans qui se<br />
mettent en place et on prête au tourisme de nombreux maux, en le décontextualisant<br />
du système dans lequel il est inséré (système capitaliste).<br />
Le champ du tourisme est investi par les experts en développement qui font miroiter,<br />
aux états ou aux communautés locales en crise, des retombées mirobolantes, et par<br />
d’autres spécialistes qui cherchent à prendre le contre-pied de ces discours en<br />
montrant tous les effets négatifs du tourisme sur l’environnement et les sociétés.<br />
Avec le profil assez éclectique qu’est le mien, il s’agissait d’aborder le tourisme d’une<br />
façon originale, en traitant des liens entre tourisme et politique, totalement laissés à<br />
l’écart au sein de la recherche et en abordant les relations tourisme et pouvoir, la<br />
problématique de l’identité, du changement politique et social. Nous nous<br />
intéresserons à la question clé de l’utilisation (récupération) politique du tourisme<br />
pour des questions de pouvoir. En effet, le tourisme est devenu un véritable enjeu<br />
stratégique pour des groupes ou des états engagés dans des luttes particulières<br />
(Olivier Dehoorne, ).<br />
Méthodologie<br />
L’adoption d’une approche dialectique dans l’étude du tourisme semble la plus<br />
appropriée pour émettre un discours critique. Un argument dialectique n’est pas le<br />
résultat d’une hypothèse abstraite mais des points de vue déjà présents dans la<br />
communauté ; sa conclusion ne se présente pas comme preuve formelle mais comme<br />
une compréhension partagée sur le thème en question (Majone, 1989, p.6)<br />
Selon Roche, des formes de conceptualisation dialectiques sont nécessaires « to<br />
appreciate the difference and interdependence between social facts and social<br />
16
values, between theory and description, and between theory and policy» (Roche,<br />
1992, p.591)<br />
De nombreuses analyses sociopolitiques échouent à contextualiser leur analyse de<br />
façon appropriée en référence à nombres de processus en cours qui affectent<br />
clairement la position du tourisme tels que les changements structurels macro qui<br />
caractérisent la modernisation de la société contemporaine. Il est nécessaire<br />
d’inscrire le tourisme dans un contexte de :<br />
- postmodernisme : caractérisé par la fragmentation culturelle, relativisme<br />
moral et esthétique, consumérisme et hédonisme.<br />
- Post industrialisme : passage de l’industrialisation à une société de services et<br />
de hautes technologies<br />
- Post-nationalisme : caractérisé par la globalisation économique, l’émergence<br />
d’un niveau transnational distinctif et prédominant.<br />
Le tourisme doit également être recontextualisé au sein du système capitaliste<br />
(Britton, 1991). L’utilisation du temps libre n’est pas seulement le résultat de forces<br />
économiques et sociales mais l’aboutissement d’une lutte politique.<br />
« Tourism is a product of capitalist society and cannot be understood without<br />
references to it » (Hall, 1998, p.192).<br />
17<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Historique des théories et approches méthodologiques<br />
Tableau 1 : Evolution des perspectives académiques dans la recherche en tourisme.<br />
1950-1960<br />
Période dominée<br />
par la théorie de la<br />
modernisation<br />
De nombreux<br />
gouvernements<br />
adoptent le tourisme<br />
comme stratégie pour<br />
internationaliser leur<br />
économie, faire entrer<br />
des devises étrangères<br />
et servir leurs objectifs<br />
de développement<br />
(incitations à<br />
l’investissement)<br />
Très peu d’exemples<br />
de gouvernements qui<br />
rejettent le tourisme<br />
ou tentent de contrôler<br />
sa croissance et ses<br />
impacts (ex : Bhoutan)<br />
L’intérêt académique<br />
pour le tourisme est<br />
dominé par les<br />
économistes<br />
convaincus que le<br />
développement du<br />
tourisme dans les PED<br />
est un élément positif,<br />
moteur de<br />
développement et de<br />
modernisation<br />
1970-1985<br />
Période dominée<br />
par la théorie de la<br />
dépendance<br />
Développement des<br />
ONG et des<br />
organisations qui<br />
surveillent les impacts<br />
négatifs du tourisme<br />
(groupes de<br />
contestation à Goa en<br />
Inde)<br />
Des<br />
environnementalistes,<br />
sociologues,<br />
anthropologues et<br />
géographes<br />
s’intéressent aux<br />
impacts du tourisme<br />
sur la population locale<br />
et l’environnement. Ils<br />
s’appuient sur la<br />
théorie de la<br />
dépendance qui<br />
soutient que les<br />
entreprises du Nord<br />
exploitent les<br />
ressources et les<br />
personnes du Sud<br />
Emergence de débats<br />
pour définir de<br />
nouvelles stratégies<br />
alternatives de<br />
développement,<br />
conjugué à la naissance<br />
du concept de tourisme<br />
durable et de tourisme<br />
vert<br />
1985-fin des années 90<br />
Période dominée par le<br />
néolibéralisme et<br />
développement de<br />
perspectives critiques<br />
La position néolibérale<br />
soutenue par les<br />
organismes internationaux<br />
(FMI) voit dans le tourisme<br />
un moyen de gagner des<br />
devises étrangères et de<br />
payer la dette. La<br />
libéralisation totale est<br />
conseillée.<br />
Développement des<br />
perspectives critiques :<br />
- Approche du<br />
développement<br />
durable : Soutien du<br />
développement à travers<br />
l’usage responsable des<br />
ressources naturelles.<br />
Emergence du concept<br />
d’écotourisme<br />
- Approche<br />
postmoderne : reconnait<br />
la capacité d’action des<br />
populations locales, leur<br />
possibilité d’influencer le<br />
type de tourisme qui sera<br />
développé<br />
- Approche<br />
néopopuliste :<br />
reconnaissance de<br />
l’existence de problèmes qui<br />
découlent du manque de<br />
participation des<br />
populations locales dans le<br />
développement du<br />
tourisme. Soutien des<br />
stratégies qui visent<br />
l’empowerment des<br />
communautés.<br />
Identification des<br />
problèmes concernant la<br />
redistribution des bénéfices<br />
du tourisme<br />
Source : Inspiré de Scheyvens 2002, p.24, traduction libre)<br />
18<br />
2000+<br />
Période dominée par<br />
la multiplication et la<br />
combinaison de<br />
différentes approches<br />
Développement de niches<br />
de marché pour répondre<br />
à la demande des<br />
touristes pour un<br />
tourisme plus éthique et<br />
respectueux de<br />
l’environnement<br />
Débat pour déterminer si<br />
les nouvelles formes de<br />
« tourisme alternatif »<br />
sont seulement un<br />
instrument marketing<br />
Le paradigme<br />
néolibéral domine les<br />
études sur le<br />
développement (Blaikie<br />
2000)<br />
Les théories de la<br />
« néo-dépendance »<br />
soutiennent que le<br />
tourisme conventionnel et<br />
les nouvelles formes de<br />
tourisme créent de la<br />
dépendance et perpétuent<br />
des relations de pouvoir<br />
inégales entre le Nord et<br />
le Sud.<br />
Prédominance de<br />
l’approche<br />
postmoderne<br />
notamment sur le thème<br />
de l’identité culturelle<br />
dans les communautés.<br />
Croissance de la<br />
responsabilité sociale<br />
d’entreprises dans le<br />
secteur du tourisme
Entre les années 50 et 70, la recherche s’accordait à analyser la croissance du<br />
tourisme dans les PED comme un élément positif, moteur de développement en se<br />
basant sur les théories de la modernisation. C’est à partir des années 70, dans les<br />
lignées de la théorie sur la dépendance, que la littérature critique sur les potentialités<br />
du tourisme comme facteur de développement pour les pays du Sud a commencé à se<br />
développer abondamment.<br />
La théorie de la dépendance a cependant été remise en question puisque les études<br />
sur le lien local-global ont montré que le pouvoir n’est pas unidirectionnel et qu’il est<br />
simpliste d’analyser le tourisme comme uniformément exploiteur des populations et<br />
des territoires du Sud. Plutôt que de penser que la globalisation représente une force<br />
incontrôlable, il est plus intéressant d’analyser comment les procédés globaux sont<br />
négociés et réinterprétés au niveau local (Parnwell, 1998, 214).<br />
Depuis une vingtaine d’années, différentes approches se sont donc multipliées et<br />
coexistent dans le monde de la recherche, dont les plus intéressantes nous semblent<br />
être le néopopulisme et le postmodernisme.<br />
Les paradigmes postmodernes et néopopulistes possèdent certains caractères<br />
communs :<br />
• rejet de la modernisation<br />
• prise en compte de la diversité ;<br />
• soutien à l’action locale et écoute des attentes locales<br />
• reconnaît que les relations de pouvoir influencent l’établissement des<br />
agendas de recherche et des priorités de développement ;<br />
• rejet de la notion de vérité universelle ;<br />
• acceptation que la définition du développement est contestée et<br />
subjective (Blaikie 2000 : 1045)<br />
Le postmodernisme cherche à saisir la complexité des formes par lesquelles le<br />
tourisme interagit avec la population locale (impacts sur la culture) et<br />
19<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
l’environnement, en rejetant les simples dualismes tels que l’hypothèse que le<br />
tourisme conventionnel est forcément mauvais pour les communautés alors que le<br />
tourisme alternatif forcément bon. (Scheyvens, 2002). Il réfute également l’hypothèse<br />
selon laquelle le tourisme éroderait systématiquement les cultures locales. Il existe au<br />
sein de la population locale des agents actifs qui peuvent être capables d’adapter les<br />
processus du tourisme à leurs propres circonstances et avantages (Cheong et Miller<br />
2000). Concevoir les communautés locales comme des agents uniquement passifs et<br />
victimes serait réducteur.<br />
L’analyse postmoderne des questions de développement fourni de précieuses<br />
critiques mais omet de conceptualiser ce qui pourrait être fait pour améliorer la<br />
pratique de la coopération au développement à la lumière de ces critiques (Simon<br />
1997). Le paradigme néopopuliste a par contre essayé de répondre à cette faille en<br />
s’attelant à proposer des stratégies pour que les pays du Sud puissent s’engager dans<br />
le tourisme de façon bénéfique.<br />
Participation, empowerment et développement durable : la<br />
rhétorique néopopuliste<br />
Les termes « participation » et « développement durable » sont largement<br />
utilisés dans le jargon du développement. En ce qui concerne le terme<br />
d’empowerment, même si omniprésent dans la littérature anglo-saxonne, il est<br />
beaucoup moins utilisé dans la littérature francophone ou latine.<br />
Les perspectives néopopulistes et du développement durable se focalisent sur des<br />
processus de développement ascendants, à petite échelle et centrés sur les contextes<br />
locaux.<br />
L’approche néopopuliste est née à la fin des années 70, en réaction à la critique de<br />
l’approche de modernisation descendante (du haut vers le bas) et technocentriste<br />
dans l’optique de réaffirmer la légitimité des protestations populaires et des<br />
mouvements de développement de base (Scheyvens 2002). Les néopopulistes<br />
soutiennent que le développement doit permettre de « empower » les personnes afin<br />
qu’elles prennent conscience de leurs droits civiques, puissent prendre le contrôle de<br />
20
leur vie et faire leurs propres choix. Les savoirs-faires et connaissances locales<br />
indigènes doivent êtres mises en valeur et tout processus de développement doit<br />
s’appuyer sur les ressources locales (Friedmann 1992). L’apport des néopopulistes<br />
dans le domaine de la recherche se concentre sur la prédominance de la société civile<br />
qui est habituellement oubliée dans la planification touristique puisque le tourisme<br />
est censé être régulé par les forces du marché et contrôlés par les Etats. Les stratégies<br />
des néopopulistes se concentrent souvent sur le rôle des ONG et des organisations<br />
volontaires pour soutenir les processus d’empowerment.<br />
Méthode de recherche :<br />
Une approche multidimensionnelle a été adoptée pour poursuivre les objectifs<br />
de la recherche. Des emprunts à la science politique, la sociologie, l’économie et<br />
l’ethnographie ont été fort utiles pour cerner la diversité des enjeux en question.<br />
Une analyse très large de la littérature existante a été effectuée couvrant des thèmes<br />
d’étude variés : théories sur l’empowerment, théories du développement, le rôle du<br />
tourisme comme facteur de développement, les interactions entre tourisme et<br />
politique, l’utilisation du tourisme par les populations indigènes, le concept de<br />
tourisme communautaire, la thématique de commercialisation, les bonnes pratiques<br />
des projets de coopération en tourisme, la distinction tourisme alternatif/tourisme de<br />
masse, la classification des différents types de tourisme alternatif.<br />
Une idée très communément répandue au sein des études sur le tourisme est<br />
l’extériorité du phénomène touristique, qui viendrait s’imposer de l’extérieur à des<br />
sociétés qui seraient donc contraintes à en subir les conséquences. Il serait analysé<br />
comme une nouvelle forme d’exploitation du Sud par le Nord avec des touristes<br />
occidentaux, qui par leur présence, viendraient pervertir les sociétés ingénument<br />
perçues comme paradisiaques. 1<br />
1 Ces discours très communs surtout dans les années 80 ont été l’objet d’une analyse très poussée par l’équipe<br />
MIT dans le premier chapitre du livre « Tourismes 1. Lieux communs », Belin, Paris.<br />
21<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
On reproche au tourisme des caractéristiques qui ne découlent pas proprement de lui<br />
mais qui sont le reflet d’un système général inégalitaire. Il faut essayer de débrouiller<br />
les fils et arrêter d’analyser le tourisme comme s’il était déconnecté de toute réalité<br />
politico sociale dans laquelle il est émergé.<br />
De nombreux chercheurs en tourisme s’indignent du caractère servile, dégradant et<br />
non qualifié des emplois réservés aux autochtones dans le secteur touristique.<br />
L’industrie touristique, généralement gérée au niveau local, ne fait que reproduire le<br />
schéma dominant du monde du travail. Ce qui est à dénoncer n’est pas la spécificité<br />
de la situation des autochtones dans le domaine touristique mais la ségrégation dont<br />
ces derniers sont victimes à tous les niveaux de la société. Les abus et injustices<br />
doivent être dénoncés mais replacés dans leur contexte général pour essayer<br />
d’analyser à quel point ces dernières sont issus du système ou sont crées par le<br />
tourisme. Il ne faut pas perdre de vue que les injustices qui se manifestent dans le<br />
tourisme ont des conséquences ou des racines qui dépassent largement ce secteur<br />
Etude de cas :<br />
L’étude de cas réalisée détaille des données politiques et socioéconomiques<br />
liées à une situation particulière, à partir desquelles des conclusions théoriques sur le<br />
thème du tourisme et de l’empowerment ont pu être déduites. Cette étude a<br />
enregistré une implication directe de l’auteur en tant que coopérante et est donc très<br />
éloignée de l’observation participante neutre. Une implication aussi directe dans les<br />
projets de développement étudiés peut être considéré aussi bien comme un biais de la<br />
recherche que comme une force. Un des reproches récurrents faits à la recherche est<br />
sa déconnection de la réalité. En ce sens, la position particulière d’intervenante<br />
directe dans le monde de la coopération, a permis d’orienter les thématiques de la<br />
recherche dans une optique de résolution des problèmes. L’auteure a tenté autant que<br />
possible de maintenir une objectivité, nécessaire à la recherche scientifique et une<br />
analyse critique quant au rôle et limites de la coopération internationale.<br />
L’étude de cas s’est déroulée dans les camps réfugiés Sahraouis en Algérie (Tindouf)<br />
sur une période globale d’environ deux ans (2006-2008). L’implication initiale s’est<br />
traduite par une recherche bibliographique intense ayant pour but de saisir la<br />
22
complexité du conflit politique autour du Sahara Occidental, impliquant le<br />
gouvernement marocain et le gouvernement politique des Sahraouis exilés en Algérie<br />
(RASD = république Arabe Sahraouie démocratique). L’autre axe d’interrogation s’est<br />
focalisé sur la thématique de la création de l’identité nationale Sahraouie et la mise en<br />
place d’une politique du patrimoine dans les camps réfugiés. Le troisième axe s’est<br />
centré sur une problématique plus anthropologique, celle de l’ouverture de la société<br />
Sahraouie à des influences culturelles extérieures (par la présence forte de coopérants<br />
et d’associations de solidarité dans les camps depuis plus de trente ans) et les impacts<br />
culturels qui en découlent sur la communauté d’accueil.<br />
Des contacts réguliers avec l’ANSPS, (l’association nationale italienne de solidarité<br />
avec le peuple Sahraoui) et la représentation de la RASD en Italie ont été maintenus<br />
entre 2005 et 2008 pour analyser l’activisme Sahraouie. Au sein de notre travail dans<br />
le centre de recherche du CIRPS (Unité TPPA) en 2005-2006, l’auteure a été chargée<br />
de l’organisation de plusieurs manifestations de soutien en faveur du peuple Sahraoui<br />
et de conférences académiques.<br />
Deux missions de terrain (d’environ trois semaines) ont été effectuées. Une en février<br />
2007 en tant que coordinatrice de projet d’une étude de faisabilité en tourisme,<br />
financée par la coopération décentralisée italienne (durée : trois mois). L’autre<br />
mission s’est en revanche déroulée en décembre 2007-janvier 2008, en tant<br />
qu’accompagnatrice d’un groupe de touristes responsables, réalisant un voyage test<br />
dans les camps réfugiés.<br />
Des contacts sont encore en cours avec deux ONG italiennes dans l’optique de<br />
présenter une demande de financement à des organismes nationaux ou<br />
internationaux (Ministère des affaires étrangères italiennes ou Union européenne)<br />
pour réaliser un projet de développement en tourisme responsable dans les camps.<br />
Ce cas d’étude, réalisé dans un territoire non « touristifié », a permis d’organiser une<br />
réflexion plus poussée sur le thème de l’empowerment politique bien que les<br />
thématiques sociales, psychologiques et économiques aient été analysées de façon<br />
transversale.<br />
23<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Originalité et innovation<br />
Le choix des thématiques approfondies au long de cette thèse a été guidé par le<br />
désir d’innovation. Au niveau théorique, cela s’est traduit par un travail de révision de<br />
la littérature et par l'approfondissement de certaines problématiques qui ne sont<br />
qu’ébauchées au niveau de la recherche, mais qui sont omniprésentes au niveau du<br />
terrain. Dans chacune des trois parties développées, le choix d’une problématique<br />
originale permet de faire avancer le débat théorique sur une thématique précise.<br />
L’innovation a notamment été rendue possible par l'utilisation d'une bibliographie<br />
internationale vaste, permettant de croiser diverses informations et théories qui<br />
n’avaient pas été combinées précédemment. A cet effet a été utilisée une<br />
bibliographie italienne, française, anglo-saxonne et latino-américaine (argentine et<br />
brésilienne en particulier). Les expériences de terrain en tant que consultante ou<br />
coopérante, réalisées en parallèle, nous ont permis de remettre constamment en<br />
doute les analyses théoriques pour les confronter à la réalité du terrain.<br />
Par la présentation de la structure de la thèse, nous chercherons à souligner les<br />
innovations présentées dans chaque partie sur les thématiques en question.<br />
1. Tourisme et développement : contribution des différents<br />
types de tourisme alternatif à l'empowerment des communautés.<br />
Cette première partie, majoritairement théorique a pour objectif d'éclaircir les<br />
énormes confusions théoriques qui existent entre les nombreux types de tourisme<br />
alternatif (tourisme solidaire, responsable, éthique, équitable, communautaire,…).<br />
Lors de participation à diverses conférences internationales, il est émergé avec clarté<br />
qu’il n'existe pas un consensus clair autour des définitions de tous ces concepts,<br />
même en se limitant au seul monde académique ou aux professionnels du terrain.<br />
Pour réaliser cette catégorisation et clarification épistémologique, des travaux<br />
existants ont été utilisés (L. Jolin, M Deslisle, 2007). Elle est aussi le résultat de<br />
nombreux entretiens réalisés auprès de chercheurs, acteurs de terrain, touristes,<br />
communautés locales, lors du parcours académique et professionnel de l’auteur. On<br />
ne se limitera pas à la seule définition des différents concepts, mais il sera question de<br />
24
s’interroger sur la portée de leur contribution à l'empowerment des communautés. La<br />
question posée est la suivante : ces types de tourisme cherchent-ils à alimenter des<br />
dynamiques de développement ou restent-ils dans l'optique de la solidarité et de<br />
l'assistentialisme ? Après l’analyse théorique, nous avons tenté d’apporter un œil<br />
critique sur la pratique du tourisme alternatif en France et en Italie, toujours selon le<br />
même axe problématique, en analysant le mode de fonctionnement des structures de<br />
l’AITR (Associazione italiana di turismo responsabile) et de l’ATES (Association de<br />
tourisme équitable et solidaire).<br />
2. Les projets de développement en tourisme communautaire entre<br />
recherche de rentabilité et développement : analyse du rôle des acteurs,<br />
difficultés et bonnes pratiques.<br />
La deuxième problématique de cette recherche est née pour répondre aux<br />
problèmes pragmatiques et concrets auxquels la majorité des projets de coopération<br />
en tourisme se confrontent. Le concept de tourisme communautaire est un concept<br />
extrêmement ambigu et idéaliste qui implique l’idée d’une participation<br />
communautaire et d’une large distribution des bénéfices au sein des communautés<br />
locales. Comment assurer un réel développement local communautaire à travers le<br />
tourisme sans se limiter à la création d’épisodes productifs isolés n’impliquant que<br />
quelques membres de la communauté ? Cela revient à se demander comment passer<br />
de la croissance au développement. Nous essaierons également d’identifier quels sont<br />
les acteurs les plus aptes à accompagner les communautés locales dans la<br />
planification du tourisme communautaire ? ONG, Etat, secteur privé ?<br />
En se centrant sur l’analyse de cas pratiques en Amérique Latine, nous chercherons à<br />
identifier les variables clefs permettant le succès ou l’échec des projets de<br />
développement communautaire, aussi bien en termes de rentabilité que<br />
d’empowerment.<br />
Pour finir, nous nous concentrerons sur la thématique clé qui pose d’énormes<br />
difficultés à l’ensemble des ONG ou communautés ayant mis sur pied des projets : la<br />
thématique de la commercialisation. Même si cela semble une évidence, il est<br />
nécessaire de le répéter : s'il n'y a pas de touristes, les projets mis en place échouent.<br />
Cette problématique de la commercialisation/promotion émerge souvent comme<br />
25<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
souci prioritaire des professionnels du secteur et des communautés lors des forums<br />
internationaux de tourisme responsable, alors qu’il n'existe presque aucun travail<br />
académique pour tenter d’y répondre. L’AITR travaille actuellement sur l’élaboration<br />
de bonnes pratiques en matière de projets de coopération en tourisme et a intégré<br />
cette problématique dans son analyse. Elle propose d’intégrer les TO de tourisme<br />
responsable comme partenaires initiaux dans les projets de coopération en tourisme,<br />
afin qu'ils s'occupent de la partie purement commerciale et marketing du projet, et<br />
qu’ils assurent la commercialisation du voyage à leurs clients. Ces recommandations<br />
sont très pertinentes et permettent de faire un pas en avant mais un énorme<br />
problème reste sous silence : les voyageurs de TR ne représentent pas plus de 4% du<br />
marché touristique. Un TO de l’AITR ne fera voyager dans l'arc d'un an que 2 à 6<br />
groupes (de maximum 12 personnes chacun) sur une destination. Ce faible flux ne<br />
permet pas d'assurer la rentabilité et la durabilité des projets de tourisme, ce qui<br />
fragilise non seulement les possibilités d'empowerment économique mais également<br />
politiques, culturelles et sociales. Cette dernière partie cherche à proposer des<br />
solutions concrètes pour faire face à ce problème, en abordant les thèmes de la<br />
diversification des canaux de distribution (TO classiques) mais aussi les problèmes<br />
qui en émergent.<br />
3. Le tourisme communautaire comme instrument d’empowerment<br />
dans un monde globalisé<br />
Étudier le tourisme comme instrument d'empowerment politique peut<br />
permettre d'enrichir le débat sur la contribution de ce secteur au développement et à<br />
la lutte contre la pauvreté en se concentrant sur les conséquences politico- sociales de<br />
la pauvreté, c'est-à-dire la marginalisation des processus décisionnels (« cercles de<br />
pouvoir »). Les liens entre tourisme et politique ont été très peu étudiés dans la<br />
littérature. La recherche sur le thème de l’empowerment politique est inexistante au<br />
sein de la littérature italienne et française (exception faite de la thèse forte<br />
intéressante de Volle A. sur l’utilisation du tourisme par les Mapuche, 2005) et ne se<br />
voit traitée que sporadiquement ou transversalement par certains auteurs anglosaxons<br />
(Hall 2004, Harrison 2001). Selon Harrison, le tourisme peut être utilisé à des<br />
fins politiques plus qu'économiques (Harrison, 2001). En partant de ces bases<br />
théoriques existantes, il est possible d’émettre l’hypothèse que les communautés<br />
locales peuvent également favoriser le tourisme pour des motivations politiques. En<br />
26
econtextualisant le tourisme au sein d’un monde globalisé marqué par l’émergence<br />
de forts mouvements sociaux transnationaux, il est possible de percevoir le tourisme<br />
comme facteur de changement social. L’ouverture au monde des communautés<br />
locales leur permet de bénéficier d’une visibilité à l’échelle mondiale, à même de<br />
pouvoir augmenter leur pouvoir de négociation face au pouvoir politique national ou<br />
local. Nous conceptualiserons cette théorie novatrice dans un graphique « Le<br />
tourisme comme instrument de développement politico social : un modèle<br />
d’empowerment dans un monde global ». L’innovation de ce graphique consiste à<br />
proposer une connexion entre empowerment politique et économique2 , une<br />
distinction entre processus d’empowerment endogène et exogène mais surtout à<br />
analyser la valeur ajoutée que peut représenter le justice tourism dans un contexte de<br />
mise en réseau transnational.<br />
Définition de la terminologie à utiliser<br />
Il est nécessaire de s’interroger sur le choix du vocabulaire qui sera utilisé le<br />
long de cette thèse.<br />
1. Qu’est-ce que le tourisme ?<br />
Le tourisme est un champ difficile d’étude qui nécessite d’avoir une vision<br />
pluridisciplinaire. « Le tourisme « vend de la relation », et l’être humain est « être de<br />
relation » » (J.M. Joly, 2000, p.13) : le tourisme est un domaine complexe très<br />
largement affaire de sensibilité et d’émotions. Ces émotions se focalisent notamment<br />
sur un débat loin d’être récent qui distingue le voyageur du touriste.<br />
Qu’est-ce qu’un touriste ?<br />
Pour l’OMT (Organisation Mondiale du Tourisme), un touriste est soit un<br />
visiteur soit un voyageur. Les visiteurs regroupent les voyageurs - comptabilisés à<br />
partir des nuitées - et les visiteurs d’un jour – les excursionnistes.<br />
2 En effet, l’empowerment économique ne garantit pas nécessairement l’empowerment social et politique<br />
(Friedman, 1992) mais l’indépendance économique et sociale engendre de l’autonomie politique.<br />
27<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Pour l’OMT, « le tourisme est un déplacement hors de son lieu de résidence habituel<br />
pour plus de 24 heures mais moins de 4 mois, dans un but de loisirs, un but<br />
professionnel (tourisme d’affaires) ou un but sanitaire (tourisme de santé) ».<br />
Le changement de lieu, la durée et les motifs du séjour, déterminent les formes et la<br />
classification des types de tourismes. Sur cette base, on distingue le tourisme<br />
intérieur, le tourisme extérieur (avec franchissement de frontières) et les motifs.<br />
L’OMT propose la classification des motifs de visite suivante :<br />
• Loisirs, détente et vacances ;<br />
• Visites à des parents et amis ;<br />
• Affaires et motifs professionnels ;<br />
• Traitement médical ;<br />
• Religion et pèlerinages ;<br />
• Autres.<br />
Un touriste est un homme en voyage… et c’est bien des qualités de cet homme que<br />
dépendront les qualités de ce touriste.<br />
Négativité associée au terme « touriste »<br />
Le mot « touriste » a une acception très négative dans les sociétés européennes<br />
puisque tout le monde essaie de se soustraire à ce qualificatif en lui donnant une<br />
définition propre qui lui permet de s’exclure de la catégorie très décriée de « vil<br />
touriste » pour être associé à l’ « authentique voyageur ». Ce dernier est perçu<br />
comme un « non touriste », comme quelqu’un conscient des impacts négatifs du<br />
tourisme et de la stigmatisation sociale du tourisme de masse.<br />
Le touriste qui refuse de se définir comme tel se proclame culturellement attentif,<br />
socialement responsable et environnementalement neutre et cherche donc à se<br />
définir par le terme de « voyageur » ; Comme si les choses étaient si simples et que la<br />
simple utilisation du label voyageur enlèverait au tourisme tous les problèmes qui lui<br />
sont liés.<br />
28
La différence entre touriste et voyageur semble trop facile au sens où le touriste serait<br />
un voyageur sans qualité : lorsque le voyageur est actif, le touriste lui est passif,<br />
lorsque le voyageur est curieux l’autre est ennuyé. Le touriste accepterait sa forme de<br />
civilisation sans la remettre en question alors que le voyageurs la compare avec<br />
d’autres et devient critique sur certains aspects de sa propre culture (Canestrini,<br />
2004, p.18). Le voyageur partirait sans buts et s’adapterait à des endroits non<br />
touristiques, c’est-à-dire sans infrastructure spécifique alors que le premier utilise<br />
l’industrie du tourisme… La différence entre touriste et voyageur est instrumentalisé<br />
par certains opérateurs afin de pouvoir vendre du rêve.<br />
Cette distinction reste pourtant forte dans l’opinion public et en tant que chercheuse<br />
ayant fréquemment abordé le thème avec des nombre de connaissances, confondre<br />
touriste et voyageur serait une grave erreur épistémologique selon eux. Nous ne nous<br />
attarderons pas sur ce débat, qui mériterait pourtant qu’on lui dédie un chapitre<br />
complet, mais déclarons qu’il ne sera pas réalisé de distinction dans cette thèse entre<br />
les deux termes. Qu’il soit touriste ou voyageur, l’important est d’étudier les impacts<br />
de ces personnes faisant des séjours à l’étranger, hors de leur pays de résidence. Nous<br />
rejoindrons Canestrini pour dire que nous faisons tous du tourisme « Facciamo tutti<br />
turismo, compresi gli antropolgi sul « campo » e i giornalisti di viaggio (…) i quali<br />
di soliti se ne tirano sdegnosamente fuori » (Canestrini, 2004, p.19).<br />
Au contraire des Européens, les latino-américains assument pleinement leur statut de<br />
touristes quand ils voyagent et s’étonnent de la perception négative de ce dernier<br />
outre-Atlantique. Devant une telle différence, on peut tenter d’apporter quelques<br />
hypothèses.<br />
Dans les pays occidentaux, le dénigrement du « tourisme » est le résultat d’une<br />
réaction de l’élite face à la démocratisation du voyage, qui en se massifiant, s’est<br />
converti en « tourisme ». L’exigence de distinction a rendu nécessaire de dénigrer ce<br />
qui est accessible pour la grande majorité. Ce discours élitiste se retrouve dans la<br />
bouche de tous et notamment dans celle de nombreux écrivains qui dès la fin du<br />
XIXème siècle, se plaignaient déjà de la massification et du vil touriste. La mode est<br />
toujours à la découverte de nouvelles contrées qui n’ont pas été empiétées par le<br />
tourisme et ce dans un objectif de distinction sociale.<br />
29<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Au contraire, en Amérique Latine, le tourisme reste le privilège d’une élite ou d’une<br />
classe moyenne aisée. En cela, il ne leur est pas utile de créer des discours de<br />
dénigrement de l’activité puisque l’accès au tourisme est de par lui-même symbole de<br />
distinction sociale.<br />
Il serait possible de continuer sur de longues pages cette distinction entre touriste et<br />
voyageur, étant donné le nombre d’arguments récupérés lors de différentes<br />
discussions avec des proches (conversations parfois mouvementées, faisant appel à<br />
un fort émotionnel), mais l’intérêt n’est pas considéré comme pertinent.<br />
2. Le développement : un champ sémantique complexe<br />
Malgré l'immense champ d'action et de recherche qu'il a généré ces trente<br />
dernières années, le concept de développement fait rarement l'objet d'une définition<br />
claire. La définition suivante, issue de la Conférence des Nations Unies sur la science<br />
et la technique au service du développement est de nature à rallier l'ensemble des<br />
organismes intervenant dans le domaine. Dans cette définition « idéaliste », le<br />
développement a les caractéristiques suivantes. Il s'agit d'un phénomène global et<br />
non pas seulement économique, qui doit être endogène et autodéterminé ; coopératif<br />
et collectif ; respectueux de la nature et du milieu culturel ; tourné vers «<br />
l'instauration d'un ordre social juste et équitable » ; «démocratique et innovateur »<br />
(Claveau 1988, p.86-87).<br />
Un problème de taille se pose dans la terminologie utilisée en sciences sociales pour<br />
désigner les objets d'étude dans le champ du développement. Non seulement est-il<br />
difficile de s'y retrouver dans les multiples vocables en usage mais la sensibilité des<br />
intellectuels aux effets de modes fait que les termes tombent en désuétude très<br />
rapidement, sans que des changements sociologiques véritables en justifient toujours<br />
l'abandon. (Dagenais, 1988). Ces efforts de clarification, de précision théorique de la<br />
part des spécialistes risquent même d'apparaître aux non spécialistes comme une<br />
querelle d'intellectuels, pour ne pas dire « un combat d'étiquettes » (Sachs 1987, p.<br />
19).<br />
30
Comment choisir entre les dénominations de pays en voie de développement (PED),<br />
pays sous-développés, Tiers-Monde, Sud, pays périphériques,…? se demande-t-on à<br />
l'instar de Sachs. La manière de désigner ces pays change selon l'angle sous lequel on<br />
les aborde et selon les solutions envisagées pour remédier à leurs problèmes. Depuis<br />
la fin du " Tiers-Monde " il n’existe plus de terme qui puisse emporter l'adhésion<br />
complète. La notion de " développement " elle-même se révèle de plus en plus<br />
problématique quand la précarité augmente dans les pays du Nord, alors qu'au Sud<br />
surgissent des pays " émergents " et que les problèmes de " développement " touchent<br />
l'est de l'Europe et les pays de l'ex-URSS. Tous ces termes ont des significations au<br />
delà de leur apparence première, qui sera détaillée ci-après.<br />
Tiers-monde : Le terme fut utilisé pour la première fois par le démographe Alfred<br />
Sauvy en 1952 et fait référence au Tiers États. Il avait une portée transformiste pour<br />
ne pas dire révolutionnaire. Depuis l’effondrement de l’empire soviétique, ce concept<br />
semble avoir perdu de son actualité dans sa version politique. Son correspondant<br />
anglais « Third world » reste cependant largement utilisé: « it helps to emphasize the<br />
ways in which power, resources and development are unequally and unevenly<br />
shared globally » (Mowforth et Munt, 1998, p.6).<br />
Pays en voie de développement (PVD) /pays en développement (PED) : On<br />
ne peut qu'être d'accord avec les auteurs qui la considèrent comme un « euphémisme<br />
» (Sachs 1987, p.19) ou « presque une antiphrase » (Latouche 1987, p.13). Cependant,<br />
elle acquiert un sens dynamique et politique certain lorsqu'elle est mise en rapport<br />
avec la notion de « surdéveloppement » (overdevelopment) telle que définie par<br />
Maria Mies (Mies, 1986, p.39). Celle-ci nomme « surdéveloppement » le processus<br />
par lequel les pays capitalistes occidentaux se développent aux dépens des pays<br />
pauvres, et « sous-développement » celui que ceux-ci connaissent en conséquence.<br />
C'est dans le même esprit que l’expression pays en développement sera utilisée dans<br />
cette thèse.<br />
Pays du nord et Pays du sud : C’est l’expression sûrement la plus utilisée<br />
actuellement dans la Francophonie (non en langue anglaise) pour désigner la<br />
partition du monde entre hémisphères nord et sud. C'est cependant une division qui<br />
ne rencontre pas les réalités mondiales (l'Australie et la Nouvelle-Zélande font partie<br />
31<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
des pays du sud mais ne sont pas des pays sous-développés et au contraire la Chine et<br />
l'Inde font partie de l'hémisphère nord). "Sud " tend à sous-entendre une situation<br />
figée : car s'il y a des permanences, ce sont bien les points cardinaux - ce nord que<br />
marque toujours la boussole... "Sud " se trouve alors synonyme de " pauvreté ", et non<br />
plus d'" exploitation " comme l'était " Tiers Monde " » (Gervais-Lambony P et Landy<br />
F, 2007). Ce terme de Sud n'a jamais atteint une popularité et un usage comparable à<br />
celui de Tiers-Monde jadis. De nouvelles terminologies, prétendument neutres et<br />
apolitiques, remplacent les anciennes.<br />
Pays riches et pays pauvres : cette notion se base sur le revenu par habitant.<br />
Cette conception employée par la Banque Mondiale ne reflète que la richesse<br />
moyenne d'un pays et non la situation réelle des habitants.<br />
Pays industrialisés et pays non-industrialisés : la plupart des pays étant<br />
industrialisés, cette distinction ne représente pas réellement une situation concrète.<br />
Dans la définition des choix terminologiques à utiliser, il sera adopté la position de<br />
Serge Latouche : « Pays sous-développés, pays en voie de développement, Tiers-<br />
Monde, Sud, périphérie, tous ces termes sont inadéquats, mais on ne peut s'en<br />
passer. Personnellement, je les utilise tous. D'une part, cela évite les répétitions. Et<br />
puis, étant tous inadéquats, ils sont tous aussi adéquats, d'une certaine façon parce<br />
qu'ils parlent d'une réalité qui se transforme, difficile à cerner ». (Latouche 1987, p.<br />
13)<br />
Sera privilégiée l’utilisation des notions de Pays en développement (PED), de Sud, et<br />
de Tiers-Monde opposées à celle de pays développés (PD) et de Nord. Ceci n'est<br />
contradictoire ni avec un regard critique sur les termes en eux-mêmes, ni avec la<br />
prise en compte du fait que les glissements des limites de ce Sud se produisent à<br />
toutes les échelles et parfois sans continuité territoriale.<br />
32
3. L’empowerment des communautés locales comme objectif<br />
Vers une définition de communautés<br />
La communauté, en droit français, désigne un collectif de personnes<br />
possédant et jouissant de façon indivise d'un patrimoine en commun. Elle s'oppose à<br />
la société et à l'association en ce qu'une communauté est formée indépendamment<br />
de la volonté de ses membres et qu'ils ne décident pas de leur implication. Dans une<br />
acception large, la communauté peut être définie comme «a social network of<br />
interacting individuals, usually concentrated into a defined territory». (Johnston<br />
2000, p.101). Milne va plus loin dans sa définition en ajoutant que la communauté<br />
peut « provide identity, meaning and a sense of self-worth to their members »<br />
(Milne 1998, p.40). Comme le soulignent ces différentes définitions, les<br />
communautés ne sont pas des entités homogènes caractérisées par des objectifs<br />
communs et par le désir de tous les membres de partager un mutuel bien-être, d’où la<br />
probabilité de l’émergence de conflits en son sein. Ce thème sera longuement<br />
développé dans notre réflexion. La deuxième difficulté qui peut émerger est la<br />
définition des limites d’une communauté. Par exemple, la communauté inclue-t-elle<br />
seulement les habitants du village adjacent à l’attraction touristique ou doit-elle<br />
également inclure les villageois de la zone avoisinante parce qu’ils bénéficient eux<br />
aussi de cette activité ?<br />
Vers une définition de l’’empowerment<br />
Le terme d’empowerment, même si omniprésent dans la littérature anglosaxonne,<br />
est beaucoup moins utilisé dans la littérature francophone ou latine. Il<br />
n’existe pas de consensus sur la traduction de ce terme en français. L’utilisation des<br />
concepts d’autonomisation ou de capacitation ne rend le sens que d’une partie du<br />
concept. En italien, la traduction « rafforzamento » est là encore peu fidèle au sens<br />
global. Seul l’espagnol, par la traduction littérale « empoderamiento » retransmet<br />
sans perdre de nuances la globalité du concept. L’absence de ce concept dans les<br />
langues françaises et italiennes ne serait-elle pas révélatrice d’une politique de<br />
développement encore trop assistentialiste menée par ces pays ?<br />
33<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Au long de cette thèse, nous maintiendrons de nombreux concepts en anglais, tels<br />
qu’empowerment, commodification, ownership pour ne pas perdre du sens en<br />
adoptant des traductions critiquables. Selon la définition commune de Wikipédia,<br />
l’empowerment correspond à « la prise en charge de l'individu par lui-même, de sa<br />
destinée économique, professionnelle, familiale et sociale. L'empowerment, comme<br />
son nom l'indique, est le processus d'acquisition d'un « pouvoir » (power), le pouvoir<br />
de travailler, de décider de son destin, de sa vie sociale en respectant les besoins et<br />
termes de la société. L'autonomie d'une personne lui permet d'exister dans la<br />
communauté sans constituer un fardeau pour celle-ci. La personne autonome est une<br />
force pour la communauté. »<br />
Une association peut atteindre l'empowerment en devenant plus autonome dans sa<br />
façon d'acquérir les fonds pour sa subsistance. Si elle vend ses services au lieu de<br />
dépendre passivement des fonds publics et des dons, elle est davantage maîtresse de<br />
sa destinée et renforce le milieu social en ne devenant pas un fardeau économique. En<br />
France, ce terme est employé dans le domaine des ressources humaines et très peu<br />
dans le cadre des réflexions sur la coopération au développement.<br />
Le terme d’autonomisation est le terme le plus couramment employé pour traduire le<br />
terme d’empowerment. Il convient donc de s’arrêter rapidement sur la définition du<br />
concept d’autonomie.<br />
Autonomie : En philosophie morale, l’autonomie est la faculté d'agir par soi-même<br />
en se donnant sa propre loi.<br />
Même si la traduction plus juste du concept d’empowerment en français serait celui<br />
d’autonomisation, il sera préféré maintenir le terme original anglais et tous ses<br />
proches : disempowerment, to empower, empowered, disempowered.<br />
L’empowerment a pour objectif de permettre aux membres d’une communauté de<br />
maîtriser leur propre environnement et d’atteindre l’auto-détermination. Pour cela, le<br />
changement des structures sociales est une condition nécessaire. Ce cadre d’analyse<br />
sur l’empowerment s’avérera être un instrument fort utile pour évaluer le degré<br />
d’empowerment des populations locales acquis suite à un projet de développement<br />
touristique.<br />
34
Tableau 2. Potentialités du tourisme en termes d’empowerment et de disempowerment<br />
des communautés locales<br />
Empowerment<br />
économique<br />
Empowerment<br />
psychologique<br />
Empowerment<br />
social<br />
Empowerment<br />
politique<br />
Signes d’empowerment Signes de disempowerment<br />
- Gains économiques visibles<br />
(amélioration des maisons, plus<br />
d’enfants à l’école,…)<br />
- Les bénéfices gagnés sont partagés<br />
entre de nombreux ménages dans la<br />
communauté<br />
- Augmentation de l’estime de soi grâce<br />
à la reconnaissance de l’unicité et de la<br />
valeur de leur culture, de leurs<br />
ressources.<br />
- L’accès à l’emploi et à un revenu<br />
permet aux secteurs traditionnellement<br />
défavorisés (jeunes, pauvres)<br />
d’améliorer leur statut social<br />
- Amélioration de la cohésion de la<br />
communauté née de la coopération<br />
nécessaire dans l’activité touristique<br />
- Des fonds communautaires peuvent<br />
être récoltés pour financer des activités<br />
de développement (éducation, santé,…)<br />
- Les agences créant de nouvelles<br />
entreprises touristiques cherchent à<br />
consulter différents groupes de la<br />
communauté et leur laissent la<br />
possibilité de participer dans le<br />
processus décisionnel.<br />
- La communauté renforce son pouvoir<br />
de négociation face aux pouvoirs publics<br />
locaux et nationaux notamment grâce à<br />
l’utilisation de réseaux transnationaux<br />
- Les communautés revendiquent de<br />
nouveaux droits tels que l’accès à la<br />
terre, une plus forte transparence dans<br />
la gestion des fonds publics ou une plus<br />
forte participation dans les processus<br />
décisionnels<br />
- Peu de gains économiques pour la<br />
communauté, et qui restent sporadiques<br />
- La plupart des profits vont aux élites<br />
locales, aux opérateurs étrangers ou<br />
agences gouvernementales<br />
- L’interaction avec le touriste fait penser à<br />
la communauté locale que sa culture ou<br />
mode de vie est inférieure<br />
- Les membres de la communauté qui<br />
n’arrivent à profiter du tourisme sont déçus<br />
et frustrés<br />
- Perte de respect pour la culture<br />
traditionnelle et pour les plus âgés.<br />
- Changement de l’équilibre social<br />
- Au lieu de coopérer, les différentes<br />
familles de la communauté peuvent entrer<br />
en compétition pour s’accaparer les<br />
bénéfices du tourisme<br />
- ressentiment et jalousie sont monnaie<br />
courante<br />
- La communauté possède un leadership<br />
autocratique ou intéressé.<br />
- Les organismes ou entreprises échouent<br />
(ou ne souhaitent pas) intégrer la<br />
communauté dans le processus décisionnel<br />
et la communauté se déresponsabilise<br />
- Entretien de la mentalité<br />
d’assistentialisme<br />
Source : Traduction libre de Scheyvens, 2002 (basé partiellement sur Friedman 1992)<br />
avec apports personnels soulignés<br />
35<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
1. Tourisme et développement : contribution<br />
des différents tourismes alternatifs à<br />
l’empowerment des communautés<br />
1.1. Tourisme de masse versus tourisme alternatif :<br />
dépasser la dichotomie.<br />
L’implication des communautés dans le tourisme est souvent mentionnée<br />
comme stratégie de développement « alternative ». Le tourisme conventionnel,<br />
comme il a été pratiqué jusqu’à aujourd’hui implique très peu ou pas les<br />
communautés locales qui pourtant en subissent les impacts négatifs en terme<br />
environnemental, social et culturel.<br />
En réponse à cette critique est né le concept de tourisme alternatif aux lendemains de<br />
la colonisation, par la volonté de groupes militants, d’origines idéologiques ou<br />
religieuses diverses, de mettre à profit leur pratique du tourisme pour engager de<br />
nouvelles relations avec les populations locales. Depuis cette date, la profusion de<br />
nouveaux produits ou philosophies touristiques n’a cessé de croître : écotourisme,<br />
tourisme responsable, tourisme solidaire, tourisme équitable, tourisme culturel,<br />
tourisme durable, tourisme éthique,… La question sous-jacente qui se posera au long<br />
de l’analyse est de déterminer si ces expressions sont justes de nouveaux mots pour<br />
caractériser d’anciens produits emballés d’une nouvelle façon pour apparaître plus<br />
attractifs aux consommateurs ou s’ils indiquent un changement fondamental dans<br />
l’approche du tourisme. (Scheyvens, 2002). En effet, nombre d’auteurs sont<br />
sceptiques quant aux supposés bénéfices du tourisme alternatif (Butler 1990,<br />
Mowforth et Munt 1998, Hilali 2003) qui constituerait selon eux une façade plus<br />
socialement et environnementalement acceptable pour permettre de continuer<br />
l’exploitation des personnes et des environnements du Tiers-Monde.<br />
36
Des solutions face aux critiques du tourisme de masse ?<br />
Le tourisme de masse fait l’objet de critiques que l’on peut regrouper et énoncer de la<br />
manière suivante :<br />
• Les pays en développement ne maîtrisent pas les flux touristiques, qui sont<br />
largement contrôlés par des groupes internationaux basés dans les pays<br />
industrialisés ;<br />
• Les comptes en devises sont défavorables car les rentrées sont grevées par des<br />
besoins accrus en produits d’importations (fuites ou leakages) ;<br />
• La monoactivité et les monostructures touristiques sont fragiles, voire dangereuses,<br />
car elles sont soumises à la demande, sujette à d’énormes fluctuations ;<br />
• Les emplois touristiques sont souvent mal rémunérés, saisonniers et sans<br />
possibilités de réelles qualifications ;<br />
• Le tourisme fragilise le tissu social et bouscule les bases culturelles en renforçant les<br />
disparités sociales et introduisant des modes de consommation non durables ;<br />
• Enfin, le tourisme, par les transports émetteurs de gaz à effet de serre, contribue au<br />
déséquilibre climatique planétaire, et, par ses impacts terrestres, pollue, détruit,<br />
surexploite, modifie les paysages.<br />
Ces critiques, par réaction, constituent le fondement des évolutions actuelles du<br />
secteur du tourisme dans au moins deux directions :<br />
• Une amélioration qualitative d’une partie des prestations du tourisme de masse,<br />
notamment sous l’angle de la protection de l’environnement et des ressources, dans<br />
une optique de développement durable. De là survient la thématique du tourisme<br />
durable. Le tourisme conventionnel (ou industriel) peut – et doit –<br />
améliorer son taux de recettes résiduelles. Ceci passe par une approche<br />
territoriale du tourisme.<br />
37<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
• La diversification d’une offre alternative, « de niche », pour répondre aux<br />
besoins d’une demande de consommation citoyenne. De là, la naissance de<br />
l’appellation « tourisme alternatif » qui s’est peu à peu affinée en de nombreuses<br />
dénominations.<br />
Le terme tourisme conventionnel, tourisme industriel ou tourisme de<br />
masse sera utilisé au long de notre analyse en opposition au terme de « tourisme<br />
alternatif » ou « nouveau tourisme ».<br />
Tourisme de masse / tourisme alternatif : quelques définitions<br />
Brown définit le tourisme conventionnel comme « a capitalist multinational<br />
enterprises operating under the dictates of market competition and technology<br />
efficiency » (Brown, 1998, p.237).<br />
Le tourisme de masse est né d’une volonté de permettre à un maximum de<br />
personnes de voyager à moindre coût. Nécessitant de grandes structures de transport<br />
et d’accueil et des infrastructures lourdes (aéroports, réseaux routiers, parcs<br />
hôteliers, complexes de loisirs), ce mouvement touristique a entraîné la concentration<br />
des touristes dans un même lieu et à un même moment de l’année. Le touriste le<br />
mieux intentionné peut rarement éviter de faire appel aux structures du tourisme de<br />
masse pour une partie au moins de son voyage.<br />
• Le tourisme industriel est un tourisme de masse qui implique une<br />
standardisation de produits construits autour du couple soleil/mer ou<br />
soleil/montagne et offerts à une clientèle à la recherche d’un exotisme assurant le<br />
dépaysement dans un cadre familier (l’exemple type serait le Club Méditerranée) à<br />
des prix les moins élevés possibles. Ce tourisme fait du lieu d’implantation d’une<br />
station touristique un support pour des actions dont la rentabilité doit être assurée à<br />
court terme.<br />
Les expressions tourisme conventionnel et tourisme classique peuvent être<br />
utilisées indistinctement pour substituer les deux premières expressions.<br />
38
Le tourisme alternatif est un terme “generally used to refer to forms of<br />
tourism which seek to avoid adverse and enhance positive social, cultural and<br />
environmental impacts. Usually characterized by: small scale ; individual,<br />
independent or small group activity ; slow, controlled and regulated development ;<br />
as well as emphasis on travel as experience of host cultures and on maintenance of<br />
traditional values and societies.” (Medlik 1993, p.10).<br />
Pour beaucoup, le tourisme alternatif serait synonyme de tourisme durable<br />
alors que le tourisme de masse ne pourrait aspirer à la durabilité. Et pourtant les<br />
choses ne sont pas si simples…<br />
Le tourisme durable comme objectif<br />
L’expression « tourisme durable » est souvent utilisée à tort ou à travers et<br />
comprise de façon incomplète (Deslisles et Jolin, 2007, p.55). Le tourisme durable<br />
n’est ni une niche de marché, ni un produit, ni réellement une autre façon de faire du<br />
tourisme (portant en soi de nouvelles valeurs). Le tourisme durable interpelle aussi<br />
bien le tourisme de masse que le tourisme alternatif. Planifier le tourisme dans<br />
l’optique d’un développement durable devrait être l’objectif de l’ensemble du secteur,<br />
dans l’ensemble des destinations et non seulement dans les pays du Sud.<br />
Il se réfère à ce qui en matière de tourisme peut se rapporter au concept de durabilité,<br />
tel que défini, en 1992, lors du Sommet de la Terre de Rio. Le qualificatif « durable »<br />
ayant été adopté, non sans hésitation d’ailleurs, pour traduire le mot anglais<br />
«sustainable». Cette extension du concept au tourisme a pris forme, en 1995, au<br />
cours d’une conférence organisée à Lanzarote (Îles Canaries) par l’Organisation<br />
mondiale du tourisme (OMT), à laquelle participaient plusieurs centaines de<br />
partenaires du tourisme et qui a donné lieu à la publication de la « Charte du<br />
tourisme durable ».<br />
Selon l’OMT, la définition conceptuelle du développement durable du tourisme<br />
se lit comme suit :<br />
39<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
«Les principes directeurs du développement durable et les pratiques de gestion<br />
durable du tourisme sont applicables à toutes les formes de tourisme dans tous les<br />
types de destination, y compris au tourisme de masse et aux divers créneaux<br />
touristiques. Les principes de durabilité concernent les aspects environnemental,<br />
économique et socioculturel du développement du tourisme. Pour garantir sur le long<br />
terme la durabilité de ce dernier, il faut parvenir au bon équilibre entre ces trois<br />
aspects.»<br />
Par conséquent, le tourisme durable doit :<br />
• exploiter de façon optimum les ressources de l'environnement, qui constituent<br />
un élément clé de la mise en valeur touristique, en préservant les processus<br />
écologiques essentiels et en aidant à sauvegarder les ressources naturelles et la<br />
biodiversité ;<br />
• respecter l'authenticité socioculturelle des communautés d'accueil, conserver<br />
leurs atouts culturels bâtis et vivants et leurs valeurs traditionnelles et<br />
contribuer à l'entente et à la tolérance interculturelles ;<br />
• assurer une activité économique viable sur le long terme offrant à toutes les<br />
parties prenantes des avantages socioéconomiques équitablement répartis,<br />
notamment des emplois stables, des possibilités de bénéfices et des services<br />
sociaux pour les communautés d'accueil, et contribuant ainsi à la réduction de<br />
la pauvreté.<br />
Le concept de tourisme durable est lié au concept de capacité de charge d’un site. Afin<br />
de ne pas générer des impacts négatifs sur la société locale et sur l’environnement,<br />
chaque site touristique devrait fixer un nombre limite de visiteurs en tenant compte<br />
des ressources environnementales, économiques et sociales de ce dernier. Ce principe<br />
à la base du tourisme durable, est pourtant difficile à déterminer. Le consensus sur<br />
les indicateurs de mesure de cette capacité de charge est encore loin d’être atteint.<br />
L’accent a été longtemps mis, et continue à l’être, sur l’aspect environnemental. Ce<br />
terme « has come to represent and encompass a set of principles, policy<br />
prescriptions, and management methods which chart a path for tourism<br />
development such that a destination areas’s environmental resource base is<br />
40
protected for further development.” (Hunter, 1997, p.850). Les nombreux efforts<br />
consacrés pour mettre en place un tourisme durable se sont focalisés sur la<br />
conservation de l’environnement, échouant à inclure les impératifs de développement<br />
et négligeant bien souvent les besoins des communautés locales.<br />
Le développement du tourisme durable a une forte dimension de politique publique.<br />
Il introduit les notions de planification, de contrôle, de long terme, de partenariats<br />
institutionnels. Sans le support et les interventions des pouvoirs publics et des<br />
pouvoirs locaux, il n'y pas de développement durable possible.<br />
Le terme «tourisme durable » a été globalement utilisé comme un substitutif de<br />
« tourisme alternatif ». Pourtant, tourisme durable et tourismes alternatifs ne<br />
peuvent être assimilés.<br />
Tourisme<br />
mouvantes<br />
de masse/tourisme alternatif/durabilité : des frontières<br />
Pour les premiers théoriciens tels que Pearce (1992), tourisme de masse et<br />
tourisme durable étaient considérés comme des termes antinomiques. La durabilité<br />
ne pouvait être recherchée qu’à travers le tourisme alternatif, attaché au concept de<br />
petite échelle, qui aurait dû être porté à terme à remplacer le tourisme de masse<br />
(Lanfant et Graburn 1992). De façon stéréotypée, le tourisme de masse correspondait<br />
au « mal » (et il continue) et le tourisme alternatif au « bien ».<br />
Petit à petit, l’opposition dichotomique a été remise en question à la faveur d’une<br />
analyse intégrant le concept de continuum. Cette gradualité permet de rendre compte<br />
de toute la complexité et de la mobilité de l’expérience touristique et sa possibilité<br />
d’évolution. En effet, le tourisme alternatif court toujours le risque d’évoluer à la<br />
longue en tourisme de masse. Les contaminations entre tourisme de masse et<br />
tourisme alternatif sont possibles puisque le tourisme alternatif utilise les<br />
infrastructures, le transport et les systèmes de réservation du tourisme de masse. De<br />
plus, un tourisme alternatif non planifié à de fortes chances de se transformer en<br />
tourisme non durable, selon le cycle de vie de Butler (Butler, 1990).<br />
41<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
La position actuelle quant à la réflexion sur la durabilité du tourisme a dépassé le<br />
concept du continuum pour introduire celui de mouvement, apte à saisir réellement<br />
la complexité du thème et la grande diversité d’évolutions possibles. Deux<br />
dimensions nouvelles importantes sont intégrées :<br />
- le thème de l’échelle devient plus objectif et moins émotif. Le tourisme de<br />
masse devient objet d’amélioration plutôt que l’ennemi à combattre.<br />
- Le tourisme durable devient l’objectif à atteindre, il n’est plus seulement<br />
l’apanage du tourisme alternatif.<br />
L’idée de continuum est remise en question notamment par la contestation du cycle<br />
de vie de Butler. Le modèle théorique proposé par Weaver DB (Weaver D.B, 2000)<br />
propose une classification du tourisme en quatre idéaux-type de base, basés sur la<br />
relation entre l’échelle ou l’intensité de l’activité touristique et l’importance de la<br />
régulation associée au secteur touristique.<br />
Figure 1 : Modèle théorique de Weaver : quatre idéaux-types du tourisme<br />
Source : Weaver D.B, 2000<br />
Weaver, de par ce graphique, reconnaît deux principes très intéressants :<br />
42<br />
1. Le tourisme de masse peut être durable, si régulé, notamment grâce au respect<br />
de la capacité de charge d’un site.
Selon Weaver, qui possède une vision du tourisme durable exclusivement centrée sur<br />
le pilier environnemental, le tourisme de masse aurait plus de facilités que les autres<br />
types de tourisme à intégrer des mesures environnementales puisqu’il aurait plus de<br />
moyens pour investir dans de telles mesures. « The large corporations that dominate<br />
mass tourism destinations may actually be better positioned than their small-scale<br />
counterparts to facilitate sustainable practices, given internal economies of scale<br />
that allow for the allocation of resources toward for audits and educational<br />
programs, and the generation of enough waste material to justify e!ective recycling<br />
practices » (Clarke, 1997; Goodall, 1992).<br />
2. Le tourisme alternatif peut se développer comme tel même s’il n’est pas<br />
planifié, à partir du moment où c’est une initiative de petite échelle ; d’où la<br />
naissance du concept de tourisme alternatif circonstanciel.<br />
Selon Weaver, le cycle de vie de Butler est trop restrictif et empêche de comprendre la<br />
complexité des possibles évolutions du cycle de vie. En effet, selon la théorie de<br />
Butler, le tourisme alternatif circonstanciel (CAT) correspondrait à un stade<br />
touristique particulier, celui de l’exploration, qui déboucherait, en suivant l’évolution<br />
du cycle de vie sur un tourisme de masse non durable. Ce fut notamment le cas de la<br />
Côte d’azur française ou de la riviera espagnole (Pearce, 1995) confrontées à une<br />
absence de régulation et un flux important de touristes. Weaver met en lumière la<br />
diversité des possibles évolutions du cycle de vie à travers son schéma sur les<br />
scénarios de développement des destinations.<br />
Figure 2 : Scénarios de développement des destinations selon Weaver<br />
Source : Weaver D.B, 2000<br />
43<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Nous expliquerons dans le détail uniquement les évolutions de ce schéma qui nous<br />
semblent les plus intéressantes et les moins communément évidentes :<br />
CAT DAT<br />
Le passage du tourisme alternatif (TA) circonstanciel au TA délibéré représente une<br />
modification du modèle de Butler qui prévoit une évolution de ce dernier vers le<br />
tourisme de masse non durable. La décision d’évoluer vers un TA délibéré peut<br />
émerger de plusieurs facteurs :<br />
• Destination qui n’est pas considérée comme attractive pour le tourisme de<br />
masse.<br />
• Communauté en faveur d’un développement touristique de niveau<br />
intermédiaire ou faible dans une perspective de moyen ou long terme afin de<br />
ne pas bouleverser l’équilibre économico-spatial de la communauté (résistance<br />
à de forts changements).<br />
• Désir de la communauté de développer un tourisme à large échelle mais<br />
reconnaissance que le TA délibéré peut représenter un stage transitionnel<br />
adapté pour arriver à terme à un tourisme de masse durable.<br />
La volonté de développer un tourisme alternatif délibéré est fréquente chez les<br />
populations indigènes (Massai au Kenya, aborigènes en Australie,…) puisqu’une trop<br />
forte fréquentation touristique pourrait rentrer en conflit avec leur désir de ne pas<br />
mettre en péril l’intégrité de leur culture et ne pas perdre le contrôle sur les méthodes<br />
et taux de croissance du tourisme.<br />
DAT SMT ou UMT<br />
Le tourisme alternatif peut être utilisé par certains planificateurs comme stade<br />
transitionnel pour atteindre un tourisme de masse durable, rendu possible<br />
uniquement par la présence d’une forte demande. Le passage de DAT à SMT peut<br />
aussi se dérouler de façon involontaire. Lorsqu’une initiative de tourisme alternatif<br />
est considérée comme exemplaire, elle attirerait (ironiquement) de plus en plus de<br />
clients qui sont attirés par des expériences sur petite échelle. Ce cas de figure peut<br />
être par exemple celui du Costa Rica qui a développé sur large échelle son<br />
44
écotourisme ; une forte fréquentation a fait évoluer son tourisme alternatif à un<br />
tourisme de masse.<br />
La forte fréquentation d’un projet de TA conduira presque inexorablement à<br />
l’émergence d’un tourisme de masse, à moins que la volonté de la communauté hôte<br />
de limiter le nombre de touristes soit forte. Si la réglementation se maintient et se<br />
renforce, ce tourisme de masse sera durable. Sinon, sans respect de la capacité de<br />
charge et sans régulations environnementales, l’évolution se fera vers un tourisme de<br />
masse non durable.<br />
L’intérêt de cette analyse de Weaver est de montrer que les frontières entre tourisme<br />
alternatif et tourisme de masse sont très mouvantes. La critique qui pourrait être faite<br />
à son modèle est qu’il définit le tourisme alternatif uniquement par la variable de<br />
taille (petite taille). Hors la variable de la taille est très réductrice puisque le tourisme<br />
alternatif intègre de nombreuses autres variables, aussi bien économiques que<br />
sociales, comme nous le développerons par la suite.<br />
Quel tourisme pour les communautés locales ?<br />
Quelles formes de tourisme sont-elles aptes à soutenir le développement et<br />
l’empowerment des communautés du tiers-monde ?<br />
Il est nécessaire avant d’aller plus loin de démystifier une idée fausse promue<br />
par les défenseurs d’un autre tourisme. Le tourisme alternatif n’est pas toujours<br />
perçu par les communautés comme plus bénéfiques pour elles que le tourisme de<br />
masse (Weaver et Oppermann 2000). Lorsque le deuxième promet de meilleures<br />
rentrées économiques, on ne saurait imaginer les communautés trancher sans hésiter<br />
pour le premier type. Le tourisme de masse peut être perçu comme moins invasif<br />
dans certains cas puisqu’il met moins à risque l’intimité des communautés. Une<br />
communauté qui propose des visites à la journée pour présenter une manifestation<br />
culturelle et vendre des souvenirs (les touristes rentrent ensuite à leur hôtel) subit<br />
moins de risques au niveau de son équilibre social et culturel puisque les touristes ne<br />
dorment pas chez eux. (Scheyvens, 2002).<br />
45<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Soutenir cette position est un peu se faire l’avocat du diable mais il est toujours<br />
légitime de maintenir des interrogations critiques pour rester ouvert et attentif aux<br />
suggestions et visions des communautés sans vouloir leur imposer un modèle<br />
alternatif jugé comme supérieur. Imposer aux communautés une certaine forme de<br />
tourisme prédéterminée, qu’il soit alternatif ou non, est leur réimposer encore une<br />
fois un schéma et une réflexion qui s’est développée en Occident. Il n’empêche pas<br />
que la position claire adoptée au long de cette thèse soutienne que le tourisme<br />
alternatif (à voir encore le quel…) est majoritairement plus bénéfique aux<br />
communautés locales que le tourisme de masse. S’il est conforme à la définition<br />
idéale, les pratiques de tourisme alternatif fournissent des opportunités significatives<br />
en termes de développement local, d’éducation mutuelle entre touristes et hôtes.<br />
(Brown, 1998).<br />
En étant cependant conscient que le tourisme alternatif ne pourra remplacer le<br />
tourisme de masse, il est nécessaire de penser à des stratégies pour réformer le<br />
tourisme de masse et le rendre instrument de développement local. Pour modifier le<br />
secteur touristique dans son ensemble et multiplier les potentialités de<br />
développement des pays du Tiers-Monde, on ne peut se cantonner à l’unique soutien<br />
à des alternatives de petite échelle qui impliquent un pourcentage infime du marché<br />
(actuellement le tourisme alternatif en France représente 4% du marché). Si l’on veut<br />
essayer d’avoir une action qui vise à faire évoluer le système dans son entier, il<br />
convient d’explorer les moyens par lesquels le «mass tourism can be practiced in<br />
ways that minimize and mitigate its obvious disbenefits » (Husbands et Harrisson<br />
1996, p.1)<br />
Dans cette recherche des formes appropriées de tourisme aptes à soutenir le<br />
développement et l’empowerment des communautés du tiers-monde, seront étudiées<br />
aussi bien les initiatives qui tentent de responsabiliser le secteur du tourisme<br />
conventionnel que celles exclusivement destinées au marché du tourisme alternatif.<br />
46
1.2. Catégorisation et définition des divers types de<br />
tourisme alternatif.<br />
Le souci de catégoriser apparaît puisque la rationalité dominante consiste à<br />
mettre en boîte, ou plus exactement à nomenclaturer. L’exercice s’avère délicat et<br />
peut sembler artificiel tant le recouvrement des mots, le mélange des genres, la<br />
confusion de sens et les hybridations sémantiques foisonnent dans le domaine.<br />
1.2.1 Classification de la typologie des tourismes alternatifs<br />
Les promoteurs d’un « autre tourisme » s’opposent sur la sémantique utilisée.<br />
Les différentes expressions existantes s’appuient sur un ensemble de valeurs<br />
globalement communes mais dont la compréhension diffère selon le pays, le type<br />
d’acteurs et la sensibilité propre à chacun (plus environnementale, sociale, politique<br />
ou économique). Afin de mieux cerner les spécificités et les nuances de chaque<br />
tourisme alternatif, un angle d’analyse intéressant pour aider à la catégorisation est la<br />
distinction entre visiteur et visité, c'est-à-dire entre offre et demande. Une autre ligne<br />
de démarcation se situe entre la distinction produits/valeurs.<br />
Tableau 3 : Classification de la variété de « l’autre tourisme »<br />
Expressions reflétant des valeurs Expressions reflétant des<br />
produits<br />
Sous l’angle des<br />
visiteurs<br />
Sous l’angle des hôtes<br />
(segment de marché)<br />
Tourisme responsable Tourisme enclavé Ecotourisme<br />
Tourisme solidaire Tourisme intégré Tourisme culturel<br />
Tourisme social Tourisme équitable Agritourisme<br />
Tourisme communautaire Ethno-tourisme<br />
Justice Tourism Tourisme volontaire – congés<br />
solidaires – tourisme humanitaire –<br />
reality tour<br />
Tourisme vert<br />
Tourisme patrimonial<br />
Source : Réalisation personnelle à partir de la catégorisation de Desliles et Jolin (2007,<br />
p. 41-76)<br />
47<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Ce tableau de Desliles et Jolin (2007, p.59), inspiré de Fennell (1999), propose une<br />
synthèse comparative entre les différents types de tourisme alternatif, en distinguant<br />
les valeurs, les acteurs, les logiques d’action et les dérives possibles.<br />
Tableaux 4 : Tableaux de synthèse des différents types de tourisme alternatif<br />
Principales<br />
valeurs<br />
Acteurs<br />
prépondéra<br />
nts<br />
Logiques<br />
d’action<br />
Dérives<br />
possibles<br />
(Pour tous<br />
possibilité<br />
de dérive<br />
marketing)<br />
48<br />
Tourisme Responsable Tourisme solidaire Tourisme durable<br />
Responsabilité, respect,<br />
discernement<br />
Touriste Voyagiste Voyagiste<br />
Touriste<br />
COMPORTEMENT<br />
Développer<br />
une consommation et un<br />
comportement responsable de<br />
la part des touristes<br />
Développer la responsabilité<br />
sociale d’entreprise et les<br />
pratiques commerciales qui<br />
tiennent compte du<br />
développement durable<br />
Les visiteurs peuvent se sentir<br />
responsables à outrance<br />
Coopération, empathie,<br />
altruisme<br />
COOPERATION-<br />
SOLIDARITE<br />
Le voyagiste prévoit le<br />
financement d’un<br />
projet de coopération,<br />
en prélevant un quota<br />
destiné à cet effet dans<br />
le prix du voyage<br />
Encourager des choix<br />
de voyage faisant appel<br />
à la solidarité des<br />
visiteurs avec les<br />
visités.<br />
Prévoir des possibilités<br />
d’actions solidaires<br />
après le voyage<br />
Philanthropie<br />
nourrissant les logiques<br />
d’assistentialisme<br />
Les voyagistes n’ont<br />
pas les compétences<br />
pour organiser un<br />
travail performant en<br />
matière de coopération<br />
Conservation, croissance,<br />
pérennité<br />
Etat<br />
Communautés Voyagiste<br />
PLANIFICATION-<br />
DEVELOPPEMENT<br />
Viser une planification et<br />
un développement à long<br />
terme<br />
Influencer toutes les<br />
formes de tourisme pour<br />
qu’elles intègrent des<br />
principes de durabilité<br />
Intégrer des indicateurs<br />
de durabilité et des<br />
moyens de contrôle sur le<br />
plan environnemental,<br />
économique, social et<br />
culturel<br />
Stratégie marketing<br />
Persistance de leakages et<br />
peu de développement de<br />
l’économie locale<br />
Manque de participation<br />
des populations locales
Principales<br />
valeurs<br />
Acteurs<br />
prépondér<br />
ants<br />
Logique<br />
d’action<br />
Dérives<br />
possibles<br />
Pour tous<br />
possibilité<br />
de dérive<br />
marketing<br />
49<br />
Tourisme<br />
communautaire<br />
Participation<br />
Empowerment<br />
Engagement<br />
Communauté locale<br />
ONG<br />
EMPOWERMENT-<br />
GOUVERNANCE<br />
PARTICIPATIVE<br />
Favoriser la participation<br />
des communautés locales<br />
pour définir les modalités<br />
de son offre touristique<br />
Favoriser le<br />
développement de<br />
compétences<br />
Diversifier l’économie par<br />
la création d’emplois et de<br />
micro-entreprises<br />
Risque d’avoir une<br />
répartition inégale des<br />
bénéfices à l’intérieur de la<br />
communauté avec<br />
émergence de conflits<br />
internes<br />
Problèmes de<br />
commercialisation et de<br />
rentabilité des initiatives<br />
Improvisation de la part<br />
de certains TO qui ne<br />
peuvent s’improviser<br />
agents de développement<br />
Problèmes du manque de<br />
confiance des TO<br />
Peut être planifié sans<br />
respect de critères<br />
environnementaux<br />
Tourisme équitable Tourisme intégré<br />
Equité Transparence Interdépendance<br />
Accueil<br />
Communauté locale<br />
Opérateurs touristiques<br />
JUSTE<br />
RE<strong>DI</strong>STRIBUTION<br />
Engager tous les acteurs<br />
de la chaîne touristique à<br />
promouvoir l’équité dans<br />
les transactions<br />
Assurer un profit décent<br />
aux petits prestataires<br />
locaux afin d’assurer leur<br />
pérennité<br />
Dans un environnement<br />
fortement concurrentiel,<br />
le tourisme est très<br />
sensible aux prix<br />
Grande difficulté à<br />
passer outre les agences<br />
réceptives nationales car<br />
manque de confiance<br />
dans les opérateurs<br />
locaux et<br />
communautaires<br />
Impossibilité que le<br />
transport aérien,<br />
pourcentage important<br />
d’un package de<br />
tourisme équitable soit<br />
réellement équitable<br />
Communauté locale<br />
Pouvoir politique central<br />
ou local Opérateurs<br />
touristiques<br />
COHABITATION<br />
Favoriser l’intégration des<br />
prestations touristiques à<br />
la vie locale des<br />
communautés visitées.<br />
Encourager les retombées<br />
économiques directes<br />
dans les communautés<br />
Souvent planifié et<br />
coordonné par des<br />
organismes extérieurs à la<br />
communauté sans que<br />
celle-ci l’ait réellement<br />
souhaité.<br />
Absence d’empowerment<br />
Peut être sans lien avec la<br />
planification de<br />
développement durable<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Principales<br />
valeurs<br />
Acteurs<br />
prépondér<br />
ants<br />
Logique<br />
d’action<br />
Dérives<br />
possibles<br />
Pour tous<br />
possibilité<br />
de dérive<br />
marketing<br />
Tourisme pro pauvre Justice Tourism<br />
Développement<br />
Coopération<br />
Justice<br />
ONG<br />
Organisations internationales<br />
DEVELOPPEMENT<br />
Favoriser l’intégration des<br />
populations les plus pauvres dans<br />
la prestation de services<br />
touristiques<br />
Renforcement des capacités<br />
Prévoir des mécanismes de<br />
redistribution des bénéfices<br />
touristiques au sein de la<br />
communauté locale<br />
Nécessaire intervention<br />
d’Organisations internationales ou<br />
d’ONG pour assurer une réelle<br />
implication des populations<br />
pauvres<br />
Difficulté d’insérer les populations<br />
les pus pauvres dans un secteur<br />
comme le tourisme qui nécessite<br />
capital, ou ouverture d’esprit,<br />
connaissances de langues<br />
étrangères<br />
Des produits touristiques finaux de<br />
qualité souvent basique qui auront<br />
du mal à trouver un marché<br />
Justice Solidarité<br />
Activisme<br />
ONG/acteur privé<br />
Communauté locale Touriste<br />
EMPOWERMENT POLITIQUE<br />
Vise à sensibiliser les touristes sur des<br />
problématiques politico-sociales des pays<br />
du Sud<br />
Cherche à créer de l’activisme chez le<br />
touriste après son retour<br />
Tourisme comme facteur de changement<br />
social<br />
Dark tourism<br />
Risque de tomber dans le voyeurisme et non<br />
dans la solidarité<br />
Risque de ne pas créer l’activisme voulu en<br />
faveur des communautés locales et<br />
possibilité de déceptions de leur part<br />
Source : Réélaboration personnelle à partir du tableau de Deslile et Jolin(2007, p.63-65)<br />
50
Tourisme<br />
de masse<br />
Figure 3 : Schéma de classification des tourismes selon un double continuum de<br />
conscientisation des visiteurs et de responsabilisation des visités<br />
Visiteurs Hôtes<br />
Majeure conscientisation Social / culturel Majeure participation<br />
51<br />
Tourisme<br />
responsable<br />
Tourisme<br />
solidaire<br />
Justice<br />
tourism<br />
Tourisme<br />
durable<br />
Majeure participation Economique Environnemental<br />
Tourisme<br />
communautaire<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment<br />
Tourisme<br />
équitable<br />
Tourisme social Tourisme pro-pauvre<br />
Source : Elaboration personnelle à partir de Jolin P (2007, p.62)<br />
Ce schéma met en lumière le fait que le tourisme durable n’est pas un type de<br />
tourisme alternatif mais bien l’objectif auxquels tous les types de tourisme doivent<br />
aspirer, en s’inscrivant dans une dynamique de développement durable qui contient<br />
trois piliers : environnemental, économique, social/culturel.<br />
Les deux catégories de tourisme se distinguent de par leurs intentions c’est à dire s’ils<br />
visent une majeure participation des hôtes ou s’ils visent une majeure<br />
conscientisation des touristes.<br />
Le tourisme communautaire, au centre de la réflexion de cette thèse, représente le<br />
type de tourisme qui accorde le plus d’importance à l’implication de la population<br />
locale. L’autre type de tourisme à l’étude dans notre analyse, le justice tourism est<br />
celui qui accorde une priorité absolue à la conscientisation du visiteur.
1.2.2 Les expressions reflétant des valeurs<br />
Classification sous l’angle des visiteurs (de la demande)<br />
Le tourisme responsable<br />
C’est le qualificatif qui a été choisi, après un débat assidu entre ses membres,<br />
par l’AITR (Association italienne de tourisme responsable). La spécificité du tourisme<br />
responsable est qu’il met l’accent sur le rôle du visiteur. La notion de responsabilité<br />
est centrale : elle doit concerner aussi bien le voyageur que les entreprises<br />
touristiques (notion de responsabilité sociale d’entreprise).<br />
Comment définir l’adjectif « responsable » ? « qui pèse les conséquences de ses actes<br />
», « réfléchi », « qui doit répondre de ses actes »… (Dictionnaire Larousse)<br />
La notion de responsabilité induit inévitablement une dimension de connaissances :<br />
Quel est mon acte ? Est-il bien mesurable ? Quelles sont ses conséquences ?<br />
Le premier point commun de tous les acteurs du tourisme responsable est de<br />
contribuer au développement des populations d’accueil et de minimiser les<br />
impacts négatifs du tourisme, aussi bien par la conscientisation des touristes que par<br />
le changement de pratiques des opérateurs touristiques.<br />
Ce tourisme, appelé par certains, éthique, fait référence à la conscience sociale et à la<br />
façon de voyager du touriste. En anglais, il peut être traduit par l’expression<br />
conscientious tourism, conscious tourism ou social conscious tourism.<br />
Il est axé sur la connaissance des réalités locales, de la culture, des modes de vie et<br />
aussi de la situation politique et sociale. Le tourisme responsable, comme il est conçu<br />
par les TO italiens, alterne en général activités culturelles et rencontres avec des<br />
acteurs locaux (association, projets sociaux).<br />
Le tourisme responsable, au même titre que la majorité des autres tourismes<br />
alternatifs insiste particulièrement sur :<br />
52<br />
- la sensibilisation des voyageurs et la préparation au voyage,<br />
- les possibilités de contact avec la population locale : rencontres, activités<br />
culturelles, logement chez l'habitant.
- les problématiques environnementales : sensibilisation et responsabilisation<br />
des voyageurs, gestion des déchets, gestion des ressources ;<br />
Le concept de tourisme responsable implique une conscientisation du touriste, qui<br />
doit être responsable de ses actes et des impacts qu’ils peuvent avoir sur les pays de<br />
destination.<br />
Cette conscientisation peut dans certains cas porter sur des thèmes politiques.<br />
Studienkreis für Tourismus und Entwicklung (Institute for Tourism and<br />
Development) a décidé de développer en 1995 le concours "TO DO! Contest for<br />
Socially Responsible Tourism". Entre 1995 et 2007, environ 241 projets issus de 63<br />
pays différents ont participé à ce concours, dont 60% provenaient de PED.<br />
(http://www.todo-contest.org/). La caractéristique commune à de nombreux<br />
gagnants était l’implication de ces derniers dans des conflits politico-sociaux mettant<br />
en péril leurs droits tels que le Brésil (conflits sur la propriété des terres), Bali<br />
(dégradation environnementale autours de Sua Bali), l’Equateur (exploitation<br />
pétrolière), le Canada (conflits terriens, Riding Mountain National Park) et la<br />
Palestine (conflit politique).<br />
Beaucoup de communautés du Sud sont confrontées à des problèmes politiques et<br />
peuvent justement utiliser le tourisme comme instrument d’empowerment politique<br />
pour donner visibilité aux luttes dans lesquelles elles sont engagées.<br />
Le tourisme social<br />
Il est très souvent utilisé à tort, comme synonyme de tourisme solidaire.<br />
Pourtant, la définition de tourisme social est bien sans ambigüités. Ce secteur<br />
préconise le droit aux vacances et l’accessibilité au tourisme à tous les groupes de la<br />
population. L’avènement des congés payés et la baisse du temps de travail, ont été<br />
mis en place dans la France d’après-guerre, pour permettre l’accès de tous au<br />
tourisme. Le Bureau International du tourisme social fut crée en 1963, pour rendre<br />
effectif le droit aux vacances et l’accessibilité au tourisme à tous les groupes de<br />
population.<br />
53<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Chapeauté par le BITS, ce concept «réfère aux programmes, aux réalisations et aux<br />
actions visant à rendre effectifs le droit aux vacances et l’accessibilité au tourisme à<br />
tous les groupes de la population, notamment les jeunes, les familles, les retraités, les<br />
handicapés, les personnes aux revenus modestes… mais qui visent aussi la qualité de<br />
la relation entre les visiteurs et les communautés d’accueil.»<br />
Certains auteurs soulignent que le tourisme social, par le développement des colonies<br />
et centres de vacances s’est peu à peu intégré au tourisme de masse. Il ne manifeste<br />
qu'occasionnellement le souci de former les voyageurs en citoyens du monde. Ce<br />
mouvement n’a d’ailleurs intégré que tout récemment les questions d’équité et de<br />
solidarité avec les communautés d’accueil, l’accessibilité.<br />
Le tourisme solidaire<br />
Cette expression introduit la notion de solidarité entre le touriste et les populations<br />
d’accueil dans l’optique d’une amélioration des conditions de vie des communautés<br />
visitées. Pour comprendre et définir cette relation, il est nécessaire de s’arrêter sur le<br />
sens du mot solidarité.<br />
La solidarité est le « sentiment de responsabilité et de dépendance<br />
réciproque au sein d'un groupe de personnes qui sont moralement obligées les unes<br />
par rapport aux autres. Ainsi les problèmes rencontrés par l'un ou plusieurs de ses<br />
membres concernent l'ensemble du groupe. La solidarité conduit l'homme à se<br />
comporter comme s'il était directement confronté au problème des autres, sans quoi,<br />
c'est l'avenir du groupe (donc le sien) qui pourrait être compromis. »<br />
(www.toupie.org).<br />
La solidarité humaine est une démarche humaniste qui fait prendre<br />
conscience que tous les hommes appartiennent à la même communauté d'intérêt. La<br />
solidarité doit être distinguée de l'altruisme qui conduit à aider son prochain, par<br />
simple engagement moral, sans qu'il y ait nécessité de réciprocité, ainsi que de la<br />
coopération où chacun travaille dans un esprit d'intérêt général pour l'ensemble.<br />
Emile Durkheim (1858-1917), sociologue français, a montré que la solidarité<br />
pouvait prendre des formes différentes :<br />
54
• solidarité fondée sur la similarité des individus dans les sociétés<br />
traditionnelles à forte conscience collective,<br />
• solidarité liée aux interdépendances dans les sociétés modernes en<br />
raison de la division du travail et l'individualisme.<br />
L’utilisation politique du terme traduit la redistribution coercitive des revenus et des<br />
richesses par un « devoir de solidarité » entre membres d'une même société, pour<br />
faire face à l’augmentation des inégalités sociales menaçant la cohésion sociale<br />
provoquées notamment par la spoliation des richesses produites par le travail au<br />
profit du capital. Selon les plus libéraux, économiquement parlant, cette pratique de<br />
solidarité tendrait vers l'assistanat.<br />
Le tourisme solidaire s'inscrit à la fois dans une perspective "responsable" et<br />
"équitable", mais est plus directement associé au financement de projets de solidarité,<br />
sous différentes formes.<br />
• Le voyagiste peut soutenir des actions de développement.<br />
• Une partie du prix du voyage peut servir au financement d'un fonds d’entraide<br />
communautaire ou d'un projet de développement.<br />
• Le touriste est mis à contribution à titre bénévole, dans le cadre d’un<br />
programme spécifique.<br />
Le tourisme solidaire possède encore ses contours imprécis mais la caractéristique<br />
primordiale objective qui différencie le tourisme solidaire de ses expressions cousines<br />
(notamment du tourisme responsable) est le financement d’un projet de<br />
développement. Il serait important de définir si cette condition est exclusive ou non.<br />
Sans remettre en cause l’organisation et la planification d’un voyage, mais en<br />
donnant 5% du prix du forfait à une association quelconque, un TO peut-il prétendre<br />
faire du tourisme solidaire ?<br />
Le fait de reverser une partie du prix d’un séjour pour financer un projet de<br />
développement peut être conçu «comme une démarche hypocrite destinée à donner<br />
bonne conscience aux consommateurs occidentaux et à redorer l’image des<br />
55<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
opérateurs sans changer réellement la donne sur le terrain. Les dollars récoltés lors<br />
d’un voyage labellisé « éthique » dans un hôtel avec golf ne suffiront jamais à<br />
compenser la perte pour les villages alentours qui ont été déplacés faute d’eau<br />
entièrement captée pour arroser le parcours de golf ! Et si les projets de<br />
développement concernent justement ces communautés déplacées, alors, on marche<br />
sur la tête. » (P. Jacquot, juin 2003 in Laurent, 2004)<br />
Un voyage qui ne prévoit pas le financement d’un projet de coopération, mais permet<br />
réellement un empowerment de la population locale, ne serait-il pas préférable ?<br />
L’ONG anglaise « Tourism for development » (TFD) a mis en place un mécanisme<br />
assez intéressant de fund raising qui pourrait être classifié dans la catégorie du<br />
tourisme solidaire.<br />
Le label « TFD » identifie les professionnels du tourisme (hôteliers, voyagistes,<br />
compagnies aériennes...) qui acceptent de redistribuer un pourcentage de leurs<br />
bénéfices :<br />
• 1%, maximum 1 dollar, par nuit vendue par les hôteliers et voyagistes,<br />
• 1%, maximum 3 dollars, par siège vendu pour les compagnies aériennes, pour<br />
financer, au nom du tourisme, des microprojets de développement dans le domaine<br />
du minimum vital (eau, nutrition, habitat) dans les pays où ils exercent leurs<br />
activités.<br />
Ces microprojets de développement sont réalisés par des associations humanitaires<br />
localement implantées et qui ont fait leurs preuves. « Tourism For Development »<br />
intervient comme « banque » pour financer les microprojets de ces associations.<br />
L’expression équitable est souvent associée à celle de solidaire. Le regroupement<br />
français ATES signifie « association de tourisme équitable et solidaire ». Solidaire<br />
renvoi également au concept d’économie sociale et solidaire.<br />
En analysant les différentes définitions de « tourisme solidaire » que l’on trouve dans<br />
la littérature, il est possible de se rendre compte qu’il existe de nombreux amalgames<br />
entre tous les types de tourisme alternatif. Tous les concepts sont souvent mélangés<br />
et ne transparait plus la spécificité de chaque type de tourisme. Chacun des voyagistes<br />
56
français de l’ATES choisit, pour des raisons de sensibilité personnelle, des termes<br />
différents pour désigner le type de voyages alternatifs qu’ils proposent. Ce choix ne<br />
résulte pas d’une démarche scientifique. Il est certain que ce manque de clarté et la<br />
démultiplication des différentes dénominations engendre une confusion extrême<br />
chez le touriste, qui ne sait plus comment s’y retrouver…<br />
« Le tourisme solidaire prend généralement la forme d’un tourisme de rencontre et<br />
d’échange, tourisme intégré et communautaire » (De Sousa Santos, Rouby,<br />
Malandain et Schéou, 2006, p.26).<br />
Le « tourisme solidaire (et responsable) regroupe les formes de tourisme<br />
« alternatif » qui mettent au centre du voyage l’homme et la rencontre, et qui<br />
s’inscrivent dans une logique de développement des territoires ». (UNAT, 2002).<br />
Carte d’identité du tourisme solidaire<br />
Territoires : quelconque<br />
Caractéristique : outil de cofinancement de projets de développement local.<br />
Evolution : élargit son ambition à l’équité nord-sud et au développement<br />
durable.<br />
Affinité : philanthropisme, solidarité, économie solidaire.<br />
Repères : un pourcentage X du montant d’une prestation ou d’un chiffre<br />
d’affaires cofinance/finance une opération de développement local.<br />
Partenaires : associations, groupements, communautés villageoises, groupes sociaux<br />
minoritaires.<br />
Acteurs dominants : associations, agences, TO.<br />
Image grand public : peu connue (élitiste ?).<br />
Justice tourism<br />
“Tours that advocate for a cause in situations where a local population is<br />
experiencing repression or has experienced a communal trauma at the hands of a<br />
dominant group” (Scheyvens, 2002).<br />
57<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Ce genre de tourisme, qui peut être considéré comme une typologie spécifique de<br />
tourisme responsable, est situé dans des zones de conflits social/politique et vise à<br />
éduquer les visiteurs sur ces problématiques de conflits. Ce type de tourisme peut être<br />
comparé au tourisme politique.<br />
Selon Scheyvens, les objectifs du Jusice tourism peuvent être résumés comme suit :<br />
- construire des liens de solidarité entre les visiteurs et les visités<br />
- Promouvoir la connaissance réciproque et des relations basées sur l’équité, le<br />
partage et le respect.<br />
- Soutenir l’autosuffisance et l’autodétermination des communautés locales<br />
- Maximiser les bénéfices économiques, sociaux et culturels au niveau local<br />
Le justice tourism n’est pas un produit touristique. Il évoque un processus, une<br />
philosophie d’organisation du tourisme. Il ne suffit pas de visiter des sites pauvres<br />
(favelas) ou des zones de conflits pour faire du justice tourism puisque ceci peut<br />
également être organisé pour répondre à une nécessité de voyeurisme de certains<br />
touristes, insensibles aux intérêts de la population locale. Ce qui est important n’est<br />
pas le sujet du tourisme en lui-même mais la façon dont le sujet est approché, qui<br />
contrôle le sujet, et s’il existe de réelles opportunités d’interactions avec les locaux.<br />
Carte d’identité du Justice tourism<br />
Territoires : zones de conflits politiques ou sociaux ou zones pauvres<br />
Caractéristique : Vise à la sensibilisation politico-sociale du visiteur et à<br />
son engagement dans de nouveaux activismes.<br />
Evolution : élargit son ambition à la transformation sociale, à l’équité<br />
nord-sud et aux changements de politiques internationales dans les pays<br />
émetteurs.<br />
Affinité : activisme, sensibilisation politico-sociale.<br />
Repères : ce n’est pas le lieu (zones de conflits) mais l’objectif<br />
(conscientisation et création de nouveaux activismes) qui caractérise ce<br />
type de tourisme.<br />
Partenaires : associations, groupements, communautés villageoises, groupes sociaux<br />
minoritaires.<br />
Acteurs dominants : visiteur, associations, ONG, communauté locale.<br />
Image grand public : inconnue.<br />
58
Classification sous l’angle des visités (de l’offre)<br />
Le tourisme enclavé<br />
Source: Delisle et Jolin, 2007, p.25<br />
Le tourisme intégré<br />
C’est le contraire du tourisme enclavé, où le client est isolé et les contacts avec<br />
la population locale réduits au minimum (exemple : séjours all inclusive). Il désigne<br />
les formes touristiques proposées et gérées par les populations locales elles-mêmes,<br />
formes qui s’intègrent de façon harmonieuse dans les diverses dynamiques<br />
collectives, sociales et environnementales, du lieu d’accueil. Cette expression est née<br />
dans les années 60-70 avec les expériences menées à l’initiative du Français Christian<br />
59<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Saglio dans la région de Casamance (Sénégal). Mettant ses compétences au service<br />
des populations locales, celui-ci les a aidés à créer un dispositif d’accueil qui leur soit<br />
spécifique, c’est-à-dire conforme aux traditions locales et dont la gestion corresponde<br />
aux pratiques et aux rythmes saisonniers locaux. Les bénéfices du tourisme ainsi<br />
produits sont gérés par un système bancaire local dont profite toute la population<br />
pour son développement communautaire. (Madieng S, 2000 in Laurent, 2004)<br />
Son exemplarité pour l’époque a fait du « tourisme intégré » un précurseur, en<br />
inspirant quantité de travaux théoriques et en servant de modèle, en particulier, au<br />
«tourisme communautaire ».<br />
Le tourisme équitable<br />
L’expression de « tourisme équitable » se réfère au commerce du même nom. Né<br />
récemment de la volonté d’adopter des règles « équitables », par opposition au<br />
fonctionnement actuel du marché mondial, le commerce équitable prend en compte<br />
une juste rémunération des producteurs, exige que la traçabilité des produits soit<br />
totalement garantie, et impose un certain nombre de pratiques, comme le paiement<br />
comptant des produits afin que les producteurs puissent faire face à leurs propres<br />
échéances et investissements. Il suppose donc une organisation cohérente et une<br />
maîtrise de toute la chaîne de production.<br />
Une démarche de tourisme « équitable » devrait remplir un certain nombre de<br />
conditions qui sont communes à l’ensemble des tourismes alternatifs :<br />
• La responsabilisation de voyageurs.<br />
• La participation effective des communautés d'accueil à la définition et (au moins en<br />
partie) à la gestion des activités touristiques. Les bénéfices perçus localement<br />
devraient être majoritairement réinvestis dans des actions de développement.<br />
Nous pouvons dégager les critères suivants propres au tourisme équitable (El Alaoui,<br />
1999) :<br />
Pour les pays d'accueil<br />
60
• Permettre aux pays du Sud de mieux bénéficier des flux touristiques,<br />
notamment pour les plus marginalisés d'entre eux, grâce à une aide à<br />
l'investissement.<br />
• Assurer une plus juste répartition des flux de devises vers les pays du Sud.<br />
• Réduire l'endettement des pays du Sud pour le financement de leurs<br />
investissements touristiques.<br />
• Réduire l'emprise des pays du Nord et de leurs multinationales touristiques<br />
sur le tourisme des pays du Sud notamment en réduisant le contrôle des<br />
chaînes hôtelières et des entreprises touristiques internationales sur les<br />
prestations réceptives.<br />
• Donner la possibilité aux communautés de s'exprimer jusqu'à pouvoir dire non<br />
au tourisme sur la base du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.<br />
Permettre aux populations locales une véritable participation dans le<br />
développement touristique.<br />
• Assurer un développement touristique durable c'est à dire prenant en compte<br />
tous les aspects du développement local et notamment le bien être des<br />
populations et le respect de l'environnement.<br />
• Eradiquer les aspects les plus dramatiques du tourisme : prostitution<br />
enfantine et travail forcé.<br />
Pour les entreprises touristiques<br />
61<br />
• Contraindre les entreprises du Nord et du Sud à respecter les différentes<br />
conventions internationales et nationales en matière de droit du travail, de<br />
respect de l'environnement, etc.<br />
• Limiter l'endettement des prestataires en versant des avances substantielles et<br />
en payant les prestations le plus rapidement possible.<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
• Garantir un juste prix pour les prestations fournies par les pays récepteurs ;<br />
c'est à dire un prix qui tienne compte des réalités locales en matière de salaire,<br />
de droits des travailleurs, d'investissement (notamment des achats en devises),<br />
d'environnement mais aussi de formation.<br />
• Rééquilibrer le contrôle respectif des partenaires du Nord et du Sud dans le<br />
processus de production et de commercialisation des prestations touristiques.<br />
• Garantir des relations commerciales durables entre partenaires du Nord et du<br />
Sud, c'est à dire des relations à long terme et non pas du dumping commercial.<br />
• Limiter au maximum les intermédiaires.<br />
Pour les touristes<br />
• Former et informer l'opinion publique des méfaits du tourisme<br />
• Imposer aux touristes un comportement respectueux des populations locales,<br />
de leurs coutumes, de leurs traditions, de leur culture et de leur<br />
environnement<br />
Les associations qui se définissent « de tourisme équitable » en France sont censées<br />
se soumettre au contrôle de la Plate-Forme du Commerce Equitable. Les membres<br />
s’élèvent au nombre de trois (Croq’Nature, la Route des Sens, Tourisme et<br />
Développement Solidaires Voyages)<br />
Les principes du Tourisme équitable correspondent en fait aux exigences minimales<br />
de la « Corporate Social Responsablity » ou responsabilité sociale des entreprises,<br />
que la plupart des grandes entreprises disent affectionner.<br />
En reprenant la distinction très pertinente de De Loeu (2005, p.4), on peut dire que<br />
le tourisme équitable se démarque nettement du tourisme solidaire puisqu’il ne se<br />
préoccupe pas du financement de projets de développement. Plus qu’à la solidarité, il<br />
renvoie à l’éthique. A partir du moment où les intervenants sont rémunérés<br />
justement, la solidarité n’est plus indispensable : on se trouve hors du registre de<br />
l’assistentialisme et de la philanthropie. Cette dynamique va, en notre sens, beaucoup<br />
plus dans une optique d’empowerment des populations locales.<br />
62
Limites du commerce équitable en tourisme<br />
L'adaptation de la notion d'équité au tourisme reste délicate à cause de la complexité<br />
du marché touristique, qui n'est pas réductible à une simple transaction entre<br />
producteurs et consommateurs.<br />
L’aspect le plus problématique pour obtenir des bénéfices locaux significatifs est de<br />
réduire les leakages (fuites), ce qui est difficile lorsque le logement et le transport<br />
sont aux mains d’entreprises multinationales. Les bénéfices économiques à travers un<br />
produit touristique équitable resteront marginaux en terme du prix total du package<br />
international. Environ 10-15% du prix du package rémunère l’intermédiaire (compris<br />
assurance et coûts divers) et de 30 à 35% va à la compagnie aérienne.<br />
Le problème de la transparence du prix est un des plus problématiques puisque les<br />
TO plaident la confidentialité commerciale. Sans rendre publics les coûts de<br />
structure, il pourrait être possible de rendre public le pourcentage du package qui va<br />
à des entreprises touristiques locales. Au niveau de la labellisation, une réflexion est<br />
en cours, mais il n’existe pas encore à ce jour de système en fonctionnement. Ce qui<br />
pourrait être développé dans le secteur du tourisme est l’implication des<br />
consommateurs dans l’évaluation.<br />
Les spécificités du tourisme font qu'il est difficile de montrer en quoi un produit<br />
touristique est équitable puisque le comportement du touriste est décisif pour<br />
déterminer si un voyage sera équitable. Il est délicat de dire aux gens : "ce produit est<br />
équitable si vous vous comportez de manière responsable dans votre consommation<br />
touristique". Et c'est pourtant le cas.<br />
Carte d’identité du tourisme équitable<br />
Territoires : toutes zones (pas forcément les zones hors tourisme de masse)<br />
Caractéristique : outil de rééquilibrage des rapports commerciaux Nord-Sud et<br />
d’amélioration des conditions de travail.<br />
Evolution : ouverture sur la participation, les modes de production respectueux de<br />
l’environnement.<br />
Affinité : commerce équitable, tourisme éthique, Responsabilité sociale d’entreprise.<br />
63<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Repères : les rapports commerciaux, les contrats de prestations et les partenariats<br />
locaux n’obéissent pas à la règle du moins disant.<br />
Populations : communautés locales.<br />
Acteurs dominants : associations, plate-forme/réseaux d’associations, agences.<br />
Image grand public : commerce équitable.<br />
Le tourisme communautaire (Community Based Tourism – CBT)<br />
Il désigne les formes touristiques proposées et gérées par les populations<br />
locales elles-mêmes, formes qui s’intègrent de façon harmonieuse dans les diverses<br />
dynamiques collectives du lieu d’accueil. Il existe de nombreux types de projets de<br />
tourisme communautaire mais deux principes fondamentaux doivent être respectés :<br />
une juste répartition des bénéfices entre les membres de la communauté et<br />
l’implication des communautés dans le processus de décisions.<br />
Selon Deslisles et Jolin (2007), le concept accorde une place fondamentale au<br />
processus de prise de décision des résidents d’une communauté visitée, c'est-à-dire à<br />
une forme de gouvernance participative où la population choisit les visiteurs qu’elle<br />
souhaite recevoir, ainsi que les modalités de leur intégration dans la communauté. Le<br />
tourisme communautaire a pour objectif de générer des revenus, de créer des<br />
emplois, de réduire la pauvreté et de causer un minimum d’impacts sur la culture et<br />
l’environnement local.<br />
Comme souligné auparavant, la difficulté inhérente au tourisme communautaire est<br />
de permettre une répartition des bénéfices équitable entre les membres de la<br />
communauté.<br />
“local ownership does not guarantee equitable distribution of the benefits, there<br />
always being the risk of local elites monopolising the benefits of tourism ventures”<br />
(Mowforth & Munt, 2003)<br />
Il a été décidé d’opter pour l’expression tourisme communautaire dans cette thèse<br />
puisque ce serait le type de tourisme qui accorde le plus d’importance à l’implication<br />
et à la participation de la population locale. Hors, le cœur de notre problématique est<br />
bien l’empowerment des ces communautés, qui ne peut être obtenu sans leur<br />
64
participation. Il est souhaité que ce tourisme communautaire soit également<br />
équitable et durable (ce qui n’est pas toujours le cas, notamment au niveau<br />
environnemental)…<br />
Ce tourisme communautaire trouve son équivalent anglais dans l’expression<br />
« community based tourism (CBT) ».<br />
Comme nous l’avons mentionné précédemment, le tourisme communautaire<br />
correspond à une philosophie de développement touristique. Un tourisme<br />
communautaire peut développer différentes sortes de produits touristiques :<br />
écotourisme, tourisme culturel,… Pour être rigoureux et précis, il peut être judicieux<br />
de rajouter l’expression « à base communautaire » pour désigner des produits<br />
touristiques qui tiennent réellement comme objectif l’empowerment et la<br />
participation des communautés locales. Il est notamment possible de parler<br />
d’écotourisme à base communautaire.<br />
Carte d’identité du tourisme CBT Community Based Tourism<br />
Territoires : tous les territoires (ruraux ou urbains)<br />
Caractéristique : activité gérée en quasi-totalité par des communautés locales<br />
marginalisées ou non.<br />
Evolution : ouverture sur la professionnalisation, la mise en réseau et la promotion<br />
de différents segments touristiques (écotourisme, tourisme culturel, etc).<br />
Affinité : écotourisme, ethnotourisme, tourisme culturel et de nature.<br />
Repères : Utilisation d’entreprises touristiques locales, issues de la communauté.<br />
Existence de mécanismes pour assurer une répartition des bénéfices du tourisme sur<br />
l’ensemble de la communauté.<br />
Populations impliquées : communautés locales via une représentation choisie par ses<br />
membres (coutume, tradition, organisation ad hoc).<br />
Acteurs dominants : associations, ONG, TO, agences.<br />
Image grand public : écotourisme, ethnotourisme.<br />
65<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Tourisme pro-pauvres, tourisme pour les pauvres, ou Pro-Poor Tourism<br />
(PPT)<br />
Le Tourisme Pro pauvre (PPT) a pour unique objectif d’augmenter les bénéfices que<br />
le tourisme permet de capter en direction des populations pauvres. Le PPT n’est pas<br />
un produit touristique ou une niche mais reflète une approche du développement<br />
touristique. Les stratégies PPT sont de trois grands types :<br />
- L’extension des avantages économiques pour les pauvres, en favorisant<br />
notamment l’emploi des personnes les plus pauvres.<br />
- L’augmentation des impacts non économiques par le financement de projets<br />
sociaux grâce aux gains du tourisme (impact indirect sur les pauvres).<br />
- Le développement de politiques permettant une plus grosse implication des<br />
populations pauvres dans la prise de décision.<br />
Les stratégies pro-pauvres peuvent être impulsées par de nombreux acteurs : tour<br />
opérateurs, hôtels, ONG, planificateurs touristiques étatiques,… Pour O<strong>DI</strong> (Overseas<br />
Development Institute), le pro-poor tourism se distingue facilement des autres types<br />
de tourisme alternatif : « Bien que le tourisme pro-pauvre rejoigne d’autres<br />
approches telles que le tourisme durable et responsable, le CBT ou l'écotourisme, sa<br />
caractéristique principale est qu'il met les personnes pauvres et la pauvreté au<br />
premier rang des priorités. ». Ils font cependant remarquer les similitudes : « Après<br />
avoir accentué les différences, il est important de préciser que beaucoup d’initiatives<br />
CBT, responsables, durables et éco, sont en réalité pro-pauvres dans leur impact et<br />
sont de bons exemples de stratégies de PPT sans en porter l’étiquette.» (Traduction<br />
libre, www.odi.org.uk).<br />
Le tourisme communautaire, censé répartir les bénéfices du tourisme à l’ensemble de<br />
la population devrait automatiquement inclure des stratégies pro-pauvres afin<br />
d’impliquer plus de personnes que quelques foyers d’une communauté.<br />
66
Carte d’identité du tourisme pro-pauvre<br />
Territoires : zones où la pauvreté est élevée.<br />
Caractéristique : en théorie, implication de pauvres à un maximum de niveau :<br />
acteurs, bénéficiaires.<br />
Evolution : vers des politiques de discrimination positive et la professionnalisation.<br />
Affinité : solidarité, relations Nord-Sud, accords internationaux.<br />
Repères : l’affichage et les mécanismes « pro-pauvres » doivent être évidents pour les<br />
touristes.<br />
Populations impliquées : communautés locales dites « pauvres ».<br />
Acteurs dominants : associations, TO, agences, institutions, institutions financières.<br />
Image grand public : approche anglo-saxonne des relations Nord-Sud.<br />
L'industrie du tourisme de masse tarde à emboîter la philosophie du PPT et seules<br />
quelques niches très spécialisées sont concernées : l'écotourisme ou le tourisme<br />
communautaire, par exemple. Un des problèmes du tourisme pro pauvres est la<br />
faiblesse des liens entre les projets et le marché touristique. On construit des<br />
infrastructures, on entraîne une main d'œuvre locale, mais au bout du compte, on<br />
semble oublier qu'à l'offre doit correspondre une demande. Dans certains cas, des<br />
communautés sont incitées à investir en main-d’œuvre et en terrain, et à s'endetter,<br />
dans des projets voués à l'échec. Ceux qui les avaient conseillés ne possèdent tout<br />
simplement pas la compétence dans la commercialisation du tourisme, ou même<br />
dans la gestion de ce type de projets. Quant aux entreprises touristiques, leur<br />
implication se limite à des dons faits au nom de leur responsabilité sociale, mais rares<br />
sont celles voulant faire les choses différemment, pour améliorer la vie des<br />
populations là où elles opèrent.<br />
1.2.3. Les expressions reflétant des produits touristiques<br />
Certains produits touristiques appliquent particulièrement bien l’un des<br />
aspects et valeurs présentées précédemment. L’écotourisme peut se pratiquer à base<br />
communautaire, de façon responsable, solidaire,… Selon Jolin et Deslisles (2007), ces<br />
67<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
types de tourisme se focalisent particulièrement sur l’un ou l’autre des piliers du<br />
tourisme durable : social/culturel, économique ou environnemental.<br />
Figure 4 : Classification des tourismes selon les piliers du tourisme durable<br />
Tourisme culturel<br />
Ethnotourisme<br />
Agrotourisme<br />
Social/culturel<br />
Congés solidaires Ecotourisme<br />
Voyages de coopération volontaire Tourisme vert / Tourisme de plein air<br />
Source : Jolin, 2007, p.67<br />
Tourisme<br />
durable<br />
Tourisme d’aventure<br />
Economique Environnemental<br />
Le schéma présenté par Jolin nous semble incomplet et quelque peu erroné dans le<br />
sens où ce dernier classifie le tourisme volontaire ou les congés solidaires dans le pôle<br />
économique. Selon nous, volunteer tourism, tourisme humanitaire, reality tours,<br />
congés solidaires, seraient à classifier dans un pôle politique, qui est absent. Le pôle<br />
économique, resterait vide car tous les produits touristiques contribuent au<br />
développement économique, étant insérés dans une dynamique marchande, mais<br />
aucun n’a comme composante de son offre, l’économie.<br />
L’écotourisme et le tourisme vert ou de nature<br />
Le concept d’écotourisme est apparu dans les années 1985 dans les milieux<br />
naturalistes nord-américains afin d’alerter la population sur les dégâts causés par la<br />
fréquentation croissante des espaces naturels. Quelques années plus tard, en 1990,<br />
cette démarche s’institutionnalise avec la création de la Société internationale<br />
d’écotourisme. Lors de l’émergence du concept, l’écotourisme était défini comme une<br />
68
forme de voyage responsable dans des espaces naturels, contribuant à la préservation<br />
et conservation de l’environnement naturel.<br />
Le critère de l’implication des populations locales n’a été que tardivement introduit<br />
dans les définitions sur l’écotourisme même si le terme a été inventé vers 1983 par<br />
Ceballos Lascurain qui intégrait initialement le souci des impacts sur les populations<br />
locales.<br />
« Ecotourism is environmentally responsible, enlightening travel and visitation to<br />
relatively undisturbed natural areas in order to enjoy and appreciate nature (and<br />
any accompanying cultural features both past and present) that promotes<br />
conservation, has low visitor impact, and provides for beneficially active socioeconomic<br />
involvement of local populations » (Ceballos-Lascurain 1996).<br />
La Déclaration du Québec de 2002, l’Ecotourism Society et l’OMT soulignent<br />
l’importance de l’implication des populations locales dans leur définition.<br />
L’OMT identifie plusieurs caractéristiques propres à l’écotourisme :<br />
• Il rassemble toutes les formes de tourisme axées sur la nature.<br />
• Il comporte une part d’éducation et de sensibilisation<br />
• Il est généralement organisé pour des petits groupes.<br />
• Il s’accompagne de retombées négatives limitées sur l’environnement naturel.<br />
• Il favorise la protection des zones naturelles : en procurant des avantages<br />
économiques aux communautés d’accueil, en créant des emplois et en<br />
sensibilisant la communauté locale.<br />
La définition large d’écotourisme inclut tous les types de tourisme basés sur<br />
l’appréciation de phénomènes naturels : le tourisme de nature (ou tourisme vert).<br />
Une définition plus restrictive de l’écotourisme (avec focus environnemental)<br />
soutient que celui-ci se différencie des deux premiers puisqu’il doit être géré de façon<br />
durable, en incluant des actions d’éducation environnementale et de soutien à la<br />
conservation.<br />
69<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Le marché de l’écotourisme et du tourisme de nature en général connaît une<br />
croissance située entre 10% et 25% annuellement, loin devant les 3% à 5% de<br />
croissance du tourisme généraliste (Lindberg & al, 1997). Ce secteur a donc franchi la<br />
distance entre niche et segment de marché.<br />
Il existe deux positions en ce qui concerne le concept de durabilité, qui se<br />
traduisent en deux philosophies distinctes d’écotourisme qu’Acott matérialise par<br />
l’utilisation des expressions écotourisme dur et doux (Acott 1998)<br />
La position douce soutient des politiques réformistes, en assurant que le<br />
développement, à travers l’utilisation responsable des ressources et avec l’implication<br />
des populations locales, peut aller de pair avec la conservation.<br />
L’autre position plus dure souligne que la nécessité de préserver les ressources<br />
implique une croissance nulle. Dans une optique d’écotourisme dur, les thématiques<br />
environnementales peuvent également s’opposer aux besoins des communautés<br />
locales. C’est ce que Dobson dénonce comme une forme “d’écoimpérialisme” (In<br />
Mowforth & Munt, 2003, p.46) qui répond aux exigences et besoins<br />
environnementaux de l’Occident. Ce phénomène a été particulièrement illustré lors<br />
de la création de différents parcs régionaux de par le monde où des populations<br />
locales ont été chassées de leur lieu de vie pour répondre aux désirs de conservation<br />
environnementale et aux envies des touristes pour des espaces vierges (Scheyvens,<br />
2002).<br />
Limites de l’écotourisme<br />
Il est nécessaire de dénoncer le greenwashing qui est omniprésent et se traduit<br />
notamment par l’utilisation abusive du terme éco dans un but purement marketing.<br />
Il existe de nombreux projets ou produits éco touristiques qui sont contrôlés<br />
entièrement par des opérateurs étrangers, dont le seul but est la maximisation des<br />
profits et qui ne consultent en rien les populations locales. C’est ce qui a été dénoncé<br />
par les indigènes, lors de l’année écotourisme 2002, qui ont décidé d’organiser une<br />
action pour dénoncer le manque d’implication et de participation des populations<br />
70
locales dans les projets écotouristiques. La déclaration d’Oaxaca 3 stipule que les<br />
indigènes doivent :<br />
• connaître les impacts positifs et négatifs avant qu’un développement soit<br />
accepté ; participer à toutes les étapes du projet ;<br />
• pouvoir dire non à n’importe quelle étape<br />
• viser l’autosuffisance<br />
• ne pas être les objets mais bien les sujets actifs du projet ;<br />
• avoir des droits mais également des responsabilités.<br />
Exploité comme un simple argument de marketing, l’écotourisme omet souvent<br />
d’impliquer les populations locales. Les mécanismes de retour des bénéfices attendus<br />
auprès des populations locales sont rarement abordés sur le plan pratique. Dans<br />
d’autres cas, ce sont les gouvernements nationaux ou locaux qui peuvent s’accaparer<br />
des bénéfices économiques de projets écotouristiques sans en faire bénéficier les<br />
acteurs locaux. (Scheyvens 2002, Akama 1996).<br />
L’écotourisme : tiraillé entre objectifs idéologiques et profit<br />
L’écotourisme est, par nature, une affaire de petite envergure. Les entreprises<br />
écotouristiques ne peuvent pas devenir de grandes entreprises, parce qu’elles ne<br />
feraient plus dans l’écotourisme (respect de la capacité de charge). Pour toutes ces<br />
raisons, beaucoup d’experts pensent que l’écotourisme ne sera jamais une affaire très<br />
lucrative. Seulement 30 % environ des entreprises qui se consacrent au tourisme vert<br />
atteindraient le seuil de rentabilité. L’ecotourisme pur est difficilement rentable. A<br />
partir de ce constat, on peut se demander si la pratique écotouristique ne va pas être<br />
pervertie par des réalités économiques de rentabilité.<br />
3 The International Forum on Indigeneous Tourism, Oaxaca, Mexique, 18-20 Mars 2002.<br />
71<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
De nombreux projets de tourisme communautaire développent des produits<br />
écotouristiques. L’expression « écotourisme à base communautaire »<br />
(Community-based-ecotourism) devrait être un pléonasme puisque l’écotourisme<br />
devrait par définition assurer aux membres des communautés locales un fort degré<br />
de contrôle sur les activités afin qu’ils puissent retenir une proportion significative<br />
des bénéfices en leur faveur.<br />
Carte d’identité de l’écotourisme<br />
Territoires : zones naturelles avec une composante culturelle forte.<br />
Caractéristique : outil de conservation de la nature.<br />
Evolution : incorpore progressivement des objectifs locaux de nature sociale,<br />
culturelle et économique.<br />
Affinité : tourisme de nature, tourisme naturaliste, développement durable.<br />
Repères : satisfait le besoin des clients des pays émetteurs d’une nature préservée.<br />
Populations : communautés locales.<br />
Acteurs dominants : ONG, agences et TO.<br />
Image grand public : nature, détente, élitiste.<br />
Le tourisme culturel<br />
Il définit les produits dont la finalité est l’enrichissement culturel du voyageur<br />
au contact du patrimoine du pays visité. Le tourisme culturel a souvent tendance à<br />
privilégier le passé, par exemple dans l’architecture, au détriment du patrimoine «<br />
immatériel » (héritages culturels et dynamiques locales). Plutôt élitiste, le tourisme<br />
culturel n’est donc pas exempt d’ambiguïté lorsque les populations locales sont mises<br />
au service d’un patrimoine ancien, au mépris de leur culture présente, ce qui est<br />
généralement le cas dans les hauts lieux du patrimoine architectural (en Egypte, les<br />
Pyramides ou Angkor), avec pour conséquence paradoxale d’entraîner une<br />
déculturation des cultures locales contemporaines. Autre dérive, celle du pillage des<br />
patrimoines (pointes de flèches du désert, icônes, statues et morceaux<br />
d’architecture…). Le tourisme culturel, peut se développer sous différentes formes :<br />
ethno tourisme, tourisme patrimonial, etc.<br />
72
Le tourisme ethnoculturel, l’ethnotourisme (ou tourisme indigène)<br />
C’est un produit touristique souvent développé par des projets de tourisme<br />
communautaire de communautés indigènes ou autochtones. La communauté locale<br />
doit être à l’origine de son entreprenariat touristique. Il représente une rencontre<br />
entre le touriste et l’hôte et comporte un côté de sensibilisation du touriste au respect<br />
de l’identité culturelle. Il représente une rente alternative pour les communautés<br />
indigènes, tout en permettant la défense ou la récupération de la culture, de la<br />
cosmovision et de l’esprit des communautés indigènes.<br />
Il permet de renforcer et de développer des réseaux locaux, nationaux et<br />
internationaux de tourisme indigène, à mêmes de permettre des échanges<br />
d’expériences entre communautés, de s’apporter un soutien en terme de marketing et<br />
de promotion des destinations.<br />
Tourisme volontaire (volunteer tourism, tourisme humanitaire, camps<br />
de travail)<br />
Un produit significatif du tourisme alternatif, considérée comme le plus impliqué<br />
dans l’objectif de sensibilisation du tourisme est le tourisme volontaire que l’on peut<br />
appeler voluntourism, volunteer tourism, service-learning, volontariat international,<br />
expérience internationale, study abroad programme, study tourism… Cette forme de<br />
tourisme s’est crée suite à une demande forte de la part des touristes pour une plus<br />
grande implication avec les sociétés et cultures locales (Mac Cannell, 1976). Ce<br />
tourisme peut être classifié comme un produit du Justice Tourism.<br />
Le volunteer tourisme peut combiner un travail volontaire avec des activités plus<br />
traditionnelles de tourisme et de recréation. De nouveaux TO se sont spécialisés sur<br />
ce marché et des ONG se sont également insérées sur ce créneau en essayant de<br />
capter la visite de ces nouveaux volontaires. Cette expérience a pour but d’augmenter<br />
la connaissance des participants quant aux problématiques du développement, ses<br />
73<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
causes et comment ils pourraient contribuer à la réduction de ces problèmes. Il<br />
implique nécessairement la réalisation de travaux volontaires par le participant.<br />
Reality tourism<br />
Ce produit touristique, issu de la philosophie du “Justice Tourism” possède comme<br />
objectif premier la conscientisation du visiteur dans une optique de transformation<br />
sociale globale.<br />
Selon Global Exchange, une ONG américaine spécialisée en Justice Tourism, les<br />
reality tours sont des voyages socialement responsables dans l’optique de créer des<br />
liens de solidarité entre tous les participants.<br />
“Reality Tours are founded on the principles of experiential education and each tour<br />
focuses on important social, economic, political and environmental issues. The<br />
emphasis is on meeting the people, learning the facts firsthand, and then working<br />
toward the alleviation of global problems and enacting positive change.”<br />
(www.globalexchange.com)<br />
Les voyages de solidarité<br />
C’est une déclinaison du voyage d’immersion mais aux côtés d’une population<br />
particulièrement marquée par des événements graves (conflits, guerres). Lorsque des<br />
communautés sont ainsi victimes de troubles, c’est-à-dire souvent réduites à l’état de<br />
ghetto social et culturel, un séjour de personnes étrangères auprès d’elles peut non<br />
seulement faciliter le dialogue et l’ouverture, mais aussi avoir valeur de témoignage et<br />
déboucher sur d’éventuelles actions ultérieures.<br />
Nous citerons seulement quelques uns de ces produits puisque la dénomination est<br />
finalement d’une importance secondaire, l’important étant de comprendre leur<br />
philosophie et contenu.<br />
Au delà des mots, il est nécessaire de se pencher sur les pratiques.<br />
S’interroger sur les stratégies à disposition pour permettre l’empowerment des<br />
communautés locales sera donc notre objectif. C’est ce que nous ferons dans<br />
une seconde partie de cette thèse.<br />
74
« The importance of developing strategies to link local projects into wider strategies<br />
and movements for change at both national and international levels is clearly<br />
defined… This issue is critical in relation to long-term goals for transformation. If<br />
community participation and empowerment are to contribute to such longer-term<br />
goals, then strategies need to be formulated…to engage wider political processes<br />
and to be set within a framework of (existing) economic, social and political<br />
structures». (Craig et Mayo, 1995, p.9-10)<br />
1.3. Le tourisme alternatif en pratique<br />
« Le tourisme est l’industrie qui consiste à transporter des gens qui seraient mieux<br />
chez eux dans des endroits qui seraient mieux sans eux. »<br />
Mistler, académicien, critique et homme politique français, 1897-1988.<br />
Le bon touriste serait-il celui qui reste à la maison ? Pour explorer le monde, il ne<br />
resterait guère d'autre choix que de revenir à une vieille méthode : s'installer<br />
confortablement dans un fauteuil avec une pile de livres… Etant donné que très peu<br />
d’entre nous sont prêts à renoncer à leur DROIT au voyage, quelles sont les<br />
alternatives qu’il nous reste ?<br />
1.3.1. Analyse comparée de la pratique du tourisme alternatif<br />
entre France et Italie<br />
1. Le tourisme alternatif : pratiques et acteurs<br />
En Europe, les organisations de tourisme solidaire diffèrent par leurs attaches<br />
historiques nationales, par les statuts choisis (associations, coopératives, fondations,<br />
syndicats), par leur taille et leur poids monétaire, par les fédérations et réseaux<br />
constitués, par les catégories de bénéficiaires ciblées et par les champs géographiques<br />
couverts.<br />
Au niveau pratique, il est nécessaire de rappeler que l’activité touristique résulte de<br />
l’assemblage de prestations de services fournies par une multiplicité d’organisations<br />
différentes au Sud comme au Nord. Comment procèdent les différents opérateurs de<br />
75<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
tourisme alternatif pour s’assurer que l’offre des différents prestataires soit équitable<br />
et favorise le développement local ?<br />
En général, une association au nord commercialise en direction de clients/usagers<br />
solvables du nord des voyages, tout en soutenant techniquement les organisations de<br />
base du sud dans l’élaboration du séjour touristique et dans le choix du projet de<br />
développement<br />
Ce tourisme alternatif représente une innovation en termes de processus de<br />
production du tourisme, celle de la coproduction du service entre l’ensemble des<br />
partenaires dans un objectif de développement économique, social et<br />
environnemental approprié par les populations du territoire d’accueil. La production<br />
touristique associe ainsi trois acteurs : les associations du nord, les organisations de<br />
base du sud et les touristes (brokers, hôtes et visiteurs).<br />
Les associations du Nord informent et sensibilisent aux méfaits du tourisme de<br />
masse, vendent des voyages solidaires et viennent en appui organisationnel aux<br />
populations du sud (structuration en collectif, appui à l’ingénierie des projets<br />
notamment).<br />
Les organisations du Sud produisent la prestation touristique, réaffectent une partie<br />
des bénéfices tirés de l’activité touristique dans leurs projets de développement<br />
communautaire.<br />
Les touristes sont supposés adopter un comportement respectueux des spécificités<br />
locales. Une fois sensibilisées et conscientisés sur les problématiques du Sud, ils<br />
pourront adopter un rôle actif et de soutien en se lançant dans de nouveaux<br />
activismes.<br />
2. L’hétérogénéité des modes de structuration du tourisme solidaire<br />
Au niveau européen, des distinctions nettes ressortent aussi bien dans la pratique du<br />
tourisme alternatif que dans le débat théorique et académique. Les deux pays à<br />
l’étude dans ce chapitre, la France et l’Italie, ont été choisis aussi bien pour leur<br />
dynamisme dans ce secteur (pays où l’offre alternative est constituée en réseaux et<br />
76
qui peuvent être considérés comme deux pionniers européens) que pour la<br />
connaissance personnelle des réseaux de tourisme alternatif de ces deux pays acquise<br />
par l’auteur durant ces dernières années.<br />
En Italie, c’est le terme « tourisme responsable » qui fait l’objet d’une labellisation et<br />
a porté à la création de l’AITR (Associazione italiana di turismo responsabile) en<br />
1998.<br />
En France, plusieurs termes sont employés mais deux ont acquis une légitimé plus<br />
forte par la création de l’ATES : Association de tourisme équitable et solidaire. Nous<br />
utiliserons cependant l’expression « tourisme solidaire » pour qualifier les différentes<br />
expérimentations à la française.<br />
Si dans la conception française, le tourisme solidaire est principalement à destination<br />
des pays en voie de développement, l’Italie retient un éventail géographique plus<br />
large : le tourisme responsable concerne tout autant les pays moins développés que le<br />
territoire italien lui-même.<br />
Selon Bellia R et Richez-Battisti (2004), ayant effectué une étude comparative entre<br />
les réseaux de tourisme alternatif en France et en Italie, des différences assez<br />
marquantes se font ressortir entre les pays transalpins.<br />
L’Italie semble en effet avoir réussi à structurer un réseau et à combiner des principes<br />
civiques avec des principes d’organisation industriels. À l’opposé, la France se<br />
caractérise par un mode de production artisanal du tourisme solidaire et des<br />
structures peu connectées entre elles.<br />
L’Italie : Réseau structuré et industrialisation du service<br />
Le tourisme responsable en Italie s’est crée en réactions au mouvement d’opposition<br />
au tourisme de masse relayé par différents acteurs hétérogènes aussi bien dans leur<br />
mode d’organisation que dans leurs valeurs : des ONG de coopération internationale,<br />
des organismes de tourisme social, des coopératives de services et de tourisme, des<br />
associations de défense des consommateurs, des coopératives de commerce<br />
équitable….<br />
77<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
A la fin des années 80, ces acteurs se sont donc regroupés dans l’objectif de<br />
sensibiliser l’ensemble des acteurs (touristes, TO, populations locales) aux impacts<br />
négatifs produits par le tourisme de masse.<br />
Ce regroupement, loin d’être facile à réaliser, s’est basé sur la recherche du<br />
compromis.<br />
« Nous étions d’accord surtout ce que l’on ne voulait pas (…) Nous partagions une<br />
volonté commune et au lieu de nous disperser sur les nombreux désaccords que nous<br />
avions, nous nous sommes concentrés sur les quelques points sur lesquels nous<br />
étions d’accord et sur les forces et les volontés que chacun pouvait apporter »<br />
(Entretien Président d’AITR, In Bellia R, 2004).<br />
La première production formelle de ce regroupement, issu d’un Forum du tourisme<br />
responsable remonte à 1997 : l’adoption d’une Charte du Tourisme Responsable<br />
décrivant les principes fondateurs du tourisme responsable. Trouver un consensus<br />
entre les différents acteurs en présence fut loin d’être facile (dizaine de grosses<br />
fédérations d’obédience idéologiques très diverses) mais a permis de produire les<br />
bases d’une vision commune dans le domaine.<br />
L’Associazione italiana di turismo responsabile fut crée un an après l’adoption de<br />
cette Charte, en 1998, dans l’objectif de fédérer l’ensemble des initiatives de tourisme<br />
solidaire en Italie et d’élargir le réseau (une cinquantaine d’adhérents en 2003). Elle a<br />
pour mission la promotion, l’information, ainsi que le lobbying auprès des pouvoirs<br />
publics et l’éducation au tourisme responsable.<br />
Des consortiums d’agences de voyage dédiés à la commercialisation de voyages de<br />
tourisme responsable ont vu le jour comme Viaggi Solidali, Pindorama, Viaggi e<br />
miraggi. D’autres TO spécialisés en tourisme responsable maintiennent des activités<br />
classiques d’agences de voyage (Planet Viaggi).<br />
Les membres de l’AITR doivent adhérer à la Charte même si aucun contrôle et<br />
aucune sanction ne sont prévus en cas de non-respect d’un des critères. La signature<br />
de cette Charte se limite à une déclaration de bonnes intentions. Des campagnes de<br />
sensibilisation sur les externalités négatives du tourisme et sur le comportement des<br />
touristes sont conduites régulièrement par l’AITR.<br />
78
La spécificité italienne réside dans une co-construction de l’activité touristique forte<br />
entre TO spécialisés et ONG. Une grande partie de l’offre des TO provient de la<br />
commercialisation de projets de coopération développés par des ONG. De plus les<br />
TO de tourisme responsable qui se sont constitués sont issus majoritairement du<br />
monde de la coopération internationale (plus rarement du monde du tourisme<br />
classique).<br />
En France : prédominance d’un mode de production artisanal<br />
Le développement du tourisme solidaire en France a suivi des logiques tout à fait<br />
différentes.<br />
« On assiste dans les années 90 à l’émergence de projets de tourisme solidaire au sein<br />
d’associations qui ont développé individuellement et sur leur propre lieu<br />
d’intervention, une nouvelle forme de tourisme orienté vers le développement<br />
économique local. Chacune a établi ses propres principes et démarches et qualifie à sa<br />
manière le tourisme alternatif qu’elle contribue à développer : éco-tourisme, tourisme<br />
solidaire, équitable ou éthique… De ce point de vue, on constate la faiblesse de<br />
coproduction en interne des fondements et principes du tourisme solidaire. Ce n’est<br />
qu’à posteriori que les associations productrices de ces différentes formes de<br />
tourisme tentent aujourd’hui de se regrouper, tout en revendiquant leurs<br />
spécificités». (Bellia R, 2005)<br />
Il existe de nombreux regroupements et tentatives d’inter coopérations partielles qui<br />
reflètent un fort manque de cohésion dans le secteur.<br />
Le regroupement national ATES (Association de tourisme équitable et solidaire), créé<br />
en 2006, dépend de l’UNAT (l’Union Nationale des Associations de Tourisme) et a<br />
repris le travail de coordination qu’avait mis en place l’UNAT notamment grâce à<br />
l’élaboration d’un document (Carnet de Voyages) recensant l’ensemble des<br />
expériences conduites en matière de tourisme solidaire (27 structures recensées).<br />
Comme le souligne Bellia R (2005), « cet investissement de forme, indispensable<br />
pour donner une lisibilité au tourisme solidaire en France, a pourtant suscité des<br />
79<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
débats auprès de la plupart des associations de tourisme solidaire. En effet, le fait que<br />
l’UNAT réalise ce fascicule d’information a été perçu comme une tentative de cette<br />
Union de tourisme social pour devenir le porte-parole d’un tourisme solidaire. »<br />
La remise en question de la légitimité de l’UNAT dans le champ du tourisme solidaire<br />
a conduit à l’émergence de l’ATES… A voir si celle-ci est perçue comme légitime pour<br />
être porte paroles du tourisme solidaire français ou si la diversité des initiatives de<br />
tourisme solidaire fait que les structures n’arrivent pas à se reconnaître dans un<br />
organisme de regroupement.<br />
L’ATES n’est pas le seul réseau de tourisme solidaire. D’autres réseaux se sont<br />
constitués sur la base d’une proximité géographique ou axiologique.<br />
- Le réseau Départ CADR (Collectif des Associations de Développement de Rhône-<br />
Alpes) regroupe 9 associations de tourisme solidaire et 30 engagées dans la solidarité<br />
internationale et le commerce équitable.<br />
- Quatre associations4 se sont regroupées pour intégrer la plate-forme pour le<br />
commerce équitable en 2002 et ont rédigé une charte du tourisme équitable.<br />
- L’ATR (Association de tourisme responsable) regroupe des TO classiques orientés<br />
"Ecotourisme" et/ou "tourisme d'aventure" souhaitant entrer sur le marché du<br />
tourisme responsable (Atalante,…) et qui partagent une Charte éthique en commun.<br />
Cette structure se distingue fortement de l’ATES qui est composée de structures<br />
associatives. Il est possible de constater qu’associations à but non lucratif et<br />
entreprises ont beaucoup de mal à dialoguer<br />
En l’absence d’un cadre commun, (absence d’une Charte présente dans le cas italien),<br />
« il semble exister autant de conceptions du tourisme solidaire que<br />
d’expérimentations. De ce point de vue, le tourisme solidaire s’apparente à un secteur<br />
artisanal, caractérisé par l’hétérogénéité des produits proposés et leur absence de<br />
standardisation. Les voyages solidaires français sont le plus souvent le résultat d’une<br />
construction en binôme entre un acteur du Sud et un acteur du Nord, donnant<br />
chacun leur propre conception du tourisme solidaire.» (Bellia R, 2005).<br />
4 TDS, Croq’nature, Djembé, La Route des Sens<br />
80
Dans la construction des voyages solidaires, les opérateurs du Nord et du Sud<br />
semblent explicitement coproduire l’activité de service. L’absence d’intermédiaires,<br />
jouée par l’ONG dans le cas italien, peut permettre d’obtenir un jeu à sommes<br />
positives ou à sommes négatives dans l’optique d’empowerment des communautés<br />
locales hôtes du Sud.<br />
Ces initiatives sont très diverses, souvent liées à une personne qui a une attache<br />
particulière avec un pays. Ces promoteurs ont souvent créé des associations sans but<br />
lucratif, qui fonctionnent comme de petites agences autonomes, spécialisées dans les<br />
« voyages solidaires » dans les pays en développement.<br />
Les associations en France ne commercialisent pas d’initiatives portées par des ONG<br />
mais aident directement leurs partenaires du Sud à se constituer en coopératives ou<br />
en organisations villageoises pour gérer les flux de touristes solidaires qu’ils envoient.<br />
La question qui se pose est donc de déterminer si ces associations possèdent les<br />
compétences nécessaires d’agents de développement, à même de favoriser<br />
l’empowerment des communautés.<br />
Le fait que certains dirigeants d’associations en France aient eu un parcours antérieur<br />
dans l’agro-tourisme, ou aient été des techniciens du développement local contribue à<br />
la sensibilité des opérateurs français aux questions du développement et à leur<br />
efficacité du point de vue de l’ingénierie de projets, mais tous les acteurs ne possèdent<br />
pas forcément ce background.<br />
Le tourisme alternatif français étant basé sur le concept du tourisme solidaire<br />
implique quasi automatiquement le financement de projets de coopération par<br />
l’opérateur touristique. Comme nous le développerons dans la partie suivante sur<br />
l’analyse de l’offre française, il n’existe pas d’homogénéité dans cette pratique.<br />
Certains opérateurs consacrent 30 % des bénéfices à la réalisation d’un projet de<br />
développement alors que d’autres seulement 3%. Ce tourisme, encore artisanal<br />
semblerait surdéterminé par le financement de projets de développement au sud,<br />
laissant à la marge l’objectif de conscientisation du tourisme.<br />
« En France malheureusement, on reste beaucoup dans l’idéologie. La dispersion des<br />
efforts et des initiatives n'aide pas du tout la cause du Tourisme alternatif et donne<br />
81<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
une image brouillée de ce concept dans notre pays. D’autant que la notion de «<br />
tourisme solidaire » promue par l’UNAT – autrement dit le fait de contribuer à un<br />
projet de développement par son voyage – tend à éclipser celle de « tourisme<br />
équitable ». (El Alaoui F, 2006)<br />
Bellia R, termine son analyse comparative par les conclusions suivantes :<br />
« L’Italie a fait le pari d’une organisation « industrielle » intégrée, fortement<br />
structurée en réseau autour de projets au sud et au nord, centrée sur la<br />
transformation des comportements, dans le cadre de filières intégrées et de stratégies<br />
de mutualisation des compétences ».<br />
« La France se caractérise par une organisation artisanale du tourisme solidaire<br />
centrée sur la coexistence de petits producteurs faiblement connectés les uns aux<br />
autres et fortement orientée vers le développement local au Sud. » (Bellia, 2004)<br />
Nous convergeons tout à fait avec son analyse sur la disparité de l’offre mais mettons<br />
plus en doute son affirmation sur l’orientation du tourisme solidaire vers le<br />
développement local du Sud. L’offre est centrée plus exactement sur le financement<br />
de projets de développement au Sud, hors il est assez difficile d’analyser de prime<br />
abord si ces financements contribuent réellement au développement local et à<br />
l’empowerment des populations ou s’il est plus l’héritier d’une logique<br />
assistentialiste, bien française. Ce thème sera traité plus en profondeur dans l’analyse<br />
ci-après.<br />
1.3.2. Analyse des pratiques touristiques alternatives en<br />
France<br />
Le contenu de la récente brochure de l’Union Nationale des Associations de Tourisme<br />
et de plein air (UNAT, 2002, « D’autres voyages, du tourisme à l’échange ») permet<br />
d’esquisser une typologie approximative du contenu des actions de tourisme solidaire<br />
des associations françaises membres de l’ATES. 5<br />
5 Les structures analysées ont été les suivantes : 1 : A Pas de Loup ; 2 : ARVEL ; 3 : Atalante ; 4 :<br />
CEVIED ; 5 : Couleurs Sensations (association) ; 6 : Croq’Nature & Amitié Franco-Touareg ; 7 :<br />
Ecotours ; 8 : La Burle (SCOP) ; 9 : La route des cuisines (association) ; 10 : La Route des Sens<br />
(association) ; 11 : Madagascar autrement & Nature et Tourisme ; 12 : Palabres sans frontières<br />
82
1. Financement d’actions ponctuelles - action humanitaire, matériels<br />
• Micro-actions de développement : envoi de semences potagères, médicaments, petit<br />
matériel scolaire<br />
• Fournitures scolaires, aide à une cantine.<br />
• Petites opérations humanitaires : école, dispensaires, adduction d’eau.<br />
2. Financements d’actions de développement<br />
• De 15 à 30 EUR/voyageur reversés aux associations partenaires ou utilisés pour<br />
financer des projets de développement local.<br />
• De 3 à 35% du prix du séjour reversé pour financer des projets de développement<br />
• Dons à des associations de solidarité qui n’agissent pas forcément sur le territoire<br />
des populations hôtes (ex : 3% du prix du voyage reversés à l’association « Slow Food<br />
» en faveur de la biodiversité alimentaire)<br />
• Financements de microprojets réalisés localement par l’association ou par son<br />
partenaire local– (création de jardins expérimentaux, ramassage des déchets, soutien<br />
à des établissements scolaires et à des petites entreprises artisanales, case de santé …)<br />
• Bénéfices alimentant un fond de développement local, géré directement par la<br />
communauté.<br />
• Création de pôle de solidarité d’anciens voyageurs autour de microprojets : santé,<br />
éducation, artisanat, agriculture.<br />
3. Autonomie des partenaires locaux recherchée dans une limite de 5ans<br />
d’accompagnement (objectif cité par une seule structure)<br />
(association) ; 13 : Point Afrique (Coopérative de voyages) ; 14 : Saïga ; 15 : Tourisme &<br />
Développement Solidaire (association) ; 16 : Vision du Monde (association) ; 17 :Vacances Bleues-<br />
Voyager autrement (agence) ; 18 : ADEN ; 19 : Amder Voyages (agence) ; 20 : Djembé (association) ; 21<br />
: Les amis de Mamadou et du Sénégal (association) ; 22 : les amis de Tamnougalt (association) ; 23 :<br />
Maroc chez l’habitant (agence) ; 23 : SME/Mass Education ; 25 : Posada San Rafael (ferme-auberge) ;<br />
26 : Tourisme et Solidarité – Secours catholique / Caritas France (groupement d’associations) ; 27 :<br />
Village Ahémé (Hotel).<br />
83<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
4. Vers une sensibilisation et éducation des visiteurs<br />
• Sensibilisation particulière des visiteurs aux problèmes locaux sociaux,<br />
économiques, environnementaux et culturels.<br />
• Chantiers communautaires dans le cadre d’une formation aux réalités du<br />
développement local au Sud : construction de bâtiments publics collectifs, d’écoles,<br />
dispensaires…<br />
• Rencontres organisées avant les voyages.<br />
• Invitation des voyageurs motivés à la poursuite d’action d’aide au développement<br />
après le retour.<br />
• Information aux voyageurs sur les nuisances potentielles du tourisme classique.<br />
L’analyse succincte des actions présentées par les vingt-sept pionniers du tourisme<br />
solidaire de la brochure UNAT permet de tirer des conclusions intéressantes.<br />
Financement d’actions humanitaires ou de projets de développement<br />
Les cibles et domaines d’action sont majoritairement le financement d’actions<br />
humanitaires ponctuelles ou plus couramment de projets de développement (local ou<br />
non).<br />
Les actions de développement local concernent, dans l’ordre décroissant, le<br />
développement rural (agriculture, élevage), la scolarisation et l’éducation, la santé, la<br />
gestion de l’eau, l’artisanat, la salubrité.<br />
Les montants affectés au financement de telles actions sont très éclectiques ; ils<br />
peuvent s’exprimer sous la forme de forfaits (de 15 à 30 euros) ou d’un pourcentage<br />
du prix du séjour (de 3% à 30%). Ce manque d’harmonisation peut sembler une<br />
faiblesse.<br />
La participation à des actions de développement peut s’exprimer de différentes<br />
formes :<br />
84
- Action directe réalisée par l’agence de voyage qui joue le rôle d’agent de<br />
développement.<br />
Interrogation : Dans ce cas, il est légitime de se demander si celle-ci possède les<br />
compétences nécessaires pour mettre en place des actions de développement.<br />
- Action de développement menée par le partenaire local.<br />
Interrogation : Cette modalité d’action semble être en faveur d’une logique<br />
d’empowerment des partenaires du Sud. Cependant les partenaires en question<br />
réaliseront-ils des actions en faveur de l’ensemble de la population locale. Ces<br />
partenaires sont-ils représentatifs de la population locale et organisent-ils une<br />
juste répartition des bénéfices dans une optique d’empowerment social ?<br />
- Financements de projets réalisés par d’autres partenaires extérieurs (ONG,<br />
associations) auprès de la population locale visitée<br />
Interrogation : Cette modalité semble être intéressante si les partenaires en<br />
question sont des professionnels de la coopération. La difficulté pour l’agence est<br />
de trouver des partenaires de confiance.<br />
- Dons pour soutenir des actions menées en dehors du territoire local d’accueil<br />
Interrogation : Le financement d’actions qui ne concernent pas la population<br />
d’accueil ne participe pas d’une logique de développement local. Sa raison d’être<br />
peut être directement remise en question. Cette philanthropie ne serait-elle pas<br />
tout simplement un moyen de se donner bonne conscience, redorer le blason du<br />
revendeur ?<br />
Les rapports avec les autorités - nationales, régionales, locales - et avec les<br />
organismes internationaux - UNESCO, PNUE…- ne sont mentionnés par aucune<br />
structure. Cela peut engendrer une duplication des actions de développement sur le<br />
terrain et ne permet pas de créer des effets de synergie entre les différents opérateurs<br />
de développement sur un même territoire.<br />
85<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Sensibilisation des touristes<br />
Le volet « sensibilisation des touristes » avant le voyage est beaucoup plus important<br />
que celui consacré à la réflexion après le voyage. Selon nous, les réflexions post<br />
voyages, que peuvent encourager les agences, ont pourtant une importance cruciale<br />
pour permettre que le tourisme se transforme en réel instrument de transformation<br />
sociale et le touriste en potentiel activiste. Le voyage ne devrait pas s’arrêter une fois<br />
posées les valises, de retour chez soi.<br />
Vers un empowerment des partenaires du Sud ?<br />
Rechercher à créer les conditions pour une autonomie des partenaires locaux dans<br />
une limite de 5 ans d’accompagnement est un objectif partagé par très peu de<br />
structures. Si l’on raisonne dans une optique de tourisme équitable, et non seulement<br />
solidaire, cette mesure est la seule qui permette à terme d’établir des liens plus justes<br />
avec les partenaires du Sud et de changer la logique d’opération du tourisme. On<br />
s’inscrit réellement dans une optique de recherche d’empowerment des<br />
communautés locales. On pourrait donc en conclure que les actions des associations<br />
de l’ATES se situent plus dans une optique de philanthropie que d’empowerment.<br />
Les réflexions conclusives qui peuvent être faites et ont été mis en exergue par l’étude<br />
sont le manque de pratiques d’évaluation et la présentation généralement<br />
minimaliste du volet « solidaire » des voyages c’est à dire des actions menées par la<br />
plupart des structures, auprès du grand public. Ces deux éléments révèlent qu’il<br />
existe un niveau de transparence assez faible de ces dernières, ce qui ne favorise pas<br />
la compréhension auprès du public.<br />
Limites : De nombreuses associations de tourisme solidaire créent elles-mêmes leurs<br />
propres produits, qui ne sont pas à l'initiative des communautés.<br />
Corporatisme et élitisme ?<br />
Il est intéressant de savoir si ce concept de tourisme solidaire n’est pas réservé, de<br />
fait, à une sorte d'élite, qu'elle soit intellectuelle ou financière. Car dans ce cas, cela<br />
irait à l'encontre de ses principes. Dans la réalité, la clientèle à laquelle s'adresse les<br />
86
produits mis sur le marché à ce jour, est une minorité intellectuelle (étudiants,<br />
enseignants, membres d'associations) et aussi financière (les produits sont plus<br />
coûteux que le tourisme classique).<br />
Il existe une volonté forte de ne pas étendre cette pratique. Forte volonté de<br />
différenciation par rapport au stupide touriste de masse…. Qu’on le veuille ou non…<br />
On se trouve donc devant des produits réservés en priorité à certaines catégories de<br />
personnes refusant le tourisme de masse. Dans son ouvrage intitulé « Enquête sur le<br />
tourisme de masse, l'écologie face au territoire », Florence Deprest démontre que de<br />
tous temps, les élites se sont opposées au tourisme de masse, donc au peuple. Nous<br />
pouvons à cet égard évoquer l'année 1936 où sont apparus les congés payés. A cette<br />
époque, la classe sociale aisée craignait par-dessus tout de voir déferler dans ses lieux<br />
de villégiature habituels des quantités d'ouvriers et d'employés.<br />
Il faudrait veiller à ce que le tourisme équitable ne devienne pas l'ultime refuge contre<br />
un tourisme que l'on pourrait qualifier de "vulgaire" dans ce sens que vulgaire vient<br />
de vulgus, le commun des hommes, la foule, la masse en latin. C'est là une des dérives<br />
possibles du concept qui pourtant, part d'un bon sentiment à l'origine.<br />
Vers une commercialisation directe : une utopie ?<br />
L'idéal serait que les communautés des pays d'accueil puissent se passer<br />
d'intermédiaires et commercialiser directement leurs produits dans les pays<br />
émetteurs. Ce serait un renversement de la situation actuelle où, nous l'avons vu, ce<br />
sont les entreprises des pays émetteurs qui viennent, chez eux, gérer leurs propres<br />
produits. Il serait peut être intéressant de voir si une agence basée sur la<br />
commercialisation de produits originaux entièrement gérés par les populations<br />
locales pourrait rencontrer un écho favorable en Europe. L'initiative reviendrait alors<br />
au Sud et permettrait d'éviter le schéma trop classique : décision au Nord, exécution<br />
au Sud.<br />
Mais, au-delà des critiques de forme, d’affichage et de crédibilité qu’il est<br />
légitime d’énoncer, trois interrogations, d’ordre éthique et philosophique<br />
viennent à l’esprit, vaguement culpabilisantes :<br />
87<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
• Le tourisme responsable n’est-il pas qu’une forme neo-élitiste de voyage réservé à<br />
une clientèle aisée, favorisée, de niche elle-aussi ?<br />
• Ne répétons-nous pas, à l’abri d’une posture et de mots-écrans, une attitude<br />
hégémonique, ethnocentrique, unilatérale ?<br />
• Le tourisme responsable, au lieu de s’attaquer aux industriels et promoteurs du<br />
tourisme de masse, n’est-il pas qu’un alibi, une danseuse, une bonne conscience au<br />
rabais ?<br />
« L’autocritique est la seule façon de légitimer, si ce n’est accepter, la critique de<br />
l’autre. Il faudra bien que les acteurs du tourisme responsable en fassent un élément<br />
de leurs cahiers des charges ». (Laurent A, 2002, p.156)<br />
88
2. Les projets de développement en tourisme<br />
communautaire : entre recherche de<br />
rentabilité et de développement (analyse du rôle des<br />
acteurs, difficultés et bonnes pratiques)<br />
2.1 Les difficultés inhérentes à la mise en place d’un<br />
tourisme communautaire : un tour de terrain théorique<br />
Retour sur la définition et les spécificités du tourisme communautaire<br />
Le tourisme communautaire ne peut pas se définir comme produit touristique<br />
mais comme philosophie de développement touristique. C’est un type de tourisme<br />
géré par et pour les communautés locales, avec un fort niveau de participation et<br />
d’implication dans la gestion des activités développées.<br />
Parmi les nombreuses définitions du tourisme communautaire, il est décidé de<br />
retenir la suivante.<br />
« Community-based Tourism (CBT) is a form of tourism in which a significant<br />
number of local people has substantial control over, and involvement in its tourism<br />
development and management. The major proportion of the benefits remains within<br />
the local economy. Members of the community, even those who are not indirectly<br />
involved in tourism enterprises, gain some form of benefit as well (community fund,<br />
multiplier effect etc.) » (Haüsler N, 2005)<br />
Le concept de participation communautaire puise ses sources dans les théories<br />
politiques sur la démocratie des années 70-80, qui se sont développées en réaction à<br />
la centralisation, à la bureaucratisation et aux rigidités étatiques. La nécessité de<br />
89<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
l’implication des communautés dans la planification touristique a été reconnue par de<br />
nombreux organismes internationaux (OMT, CNUCED) 6 et comme élément crucial<br />
dans l’optique du développement d’un tourisme durable (Murphy, 1985, 1988;<br />
Scheyvens, 1999).<br />
L’ouvrage de Murphy « Tourism : a community approach » (1985) est devenu<br />
l’ouvrage de référence autour duquel les débats sur le tourisme communautaire se<br />
sont cristallisés. Ces débats, confinés aux chercheurs anglo-saxons, ont largement<br />
évolués depuis 1985 et incorporent un éventail de nouvelles thématiques : typologies<br />
de participation, rôle des différents acteurs, ownership et implication des<br />
populations, … (Murphy 1985, Haywood 1988, Simmons 1994, Jamal et Getz, 1995,<br />
Reed 1997, Timothy, 1999, Scheyvens, 2005, Beeton, 2006; Hall, 2003; Pretty, 1995 ;<br />
Simmons, 1994; Tosun, 2006). Le CBT est un concept extrêmement ambigu et<br />
idéaliste qui nécessite empowerment politique, démocratie et une large distribution<br />
des bénéfices au sein des communautés locales. Une révision de la littérature sur la<br />
planification participative du tourisme communautaire nous permettra d’identifier le<br />
fossé qui existe entre les exigences théoriques et les difficultés pratiques. Comment<br />
assurer un réel développement local communautaire à travers le tourisme sans se<br />
limiter à la création d’épisodes productifs isolés n’impliquant que quelques membres<br />
de la communauté ?<br />
Le défi : assurer une juste répartition des bénéfices au sein de<br />
communautés structurées par de fortes relations de pouvoir internes<br />
Utiliser le tourisme comme instrument de développement communautaire est<br />
un concept très clair mais difficile à mettre en pratique à cause de la nature<br />
hétérogène des communautés (Scheyvens, 2002, p.9). La plus grande difficulté dans<br />
la mise en place d’une approche communautaire en termes de planification<br />
touristique est bien la nature politique de ce processus de planification. Selon<br />
l’approche pluraliste, le pouvoir est relativement bien distribué et toutes les parties<br />
ont la même possibilité de participer au processus politique. Cette approche échoue à<br />
6 Dès 1992, la CNUCED a notamment reconnu lors du Sommet de Rio que l’industrie touristique<br />
« could contribute towards development of the community » (United Nations, 1992, 1997).<br />
90
prendre en compte le fait que de nombreux intérêts et de nombreux membres de la<br />
communauté sont complètement exclus du processus de prise de décisions. Ces<br />
restrictions de participation dans la prise de décision peuvent « stunt the political<br />
consciousness of the local public by limiting the range of opinions and denying<br />
minorities the op opportunity to grow to mqjorities » (Crenson, 1971, p.180-181, cité<br />
dans Hall C, 1998, p.172). En effet, certaines familles ou individus sont susceptibles<br />
de réclamer certains privilèges en raison de leur statut apparent. Les élites arrivent<br />
parfois à coopter et dominer les efforts du développement communautaire pour<br />
monopoliser les bénéfices du tourisme (Mowforth et Munt 1998, Scheyvens 2002).<br />
Penser que les communautés puissent partager sans difficultés la production du<br />
produit touristique et les bénéfices qui en dérivent de façon équitable entre ses<br />
membres est excessivement romantique et irréaliste (Taylor 1996, Scheyvens 2002).<br />
Le débat sur la participation communautaire dans le tourisme s’est largement<br />
concentré sur les modalités d’implication de la communauté dans le processus de<br />
planification. Cette implication est difficile à obtenir du fait que la communauté ne<br />
peut pas être conçue comme un groupe homogène.<br />
2.1.1 Assurer une participation équitable : un défi difficile à<br />
surmonter<br />
Dans le débat actuel autour du processus de participation, le consensus a été<br />
établi sur la nécessité d’impliquer les populations locales dans la planification<br />
touristique ; ce qui reste à définir est qui doit être impliqué et comment.<br />
Les difficultés liées à la participation<br />
Sewell et Phillip (1979) ont identifié trois limites inhérentes au processus de<br />
planification participatif, qui doivent être surmontées :<br />
1. Il est difficile d’obtenir un fort degré de participation en présence d’un nombre<br />
trop élevé de participants puisque la profondeur de l’engagement tendra à<br />
diminuer en fonction du nombre de personnes participant à l’activité.<br />
91<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
2. Pour faire face à cette limite est émergée l’idée de recourir à la constitution de<br />
groupes représentatifs de la communauté. La seconde difficulté qui intervient<br />
est donc celle d’identifier des délégués aptes à représenter les différents points<br />
de vue de la communauté, c’est-à-dire à agir dans le sens de l’intérêt général.<br />
3. Lorsque l’on réussit à obtenir un fort taux de participation ou à identifier des<br />
personnes représentatives, il reste difficile d’atteindre un bon niveau<br />
d’implication tenant compte des ressources et du temps disponible mis à<br />
disposition par les acteurs.<br />
Haywood (1988) a identifié d’autres obstacles institutionnels et pratiques qui rendent<br />
difficiles la participation de toute la communauté dans le processus de planification :<br />
- manque de connaissances en matière de planification touristique dans<br />
l’ensemble des communautés.<br />
- perception diffuse chez les membres de la communauté que la participation<br />
n’est pas utile ou qu’elle nécessite d’y consacrer trop de temps (qu’ils ne<br />
possèderaient pas à disposition).<br />
- peu de volonté de la part des décideurs politiques d’encourager une<br />
démocratie représentative et participative.<br />
Les théories sur la participation communautaire<br />
Le thème de la participation est omniprésent au sein des discours et<br />
présentations PowerPoint des intervenants de conférence portant sur le thème du<br />
tourisme responsable ou durable. Pourtant comme il a pu être constaté maintes fois<br />
sur le terrain, le processus de participation des communautés locales n’est souvent<br />
que rhétorique et grève les possibilités de succès des projets de coopération en<br />
tourisme.<br />
L’analyse de nombreux projets de développement réalisés dans la dernière décennie<br />
montre que la communauté est plus souvent traitée comme objet que comme<br />
partenaire actif du processus de développement (Timothy, 1999).<br />
Il existe de nombreux modèles d’analyse sur la participation. Nous en présenterons<br />
quelques uns dans le détail.<br />
92
1. La hiérarchie de la participation d’Arnstein<br />
La hiérarchie de la participation conceptualisée par Arnstein (1969) présente<br />
différents degrés de participation.<br />
Figure 5: Classification des niveaux de participation selon Arstein<br />
La majeure partie des projets de coopération semblerait ne permettre qu’une<br />
participation « tokéniste » de la population locale. Le tokénisme traduirait une<br />
politique visant à accomplir un geste symbolique pour l’accomplissement d’un<br />
objectif spécifique. La participation authentique de citoyens empowered ne se<br />
produirait que rarement (Tosun, 2000).<br />
2. La participation selon Milne<br />
Milne propose un autre type de distinction très pertinent entre différentes<br />
sortes de participation, selon l’acteur à l’origine de l’action. La « participation<br />
autorisée » se réaliserait à travers les gouvernements (ou tout acteur externe) qui<br />
établissent et dirigent un processus encourageant l’implication de la population locale<br />
dans la prise de décisions et « l’organisation politique indépendante » interviendrait<br />
là où des groupes séparés tentent de prendre le contrôle du tourisme, que ce soit par<br />
des moyens non-conflictuels ou par des contestations plus directes (groupe de<br />
protestation à Goa, en Inde).<br />
3. La participation selon Scheyvens<br />
Pour Scheyvens, il existe quatre niveaux de participation<br />
communautaire (Scheyvens 2002) :<br />
93<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
• Partage d’informations : les concepteurs et chefs de projet partagent les<br />
informations avec la communauté locale afin de faciliter l’action collective et<br />
individuelle.<br />
• Consultation : La communauté n’est pas seulement informée mais consultée<br />
sur les problèmes clés à chaque étape du cycle de projet.<br />
• Prise de décision : la communauté est impliquée dans le processus de prise<br />
de décision pour l’élaboration et la mise en œuvre du projet.<br />
• Initiative de l’action : La communauté prend l’initiative en termes de prise<br />
de décisions et de mise en place d’actions concernant le projet.<br />
Lorsque les communautés sont pauvres et marginalisés, il est impossible qu’elles<br />
prennent l’initiative de l’action et arrivent à augmenter leur participation dans le<br />
secteur touristique. L’intervention d’un acteur extérieur, pour développer la<br />
participation autorisée, est parfois indispensable pour initier un processus<br />
d’empowerment des communautés par le tourisme. Nous reviendrons sur ce point<br />
par la suite en analysant quels types d’acteurs (Etat, privé, ONG) sont les plus aptes à<br />
jouer ce rôle d’agent de transformation.<br />
Encadré 1 : Participation communautaire et philosophie de l’OMT<br />
L’OMT, malgré un discours officiel promouvant l’importance de la participation et<br />
l’implication des communautés dans tout projet de développement touristique,<br />
montre clairement sa préférence pour les approches « top-down ».<br />
« The bottom-up approach involves holding meetings with local districts or<br />
communities to determine what type of development they would like to have. These<br />
local objectives and ideas are then fitted togetehr into a national or regional plan.<br />
This approach achieves greater local public involvment in the planning process. But<br />
it is more time consuming and may lead to conflicting objectives, policies and<br />
development recomendations among local aereas. These conflicts need to be<br />
reconcilied at the national and regional levels in order to form a consistent plan »<br />
(1994 OMT, cité dans Sofield 2003, p.106)<br />
La stratégie suivie est de gérer l’implication des communautés de façon à ce qu’elles<br />
soutiennent la planification touristique qui a déjà été décidée de l’extérieur (topdown),<br />
dans l’optique de minimiser les réactions communautaires adverses. L’objectif<br />
final est loin d’être celui d’’impliquer la communauté pour que celle-ci détermine ellemême<br />
le rôle que le tourisme peut recouvrir en son sein.<br />
94
2.1.2 De la participation à l’implication : la nécessité de désigner des<br />
représentants<br />
Quel segment de la communauté impliquer ?<br />
Il est difficile d’impliquer l’ensemble de la communauté puisque tout le monde<br />
n’a pas un intérêt particulier dans le développement touristique.<br />
“While it is clear that the public needs to be consulted on a wide range of issues, not<br />
all citizens wish to be consulted on a large number of issues that are of little interest<br />
to most people” (Sewell et Phillip, 1979, p.358).<br />
Il est donc important de déterminer quels sont les segments de la population qui<br />
doivent être consultés. Nous postulons, de par notre expérience sur le terrain, qu’il<br />
est souhaitable d’organiser deux niveaux d’implication et de participation :<br />
- Le premier niveau d’implication plus actif doit se baser sur les parties prenantes<br />
sélectionnées pour leur implication directe dans le développement touristique<br />
(entrepreneurs et personnes déjà travaillant dans le secteur et personnes démontrant<br />
un intérêt particulier). Il est fondamental que l’accès soit permis à tous les intéressés<br />
et qu’il n’y ait aucune restriction à la participation. La présence de certains leaders<br />
dans ce groupe est central pour garantir une certaine implication et non seulement<br />
une participation passive.<br />
- Puisque tous les membres de la communauté, seront touchés de façon directe ou<br />
indirecte par le développement du tourisme, il est souhaitable d’organiser un autre<br />
niveau de consultation/participation élargi à l’ensemble de la communauté. Pour<br />
s’assurer que la communauté accepte le tourisme et réfléchisse sur les impacts qu’il<br />
peut avoir, il est nécessaire de produire un code éthique du tourisme que les touristes<br />
se devront de respecter. Il est également important de réfléchir sur les modalités<br />
permettant que le tourisme profite à l’ensemble de la communauté (taxes de séjour,<br />
répartition d’un pourcentage des bénéfices, etc.)<br />
95<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Le principe de la représentation et le rôle central des structures sociales<br />
informelles<br />
Il est difficile de déterminer quels sont les acteurs clés légitimes en mesure de<br />
représenter les intérêts de la communauté (Sofield, 2003). Comment s’assurer qu’une<br />
communauté est réellement représentée par la voix de ses représentants ?<br />
Rééquilibrer la structure de pouvoir existante au sein de la communauté est une des<br />
variables clés pour obtenir un empowerment. Pour atteindre cet objectif, il est<br />
nécessaire :<br />
1) D’assurer un accès égalitaire au processus décisionnel à tous les membres de la<br />
communauté ;<br />
2) D’obtenir des informations critiques sur les structures de pouvoir en place dans la<br />
communauté ;<br />
3) D’identifier les structures sociales latentes/informelles.<br />
En révisant la littérature sur la participation communautaire, on peut constater que<br />
la majorité des études théoriques conseillent de puiser les représentants<br />
communautaires dans des structures sociales formelles (formal network structures).<br />
Dans la majorité des cas, les acteurs impliqués sont choisis pour la position qu’ils<br />
occupent dans les institutions communautaires, tels que les gouvernements locaux<br />
(maires), les représentants des industries (Chambre de commerce) ou les institutions<br />
sociales. Cette pratique est soutenue par la théorie positionnelle qui soutient que les<br />
détenteurs de pouvoir sont ceux qui occupent des positions formelles de leadership<br />
ou de gestion.<br />
Reed (1997) a cependant mis en lumière que la résistance au développement du<br />
tourisme provient très fréquemment des leaders politiques ou de l’industrie<br />
dominante qui sont issus des structures communautaires formelles.<br />
Jeong conseille donc de se focaliser sur les réseaux informels pour identifier des<br />
acteurs qui pourraient jouer le rôle d’intermédiaires et de représentants (covert<br />
power broker). Si la structure sociale formelle représente le squelette d’une<br />
96
communauté, les réseaux informels en représenteraient le système nerveux<br />
(Krackhardt et Hanson, 1993 cité dans Jeong, 2005).<br />
Au sein des structures informelles, il est possible d’identifier des individus influents<br />
possédant la confiance de la majorité de la communauté et souvent appelés pour<br />
débrouiller des conflits. Ces derniers ne sont pas forcément publiquement reconnus<br />
par des institutions sociales formelles en tant que leaders communautaires. Ces<br />
acteurs auraient la capacité d’utiliser des canaux différents pour atteindre tous les<br />
membres de la communauté dans un processus de planification participative.<br />
En utilisant la structure sociale informelle d’une communauté, il serait donc possible<br />
de réduire les risques de mauvaise représentation des opinions de la communauté et<br />
obtenir des consensus et des accords plus efficaces à même d’assurer que les<br />
opportunités économiques soient accessibles à tous les membres.<br />
2.1.3 De l’implication de la communauté à la production de bénéfices<br />
L’implication de la communauté locale dans le processus de planification permetelle<br />
automatiquement une prise de contrôle et une participation aux bénéfices du<br />
développement touristique ?<br />
La naissance d’un nouveau concept = Community Benefit Tourism Initiatives (CBTI)<br />
CBTI, pourrait être traduit en français par l’expression « initiatives de tourisme<br />
bénéficiant aux communautés ». Ce concept est basé sur le principe du transfert des<br />
bénéfices à la communauté. Il se différencie du concept de « community based<br />
tourism » (tourisme communautaire) qui se concentrerait sur les questions de<br />
propriété, de gestion et de contrôle des projets touristiques (Lea, 1988; Scheyvens,<br />
2002). En effet, le CBTI postule que pour qu’une communauté profite des bénéfices<br />
du tourisme, il n’est pas forcément nécessaire qu’elle soit impliquée dans la gestion,<br />
le contrôle du projet ou qu’elle soit propriétaire de l’initiative.<br />
L’implication de la communauté dans le processus de décision ne serait donc pas une<br />
condition indispensable pour permettre à la communauté de tirer des bénéfices du<br />
tourisme. Les planificateurs de projets touristiques telles que les entreprises privées<br />
qui souhaitent utiliser le tourisme comme instrument de développement local mais<br />
97<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
ne possèdent pas forcément les compétences et le temps nécessaires pour organiser<br />
un processus de planification participative efficace pourraient quand même<br />
s’impliquer dans des initiatives de développement touristique profitant aux<br />
communautés.<br />
« Participation in a tourism initiative is not a precondition for benefits reaching<br />
communities » (Kontogeorgopoulos, 2005; Li, 2006).<br />
L’étude de Kontogeorgopoulos sur une entreprise éco-touristique thaïlandaise (Sea<br />
Canoe) a montré que même sans impliquer la participation de la communauté locale<br />
dans son projet (en termes de contrôle et de propriété), cette dernière a transféré des<br />
bénéfices à la communauté, notamment en termes de création d’emplois.<br />
Cette entreprise, qui embauche entre 45 et 60 personnes paye ses salariés en dessus<br />
de la moyenne nationale, avec un salaire garanti mensuel (pour faire face à la<br />
saisonnalité de l’activité) et leur accorde des bénéfices sociaux, sanitaires et éducatifs.<br />
Selon l’auteur, tenant compte des conditions sociales, politiques et culturelles de la<br />
Thaïlande, un tel type de tourisme qui contribue au développement local n’aurait pas<br />
pu émerger si l’ownership et le contrôle de l’initiative n’avait pas été aux mains<br />
d’expatriés étrangers. Un entrepreneur qui travaille d’une façon éthique pourrait<br />
donc permettre à une communauté de récupérer plus de bénéfices que si celle-ci avait<br />
le contrôle de son propre projet touristique, notamment parce que le privé a les<br />
compétences en termes de marketing et de connaissance du marché, que les<br />
communautés ne possèdent pas.<br />
Certains modèles de partage des revenus (revenue-sharing schemes (TRS))<br />
fournissent d’excellents exemples de transfert des bénéfices du tourisme à une<br />
communauté, sans que celle-ci soit impliquée dans le projet. Les modèles TRS sont<br />
notamment utilisés dans les aires protégées et les parcs nationaux et permettent aux<br />
communautés de récupérer un pourcentage des revenus du tourisme. Elles utilisent<br />
ces fonds la plupart du temps pour aider à la construction d’infrastructures telles<br />
qu’écoles, hôpitaux, routes (Simpson, 2008)<br />
98
Adapter le niveau de participation de la population locale dans le<br />
développement touristique pour assurer le maximum de bénéfices<br />
Le développement touristique peut se réaliser en faisant appel à différents<br />
niveaux de participation de la communauté locale. Les intérêts, connaissances et<br />
capacités de la communauté locale doivent être attentivement évalués pour décider<br />
quel degré de participation et d’ownership est souhaitable afin d’obtenir le maximum<br />
de bénéfices pour la communauté locale. Il est nécessaire de se départir de l’idée<br />
préconçue que le maximum d’ownership et de contrôle au niveau local est synonyme<br />
de maximum de bénéfices en termes de développement touristique.<br />
La participation serait un processus graduel. Il serait irréaliste de penser qu’en<br />
l’intermédiaire d’un temps court, une communauté soit capable de passer du stade de<br />
récepteur passif de bénéfices à une communauté « empowered » capable de prendre<br />
ses propres décisions. Pour conduire les communautés sur le chemin de<br />
l’empowerment, il est donc utile d’évaluer leur position actuelle et de poser un<br />
objectif réaliste en termes de participation et d’ownership.<br />
Figure 6 : Différents niveaux de participation<br />
Source : GTZ, 1998<br />
99<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Différents scénarios de participation au développement touristique<br />
1. Aucune participation au développement touristique<br />
Population locale comme propriétaire des ressources<br />
Perception de revenus à travers le paiement de droits d’entrée/utilisation, de licences<br />
de chasse,…<br />
Mise en place d’un fond auto-administré pour le développement communautaire (ex :<br />
construction d’infrastructures, d’écoles,…)<br />
Déléguer des droits d’usage peut s’avérer une option intéressante lorsque<br />
l’implication directe dans le tourisme est impossible à cause d’absence de<br />
connaissances et capacités locales ou le refus de s’impliquer directement par craintes<br />
d’impacts socioculturels négatifs. Les gains peuvent être regroupés dans un fonds<br />
communautaire qui sera ensuite utilisé pour fiancer des projets sociaux, éducatifs,<br />
etc.<br />
2. Participation indirecte au développement touristique<br />
Communauté locale comme fournisseur d’entreprises touristiques grâce<br />
à l’augmentation de la consommation de produits au niveau local<br />
(business linkages)<br />
Provision de Services d’alimentation ou d’aliments : provision de fruits, légumes, etc.<br />
Provision de matériaux de construction locaux et de main d’œuvre pour la<br />
construction d’infrastructures touristiques<br />
Production artisanale : vente directe auprès des touristes ou dans des magasins.<br />
Cette participation indirecte est facilitée par le tourisme puisque c’est le marché qui<br />
se déplace vers le producteur.<br />
3. Participation directe au développement touristique<br />
a. Communauté locale embauchée en tant qu’employés :<br />
100
Travail dans le secteur du tourisme ou de la conservation de la nature (garde parc,<br />
guide, hôtellerie, restauration, etc.)<br />
Création de plus vastes opportunités lorsque des possibilités de formation sont mises<br />
à disposition.<br />
b. Communauté locale crée des entreprises touristiques indépendantes :<br />
Des niveaux d’éducations supérieures sont nécessaires ou la présence de locaux ayant<br />
vécu à l’étranger et possédant une expérience dans le domaine touristique.<br />
Disponibilité d’investissement en capital ou accès à des sources de prêt ou<br />
financements externes.<br />
Nécessité de réaliser des collaborations pour assurer une bonne stratégie de<br />
marketing et de commercialisation (avec des agences réceptives, des TO étrangers ou<br />
développer une stratégie pour attirer des touristes indépendants).<br />
Les entreprises locales indépendantes n’arriveront à se développer que sur un<br />
segment spécifique du marché : bas de gamme ou de gamme intermédiaire (en<br />
termes de confort et de qualité du service). Pour atteindre des segments haut de<br />
gamme, les entreprises locales seront contraintes à travailler en collaboration avec<br />
des entreprises touristiques professionnelles. Les Joint Venture avec des entreprises<br />
responsables peuvent permettre aux locaux d’acquérir un professionnalisme qui leur<br />
manque, tout en permettant une forte auto-détermination.<br />
101<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
2.2. Le rôle des « agents de changement » ou planificateurs<br />
de tourisme communautaire : Qui sont-ils ? Quelles stratégies ?<br />
Quelles compétences ? Quelles limites ?<br />
La nécessité de l’intervention d’un agent extérieur<br />
Les communautés ont besoin d’être soutenues pour mettre en place des<br />
initiatives de tourisme communautaire, principalement pour deux raisons.<br />
- Manque de connaissances et savoir faire.<br />
- Soutien dans le processus de planification pour permettre une participation<br />
égalitaire entre les membres de la communauté.<br />
Les attentes des communautés locales en termes de développement touristique et les<br />
compétences de la communauté doivent être évaluées par un acteur tiers puisque ces<br />
dernières ont tendance à avoir une vision des choses peu réalistes et seulement<br />
concentrées sur les gains économiques.<br />
Nous nous interrogerons sur le rôle que les différents acteurs peuvent jouer pour<br />
faciliter le développement d’un tourisme communautaire selon deux<br />
axes problématiques :<br />
- Quels sont les acteurs les mieux placés pour apporter les compétences<br />
manquantes aux communautés afin qu’elles s’intègrent dans le secteur<br />
touristique c’est-à-dire capable de fournir les meilleures activités de capacity<br />
building ?<br />
- Quels sont les acteurs les mieux placés pour s’assurer que le développement du<br />
tourisme profitera à l’ensemble de la communauté dans une optique<br />
d’empowerment et non seulement de production de richesses. Il en revient à<br />
déterminer quel acteur est le plus à même de faciliter un processus de<br />
planification participatif.<br />
Comme nous l’avons développé dans une première partie, les personnes possédant du<br />
pouvoir au sein d’une communauté n’ont aucune intention de le redistribuer à<br />
d’autres membres. Pour assurer que le tourisme ne profite pas seulement aux<br />
membres les plus puissants d’une communauté, Jamal et Getz suggèrent que le<br />
102
gouvernement local agisse comme arbitre afin d’équilibrer les rapports de pouvoir au<br />
sein de la communauté.<br />
Les autorités locales sont souvent élues par la communauté entrepreneuriale locale et<br />
opèrent donc comme des agents sous influence, ne pouvant être considérés comme<br />
suffisamment neutres pour pouvoir jouer un rôle d’arbitre (Hollinshead 1990, Reed<br />
1997) ; sans compter les problèmes de corruption ou de manque de transparence des<br />
fonds publics, omniprésents au sein des gouvernements locaux.<br />
La littérature touristique converge sur la nécessité d’avoir un agent de changement<br />
(change agent) légitime pour faciliter le processus de planification participatif (Jamal<br />
and Getz 1995). Ce qui reste à débattre est quel acteur est le mieux à même de<br />
soutenir les communautés dans ce processus : le pouvoir public (l’Etat), le tierssecteur<br />
(ONG) ou le secteur privé (entreprises touristiques) ?<br />
Une analyse émergeant des acteurs du terrain<br />
Pour analyser les problèmes fréquents auxquels se confrontent les<br />
planificateurs en tourisme communautaire, notre travail s’est principalement basé<br />
sur l’analyse d’un forum online, qui nous a semblé très pertinent et novateur organisé<br />
par Planeta.com et EplerWood International, entre le 1er et 18 Novembre 2005<br />
intitulé « Ecotourism Emerging Industry Forum ». Ce forum a permis une collecte<br />
inédite d’informations fournie par des acteurs hétérogènes (ONG, TO, consultants)<br />
sur des thématiques qui possèdent une importance cruciale sur le terrain et pourtant<br />
très peu traitées par le monde académique. Le thème particulier de ce forum était<br />
centré sur l’écotourisme et non le tourisme communautaire. Cependant si l’on conçoit<br />
l’écotourisme comme un produit touristique développé par les communautés locales<br />
(l’implication des populations locales serait un critère décisif), les réflexions<br />
présentées peuvent s’étendre au tourisme communautaire.<br />
La dynamique des interventions qui ont émergé au long du forum n’était pas<br />
seulement destinée à la description des difficultés rencontrées mais également à la<br />
formulation de solutions (optique de problem solving). Même si ce débat a eu lieu en<br />
2005, environ trois ans et demi en arrière, il se démontre encore très précurseur,<br />
103<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
notamment par rapport à l’état des débats actuels en Europe, et tout spécialement en<br />
France et en Italie. On ne saurait répéter la longueur d’avance des anglo-saxons et<br />
américains en la matière.<br />
Nous organiserons notre analyse en commençant par écarter le rôle central que peut<br />
recouvrir l’Etat (central ou local) dans les pays du Sud en tant que facilitateur de<br />
projets de développement en tourisme communautaire. Nous nous focaliserons très<br />
rapidement sur le rôle des ONG et des acteurs privés. Alors que les premiers sont<br />
critiqués quant à la capacité de mettre en place des initiatives rentables et durables<br />
les deuxièmes sont critiqués sur leur faible capacité d’implication de la population<br />
locale, réduisant les opportunités d’empowerment.<br />
« It is amazing how much most communities have been ostracized from planning in<br />
spite of all our lofty ideals... » (Hilel O)<br />
2.2.1. Le rôle de l’Etat<br />
Les gouvernements pourraient jouer un rôle majeur pour faciliter le<br />
développement du tourisme communautaire puisque l’Etat possède de nombreuses<br />
compétences :<br />
- En matière d’élaboration de la politique nationale touristique.<br />
- Il édicte les lois en matière de tourisme.<br />
- Il est chargé de développer une stratégie marketing de promotion de son pays<br />
sur le marché international (participation à salons et foires de tourisme)<br />
- Il est chargé de fournir des informations touristiques sur son territoire<br />
national.<br />
Les gouvernements auraient donc les moyens de faciliter les projets de tourisme<br />
communautaire grâce à :<br />
- L’aide financière et technique aux projets de tourisme communautaire.<br />
- La mise en place d’une législation spéciale pour le tourisme communautaire.<br />
- Faire la promotion des initiatives de tourisme communautaire lors<br />
d’évènements de promotion à l’étranger (lors de salons notamment).<br />
104
- Donner des informations sur les projets de tourisme communautaire au grand<br />
public, notamment à travers des offices de tourisme ou un portail<br />
d’information internet.<br />
La gestion et la planification de l’usage de la terre, les régulations environnementales<br />
et du travail, la construction d’infrastructures, la prestation de services sociaux<br />
(santé, l’éducation, etc) et services publics essentiels (comme la gestion des déchets)<br />
sont des thèmes essentiels influençant fortement sur le bon fonctionnement des<br />
initiatives communautaires.<br />
Dans la pratique, cependant les régulations étatiques sont quasiment inexistantes et<br />
le manque d’implication de l’Etat notamment dans la construction des infrastructures<br />
et la prestation de services basiques (routes, communication, traitement et collecte<br />
des déchets, etc) grèvent les possibilités d’empowerment des communautés.<br />
Certains analystes, comme Mowforth et Munt soulignent le rôle indispensable de<br />
l’implication de l’Etat.<br />
“While it is important that ideas for, and control of, tourism developments should<br />
come from within the community, it is also important that the local community be<br />
able to make use of, and benefit from, the assistance of national government<br />
resources to help establish and co-ordinate their ideas and schemes. This is<br />
particularly necessary where local communities may lack the resource, skill and<br />
finance base required. Hence, a partnership arrangement may often be more<br />
suitable than a community attempting to do everything entirely from within its own<br />
human, physical and financial resources” (Mowforth et Munt, 1998, p.257).<br />
Tout en rejoignant Mowforth et Munt sur la nécessité d’une intervention extérieure<br />
pour aider les communautés dans le processus de planification participatif (au niveau<br />
financier mais aussi de transfert de compétences) et sur la légitimité que l’Etat<br />
possède pour recouvrir ce rôle, la pratique montre que la majorité des gouvernements<br />
des pays du Sud sont incapables ou ne possèdent pas la volonté de jouer ce rôle. Les<br />
gouvernements ne pourraient recouvrir qu’un rôle limité aussi bien pour des raisons<br />
de manque de ressources financières ou de compétences en la matière, que pour des<br />
choix politiques déterminés. Les gouvernements du Sud (comme ceux du Nord…)<br />
105<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
favorisent la plupart du temps la pénétration de capital étranger pour servir les<br />
intérêts des élites locales plutôt que de servir les intérêts de la majorité des citoyens<br />
en appuyant les initiatives de développement local. La majorité des politiques<br />
nationales touristiques des pays du Sud concentrent la majorité de leurs efforts à<br />
attirer de grands investisseurs étrangers ou nationaux ; le tourisme étant avant tout<br />
conçu comme générateur de devises (et non comme instrument de développement<br />
local).<br />
Même lorsque certains pays proclament l’importance officielle du développement du<br />
tourisme communautaire dans leurs politiques nationales touristiques, les effets<br />
escomptés peuvent ne pas se faire sentir à cause d’un manque de compétences<br />
pratiques les empêchant de faciliter le développement de ce secteur. C’est notamment<br />
le cas de la Bolivie, avec le nouveau gouvernement d’Evo Morales qui a inscrit le<br />
développement du tourisme communautaire comme axe central de sa politique<br />
nationale touristique. Selon Cox, ex vice-ministre du tourisme bolivien, le tourisme<br />
communautaire a été intégré comme une des priorités du développement<br />
économique dans le plan national de développement de 2006, et ce dans une optique<br />
de création d’emplois et de revenus. Malgré les bonnes intentions du gouvernement<br />
bolivien, le soutien de l’Etat aux projets de tourisme communautaire reste marginal<br />
ou peu efficace. Le gouvernement d’Evo Morales a utilisé le tourisme communautaire<br />
comme instrument politique (dans un contexte d’affirmation des droits des<br />
populations indigènes), mais a manqué de compétences pratiques pour y apporter un<br />
soutien efficace. En effet, selon Cox, le tourisme revêt une importance cruciale pour<br />
« la consolidation des territoires indigènes et pour surpasser les problèmes généraux<br />
engendrés par le colonialisme et le néolibéralisme ». (Entretien réalisé par Baima lors<br />
de la Conférence internationale de tourisme durable de Fortaleza, 2008, traduction<br />
libre)<br />
Même si l’Etat ne nous semble pas en mesure de jouer le rôle d’agent de changement,<br />
il se doit cependant de jouer un rôle actif secondaire de légitimation. En effet,<br />
l’empowerment des communautés nécessite la reconnaissance et le soutien de l’Etat<br />
dans un second temps pour assurer la durabilité du processus.<br />
« Empowerment for communities usually requires environmental or institutional<br />
change to allow a genuine reallocation of power to ensure appropriate changes in<br />
106
the asymmetrical relationship of the community to the wider society ». (Beeton,<br />
2005)<br />
2.2.2. Le rôle des ONG<br />
Les ONG peuvent jouer un rôle déterminant pour aider les communautés à<br />
tirer des bénéfices de l’activité touristique.<br />
L’ONG : acteur le plus apte à favoriser l’empowerment collectif ?<br />
Pour obtenir un empowerment collectif, il est nécessaire d’organiser une juste<br />
participation des différents membres de la communauté à travers un processus de<br />
planification participatif. Les planificateurs touristiques ne peuvent se baser sur les<br />
quelques membres plus entreprenants et puissants de la communauté pour mettre en<br />
œuvre un projet. Dans cette optique, il ne peut y avoir d’empowerment.<br />
« Sometimes when the private sector intervenes directly, only a few community<br />
members (already "entrepreneurial") can jump on the bandwagon. Sometimes, a<br />
good NGO or project can actually raise the critical mass of potential participants,<br />
and can position tourism within a portfolio of development options (as against<br />
operators, who would reasonably only focus on their own business) ». (Hilal, In<br />
Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />
Comme nous le développerons largement dans cette partie, nous postulons que les<br />
ONG seraient mieux placées que les acteurs privés pour organiser un processus de<br />
planification participative, à même d’assurer une juste répartition des bénéfices du<br />
tourisme au sein de la communauté. Ce processus demande beaucoup de temps et de<br />
compétences pour être mis en place, que ne possèdent pas les acteurs privés. Il est<br />
évidemment bien plus facile de s’appuyer exclusivement sur les membres les plus<br />
dynamiques d’une communauté pour mettre en place un projet.<br />
En effet, même si nous reconnaissons l’importance des leaders, sur lesquels il peut<br />
être utile de s’appuyer pour lancer un projet, un mécanisme doit être mis en place<br />
pour s’assurer que ceux-ci représenteront les intérêts de la communauté dans son<br />
entier. Un effort doit donc être réalisé pour communiquer avec les membres les<br />
107<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
moins visibles et communicatifs de la communauté, comme les femmes et les<br />
anciens.<br />
Comme le souligne Finn, il est possible que certaines ONG n’intègrent pas une<br />
démarche de planification participative équitable.<br />
« I've seen even NGOs (who ostensibly should have been doing 'community<br />
development') take the easier road by working primarily with a few of the most<br />
outgoing and entrepreneurial community members, who basically dominated the<br />
community decision-making process. From a business standpoint (and perhaps for<br />
NGOs with short time frames and small budgets), this approach may be much more<br />
efficient than a truly democratic but much messier participative approach ». (Finn,<br />
In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />
Cependant, même si certaines ONG échouent dans ce processus, il n’en reste pas<br />
moins que les ONG sont les acteurs les mieux placés pour le faire et surtout les moins<br />
intéressés à obtenir des résultats dans un temps le plus court.<br />
Quel rôle aux communautés : Entre imposition et implication .<br />
Les communautés ne pourront participer activement dans un projet<br />
touristique que si elles ont l’impression que le projet leur appartient (Guevara 1996).<br />
Pour cela, il est indispensable que les ONG impliquent les communautés dans<br />
l’écriture des projets de coopération en tourisme. La stratégie suivie par de<br />
nombreuses ONG est de gérer l’implication des communautés de façon à ce qu’elles<br />
soutiennent la planification touristique qui a déjà été décidée de l’extérieur (topdown),<br />
dans l’optique de minimiser les réactions communautaires adverses.<br />
La plupart du temps, cette implication se limite à une consultation passive et biaisée :<br />
lorsqu’une ONG arrive dans une communauté pour présenter son projet de<br />
développement déjà bouclé, les communautés préfèrent accepter le projet plutôt que<br />
de prendre le risque de perdre ce partenariat même si elles ne sont pas satisfaites des<br />
activités ou des objectifs du projet. « Mieux vaut pire que rien du tout ». Elles<br />
acceptent souvent des projets, dont elles ne se sentent pas maîtres, ce qui grève dès le<br />
départ les possibilités de réussite de ce dernier.<br />
108
Les approches néopopulistes conseillent la sensibilisation et le renforcement des<br />
capacités des communautés au tout début de la planification touristique, plutôt que<br />
leur planification tardive. Il serait optimal de pouvoir réaliser ces activités avant le<br />
commencement du projet, pendant le processus de planification, pour que la<br />
communauté possède les outils nécessaires afin de pouvoir réellement participer à la<br />
conception du projet. Hors ceci est purement irréalisable de par les modalités de<br />
financement de tous les projets de coopération qui ne permettent pas d’utiliser des<br />
fonds à cet effet.<br />
Importance de créer des synergies entre ONG et gouvernements<br />
La collaboration entre ONG et secteur public permettrait d’obtenir des effets de<br />
synergies. Certains domaines offriraient des espaces de collaboration intéressants.<br />
Nous reprendrons les secteurs qui nous semblent les plus pertinents : 7<br />
- Financements et investissements<br />
- Formation et capacity building<br />
- Initiatives touristiques en collaboration<br />
- Services d’informations et de conseils : au niveau de la promotion, des finances<br />
et de l’opération.<br />
7 Nous ne sommes pas d’accord avec l’auteur pour dire que la fourniture de services sociaux et<br />
environnementaux ressort de la compténce d’une ONG. Nous la classifierons dans les compétences<br />
propres du secteur public.<br />
109<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Figure 7 : Rôles potentiels des organisations gouvernementales et non<br />
gouvernementales pour soutenir les initiatives de tourisme communautaire.<br />
Source : GTZ, 2007<br />
Renforcement des capacités des institutions<br />
En ce qui concerne les domaines d’actions propres aux agences<br />
gouvernementales, il pourrait être bénéfique que les ONG interviennent pour<br />
110
enforcer les capacités de certaines agences gouvernementales afin que celles-ci<br />
puissent mener à bien leurs actions : en terme de constitution d’un corpus législatif,<br />
marketing,… L’Union Européenne réserve d’ailleurs certains de ces programmes au<br />
renforcement des capacités des acteurs locaux. 8<br />
Les offices de tourisme sont des organisations privées ou paraétatiques de promotion<br />
du tourisme d’importance cruciale. Leur rôle est de développer et promouvoir l’offre<br />
des produits touristiques sur leur territoire. Au niveau national, l’office central est<br />
chargé du marketing de la destination et peut donc donner visibilité aux initiatives de<br />
tourisme communautaire sur le marché mondial (par la participation à des salons<br />
internationaux). Au niveau local, la présence d’offices de tourisme, point de passage<br />
quasiment obligé du tourisme indépendant, est indispensable pour assurer la<br />
promotion locale des initiatives touristiques. La coopération internationale pourrait<br />
donc renforcer les capacités de ce type d’institutions en favorisant leur<br />
développement organisationnel. Un transfert de compétences techniques et<br />
organisationnelles pourrait être intéressant entre les offices de tourisme des pays<br />
portant assistance et ceux assistés.<br />
Analyse des problèmes rencontrés dans les projets touristiques appuyés<br />
par des ONG<br />
« Ecotourism is a business, and as such, needs to be distinguished from fields<br />
such as “rural poverty alleviation”, “rural development”, “environmental<br />
conservation”, and so on (…) The first key question needs to be is there a sustainable<br />
tourism business here? I'm afraid this question is typically not asked, and if it is, it is<br />
not answered by someone with expertise in the tourism industry. Thus many<br />
projects are developed or built, with little thought as to marketing (…)» (Epler<br />
Wood, In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />
8<br />
Le dernier appel à candidature de l’UE en Bolivie portait notamment sur le renforcement des<br />
capacités des pouvoirs locaux.<br />
111<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
De nombreuses ONG créent de fausses attentes chez les populations locales en<br />
montant des projets de développement touristique qui ne réussissent à combler leurs<br />
attentes par leur manque de rentabilité, qui met en péril leur durabilité.<br />
« NGOs and other agencies who may raise inappropriate expectations or create<br />
white elephants » (Hilel O)<br />
1. Problème de mauvaise gestion des ONG<br />
Les ONG, en n’impliquant pas les acteurs du secteur privé dès le début de la<br />
mise en œuvre du projet, n’arrivent pas à assurer la commercialisation des initiatives.<br />
De plus, au niveau de la capacité de gestion, les ONG doivent se départir de leur<br />
modèle de gestion propre qui suit une logique de financements à fond perdu sans<br />
retour sur investissement et n’intègrent pas de considérations sur la rentabilité. En<br />
effet, les entreprises de tourisme communautaire se doivent d’être rentables.<br />
« The NGO mix the concept of donation without return with investment which must<br />
have a return (…) The inability to separate ecotourism business from their NGO<br />
management model was stifling the potential of their ecotourism enterprise ».<br />
(Epler Wood, In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />
2. Les ONG enlisées dans des logiques de fund raising plutôt que tournées vers<br />
l’obtention de résultats<br />
La participation des communautés locales aux processus décisionnels est très<br />
souvent manipulée par les organisations qui aident à monter des projets. La plupart<br />
des communautés n’ont aucune connaissances en matières de tourisme, elles<br />
dépendent donc entièrement des informations et des recommandations données par<br />
l’organisation qui les accompagnent.<br />
Les ONG impliquées dans des initiatives touristiques sont souvent critiquées pour<br />
leur manque de transparence et pour l’attention excessive consacrée à leur<br />
autopromotion (Mader, n.d.) Le fund raising et le maintien de bons contacts avec les<br />
donateurs seraient les principaux objectifs des ONG (Mader, n.d.).<br />
112
Les ONG n’impliqueraient pas forcément les populations locales dans leurs projets<br />
puisque leur objectif ne serait pas tant l’empowerment des populations locales mais<br />
finalement faire tourner de l’argent, cultiver leurs rapports avec les donateurs, et<br />
maintenir donc par là même la dépendance envers eux.<br />
« If (…) you go the NGO/foundation way, (…) it is only too easy for the<br />
project/program managers to start managing the project by and for itself, thinking<br />
of how to keep the program beyond the immediate goals, looking for more<br />
proposals, cultivating donors, fundraising, creating the NGO mentality that would<br />
deviate precious resources away from the immediate needs of ecotourism and social<br />
development... it becomes kind of a permanent fixture, regardless of its results for<br />
the direct stakeholders, community and ecotourism operators. » (Hilel O, In<br />
Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />
Cette critique récurrente faite à la coopération internationale n’est pas sans<br />
fondements puisque la façon dont le système de l’aide au développement est pensé<br />
cultive ce genre de comportements. Les modalités de financement et d’évaluation des<br />
projets rendent la réalisation de projets peu centrée sur la recherche de résultats.<br />
3. Manque de compétences propres des ONG en matière de tourisme<br />
Le problème du manque de professionnalisme du personnel des ONG,<br />
coopérants avec profil généraliste sans compétences spécifiques en matière de<br />
développement touristique, représenterait un handicap lourd, diminuant les<br />
possibilités de réussite des projets. Ce problème a notamment été abordé lors de<br />
séminaires de l’AITR, qui conseille d’embaucher des consultants et des experts<br />
touristiques pour combler à ce manque.<br />
Ce problème, traité lors du Forum, amène certains intervenants à conseiller que les<br />
donateurs internationaux commencent à privilégier la mise en œuvre de projets de<br />
développement par des entreprises de conseil plutôt que par des ONG (l’assertion<br />
n’est pas sans intérêt puisque c’est un consultant qui le propose)<br />
113<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
« By setting up a project, you can hire short-term professionals in each slot (instead<br />
of the same generalists NGOs would tend to use). How about trying to raise funds to<br />
set up a professional time-defined team (2-3 years seems like a good horizon) to<br />
work in a project, competitively selected in a fair technically focused bidding, with<br />
clear deliverables and close monitoring of results? Not an NGO/foundation, and not<br />
only business left to itself. » (Hilel O, In Ecotourism Emerging Industry Forum,<br />
2005)<br />
Les coopérants généralistes qui travaillent sur des projets de coopération en<br />
tourisme, sans compétences spécifiques dans ce domaine, ont du mal à gérer la partie<br />
commercialisation et marketing. Il existerait également une certaine résistance au<br />
sein de la coopération à intégrer des logiques de marché. Il est donc important d’avoir<br />
recours à des experts en tourisme.<br />
4. Des ONG intéressés ?<br />
Certains intervenants ont dénoncé les pratiques d’ONG qui créeraient des<br />
structures écotouristiques, notamment en Amérique Centrale, plus dans l’optique de<br />
récupérer les fonds d’un business rentable que dans une optique de coopération au<br />
développement.<br />
« Coincidentally I was just doing a review of a business plan for an NGO in Central<br />
America . The business plan did not clearly delineate between the goals and<br />
objectives of the NGO overseeing the ecotourism project and the goals and objectives<br />
of the tourism program as a business. It was never clearly outlined how the tourism<br />
business's funds would be used by the NGO.There was a fundamental confusion in<br />
the document about if the tourism program was there to actually create a viable<br />
and profitable concern or to provide a certain amount of funds to the NGO on an<br />
annual basis ». (Epler Wood, In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />
La séparation de la comptabilité est donc essentielle dans un projet de coopération<br />
entre les financements propres de l’ONG, c’est-à-dire ses fonds opérationnels, et la<br />
comptabilité de l’entreprise de tourisme communautaire crée, et ce que l’ONG<br />
récupère un intéressement aux bénéfices ou non.<br />
114
Selon l’expérience de l’auteure, peu d’ONG européennes, issues de la coopération<br />
internationale, récupèrent une partie des recettes des projets touristiques qu’elles<br />
créent. Au contraire, la plupart du temps, les financements sont organisés à fond<br />
perdu et la communauté récupère la totalité des bénéfices économiques. Ce biais peut<br />
être plus présent parmi les ONG locales, notamment en Amérique Latine.<br />
5. Des projets qui demandent du temps…<br />
Les projets de développement en tourisme communautaire requièrent beaucoup de<br />
temps. Le processus de développement, basé sur une approche « business oriented »,<br />
sera beaucoup plus long que celui d’entreprises classiques puisque les procédures de<br />
planification participative nécessitent temps et patience.<br />
Les projets de la coopération internationale, généralement limités à trois ans ne<br />
permettent donc pas de soutenir toutes les phases de développement d’un projet de<br />
tourisme communautaire. Il serait donc indispensable que les donateurs prennent en<br />
considération cette limite et augmente le temps et les ressources des projets au-delà<br />
de cette limite pour soutenir le fonctionnement de l’entreprise dans ses premières<br />
années. Les contraintes temporelles et administratives (trois ans, durée moyenne<br />
d’exécution des projets et impossibilité de financer des études de faisabilité) rendent<br />
très difficiles l’empowerment des populations. La question de la temporalité est<br />
importante puisque le processus d’empowerment ne peut se dérouler que sur une<br />
longue période. Les résultats obtenus dépendront donc en grande partie du degré<br />
d’empowerment de départ des communautés : jouer le rôle de facilitateur est une<br />
chose, mettre en route un processus dans une communauté fortement marginalisée<br />
en est une autre. Nous reviendrons sur ce point crucial par la suite.<br />
2.2.3. Le rôle du secteur privé<br />
Des compétences propres essentielles<br />
Le secteur privé est bien placé pour fournir des possibilités d’insertion sur le<br />
marché aux initiatives de tourisme communautaire, pour offrir du capacity building<br />
et du soutien technique et financier aux PME.<br />
115<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Le secteur privé est plus réactif aux exigences du marché que n’importe quel acteur. Il<br />
est donc en mesure de répondre de façon rapide et dynamique aux changements de<br />
tendance sur le marché et peut donc percevoir rapidement les opportunités à saisir.<br />
En effet, étant donné que ni les communautés, ni les ONG, ni les agences<br />
gouvernementales ne possèdent ces compétences, il est nécessaire d’organiser des<br />
collaborations restreintes et thématiques avec le secteur privé, seul à même de<br />
fournir du capacity building dans ces domaines.<br />
Le secteur privé possède certaines compétences particulières et uniques (que ne<br />
possèdent pas d’autres acteurs) qui peuvent s’avérer fort utiles pour promouvoir des<br />
initiatives de tourisme communautaire :<br />
- Positionner un produit sur le marché ;<br />
- Organiser un bon marketing touristique ;<br />
- Connaître les exigences en matière de qualité ;<br />
- Donner une bonne visibilité auprès des medias ;<br />
- Développer et renforcer des industries secondaires (alimentation,…)<br />
- Faciliter la communication avec d’autres acteurs et réseaux.<br />
- Réaliser des donations à des associations des communautés locales (pour<br />
financer des projets sociaux).<br />
- Bonne connaissance du marché.<br />
- Emploi de personnel local.<br />
- Sensibilisation des touristes au tourisme durable et au respect des<br />
communautés.<br />
- Lobbying auprès des gouvernements ou d’organismes internationaux.<br />
Les TO : des acteurs aptes à favoriser des projets touristiques plus<br />
rentables ?<br />
Il est fondamental que la commercialisation des initiatives de tourisme<br />
communautaire soit prévue dès le début du projet et non seulement à la fin puisqu’il<br />
est nécessaire d’organiser des voyages tests, des formations continues sur le terrain<br />
en parallèle à l’accueil de visiteurs pour faire face aux problèmes qui surviendront<br />
inexorablement au fur et à mesure. Cette méthodologie est indispensable pour<br />
116
assurer la durabilité de l’initiative afin que celle-ci ne s’écroule pas une fois le projet<br />
terminé et l’ONG partie.<br />
Les TO qui sont à l’origine de projets de tourisme communautaire ont donc un<br />
avantage sur ce point puisque leur action est dirigée à une commercialisation rapide.<br />
« This is the advantage of being an inbound tour operator working together with<br />
the community serving clients, as we are. We can offer an immediate benefit once<br />
we start somewhere » (Jan Wigsten, In Ecotourism Emerging Industry Forum,<br />
2005)<br />
La connaissance du marché et les excellentes compétences en gestion d’entreprise des<br />
TO leur permettent de développer des projets de tourisme communautaire rentables.<br />
« As an inbound tour operator, I am sort of sorry to say that, we alone, produce<br />
better community benefits and job creation in a locations in Mongolia that are<br />
outside of protected areas, than any NGOs or donors ». (Wigsten J, In Ecotourism<br />
Emerging Industry Forum, 2005)<br />
Deux types d’objections peuvent cependant être avancés remettant en cause le<br />
secteur privé comme agent de transformation le plus adapté :<br />
- Si les projets des TO ont de meilleurs taux de réussite en matière de gestion et de<br />
rentabilité, c’est bien parce qu’ils choisissent des communautés déjà empowered pour<br />
mettre en œuvre des initiatives touristiques, aptes à mener des opérations rentables à<br />
court terme et capables de produire des bénéfices.<br />
Au contraire, lorsqu’une ONG choisit sa zone d’intervention, le critère de choix est<br />
complètement l’inverse : elle choisira une zone où la communauté locale est<br />
appauvrie et disempowered pour développer un projet de tourisme communautaire.<br />
Arriver à insérer ce type de populations dans des processus productifs coûte<br />
beaucoup plus d’efforts. La rentabilité d’une entreprise touristique communautaire<br />
ne pourra donc être obtenue qu’après un temps de capacity building et de<br />
transformation.<br />
- L’autre objection concerne finalement le type d’objectifs que les planificateurs de<br />
projet se fixent en accompagnant une initiative de tourisme communautaire. Quels<br />
117<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
sont les critères du succès d’un projet ? Le montant des revenus créés, le nombre<br />
d’emplois créés ou s’intéressent-on également au thème de l’empowerment, de la<br />
juste répartition des bénéfices ? Si l’on s’intéresse également aux résultats en termes<br />
d’empowerment pour mesurer la réussite d’un projet de tourisme, les acteurs privés<br />
ne seront peut-être plus considérés comme les meilleurs accompagnateurs de projets.<br />
Difficultés des TO à assurer un empowerment collectif<br />
L’industrie touristique peut difficilement être considérée comme l’acteur le<br />
plus approprié pour faciliter le développement et l’empowerment des communautés<br />
locales, puisque sa première motivation est de maximiser le profit. L’intérêt de ces<br />
entreprises pour le développement local communautaire est basé sur le pragmatisme<br />
plutôt que sur du philanthropisme.<br />
Nous postulons que les TO ne peuvent pas réaliser le travail d’une ONG en terme<br />
d’aide au développement ; ces derniers ne pourront donc soutenir que les<br />
communautés déjà empowered ou que les membres les plus actifs de communautés<br />
plus marginalisées.<br />
Selon Kutay, gérant du TO Widland Adventure, certains facteurs sont essentiels pour<br />
permettre la réussite d’un projet de tourisme communautaire :<br />
- la présence au sein de la communauté de leaders formés sensibles au bien-être<br />
collectif,<br />
- la présence d’une organisation sociale forte ou d’une ONG locale,<br />
- la présence d’une agence réceptive ayant envie de travailler avec les<br />
communautés,<br />
En effet, un TO ne peut mettre en œuvre à lui seul un mécanisme de planification<br />
participative. Lorsque les conditions à peine énoncées ne sont pas présentes, cela<br />
n’empêchera pas le TO de chercher à développer un projet de tourisme. Il est même<br />
possible que ce projet obtienne de bons résultats en termes de rentabilité mais il ne<br />
favorisera que les plus aisés de la communauté et ne s’inscrira donc pas dans une<br />
logique communautaire, ni d’empowerment collectif. C’est le risque que courent de<br />
118
nombreux projets touristiques développés par des TO, qui auraient en fin de compte<br />
de communautaire, que le nom.<br />
Même si l’industrie touristique a parfois la volonté de s’impliquer dans des initiatives<br />
de tourisme responsable et communautaire, la difficulté de faire devenir ce business<br />
rentable font que la majeure partie du temps cette volonté ne reste que de bonnes<br />
intentions. Les TO multinationaux pourraient difficilement transférer des bénéfices<br />
aux communautés, de par leur situation géographique lointaine, leur manque de<br />
temps et leur manque d’intérêt pour les communautés locales (Timothy, 2002). Ces<br />
grosses entreprises sont engagées dans une lutte constante pour casser les prix et<br />
faire des fusions pour être compétitifs. Les petites agences réceptives locales<br />
semblent donc plus à même de s’intéresser aux intérêts de la communauté,<br />
notamment de par leur proximité géographique ; elles seraient cependant limitées de<br />
par leur manque de ressources (temps, volume d’activité et finances) et leur nécessité<br />
de lutter quotidiennement pour survivre. Quant aux petits opérateurs spécialisés en<br />
tourisme responsable, ils sont confrontés à l’isolement et se battent constamment<br />
pour rester sur le marché avec des prix compétitifs, sans compromettre leurs<br />
principes.<br />
Les TO peuvent difficilement « play both the role of social negotiator/development<br />
support and business partners (…) Operators cannot be expected to play this role<br />
and most of them have enough of a hard time just staying afloat, selling and<br />
surviving, thank you very much!! » (Hillel O, In Ecotourism Emerging Industry<br />
Forum, 2005)<br />
Epler Wood définit le modèle de gestion développé par les entreprises comme le plus<br />
approprié pour garantir la rentabilité d’une entreprise touristique communautaire.<br />
Elle reconnaît cependant que les acteurs privés (TO) ne peuvent pas développer de<br />
projets dans des zones particulièrement pauvres et marginalisées, à cause de<br />
l’impératif de réaliser des bénéfices à court terme auxquels ils sont soumis et leur<br />
impossibilité de suivre un projet à perte pendant plusieurs années.<br />
119<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Tableau 5 : récapitulatif sur les capacités de chaque acteur pour faciliter la planification<br />
en tourisme communautaire<br />
Acteur Compétences spécifiques et formes de<br />
coopération<br />
ONG - Compétente en termes de planification,<br />
d’implication des communautés, de gestion.<br />
Secteur<br />
privé<br />
120<br />
- Professionnels en matière de développement<br />
avec compétences spécifiques nécessaires.<br />
- Contact/collaboration directe avec les<br />
communautés.<br />
- Accès à différentes formes de financements<br />
(étatiques, internationaux, privés…).<br />
- L'implication d'ONG est essentielle pour faciliter<br />
la planification participative et l’évaluation du<br />
développement touristique (évaluation de la<br />
sensibilité écologique et socioculturelle de la<br />
zone).<br />
- Les ONG peuvent soutenir et renforcer les<br />
associations organisationnelles ou sociales à<br />
l’intérieur des communautés, indispensables pour<br />
s’assurer que les bénéfices seront répartis sur<br />
l’ensemble de la communauté et seront facteurs de<br />
développement et non seulement de croissance.<br />
- Les contacts avec des ONG du Nord peuvent être<br />
très utiles pour faciliter une stratégie marketing<br />
au niveau international (contact avec des TO dans<br />
les pays sources, utiliser les réseaux de ces<br />
ONG,…)<br />
- Apporte les meilleures garanties en termes de<br />
mises en œuvre technique, de par son expérience.<br />
- Bonne connaissance du marché et du système<br />
touristique mondial indispensable pour la<br />
commercialisation<br />
Formes de collaboration<br />
- Consulting sur développement de produits,<br />
marketing, commercialisation,…<br />
- Formation d’une main d’œuvre locale<br />
- Embauche d’employées ou sous-traitance auprès<br />
d’entreprises indépendantes<br />
- joint ventures avec la population locale.<br />
- Co-financement d’infrastructures touristiques,<br />
amélioration de la demande et création de<br />
nouveaux attractifs<br />
Faiblesses<br />
- Peu de connaissances en matière<br />
commerciale et marketing puisqu’elles<br />
ont un focus purement social ou<br />
environnemental.<br />
- Une connaissance détaillée de la<br />
destination étant indispensable pour<br />
assurer un développement du produit et<br />
établir une bonne stratégie marketing,<br />
nécessité d’établir des collaborations<br />
avec les professionnels touristiques<br />
(secteur privé, experts).<br />
- En tourisme, les initiatives idéalistes<br />
se concentrant sur le maximum<br />
d’ownership échouent souvent à<br />
produire des bénéfices tangibles en<br />
terme de développement touristique.<br />
- Les ONG devraient augmenter leur<br />
collaboration avec le secteur public pour<br />
permettre des effets de synergie.<br />
- Les ONG peuvent jouer un bon rôle de<br />
médiateur entre les communautés<br />
locales et le secteur privé.<br />
- Evaluer la volonté de coopérer.<br />
- Ne possède pas de vision à long terme<br />
puisque orienté principalement par le<br />
profit qui impose une logique moyen<br />
voir court terme.<br />
- Orienté vers la croissance dans une<br />
optique purement économique et non<br />
tourné vers le développement local<br />
- Ne travaille pas dans une optique<br />
d’empowerment collectif. Risque que les<br />
profits soient accaparés par quelques<br />
membres de la communauté.
Gouvern<br />
ement et<br />
agences<br />
étatiques<br />
- Partenariat public-privé (public private<br />
partnership= PPP).<br />
-Capital limité mais possibilité de faciliter l’accès<br />
des communautés locales à d’autres donateurs, à<br />
des banques,…<br />
- Aide en termes de marketing international<br />
- Amélioration des conditions générales: mise en<br />
place d’incitations à l’investissement,<br />
d’infrastructures touristiques (routes, aéroports,..)<br />
assure la sécurité personnelle des touristes, etc.<br />
- Contrôle et législation dans l’optique d’un<br />
développement durable : renforcement de lois<br />
pour garantir des standards environnementaux,…<br />
- Construction, administration, et maintenance<br />
d’infrastructures de récolte et traitement des<br />
déchets.<br />
Source : Elaboration propre<br />
La nécessité d’une collaboration entre ONG et TO<br />
- Compréhension incomplète de ce<br />
qu’est le tourisme communautaire.<br />
- Peu d’expériences avec le partenariat<br />
public-privé.<br />
- Manque de connaissances et<br />
d'expériences en termes de business<br />
management<br />
- Cadre légal souvent inexistant en<br />
matière de régulation environnementale<br />
et de conservation et protection de la<br />
nature.<br />
- Tourisme orienté majoritairement<br />
dans une optique de récolte de devises<br />
et de croissance économique plus dans<br />
une optique de développement local.<br />
Les projets menés par des ONG ont de bonnes stratégies mais ont souvent de<br />
mauvaises connaissances marketing et de l’industrie touristique. Ce manque de<br />
connaissances conduit souvent à l’échec de ces projets sur le marché. A l’inverse, de<br />
grosses entreprises touristiques offreent des produits de tourisme communautaire<br />
très profitables, mais qui n’incluent pas un partenariat avec les communautés locales.<br />
En conséquence, peu de projets touristiques réussissent à appliquer tous les critères<br />
du tourisme communautaire, à permettre aussi bien rentabilité de l’entreprise<br />
qu’empowerment des communautés. Vers quel modèle de gestion se tourner ?<br />
Certaines collaborations pourraient-elles permettre de répondre aux limites<br />
énoncées ?<br />
Partenariat public – privé : la meilleure forme de gestion ?<br />
Pourquoi les partenariats communauté/privé/ONG pourraient-ils être si<br />
nécessaires ? En quoi l’ONG peut-elle jouer un rôle de médiateur entre le secteur<br />
privé et les communautés ?<br />
121<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Le partenariat public-privé peut se définir comme tel :<br />
« Public-private partnerships are relationships for mutual benefit between the<br />
public development cooperation and the private industry. In this model, the<br />
development cooperation promotes projects of private enterprises in foreign<br />
countries if they provide a significant benefit with regard to aspects of development<br />
policy. Such PPP projects can help attract private capital for the developing<br />
countries, as well as sensitive and mobilize private enterprises » (GTZ, 2007)<br />
La coopération avec le secteur privé reste tout à fait marginale dans le secteur de la<br />
coopération internationale, même si la GTZ en a fait une de ses priorités d’actions.<br />
La majorité des participants au Forum « Ecotourism Emerging Industry Forum »,<br />
sont d’accords pour définir le partenariat privé/communauté comme la meilleure<br />
option pour mettre en place des projets de tourisme communautaire viable.<br />
Cependant, pour s’assurer que les zones les plus marginalisées puissent aussi se<br />
constituer comme bénéficiaires, les ONG pourraient également jouer un rôle dans ces<br />
partenariats.<br />
Les partenariats et collaborations avec le secteur privé sont essentiels dans les projets<br />
de coopération en tourisme puisqu’ils permettent de combler les lacunes des<br />
communautés en termes de capacités et connaissances touristiques. Le but des<br />
projets de coopération doit être clair : aider les communautés à s’organiser pour<br />
pouvoir devenir de bons prestataires de services, aptes à s’intégrer dans la chaine<br />
touristique et être rémunérés de façon équitable pour le service rendu. Il est utopique<br />
et erroné de penser et de vouloir que les communautés réussissent à créer des<br />
agences de voyage réceptives. Elles n’en ont souvent pas les compétences. Les<br />
communautés se doivent donc de planifier et gérer le voyage alors que le TO ou<br />
agence de voyage est chargé d’attirer les clients, d’organiser la préparation au voyage<br />
et la réflexion post-voyage. Même si la communauté gère complètement la réception<br />
et l’organisation du tourisme sur place, et qu’elle arrive à mettre en place une agence<br />
réceptive ou opérateur touristique, cela n’empêche pas qu’elle doive vendre son<br />
produit auprès d’opérateurs et d’intermédiaires étrangers.<br />
Le partenariat diffère d’une relation commerciale classique au sens où la<br />
communauté n’a jamais joué le rôle d’un TO et a peu d’expérience en gestion du<br />
122
tourisme. De la même façon, on ne peut attendre d’un TO qu’il possède la<br />
compétence ou les ressources nécessaires pour soutenir un processus participatif de<br />
développement communautaire. C’est bien pour cette raison que la présence d’un<br />
tiers médiateur peut s’avérer utile pouvoir créer un pont entre ces deux mondes qui<br />
raisonnent selon des logiques bien différentes.<br />
L’ONG comme médiateur dans les partenariats privé – communauté ?<br />
Lors de collaboration avec le secteur privé (joint venture), la communauté a<br />
son mot à dire dans la planification et la gestion de l’activité touristique mais elle n’en<br />
a pas le contrôle total. Ce type de tourisme peut représenter une modalité<br />
d’organisation très intéressante lorsque la communauté manque de connaissances<br />
managériales et de savoirs faires pour faire fonctionner avec succès une entreprise<br />
touristique (Wheat, 1999a, p.7).<br />
Cependant, il existe le risque que l’acteur privé, qui possède un plus fort pouvoir de<br />
négociation, négocie un arrangement qui soit fortement défavorable à la<br />
communauté. Cater (1995, p.201) souligne que les opérateurs indigènes ne sont pas<br />
en mesure de concurrencer l’image, les ressources et la puissance des entreprises<br />
multinationales.<br />
Pour cette raison, les communautés ont très souvent besoin de soutien de la part de<br />
tiers médiateurs comme les ONG, qui puissent les aider à négocier et gérer de tels<br />
partenariats. Les ONG sont encore assez réticentes à développer des partenariats<br />
communauté/privé sous forme de joint venture.<br />
« It is often recommended to communities that they create your own enterprise and<br />
do not work together with the larger private companies.»Joint Ventures" are not<br />
recommended to them. But I personally find Joint Ventures to be the most<br />
interesting option. » (Haüsler N, In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />
L’efficience des projets de coopération qui engagent souvent de grandes sommes<br />
d’argent, est remise en cause par rapport aux résultats acquis en fin de projet. Avec<br />
des sommes d’argent bien inférieures, les partenariats public/privés permettraient<br />
123<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
d’obtenir de biens meilleurs résultats. Dans un contexte de crise économique et de<br />
diminution des financements des différents gouvernements européens alloués à l’aide<br />
au développement, une telle alternative serait donc à même de répondre aux défis<br />
futurs.<br />
« Do we really have to create a community tourism project with expensive<br />
ecolodges, and many years of intensive training when frequently this does not lead<br />
to a successful story? Would it be not better to support the activities the people<br />
already do - like handicrafts, crops, honey making, medicinal plants etc. etc. by<br />
supporting the cooperation between the private sector and the communities in their<br />
area? » (Haüsler N, In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />
La coopération allemande semble être une des plus actives en matière de projets PPP.<br />
La GTZ a par exemple établit un partenariat avec un TO allemand (Studiosus and<br />
Aventoura) pour intégrer la visite de certains projets de coopération de la GTZ dans<br />
leurs packages. Cela permet notamment de sensibiliser les touristes aux problèmes<br />
du développement dans les pays du Sud. Un autre exemple de programme PPP de la<br />
GTZ implique le « International Business Leaders Forum » (IBLF) et la chaîne<br />
d’hôtels Marriott, Starwood and Intercontinental. Ce partenariat vise à donner la<br />
possibilité à des jeunes socialement défavorisés de participer à une formation dans<br />
cet hôtel très réputé afin qu’ils puissent acquérir de bonnes chances pour commencer<br />
une carrière gratifiante.<br />
Le rôle que la GTZ va jouer dans ces programmes n’est cependant pas clair : est-il<br />
celui de catalyseur des programmes PPP, celui de partenaire public ou celui de<br />
financeur de certaines initiatives privées ?<br />
Subventions directe au secteur privé ?<br />
Si le secteur privé est intéressé à collaborer avec les communautés, il a pour<br />
autant besoin de soutien financier selon Epler Wood, pour pouvoir intervenir non<br />
seulement dans les communautés déjà prêtes et formées mais aussi dans des zones<br />
plus marginalisées.<br />
124
« If the business will be developed in areas where poverty is high, infrastructure is<br />
poor and ethnic differences tend to be sensitive” – as the investment of time,<br />
patience and manpower will be much higher for the private company. For that<br />
reason it is important to develop practical solutions that allow donors to develop<br />
useful technical assistance programs directly to business development in poor<br />
regions. » (Epler Wood, In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />
Nous postulons cependant que les donateurs ne devraient pas subventionner<br />
directement le secteur privé mais donner un rôle d’intermédiaire aux ONG qui<br />
travailleraient en partenariat avec les TO, les deux ayant des compétences propres et<br />
complémentaires.<br />
Un nouveau modèle de gestion PPP = Le BOT Model<br />
Quel est le meilleur modèle de gestion apte à assurer une durabilité financière aux<br />
initiatives de tourisme communautaire ? Le modèle BOT est-il un modèle adapté ?<br />
La valeur du modèle BOT, Build, Operate and Transfer, qui a pour but d’attirer<br />
l’investissement des secteurs privés dans les communautés prévoit un retour sur<br />
l’investissement pour l’entreprise et un transfert de la propriété en faveur de la<br />
communauté à la fin du projet. BOT est une forme de financement de projet où une<br />
entité privée reçoit une concession du secteur privé ou public, pour financer,<br />
planifier, construire et faire fonctionner une entreprise pour une période donnée<br />
entre 20 et 30 ans. Après la fin de la période de concession, la propriété est transférée<br />
à la communauté. Celle-ci peut décider de laisser en gérance l’entreprise qui<br />
possédait la concession ou reprendre le contrôle total de l’activité.<br />
Ce modèle semble intéressant mais étant jeune, il n’est pas possible d’évaluer encore<br />
les résultats puisqu’aucun projet n’a encore réalisé de transfert de propriété à une<br />
communauté (transfert après une durée d’opération conjointe de vingt ans).<br />
Jusqu’à présent, ces projets semblent avoir démontré une bonne fonctionnalité sur le<br />
long terme mais l’élément le plus critique sera sûrement celui du transfert en fin de<br />
période.<br />
125<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
« Let's touch on the issue of BOT transfers- Indeed, from my experience, this is a<br />
difficult procedure, specifically with the “T” in BOT. (…)I think the transfer is the<br />
stumbling point. In fact, I would argue that this is why sustainability is so elusive,<br />
not just in ecotourism, but in all sustainable international development. As I<br />
mentioned, the two projects that I worked with that were in the process of the BOT<br />
transfer… lacking in transfer of management skills, which I would argue is the key<br />
to a successful transfer! Model is compelling, but there has been very little research<br />
done on the success of these projects » (Bloom T, In Ecotourism Emerging Industry<br />
Forum, 2005).<br />
Ce modèle a montré d’intéressants résultats en Bolivie où il a été appliqué. Dans la<br />
zone du salar d’Uyuni a été financé un projet de création d’hôtels communautaires<br />
(de luxe) TAYKA, en suivant le modèle BOT. Financé par le BIT à hauteur d’un<br />
million de dollars, l’entreprise est constituée de trois associés paritaires : 33% des<br />
parts sociales appartiennent à la société financière PRODEM, 33% à une agence de<br />
voyage réceptive Fremen et 33% aux communautés.<br />
A chacun des partenaires a été assigné un rôle précis :<br />
- Prodem est le maître d’œuvre.<br />
- Fremen s’occupe de la commercialisation.<br />
- La communauté a mis à disposition la main d’œuvre pour la construction de l’hôtel.<br />
Etant donné que les financements du BIT n’ont pas suffis pour construire les 4 hôtels,<br />
Prodem a rajouté des financements propres, ce qui a modifié l’équilibre entre les<br />
parts sociales en faveur de ce dernier (au détriment de Fremen) et reculé le moment<br />
prévu de transfert de propriété à la communauté (non plus 15 ans mais 20 ans).<br />
Les hôtels sont opérationnels depuis environ seulement trois ans, ce qui permet de<br />
tirer des conclusions limitées mais fort riches d’enseignements.<br />
Ce type de financement a permis d’obtenir la construction d’hôtels de catégorie haut<br />
de gamme (ce sont les meilleures de la région), qu’il n’aurait pas été possible<br />
d’obtenir par un modèle classique de projet de coopération, sans partenariat avec le<br />
126
privé. En effet, les communautés, même avec le soutien d’ONG n’auraient pas pu<br />
garantir un tel niveau de gestion et la prestation de services de qualité. La<br />
communauté a été fortement investie dans le projet et après trois ans, certains des<br />
trois hôtels sont entièrement gérés par les communautés (dans le sens où le gérant<br />
est issu de cette dernière). Dans certains hôtels, tous les postes de travail sont<br />
assumés par des membres de la communauté alors que dans d’autres des personnes<br />
de l’extérieur ont été embauchées du fait du désintérêt et de l’instabilité des locaux à<br />
maintenir un poste de travail fixe.<br />
Les bénéfices, qui jusqu’en 2008 n’avaient pas encore été dégagés (mais qui devraient<br />
l’être en 2009) seront réparties entre les trois associés. Une taxe de 1$ par jour par<br />
touriste est reversée directement dans un fonds communautaire.<br />
Les problèmes rencontrés jusqu’à présent sont issus de la conflictualité existante au<br />
sein des communautés d’accueil. En effet, lorsque les promoteurs sont arrivés dans<br />
les communautés pour présenter le projet, celles-ci se sont divisées entre opposants<br />
et adhérents. Ce n’est donc pas toute la communauté qui a accepté de rentrer dans la<br />
société « Tayka » mais seulement une partie de cette dernière, constituée sous forme<br />
d’associations. Depuis que le projet fonctionne et porte ses fruits, cela n’a fait<br />
qu’attiser les conflits au sein des communautés et l’opposition des membres exclus<br />
des bénéfices de l’initiative. Même la taxe d’1$ par jour est destinée à l’association et<br />
non à l’ensemble de la communauté. Dans une des communautés, le conflit est si fort<br />
qu’un incendie criminel a été organisé contre l’hôtel il y a environ un an.<br />
Au niveau de la rentabilité et de la qualité des services de l’entreprise, les résultats<br />
sont mitigés mais en constante amélioration. Le manque de professionnalisme des<br />
locaux a, au départ, eu des conséquences négatives sur la qualité du service (selon<br />
différentes agences de voyage interrogées) mais les progrès sont rapides. La difficulté,<br />
très grande dans la région, est celle de la professionnalisation. En effet, les locaux, au<br />
début du projet, ont décidé d’assurer le service de l’hôtel sur la base d’un principe de<br />
rotation entre les membres de l’association. Hors, cela n’a pas du tout fonctionné et<br />
entraîné une qualité de service très basse les premières années d’exploitation. Après<br />
analyse de la situation, l’association a décidé de professionnaliser son mode de<br />
fonctionnement en créant des postes de travail salarié. Depuis lors, il semble que le<br />
127<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
personnel de l’hôtel soit assez fixe et qualifié, ce qui a permis une nette amélioration<br />
au niveau de la qualité du service. Les formations qui ont été réalisées dans la<br />
communauté dans l’optique de diversifier les sources de revenus touristiques par la<br />
production d’artisanat ou la formation de guides n’ont pas été efficaces à cause d’un<br />
fort turn over de la population dû à une forte migration.<br />
Sur les quatre hôtels qui étaient prévus, un d’eux n’est encore pas terminé. Selon<br />
Prodem, le manque de dynamisme au sein de la communauté pour construire l’hôtel<br />
est le résultat des politiques assistentialiste menées par les ONG dans la région qui a<br />
atomisé la capacité d’entreprendre des communautés : ces dernières souhaiteraient<br />
seulement recevoir, sans rien donner en contrepartie. Nous ne pouvons donner<br />
d’autres détails sur ce conflit entre prodem et la communauté mais il est intéressant<br />
de noter que, pour Prodem, ce genre d’initiatives BOT se différencie nettement du<br />
reste des pratiques de la coopération internationale, et serait à même de permettre de<br />
sortir des logiques d’assistentialisme, nourries par les stratégies d’actions des ONG<br />
internationales.<br />
Le projet étant récent, il est difficile d’émettre des hypothèses sur la faisabilité du<br />
transfert de propriété aux communautés ou non dans 15 ans. Cependant, on peut<br />
remarquer que les communautés de la zone sont assez clairvoyantes. 9 Dans<br />
l’hypothèse d’une gestion catastrophique de leur part, il est fort probable qu’elles<br />
appellent leurs anciens associés à la rescousse pour reprendre la gérance de l’hôtel.<br />
Le risque qui pourrait être identifié dans ce genre de modèles de gestion est le<br />
suivant : l’entreprise possédant la concession pourrait être incitée à ne pas investir le<br />
maximum en termes de capacity building à même de développer une autonomie forte<br />
au sein de la population locale, afin que celle-ci ne soit pas en mesure de reprendre la<br />
gestion à la fin de la période d’opération et que l’entreprise reste finalement aux<br />
mains de l’opérateur privé.<br />
En tout cas, ce qui a manqué et ce qui continue de manquer dans l’initiative Tayka est<br />
le capacity building et la formation continue de la population locale. Prodem et<br />
Fremen n’étant pas des professionnels du développement, il se peut que le manque<br />
128
d’implication des populations locales dans le projet, notées auparavant, provienne<br />
d’un manque de professionnalisme de leur part en termes de planification<br />
participative.<br />
Ce genre de modèles BOT nous semble très intéressant, surtout dans un contexte de<br />
diminution des financements internationaux de l’aide au développement qui obligera<br />
très rapidement les ONG à adapter de nouveaux modes de fonctionner, si elles<br />
souhaitent survivre : gérer des financements moins élevés en étant plus efficients,<br />
faire des accords avec le secteur privé, développer des projets de microcrédit…<br />
La force de ce modèle est bien de programmer un transfert de propriété après une<br />
période longue, sensée être utilisée pour former la communauté10 , et pour<br />
l’accompagner dans un processus d’empowerment. En effet, se fixer comme objectif<br />
qu’une communauté réussisse à gérer un hôtel de luxe se catégorise bien dans une<br />
logique d’empowerment et non d’assistentialisme.<br />
9 La Communauté de Quetena Chico qui possède un hôtel communautaire a décidé, se rendant compte de sa<br />
mauvaise capacité de gestion et le faible rendement de l’hôtel, de louer cet hôtel à un opérateur privé pour<br />
300$ par mois.<br />
129<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
En guise de conclusion : une nette répartition des tâches entre ONG et<br />
secteur privé<br />
130
Laurent (2003), dans ce tableau, identifie deux phases distinctes dans le processus de<br />
planification touristique :<br />
- la première phase consiste à passer de la ressource au produit.<br />
- la deuxième du produit au marché.<br />
Chacune de ces phases fait appel à des compétences différentes. En analysant les<br />
compétences des deux acteurs que sont les ONG et les TO, il est possible de<br />
déterminer avec précision quel acteur est le plus compétent pour réaliser chacune de<br />
ces tâches et donc proposer un partage des rôles clair.<br />
Passer de la ressource au produit : une compétence de l’ONG<br />
Les ONG accompagnant les projets de développement en tourisme semblent plus<br />
performantes que le secteur privé pour passer de la « ressource » au « produit » c’està-dire<br />
pour :<br />
- Définir les objectifs de valorisation et les conditions de sauvegarde de la<br />
ressource.<br />
C’est souvent l’objectif principal des ONG dans une vision de développement durable.<br />
- Requérir l’adhésion et l’autorisation des détenteurs de la ressource.<br />
Les ONG sont souvent bien acceptées dans les communautés au sens où leur<br />
intervention est recherchée puisqu’elles agissent selon un but non lucratif et<br />
apportent des soutiens financiers. En ce qui concerne le secteur privé, ils ont<br />
beaucoup plus de mal à obtenir l’adhésion des détenteurs de la ressource lorsqu’ils<br />
veulent monter un projet touristique, puisqu’ils demanderont des contreparties et ne<br />
sont pas mus par le principe de l’intérêt collectif mais celui du profit.<br />
- Mettre en place une stratégie d’organisation qui implique la participation<br />
étroite des populations<br />
Les ONG ont pour rôle d’impliquer fortement les populations locales dans leurs<br />
projets. Le thème de la participation est pourtant un thème complexe où il existe<br />
différents degrés de participation. Le secteur privé se confronte à de nombreuses<br />
131<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
difficultés pour impliquer les populations locales puisqu’il possède difficilement les<br />
compétences pour garantir cette adhésion et que ce n’est pas son objectif.<br />
Passer du produit au marché, une compétence des TO<br />
En revanche, lors de la seconde étape, pour passer du « produit » au « marché », les<br />
ONG se confrontent à de nombreuses difficultés et manquent de compétences que le<br />
privé en revanche possède.<br />
- Bien connaître son produit.<br />
Les ONG ont du mal à adapter leurs produits aux exigences du marché, puisqu’elles<br />
connaissent mal ou pas du tout ce dernier.<br />
- Savoir cibler sa clientèle, suivre ses attentes et cibler son évolution.<br />
Les ONG ne peuvent posséder ces compétences techniques pointues. Ce sont<br />
seulement les acteurs professionnels locaux et internationaux qui pourront avoir ces<br />
connaissances. En ce sens, il est important que les ONG fassent des accords de<br />
collaboration avec le secteur privé et travaillent en collaboration avec celui-ci ou avec<br />
des consultants spécialisés sur ce thème.<br />
- Organiser la promotion et la communication<br />
Là aussi, les ONG pêchent sur ce plan. Bien que ces dernières années le travail de la<br />
coopération ait considérablement évolué et que les ONG sont en train de développer<br />
de nouvelles compétences dans le domaine de la communication, elles ne connaissent<br />
pas le mode de fonctionnement du système touristique mondial. Là encore, le travail<br />
en partenariat avec le secteur privé est nécessaire.<br />
Pour passer du marché au produit, les ONG se doivent de collaborer avec le secteur<br />
privé touristique pour pouvoir assurer le succès des projets de développement en<br />
tourisme, et allier rentabilité et empowerment.<br />
132
2.3. Analyse d’études de cas : les difficultés des projets de<br />
coopération en tourisme entre rentabilité économique et<br />
développement local.<br />
Après s’être concentré sur l’analyse théorique des problématiques liées au<br />
développement du tourisme communautaire, l’objectif de cette partie a pour but de se<br />
concentrer sur l’analyse des problèmes auxquels se confrontent, dans la pratique, les<br />
projets de développement en tourisme communautaire.<br />
Les aspects critiques des initiatives de tourisme communautaire peuvent<br />
être résumés dans les points suivants :<br />
• Distribution équitable des revenus au sein des équilibres de pouvoir interne<br />
• Communication, Marketing et développement de produits<br />
Le tourisme entre objectif de croissance économique et de<br />
développement local.<br />
L’hypothèse sous-jacente de notre recherche est que croissance économique et<br />
empowerment ne vont pas de pair : il est tout à fait possible qu’un projet touristique<br />
obtienne de bons résultats en matière de croissance économique mais ne réussisse<br />
pas à produire un empowerment des populations locales. La rentabilité économique<br />
n’est pas le développement.<br />
L’activité touristique ne peut être seulement évaluée en termes économiques mais en<br />
termes d’amélioration générale des conditions de vie. Volle A. (2005) organise par<br />
exemple une distinction nette entre croissance économique et développement local.<br />
Même si elle n’introduit pas la notion d’empowerment dans sa réflexion, son<br />
hypothèse laisse transpirer le concept : « Le tourisme n’a pas uniquement une<br />
fonction économique il peut être motivé par d’autres fins, sociales et géostratégiques,<br />
qui peuvent finalement se transformer en de nouvelles richesses» (Volle A, 2005).<br />
En analysant différentes initiatives de tourisme communautaire chez les sociétés<br />
Mapuche du Chili, Volle en conclut que « les initiatives dont les capacités de gestion<br />
territoriale sont les plus élevées ne sont pas forcément les plus rentables à court<br />
133<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
terme mais pourraient être les plus aptes à produire, dans le futur, du développement<br />
parce qu’elles lient dans un élan de restructuration sociale, culture et<br />
développement ».<br />
2.3.1. Etude comparée de différentes initiatives d’écotourisme<br />
communautaire de populations indigènes amazoniennes.<br />
L’objectif de l’analyse de ces études de cas pratiques est de déterminer si<br />
empowerment et rentabilité sont indissociables ou indépendants. Un projet de<br />
tourisme communautaire peut-il être rentable, produire croissance économique, sans<br />
produire du développement local ? Un projet peut-il permettre un fort empowerment<br />
de la communauté locale alors même qu’il n’est pas fortement rentable ?<br />
En abordant les études de cas à la lumière de cette problématique, nous chercherons<br />
à dégager des variables clés qui semblent influencer le succès ou l’échec des projets.<br />
Savoir tirer des leçons des expériences passées est fondamentale pour réussir à<br />
formuler de bonnes pratiques en matière de projets de coopération.<br />
Les 5 expériences de tourisme communautaire de populations indigènes<br />
Amazoniennes à l’étude dans cette partie proviennent de l’ouvrage d’Azevedo Luiza,<br />
Ecoturismo indigena, très intéressant pour l’analyse détaillée apportée sur chaque<br />
cas d’étude. Son analyse globale est par contre décevante puisqu’elle se limite à<br />
analyser forces et faiblesses de chaque initiative plutôt que faire une réelle analyse<br />
comparative, apte à dégager des conclusions générales et transposables.<br />
Le matériel primaire (récolte d’informations sur des cas pratiques) étant d’une<br />
richesse inouïe, nous avons décidé de consacrer un sous-chapitre de cette thèse à<br />
l’approfondissement de son travail. En systématisant dans un tableau récapitulatif<br />
les informations que l’auteure a fournies pour chaque cas d’étude et en introduisant<br />
de nouvelles variables qu’elle n’avait pas pris en compte (initiative de l’action, motif<br />
de l’action et empowerment politique), nous sommes en mesure de tirer des<br />
conclusions très intéressantes sur les variables clés permettant à un projet d’atteindre<br />
de bons résultats en terme de croissance économique ou/et en termes<br />
d’empowerment.<br />
134
1. Analyse détaillée de chaque cas d’étude<br />
Tableaux 7 : Tableaux synthétiques sur des études de cas d’écotourisme communautaire<br />
en zone Amazonienne : entre croissance et développement.<br />
Localisation du projet Réserve Pataxó De Jaqueira – Bahia - Brésil<br />
Temps d’opération 7 ans<br />
Attractifs touristiques<br />
Bases organisationnelles<br />
présentes avant le projet<br />
Visites d’une durée de deux heures avec :<br />
- Observation de l’architecture traditionnelle<br />
- Promenade sur un sentier dans la lagune sèche<br />
- Dégustation de plats typiques<br />
- Danses traditionnelles rituelles -<br />
Atelier de peinture corporelle<br />
- Visite d’une serre<br />
NON<br />
Initiative de l’action Elle provient de la communauté qui a trouvé des financements<br />
auprès de l’Etat.<br />
Raisons poussant à<br />
l’action<br />
Initiative financière et<br />
gestion<br />
Gains financiers du<br />
tourisme<br />
Commercialisation<br />
135<br />
Motifs avant tout économiques et de récupération culturelle. La<br />
propriété des terres a été récupérée avant la mise en route du<br />
projet.<br />
- Appui financier de 64 000$ reçu dans le cadre du programme<br />
étatique Proecotur (Programme de développement de<br />
l’écotourisme pour l’Amazonie Légale).<br />
- Contact avec les Secrétariats du gouvernement municipal<br />
- Echange avec une ONG Tribus Jovenes qui a organisé<br />
plusieurs ateliers de formation (marketing, comptabilité,<br />
gestion de projets…)<br />
- Gestion interne de l’activité touristique par une association de<br />
la communauté dénommée ASPECTUR<br />
Mécanismes de distribution de la rente<br />
- Utilisation de la majorité des revenus (65%) pour payer<br />
l’alimentation et le gasoil<br />
- 30% des entrées utilisées pour rémunérer les employés.<br />
- situation géographique privilégiée (proximité tourisme de<br />
masse)<br />
- Accessibilité facile (présence d’infrastructures, notamment<br />
routières) -<br />
Commercialisation par plus de 8 agences de voyage réceptives<br />
nationales et de deux TO portugais -<br />
Promotion internet<br />
- Publicité dans les guides touristiques<br />
- Participation à des foires internationales<br />
u Produit touristique en phase de consolidation et croissance<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Bénéfices<br />
Coûts et<br />
faiblesses<br />
Economiques<br />
(cycle de vie de Butler)<br />
- Création de 30 postes de travail : 20 à temps plein et 10 à<br />
temps partiel -<br />
vente d’artisanat<br />
- salaires perçus lors de performances culturelles dans des clubs<br />
et hôtels (Club Med et autres) -<br />
donations captées par l’agence de voyage Brasil travel.<br />
Sociaux Forte implication des femmes<br />
Politiques<br />
Culturels - Revitalisation et récupération de la langue native, rituels,<br />
danses, chants traditionnels et vêtements.<br />
- Renouveau de la production artisanale qui n’existait plus<br />
Environne -<br />
mentaux<br />
Economiques<br />
- Grande différences entre les salaires du comité directif<br />
d’ASPECTUR (de 350 à 500$ par mois) et les employés (entre<br />
60 et 80$)<br />
- Très bons revenus générés par l’activité touristique mais avec<br />
une distribution des bénéfices très inégale.<br />
- Non intégration du secteur agricole au secteur touristique. (Ils<br />
possèdent des terres fertiles mais ne produisent pas les aliments<br />
qui sont consommés par les touristes).<br />
- Risque que le tourisme devienne une monoculture<br />
- Pas d’empowerment économique collectif, seulement<br />
individuel<br />
Sociaux - Aucun investissement de la part d’ASPECTUR dans des<br />
infrastructures d’éducation ou de santé<br />
- Inexistence d’empowerment social<br />
Culturels<br />
Environneme<br />
ntaux<br />
- Développement de la production artisanale limitée aux<br />
membres de l’association. Exclusion des autres membres de la<br />
communauté des bénéfices du tourisme (pas d’effet<br />
multiplicateur)<br />
- Changement des habitudes alimentaires<br />
- Changement des patrons de consommation : forte<br />
augmentation d’achat de biens de consommation<br />
technologiques*<br />
- Capacité de charge du sentier limitée à 15 personnes non<br />
respectée. Environ 50 touristes par jour.<br />
- Extraction illégale de bois pour la construction de maisons et<br />
d’artisanat<br />
- Absence de codes de conduite que les touristes devraient<br />
respecter<br />
- Absence de tri sélectif<br />
Source : Elaboration propre à partir des données d’Azevedo Luinda L, 2007<br />
136
* Le changement des habitudes de consommation (plus forte demande pour des biens technologiques<br />
a été classé dans coûts et faiblesses) dans le sens où il représente un changement par rapport à la<br />
culture existante. Nous postulons cependant que ce changement n’est pas forcément négatif.<br />
Brève conclusion sur l’étude de cas Pataxó:<br />
Cette expérience de tourisme communautaire est celle qui note les meilleurs<br />
bénéfices en termes de fréquentation touristique et de croissance économique. Un<br />
réseau étendu de commercialisation et une bonne accessibilité permettent<br />
d’expliquer ces bons résultats.<br />
Seul l’empowerment culturel a un impact positif sur toute la communauté puisque les<br />
Pataxó ont su marchandiser leur culture tout en possédant un bon niveau de contrôle.<br />
En revanche en termes d’empowerment, les résultats sont beaucoup plus mitigés :<br />
- Bénéfices accaparés par une partie de la population.<br />
- Non respect de critères environnementaux<br />
En termes d’empowerment social et politique, on ne note pas de résultats positifs. Ce<br />
tourisme, qui permet de distribuer des bénéfices à une mince partie de la<br />
communauté, serait plus justement à catégoriser dans le tourisme associatif plus que<br />
communautaire.<br />
Localisation du projet Napo Galeras, Equateur<br />
Temps d’opération Plus de 10 ans<br />
Attractifs touristiques<br />
Bases organisationnelles<br />
présentes avant le projet<br />
- Connaissance de la culture<br />
- récit de contes, légendes et histoires de la communauté<br />
- introduction aux plantes médicinales<br />
- promenade jusqu’à un mirador<br />
- navigation en canot et bain dans le fleuve<br />
- présentation du lavage de l’or et de la production artisanale<br />
- cérémonie du shaman et danses traditionnelle<br />
- 3 cabanes touristiques situées à 10 min de la communauté<br />
(Capacité = 12 personnes)<br />
OUI, favorisant cohésion interne du groupe et<br />
empowerment<br />
Initiative de l’action Elle provient de la communauté, des fédérations indigènes et<br />
du réseau indigène d’écotourisme (RICANCIE)<br />
137<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Raisons poussant à<br />
l’action<br />
Initiative financière et<br />
gestion<br />
Gains financiers du<br />
tourisme<br />
Commercialisation :<br />
Bénéfices<br />
138<br />
Economiques<br />
Sociaux<br />
Motifs fortement politiques.<br />
Fédérations indigènes utilisant le développement de projets de<br />
tourisme communautaires comme stratégies de résistances<br />
pour défendre leurs territoires des entreprises pétrolières,<br />
forestières<br />
- Financement sous forme de donations par la GTZ avec main<br />
d’œuvre locale comme contrepartie (système de mingua –<br />
travail collectif)<br />
- gestion interne à travers l’Association Las Galeras et<br />
RICANCIE (réseau d’écotourisme)<br />
- Appui politique de la part de fédérations indigènes telles que<br />
COICA, CONFENAIE et FOIN.<br />
- Appui de la coopération espagnole.<br />
- Le réseau RICANCIE reçoit le paiement du package et en<br />
garde 25% pour couvrir les coûts d’administration et<br />
marketing - Napo galeras récupère 75% du prix et l’utilise pour<br />
payer le transport fluvial, l’achat d’aliments, le paiement des<br />
salaires, le financement de projets d’éducation, de santé et<br />
culturels. - Les touristes sont invités à faire des dons<br />
pour financer des projets<br />
- Accès difficile (3H en véhicule – 20Mn de canoë) et 5H de<br />
marche. Depuis l’auberge, communication seulement par<br />
radio. - Présence d’un bureau à Tena équipé de tous les<br />
moyens de communication.<br />
- Commercialisation directe à travers la page web de<br />
RICANCIE et de la FEPTCE (fédération de tourisme<br />
communautaire de l’Equateur).<br />
- Publicité dans guides de tourisme et revues spécialisées.<br />
- Commercialisation à travers agences de voyages nationales.<br />
- Participation à foires internationales.<br />
Produit touristique en phase de consolidation (cycle de vie de<br />
Butler)<br />
- Création de 6 postes de travail : 4 permanents et 2 de<br />
remplacement. Les postes de remplacement sont rotatifs pour<br />
permettre une majeure distribution des bénéfices.<br />
- Salaire égal pour tous = 3$ par jour<br />
- taux d’emploi = 10%<br />
- augmentation de l’activité agricole liée au tourisme<br />
- Amélioration de la structure de l’école.<br />
- Construction d’une cantine pour les enfants.<br />
- Achat de médicaments, de matériel scolaire et d’un<br />
générateur électrique.<br />
- 50% des emplois sont occupés par des femmes.<br />
- Cohésion interne du groupe.<br />
- Eloignement des cabanes positif pour laisser de l’intimité à la<br />
population hôte.<br />
Politiques - Tous les membres participent à la gestion de l’entreprise
Coûts et<br />
faiblesses<br />
touristique<br />
- Majeure résistance acquise face aux compagnies pétrolières,<br />
forestières ou de tourisme de masse<br />
Culturels - Renforcement et réappropriation de la culture.<br />
- Augmentation de l’estime de soi.<br />
- Récupération de danses et chansons traditionnelles<br />
Environneme<br />
ntaux<br />
- Capacité de charge des cabanes adéquate<br />
Economiques - Faible fréquentation touristique : 1100 visiteurs entre 1994 et<br />
2004<br />
Sociaux - Il n’y a pas de femmes dans les postes de direction<br />
Culturels - Changement dans l’alimentation et les habitudes de<br />
consommation*<br />
Environne -<br />
mentaux<br />
- Extraction de bois pour la construction des cabanes sans<br />
suivre un plan de gestion.<br />
- Présence de nombreux déchets autour des cabanes.<br />
- Utilisation de bois pour cuisiner et pour rendre l’eau potable<br />
Source : Elaboration propre à partir des données d’Azevedo Luinda L, 2007<br />
Brève conclusion sur l’étude de cas Napo Galeras:<br />
Cette expérience de tourisme communautaire est celle qui note d’excellents bénéfices<br />
en termes d’empowerment, à tous les niveaux (exceptés environnemental) alors que<br />
les résultats en terme économiques ne sont pas mirobolants dû à une faible<br />
fréquentation (difficulté d’accès).<br />
Les résultats en termes d’empowerment social et politique sont excellents, les<br />
bénéfices sont largement distribués au sein de la communauté et permettent d’activer<br />
une dynamique de développement local. La présence d’une forte cohésion identitaire,<br />
politique et sociale, avant le début du projet semble être un facteur décisif expliquant<br />
ces bons résultats.<br />
139<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Localisation du projet Projet d’écotourisme Napo Wildlife Center (NWC) –<br />
Equateur<br />
Temps d’opération Plus de 4 ans<br />
Attractifs touristiques<br />
Bases organisationnelles<br />
présentes avant le projet<br />
- Eco hôtel de luxe avec services confortables et restauration<br />
internationale, 10 cabanes (capacité : 20 personnes)<br />
- Visite aux jardins de plantes médicinales.<br />
- Randonnées ethnobotaniques.<br />
- Dégustation de produits typiques (chicha)<br />
- Jeu d’arcs et de flèches.<br />
- Tour d’observation d’oiseaux.<br />
OUI<br />
Initiative de l’action Elle semble provenir essentiellement de la Fondation Eco<br />
Ecuador<br />
Raisons poussant à<br />
l’action<br />
Initiative financière et<br />
gestion<br />
Gains financiers du<br />
tourisme<br />
Commercialisation :<br />
Bénéfices<br />
140<br />
Economiques<br />
Sociaux<br />
Motifs mixtes avec forte composante économique<br />
- Eco-Ecuador est propriétaire de 51% de l’hôtel et la<br />
communauté de 49%.<br />
- Eco Ecuador possède une concession exclusive pour 20 ans.<br />
Après 20 ans, la communauté peut décider de se séparer de<br />
son associé pour gérer seule la structure.<br />
- Accès assez facile (3H de navigation).<br />
- Publicité dans guides touristiques et revues spécialisées.<br />
-Commercialisation par agences de voyage nationales et pages<br />
web.<br />
-Participations à salons spécialisés en écotourisme<br />
- Gains répartis de manière égalitaire.<br />
- Flux élevés et consolidés avec un bon taux d’occupation.<br />
- Augmentation de l’activité agricole et élevage d’animaux<br />
pour le tourisme.<br />
- Création de 20 postes de travail pour les indigènes, 10 non<br />
indigènes et 10 temporels.<br />
- Poste de gérant occupé par un indigène depuis 2007.<br />
- Production artisanale amplifiée.<br />
- Investissements dans le domaine de l’éducation.<br />
- Visite d’un médecin pour donner des consultations aux<br />
employés et à tous les membres de la communauté.<br />
- Achat de panneaux solaires pour l’école.<br />
- Comité artisanal de femmes.<br />
- Cabanes éloignées de la communauté pour préserver<br />
l’intimité.
Coûts et<br />
faiblesses<br />
Politiques - majeure cohésion sociale dans la communauté avec<br />
renforcement des mécanismes internes de participation et de<br />
prise de décisions<br />
Culturels - Maintien des cultures traditionnelles et de l’usage de plantes<br />
médicinales<br />
Environne -<br />
mentaux<br />
- Respect de la capacité de charge.<br />
- Utilisation de matériel local.<br />
- Réalisation d’une étude d’impacts environnementaux.<br />
- Absence de déchets dans les alentours.<br />
- Programme environnemental scolaire.<br />
- Code de conduite élaboré avec les habitants.<br />
- Utilisation de technologie à faibles impacts.<br />
Economiques - Décoration des cabanes luxueuses avec des matériaux<br />
importés de Quito<br />
Sociaux - Seuls 4 postes de travail féminins et aucune femme<br />
dirigeante<br />
Culturels - Changement dans les habitudes de consommation. Achat<br />
d’équipements vidéo*<br />
Environneme<br />
ntaux<br />
Source : Elaboration propre à partir des données d’Azevedo Luinda L, 2007<br />
* Le changement des habitudes de consommation (plus forte demande pour des biens technologiques<br />
a été classé dans coûts et faiblesses) dans le sens où il représente un changement par rapport à la<br />
culture existante. Nous postulons cependant que ce changement n’est pas forcément négatif.<br />
Brève conclusion sur l’étude de cas NWC:<br />
Cette expérience de tourisme communautaire note d’excellents bénéfices aussi bien<br />
en termes d’empowerment que de croissance économique. Le partenariat ONGcommunauté<br />
à travers la co-division de la propriété de l’entreprise touristique semble<br />
très intéressant puisque la fondation Eco-Ecuador a réussi aussi bien à assurer une<br />
excellente rentabilité de l’entreprise (facilité par un accès assez facile) qu’une<br />
dynamique de développement local. Le modèle BOT (built – operate – transfer) est<br />
efficace en matière de gestion et indispensable pour assurer une qualité de services<br />
dans des entreprises écotouristiques hauts-de-gamme. Cette fondation qui semble<br />
posséder une bonne compétence aussi bien en matière d’écotourisme (au niveau<br />
managérial) que de coopération en développement a su prendre l’initiative de l’action<br />
141<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
et impliquer la population locale par la suite. Cela veut bien dire qu’il n’est pas<br />
indispensable que l’initiative de l’action provienne de la communauté locale pour<br />
obtenir un empowerment final. L’aide d’un agent de transformation compétent peut<br />
donc se révéler d’une importance fondamentale pour accompagner des initiatives de<br />
tourisme communautaire.<br />
Localisation du projet Projet d’écotourisme Pukani – Pérou<br />
Temps d’opération Plus de 4 ans<br />
Attractifs touristiques<br />
Bases organisationnelles<br />
présentes avant le projet<br />
- Bain dans le fleuve et ballade en bateau<br />
- Randonnée<br />
- Vente d’artisanat - observation d’oiseaux<br />
- Football avec les jeunes de la communauté<br />
- Cabanes avec une capacité pour 12 personnes<br />
- Cuisine régionale<br />
OUI<br />
Initiative de l’action Elle semble provenir de la communauté (qui hébergeait déjà<br />
des touristes sans avoir de structure), combiné à l’intérêt de<br />
l’ONG Peru Verde<br />
Raisons poussant à<br />
l’action<br />
Initiative financière et<br />
gestion<br />
Gains financiers du<br />
tourisme<br />
Commercialisation :<br />
142<br />
Motifs mixtes avec forte composante économique<br />
- Don de 10 000$ de Tropical Nature capté par Peru Verde<br />
- Gestion locale par les deux associations communautaires de<br />
Pukani et Libertad.<br />
20% de la rente pour le transport<br />
20% pour les aliments<br />
40% pour les salaires<br />
20% pour la communauté<br />
- Accès assez difficile (vol 45 min, navigation 2H et marche<br />
1H) - Absence de promotion et de canaux de<br />
commercialisation.<br />
- Phase initiale du modèle de Butler.<br />
- Absence de promotion du projet sur les sites web de Peru<br />
Verde et de l’agence de voyage Inka Natura Travel.<br />
- Contact pour la réservation à travers mail à Peru Verde<br />
Economiques - Renforcement de la production artisanale et agricole.<br />
- 16 postes de travail créés dont 6 permanents et 8 de<br />
remplacement (basés sur le principe de la rotation).<br />
- Redistribution équitable.
Bénéfices<br />
Coûts et<br />
faiblesses<br />
Sociaux<br />
Politiques<br />
- investissement dans des projets sociaux : construction d’une<br />
école, achat de médicaments, de matériel pour l’école, d’un<br />
générateur électrique.<br />
- Fort empowerment collectif.<br />
- Cabanes éloignées de la communauté pour préserver<br />
l’intimité<br />
- Renforcement de la participation et dans le processus de<br />
prise de décisions.<br />
- Renforcement des structures organisationnelles des deux<br />
groupes indigènes.<br />
Culturels - Revalorisation des valeurs de la culture native.<br />
- Renforcement du sentiment ethnique.<br />
- Revitalisation de la production artisanale.<br />
Environneme<br />
ntaux<br />
- Construction des cabanes avec du matériel local.<br />
- Capacité de charge adéquate.<br />
Economiques - Peu de visiteurs étant donné le coût élevé du transport : de<br />
2002 à 2004, 48 touristes.<br />
Sociaux<br />
Culturels<br />
Environneme<br />
ntaux<br />
- Absence d’un code de conduite pour les touristes.<br />
- Utilisation du bois pour la cuisine.<br />
Source : Elaboration propre à partir des données d’Azevedo Luinda L, 2007<br />
Brève conclusion sur l’étude de cas Pukani :<br />
Cette expérience de tourisme communautaire note d’excellents résultats en termes<br />
d’empowerment même si la rentabilité de l’initiative est faible à cause des difficultés<br />
d’accès et d’une stratégie de commercialisation faible. Les facteurs de succès<br />
semblent résider dans la forte cohésion sociale et conscience identitaire existants<br />
avant le lancement du projet.<br />
Localisation du projet Projet d’écotourisme Health Wildlife Center (HRWC)<br />
– Pérou<br />
Temps d’opération Plus de 5 ans<br />
143<br />
- Eco hôtel de semi-luxe avec restauration internationale, 6<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Attractifs touristiques<br />
Bases organisationnelles<br />
présentes avant le projet<br />
cabanes (capacité : 12 personnes)<br />
- Visite aux jardins de plantes médicinales<br />
- Randonnées ethnobotaniques<br />
- Navigation et baignade dans le fleuve<br />
- Jeu d’arcs et de flèches<br />
NON<br />
Initiative de l’action Elle appartient aux entreprises privées qui ont même fait<br />
déplacer des populations indigènes dans la zone du projet<br />
pour pouvoir obtenir le prêt de Rainforest Action Network<br />
Raisons poussant à<br />
l’action<br />
Initiative financière et<br />
gestion<br />
Commercialisation :<br />
Bénéfices<br />
144<br />
Economiques<br />
Sociaux<br />
Culturels<br />
Environneme<br />
ntaux<br />
Economiques<br />
Raisons purement économiques avec focus sur la protection<br />
de l’environnement<br />
- Prêt de 140 000 $ issu du programme de développement<br />
durable des communautés indigènes de Rainforest Action<br />
Network.<br />
Entreprise conformée par :<br />
- Les associés issus de la communauté = Comunal Indian<br />
Lodge (possède 60% de la propriété)<br />
- Rainforest Expedition (opérateur privé possédant 20%)<br />
- Jungla Lodge (opérateur privé possédant 20%)<br />
- Accès assez difficile (4H de navigation de Puerto Maldonado)<br />
- Bureau à Puerto Maldonado avec tous les systèmes de<br />
communication<br />
- Commercialisation à travers 3 agences de voyage nationales<br />
mais seule Inka Natura travel promotionne l’initiative sur sa<br />
page web<br />
- trois employés à plein temps non locaux et 2 locaux plus un<br />
local temporaire<br />
- Utilisation de matériel local pour la construction des<br />
cabanes.<br />
- Capacité de charge adéquate.<br />
- Utilisation du parcellement.<br />
- Utilisation de technologies à faible impact<br />
- Programme scolaire d’éducation environnementale.<br />
- Elaboration d’un code de conduites pour les touristes<br />
- Flux touristique faible = 120 personnes annuelles.<br />
- Taux d’occupation faible = inférieurs à 50%.<br />
- L’activité agricole n’a pas été augmentée, ni l’élevage<br />
d’animaux.<br />
- Les aliments sont achetés à Lima ou Puerto Maldonado.
Coûts et<br />
faiblesses<br />
Sociaux<br />
- Pas de production artisanale<br />
- Les services de guides et transport ne sont pas faits par des<br />
indigènes<br />
- Il n’y a pas de femmes qui travaillent.<br />
- Forte migration de travail (vers Puerto Maldonado).<br />
- Pas d’amélioration dans les services essentiels (santé,<br />
éducation…).<br />
- Conflit social et économique entre les colons, les métisses et<br />
les populations indigènes, notamment pour un problème de<br />
terre.<br />
-Les populations indigènes n’étaient pas présentes dans la<br />
zone et 6 familles ont donc migré dans l’espoir<br />
d’hypothétiques bénéfices économiques (présence d’indigènes<br />
nécessaire pour obtenir le prêt).<br />
- Indifférence et empathie des indigènes envers le projet et<br />
absence de participation dans le processus décisionnel.<br />
- Compétition entre les groupes sociaux<br />
Culturels - Pas de revalorisation de la culture locale<br />
Environneme<br />
ntaux<br />
Source : Elaboration propre à partir des données d’Azevedo Luinda L, 2007<br />
Brève conclusion sur l’étude de cas HRWC :<br />
Cette expérience de tourisme communautaire note de mauvais résultats aussi bien en<br />
termes de croissance économique (dû à la difficulté d’accès) que de développement<br />
local. Cela montre bien que le partenariat public-communauté n’est pas forcément le<br />
modèle miracle qui assure les meilleurs taux de succès. Les entreprises privées n’ont<br />
pas su impliquer la population dans le projet et l’ont instrumentalisé dans leurs<br />
propres intérêts dès le début, notamment en encourageant le déplacement de<br />
populations indigènes dans la zone du projet afin qu’ils puissent accéder à l’obtention<br />
de financements. Ce cas de figure illustre l’exemple de certains partenariats<br />
communauté-privé qui peuvent être instrumentalisés par le secteur privé<br />
exclusivement à la recherche de bénéfices économiques et ne cherchant pas à inclure<br />
les communautés à travers un processus de planification participatif.<br />
145<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Tableau 8 : Tableau comparatif analysant la contribution des différents projets<br />
touristiques à la croissance économique et à l’empowerment des communautés<br />
Positionnement<br />
sur le marché<br />
Pataxo Napo<br />
galeras<br />
Privilégié Non privilégié Moyennement<br />
privilégié<br />
NWC Pukani HRWC<br />
Non privilégié Moyennement<br />
privilégié<br />
Flux touristiques Elevé Moyen Adéquats Réduits Moyens<br />
Stratégie de<br />
commercialisation<br />
Bonne Bonne Bonne Mauvaise Moyenne<br />
Revenus Elevés Moyens Elevés réduits Moyens<br />
Résultats en<br />
termes de<br />
croissance<br />
économique<br />
Sources de<br />
financement<br />
Initiatives de<br />
l’action<br />
(ownership)<br />
Motifs de l’action<br />
Bases<br />
organisationnelles<br />
préliminaires<br />
Empowerment<br />
économique<br />
Empowerment<br />
politique<br />
146<br />
Bons Moyens Bons Réduits Moyens<br />
Don du<br />
gouvernement<br />
Communauté<br />
Prépondérance<br />
économique et<br />
composante<br />
culturelle<br />
Non<br />
Fort<br />
empowerment<br />
économique<br />
individuel (des<br />
seuls<br />
membres de<br />
l’association)<br />
Don de la<br />
coopération<br />
internationale<br />
Communauté<br />
(avec soutien<br />
politique de<br />
fédérations<br />
indigènes)<br />
Politique<br />
Oui<br />
Oui, relatif<br />
(avec<br />
intégration<br />
d’autres<br />
secteurs<br />
économiques)<br />
Financement ONG<br />
locale avec gestion<br />
partenariale<br />
ONG/communauté<br />
et intéressement<br />
aux bénéfices<br />
Don de la<br />
coopération<br />
internationale,<br />
géré par ONG<br />
locale<br />
ONG locale Communauté<br />
(avec soutien<br />
de l’ONG<br />
locale)<br />
Motifs mixtes avec<br />
forte composante<br />
économique<br />
Oui<br />
Oui<br />
(avec intégration<br />
d’autres secteurs<br />
économiques)<br />
Motifs mixtes<br />
avec forte<br />
composante<br />
économique<br />
Oui<br />
Oui, relatif<br />
Opérateurs<br />
écotouristiques<br />
privés<br />
Opérateurs<br />
privés<br />
Raisons<br />
purement<br />
économiques<br />
avec focus sur la<br />
protection de<br />
l’environnement<br />
Non<br />
Non<br />
Non Oui Oui Oui Non
Empowerment<br />
social<br />
Empowerment<br />
culturel<br />
Résultats en<br />
termes<br />
d’empowerment<br />
Non Oui Oui Oui Non<br />
Oui Oui Oui Oui Non<br />
Mitigés<br />
(empowerment<br />
individuel<br />
économique et<br />
empowerment<br />
culturel)<br />
Bons<br />
Bons<br />
Bons<br />
Source : Elaboration propre à partir des données d’Azevedo Luinda L, 2007<br />
2. SYNTHESE : Analyse comparée. Quelle contribution en termes de<br />
croissance économique et d’empowerment ?<br />
Comme il en est ressorti des études de cas individuels, les facteurs se révélant<br />
essentiels afin que le tourisme permette une forte croissance économique ne<br />
permettent pas forcément à la communauté de se lancer dans un processus<br />
d’empowerment.<br />
Facteurs essentiels pour que le tourisme soit un bon vecteur de<br />
croissance économique<br />
147<br />
- localisation, accès et logistique<br />
Les difficultés d’accès (temps et coûts élevés) constituent un fort handicap, au<br />
même titre que la difficulté de communication, afin d’assurer une bonne<br />
fréquentation touristique.<br />
- Efficacité de la stratégie de commercialisation<br />
La collaboration avec des agences de voyages réceptives et la promotion sur<br />
internet sont des facteurs clés pour permettre une bonne commercialisation de<br />
l’offre et assurer une fréquentation touristique élevée.<br />
- Fréquentation touristique et production de revenus<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment<br />
Mauvais
Une bonne fréquentation touristique est nécessaire pour assurer une production de<br />
revenus contribuant à la croissance économique. Cependant cette croissance<br />
économique n’est pas forcément à même de permettre un empowerment<br />
économique, si les bénéfices de l’activité touristique ne sont pas répartis entre les<br />
membres de la communauté. Lors de projets réalisés dans le cadre de partenariats<br />
privé/communauté, il est important d’analyser la répartition des revenus entre les<br />
deux acteurs. Dans le cas du projet HRWC, la fréquentation touristique moyenne<br />
permet la captation de revenus mais ceux-ci sont accaparés par l’opérateur<br />
touristique.<br />
Croissance et empowerment : des variables indépendantes<br />
Il est très intéressant de noter qu’une faible fréquentation touristique (dû aux<br />
difficultés d’accès et logistiques) n’empêche pas de produire de bons résultats en<br />
termes d’empowerment. Les deux projets qui connaissent la plus faible fréquentation<br />
touristique (Napo Galeras et Pukani) possèdent d’excellents résultats en termes<br />
d’empowerment (social, politique et culturel). Le très bon contrôle qu’ils<br />
maintiennent sur l’initiative leur permet notamment de mieux résister face aux<br />
agressions répétées des compagnies pétrolières et forestières et des opérateurs de<br />
tourisme de masse externes opérant de façon incontrôlée.<br />
L’étude des différents cas montre de façon assez nette qu’il n’y a pas de corrélation<br />
forte entre la fréquentation touristique, les niveaux de revenus (et donc croissance<br />
économique) et l’empowerment.<br />
L’étude de cas de la communauté Pataxó est assez révélatrice : elle constitue<br />
l’expérience la plus visitée et créatrice de revenus mais ne permet pas<br />
d’empowerment social ou politique. Elle ne permet d’ailleurs qu’un empowerment<br />
économique individuel, accaparé par certains membres de la communauté. Les<br />
manifestations de l’échec en termes d’empowerment se matérialisent dans :<br />
- L’absence de mécanisme de redistribution équitable.<br />
- L’absence de transparence dans la gestion financière.<br />
148
Facteurs essentiels pour que le tourisme se transforme en instrument<br />
d’empowerment<br />
Plusieurs variables peuvent être identifiées<br />
- Existence de bases organisationnelles antérieures et de capital social.<br />
Cet élément semble être le plus déterminant pour assurer qu’un projet atteigne ses<br />
objectifs en termes d’empowerment. Pour que le tourisme soit apte à générer des<br />
bénéfices sociaux, il est nécessaire qu’il existe une cohésion sociale entre les membres<br />
de la communauté. L’existence d’organisations et d’un fort capital social sont des<br />
conditions préalables indispensables à tout lancement d’un projet touristique.<br />
Les deux projets qui n’enregistrent pas de bons résultats en termes d’empowerment<br />
(Pataxo et HRWC) ne comptaient pas de structures organisationnelles sur lequel le<br />
projet pouvait s’appuyer. L’incapacité d’obtenir une cohésion interne pour la gestion<br />
du projet est un facteur limitant fortement les possibilités d’empowerment social.<br />
Dans le cas de la communauté Pataxó, on peut cependant noter qu’il existe un fort<br />
empowerment économique individuel et un empowerment culturel alors que dans le<br />
cas de HRWC, on ne note aucun type d’empowerment, ni individuel, ni collectif.<br />
Dans le cas de communautés marginalisées qui sont dépourvues d’organisations<br />
sociales mais souhaitent s’ouvrir au tourisme, il est indispensable que les ONG<br />
réalisent un projet préalable ayant pour but l’empowerment collectif avant de mettre<br />
en œuvre un projet de développement touristique ou bien qu’elles intègrent une forte<br />
composante de renforcement de la cohésion sociale dans leurs projets.<br />
- Sources de financement.<br />
Quelle est l’incidence de l’origine du financement sur la réussite ou l’échec des<br />
projets ? Selon Clay (2002), les expériences dépendantes de dons ne réussissent pas à<br />
améliorer les conditions de vie des populations indigènes et ne renforcent pas les<br />
liens de solidarité à l’intérieur de la communauté.<br />
Burneo (2002), Heher (2003) et l’OMT (2004) soutiennent que le modèle de gestion<br />
plus efficace est celui de la collaboration entre le secteur privé et les communautés<br />
149<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
puisqu’il suppose une majeure efficacité de gestion et le financement ne correspond<br />
pas à une donation mais à un prêt qui doit être remboursé. L’entreprise privée serait<br />
plus efficace en termes de commercialisation et les prêts représenteraient la forme la<br />
plus appropriée de soutien aux entreprises collectives puisqu’ils exigent une plus<br />
grande responsabilité comptable.<br />
Les résultats de notre analyse comparative ne nous amènent pas aux mêmes<br />
conclusions. Les différentes initiatives, dont l’existence a été permise grâce à des<br />
donations notent de bons résultats en matière d’empowerment, peut-être parce que<br />
l’initiative de l’action revenait majoritairement à la communauté.<br />
La collaboration avec le secteur privé dan le cas de HRWC a permis une croissance<br />
économique moyenne mais a obtenu des résultats catastrophiques en terme<br />
d’empowerment. Le modèle privé-communauté ne fonctionne pas forcément toujours<br />
bien : une des variables importantes est celle de l’ownership.<br />
On peut constater que les projets financés par la coopération internationale ou locale<br />
(Napo Galeras, NWC, Pukani) enregistrent de meilleurs résultats en termes<br />
d’empowerment (pas en termes de production de richesse) que les projets financés<br />
par l’Etat ou le secteur privé.<br />
- Initiatives de l’action<br />
Lorsque l’initiative du projet provient des communautés, cela facilite le processus<br />
d’empowerment bien qu’il soit préférable qu’un agent extérieur contrôle ce processus<br />
(agent de transformation) afin qu’il ne soit pas accaparé par certains membres de la<br />
communauté au détriment des autres. C’est ce qui s’est passé dans le cas de la<br />
communauté Pataxó.<br />
Il semble par contre possible, comme le montre l’expérience de NWC, qu’un projet<br />
dont l’initiative vienne d’une ONG et non de la communauté puisse arriver à mettre<br />
en route une dynamique d’empowerment au sein de la communauté.<br />
Lorsque l’initiative du projet remonte à un acteur privé, il est assez probable de<br />
pouvoir obtenir une certaine croissance économique mais il sera beaucoup plus<br />
difficile d’atteindre un empowerment de la communauté, notamment pour des<br />
150
aisons de compétences. L’acteur privé, comme nous l’avons développé<br />
précédemment est compétent en matières de marketing et de commercialisation mais<br />
il ne possède pas les compétences pour permettre l’implication des communautés.<br />
- Motifs de l’action<br />
Il semble avoir une corrélation assez forte entre les succès des initiatives en termes<br />
d’empowerment et les motifs qui ont poussé les communautés à vouloir développer le<br />
tourisme. Lorsque les motifs sous-jacents sont purement économiques, il est plus<br />
probable que le tourisme faille dans son objectif d’empowerment, même s’il pourrait<br />
atteindre de bons résultats en termes de création de richesse (Pataxo, HRWC).<br />
Problèmes généraux se dégageant dans l’ensemble des projets :<br />
- difficulté face à la gestion communautaire<br />
Selon Chase Smith (1995, 2002), les entreprises collectives peuvent permettre<br />
d’assurer la récupération et la gestion des territoires mais elles ne sont pas efficaces<br />
en termes de gestion administrative et de marché. La majorité des indigènes<br />
possèdent la famille comme unité de production, et non la collectivité ou<br />
communauté. Ce facteur serait déterminant dans les explications des échecs des<br />
tentatives communautaires.<br />
Chase Smith (1995), en se basant sur différentes études de cas, en Bolivie, Pérou,<br />
Equateur, Colombie, soutient la thèse suivante : les entreprises collectives qui ont été<br />
implantées grâce à des donations n’ont pas été viables notamment dû à un manque<br />
de sentiment de propriété personnelle (absence d’ownership lorsqu’on parle de<br />
collectif). Selon Clay (2002), dans la majorité des cas, les projets administrés par des<br />
associations communautaires réussissent à couvrir tout juste les coûts du personnel.<br />
Le système de rotation entre les postes de travail non permanents (Napo Galeras et<br />
Pukani) permet d’éviter l’abandon des activités traditionnelles et une meilleure<br />
répartition des bénéfices. Bien qu’il soit intéressant quant à l’empowerment social,<br />
151<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
cette alternative est loin d’être efficace pour l’entreprise et souvent incapable<br />
d’assurer une qualité dans la prestation des services.<br />
Les financements étatiques ou de la coopération internationale en matière de<br />
tourisme communautaire ont été quasiment exclusivement réservés, jusqu’à présent,<br />
aux financements d’entreprises communautaires qui ont été caractérisées par de très<br />
faibles taux de succès (Altman & Finlayson 1993), (Burchett, 1993a), (Bennett, 2005).<br />
Très peu de ressources ont été destinées au soutien d’entreprises familiales ou<br />
individuelles qui cherchent à survivre dans un contexte très compétitif et qui<br />
pourtant ont démontré de meilleurs taux de réussite que les entreprises<br />
communautaires (Altman & Finlayson 1993).<br />
Les problèmes rencontrés par les entreprises communautaires sont communément<br />
les suivants : difficile prise de décision, peu de transparence, trop de bénéficiaires en<br />
comparaison à l’échelle du projet, pas d’implication de tous les membres, mauvaise<br />
qualité de service, pas de professionnalisation (Bennett, 2005).<br />
Etant donné que le concept de tourisme communautaire implique l’idée de<br />
répartition de bénéfices sur l’ensemble de la communauté, il serait intéressant de<br />
penser au développement de formes hybrides, en stimulant le développement de<br />
l’entreprise familiale et individuelle, tout en assurant une contrepartie<br />
communautaire, par l’intermédiaire de la taxation et/ou par la création d’activités<br />
complémentaires (effet multiplicateur). 11<br />
- Problème récurrent de la formation :<br />
La formation des ressources humaines intervient toujours seulement dans la phase<br />
initiale. Hors il serait nécessaire de prévoir une formation continue. Des programmes<br />
de qualification et de formation sont essentiels pour assurer la durabilité d’un projet<br />
en tourisme, tout particulièrement dans les domaines de la gestion d’entreprise et du<br />
marketing.<br />
11 Pour développer ce concept, consulter l’étude de cas sur la bolivie.<br />
152
« Bien qu’elles soient essentielles à la viabilité de tout le processus, les formations en<br />
accueil, en services, en gestion de micro-entreprises, en marketing et en planification<br />
sont peu répandues» (Deslisles et Jolin, 2007, p.91 et p.102).<br />
Il est nécessaire de développer :<br />
- Une formation continue auprès d’entreprises touristiques (On-the-job<br />
training). La formation théorique faite en salle de classe se révèle fort peu<br />
utile. Il est nécessaire de pratiquer sur le terrain.<br />
153<br />
- Les formations en matière d’hospitalité (interculturalité) doivent se dérouler<br />
sur une longue période et impliquer tous les acteurs travaillant dans le<br />
tourisme<br />
- La formation de formateurs hautement qualifiés (cours, workshops,<br />
séminaires) qui pourront permettre un effet multiplicateur.<br />
- La possibilité d’accorder des bourses d’étude pour former des jeunes en<br />
matière de tourisme (niveau élevé, universitaire par exemple)<br />
- Des stages, cours à l’étranger et échanges d’expériences, qui peuvent s’avérer<br />
très utile pour élargir la vision des membres. Un instrument très utile pour<br />
renforcer l’empowerment des communautés est l’échange d’expériences, en<br />
organisant des visites à des communautés ayant développé des projets de<br />
tourisme, plus matures. Echanger sur les avantages et les risques de l’initiative<br />
est très utile. En parlant avec des personnes qui ont les mêmes codes de<br />
communication qu’eux, les communautés pourront vraiment évaluer les<br />
problèmes et se rendre compte des réalités. Il est conseillé qu’ils filment ces<br />
rencontres afin que l’ensemble de l’échange puisse être retranscrit à toute la<br />
communauté.<br />
2.3.2. Etude sur la rentabilité des entreprises de tourisme<br />
communautaire (CBTE) en Amérique Latine<br />
Malgré certains manuels de bonnes pratiques qui ont pu être publiés, il reste difficile<br />
de mesurer les taux de succès des différents projets de coopération en tourisme. En<br />
effet, peu d’analyses précises ont été établies pour mesurer les bénéfices que les<br />
communautés locales ont pu retirer de tels projets. L’étude à peine présentée qui s’est<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
focalisée sur l’empowerment social, culturel, environnemental, n’est pas rentrée dans<br />
les détails sur la rentabilité économique des entreprises à l’étude. Même si l’on vient à<br />
peine de démontrer que la rentabilité économique d’une entreprise communautaire<br />
ne permet pas automatiquement l’empowerment de la communauté ; une<br />
communauté empowered par un projet de tourisme ne pourra que renforcer son<br />
processus d’empowerment si la rentabilité de son entreprise augmente. De plus, en<br />
dessous d’un certain seuil de rentabilité (s’il n’y a pas de touristes et pas de revenus),<br />
il est difficile de créer de l’empowerment grâce au tourisme et le fait de ne pas<br />
combler les attentes de la population peut au contraire se traduire par un<br />
disempowerment.<br />
La récente étude d’EplerWood International (mai 2008) 12 qui s’est attachée à<br />
analyser la rentabilité de plus d’une centaine de projets d’écotourisme en Amérique<br />
Latine peut donc compléter notre panorama d’études de cas. Les résultats qui ont<br />
émergé sont forts intéressants et seront donc présentés ci-dessous. La plupart des<br />
projets visant à la création d’entreprises écotouristiques à base communautaire<br />
(CBTE= community based tourism enterprise), financés par la coopération<br />
internationale et exécutés par des ONG ont été développés selon une approche trop<br />
peu attentive aux exigences de la demande, ne permettant pas une insertion de ces<br />
entreprises dans la chaîne de valeur touristique locale. De nombreuses entreprises<br />
ont fait faillite à cause d’un manque de rentabilité dû principalement à une faible<br />
fréquentation touristique. Le modèle communautaire classique développé par les<br />
ONG semble donc avoir échoué. L’étude montre pourtant qu’en développant ces<br />
CBTE comme des PME et en les liant à l’industrie touristique locale, les choses<br />
auraient pu aller autrement.<br />
La recherche s’est focalisée sur l’Amérique Latine où se sont concentrés de nombreux<br />
projets de développement en écotourisme les dix dernières années. La recherché a été<br />
organisée directement auprès des communautés à travers l’envoi de questionnaires<br />
en espagnol, afin d’analyser les nécessités des organisations de base. En effet, alors<br />
que de nombreux experts ont analysé les causes d’échecs ou de succès de nombreux<br />
12 Holly MJ, Community-Based Tourism Enterprise in Latin america, Triple Bottom Line Outcomes of 27<br />
projects, In EplerWood International Publication, May 2008.<br />
154
projets de tourisme, les communautés n’avaient pas encore pu s’exprimer sur la<br />
question.<br />
Méthodes et résultats de la collecte de données<br />
138 questionnaires ont été envoyés à des entreprises CBTE localisées au Mexique,<br />
Guatemala, Honduras, Nicaragua, Costa Rica, Panama, Equateur, Pérou et Bolivie<br />
Il a été constaté que 62% des 138 entreprises communautaires d’écotourisme<br />
interrogées possédaient des problèmes de poste électronique ou de services<br />
téléphoniques. Ce ne sont donc que 57 organisations qui ont reçu le questionnaire et<br />
dont 27 d’entre elles seulement ont répondu. Le taux de réponse de 20% est donc<br />
assez faible.<br />
Alors que la majorité des CBTE ont été crées dans les années 90, seulement 30% des<br />
CBTE de cette génération sont représentés dans le groupe de répondants. La majorité<br />
d’entre elles ont malheureusement disparu. Ce sont les nouvelles initiatives qui<br />
survivent en plus grand nombre, ou parce qu’elles touchent encore quelques<br />
financements ou parce que la nouvelle génération possède un modèle de<br />
fonctionnement plus rentable.<br />
Tableau 9: Liste des contacts et réponses des CBTE par pays.<br />
Pays Contacts potentiels Réponses des CBTE<br />
Mexique 8 1<br />
Panama 5 1<br />
Pérou 4 1<br />
Costa Rica 24 2<br />
Honduras 7 2<br />
Bolivie 18 3<br />
Guatemala 14 3<br />
Equateur 41 7<br />
Nicaragua 17 7<br />
Total: 138 27<br />
Source : Holly M.J, 2008<br />
155<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Propriété<br />
48% des CBTE ont déclaré que la propriété de l’entreprise revenait exclusivement à la<br />
communauté.<br />
Tableau 10 : Classification des CBTE selon le type de propriété<br />
Type de propriété CBTEs<br />
Enterprise communautaire 12<br />
Propriété partagée 9<br />
ONG 2<br />
Entreprise familiale 1<br />
Corporatif 1<br />
Secteur privé 1<br />
Source : Holly M.J, 2008<br />
Financement<br />
Les initiatives ont été financées pour leur création par différentes sources :<br />
- 41% par une ONG.<br />
- 27% par le secteur privé.<br />
- 7% par le gouvernement.<br />
- 25% Autres sources (communauté, personnelles).<br />
Finances<br />
Les données sur la situation financière des CBTE sont très incomplètes et illustrent<br />
bien l’ampleur des problèmes comptables de ces entreprises qui ont du mal à tenir un<br />
registre de leurs comptes. Alors que 81% des CBTE déclarait posséder une entreprise<br />
rentable, seulement 26% fournissait un ensemble complet de données annuelles sur<br />
le chiffre d’affaire, les coûts opérationnels et les bénéfices. Alors que toutes<br />
156
déclaraient réaliser des profits, après vérification le 4/7 d’entre elles fonctionnaient à<br />
perte. Les CBTE redistribuent l’argent à la communauté, avant d’avoir calculé leur<br />
profit. Sans appliquer des règles de gestion durable, les CBTE perdraient donc leur<br />
investissement sur le moyen et long terme. 93% des initiatives déclarait reverser de<br />
l’argent à la communauté dont 52% reversait directement l’argent de façon<br />
individuelle aux membres de la communauté (et non pour financer des projets<br />
sociaux). En moyenne, environ 40% des bénéfices sont reversés à la communauté.<br />
Ces fonds peuvent servir à financer différents types de projets.<br />
Marketing et assistance technique<br />
De nombreuses CBTE manquent d’accès à internet ou de personnels compétents.<br />
Moins de la moitié des CBTE (45%) se disent satisfaits de la formation qu’ils ont<br />
reçue sur internet. 34% ne considère pas internet comme un instrument de<br />
promotion efficace. Il est insuffisant que les agences de développement créent le site,<br />
sans prendre en compte comment la communauté gérera les réservations, les mises à<br />
jour du site,…<br />
Assistance technique la plus utile<br />
93% déclarait qu’ils auraient besoin de cours en langue pour leur personnel (anglais<br />
et français). 89% auraient besoin de cours en gestion d’entreprise et en comptabilité.<br />
Des cours de marketing, d’internet, de guide étaient conçus comme moins<br />
indispensables mais très nécessaire (70%).<br />
Publicité effective<br />
Les CBTE opèrent en dehors de l’économie touristique traditionnelle. Ils ne<br />
dépendent pas de TO mais du bouche à oreille, des brochures et pour certains de leur<br />
site internet. En liant ces projets à chaîne de valeur touristique locale, il serait<br />
possible de les rendre beaucoup plus rentables. Le bouche à oreille serait l’instrument<br />
publicitaire le plus efficace (92%), suivi par les brochures (74%), internet (66%) et les<br />
TO et ONG en dernier (49%). Le type de publicité le moins efficace serait la<br />
participation à des foires, dans des entreprises touristiques locales…<br />
157<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Limites de la rentabilité des CBTE<br />
Les barrières les plus grandes au développement de l’entreprise seraient :<br />
- le manque de publicité (56%)<br />
- le manque de clients (44%)<br />
- location géographique isolée (44%)<br />
Le développement d’intermédiaires formés qui pourrait jouer le rôle de liaison<br />
commerciale entre les CBTE et la chaîne de valeur touristique locale pourrait pallier<br />
aux défaillances des stratégies marketing. Il est important que ces entreprises<br />
acquièrent une approche plus centrée sur la demande et sur le marché, chose que les<br />
agences de développement ne leur ont pas enseignée.<br />
CBTE comme générateurs de bénéfices sociaux<br />
Si la rentabilité des entreprises est souvent très faible, le transfert de bénéfices à la<br />
communauté a pourtant bien lieu et sur ce point les registres sont très clairs et aptes à<br />
assurer la transparence.<br />
Tableau 11: Répartition des bénéfices destinés à financer des projets communautaires<br />
Pourcentage des CBTE allouant des fonds à différents types de projets :<br />
Conservation 89%<br />
Education 78%<br />
Infrastructure 67%<br />
Santé 61%<br />
Autre 33%<br />
Source : Holly M.J, 2008<br />
« In tourism, we have relied too often on the good will of donors and philanthropists<br />
to bring genuine social benefits to local people. But the social enterprise model<br />
demands a more long term solution. If local people run their own businesses,<br />
successfully using social enterprise models, as part of the larger tourism value<br />
chain, they will cover their costs and have increasingly positive social and<br />
environmental impacts ». (Jones, 2008)<br />
158
Le résultat de cette étude est intéressant pour analyser l’efficacité des modèles de<br />
CBTE implantés en Amérique Latine. Le premier constat, décevant est que seulement<br />
31% des CBTE possèdent une communication normale via internet ou téléphone. Les<br />
autres 69% sont injoignables ; cela signifie forcément que leurs entreprises se<br />
trouvent dans l’impossibilité d’opérer. La base du problème est avant tout la<br />
communication.<br />
La majorité des CBTE rencontre de gros problèmes de rentabilité, au niveau<br />
économique. La fonction sociale de ces entreprises (redistribution de bénéfices à la<br />
communauté) remplit par contre tout à fait son rôle et cela avec transparence.<br />
Cette situation est assez emblématique et démontre les lacunes des planificateurs,<br />
pour la plupart des ONG. Ces dernières exécutent un bon travail en terme<br />
d’empowerment collectif, d’équité c’est-à-dire qu’elles gèrent très bien le côté social<br />
du projet mais pêchent complètement sur le plan économique. Il ne faut pourtant pas<br />
oublier que le tourisme est un secteur productif et les CBTE des entreprises soumises<br />
à des exigences de rentabilité. Si le tourisme veut créer du développement, il faut<br />
aussi qu’il réussisse à créer des richesses.<br />
On peut raisonnablement conclure que ce modèle de CBTE développé s’est révélé un<br />
échec sur le long terme. Les recommandations pourraient être les suivantes :<br />
• Améliorer les capacités des CBTE en termes de gestion d’entreprise et de<br />
comptabilité.<br />
• Donner une importance cruciale aux stratégies de marketing et de<br />
commercialisation. Compter sur le bouche à oreilles comme stratégie<br />
publicitaire majeure montre bien ses limites.<br />
• Commercialiser l’offre auprès de TO et agences de voyages.<br />
• Réaliser une formation informatique complète pour permettre d’avoir une<br />
bonne gestion du site internet, instrument fondamental.<br />
Il serait intéressant d’analyser le modèle de CBTE mis en place par le secteur privé,<br />
avec l’aide par exemple de TO. Les résultats ne seraient-ils pas tout à fait à l’opposé :<br />
159<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
une bonne rentabilité mais peu de transparence dans la gestion et peu de bénéfices<br />
distribués aux communautés ?<br />
Le tourisme étant un secteur productif, il est nécessaire que les planificateurs se<br />
rendent compte que la compétitivité et la rentabilité sont des pré-requis essentiels<br />
pour que les initiatives touristiques qu’ils développent participent non seulement à la<br />
croissance économique mais puissent participer à l’empowerment des communautés<br />
locales.<br />
« Drawing from tourism benefits for the host region, assumes the application of<br />
free-market mechanisms for ecological and social purposes. This implies accepting<br />
the logic of a system mainly carried by private enterprise, in which competitiveness<br />
and operational profitability are both the core purpose and at the same time the<br />
prerequisite for its very ability to function » (GTZ, 1999a).<br />
La Coopération italienne reconnaît l’importance de réaliser des études de marché<br />
pour ne pas créer de fausses attentes chez les populations locales et permettre<br />
rentabilité et viabilité aux initiatives développées. Toute nouvelle initiative doit avoir<br />
un segment du marché à cibler déjà identifié, au début du projet. L’importance de<br />
voyages test préliminaires est fondamental pour permettre d’améliorer petit à petit le<br />
produit et l’adapter parfaitement aux exigences du marché.<br />
160
2.4. Aspect critique des projets de coopération en tourisme<br />
communautaire : commercialisation et marketing<br />
2.4.1. La coopération internationale confrontée à la difficulté de la<br />
commercialisation<br />
Murphy, pionnier en tourisme communautaire, qui s’est attaché dès les années<br />
80 à traiter le thème sous un angle politico-social en vient depuis 2004 à analyser le<br />
thème sous un angle purement économique. Son travail qu’il a focalisé de plus en<br />
plus sur la recherche de rentabilité des entreprises de tourisme communautaire<br />
montre qu’une des failles les plus importantes du tourisme communautaire est bien<br />
le problème du manque de rentabilité.<br />
« Communities will be better positioned if they allow their actions to be guided by<br />
key business management principles and adopt a strategic management focus ».<br />
(Murphy, 2004).<br />
Murrphy a donc présenté un modèle de gestion d’entreprise combiné à une<br />
planification collaborative pour faciliter le développement touristique<br />
communautaire. Il conseille notamment une forte collaboration avec le secteur privé.<br />
« Interaction and communication with the private sector; including investors,<br />
developers, planners and managers from outside the community would also seem to<br />
be critical to the success of any CBTI »(Murphy, 2003; Wearing et MacDonald,<br />
2002).<br />
L’évolution des thèmes de recherche de ce professionnel avec une forte expérience<br />
nous amène à penser que les failles de gestion, marketing et commercialisation des<br />
projets en tourisme communautaire représentent l’obstacle clé qui empêche que le<br />
tourisme puisse se transformer en instrument réel de développement local pour les<br />
communautés. Nous consacrerons donc la dernière partie de notre analyse à ce<br />
thème central.<br />
L’importance particulière que revêtent les compétences en marketing et en gestion<br />
d’entreprise pour assurer le succès du développement touristique et atteindre des<br />
objectifs en termes de politiques de développement a été très longtemps sous-<br />
161<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
estimée. Ce n’est que ces dernières attentions que les ONG commencent à y prêter<br />
attention. Il est désormais conseillé de développer des études de marché et des<br />
stratégies marketing complètes, de fournir de l’assistance aux PME touristiques dans<br />
le domaine du marketing et de la promotion de leurs produits et une assistance<br />
marketing aux pays dans lesquels des projets touristiques sont en cours pour qu’ils<br />
apprennent à promouvoir leur destination sur le marché mondial.<br />
De nombreux efforts en termes de promotion sont nécessaires : l’établissement de<br />
réseaux de distribution, la mise en place de stratégies de relations publiques,<br />
l’élaboration de matériel publicitaire, une présence sur le web, la participation à des<br />
foires internationales de tourisme, etc.<br />
La commercialisation est la partie la plus problématique dans les projets de<br />
développement de tourisme communautaire. Jusqu’à présent, les projets n’incluaient<br />
pas de stratégies de commercialisation dans leur planification. Hors, il faut compter<br />
environ trois ans pour mettre en place une stratégie et démarcher les clientèles cibles.<br />
Les communautés locales n’ont ni les compétences (connaissances de l’industrie<br />
touristique, gestion, réseaux), ni les ressources pour mettre en place une stratégie.<br />
Quant à elles, les ONG sont souvent très carencées en matière managériales ; elles<br />
manquent d’expérience et d’expertise.<br />
De nombreux projets de tourisme durable, réussis en termes d’empowerment<br />
culturel, psychologique et écologique peuvent être mis en péril par le manque de<br />
rentabilité économique. Le thème de la commercialisation des produits touristiques<br />
est la partie actuellement la plus problématique pour les communautés et où les ONG<br />
pêchent à apporter un soutien efficace. Lorsque les projets sont économiquement<br />
non-viables, ils seront obligatoirement voués à l’échec. Ce semble une tautologie mais<br />
de nombreux planificateurs et acteurs du développement semblent l’oublier. Les<br />
donateurs, les ONG et les communautés négligent très souvent l’importance<br />
fondamentale du marketing.<br />
Le projet écotouristique Sunungukai, du Zimbabwe, qui a développé des chalets<br />
communautaires et un camping, possède des problèmes de rentabilité économique<br />
bien qu’il ait reçu des évaluations très positives d’anciens visiteurs, des<br />
recommandations du Rough Guide et du Lonely Planet et qu’il ait gagné un prix en<br />
1993 lors du concours « tourism for tomorrow » de British Airways. (Scheyvens,<br />
162
2002, p.99, issu de d’un travail de terrain effectué en 1998). Les taux d’occupation du<br />
site étaient très bas (entre 1,7 et 4,4% pour une capacité de 480 lits par mois en 1997<br />
et 1998). Le projet était pourtant une réussite en terme d’empowerment<br />
psychologique : la communauté était très fière de son campement et certains<br />
résidents s’étaient déclaré honorés de recevoir des touristes, qui étaient intéressés à<br />
connaître leur style de vie. Cet enthousiasme s’est peu à peu essoufflé après plusieurs<br />
années de fonctionnement dû à une faible occupation et aux faibles retours<br />
financiers.<br />
Les communautés qui investissent de l’énergie et des ressources dans une initiative<br />
de développement touristique veulent percevoir des bénéfices tangibles et rapides en<br />
termes de revenus. Il est irréaliste de penser que des communautés pauvres puissent<br />
attendre plusieurs années avant de voir les résultats de leur investissement. D’où la<br />
prépondérance d’insister sur les stratégies de commercialisation dès le début du<br />
projet.<br />
Définition d’une stratégie commune de promotion et de<br />
commercialisation entre les différentes Agences de Développement et<br />
Coopération européennes<br />
Depuis 2004, les Agences de Développement et Coopération européennes cherchent<br />
à agir en collaboration dans le domaine du tourisme responsable et durable pour<br />
mettre en œuvre des actions dans le domaine de la mise en réseau de bonnes<br />
pratiques et dans celui de l’appui à la commercialisation.<br />
A travers plusieurs évaluations, il est apparu que les projets financés par la<br />
coopération internationale souffraient de problèmes de mise en marché. L’aide<br />
s’arrête trop tôt ou l’assistance technique fournie par les ONG n’est pas pertinente par<br />
manque de connaissance des marchés et des filières de commercialisation. Les ADC<br />
ambitionneraient donc d’organiser conjointement des événements d’appui à la<br />
commercialisation pour faciliter l’accès au marché européen des petits producteurs<br />
du Sud et pour créer des partenariats avec des tour-opérateurs dans les pays<br />
d’accueil.<br />
Plusieurs initiatives soutenues par la coopération ont prouvé qu‘un partenariat avec<br />
les voyagistes dès le démarrage du projet était nécessaire (eductour ou famtour sur<br />
163<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
les marchés récepteurs du côté de l’offre) et qu’un accompagnement sur les marchés<br />
émetteurs du côté de la demande (présence sur les foires et salons européens) et la<br />
confrontation prestataires/tour opérateurs était très pédagogique et<br />
commercialement très efficace.<br />
Depuis 3 ans la GTZ soutient l’organisation d’un salon spécialisé REISE PAVILLON<br />
en Allemagne en organisant un hall des projets et des produits de tourisme durable<br />
(49 exposants en 2004). La plupart d’entre eux sont des projets financés par la<br />
coopération allemande. Cependant le salon attire de plus en plus d’autres prestataires<br />
des pays du Sud et de l’Europe de l’Est qui vendent des produits de tourisme<br />
équitable, solidaire, alternatif… Il serait intéressant de dupliquer cette initiative, qui<br />
est devenue un lieu de commercialisation intéressant, dans d’autres pays d’Europe à<br />
travers la constitution d’un réseau.<br />
Des actions plus spécifiques sur le thème de la commercialisation ont donc été<br />
proposées :<br />
- des actions communes au niveau offre (structuration et renforcement des réseaux<br />
de prestataires comme Redturs),<br />
- des actions de sensibilisation et de promotion commune à travers Internet et les<br />
médias,…<br />
‐ Créer des lieux spécialisés pour accueillir les petits producteurs du Sud en tourisme<br />
équitable dans les foires traditionnelles comme Fitur, WTM, ITB, SMT.<br />
Stratégies de commercialisation : comment commercialiser ? Quels types<br />
de produits touristiques développer ? Quel segment du marché attirer ?<br />
Lorsque des ONG développent des produits touristiques, elles doivent se focaliser sur<br />
l’analyse du marché. Si elles n’ont pas organisé une fine analyse de la demande, il y a<br />
de fortes chances que l’offre qu’elles proposeront, ne trouve pas une demande<br />
satisfaisante. Dans la promotion d’un produit touristique local, il est indispensable<br />
d’impliquer les TO et les intermédiaires, et ce non seulement à la fin du projet mais<br />
dès le début. Leurs intérêts doivent être compris et leurs connaissances doivent être<br />
capitalisées notamment pour concevoir les produits touristiques à développer.<br />
164
L’ONG se doit d’adapter le type de développement touristique au cas par cas dans<br />
chaque communauté. Il n’existe pas de modèle à répliquer en la matière. Le tourisme<br />
communautaire, comme répété maintes fois au long de notre analyse, n’est pas un<br />
produit mais une philosophie. Le type de produits touristiques qu’une communauté<br />
développera ne peut être déterminé que par elle. Une fois en possession de<br />
l’information sur la situation de l’offre et de la demande (étude de marche), c’est à<br />
elle de prendre ses décisions en connaissance de cause. La collaboration de TO et<br />
d’experts touristiques est essentielle pour réaliser une analyse sur l’offre et la<br />
demande de la région touristique en question. Cette analyse est une pré-condition<br />
essentielle pour assurer une durabilité économique au projet.<br />
Imposer aux communautés de développer des produits écotouristiques, ethno<br />
touristiques ou imposer une commercialisation à travers les seuls opérateurs<br />
spécialisés en tourisme responsable serait encore une fois imposer un modèle<br />
« occidentalo-centriste ».<br />
En effet, peut-on refuser aux pays du Sud notre modèle de vie et décréter de façon<br />
unilatérale que la meilleure voie pour eux est un développement lent et contrôlé.<br />
(« fais ce que je dis, mais pas ce que je fais ») ? Ne risque-t-on pas de marginaliser les<br />
communautés en les contraignant à développer des produits de tourisme alternatif et<br />
en les tenant à l'écart du flux d’un tourisme plus traditionnel qui pourrait peut-être<br />
leur permettre un développement local ?<br />
Il existe trois catégories de tourisme qui peuvent être ciblées :<br />
- le tourisme indépendant<br />
- le tourisme responsable (AITR, ATES)<br />
- les TO plus classiques.<br />
1. Le marché du tourisme indépendant : un secteur qui possède<br />
de nombreux avantages.<br />
“The market for community-based ecotourism is not necessarily backpackers in my<br />
view. But it will be backpackers unless there is effective, community-private sector<br />
165<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
partnerships to make these projects meet quality standards in the long term”. (Epler<br />
wood, Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />
Les communautés locales manquent souvent de compétences, d’expériences et<br />
de ressources pour fournir des services touristiques au marché touristique<br />
international haut de gamme. Les routards (bugdget tourism, backpackers, tourisme<br />
indépendant) peuvent constituer un public cible intéressant, même s’ils sont<br />
habituellement très décriés et utilisés comme boucs émissaires. « While such<br />
concerns about social behavior are clearly legitimate, it is also true that<br />
backpackers have become scapegoats who are blamed for many of the social ills<br />
associated with tourism, regardless of the support they provide for the local<br />
economy ». (Crick, 1994, cité in Scheyvens, 2002, p. 146).<br />
La tendance des gouvernements du Sud (et pas seulement…) d’ignorer ou de<br />
décourager le segment du tourisme indépendant (routard) se fait souvent au<br />
détriment du développement social et des économies locales.<br />
Tableau 12 : Avantages liés au développement du segment du tourisme indépendant par<br />
les planificateurs de projets de tourisme communautaire<br />
Avantages liés au développement<br />
économique<br />
- Dépense plus d’argent que les autres<br />
touristes puisque leur durée de visite est<br />
plus longue.<br />
- Diffusion des bénéfices économiques<br />
plus large sur le territoire car les<br />
routards pénètrent des endroits<br />
marginalisés où n’arrive pas le tourisme<br />
organisé.<br />
- Ne demande pas de produits de luxe et<br />
consomment des produits et services<br />
locaux (non importés donc diminution<br />
des leakages)<br />
- Les membres de la communauté avec<br />
peu de capital et d’entrainement peuvent<br />
fournir des services et des produits à ce<br />
segment de marché (petites entreprises<br />
peu qualifiées)<br />
166<br />
Avantages liés au développement<br />
non économique<br />
- Les locaux pourront se réaliser<br />
beaucoup plus facilement à travers la<br />
création d’une petite entreprise qu’en<br />
devenant salarié (souvent peu qualifiés<br />
comme nettoyeurs ou serveurs) d’une<br />
entreprise appartenant à des opérateurs<br />
étrangers(empowerment psychologique).<br />
- En étant propriétaire de leurs propres<br />
entreprises, la communauté peut<br />
s’organiser pour représenter ses intérêts<br />
et négocier avec des organismes<br />
extérieurs (empowerment politique).<br />
- L’intérêt des routards pour la rencontre<br />
avec les locaux peut permettre une<br />
interaction sociale plus équitable avec la<br />
communauté qu’avec des hôtes d’hôtels 5<br />
étoiles.
- Moins inconstante que celle du<br />
tourisme international organisé, la<br />
demande est moins sensible aux<br />
problèmes d’instabilité politique ou aux<br />
problèmes aériens.<br />
- Moins sujet à la saisonnalité que le<br />
tourisme organisé.<br />
- Les petites entreprises locales sont plus<br />
facilement économiquement viables avec<br />
un petit nombre de visiteurs car les<br />
investissements initiaux sont faibles et<br />
les fuites minimales. (Wall et Long 1996).<br />
Source : Elaboration personnelle.<br />
- Les routards utilisent moins de<br />
ressources (douche à l’eau froide et<br />
ventilateur comparé à la climatisation et<br />
l’eau chaude utilisée par les segments<br />
plus traditionnels) et ont donc moins<br />
d’impact sur l’environnement.<br />
Le tourisme indépendant routard est le segment le plus porteur pour assurer<br />
un marché conséquent au tourisme communautaire et au pro-poor tourism, surtout<br />
lors du commencement du projet, puisque les communautés développent des<br />
produits touristiques qui sont dirigés majoritairement à un segment bas de gamme,<br />
de par le manque de capital financier et de connaissances des exigences du tourisme<br />
international.<br />
« They (backpackers) go anywhere, they seek everything and there is very little<br />
added value in their purchases (...) The product and market fit for CBT is<br />
backpackers. CBT Tourism is not sufficiently developed to be ready for any other<br />
market. Backpackers buy direct, not from tour operators and there are no sticky<br />
customer service issues to worry over when they come home. The marketing<br />
channels are well established through the various guide book and website<br />
referrals » (Duffy G, Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005).<br />
De plus, il est nécessaire d’organiser une différentiation au sein du tourisme<br />
indépendant. Ce type de tourisme ne rime pas forcément avec backpacker et budget<br />
tourism. Il existe un public indépendant qui se développe en dehors du traditionnel<br />
public jeune au bas pouvoir d’achat , qui est à la recherche de services de qualité, de<br />
différenciation et qui est prêt à dépenser plus. Ces touristes ne voyagent pas dans le<br />
tourisme organisé simplement pour maintenir une plus grande liberté dans la<br />
programmation de leurs voyages.<br />
167<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
« My last comment has to do with the notion that backpackers are not an<br />
appropriate market segment for CBT. I understand that there are different<br />
segments within the 'backpacker' label, and that 'upscale backpackers' (or what ever<br />
the appropriate term should be), can be a very lucrative market niche, and one<br />
relatively easily reached via internet marketing » (Finn M, Ecotourism Emerging<br />
Industry Forum, 2005)<br />
La promotion pour ce type de segment est beaucoup moins coûteuse<br />
(recommandations guides touristiques, brochures à distribuer dans des endroits<br />
clés,…) que pour attirer des segments traditionnels du tourisme organisé.<br />
Le tourisme indépendant, au même titre que le tourisme volontaire pourrait<br />
représenter des publics cibles intéressants notamment lors du démarrage d’initiatives<br />
puisque le manque de confiance des TO envers les initiatives communautaires jeunes<br />
(et moins jeunes) est très fort. Ce type de public est également enclin à accepter une<br />
qualité de services plus basse. Dan un contexte d’augmentation des recours<br />
judiciaires des touristes organisés, les TO sont de plus en plus réticents à<br />
commercialiser de tels types d’initiatives. Quant à lui, le touriste indépendant ne peut<br />
se plaindre à personne de retour chez lui.<br />
« Most tourism operators do NOT want to work with unproven organizations. So<br />
how to begin to get the word out internationally, and start getting visitors and<br />
income, while simultaneously empowering the community and giving them a<br />
chance to 'learn as they went'? internet marketing. What we did was to begin a<br />
program of paying volunteers, and yes, backpackers, since these groups were much<br />
more inclined to be 'forgiving' in terms of things like relative inaccessibility, and of<br />
the service being a bit 'rough around the edges.' Many were drawn specifically by<br />
the chance to participate in some useful activities (planting trees, teaching English,<br />
even some building and other things » (Finn M, Ecotourism Emerging Industry<br />
Forum, 2005).<br />
L’importance des guides touristiques<br />
Certains guides touristiques dédiés au tourisme durable et à l’écotourisme sont<br />
nés ces dernières années, chez les éditions du Routard, du Petit futé, de la Lonely<br />
Planet. Ces guides possèdent un potentiel très important pour faciliter la<br />
168
commercialisation des initiatives de tourisme communautaire de par le monde. Dans<br />
la phase actuelle, les premières éditions qui sont nées, visent plus à la sensibilisation<br />
de l’opinion publique sur le thème du tourisme durable (grande partie des ouvrages<br />
est destinée à vulgariser le concept) qu’à la publication et à la promotion des<br />
initiatives. En effet, ces guides ne se focalisent pas sur une zone géographique mais<br />
citent de façon sporadique de nombreuses initiatives dispersées de par le monde.<br />
Pour un touriste qui prépare son séjour dans un pays, il pourra donc prendre<br />
quelques adresses dans le guide mais ne pourra pas programmer tout son voyage car<br />
ces ouvrages possèdent seulement quelques initiatives par pays. Il est cependant à<br />
noter que certains éditeurs ont récemment sorti des ouvrages sur le tourisme durable,<br />
focalisés sur des zones géographiques permettant de surmonter l’obstacle à peine<br />
énoncé. Il est donc à espérer que dans le futur se développent des guides de tourisme<br />
communautaire par destination.<br />
Le fait que les touristes se disputent souvent avec les locaux sur le fait que quelque<br />
chose n’est pas comme il était indiqué dans leur bible, montre le pouvoir que ces<br />
éditeurs possèdent. Les touristes indépendants se fient effectivement presque les<br />
yeux bandés à leurs guides.<br />
Lorsqu’une initiative de tourisme communautaire est publiée dans un guide<br />
touristique, cela représente un atout majeur en termes de promotion. Les<br />
planificateurs des projets de tourisme durable doivent donc penser à utiliser cet outil<br />
puisque les éditeurs sont souvent assez intéressés à publier de telles initiatives.<br />
Internet comme instrument de promotion du tourisme<br />
communautaire pour le marché touristique indépendant<br />
Portails d’information et de promotion sur le tourisme responsable<br />
Echoways (www.echoways.org), et solidaltour (www.solidaltour.it) sont des portails<br />
d’informations français et italiens promouvant des initiatives de tourisme<br />
responsable de par le monde. Ils représentent des outils très intéressants pour<br />
faciliter la promotion et donner visibilité à des initiatives communautaires.<br />
169<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Ces sites rassemblent les initiatives de nombreux pays du monde, donnant un bref<br />
descriptif du produit touristique développé et les détails des personnes à contacter. .<br />
Echoways, avant d’insérer une initiative sur son site, organise une évaluation du<br />
projet touristique, pour définir s’il respecte les critères du tourisme responsable.<br />
Cette évaluation permet de restreindre l’accès aux seules initiatives sérieuses et est<br />
donc gage de confiance pour le client. Evidemment, cela représente un travail énorme<br />
et limite donc le nombre d’initiatives qui sont publiées puisque cela implique un fort<br />
travail en amont.<br />
Développement de l’outil Internet : une opportunité encore non exploitée à sa juste<br />
valeur<br />
Internet est un outil très efficace pour capter le tourisme indépendant en forte<br />
croissance au niveau mondial.<br />
« Web can level the playing field and provide an opportunity for those with fewer<br />
resources to find their way to potential consumers in a relatively cost-effective<br />
way ». (Suarez A, In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />
Très peu d’initiatives communautaires utilisent efficacement leur site internet et<br />
réussissent à le maintenir ajourné puisqu’elles ne seraient pas autonomes pour le<br />
faire. Les agents de développement ou TO qui ont accompagné des initiatives de CBT<br />
ont peut-être su développer de très bons sites internet mais ils n’ont pas été capables<br />
de former les communautés pour que celles-ci puissent ensuite le gérer de façon<br />
autonome.<br />
« The communities themselves have been identified as a weak actor regarding<br />
Internet marketing. Most of them do not see the need or are not able due to technical<br />
or financial problems - to answer the mails and do not update the sites at all.<br />
Language is another problem, as most of these WebPages are in English or Spanish<br />
only but should be offered at least in two or even more languages » (Suarez A, In<br />
Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />
Par conséquent Mader (In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005)<br />
recommande aux agences de développement et donateurs de ne pas financer<br />
170
seulement la création de sites web mais la participation au site web. Ce concept de<br />
participation implique que des formations en communication et création de sites web<br />
devraient être offertes aux membres de la communauté. Ces formations devraient<br />
commencées par des choses très simples telles que la création et la manutention d’un<br />
courrier électronique<br />
- Nouvelles techniques de promotion par internet<br />
Les potentialités d’internet sont rarement utilisées par les agents de développement,<br />
par manque de connaissances dans le domaine. Utiliser les potentialités internet à<br />
leur maximum ne se limite pas seulement à créer un site, et le laisser ensuite évoluer<br />
à sa guise sur la toile. Il est important d’apparaître dans les premières lignes des<br />
moteurs de recherche et cela ne peut être laissé au hasard. Il peut être intéressant de<br />
payer pour être dans les premiers ou bien de se faire de la publicité sur d’autres sites.<br />
« The important thing about websites is that you need to appear in the top 20<br />
listings (top 10 ideal) of whatever specific search team you are considering. The<br />
quick and dirty way is to buy your way to the top; i.e. pay-per-click, but<br />
knowledgeable consumers realize that it's a paid listing and may not give it full<br />
credence. The other way is to link with appropriate websites -- for us this means<br />
tourism and travel-related sites. What my associates and I recommend is to develop<br />
a great website with great links to appropriate, high-quality sites, ideally with<br />
reciprocal arrangements (you promote me; I promote you) as this raises your<br />
search ranking significantly. But because this can take a good 6-8 months to get<br />
your web ranking up, we will also recommend pay-per-click for key search phrases<br />
to immediately get your name in the top ». (Perez, In Ecotourism Emerging<br />
Industry Forum, 2005)<br />
Internet peut également être utilisé comme outil de fund raising, pour accumuler de<br />
petites sommes d’argent, en hébergeant sur son propre site des liens publicitaires. En<br />
utilisant de nouveaux réseaux tels que facebook, il est également possible de s’assurer<br />
une excellente promotion. Il est nécessaire d’approfondir les recherches sur la<br />
171<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
diversité des opportunités créées par internet et qui sont encore complètement<br />
ignorées.<br />
- Développement d’outils de réservation<br />
Le développement de systèmes de réservation on-line d’initiatives de tourisme<br />
communautaire est encore inexistant. Il pourrait être intéressant d’utiliser des<br />
systèmes de réservation on line spécialisés sur le marché du tourisme indépendant<br />
(par exemple www.backpackertours.com). Il serait sinon fort utile de développer de<br />
nouveaux sites qui jouent le rôle de centrales de réservation. Ces sites se développent<br />
de plus en plus sur le net pour la réservation d’hôtels. Il serait intéressant de laisser<br />
l’accès libre à toutes les initiatives communautaires, sans organiser une évaluation<br />
préalable, en laissant le touriste évaluer lui-même l’initiative. En donnant une note et<br />
en laissant un commentaire, une fois le service consommé, les touristes pourraient<br />
jouer eux-mêmes le rôle des évaluateurs. Ce genre de centrales de réservation<br />
pourrait se développer sur une base nationale, avec un soutien technique et financier<br />
d’agences gouvernementales.<br />
Les communautés s’organisent en réseaux nationaux et internationaux<br />
pour faciliter la commercialisation directe<br />
Presque tous les pays d’Amérique Latine ont organisé des réseaux nationaux de<br />
tourisme communautaire. Le premier but de ces réseaux est de favoriser les échanges<br />
d’expériences et d’organiser un lobbying sur les pouvoirs publics. Depuis peu, ils<br />
commencent cependant à concentrer leurs efforts sur le thème de la<br />
commercialisation puisqu’ils se rendent compte que c’est un des problèmes clés<br />
auxquels ils se confrontent et qui retarde le développement de ce secteur.<br />
La FEPTCE (Federacion plurinacional de turismo comunitario del Ecuador)<br />
s’est par exemple dotée de critères ou de standards de fonctionnement et de niveaux<br />
de qualité minimale pour répondre aux exigences des voyagistes.<br />
172
En matière de promotion et de commercialisation, les partenariats et les réseautages<br />
sont les outils les plus efficaces. Les chercheurs se sont rendus compte que la<br />
diffusion de l’information dans des groupes d’amis, des groupes de discussion sur<br />
internet, ou au sein de réseaux semblent être assez efficaces. En effet, le bouche à<br />
oreille est un outil de promotion vieux comme le monde et dont l’importance n’est<br />
plus remise en doute. Par l’utilisation d’une communication à l’intérieur de réseaux,<br />
ce bouche à oreilles peut dupliquer son efficacité.<br />
Ce type de réseaux de tourisme communautaire, essentiellement tourné sur la<br />
commercialisation directe, pourrait favoriser le développement de centrales de<br />
réservation (sur internet) plutôt que de se limiter à une seule promotion sur leurs<br />
sites internet. Ces réseaux pourraient également faciliter la commercialisation auprès<br />
d’agences de voyage. Au Mexique, un réseau de communautés d’origines ethniques<br />
distinctes de l’Etat du Chiapas, Senda Sur, a joint ses forces à des petites agences de<br />
voyage privées spécialisées en écotourisme pour consolider son offre. Le réseau s’est<br />
doté d’une centrale d’informations et de réservation. (Deslisles et Jolin, 2007, p.91).<br />
Nécessité de sensibiliser le marché indépendant au tourisme<br />
responsable<br />
Une meilleure éducation et sensibilisation des routards sur les impacts qu’ils<br />
ont sur les communautés locales des pays qu’ils visitent est cependant essentielle<br />
pour pouvoir miser sur ce segment de marché. Des maisons d’édition de guides<br />
(spécialement Lonely Planet et Rough Guides) pourraient jouer un rôle clé pour<br />
sensibiliser les voyageurs et leur fournir des informations détaillées et appropriées<br />
sur les normes culturelles et les comportements à adopter dans chaque destination.<br />
L’ONG Tourism Concern a quant à elle publié une brochure destinée aux routards<br />
(backpackers) avec une liste détaillée des comportements à adopter pour être un<br />
voyageur responsable (« The Community tourism guide », Mann, 2001).<br />
173<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
2. Cibler le tourisme alternatif : avantages et inconvénients.<br />
Le public du tourisme alternatif est un public avec un fort pouvoir d’achat, prêt à<br />
dépenser plus pour avoir un produit touristique différent et équitable. Sensibilisé et<br />
intéressé à la rencontre avec d’autres cultures, ce public est prêt à s’adapter avec<br />
beaucoup plus de facilités aux imprévus du voyage et au manque de confort. Il serait<br />
également moins porté à se plaindre devant les tribunaux à son retour de voyage.<br />
Prédisposition à accepter des conditions de confort basiques<br />
La catégorisation de Fennell entre “soft ecotourism” et “hard ecotourism” est fort<br />
intéressante, notamment pour définir le type de public à cibler pour commercialiser<br />
un projet de tourisme. Selon lui, un élément aussi banal que le degré d’adaptation au<br />
confort est déterminant dans le choix du public target.<br />
Figure 8 : Hard and Soft dimensions of ecotourism<br />
Ce diagramme montre que l’écotouriste convaincu (B) est prêt à accepter des<br />
conditions de confort plus dures pour vivre une expérience écotouristique complète<br />
vu son fort intérêt porté à la nature. Un touriste avec un intérêt mineur pour la<br />
nature (A) ne sera pas prêt à accepter des conditions de confort minimales.<br />
174
Ce raisonnement peut être transposé au tourisme culturel ou ethnotourisme. Si une<br />
personne est très intéressée à la connaissance de l’autre (population autochtone), elle<br />
peut accepter de passer outre l’existence de conditions de confort sommaires. Au<br />
contraire, plus son intérêt diminue, plus elle sera demandeuse de conditions de<br />
confort.<br />
Le tourisme communautaire, tout particulièrement à ses débuts, a beaucoup de<br />
difficultés à proposer le confort recherché par les touristes. En ciblant le touriste<br />
alternatif, intéressé avant tout par le contact avec les populations locales, il est<br />
possible que ce dernier accepte les conditions de confort sommaire proposées par les<br />
initiatives communautaires.<br />
Une clientèle déjà sensibilisée … apte à diminuer les impacts négatifs sur<br />
les communautés locales<br />
Le touriste responsable est souvent conscient des ravages du tourisme de masse sur<br />
les communautés et des difficultés de la relation interculturelle. Le tourisme<br />
alternatif s’adresse souvent à une clientèle déjà sensibilisée. Cet aspect est<br />
généralement présenté comme négatif alors que c’est un point qui peut aussi être<br />
valorisé. Premièrement parce qu’il faut bien commencer avec une cible.<br />
Deuxièmement parce que ces personnes sont les meilleures ambassadrices du<br />
tourisme solidaire (répercussion en terme de crédibilité et non de simple argument<br />
défendu à des fins commerciales). De plus, encourager le système de parrainage<br />
permettrait, outre des économies réalisées au niveau de la commercialisation, de<br />
construire la notion de réseau (client/offre).<br />
La coopération italienne base ses stratégies de commercialisation des<br />
projets touristiques sur le tourisme responsable<br />
En Italie, les ONG développent de forts rapports de collaboration avec les TO de<br />
tourisme responsable membres de l’AITR, notamment pour assurer la<br />
commercialisation de leurs produits.<br />
175<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Ce rapport permettrait de :<br />
- faciliter l’arrivée de touristes à la fin du projet (en faveur de la durabilité de<br />
l’initiative).<br />
- cibler l’offre touristique aux besoins de la demande (hygiène, organisation,<br />
alimentation,…).<br />
Etant donné l’ampleur du marché du tourisme responsable (moins de 5% des<br />
touristes), il est impossible de remplir les initiatives de tourisme communautaire<br />
uniquement avec le tourisme responsable. Cependant, commercialiser les projets de<br />
tourisme communautaire auprès de TO non membres de l’AITR provoque une forte<br />
réticence au sein de l’AITR :<br />
« C’è un gruppo di TO che si sta staccando dal resto dei TO, e che stanno<br />
introducendo degli aspetti per noi sensibili nei loro cataloghi. Adeguamento,<br />
convizione o opportunismo ? » (Davolio M, Président de l’AITR, in Golinelli, 2008)<br />
La nouvelle collaboration entre ASTOI (Associazione dei TO italiani) et COSV (ONG<br />
italienne) pour promouvoir le tourisme communautaire au sein du tourisme classique<br />
a suscité une forte réaction au sein de l’AITR. Malgré les discours, il persiste un fort<br />
corporatisme refusant que le tourisme communautaire puisse être commercialisé au<br />
sein de TO classiques. Les TO classiques ne chasseront pourtant jamais sur les<br />
mêmes terres que celles du tourisme responsable (grande peur des TO spécialisés)<br />
puisque l’offre des petites agences ou des TO spécialisés est différente. Il ne faut donc<br />
pas que ces derniers réagissent avec peur et corporatisme aux tentatives des TO<br />
classiques à adopter des démarches plus responsables.<br />
En effet, les touristes responsables sont un public facilement fidélisable et une fois<br />
qu’ils ont voyagé avec des TO spécialisés, il est peu probable qu’ils retournent sur du<br />
tourisme de masse avec des TO plus classiques.<br />
“But we know that once we've reached them and provided them with the kind of<br />
experience they are not likely to get with a mass tourism provider, both in terms of<br />
the sales/service, as well as that comparatively authentic travel experience to an<br />
environmentally and/or culturally enriching destination.” (Smith, Ecotourism<br />
Emerging Industry Forum, 2005).<br />
176
L’ouverture du tourisme communautaire vers d’autres clientèles représente de<br />
nombreux défis mais qui selon nous se doivent d’être relevés. En effet, le tourisme<br />
communautaire peut être commercialisé en combinaison avec d’autres formes de<br />
tourismes plus traditionnelles : un élément dans un circuit, en extension à un<br />
tourisme balnéaire ou culturel… En partant du principe que l’on ne modifie pas les<br />
comportements d’un coup de baguette magique et afin de pallier les réticences, dues<br />
en partie à la crainte que toute nouveauté suscite, il est nécessaire de chercher à<br />
inviter le touriste traditionnel à découvrir des initiatives de tourisme<br />
communautaire. De plus, au cours d’une vie « on est plusieurs touristes à la fois ».<br />
Cela peut vouloir dire deux choses différentes : que les personnes peuvent évoluer<br />
dans leurs pratiques touristiques au long de leur parcours et qu’une même personne<br />
peut très bien voyager dans l’année dans un hôtel cinq étoiles au bord de la mer et<br />
passer son autre séjour dans une initiative de tourisme communautaire rustique.<br />
Bien que se soient développés de petits TO de tourisme alternatif, le tourisme reste<br />
majoritairement dans les mains de grandes entreprises transnationales. Il est donc<br />
crucial de s’interroger sur les possibilités de contagion aux TO classiques afin que le<br />
tourisme soit plus équitable, responsable et soit réellement facteur de développement<br />
local pour les communautés hôtes.<br />
3. L’intégration de TO plus classiques dans la commercialisation<br />
de produits touristiques communautaires<br />
« Tourism promotion aiming at poverty reduction should no longer be limited to<br />
just niche products. Instead, efforts of development policy should be shifted to<br />
integrate other sectors more strongly, including, in particular, mass and luxury<br />
tourism. This is the only way to optimally utilize the potential which tourism<br />
provides for poverty reduction and to advocate the objectives of sustainable tourism<br />
extensively and, thus, credibly » (GTZ, 2007).<br />
177<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Commercialisation classique à travers TO et agences de voyage.<br />
Les principaux avantages de travailler avec des intermédiaires de vente sont les<br />
suivants (Delisle et Jolin, 2007, p.92) :<br />
• La représentation de l’offre dans le pays même par les agences<br />
réceptives.<br />
• La possibilité d’être représenté à l’étranger, notamment lors de salons et<br />
foires touristiques par ses intermédiaires. Cela représente une forte<br />
économie de moyens et de ressources.<br />
• La négociation dans la langue de la clientèle est un atout.<br />
• Importants réseaux de contacts qu’ils possèdent.<br />
Comment s’assurer que les communautés ne se fassent pas exploiter par des<br />
intermédiaires, sachant qu’elles ont des difficultés à calculer les coûts, à établir une<br />
tarification équitable et ne connaissent pas le fonctionnement des réseaux de<br />
distribution traditionnels ?<br />
En effet, si les intermédiaires de vente peuvent représenter un bon moyen pour<br />
commercialiser l’offre touristique de communautés, ils peuvent imposer des<br />
conditions très défavorables, en se trouvant en position de force. Afin d’établir un<br />
partenariat solide, le rôle médiateur d’une ONG peut se révéler très utile, pour<br />
protéger et défendre les intérêts des communautés.<br />
La nécessité d’une contamination du secteur touristique classique<br />
Si on veut impacter l’ensemble du système touristique mondial et sensibiliser le plus<br />
de gens possibles à l’échange interculturel, on ne peut pas se limiter au traditionnel<br />
public du tourisme responsable.<br />
De par l’intermédiaire du tourisme, une personne apprend à se confronter à l’altérité.<br />
Cet apprentissage au respect de la différence et de la diversité se fait au cours d’un<br />
processus et non d’un seul voyage. Pour cela, il faut proposer une palette variée de<br />
178
voyages (certains qui pourraient être classifiés dans le tourisme traditionnel et<br />
d’autres dans le secteur du touriste alternatif) pour s’adapter au profil de chaque<br />
personne.<br />
On ne peut imaginer qu’un touriste du Club Med, habitué à rester dans des villages<br />
vacances où le rapport avec l’hôte est réduit à zéro, puisse du jour au lendemain<br />
partir faire un reality tour dans les camps palestiniens. Cependant, les initiatives de<br />
tourisme communautaire qui se combinent au tourisme de masse (visite d’une<br />
journée dans une communauté indigène comme la communauté Pataxó au Brésil,<br />
proche d’un flux fort de tourisme conventionnel) peuvent se refléter fort utile pour<br />
éduquer le touriste à l’altérité, se remettre en question,… Lors d’un prochain voyage,<br />
ce touriste aura peut-être envie d’approfondir cette expérience qui lui aura plu et<br />
changera peut-être légèrement sa façon de voyager.<br />
Les puristes et les inventeurs du tourisme responsable sont très souvent élitistes sur<br />
ce thème et condamnent ce genre d’initiatives de collaboration avec le secteur<br />
traditionnel.<br />
« I feel there are too many people who claim to work in "ecotourism" that are<br />
horrified by the thought that someone on a mass tourism trip (think cruise ship or<br />
large outbound tour company - say, TUI or First Choice) might want to experience<br />
an authentic, culturally rich trip that benefits local people and the environment (and<br />
isn't that ecotourism?) (…) From the perspective of a small business or community<br />
you really shouldn't care where your tourists are coming from as long as they pay a<br />
reasonable price (and yes in this side of the business it is tough so it becomes volume<br />
vs. price) and act reasonably (culturally appropriate etc.) (...) I have been recently<br />
researching market connectivity between SMEs and the cruise sector. There are<br />
some good examples, and could and should be many more. Certainly market<br />
penetration into these supply chains is far from easy but they are looking to<br />
diversify their product offerings. » (Sweeting J, Ecotourism Emerging Industry<br />
Forum, 2005)<br />
Il faut cependant être clair avec les objectifs de notre lobbying en tourisme<br />
responsable : si l’objectif est la transformation sociale, l’apprentissage de la tolérance,<br />
ces initiatives ne peuvent être condamnées de prime abord. Nous ne pouvons<br />
179<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
continuer à nous maintenir dans une pensée élitiste où la pratique du tourisme<br />
responsable servirait à se différencier socialement du vil touriste de masse… Nous ne<br />
pouvons pas non plus continuer à penser que le tourisme responsable est un acte non<br />
commercial (prononcé lors de nombreuses conférences en tourisme), en dehors d’un<br />
système capitaliste décrié… Le tourisme implique une relation commerciale, qu’on le<br />
veuille ou non.<br />
Il est d’une importance capitale que le tourisme de masse se dirige vers un tourisme<br />
durable et que le tourisme responsable ne reste pas une niche déconnectée du reste<br />
de l’industrie. Les grands TO possèdent les instruments markéting et de<br />
communication ainsi que le public source pour essayer de dynamiser l’intérêt du<br />
grand public au tourisme responsable. Leur grande taille leur permet également<br />
d’influencer les fournisseurs et les distributeurs pour qu’ils intègrent des politiques<br />
de tourisme durable au long de la chaîne de valeur.<br />
Stratégies de commercialisation sur le marché du tourisme organisé<br />
Même si internet peut représenter un outil commercial très intéressant pour attirer le<br />
tourisme indépendant, ne pas s’introduire sur le marché du tourisme organisé<br />
signifierait passer à côté d’une intéressante opportunité commerciale.<br />
« Whilst the internet may represent one opportunity for marketing and selling the<br />
product (e.g.responsibletravel.com), the more traditional travel agent route should<br />
continue to play an integral part in the initiatives’ marketing strategy and<br />
distribution network » (Mader R)<br />
Les planificateurs de projets de tourisme communautaire doivent former des accords<br />
commerciaux très tôt pour promouvoir la commercialisation de leurs produits,<br />
auprès de TO internationaux ou d’agences réceptives locales et nationales. Deux types<br />
de stratégies sont possibles pour commercialiser des initiatives de tourisme<br />
communautaires. Les ONG internationales possèdent par ailleurs l’avantage d’avoir<br />
des contacts sur un marché émetteur, celui de leur pays d’origine.<br />
1° Prendre contact directement avec les TO internationaux dans les<br />
marchés émetteurs<br />
180
2° Prendre contact avec les agences de voyage réceptives dans les pays<br />
récepteurs.<br />
1° Prendre contact directement avec des TO dans les pays émetteurs permet de les<br />
informer directement de l’existence du produit touristique, dans l’optique que ceux-ci<br />
puissent faire pression sur leurs agences de voyage réceptive afin qu’elles intègrent ce<br />
produit dans leur package. C’est la solution la plus efficace car le preneur de décision<br />
est le TO dans le pays source et non l’agence de voyage réceptive. Cependant c’est une<br />
stratégie qui demande énormément de temps afin de prendre contact avec l’ensemble<br />
des TO dans les pays émetteurs (combien de pays à contacter ?). Cette stratégie peut<br />
être adoptée sur un ou deux pays, notamment dans le pays d’origine de l’ONG. Celleci<br />
recherchant toujours une visibilité sur son territoire national, il est intéressant de<br />
mettre en œuvre une telle stratégie.<br />
Cette stratégie ne représente qu’une première phase. Une fois que le TO a démontré<br />
de l’intérêt, il est nécessaire de prendre contact avec son agence réceptive sur le<br />
territoire d’accueil pour s’arranger sur les conditions pratiques d’opérer. Bien<br />
évidemment celle-ci sera beaucoup plus disposée à collaborer étant donné que son<br />
client aura démontré de l’intérêt pour le produit.<br />
Il serait intéressant de convaincre le TO de se passer de son agence réceptive<br />
nationale en contractant directement un opérateur local (les prix baissent car moins<br />
d’intermédiaires), déjà partenaire et revendeur du produit. Ce principe hérité du<br />
commerce équitable est pourtant difficile à mettre en place pour une raison de<br />
manque de confiance. Les TO sont en effet très réticents à l’idée de se séparer de leur<br />
agence réceptive pour contracter directement une agence locale.<br />
2° La deuxième stratégie consiste à prendre contact directement avec les agences<br />
réceptives nationales, qui ont déjà des relations de confiance et des contrats de<br />
collaboration avec de nombreux TO au niveau international. Ces dernières pourront<br />
donc proposer cette offre nouvelle aux TO avec lesquels ils travaillent.<br />
Problème : les agences de voyage réceptive nationales dans les pays du Sud peuvent<br />
avoir des mentalités plus conservatrices et moins en faveur du tourisme<br />
181<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
communautaire que les TO européens. Dans ce cas, ils pourraient faire une rétention<br />
d’informations et ne pas proposer l’offre à leurs partenaires.<br />
La stratégie de commercialisation : une démarche qui doit s’effectuer<br />
avec beaucoup d’anticipation<br />
Un temps considérable est nécessaire pour assurer l’inclusion d’un produit sur le<br />
marché international et sa présence dans les brochures des agences et TO. Il est<br />
important que l’information sur le produit se communique très tôt aux TO (même s’il<br />
n’est pas encore prêt à être opéré). Les prix doivent être fournis aux agences/TO au<br />
moins une saison (un an) à l’avance afin que les revendeurs puissent introduire les<br />
prix dans leurs systèmes de vente, intègrent l’offre dans les catalogues, fassent de la<br />
promotion auprès des revendeurs et de la clientèle, qui prend souvent des décisions<br />
de voyage longtemps à l’avance. En faisant les prix, il est nécessaire de prendre en<br />
considération les commissions qui seront versées à chaque intermédiaire (entre 12 et<br />
20% du prix).<br />
2.4.2. Modalités et limites de la participation du secteur<br />
touristique classique à l’empowerment des communautés<br />
locales ?<br />
Après avoir largement insisté sur la nécessité que le tourisme communautaire tente<br />
de se commercialiser à travers des filières de tourisme classique, il nous paraît<br />
indispensable d’approfondir ce thème, qui est d’ailleurs celui entre tous, le plus<br />
source à polémiques. Nous chercherons à répondre à plusieurs types de questions :<br />
Comment les grands TO peuvent-ils soutenir le processus d’empowerment des<br />
communautés locales, en dehors de la commercialisation directe d’initiatives de<br />
tourisme communautaire ? Est-ce-que la pratique du don aux communautés locales,<br />
qui peut être classifié comme tourisme solidaire, permet-il l’empowerment des<br />
communautés locales ? Quelles sont les opportunités et les freins à la<br />
commercialisation de produits communautaires dans le secteur touristique<br />
classique ?<br />
182
1. La variété des pratiques de la Responsabilité sociale<br />
d’entreprises : de la pratique du don à l’adaptation des pratiques<br />
entrepreneuriales.<br />
Les entreprises peuvent contribuer de différentes façons au développement durable,<br />
en agissant d’une façon socialement responsable en tant que citoyens corporatifs. Il<br />
existe de nombreuses manières de catégoriser les actions de responsabilité sociale<br />
qu’elles peuvent mettre en place mais la distinction la plus évidente qui peut être faite<br />
est celle entre la pratique de la donation et l’adaptation des pratiques managériales.<br />
La donation se réfère à une approche philanthropique, où les entreprises font des<br />
dons, financiers ou non à des bonnes causes, qu’elles ponctionnent sur leurs profits<br />
non taxés.<br />
L’adaptation des pratiques managériales signifie changer un ou plusieurs<br />
éléments dans la gestion opérationnelle afin que l’entreprise soit toujours gérée de<br />
façon efficace, mais d’une façon qui permette d’améliorer les impacts économiques,<br />
sociaux et environnementaux de son activité sur l’environnement local.<br />
Ces deux pratiques peuvent être effectuées de façon à optimiser les bénéfices sociaux<br />
tout en continuant à opérer de façon rentable (sans faire de bénéfices économiques<br />
mais sans pertes). Il s’avère utile d’analyser les avantages et inconvénients des deux<br />
types de pratique, dans l’optique du développement local et de l’empowerment des<br />
communautés locales.<br />
L’approche philanthropique de la donation<br />
L’approche philanthropique (dons) possède différents avantages pour l’entreprise :<br />
les dons sont faciles à administrer et n’interférent pas dans la pratique de leurs<br />
opérations quotidiennes. Ils possèdent également une forte visibilité au sein de<br />
l’opinion publique.<br />
Au niveau des récepteurs de ce don, l’avantage est que la communauté locale peut<br />
bénéficier d’une forte injection de fonds, qu’elle n’aurait jamais pu regrouper seule et<br />
qu’elle peut utiliser pour répondre aux besoins collectifs identifiés. Même les plus<br />
183<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
pauvres, qui n’auraient pas pu participer à l’activité touristique, peuvent donc profiter<br />
indirectement des bénéfices de cette activité.<br />
Il existe cependant plusieurs types de dons qu’une entreprise de tourisme puisse<br />
faire, il est intéressant d’analyser à qui elle donne et où.<br />
Elle peut donner directement ou indirectement en faveur de la communauté locale ou<br />
bien à une œuvre sociale et charitable autre (ex de don à Slow Food). Dans ce dernier<br />
cas, l’intérêt est nul et la philanthropie semble plus une façon de se donner bonne<br />
conscience que de tenter de rééquilibrer les impacts jugés négatifs du tourisme sur les<br />
communautés locales.<br />
Les dons en faveur des communautés locales peuvent se réaliser de façon<br />
directe à un fonds communautaire géré par la communauté même ou à une ONG<br />
locale ou internationale qui travaille avec cette communauté. La première modalité<br />
est intéressante puisque ce sont les membres de la communauté, qui de façon<br />
autonome, évalueront leurs besoins et tenteront de changer leurs propres conditions<br />
de vie (forte logique d’empowerment). Cependant, si la communauté est très<br />
marginalisée, elle aura du mal à mettre en place des projets efficaces et il est possible<br />
que, par manque de gestion transparente, certains membres s’accaparent partie de<br />
ces fonds. Le financement de fonds communautaires est donc une option très<br />
intéressante mais seulement pour les communautés déjà organisées et empowered.<br />
Au cas contraire, l’intervention d’une ONG pourrait s’avérer indispensable.<br />
Le principe de la donation est un principe qui a été incorporé notamment par TUI,<br />
surtout dans un objectif de protection environnementale. Après une période d’essai,<br />
ce principe a été institutionnalisé dans le sens où un pourcentage du prix du package<br />
est automatiquement reversé à certaines destinations (projet de protection des<br />
tortues en Turquie par exemple). Cependant, comme à peine spécifié, ces dons ne<br />
sont pas dirigés aux communautés locales mais à des projets de protection de<br />
l’environnement (conception du tourisme durable dans sa version réduite, c’est-àdire<br />
importance donnée à la seule durabilité environnementale).<br />
Les dons peuvent être interprétés comme une façon de maintenir la paix sociale, de<br />
rendre contentes les communautés pour qu’elles continuent à coopérer et à recevoir<br />
des touristes.<br />
184
L’approche alternative : l’adaptation des pratiques managériales<br />
L’avantage de l’approche alternative, l’adaptation des pratiques managériales, réside<br />
dans le potentiel effet d’échelle. Etant donné le volume de touristes et de capitaux que<br />
les entreprises gèrent, un petit changement visant à impliquer la population locale<br />
dans la prestation de services touristiques, peut avoir un impact économique énorme<br />
au niveau local.<br />
Le second avantage est qu’à travers l’augmentation des linkages, il est possible que se<br />
mette en place un effet multiplicateur, grâce au développement de secteurs annexes<br />
au tourisme (agriculture, artisanat), favorable au développement de l’économie<br />
locale.<br />
Pour établir des business linkages au sein de la communauté locale, le TO peut :<br />
- Se fournir en matériaux de construction auprès d’entreprises locales<br />
- S’approvisionner auprès de marchands locaux (nourriture, objets,…)<br />
- Utiliser des opérateurs touristiques locaux (opérateur, logement, restauration)<br />
- Présenter les activités culturelles de la zone<br />
- Proposer des projets communautaires<br />
- Faciliter le transfert de connaissances et de compétences<br />
L’approche alternative peut fournir de fortes opportunités d’empowerment collectif,<br />
en permettant une bonne répartition des bénéfices au sein de la communauté. En<br />
préférant loger ses clients dans un hôtel communautaire plutôt que dans un hôtel<br />
international, l’entreprise favorise tous les membres de la communauté (même les<br />
plus pauvres) car partie des bénéfices vont financer des projets communautaires. En<br />
contractant les services d’entreprise communautaire, l’entreprise favorisera<br />
indirectement l’ensemble de la communauté.<br />
Nous suggérons que l’adaptation des pratiques managériales possède de meilleurs<br />
impacts sur le long terme pour favoriser le développement et l’empowerment des<br />
communautés du Sud. Il est nécessaire de sortir de la philanthropie si l’on souhaite<br />
remettre en cause les injustices du système touristique mondial.<br />
185<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Analyse comparée des deux approches<br />
Tableau 13: Avantages et inconvénients des deux approches<br />
Avantages<br />
Inconvénients<br />
186<br />
Donation Adaptation des pratiques<br />
managériales<br />
Développement :<br />
- Peut permettre de répondre<br />
aux besoins de la communauté<br />
- Injection de sommes<br />
importantes dans la<br />
communauté<br />
Commercial :<br />
N’interfère pas dans la gestion<br />
commerciale<br />
- peuvent être déduits de la<br />
fiscalité<br />
- bonne visibilité au sein de<br />
l’opinion publique<br />
Développement<br />
- Projets qui échouent ou qui se<br />
révèlent inutiles<br />
- Gestion non transparente des<br />
fonds au sein de la<br />
communauté<br />
- Crée de la dépendance, et est<br />
issu d’une logique paternaliste<br />
Développement :<br />
- Sur le long terme, fort impact sur<br />
l’économie locale, grâce<br />
notamment à un effet<br />
multiplicateur<br />
- Permet un réel empowerment et<br />
de rééquilibrer le système<br />
touristique, actuellement en<br />
défaveur des communautés<br />
locales du Sud<br />
Commercial :<br />
-Favorise le développement du<br />
produit et création de produits<br />
complémentaires<br />
- Développement d’une image de<br />
marque<br />
- Peut à certaines conditions<br />
permettre une diminution des<br />
coûts (si élimination de<br />
l’intermédiaire pour contracter<br />
directement le prestataire local)<br />
Développement :<br />
- Les impacts sont difficiles à<br />
évaluer et cela nécessite du temps<br />
- Les bénéfices peuvent être<br />
inégalement distribués entre les<br />
membres de la communauté. Les<br />
membres les plus pauvres ne<br />
pourront être embauchés dans le<br />
secteur touristique
Source : Elaboration propre<br />
- Le développement de la<br />
communauté n’entre pas dans<br />
la compétence spécifique des<br />
entreprises. Elles ne pourront<br />
donc pas les appuyer dans ce<br />
processus<br />
Commercial :<br />
- Requiert des changements dans<br />
le mode d’opérer de l’entreprise<br />
(temps, difficultés)<br />
- Problème de confiance envers les<br />
prestataires locaux<br />
« Beyond Corporate Social Responsibility and the role of the private sector in<br />
development: there is growing recognition that businesses need to move beyond<br />
philanthropy and a narrow interpretation of ‘corporate social responsibility’ (CSR)<br />
to an approach to doing business that enhances development impact by drawing on<br />
their core competencies » (Ashley C et Hayson G, 2005).<br />
Le fait qu’une entreprise touristique fasse des donations, pourrait lui permettre d’être<br />
classifié dans la catégorie d’opérateurs de tourisme solidaire. La seconde option, qui<br />
remet en cause la façon d’opérer, pourrait être plus facilement reconnue comme<br />
faisant partie du tourisme équitable.<br />
La Responsabilité Sociale d’entreprise : une pratique encore peu<br />
développée chez les TO<br />
Les évaluations de la Responsabilité sociale d’entreprise (RSE) ou Corporate Social<br />
Responsibility semblent demeurer des outils très peu utilisés et peu efficaces.<br />
« Tourism as an industrial sector has been slow to embrace the ideal of CSR<br />
reporting ».<br />
Alors que le PNUD a investi des sommes considérables pour construire des lignes<br />
directrices en termes d’évaluation de la RSE dans l’industrie touristique à travers<br />
l’initiative Global Reporting Initiative (GRI), appuyé par la Responsible Tour<br />
Operator's Initiative, il semble que très peu d’entreprises touristiques aient utilisé ce<br />
187<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
système d’évaluation pour mesurer leurs performances économiques, sociales et<br />
environnementales. 13<br />
La GRI a pourtant crée un supplément sectoriel pour mesurer la durabilité des<br />
pratiques des TO. Les indicateurs, regroupés en cinq catégories sont les suivants :<br />
gestion et développement du produit, gestion interne, supply chain management,<br />
relations avec la clientèle et coopération avec la destination.<br />
« The tourism industry has not “joined the fold” with respect to these reporting<br />
systems. While UNEP and CI worked substantially to create CSR reporting<br />
guidelines via the Responsible Tour Operator's Initiative (…), to date these<br />
guidelines have not been used for any known tourism industry reporting project<br />
(…) » (Bloom T, In Ecotourism Emerging Industry Forum, 2005) 14<br />
2. Commercialisation du tourisme communautaire par des TO<br />
classique<br />
Réticences et difficultés rencontrées par les TO classiques dans la<br />
commercialisation des produits de tourisme communautaire.<br />
Les réticences et difficultés identifiées sont les suivantes :<br />
- Les taux de marge sont beaucoup plus bas que dans le tourisme classique (en<br />
ne les baissant pas, il est très difficile d’être compétitif).<br />
- Manque de qualité des services proposés.<br />
- Manque de confiance dans les opérateurs locaux qui ne seraient pas fiables<br />
quant à la prestation des services touristiques.<br />
- Initiatives de tourisme communautaire souvent perçues comme non durables<br />
(la durabilité est un critère important pour convaincre une entreprise de<br />
s’investir dans la promotion et la vente d’un produit puisqu’au départ elle<br />
opère souvent quasiment à perte). Ce manque de durabilité pourrait être dû à<br />
la corruption, au manque de personnes compétentes, au turn-over ou au<br />
retrait trop précoce du soutien d’agences de développement.<br />
13<br />
http://www.globalreporting.org/AboutGRI/WhatWeDo/. Sourced’informations provenant du personnel de la<br />
GRI.<br />
14 http://www.toinitiative.org/reporting/documents/TourOperatorsSupplementNovember2002.pdf<br />
188
- Ce type d’alliances demande du temps.<br />
- Difficulté pour faire les réservations (problème de communication dans les<br />
communautés locales).<br />
- Intérêt variable du public pour le tourisme communautaire. Ce n’est pas un<br />
argument marketing (l’écotourisme quant à lui est devenu un réel segment du<br />
marché et n’est plus seulement une niche).<br />
- La minimisation du prix est un objectif prioritaire dans un environnement<br />
aussi concurrentiel.<br />
- Eviter le risque est une priorité surtout avec l’augmentation des démarches<br />
judiciaires des clients.<br />
- Lorsque les TO possèdent leur propres fournisseurs dans le pays de<br />
destination, ils auront peu d’intérêt à utiliser des fournisseurs locaux (par<br />
exemple lorsqu’un TO possède des chaînes d’hôtels).<br />
- Les TO ont besoin d’avoir un produit standardisé, connu, sur lequel il n’y a<br />
pas de risques et la confiance est déjà gagnée. « Mostly, what is sold is well<br />
known, and has been for a couple of years. That 5-day, 4-night stay at a<br />
resort in Portugal may not be the most exciting thing, but they know it works<br />
and won't let them down? » (Hilel O, In Ecotourism Emerging Industry<br />
Forum, 2005)<br />
Meyer (2003) arrête son analyse sur deux raisons principales qui expliqueraient la<br />
réticence des TO du tourisme de masse à commercialiser des initiatives de tourisme<br />
communautaire.<br />
1. Environnement très compétitif, très sensible à la variable prix.<br />
Les grands TO classiques soutiennent que l’environnement dans lequel ils opèrent est<br />
tellement compétitif qu’en augmentant les prix pour des raisons non essentielles<br />
(payer plus justement et faire participer la population locale), ils perdraient leur<br />
avantage comparatif et leur clientèle. Ces opérateurs du tourisme de masse<br />
demandent des produits basics et peu chers ; ils ne sont pas intéressés par la<br />
différenciation et par la qualité.<br />
189<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
2. Directive touristique de l’UE sur la protection du consommateur<br />
Une directive de l’UE de 1992, visant la protection des intérêts du consommateur<br />
rend responsable le TO de tous les éléments du package qu’il vend. Plutôt que d’avoir<br />
à faire à une multitude de petits prestataires locaux, dans lesquels le TO n’a pas<br />
forcément confiance, il préférera se simplifier la vie en contractant un seul<br />
intermédiaire (une agence réceptive nationale reconnu et de confiance). En effet, la<br />
faible confiance du TO envers l’entreprise communautaire est le problème clef. Le<br />
thème de la qualité est également un élément intimidateur qui limite la volonté des<br />
TO à mettre en œuvre des business linkage. De plus de plus de touristes poursuivent<br />
légalement des TO lorsqu’ils ne sont pas satisfaits ; ces derniers hésitent donc de plus<br />
en plus à prendre des risques en travaillant avec des communautés locales.<br />
Un intérêt encore faible des TO classiques envers le tourisme<br />
communautaire<br />
Certains facteurs peuvent encourager de gros TO à commercialiser des initiatives de<br />
tourisme communautaire (ils restent cependant peu nombreux et convaincants) :<br />
1) Si cela leur permet de réduire leurs coûts, il est probable qu’ils intègrent<br />
certains produits de tourisme communautaire dans leurs packages.<br />
2) Amélioration et diversification du produit. Même si les gros TO sont plus<br />
guidés par la nécessité de réduire les coûts que par celle de fournir un produit<br />
de qualité et diversifié, la compétition est si forte que proposer une expérience<br />
différente peut représenter un avantage comparatif.<br />
3) Responsabilité sociale d’entreprise. Se procurer une bonne image de marque<br />
face au public.<br />
4) Initiatives industrielles encourageant la mise en place de pratiques en faveur<br />
d’un tourisme plus durable (TOI et STI).<br />
La « International Tour Operator Initiative » (TOI) et la « Sustainable tourism<br />
initiative » anglaise (STI), les deux plus grandes initiatives de tourisme durable<br />
impliquant de grands TO se sont focalisées sur la chaîne de valeurs et sur l’adaptation<br />
190
de leurs pratiques managériales. Ces initiatives n’en sont cependant qu’à leurs débuts<br />
et voient peu d’applications pratiques.<br />
Encadré 3 : Présentation de TOI et STI<br />
La Tour Operator Initiative (TOI) est un groupe international travaillant en<br />
partenariat avec le PNUE, l’UNESCO et l’OMT (WTO/OMT), basé à Paris. Il regroupe<br />
des grands TO internationaux tels que First Choice, Airtours, et vise à introduire des<br />
considérations environnementales, culturelles et sociales dans la gestion du tourisme<br />
en vue de la durabilité. Un manuel intégrant les aspects socioculturels de la durabilité<br />
a été rédigé, favorisant notamment la valorisation des fournisseurs et des petites<br />
entreprises.<br />
La Sustainable Tourism Initiative (STI) est un partenariat entre quarante<br />
organisations anglaises concernées par le tourisme : TO, associations industrielles,<br />
ONG, monde académique et gouvernement. Le Bureau du Commonwealth a mis à<br />
disposition un fonds de £150,000 pour sa création en 2001. Son objectif est de<br />
développer les pratiques du tourisme durable au sein de l’industrie touristique, la<br />
sensibilisation des touristes et des actions conjointes dans les destinations.<br />
Certains TO ont adhéré à des chartes sur le tourisme responsable. Il existe cependant<br />
un décalage entre l’adhésion à une charte et son application sur le terrain. Plus de la<br />
moitié des Tour Opérateurs adoptant une charte ne mentionnent aucune action<br />
menée sur le terrain. A l’opposé, certains TO organisent des actions alors même qu’ils<br />
n’ont signé aucune charte éthique (entreprise partenariale avec des communautés<br />
autochtones, contribution aux espaces protégés…).<br />
Les TO de masse sont donc assez peu susceptibles de commercialiser du tourisme<br />
communautaire. Pour réussir à intégrer le tourisme communautaire sur le marché du<br />
tourisme mondial, la stratégie à adopter est donc de cibler les TO spécialisés sur des<br />
segments de marché particulier tel que le tourisme d’aventure ou le tourisme culturel.<br />
Ces derniers sont plus concentrés sur la recherche de différenciation et de qualité que<br />
sur la baisse des coûts. En France, on pourrait citer comme exemple les TO membres<br />
de l’ATR qui ont intégré la notion de responsabilité dans leur opération.<br />
191<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
La pénétration du tourisme communautaire sur le marché touristique classique est<br />
un pari loin d’être aisé et les problématiques émergeant sur le parcours, complexes. Si<br />
l’on souhaite cependant tenter de faire évoluer ce mastodonte qu’est l’industrie<br />
touristique, ce pari se doit d’être relevé.<br />
192
3. LE TOURISME COMME INSTRUMENT<br />
D’EMPOWERMENT POLITIQUE DANS UN<br />
MONDE GLOBALISE<br />
De l’empowerment au changement social<br />
Friedmann a mis en exergue que l’empowerment économique ne garantit pas<br />
l’empowerment social et politique (Friedmann, 1992) et que très souvent les<br />
bénéfices économique du tourisme communautaire sont accaparés par certaines<br />
fractions de la communauté, celles qui sont le moins nécessiteuses. Pour faire face à<br />
cette inégalité, il était de majeure importance de s’attacher au concept<br />
d’empowerment social, dans le sens d’une large et équitable participation. C’est ce<br />
que nous avons fait dans notre deuxième partie.<br />
Le concept d’empowerment sur lequel nous avons centré notre réflexion au long de<br />
notre analyse représente un élément clé pour assurer que les projets de tourisme<br />
communautaire puissent déboucher sur du développement local autogéré et non sur<br />
des épisodes productifs isolés, permis grâce à des interventions assistentialiste, dont<br />
la durabilité peut être mise à rude épreuve. Jusqu’à ce stade de l’analyse, nous avons<br />
pourtant laissé de côté (ou traité de façon seulement transversale) l’étude d’un thème<br />
majeur : celui de l’empowerment politique. En quoi le tourisme peut-il être facteur de<br />
changement social ?<br />
En effet, lorsque l’on s’interroge sur la thématique de l’empowerment, il est<br />
nécessaire d’aller plus loin dans la réflexion. Certains auteurs ont par exemple lié leur<br />
analyse de l’empowerment à la thématique du changement social et du mouvement<br />
social.<br />
Paulo Freire est le théoricien qui a développé le plus d’idées autour du terme<br />
d’empowerment, grâce à son travail sur l’éducation (Freire P, 1970). Il conçoit<br />
l’empowerment comme un processus visant au changement social sur une grande<br />
échelle, non seulement changeant la position de la personne dans la structure de la<br />
société mais modifiant la structure en elle-même. Grâce à un processus d’éducation<br />
193<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
asé sur la recherche de solutions et le dialogue entre pairs (Triantafillou et Nielsen,<br />
2001), plus que sur un simple transfert de connaissances, les oppressés prendraient<br />
graduellement conscience de leur propre situation et des forces qui les oppressent. Ce<br />
processus dénommé conscientisation leur donnerait la force et la capacité de s’unir<br />
avec des autres dans une même situation pour forcer la société à changer dans son<br />
entier.<br />
Certaines formes de tourisme peuvent permettre aux communautés locales de<br />
renforcer leur « pouvoir politique » et de se créer de nouveaux réseaux de soutien.<br />
Dans le cadre d’une réflexion sur l’empowerment, ce tourisme peut contribuer à la<br />
conscientisation décrite par Freire.<br />
La composante politique sur laquelle nous concentrerons notre troisième partie est<br />
essentielle dans une réflexion sur le post-développement :<br />
“Alternative development doesn’t deny the need for economic growth but includes a<br />
political element (inclusive democracy) as one of its principle ends of<br />
action.”(Friedmann, 1992 p. 34)<br />
3.1 Réflexions introductives autour des théories sur le<br />
développement et la coopération internationale<br />
Afin d’analyser la pertinence du tourisme comme instrument de coopération<br />
internationale, favorable à un changement social global et à l’empowerment politique<br />
des communautés locales, il est nécessaire d’inscrire notre analyse dans une réflexion<br />
plus importante sur le développement alternatif et les théories du postdéveloppement.<br />
Depuis quelques décennies, le concept de développement est de plus en plus remis en<br />
question. En effet, comme le souligne Sachs (Sachs, 1993), après plus de cinquante<br />
ans de coopération internationale, la mise en place de projets de développement<br />
visant à réduire les inégalités de par le monde et permettre aux sociétés pauvres<br />
d’atteindre des standards de vie similaires à ceux des pays occidentaux, se révèle être<br />
un échec. Les résultats escomptés ont été loin d’être atteints et la désillusion des pays<br />
en développement est grande.<br />
194
Afin de comprendre en quoi le tourisme peut représenter un instrument efficace de<br />
coopération aujourd’hui, il est nécessaire d’apporter un cadrage théorique à notre<br />
réflexion. Présenter l’évolution des théories sur le développement et les critiques<br />
actuelles de la coopération au développement nous paraît essentiel.<br />
3.1.1. Un bref historique des théories de développement<br />
Le concept de développement a été popularisé par le Président Truman en 1949 pour<br />
matérialiser la division du monde entre deux blocs (Esteva et Prakash, 1998) : les<br />
pays développés et les pays sous-développés. Les seconds auraient besoin d’aide pour<br />
rattraper leur retard et atteindre la prospérité grâce à la croissance économique. Le<br />
développement était donc conçu comme un processus linéaire où l’Etat avait un rôle<br />
central à jouer.<br />
Dans les années 70, l’émergence de la théorie de la modernisation a préconisé la<br />
nécessité d’un effacement de l’Etat au profit du marché. Les nouvelles politiques<br />
néolibérales mises en place ont matérialisé cette perte de pouvoir de l’Etat. Les<br />
politiques de développement dans les pays du tiers-Monde ont donc intégré cette<br />
nouvelle stratégie avec la mise en place de politiques d’ajustement structurelles par le<br />
FMI et la banque mondiale visant à libéraliser les économies de ces pays.<br />
« The economy dominates (…) man and the environment are at the service of the<br />
economy » (De Kadt, 1990, p.21)<br />
Le paradigme néolibéral/théorie de la modernisation a donc pris le dessus à la fin de<br />
la Guerre froide avec un constant recul du rôle de l’Etat, l’accroissement des<br />
inégalités non seulement au niveau global mais au sein des pays développés<br />
(diminution de la classe moyenne), l’augmentation des dégâts environnementaux,<br />
l’augmentation des problèmes politiques (terrorisme)… Seuls certains pays<br />
Européens ont réussi à mitiger les effets négatifs et inégalitaires d’un capitalisme<br />
incontrôlé par la mise en place d’un Etat Social fort, mais dont la structure s’étiole<br />
peu à peu en ce début de XXIème siècle. Les années 80 furent ainsi dénommées par<br />
Esteva et Prakasch comme la décennie perdue du développement (Esteva et Prakash,<br />
1998).<br />
195<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
En opposition à la théorie de la modernisation (modèle évolutionnaire versus modèle<br />
révolutionnaire), s’est développée dans les années 70, la théorie de la dépendance.<br />
Etant donné l’existence de relations de dépendance et d’oppression entre les pays<br />
développés et sous-développés, cette théorie conseillait aux PED de favoriser une<br />
industrialisation interne (substitut à l’importation) comme stratégie de<br />
développement. L’application de politiques d’autosuffisance s’est pourtant révélée<br />
être un échec (Lehman, 1997) et a engendré l’augmentation de la dette interne desdits<br />
pays.<br />
Une nouvelle théorie a donc émergée plus tard dans les années 80 : la théorie du<br />
système mondial. Cette école de pensée, dirigée par des auteurs tels que Wallerstein<br />
soutient que la globalisation n’est pas un phénomène nouveau puisqu’il existe un<br />
système mondial depuis des siècles. La nouveauté réside dans le fait que la<br />
globalisation est désormais basée sur une économie globale plutôt que sur un système<br />
politique global, rendant donc ce système beaucoup plus stable (Chirot et Hall, 1982<br />
et Hettne, 1990). Cette école divise le monde entre noyau, semi-périphérie et<br />
périphérie. Le noyau exploiterait les surplus de la périphérie pour nourrir son<br />
expansion (permanence du concept de dépendance). Cette théorie reprend de<br />
nombreux concepts marxistes : le système global crée une forte division de classes<br />
avec la persistance d’un prolétariat vivant dans les zones périphériques.<br />
Dans cette perspective, il y a peu d’espoir que les pays en développement arrivent à se<br />
sortir de leur situation, sans remettre en cause tout le système global, par exemple<br />
par la mise en place d’un gouvernement socialiste mondial (Hettne, 1990). Cette<br />
théorie met en exergue les relations d’interdépendance entre tous les pays et<br />
l’impossibilité de trouver une solution isolée.<br />
Vers de nouvelles théories : développement alternatif et postdéveloppement<br />
Dans les années 80, une nouvelle préoccupation est apparue sur l’échiquier<br />
international : celle de l’écologie. Peu à peu, on s’est rendu compte que les ressources<br />
naturelles ne sont pas illimitées, que les problèmes environnementaux se multiplient<br />
(manque d’eau, baisse des réserves de pétrole, réchauffement climatique,<br />
catastrophes naturelles plus fréquentes) et que cela pourrait remettre en cause à<br />
terme les fondements de notre mode de développement.<br />
196
Toujours dans une optique de recherche d’alternative et non de remise en question, a<br />
émergé sur la scène mondiale le concept de développement durable. Il ne faut pas<br />
oublier que ce sont les impératifs écologiques qui ont conduit à l’émergence de ce<br />
concept. Contrairement à certains auteurs, nous postulons que la rhétorique sur<br />
l’équité et la prise en compte de thématiques sociales n’a été que secondaire et non<br />
inextricablement lié à l’émergence du concept. Le concept de développement durable,<br />
né dans une optique majoritairement environnementale, a ensuite évolué pour<br />
prendre en compte les piliers sociaux, économiques et culturels.<br />
« The concept of sustainable development derived from the realisation that<br />
development, the environment and equity were all inextricably linked » (Sofield,<br />
2003). Les stratégies de développement dans les pays du Tiers-Monde devraient donc<br />
être actuellement conduites dans l’optique d’un développement durable.<br />
Post-développement<br />
Les théories du développement alternatif ont été très critiquées par une mouvance<br />
« rouge » radicale, ne réussissant pas à prendre en compte les causes structurelles et<br />
écologiques du sous-développement et de par la naïveté des actions politiques<br />
recommandées afin d’apporter une solution aux problèmes du système (Pepper 1987<br />
cité dans De Kadt, 1992). Nourri par le courant postmoderniste, une nouvelle école de<br />
pensée qui rejette le concept de développement est né : le post-développement. Elle<br />
est représentée par des auteurs tels qu’Esteva, Escobar, Leys, Sachs. Le diagnostic est<br />
le suivant : dans un monde globalisé dominé par le néolibéralisme, les pays ne sont<br />
plus capables de contrôler leur développement à l’intérieur de leurs frontières.<br />
Les théories du post-développement donnent un rôle prépondérant aux mouvements<br />
sociaux comme facteur de changement social. En effet, ayant reconnu l’impuissance<br />
des Etats et des organisations de développement à mettre en œuvre des politiques de<br />
développement, il ne reste pas beaucoup d’options en termes de problem solving : ou<br />
est proclamé l’impossibilité de réformer le système ou peut être mis l’accent sur<br />
l’importance d’un développement endogène, porté par des mouvements sociaux<br />
(Esteva et Prakash, 1998).<br />
197<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
3.1.2. Repenser la coopération internationale dans un contexte<br />
de post-développement et d’émergence des mouvements<br />
sociaux<br />
Critiques de la coopération internationale<br />
Certains aspects critiques de la coopération internationale ont été mis à jour par les<br />
théoriciens du développement alternatif :<br />
- le manque de participation de la population locale (Pieterse, 2000). Les<br />
populations locales seraient globalement considérées comme objets des<br />
politiques de développement et non sujets, qui devraient appliquer des idées et<br />
des méthodes de coopérants et experts des pays du Nord. Les théories du<br />
développement alternatif ont donc préconisé l’utilisation de méthodologies<br />
ascendantes et non descendantes, de nouvelles formes de participation.<br />
- le manque de participation des femmes dans les projets de développement. De<br />
nombreuses approches sur la parité des genres ont émergés pour inclure les<br />
femmes (Koczbersky, 1998).<br />
- L’utilisation de solutions des pays du Nord pour traiter des problèmes des PED<br />
par le transfert de technologies industrielles modernes s’est révélé un désastre<br />
dans bien des cas (Ghosh, 1984). L’utilisation de technologies appropriées a<br />
donc été proposée pour assurer une durabilité de l’action, une fois l’aide<br />
extérieure arrivée à son terme.<br />
Ces critiques se trouvent être au cœur du thème abordé puisque, comme il sera<br />
développé par la suite, les projets de développement en tourisme se sont intéressés à<br />
ces problématiques et intègrent comme méthodologie clef :<br />
- une démarche participative<br />
- l’intégration des femmes dans les projets en tourisme (qui sont souvent les<br />
premières bénéficiaires)<br />
- la thématique de l’empowerment<br />
- la prise en compte d’une nécessité de développement durable (concept de<br />
tourisme durable)<br />
198
Selon Nyamugasira (1998), les ONG du Nord se concentreraient désormais plus sur la<br />
recherche de l’empowerment et de la mise en réseau, alors que les ONG du Sud se<br />
focaliseraient sur la mise en place des programmes au jour le jour (très utopique).<br />
Dans la pratique de la coopération, cette collaboration idéale ne reste souvent qu’un<br />
écrit sur le papier. Les ONG du Nord peinent toujours à mettre en place des<br />
politiques permettant de sortir les populations locales de l’assistentialisme auxquelles<br />
elles se sont habituées et la recherche de l’empowerment reste bien souvent lointaine.<br />
Quant aux ONG du Sud, elles collaborent avec des ONG du Nord dans des projets de<br />
développement plus souvent pour obtenir des financements (aptes à financer ses<br />
propres activités en cours) plus que pour leur implication éthique, morale et<br />
technique dans la réalisation de projets, dans lesquels elles n’ont souvent pas été<br />
impliquées dans la planification.<br />
Rôle des mouvements sociaux<br />
Le rôle des mouvements sociaux a été complètement occulté dans la plupart des<br />
théories sur le développement (Korten in Welton, 2006). Giddens en revanche<br />
apporte quelques éclaircissements sur le sujet en analysant le rôle des mouvements<br />
sociaux au sein de la globalisation et donc du développement. Il estime que ces<br />
derniers peuvent recouvrir un rôle central au sein d’un monde globalisé, en<br />
combattant les impacts négatifs de la globalisation (en proposant un nouveau modèle<br />
de développement globalisé non basé sur le néo-libéralisme) et en faisant du lobbying<br />
en faveur d’une plus grande démocratie. Les mouvements sociaux seraient donc aptes<br />
à soutenir sur le long terme les processus de post-développement.<br />
Les nouveaux mouvements sociaux se caractérisent par (Esteva et Prakash, 1998):<br />
- Une méfiance envers les leaders et la centralisation des directions politiques<br />
- Permettent la participation de différentes idéologies et classes<br />
- Cherchent à éviter de mener ou contrôler les forces sociales qu’ils activent<br />
- Ont des structures organisationnelles flexibles<br />
- Préfèrent se focaliser sur des campagnes spécifiques.<br />
Pour Esteva et Prakash, le meilleur niveau d’action est le local. Ils reconnaissent<br />
cependant le rôle du global puisque les mouvements de résistance locaux ont besoin<br />
199<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
de “create a critical mass of political opposition capable of stopping those forces”<br />
(Esteva et Prakash, 1997, p.281).<br />
Typologie d’ONG et stratégies de développement favorisées<br />
Korten (1990) identifie 4 types différents d’ONG caractérisées par des stratégies<br />
propres.<br />
Les ONG de première génération cherchent à compléter les besoins immédiats des<br />
personnes, cherchant peu à agir sur les causes de la pauvreté mais seulement sur les<br />
symptômes.<br />
Les ONG de seconde génération gèrent les problèmes au niveau local, identifiant les<br />
causes de la pauvreté dans l’inertie des populations locales. Le rôle de l’ONG est donc<br />
d’aider et de former les personnes pour qu’elles puissent se sortir de la pauvreté. Une<br />
fois formée, la population serait capable de se débrouiller seule, après le retrait de<br />
l’aide.<br />
La troisième génération d’ONG reconnaît l’influence des structures de pouvoir locales<br />
sur la capacité des gens à améliorer leur propre situation.<br />
La quatrième génération d’ONG travaille au niveau macro puisqu’elle a réalisé que les<br />
inégalités au niveau international ont un fort impact sur les problèmes au niveau<br />
local. Sans pouvoir agir directement sur les politiques au niveau international, elles<br />
soutiennent que les stratégies au niveau local, répliquées de nombreuses fois, peuvent<br />
avoir un effet à large spectre même si ces stratégies courent toujours le risque d’être<br />
annihilées par des forces internationales. Les stratégies de ces ONG<br />
correspondraient à des stratégies du développement alternatif (Korten, 1990 p. 123)<br />
basées sur l’action des mouvements sociaux. Le rôle de ces ONG ne serait pas de<br />
contribuer financièrement à ces mouvements sociaux mais de jouer le rôle d’activiste<br />
ou d’éducateur. Leur rôle devrait être celui de « energise a critical mass of<br />
independent, decentralised initiative in support of a social vision» (Korten, 1990<br />
p.127).<br />
200
Petras (2003), quant à lui, a proposé de classifier les ONG selon une autre typologie<br />
basée sur la provenance de leurs financements, qui influencerait le type de politiques<br />
de développement qu’elles seraient capables de mettre en place. Les ONG financées<br />
par la banque mondiale ou USAID seraient des promotrices du néolibéralisme<br />
(Petras, 2003 p. 141). Les ONG réformistes essayant de corriger les excès du libre<br />
marché, dépendant de financements nationaux, mettraient en place des stratégies<br />
issues du développement alternatif. La troisième catégorie d’ONG, les radicales,<br />
s’aligneraient aux mouvements de masse populaires plutôt qu’aux institutions<br />
globales et seraient les mieux placées pour mettre en place des stratégies de postdéveloppement.<br />
Le problème est que les ONG radicales sont celles qui n’arrivent pas<br />
à capter de financements parce qu’elles ne sont pas parfaitement dans le moule du<br />
système. Par manque de fonds, se réduit leur rôle potentiel de transformation sociale.<br />
Utilisation politique des réseaux transnationaux<br />
Les réseaux ont le pouvoir de fonctionner comme des entités économiques et des<br />
communautés de personnes, opérant au bénéfice des membres appartenant et<br />
circulant dans ce réseau et partageant les mêmes objectifs et la même culture de<br />
réseau (Capra, 2004).<br />
Plus les réseaux se développent, plus ils ont la capacité de lier des personnes et des<br />
communautés entre elles, qui dans d’autres circonstances n’auraient pas eu<br />
l’opportunité de prendre contact à cause de leurs différences d’origine sociale,<br />
culturelle, éducationnelle et financière (Lowe, 2005). Le fait que la réunion de ces<br />
différentes personnes se réalise de façon tout à fait volontaire est la preuve d’une<br />
volonté commune d’atteindre certains objectifs, de permettre de nouvelles prises de<br />
conscience, de coopérer, d’échanger des informations.<br />
Grâce à la constitution de réseaux, les peuples indigènes ont pu commencer à<br />
communiquer et interagir au niveau global, au même titre que d’autres minorités<br />
ethniques ou groupes d’intérêts qui ont trouvé dans l’arène global un espace d’action.<br />
A travers la constitution d’un réseau transnational, ces groupes peuvent unir leurs<br />
forces pour revendiquer des droits politiques et sociaux, chercher des soutiens<br />
201<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
financiers, notamment en s’appuyant sur des réseaux d’organismes internationaux<br />
dédiés à la préservation des droits des minorités,… Il existe en effet de nombreuses<br />
ONG qui maintiennent des réseaux de contact uniquement dans la sphère globale et<br />
ignorent complètement la sphère des Etats Nations : cela leur permet de faire le pont<br />
entre le global et le local, en outrepassant le niveau national.<br />
3.2. Les liens entre tourisme et politique<br />
Les perspectives critiques d’économie politique ont été ignorées dans la recherche<br />
contemporaine en tourisme à l’exception notable de Hall, (1990, 1994, 2001) Urry<br />
(1990a), Matthews (1978) Richter (1983a, 1983b, 1989) et de contributions plus<br />
nouvelles telles que celles de Wrelton (2006). Jusqu’à présent, aucun ouvrage de<br />
géopolitique ne s’est vraiment intéressé à la question touristique. Bien que le<br />
tourisme fasse partie du champ de toutes les sciences humaines et sociales, il est<br />
enfermé soit dans des considérations économiques générales, soit dans une approche<br />
anthropologique.<br />
“Tourism has been rarly studied in terms of its political importance” (Matthews et<br />
Richter, 1991, p.122). En 1975, Matthews se lamentait du fait que la littérature en<br />
tourisme manquait fortement de recherche en politique. En 1998, c’est au tour de<br />
Hall, le plus gros théoricien dans le domaine, de répéter que les aspects politiques du<br />
tourisme sont très rarement abordés dans la littérature. Plus de dix ans après, nous<br />
pouvons malheureusement refaire le même constat : la rareté de la recherche<br />
académique sur les thématiques politiques est déconcertante. Cette troisième partie<br />
de la thèse s’attardera donc à étudier comment le tourisme peut être utilisé non<br />
seulement à des fins économiques mais également à des fins politiques par les<br />
communautés locales.<br />
202<br />
L’examen des relations entre tourisme et politique peut être analysé à des<br />
différents niveaux : international, national, régional, local et individuel. L’étude de<br />
la politique est étroitement corrélée à l’étude du pouvoir. « Politics is about<br />
power, who gets what, where, how and why » (Lasswell, 1936 cité dans Hall,<br />
1998, p.2).
Pouvoir et tourisme<br />
Les relations de pouvoir jouent un rôle crucial au sein du tourisme. Etudier la<br />
dynamique de ces relations de pouvoir est central pour déterminer si le tourisme peut<br />
réellement permettre l’empowerment des communautés locales. Les relations de<br />
pouvoir sont multiformes et fluctuantes : elles existent entre l’hôte et le touriste,<br />
entre l’Etat et les communautés locales,…<br />
De nombreux auteurs ont réduit la relation de pouvoir à une relation binaire et figée<br />
entre hôtes et touristes (Pearce, 1989 cité dans Wrelon E.). Dans les études<br />
anthropologiques sur le tourisme, le pouvoir est toujours identifié comme<br />
appartenant au seul touriste et conçu dans une relation exclusivement unilatérale.<br />
Ces analyses ont été contestées à la lumière de recherches qui mettent en avant le lien<br />
entre le global et le local. Certains chercheurs ont montré que les locaux ne sont pas<br />
simplement passifs lorsqu‘ils sont confrontés aux changements économiques et<br />
sociaux (Milne, 1998) : ces derniers peuvent négocier constamment et contester la<br />
direction prise par le développement dans la logique de la protection de leurs<br />
intérêts. L’incorporation d’une réflexion sur l’empowerment politique et l’activisme<br />
des locaux dans cette thèse permet de proposer une nouvelle vision contrastant<br />
l’analyse binaire présentant les locaux dominés écrasés par les touristes et l’industrie<br />
dominante.<br />
Cheong et Miller (2000) ont développé une théorie très intéressante sur les relations<br />
de pouvoir au sein du tourisme, en s’inspirant des travaux de Foucault. Le pouvoir<br />
doit être conçu plus comme une relation que comme une entité puisque le pouvoir<br />
afflue dans de nombreuses directions. Le pouvoir est omniprésent : dans tout type de<br />
situations s’imbriquent des relations de pouvoir.<br />
Les chercheurs ont tendance à concevoir le tourisme comme un système social<br />
binaire basé sur la distinction hôtes/visiteurs. Miller et Auyong (1991) ont proposé<br />
d’élargir ce modèle sociologique touristique en intégrant un troisième élément au<br />
schéma traditionnel locaux/touristes : l’intermédiaire ou le broker. Ces<br />
intermédiaires, dans le domaine du secteur privé sont représentés par les<br />
propriétaires d’hôtels, les employés, les guides, les TO, les agences de voyages. Les<br />
intermédiaires du secteur public incluent les planificateurs, les politiciens, les offices<br />
203<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
de tourisme, etc. D’autres types de brokers peuvent inclure les chercheurs, les<br />
médias, les guides touristiques, etc (Miller et Auyong, 1998).<br />
Les intermédiaires possèdent un pouvoir non négligeable au sein des relations de<br />
pouvoir à l’intérieur du système touristique puisqu’ils possèdent le pouvoir de<br />
contrôler ce que le touriste peut voir, où il va et jusqu’à son comportement. Les<br />
touristes sont donc soumis à l’influence de nombreux intermédiaires.<br />
Les tours organisés contraignent fortement les mouvements du touriste pendant leur<br />
voyage puisque tout est décidé à l’avance par l’intermédiaire, le TO. Les organisateurs<br />
qui mettent au point les circuits ou les itinéraires exercent une influence<br />
socioéconomique directe sur les populations concernées, puisqu’ils encouragent les<br />
touristes à visiter certains lieux plutôt que d’autres. Il peut leur arriver, par exemple,<br />
d’exagérer (ou de minimiser au contraire) la dangerosité de telle ou telle destination,<br />
et, ce faisant d’empêcher les contacts entre certains secteurs de la population et les<br />
visiteurs, de priver le commerce local d’une source de revenus bien nécessaire et de<br />
perpétuer l’image négative de certaines destinations. Les TO ont un contrôle exclusif<br />
sur les systèmes de réservation, la dissémination des brochures et d’autres matériels<br />
promotionnels. Les touristes dépendent complètement des guides, des employés de<br />
l’hôtel all inclusive et de toute une série d’autres intermédiaires.<br />
Dans le cas du tourisme indépendant, même si les mouvements du touriste sont<br />
théoriquement complètement libres, ceux-ci dépendront beaucoup des guides<br />
touristiques. En effet, la plupart du temps, ces derniers suivent les indications de ce<br />
guide comme une bible. Que ce soit le TO ou le guide touristique, ils présélectionnent<br />
ce qu’ils veulent ou non montrer au touriste, qui se retrouve dans une liberté de choix<br />
assez limitée.<br />
Quant à la population locale, elle est souvent présentée comme ne possédant aucun<br />
moyen de contrôle sur le tourisme, sorte de victime. Elle contribue pourtant à la<br />
formation du regard du touriste (« tourist gaze »). Elle peut choisir quoi montrer ou<br />
non au touriste, le type de patrimoine qu’elle privilégiera au détriment d’autres, etc.<br />
Comme souligné par Goffman, il existe des espaces « front and back » au sein de<br />
l’espace touristique : la communauté hôte peut décider quoi montrer et exposer au<br />
regard du visiteur (le front) et quelles manifestations intimes elle souhaite maintenir<br />
à l’écart (le back).<br />
204
3.2.1 Le tourisme comme instrument politique<br />
Le tourisme peut être considéré autant comme instrument de politique extérieure<br />
que comme activité commerciale. L’idéologie politique d’un Etat influencera<br />
fortement sa politique extérieure, y compris les politiques liées au tourisme<br />
international. Nous allons nous intéresser à la thématique de l’instrumentalisation du<br />
tourisme : peut-il être un moyen de propagande politique ou un instrument<br />
favorisant les constructions identitaires ? En effet, les anciens états socialistes<br />
assignaient au tourisme international des objectifs économiques et politiques clairs<br />
qui se différenciaient fortement des pays Occidentaux possédant une autre<br />
conception du rôle de l’Etat.<br />
Le tourisme comme instrument de politique extérieure<br />
Les autorités utilisent souvent le tourisme comme instrument de sanctions<br />
économiques ou d’embargo. C’est le cas par exemple de l’embargo économique<br />
américain à Cuba, les sanctions contre le Nord de la République de Chypre (turque).<br />
En cas de situations d’embargo, le tourisme international joue un rôle important<br />
puisqu’il est découragé au même titre que d’autres formes de commerce.<br />
Une seconde utilisation politique du tourisme s’exprime dans les avertissements aux<br />
voyageurs émis par le Ministère des affaires étrangères de chaque pays. Dans sa<br />
forme plus extrême, il peut formellement déconseiller les voyages dans certains pays.<br />
Ce genre d’avis a des répercussions énormes sur les industries touristiques des pays<br />
de destination (Timothy, 2005) et peuvent donc être utilisées comme monnaie<br />
d’échange pour obtenir certaines faveurs au niveau international.<br />
La promesse d’une augmentation du tourisme, au même titre que d’autres formes de<br />
commerce, peut être utilisée par les autorités d’un pays pour gagner le soutien d’un<br />
pays sur une question politique internationale (monnaie d’échange). Cela est évident<br />
dans les nouvelles relations touristiques entre le Chine et Taiwan ou entre les Etats-<br />
Unis et la Lybie.<br />
205<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Tourisme et promotion d’une idéologie<br />
Le tourisme peut être utilisé comme instrument de propagande auprès des visiteurs<br />
étrangers afin d’améliorer l’image du pays au sein de l’opinion publique<br />
internationale.<br />
Les ex-pays communistes d’Europe de l’Est comme les pays communistes asiatiques<br />
utilisent le tourisme principalement dans cette optique. Les endroits montrés aux<br />
touristes et les informations fournies visent à discréditer la publicité négative,<br />
présenter les vertus de l’idéologie en question et créer des mouvements d’opinion<br />
publics qui lui sont favorables dans d’autres pays. Les camps de travail à Cuba ou au<br />
Nicaragua étaient utilisés par le gouvernement pour promouvoir les valeurs<br />
socialistes parmi de jeunes militants de l’Ouest (Stock, 1977). Les efforts pour<br />
restreindre le flux de personnes aux idéologies contraires était cependant plus<br />
important que ceux réalisés pour la promotion de valeurs politiques.<br />
L’ouverture du Tibet au tourisme en 1979 n’a pas favorisé comme le souhaitait le<br />
gouvernement chinois l’image du Tibet comme partie intégrante de la Chine : les<br />
tibétains ont réussi à instrumentaliser le tourisme dans leur intérêt et ont rallié du<br />
soutien en faveur d’un Tibet libre.<br />
Tourisme et patrimoine (instrumentalisation de l’histoire à des fins<br />
politiques)<br />
Une des dernières utilisations politiques du tourisme, sûrement la plus courante est<br />
l’utilisation du patrimoine pour renforcer le sentiment patriotique national (McLean,<br />
1998) ou a d’autres fins politiques (renforcer le sentiment d’identité d’une<br />
communauté opprimée…) Le concept de « heritage tourism » (tourisme patrimonial)<br />
définit ce type de tourisme organisé autour de la visite de sites patrimoniaux. Sont<br />
souvent mis en patrimoine des sites de guerre associés à des héros nationaux, pour<br />
réanimer l’identité nationale (Richter, 1989).<br />
206
Etude de cas : l’utilisation du tourisme dans les pays communistes<br />
Le tourisme dans les ex pays socialistes<br />
Hall a identifié certains objectifs qui ont conduit les Etats socialistes à développer le<br />
tourisme (Hall, 1990). Nous citerons seulement ceux qui se différencient des objectifs<br />
considérés comme plus traditionnels :<br />
- Projeter une image favorable du pays hôte au monde entier<br />
- Promouvoir la paix internationale et la compréhension, comme défini dans le<br />
dogme socialiste.<br />
- Conscientiser culturellement et idéologiquement le visiteur, pour le convaincre<br />
de la supériorité du socialisme.<br />
- Eviter d’introduire des influences « anti-socialistes, révisionnistes ou<br />
capitalistes », capables de « faire tourner la tête » aux populations indigènes<br />
travaillant dans le tourisme.<br />
Hall a montré que le tourisme dans les Etats socialistes avait été utilisé à des fins non<br />
seulement économiques : le tourisme interne a donc été utilisé comme moyen de<br />
redistribuer des opportunités d’emploi et de promouvoir des images régionales et<br />
nationales positives. Le tourisme externe a été plus utilisé comme outil de politique<br />
extérieure, une façon de produire de la propagande aux bénéfices du système<br />
communiste (Hall, 2001).<br />
Le tourisme en Chine<br />
Avant 1978, la chine concevait le tourisme comme instrument diplomatique pour<br />
encourager les bonnes relations internationales et permettait l’entrée aux seuls<br />
visiteurs d’autres pays communistes ou de pays non alignés. Depuis la proclamation<br />
de la doctrine de l’économie de marché socialiste, le tourisme a été conçu comme une<br />
opportunité pour moderniser la Chine et surtout gagner des devises étrangères<br />
(Richter, 1983b, 198, Hall C, 1998).<br />
Il existe cependant toujours de l’inquiétude auprès des membres plus conservateurs<br />
du parti communiste qui y voient le risque d’expansion de l’idéologie capitaliste.<br />
Après les évènements de T’ian-an-men en 1989, la Chine a décidé de faire subir un<br />
207<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
endoctrinement politique aux 620 000 personnes travaillant dans le secteur du<br />
tourisme (Parker, 1992 cité dans Hall, 1998).<br />
Le tourisme est inséparable de la transmission d’idées entre nations. Même si<br />
certains touristes voyagent dans « une bulle de cristal » ; l’image que les touristes<br />
donnent d’eux, particulièrement en termes de liberté et de richesse, peuvent avoir des<br />
impacts sur les aspirations sociales et politiques des populations hôtes.<br />
3.2.2. Le tourisme comme instrument de paix<br />
L’OMT avec son slogan « le tourisme comme passeport pour la paix » n’a pas obtenu<br />
de grandes réalisations. Les études sur le tourisme comme facteur de paix sont<br />
souvent porteurs de discours très généraux et idéalisateurs alors que les études de cas<br />
sont manquantes. Parmi les auteurs qui écrivent sur ce thème, la majeure partie fait<br />
preuve d’un idéalisme débordant mais privé d’une vraie réflexion poussée.<br />
Le tourisme aurait le potentiel de rapprocher les cultures et les personnes dans une<br />
optique de connaissance mutuelle et de création d’un sentiment d’appartenance à une<br />
communauté plus grande, la race humaine. « Reducing international tourism to<br />
become patterns and flows, costs and benefits, neglects its formidable role as vector<br />
of cultural exchange » (UNESCO, 1997 cité dans Robinson M, 1999, p.2). L’idée que<br />
le tourisme possède la capacité de générer une harmonie interculturelle est héritée<br />
des traditions romantiques (et élitistes) du voyage des XVIII et XIXème siècles. Elle<br />
est dénoncée par certains comme étant le reflet d’une tradition moraliste et<br />
eurocentriste. L’idée que le voyage ouvre l’esprit et enseigne la tolérance est à la base<br />
de l’argument que le tourisme est un potentiel vecteur de paix (D’Amore, 1988 et Val<br />
et ar., 1998). Cette idée a été reprise par de nombreux organismes internationaux.<br />
Documents internationaux promouvant le tourisme comme facteur de<br />
paix<br />
De nombreux documents internationaux postulent que le tourisme est un potentiel<br />
vecteur de paix et de tolérance. La Déclaration de Manille sur le tourisme mondial en<br />
208
1980 déclarait déjà que le tourisme représente “ a vital force for peace and<br />
international understanding”.<br />
La Charte de tourisme durable rédigée lors de la Conférence Internationale sur le<br />
tourisme durable à Lanzarote en 1995 reconnaît dans son préambule que le “...<br />
tourism affords the opportunity to travel and to know other cultures, and that the<br />
development of tourism can help promote closer ties and peace among peoples,<br />
creating a conscience that is respectful of diversity of culture and lifestyles”.<br />
Le Code éthique de l’OMT, adopté au Chili en 1999 affirme quant à lui que « through<br />
the direct, spontaneous and non-mediatized contacts it engenders between men and<br />
women of different cultures and lifestyles, tourism presents a vital force for peace<br />
and a factor of friendship and understanding among the peoples of the world ».<br />
En plus de ces déclarations d’intentions, une structure internationale a été crée pour<br />
promouvoir le tourisme comme instrument de paix : l’Institut International pour la<br />
paix par le tourisme (IIPT). Cette ONG fondée par Louis D’Amore en 1985 vise à :<br />
“... fostering and facilitating tourism initiatives which contribute to international<br />
understanding and cooperation, an improved quality of environment, the<br />
preservation of heritage, and through these initiatives, helping to bring about a<br />
peaceful and sustainable world. It is based on a vision of the world's largest<br />
industry, travel and tourism - becoming the world's first global peace industry; and<br />
the belief that every traveler is potentially an "Ambassador for Peace” (IIPT<br />
website).<br />
L’IIPT a été sujet à de nombreuses critiques pour avoir échoué à utiliser son accès<br />
privilégié aux leaders de l’industrie touristique pour faire du lobbying en faveur d’une<br />
justice sociale. Navaya ole Ndaskoi de Indigenous Rights for Survival International a<br />
notamment refusé une invitation pour présenter une communication à la conférence<br />
Africaine d’IIPT en 2003, disant ‘‘the conferences are, I like to believe, most certainly<br />
the triumphs of the powerful, the rich, and those expecting perks’’ suggérant que les<br />
activités d’IIPT sont plus influencées par les intérêts de l’industrie touristique que par<br />
l’agenda de justice que devrait suivre cette ONG (voir<br />
http://www.ogiek.org/faq/maasai.htm).<br />
209<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Selon Hall, considérer le tourisme comme une force pour la paix représente<br />
cependant une interprétation simpliste des complexités du tourisme et des relations<br />
internationales (1994).<br />
Les études de cas empiriques peu favorables à la thèse du tourisme<br />
facteur de paix<br />
Nombre de chercheurs ont postulé que le tourisme peut représenter une force<br />
positive capable de réduire les tensions et les suspicions en influençant les politiques<br />
nationales, les relations internationales et la paix mondiale (D’Amore, 1988a, b; Hall,<br />
1994; Jafari, 1989; Matthews, 1978; Matthews & Ritcher, 1991; Richter, 1989, 1996;<br />
Var et al, 1994, Kelly 1996). D’autres recherches se sont développées sur le rôle que le<br />
tourisme peut jouer pour améliorer les relations entre deux pays en conflits ou<br />
séparés (Butler & Mao, 1996; Kim et Crompton, 1990; Yu, 1997; Zhang, 1993).<br />
Cependant la majorité des recherches empiriques n’a pas su montrer de corrélation<br />
nette entre tourisme et paix (Anastasopoulous, 1992; Pizam 1996, Jafari, 1991).<br />
Anastasopoulous (1992) a questionné la validité de l’hypothèse soutenant que le<br />
tourisme est facteur de paix après avoir analysé une visite d’étudiants grecs en<br />
Turquie montrant que ces derniers avaient développé des sentiments négatifs envers<br />
le pays hôte. Une recherche similaire de Pizam sur un voyage d’étudiants américains<br />
en ex Union Soviétique a dévoilé que ceux-ci n’avaient aucunement amélioré leur<br />
opinion sur le pays visité.<br />
Notre hypothèse est que le tourisme peut aider dans un processus de normalisation<br />
des relations politiques mais ne représente qu’un instrument à l’intérieur d’un<br />
processus plus grand de réconciliation, nécessitant la mobilisation d’autres<br />
ressources politiques et économiques.<br />
Jusqu’à présent, et nous rejoindrons en cela la théorie de Robinson, il existe très peu<br />
d’exemples qui démontrent que le tourisme ait joué un quelconque rôle dans le<br />
développement d’une paix internationale.<br />
Le tourisme peut jouer un rôle secondaire et informel en matière diplomatique. Selon<br />
Davidson et Montville (1982 in Causevic et Kim and Crompton, 2006), il existe deux<br />
210
canaux différents en termes de diplomatie. Le premier canal diplomatique officiel<br />
correspond à celui utilisé par le gouvernement, appelé track one diplomacy. Le<br />
second canal non officiel est celui des relations interpersonnelles (track two<br />
diplomacy). Ce deuxième canal donne au tourisme une importance stratégique<br />
particulière pour favoriser la paix mondiale<br />
En étudiant le cas de la Bosnie Herzégovine (BH), Causevic et Kokkranikal (2005)<br />
montrent que le tourisme n’a pas pu permettre d’améliorer la compréhension<br />
mutuelle entre les différentes entités de la BH et que le tourisme a été incapable de se<br />
transformer en instrument de réconciliation de nations divisées. Sa conclusion est<br />
que la diplomatie informelle (track two diplomacy) basée sur le renforcement des<br />
liens interpersonnels, n’est possible et efficace qu’en complément du premier type de<br />
diplomatie plus formel, c’est-à-dire en présence d’une volonté institutionnelle<br />
d’améliorer les relations.<br />
« Without track one diplomacy, it is not possible to make more informal track two<br />
diplomacy, people-to-people relations to work » (Causevic et Kim and Crompton,<br />
2006).<br />
L’échange interculturel : entre compréhension mutuelle et conflit<br />
Le tourisme comme instrument favorable au changement d’attitude<br />
La théorie du contact soutient que le changement d’attitude est un précurseur de la<br />
paix (Pizam, 1996; Tomljenovic et Faulkner, 2000). L’importance du tourisme,<br />
comme moyen de sensibilisation et de conscientisation prend alors tout son sens.<br />
Faire du tourisme signifie essentiellement vivre une série d’expériences très intimes<br />
et personnelles liées à la découverte de cultures nouvelles et différentes (Cohen<br />
2004). Dans un monde où les conflits sont souvent dus à la mécompréhension et à<br />
une mauvaise communication entre cultures, la confrontation directe au quotidien<br />
avec un large éventail de cultures est essentielle. En tant qu’individus, la<br />
mondialisation nous met de plus en plus en contact avec des cultures « autres ». Le<br />
tourisme peut contribuer puissamment à une meilleure compréhension de lieux et de<br />
211<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
peuples différents, (…) par une approche plus démocratique et quotidienne des<br />
cultures (Bouchenaki 2004).<br />
Kelly I, a cherché à démontrer comment l’expérience touristique peut être gérée de<br />
telle façon à encourager les personnes à adopter des attitudes de tolérance conduisant<br />
à des relations plus harmonieuses entre les différentes cultures. Les prédispositions<br />
négatives telles que les préjudices, les stéréotypes et l’ethnocentrisme pourraient être<br />
remplacées par des dispositions positives telles que la tolérance, la compassion, la<br />
justice et le respect.<br />
En soumettant les participants d’un voyage de tourisme volontaire d’Oxfam<br />
(Community Aid Abroad study tours) à des questionnaires pré-voyages et posvoyages,<br />
Kelly (1998) a cherché à analyser les changements individuels d’attitude<br />
suite à une expérience touristique. Il a noté que le tourisme volontaire pouvait<br />
engendrer un changement d’attitudes positif chez les touristes (jeunes en<br />
l’occurrence) : plus grand sens de responsabilité envers les problèmes des pays du<br />
Sud, plus de soutien à l’aide internationale, envie de rejoindre une organisation<br />
humanitaire, etc. Il a cependant noté que les participants étaient déjà sensibles à ce<br />
genre de problématiques avant leur voyage. Le voyage n’aurait permis que de<br />
renforcer des prédispositions existantes envers l’activisme. Si le tourisme veut se<br />
transformer en réel facteur de paix, il est nécessaire que les organisations de tourisme<br />
alternatif attirent un plus grand marché, afin d’attirer un nouveau public et non<br />
seulement le public habituel déjà sensibilisé. L’autre alternative est que le tourisme<br />
classique adopte des éléments du tourisme alternatif, pour sensibiliser son public à<br />
ces problématiques.<br />
La difficulté de l’échange interculturel<br />
Pour autant, il serait abusif de prétendre que la quête d’expériences culturelles<br />
inédites est la principale motivation du tourisme international ; il est évident que si<br />
de nombreux touristes voyagent pour échapper à leur réalité quotidienne<br />
(Enzensberger 1964), beaucoup d’autres préfèrent rester à l’intérieur de la « bulle »<br />
protectrice que l’on associe souvent au «tourisme de masse ».<br />
Cela n’empêche pas que le tourisme possède un fort potentiel pour augmenter les<br />
échanges interculturels et représente une pierre angulaire dans l’apprentissage à la<br />
212
tolérance. Le tourisme possède des effets aussi bien positifs que négatifs sur les<br />
communautés visitées. Jusqu’à présent, en se basant sur des études de cas au niveau<br />
mondial, il semble que le tourisme ait peu favorisé la paix mondiale. En étant<br />
conscient de cet état de fait, il semble possible de réfléchir sur les échecs présents et<br />
tenter de penser comment le tourisme pourrait se transformer en réel instrument de<br />
paix. C’est aussi beaucoup une question d’intentions…<br />
Tableau 14 : Contact interculturel entre hôtes et touristes<br />
Effets positifs Effets négatifs<br />
• Développer des attitudes positives<br />
envers l’autre<br />
• Apprendre sur d’autres cultures et<br />
coutumes<br />
• Réduire les perceptions négatives<br />
et les stéréotypes<br />
• Développer des liens d’amitié<br />
• Développer la fierté,<br />
l’appréciation, la compréhension,<br />
le respect et la tolérance pour la<br />
culture des autres<br />
• Augmenter l’estime de soi<br />
Source : Robinson M, 1992, p.9 adapté de Reisinger, 1994.<br />
• Développer des attitudes<br />
négatives envers l’autre<br />
• Tension, hostilité, suspicion, et<br />
non-compréhension<br />
• Isolation, ségrégation et<br />
séparation<br />
• Chocs entre des valeurs<br />
différentes<br />
• Difficultés à former des liens<br />
d’amitié<br />
• Sentiments de supériorité et<br />
d’infériorité<br />
• Problèmes de communication<br />
• Ethnocentrisme<br />
• Choc culturel<br />
On ne peut passer sous silence la difficulté du contact interculturel, qui est un<br />
phénomène désormais très courant étant donné la grande mobilité de nos sociétés<br />
(migrations de travail du Sud vers le Nord, tourisme, etc). Dans nos sociétés de plus<br />
en plus métissées, il n’est pas nécessaire de voyager pour être confronté à l’échange et<br />
au conflit interculturel (problèmes actuels d’intégration de personnes immigrées dans<br />
les pays européens).<br />
« Worldwide interaction is now an established phenomenon (Gessner et Schade,<br />
1990) and tourism is only one form of intercultural interaction » (Robinson M,<br />
1999, p.6)<br />
213<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Les flux touristiques inégalitaires (quasi exclusivement du Nord vers le Sud) et le fait<br />
que le système mondial capitaliste actuel soit dominé par des relations inégalitaires<br />
de pouvoir entre les touristes des pays du Nord et les hôtes des pays du Sud<br />
(Mowforth et Munt, 1998, Britton, 1991) rend le contact culturel biaisé par une<br />
relation de force inégale.<br />
Conflit ne veut pas dire absence de paix<br />
Même si le tourisme crée des conflits (ce que l’on ne peut nier : conflits interculturels,<br />
conflits entre les hôtes, etc), cela ne veut pas dire pour autant qu’il s’oppose à la paix.<br />
Selon Galtung, le conflit devrait être inséré dans n’importe quel débat sur la paix. La<br />
paix serait “what we have when creative conflict transformation takes place nonviolently”<br />
(Galtung 1996, p.265). En d’autres mots, on pourrait dire que les conflits<br />
font partie intégrante du concept de paix. Selon Gudykunst, le combat (“graceful<br />
fighting”) est également nécessaire dans un processus de planification participative<br />
(1998, p.314). La recherche sur tourisme et paix devrait donc se développer en se<br />
concentrant sur les expériences de conflits des touristes et leurs réactions face à cela.<br />
Le touriste pourrait donc contribuer à développer la paix lorsqu’il adopte une attitude<br />
qui considère la rencontre avec l’autre comme une opportunité de développement<br />
émotionnel et la gère d’une façon non violente.<br />
3.2.3. La dimension politique de la représentation de la culture<br />
et du patrimoine<br />
La contribution du tourisme patrimonial à l’empowerment des<br />
communautés<br />
Le patrimoine est une construction subjective et politiquement instrumentalisable.<br />
Les historiens ont largement analysé l’utilisation instrumentale que l’on peut faire de<br />
l’histoire. Selon Lowenthal (1998), « history is about the pursuit of truth while<br />
heritage is not ». Le patrimoine servirait les intérêts de groupes d’intérêts particuliers<br />
et serait en ce sens fortement politique. Le patrimoine serait finalement “anything<br />
you want it to be » (Hewison, 1987). Sa valeur résiderait non dans sa précision<br />
analytique mais dans sa résonance psychologique (Davison, 2000).<br />
214
Chaque génération réinterprète son passé en fonction de son présent pour construire<br />
son idée de patrimoine, qui est ensuite mis en valeur comme symbole visible de<br />
l’identité. Le tourisme patrimonial (’heritage tourism) est donc un fort instrument<br />
politique au sens où le promoteur du patrimoine peut décider comment le passé peut<br />
jouer un rôle dans le présent. Dans le jeu politique, il est récurrent d’instrumentaliser<br />
l’histoire à des fins actuelles.<br />
« History is not a final, completed and given reality that can be unproblematically<br />
mined and reprocessed into definitive heritage. It is an evolving construction,<br />
determined by the value-laden choices of the historian… Heritage is always e<br />
selection from history, and histiry itself is a construction, then it is possible to<br />
envisage heritage as a selection from a selection ». (Dann GMS et Seaton A.V, 2001,<br />
p.26)<br />
Qui doit contrôler la forme de développement des sites du patrimoine ? Quelle<br />
interprétation du passé doit-être choisie ? Comment, dans des sociétés plurielles avec<br />
un mixage ethnique, est-il possible de conter l’histoire qui inclut toutes les parties<br />
prenantes de façon équitable ?<br />
Le tourisme patrimonial qui se développe dans des lieux récemment sortis de guerre<br />
ou des lieux troublés de l’histoire, représente une forme de tourisme culturel de plus<br />
en plus développé (tourisme dans les anciens camps de concentration, tourisme en<br />
Afrique du Sud, etc.). L’importance de la commémoration permet d’assurer que la<br />
mémoire collective n’oublie pas les circonstances dans lesquels des actes inhumains<br />
ont pu se produire, aussi bien pour exprimer des regrets et remords que pour tirer<br />
des leçons des évènements passés. Lorsque bien organisé, ce tourisme peut avoir une<br />
portée aussi bien thérapeutique (pour ceux qui ont été les victimes), qu’éducatifs<br />
(pour les jeunes générations notamment) ou que réconciliatrice.<br />
Bien que la motivation initiale conduisant les communautés à développer un<br />
tourisme patrimonial soit premièrement économique, les bénéfices sociaux et<br />
psychologiques qui peuvent émerger lors du processus de construction, tels le<br />
renforcement du sentiment identitaire, sont de plus en plus valorisés par les<br />
communautés.<br />
215<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
La constitution du patrimoine est un mécanisme clef pour définir les identités<br />
communautaires, ethniques ou nationales et récrire le paysage postcolonial.<br />
En Afrique du Sud, soumis à un processus fondamental de transformation<br />
sociopolitique, où l’ancien groupe marginalisé est désormais politiquement<br />
empowered, la mise en place d’une politique du patrimoine répond à plusieurs<br />
désirs : la volonté de construire un sentiment national, de raconter l’autre version de<br />
l’histoire (qui n’a pas pu s’exprimer pendant longtemps) et de contribuer à<br />
l’empowerment culturel et politique. La création d’une nouvelle identité nationale se<br />
fait à travers un processus de remémoration sélectif qui légitime l’ordre politicosocial<br />
présent.<br />
« Monuments and heritage sites are thus a vehicle for nation building, for<br />
constructing a new idendity, and presenting their identity to the outside. The<br />
foreign tourist as Other looks in and helps define the South African self ». (Moosa,<br />
1998 cité dans Marshall, 2004).<br />
Selon Marshall, il ne peut être nié que la célébration et la marchandisation<br />
(commodification) du patrimoine culturel est largement perçu par le public comme<br />
empowering. Il représente pour les communautés oppressées, une forme de<br />
validation et de reconnaissance de leur propre histoire et culture.<br />
Dans les anciens Etats socialistes, le patrimoine a joué un rôle important dans la<br />
formulation des identités postcommunistes. L’histoire a été réécrite et représentée<br />
afin d’attirer des touristes étrangers et pour forger de nouvelles identités nationales<br />
en référence au passé communiste. Le patrimoine et le tourisme sont donc des<br />
composantes importantes des nouvelles politiques de l’Europe de l’Est.<br />
La marchandisation de la culture locale à travers le tourisme ne conduit pas<br />
forcément à sa destruction selon Greenwood ; au contraire dans certains cas elle peut<br />
stimuler sa revalorisation. Le changement est partie intégrante du processus social<br />
(Greenwood, 1989, p.183).<br />
Le concept d’authenticité culturelle s’inscrit dans une forte polémique autour de la<br />
signification de l’histoire et révèle certaines contradictions. Le monde occidental<br />
vacille entre la volonté de donner des droits politiques sur la base de l’authenticité<br />
216
aciale et des revendications ethniques et en même temps de convertir tous les<br />
membres de la population en sujet politiquement égaux. L’allocation de droits<br />
politiques sur des bases culturelles peut conduire à l’invention de traditions<br />
culturelles propres dans l’optique d’acquérir de tels droits. Selon Greenwood, le<br />
tourisme opère dans cette arène conflictuelle.<br />
« Those groups seeking to establish or expand political rights by the reinforcement<br />
of their cultural traditions and ethnic identity see tourism as a double-edged sword.<br />
The ability to attract tourists to their locations is itself a ratification of cultural<br />
claims about uniqueness(…) Yet the very process of packaging and merchandising<br />
ethnicity for tourism alters local culture in important ways, creating internal<br />
divisions that may be politically destructive or diluting local culture » (Grennwood,<br />
1989, p.184).<br />
La marchandisation de la culture a donc un rôle clairement politique dans la mesure<br />
où il est possible de se faire reconnaître certains droits politiques sur la base de<br />
l’authenticité raciale et des revendications ethniques.<br />
Tourisme, marchandisation de la culture et empowerment politique<br />
La recherche d’authenticité et la critique de la marchandisation de la culture<br />
Depuis que le concept d’authenticité a été introduit par Mac Cannell (1976), il ne<br />
cesse d’être au cœur de nombreux débats touristiques. Certains auteurs considèrent<br />
que les touristes sont à la recherche d’authenticité par la visite d’autres lieux, loin des<br />
affres de leur vie quotidienne. Le touriste cherche l’authenticité, en opposition à sa<br />
réalité, qu’il ne considère plus authentique. L’authentique serait donc le différent ;<br />
l’élément étranger que le touriste a perdu dans sa vie quotidienne. Il serait donc lié au<br />
concept d’exotisme.<br />
La notion d’authenticité n’est pas une qualité objective : c’est un concept construit<br />
socialement qui possède une connotation plus ou moins négociable dans sa<br />
signification (Cohen, 1998). C'est-à-dire que ce qui est authentique pour le touriste ne<br />
l’est pas forcément pour la communauté hôte.<br />
217<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Il est important de démystifier le fait que le fait folklorique perd sa fonctionnalité<br />
sociale dès qu’il est mis en interaction avec des touristes. On peut dire que la<br />
manifestation folklorique revalorisée et réinterprétée, passant de valeur d’usage à<br />
valeur d’échange, peut jouer un rôle important dans le maintien des traditions<br />
populaires et comme réaffirmation de l’identité culturelle. Du point de vue de la<br />
communauté, l’authenticité pourrait être synonyme d’acceptation. Une manifestation<br />
culturelle sera considérée comme authentique si elle a mobilisé la communauté hôte<br />
qui soutient cette initiative et apprécie l’image que cette dernière renvoie d’elle.<br />
Nous considérons que l’essence de l’authenticité est sa signification culturelle, c’est-àdire<br />
que sa définition doit être faite par les propres communautés hôtes. C’est<br />
finalement sans participation active que le folklore se transforme en un simple<br />
spectacle, sans lien avec le territoire et la communauté.<br />
Le processus de marchandisation de la culture<br />
Le concept d’authenticité est profondément lié à celui de marchandisation de la<br />
culture (commodification). Le tourisme transformerait la culture en un produit,<br />
empaqueté pour être vendu à des touristes, perdant en cela son authenticité.<br />
Selon Cohen, il y a marchandisation lorsque « once personal cultural displays of<br />
living traditions or a cultural text of lived authenticity become a cultural product<br />
which meeds the needs of commercial tourism » (Cohen, 1977 cité dans Hall, 1998,<br />
p.176)<br />
Les touristes ne disposent que d’un temps très court pour visiter chaque escale de<br />
leur périple et ne peuvent donc expérimenter que quelques échantillons de la culture<br />
locale. Ce travail de transposition réductrice (fait par les organisateurs de circuit)<br />
conduit inévitablement à déformer le sens et la forme des manifestations<br />
authentiques pour les présenter de manière plus accessible aux touristes et aux<br />
étrangers en général (Greenwood, 1977).<br />
C’est bien ce même principe de transposition réductrice qui permet d’autre part aux<br />
communautés locales de pouvoir instrumentaliser de façon positive leur culture (ou<br />
patrimoine) et l’expérience échangée avec le touriste à des fins de sensibilisation<br />
politique et sociale.<br />
218
L’arrivée de touristes a souvent pour effet d’élargir et d’internationaliser l’espace<br />
social des communautés d’accueil. Dans un tel contexte, des éléments, des pratiques<br />
ou des lieux qui n’avaient au départ aucun intérêt particulier du point de vue des<br />
autochtones peuvent prendre un relief extraordinaire aux yeux des touristes et<br />
devenir ainsi pour la communauté un moyen d’échange avec le monde extérieur et<br />
une ressource symbolique servant à définir et délimiter les formes d’identité locale ou<br />
sociale (Lash et Urry, 1994).<br />
Avec l’augmentation de l’attrait des touristes pour les cultures indigènes, l’affirmation<br />
des identités locales (Macdonald 1997) et la (re)création de l’ethnicité (Adams 1997;<br />
MacCannell 1984; Wood 1997) ont été favorisées. D’un autre côté, il existe également<br />
le risque de muséification qui tendrait à fossiliser les communautés du Sud dans leur<br />
état actuel, en leur refusant le droit à la modernisation.<br />
Marchandisation et empowerment<br />
Qui a le droit et la légitimité pour définir ce qui est authentique ? (Taylor, 2001)<br />
Le débat sur l’authenticité doit analyser comment cette notion est articulée, par qui et<br />
pour quelle raison afin de déterminer dans quelles circonstances le tourisme culturel<br />
peut représenter un instrument stratégique et politique pour certaines communautés<br />
marginalisées du Sud. Ce qui est crucial est d’analyser les liens entre pouvoir et<br />
culture et comment le tourisme peut se transformer en instrument d’empowerment.<br />
L’empowerment politique est conçu par Scheyvens et Sofield aussi bien comme un<br />
processus multidimensionnel que comme un résultat. « Empowerment provides a<br />
shift in the balance between the powerful and the powerless, between the dominant<br />
and the dependent » (Sofield, 2003).<br />
La marchandisation est fréquemment analysée comme quelque chose de négatif.<br />
Mowforth et Munt la définisse comme « a kind of institutionalized racism that<br />
celebrates primitiveness » (1998, P.270). Pourtant, si elle sert des objectifs clairs et<br />
bénéfiques tels que l’empowerment économique, social et culturel, elle n’est pas<br />
forcément à critiquer.<br />
219<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
« Why does touristic commodification lead, in some communities, to<br />
disempowerment, while in others, authenticity is appropriated and becomes a<br />
powerful resource? » (Cole S, 2007) « While in some, the commodification of culture<br />
may be a dis-empowering experience, in others, marginal cultures have<br />
appropriated tourism as a political instrument in the construction of their identity »<br />
(Bianchi 2003, p.20).<br />
Grünewald nous explique que la communauté Pataxó du Brésil a pris clairement<br />
conscience qu’en promotionnant certains aspects de leur culture et de leur identité,<br />
ils pouvaient créer des bénéfices économiques et culturels pour leur groupe. Il conclut<br />
ainsi : «” tourism has not acted degradingly on indigenous culture. Quite the<br />
opposite: it gives the Pataxó a distinctive status in the region” (Grünewald, 2002 p.<br />
1001). Les Pataxó ont très vite fait la distinction entre la culture qu’ils souhaitent<br />
montrer et leurs pratiques culturelles quotidiennes. Cette différentiation leur a<br />
permis d’utiliser le tourisme à leurs fins propres.<br />
Selon Mac Donald « commodification can be a way of affirming identity and value »<br />
(Dans Robinson M, 1999, p.12). La popularité croissante du tourisme culturel<br />
représente une opportunité intéressante pour les communautés locales (notamment<br />
indigènes) puisque cela leur permet d’utiliser leurs ressources culturelles comme<br />
sources de revenus. Un développement autocentré et alternatif qui n’est pas<br />
bénéfique seulement d’un point de vue économique mais peut permettre un<br />
renforcement de l’identité culturelle et sociale peut donc être rendu possible.<br />
Certaines cultures indigènes sont tout à fait conscientes des bénéfices économiques et<br />
politiques que peut leur apporter le fait de marchandiser leur culture pour répondre<br />
à une nouvelle demande mondiale. L’association canadienne de tourisme aborigène<br />
(CNATA) estime qu’environ 15000 personnes sont embauchées dans des entreprises<br />
de tourisme aborigène, produisant 150 millions de $ de revenus annuels. Cet<br />
empowerment économique grâce à l’utilisation de la culture comme ressource a<br />
permis aux aborigènes canadiens de renforcer leur pouvoir de négociation politique.<br />
Ils ont notamment réussis à récupérer le tiers des terres qu’ils réclament (Alberta<br />
Aboriginal Toursim Alliance, 1996 cité dans Robinson M, 1999, p.13-14)<br />
220
«This provides Canada’s aboriginal peoples with the power of choice they have<br />
previously lacked, and thus increased ability to shape the commodification<br />
process ». (Dans Robinson M, 1999, p.14)<br />
Tourisme et empowerment : analyse de cas.<br />
Empowerment, culture et maoris<br />
Des auteurs travaillant sur le tourisme indigène tels que Ryan reconnaissent le rôle<br />
du tourisme comme instrument d’empowerment économique, social mais aussi<br />
politique.<br />
« Ryan has generally maintained a view that tourism represents a potential asset<br />
for income, employment and enhancement of a political recognition of the role and<br />
importance of Maori culture in New Zealand » (Ryan, 2001, p.236). Selon les termes<br />
de Maslow, un sens d’appartenance sociale a été renforcé et permis aux aborigènes de<br />
jouer un plus large rôle dans le contexte politique de la Nouvelle-Zélande.<br />
Dans le cas des maoris, les bénéfices économiques sont intangibles et les entreprises<br />
touristiques Maori qui ont été créées ne sont pas forcément de petite taille. « Maori<br />
have significant property interests which range from hotels to executive suites in<br />
sports stadiums, and hence at one level operate in a manner similar to European or<br />
Asian tourism business interests » (Ryan, 2001, p.237).<br />
Au niveau de l’empowerment social, les revenus du tourisme ont été utilisés pour<br />
financier des actions collectives. Un autre élément positif est le fort sentiment<br />
identitaire (être Maori) qui relie les individus entre eux et avec leur lieu<br />
d’appartenance (territoire).<br />
En analysant la situation du développement du tourisme Maori, Ryan constate que la<br />
culture est parfois « marchandisée » c’est-à-dire utilisée comme base du produit<br />
touristique alors que dans d’autres cas, le produit touristique perd sa composante<br />
culturelle.<br />
221<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Ryan analyse les produits touristiques Maori selon le degré d’ownership,<br />
l’importance de la composante culturelle et la durée/intensité de l’expérience. Un<br />
hôtel de 200 chambres, propriété d’un Maori, dans laquelle la culture Maori est<br />
représentée comme inesthétique possède un taux d’ownership fort alors que<br />
l’implication culturelle et l’intensité de l’expérience sont jugées comme faibles.<br />
A l’inverse, un spectacle de danse réalisé par un groupe Maori dans un hôtel qui ne<br />
leur appartient pas possède un très faible score en termes d’ownership et d’intensité<br />
de l’expérience mais intègre une forte composante culturelle.<br />
Pour juger du degré d’empowerment acquis grâce au développement d’un produit<br />
touristique, il est réducteur de limiter l’analyse au seul aspect culturel : la<br />
classification de Ryan est intéressante puisqu’elle combine l’aspect empowerment<br />
économique à l’aspect empowerment culturel.<br />
Cette analyse montre que le développement du tourisme communautaire permet de<br />
donner vie à de nombreuses formes hybrides de produits touristiques, certains<br />
pouvant être catégorisés comme appartenant au tourisme traditionnel (hôtel de luxe<br />
classique) et d’autres à des produits qui pourraient être qualifiés comme tourisme<br />
culturel ou alternatif (séjour dans un Manae). Les membres de la communauté<br />
doivent trouver leur propre chemin quant aux produits qu’ils ont envie de développer<br />
et il semble erroné que les projets de développement ou ONG imposent encore une<br />
fois un modèle aux communautés du Sud qui serait celui d’un tourisme alternatif, de<br />
rencontre. L’imposition de critères de durabilité est quant à lui essentiel mais<br />
pourquoi ne pas imaginer le développement d’un tourisme de masse durable dans<br />
certaines communautés…<br />
Communauté asiatique Ngadha<br />
Cole a réalisé une étude de cas intéressante dans la communauté Ngadha, en<br />
Indonésie, en analysant les répercussions de la marchandisation de la culture<br />
organisée par cette dernière pour attirer des touristes en termes d’empowerment ou<br />
de disempowerment. Elle a montré que la pression organisée par les touristes et le<br />
gouvernement local en faveur d’une muséification de leur culture et du refus de toute<br />
222
modernisation n’a pas empêché la communauté de se servir du tourisme comme<br />
instrument d’empowerment.<br />
Selon Cole (2007), les touristes jugent l’authenticité de la culture locale en relation<br />
avec la pauvreté. Toute tentative organisée par la communauté pour retirer des<br />
bénéfices économiques du tourisme et améliorer ses conditions de vie est jugée par<br />
les touristes comme une « dénaturation ». Les pouvoirs politiques locaux<br />
(département provincial du tourisme) organisent le même type de pressions sur la<br />
communauté pour que celle-ci ne change pas et ont été même jusqu’à lui refuser<br />
l’électricité. Ils sont conscients que la culture doit être « vendue » pour le tourisme et<br />
que « l’authentique » attire.<br />
Cette pression pour figer la culture locale dans ses traditions passées et sa condition<br />
économique défavorisée, issue des touristes et du gouvernement local, n’a pas<br />
entraîné le maintien de celle-ci dans le sous-développement mais lui a permis de<br />
mettre en œuvre un processus d’empowerment.<br />
« Their new identity, (re)created through tourism, has given the local groups new<br />
political (and potential economic) capital to manipulate. Identity and pride are<br />
important steps to empowerment » (Cole, 2007).<br />
L’ouverture au tourisme a pourtant permis à cette communauté de renforcer son<br />
identité en tant que groupe ethnique. Elle a permis aux villageois d’augmenter leur<br />
estime de soi, l’orgueil et l’appropriation de leur culture traditionnelle. Le tourisme<br />
s’est donc transformé en ressource manipulable à des fins économiques et politiques.<br />
Il a également été utilisé come arme rhétorique pour contrebalancer le pouvoir de<br />
l’Etat et de l’église.<br />
Les villageois ont su mobiliser leur nouvelle identité ethnique, reconnue par des<br />
agents extérieurs (les touristes) comme ressource. Face à une communauté active, le<br />
tourisme peut donc se révéler un fort instrument d’empowerment. La relation entre<br />
la marchandisation de la culture et l’ownership est cruciale pour permettre aux<br />
populations marginalisées de maintenir le contrôle de leur tourisme en faveur de<br />
leurs intérêts propres. Le tourisme peut représenter une ressource politique<br />
importante que les communautés locales peuvent manipuler à leurs avantages.<br />
223<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
« People can use cultural commodification as a way of affirming their identity, of<br />
telling their own story, and of establishing the significance of local experiences »<br />
(Macdonald 1997).<br />
3.2.4. Focus sur le justice tourisme : dans une optique de<br />
sensibilisation politique et sociale des visiteurs<br />
Après avoir présenté différentes théories démontrant le rôle politico-social que peut<br />
jouer le tourisme dans un monde global, il s’agit désormais de chercher à s’interroger<br />
sur le type de tourisme le plus à même de favoriser l’apprentissage culturel, la<br />
compréhension mutuelle et l’activisme politique à même de s’inscrire dans une<br />
dynamique de changement social global.<br />
Trouver une définition du concept de « Justice tourism » est loin d’être aisé et<br />
de nombreux auteurs ont critiqués les problématiques de justice entourant le<br />
tourisme (De Kadt 1979, Mowforth and Munt 1998).<br />
Au même titre que d’autres types de tourisme alternatif, mais encore à un plus<br />
grand degré puisque son objectif premier est centré autour de la sensibilisation et la<br />
transformation politique et sociale (idéalisme), ce type de tourisme est critiqué pour<br />
n’être qu’un simple slogan, un argument marketing qui n’impliquerait pas de<br />
changements radicaux dans la pratique du tourisme. L’objectivité de cette critique<br />
sera analysée dans cette partie.<br />
Classification du Justice tourism<br />
Pour de nombreux auteurs, le tourisme responsable intégrerait en son sein des<br />
interrogations sur la justice ; ce qui impliquerait que la catégorie de « justice<br />
tourism » n’aurait pas lieu d’être. Pour certains auteurs comme Holden, Lea, le<br />
tourisme responsable a pour objectif de développer des relations plus significatives<br />
qu’une simple transaction économique entre touristes et hôtes. (Lea 1993, p. 708 cité<br />
dans Scheyvens 2002, p. 103).<br />
Ayant présenté les grandes lignes du Justice Tourisme dans notre première<br />
partie, nous rentrerons directement dans le vif du sujet. L’auteure ayant développé la<br />
224
plus forte réflexion sur ce thème, Scheyvens, développe quatre formes de « justice<br />
tourism ». Tous visent indirectement la sensibilisation politique et sociale du touriste<br />
et sa potentielle contribution en faveur d’un « monde meilleur ». Elle décrit donc<br />
quatre types de situations :<br />
225<br />
1° Lorsque des communautés oppressées (historiquement ou dans le présent) ont<br />
la possibilité de partager leurs expériences passées avec le visiteur, le sensibiliser<br />
et de récrire l’histoire en leur faveur. Il peut notamment se manifester à travers le<br />
tourisme patrimonial.<br />
2°Le tourisme révolutionnaire ou tourisme politique.<br />
3° Le tourisme dans les zones pauvres qui permet au touriste d’améliorer sa<br />
compréhension des questions de pauvreté et de manifester leur solidarité à des<br />
populations marginalisées. Il peut se traduire dans le poverty tourism.<br />
4° Il peut impliquer des touristes des pays du Nord payant pour venir réaliser des<br />
travaux de conservation ou une aide volontaire au développement (tourisme<br />
volontaire ou humanitaire).<br />
1. Les communautés hôtes racontent leur passé ou présent<br />
d’oppression.<br />
Dans de nombreux pays, des populations minoritaires ou non (comme les<br />
peuples indigènes) ont été opprimés sur la base de leur ethnicité, de leur religion ou<br />
de leurs croyances. Ces peuples opprimés peuvent s’engager dans le tourisme en<br />
proposant des voyages centrés sur le passé (tourisme patrimonial). Ce genre de<br />
tourisme peut permettre au visiteur d’appréhender des thématiques telles que les<br />
droits de l’homme et les questions de justice en donnant la possibilité aux<br />
populations locales de s’exprimer sur leur propre histoire et corriger des versions<br />
officielles et médiatisées qui peuvent être souvent différentes de la leur.<br />
Un exemple de ce type de tourisme peut être fourni dans les Caraibes par les<br />
circuits éducationnels dans les sites du commerce d’esclaves transatlantique (Boyd<br />
1999). Un autre exemple est le tourisme qui attire des visiteurs dans les sites<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
significatifs du mouvement anti-apartheid en Afrique du Sud telle que l’école<br />
primaire de Nelson Mandela, le Robben Island Museum15 où il a été incarcéré. Les<br />
communautés qui organisent de telles activités peuvent bénéficier d’un<br />
empowerment psychologique conséquent en ayant la possibilité de raconter leurs<br />
propres luttes à un public réceptif, après des années de silence forcé imposé par un<br />
gouvernement hostile.<br />
Il existe également des communautés qui souhaitent raconter l’histoire de leur<br />
présent et non simplement celle d’un passé révolu. C’est le cas de pays actuellement<br />
en guerre ou en conflits et qui souhaitent utiliser le tourisme comme moyen de<br />
sensibilisation politique et sociale afin de soutenir les luttes dans lesquelles elles sont<br />
engagées.<br />
C’est le cas de la Palestine, du peuple Sahraoui, des communautés mapuches<br />
du Chili, du mouvement sans terre brésilien,…<br />
Il existe une prolifération d’expressions pour définir ce type de voyages :<br />
« tourisme politique », « tourisme militant ».<br />
Vers des notions proches : tourisme politique et militant<br />
Le tourisme politique implique de voyager dans des zones de conflits afin de donner<br />
l’opportunité au touriste de pouvoir étudier les circonstances du conflit sur le terrain<br />
et pour développer une compréhension de l’histoire locale. Les destinations les plus<br />
populaires sont Israël et la Palestine, l’ex-Yougoslavie, l’Afrique.<br />
Les TO qui proposent ce type de tours peuvent être soit des ONG, soit des entreprises<br />
privées, avec une optique partisane ou non.<br />
Les tours politiques responsables devraient remplir les caractéristiques suivantes :<br />
- Se rendre compte et analyser la situation sur le terrain<br />
- Fournir des moments de briefing<br />
- Rencontrer des gens ordinaires des deux parties impliquées dans le conflit<br />
15<br />
Ce musée attire 900 visiteurs par jour et de nombreux anciens prisonniers recouvrent le rôle de guide (Goudie<br />
et al 1999).<br />
226
- Rencontrer des activistes, des groupes pacifistes et des officiels du<br />
gouvernement<br />
- Proposer une offre culturelle<br />
Il est très difficile que ces voyages soient organisés dans une neutralité politique. Il<br />
est évident qu’ils cherchent à être instrumentalisés par l’une des deux parties en<br />
cause puisque leur raison d’être est bien la sensibilisation de l’opinion publique<br />
internationale. Le but est de rallier le visiteur à sa cause, afin que dès son retour, il<br />
puisse devenir activiste.<br />
« These types of tours tend to be advocacy oriented with the intention of motivating<br />
tour participants to become involved in the issues and active on their return home ».<br />
(Scheyvens, 2002)<br />
Quand ces voyages ne sont pas organisés dans une optique de neutralité mais de<br />
soutien politique à l’une des deux parties, ils devraient adopter la dénomination de<br />
« tourisme militant ».<br />
La différence entre le touriste politique et le militant est que le premier viendrait<br />
avant tout pour observer et se faire une opinion sur une situation, un conflit, qu’il<br />
peut connaître ou penser mal maîtriser. Le deuxième arrive déjà convaincu et<br />
sensibilisé : son voyage aura pour objectif de renforcer ses convictions et son<br />
militantisme.<br />
Dans une optique de sensibilisation de l’opinion publique internationale, attirer un<br />
touriste politique, et non déjà militant, peut être plus efficace puisque cela permet de<br />
sensibiliser des personnes non encore acquises à la cause.<br />
227<br />
2. Tourisme révolutionnaire<br />
Le terme de « tourisme révolutionnaire » a été initialement utilisé pour<br />
désigner les voyageurs indépendants en recherche d’aventure, souvent jeunes, qui<br />
affluaient dans des pays en proie à des guerres civiles tels que le Nicaragua et le<br />
Salvador, à la moitié des années 80 (Ross, 1999 cité par Scheyvens, 2002, p.115). La<br />
situation politico sociale de certains pays latino-américains a attiré par le passé et<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
attire toujours des touristes en quête d’altérité idéologique, dénommés “touristes<br />
révolutionnaires”. L’expérience des militaires progressistes péruviens dans les années<br />
70 était un fort objet de curiosité et de nombreux touristes visitaient les coopératives<br />
crées suite à la réforme agraire. Vingt cinq ans plus tard, les touristes suivent les<br />
traces du Che en Bolivie, celles plus récentes du sous commandant Marcos au<br />
Chiapas, ou se rendaient en Argentine au plus fort de la crise pour rencontrer des<br />
« piqueteros ».<br />
Encore une fois, Mowforth et Munt son très critiques sur ce genre de touristes,<br />
accusés d’égocentriques à la recherche d’aventures.<br />
« Travel to « dangerous » Thirld World countries, to regions suffering civil<br />
war and insurrection has become attractive to the bearers of new tourism who have<br />
become increasingly preoccupied with the need to distance themselves from<br />
tourists » (1998, p.79).<br />
Ces touristes ne se reconnaissent aucunement dans la catégorie de touristes et se<br />
considèrent comme activistes politiques ou souhaitent tout simplement marquer leur<br />
solidarité. De nombreux « touristes révolutionnaires» sont accusés de visiter ces<br />
endroits plus pour le plaisir et le frisson de visiter de potentielles zones de conflits<br />
que dans une réelle démarche de solidarité et de soutien à des causes considérées<br />
comme justes.<br />
Selon Scheyvens, pour que le tourisme révolutionnaire soit vraiment un<br />
tourisme juste, cela dépendra du comportement du touriste, c’est-à-dire de son<br />
objectif : vient-il pour observer une situation et un conflit afin de se procurer une<br />
dose d’adrénaline ou souhaite-t-il s’impliquer activement pour soutenir une cause<br />
politique ? Il existe forcément les deux cas de figure et prendre une position ferme sur<br />
ce sujet, sans étudier la cas-par-cas serait hasardeux. De plus, il serait simpliste<br />
d’opposer radicalement les deux motivations : un vrai activiste politique souhaitant<br />
apporter son soutien à une communauté en conflit, ne peut-il pas également être<br />
grisé par cette dose d’adrénaline que cela lui procure ?<br />
Un excellent exemple de foyer de tourisme révolutionnaire est celui du<br />
Chiapas, au Mexique, où les communautés indigènes sont en conflit avec l’état<br />
national depuis la rébellion zapatiste de 1994. Ces touristes auraient profondément<br />
228
contribué à soutenir l’économie locale (achat à des coopératives pro-zapatistes) et<br />
s’engageraient fortement pour la cause défendue, même après leur retour. Nous<br />
reviendrons sur ce cas d’étude très riches en enseignements par la suite.<br />
« People go back home, look at their photos, talk about their experiences, and<br />
participate in the solidarity movement » (témoignage de Ernesto Ladesma, gérant<br />
d’un logement local, cité in Ross, 1999, p.5)<br />
Tourisme révolutionnaire à Cuba<br />
Cuba, en parallèle au développement du tourisme de masse, pour lequel l’île est très<br />
renommée depuis une décennie, a développé depuis 1969 le tourisme<br />
révolutionnaire.<br />
Le premier, qui permet au pays d’engranger 2,5 billions de $ par an, est développé<br />
pour des raisons purement économiques alors que le deuxième possède une forte<br />
connotation politique. Selon Gabriel Benitez de l’institut Cubain pour la solidarité<br />
entre les peuples (ICAP), la majorité des participants deviendraient à leur retour<br />
activistes dans des groupes de solidarité cubains dans leurs pays d’origine. “That way<br />
the revolutionary message reaches places it didn’t before,” (Benitez)<br />
Cuba a reçu l’an dernier 1200 touristes pour participer à un programme de tourisme<br />
politico-social. Depuis 1969, date des premières arrivées de touristes révolutionnaires<br />
venus planter de la canne à sucre, environ 55000 citoyens de tous les pays ont visité<br />
Cuba sous cet angle. De nombreux activistes trouvent les informations sur ce<br />
programme à travers des groupes de solidarité cubains, d’autres par internet. Ils<br />
reçoivent tous des séminaires de préparation avant d’entrer dans le pays en tant<br />
qu’invité (visa d’invité) et non que touriste. Le gouvernement a récemment fait des<br />
efforts pour essayer d’attirer de jeunes européens gauchistes, puisque Fidel Castro<br />
n’est pas forcément populaire auprès de ce public.<br />
229<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Tourisme révolutionnaire au Nicaragua<br />
Le tourisme révolutionnaire organisé dès 1983 au Nicaragua avait pour but de porter<br />
un soutien à la Contre-révolution. Les touristes étaient sensés vivre avec les<br />
Nicaraguayens, partager les risques de la contre violence et mettre leur vie en danger<br />
s’il le fallait. Ils se transformaient ainsi en premières sources d’information<br />
alternative. Le rôle de témoins que jouent ce genre de touristes représente une<br />
importante figure politique. En retournant ensuite chez eux, ces touristes peuvent<br />
expliquer, témoigner aux autres de ce qui s’est réellement passé dans un pays. Pour<br />
renforcer la portée de ces témoignages, l’utilisation des médias est une stratégie<br />
incontournable pour renforcer la visibilité de la cause.<br />
Tourisme révolutionnaire au Venezuela : la nouvelle tendance<br />
Le Venezuela est en revanche le nouveau lieu à la mode pour les gauchistes étrangers,<br />
après Cuba dans les années 60 et le Nicaragua dans les années 80 (Gould J, 2006).<br />
Bien que le ministère du tourisme ne possède pas de chiffres sur ce tourisme<br />
politique ou tourisme révolutionnaire, son nombre aurait augmenté de 17% entre<br />
2001 et 2005, malgré les conflits politiques et les grèves qui ont secoué le pays.<br />
De nombreux personnages célèbres visitent le Venezuela mais aussi de jeunes<br />
étudiants gauchistes qui viennent y étudier, fascinés par cette nation qui cherche une<br />
alternative aux politiques néolibérales qui ont ravagé l’Amérique Latine durant les<br />
vingt dernières années. L’impopularité de Chavez dans l’administration Bush et<br />
l’utilisation de fonds issus du pétrole pour financer des programmes sociaux ont<br />
rendu le Venezuela très populaire dans le monde gauchiste. Certains américains ont<br />
décidé d’y établir leur résidence alors que d’autres sont attirés par un tourisme<br />
révolutionnaire organisé par le gouvernement ou des groupes privés.<br />
Alors que certains le visitent comme de bons routards, d’autres s’adressent à des<br />
ONG telles que Global Exchange pour organiser leur voyage. L’ONG américaine<br />
propose deux séjours de deux semaines à 1300 $ pour visiter les quartiers pauvres où<br />
le soutien à Chavez est le plus fort. Les tours incluent des visites à des classes, des<br />
coopératives,… Les visiteurs ont la possibilité de discuter avec des ministères, de<br />
parler avec des compagnies pétrolières étatiques qui expliquent comment les<br />
pétrodollars sont utilisés dans des programmes sociaux.<br />
230
Les Américains qui voyagent au Venezuela souhaiteraient donner un signal politique<br />
fort : Reva Batterman, 27 ans dit qu’elle souhaite montrer qu’ils ne sont pas tous des<br />
supporteurs de Bush ou des impérialistes. Il existe également une envie<br />
d’informations directe. « They don’t trust Fox News. They don’t trust the<br />
mainstream news. They want to see with their own eyes what’s happening here »<br />
(Kurland E, entretien récupérér par Forero J, 2006).<br />
Ce genre de tourisme a été capitalisé par le gouvernement pour mettre en exergue<br />
certains éléments de sa politique extérieure qui fascinent et surtout pour faire oublier<br />
les problèmes politiques internes. Ce que les gens viennent voir avec curiosité est<br />
l’expérience politique vénézuélienne à la recherche d’une alternative au modèle<br />
néolibéral…<br />
Une dynamique combinée de développement du tourisme<br />
révolutionnaire en Amérique Latine<br />
Comme nous venons de le montrer, le tourisme révolutionnaire est assez développé<br />
dans certains pays d’Amérique Latine, connus pour leur opposition au système<br />
Américain.<br />
Les accords d’intégration de l’ALBA signés entre Bolivie, Cuba et Venezuela<br />
comprennent la mise en place d’un programme tourisme populaire, pour encourager<br />
le tourisme entre ces pays, dans une optique de connaissance mutuelle. Grâce à des<br />
aides économiques aux entreprises privées pour qu’elles diminuent leurs prix et des<br />
bourses de voyage, la population la moins aisée pourrait avoir accès au droit au<br />
voyage. Ce développement du tourisme social semble pourtant être resté une belle<br />
déclaration d’intention, un message politique plus qu’une réalisation.<br />
Venezuela et Cuba ont par ailleurs lancé un nouveau produit touristique binational<br />
pour offrir la possibilité aux touristes étrangers de combiner ces deux pays, promus<br />
comme route du tourisme révolutionnaire. "Si la revolución es cambio, cambio de<br />
paradigmas, cambios estructurales, transformación, mejoramiento de la calidad de<br />
231<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
vida, desarrollo sostenible, saneamiento ambiental, definitivamente esto es un<br />
turismo revolucionario" (Entretien Vice-ministère du toursime vénézuélien 16 ).<br />
3. Amélioration de la compréhension des problématiques de la<br />
pauvreté chez les touristes<br />
Le concept de « Poverty tourism » développé par Scheyvens définit le type de voyages<br />
dans des zones pauvres et marginalisées respectant les principes du justice tourism,<br />
c'est-à-dire étant aussi éthique qu’équitable.<br />
Pour certains auteurs, le tourisme incluant la visite de zones pauvres en<br />
appelle au voyeurisme des touristes. Mowforth et Munt, critique l’instrumentalisation<br />
et l’esthétisation de la pauvreté qui deviendrait expérimentalement intéressant et<br />
appréciable (Mowforth et Munt 1998 : 78).<br />
Richburg dénomme les voyageurs indépendants à la recherche d’endroits où<br />
sévit famine et désolation humaine des « voyeurs de la misère » (cité par Mac Laren<br />
1998, p.56). Il dénonçait tout particulièrement les voyageurs indépendants qui ont<br />
rejoint la Somalie à la fin des années 80 pour se faire une opinion personnelle sur le<br />
désastre humanitaire. Alors que certains d’entre eux étaient poussés par le réel désir<br />
de donner un coup de main, d’autres sont allés prendre des photos de personnes à<br />
l’article de la mort pour pouvoir les vendre à leur retour. Evidemment, cette pratique<br />
est à l’antithèse du «justice tourism». Ce sont finalement les comportements de<br />
certains touristes et TO face à la pauvreté qui sont critiquables. Organisé de façon<br />
responsable et géré par les communautés hôtes, le tourisme peut être un fort<br />
instrument de sensibilisation aux thématiques de la pauvreté.<br />
Goudie et al (1999) suggère qu’exclure les endroits isolés et marginalisés (tels<br />
que les banlieues en difficulté, favelas, zones rurales marginalisées,…) des<br />
programmes de voyage des TO les isole encore plus du système économique et social<br />
16 (http://www.cubanet.org/CNews/y06/may06/12o2.htm#turismo)<br />
232
de leur pays d’appartenance et du système global, permettant de renforcer les<br />
inégalités existantes :<br />
« In the light of the history of South Africa and current socioeconomic/spatial<br />
inequalities, it is a serious weakness within the tourism industry<br />
that its potential as a tool for economic empowerment and social integration has<br />
not been fully realized. Black areas…have largely been terra incognita for the<br />
tourism industry and, consequently, black South Africans have been given little<br />
opportunity to participate as partners or leaders within this industry sector »<br />
(Goudie et al 1999 : 27 – 8).<br />
Les « township tour » sont devenus des activités très populaires à<br />
Johannesburg. Certains critiquent le fait qu’ils ne profiteraient qu’à une poignée de<br />
résidents. Cependant lorsque bien organisés, ils permettent de surmonter les<br />
stéréotypes sur les habitants de ces banlieues noires et de leur donner une visibilité.<br />
(Scheyvens 2002, p. 107-108)<br />
Tourisme dans les favelas : solidarité ou voyeurisme ?<br />
Le tourisme dans les favelas ou township est-il moteur d’une restructuration urbaine<br />
effectuée au moyen de la mise en exergue de la diversité spatiale et culturelle<br />
constitutive des espaces métropolitains, ou simple dynamique à visée économique ? Il<br />
est intéressant de réfléchir aux nouvelles modalités selon lesquelles espaces et<br />
populations pauvres participent aux dynamiques économiques urbaines, entre<br />
instrumentalisation de la durabilité et stratégies de sortie de crise.<br />
Dans certains cas, les tours dans les favelas sont l’expression de l’organisation des<br />
habitants qui se sont regroupés en associations pour prendre en main l’activité<br />
touristique. Dans d’autres cas, ce sont des agences privées qui ont organisé ce<br />
tourisme et versent une partie des gains aux profits des associations locales.<br />
La ligne de démarcation entre le voyeurisme et la solidarité est très fine. L’appel à des<br />
valeurs humanitaires semble être la clef de cette démarcation. Visiter une favela peut<br />
donner la possibilité de procurer une visibilité aux cultures locales. Le fait d’acheter<br />
des produits fabriqués par les habitants, de s’intéresser à leur organisation sociale, de<br />
parrainer un enfant ou une institution bénévole permet de sortir de la logique de la<br />
233<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
spectacularisation du malheur. Les favelas sont le résultat et l’expression d’un<br />
manque de structure, de l’absence de l’Etat, où les habitants ont du s’organiser seuls<br />
pour construire un espace vivable et convivial. Ce que les visiteurs viennent voir et<br />
duquel ils pourraient tirer des enseignements est cette capacité humaine à se<br />
débrouiller. Dans cette optique, il est possible de concevoir un échange d’expériences.<br />
Tourisme dans les favelas : une possibilité de revaloriser la culture<br />
Pour les habitants des favelas, l’image négative qu’ils peuvent avoir de leurs propres<br />
conditions de vie est doucement ébranlée, lorsqu’ils commencent à devenir<br />
médiatisés, lorsque la photo de leur quartier apparaît dans les magazines à côté de<br />
celle de certaines célébrités.<br />
La médiatisation comme force politique<br />
En 1996, la pop star Michael Jackson et le réalisateur Spike Lee ont visité le « morro<br />
Don Marta » à Rio de Janeiro pour y tourner le vidéo-clip d’une chanson. Un bras de<br />
fer entre la communauté et le pouvoir publique a surgi à cet égard pour donner ou<br />
non l’autorisation de ce filmage. Ce conflit fut très révélateur de l’importance de la<br />
médiatisation comme moyen d’empowerment politique. L’Etat s’est retrouvé en<br />
concurrence avec la population pour la circulation transnationale d’une image. Plus<br />
l’absence de l’Etat devenait une évidence, plus la puissance communautaire se mettait<br />
en valeur et soutenait la visibilité mondiale qu’elle pouvait obtenir d’une telle<br />
initiative.<br />
Ce genre de tourisme dans les zones pauvres peut aussi bien permettre<br />
l’empowerment des populations visitées que se limiter à une simple expérience de<br />
voyeurisme : tout dépend finalement de l’approche des TO et de l’attitude des<br />
touristes.<br />
4. Travail bénévole de touristes pour la conservation de la nature ou la<br />
coopération au développement (voluntourism)<br />
Selon Wearing, le tourisme volontaire (volunteer tourism) peut être défini comme<br />
« those tourist who, for various reasons, volunteer in an organized way to<br />
234
undertake holidays that might involve aiding or alleviating the material poverty of<br />
some groups in society, the restoration of certain environments or research into<br />
aspects of society and environment » (2001, p.1).<br />
En décomposant l’expression entre volontariat et tourisme, on peut se faire<br />
clairement une idée sur la signification de l’expression qui combine aussi bien des<br />
activités de volontariat que des visites touristiques plus classiques. En revanche, le<br />
terme volunteering (volontariat) ne mettrait l’accent que sur la seule activité de<br />
volontariat. Ce terme traduit toutes les activités de volontariat classiquement appelés<br />
camps de travail – chantiers internationaux – voyages de découverte – service<br />
learning, qui mettraient l’accent sur l’acquisition d’expériences. Ces volontaires ne se<br />
perçoivent pas du tout comme des touristes.<br />
Dans notre réflexion, il ne nous semble pas nécessaire d’organiser une distinction<br />
entre les deux : ce sont des personnes voyageant à l’étranger pour passer la majorité<br />
de leur temps à faire du volontariat (qu’il y ait activité de tourisme ou non apparaît<br />
secondaire).<br />
Le choix du vocabulaire utilisé pour qualifier ce genre d’expériences n’est pas anodin.<br />
A peine change-t-on la dénomination de « service lerning » par « volunteer<br />
tourism », on peut se permettre de remettre en question l’image positive<br />
habituellement liée au volontariat puisque le mot tourisme suscite automatiquement<br />
débat et remise en question sur son bien-fondé.<br />
Selon Scheyvens (2002, p.111, traduction libre), ce type de tourisme peut être analysé<br />
comme :<br />
235<br />
• utile : offrant une aide constructive aux pays du Sud à travers le transfert de<br />
compétences.<br />
• éducatif : il permet un échange culturel riche, créant des opportunités de<br />
compréhension interculturelle qui ne serait pas atteignable par l’intermédiaire<br />
de voyages conventionnels.<br />
• inoffensif : il laisse libre expression aux désirs altruistes de petits groupes de<br />
touristes.<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
• nocif : engendrant une relation inéquitable qui voit le Nord comme capable de<br />
répondre aux problèmes de développement du Sud. De plus ces personnes ne<br />
sont pas des professionnels du développement et ne peuvent s’improviser dans<br />
ce rôle. La bonne volonté ne peut remplacer le professionnalisme.<br />
Deux types de tourisme humanitaire existent :<br />
- activités de bénévolat en faveur de la conservation de la nature.<br />
- activités de bénévolat dans le domaine de la coopération internationale.<br />
Aide à des projets de conservation de la nature<br />
Ce type de tourisme, environnementalement responsable, (Wearing, 2001) attire des<br />
volontaires souvent motivés par un unique intérêt pour la conservation des espèces<br />
en danger. L’implication des populations locales est très souvent absente dans ces<br />
chantiers de travail.<br />
« A global concern for the environment and the call to « think-globally, act locally»<br />
while lofty and harmless in practice, have a tendency to become a crusade that is<br />
devoided of notions of social justice and a concern for local people’s perceptions »<br />
(Mowforth et Munt 1998, p.181).<br />
Ce type de travail volontaire ne se situe pas au centre de notre étude puisqu’il ne<br />
participerait en rien à l’empowerment des populations locales ; au contraire, il peut<br />
participer au disempowerment des communautés qui n’ont plus le contrôle de leurs<br />
propres ressources naturelles et aucun pouvoir de décision. Avant de s’engager dans<br />
de telles missions écologiques bénévoles, les volontaires devraient trouver les<br />
réponses à ces questions : Les communautés sont-elles informées de l’existence du<br />
camp de travail ? Ont-elles un pouvoir de contrôle sur celui-ci ?<br />
Aide à des projets de développement<br />
Hutnyk est très cynique quant au rôle de ce « tourisme de charité » (Hutnyk, 1996<br />
cité dans Scheyvens 2002, p.113), soulignant le manque de professionnalisme et de<br />
compréhension des thématiques de développement de ces volontaires. Hutnyk<br />
236
conçoit le tourisme volontaire comme une pratique « entrenching inequitable<br />
relationships which see the West as having the answers to the developmental<br />
problems of the Third World, while failing to acknowledge the place of the West in<br />
creating/entrenching such problems, and ignoring the skills, resources and<br />
knowledge of Third World peoples » (Hutnyk, 1996)<br />
Il existe de nombreux types d’acteurs et d’organisateurs de tourisme humanitaire,<br />
dont les motivations et l’éthique peuvent varier de façon notoire. En effet, certaines<br />
organisations (ONG) ont une réelle orientation altruiste et dont l’action répond à des<br />
besoins réels dans les pays du Sud. De nombreuses ONG ne sont pas spécialisés dans<br />
l’offre de tourisme humanitaire mais peuvent proposer une seule destination, dans<br />
leur lieu d’intervention. D’autres acteurs privés, comme les agences de voyage, ont pu<br />
saisir l’opportunité et répondre à la demande naissante.<br />
Une organisation comme Cross-cultural Solutions a l’ambition très idéaliste que les<br />
touristes fourniront des solutions aux problèmes auxquels sont confrontés les pays du<br />
Sud. « give volunteers from all over the world the opportunity to come face to face<br />
with global issues and become part of productive solution ». 17<br />
D’autres organisations possèdent une démarche beaucoup plus bénéfique, à notre<br />
goût, en soulignant le rôle éducatif de tels voyages. Pour Ladakh Farm Project et<br />
Karakol Intercultural Programme, l’objectif de ce type de voyages réside dans la<br />
construction de rapports humains entre des personnes issues de différentes parties<br />
du globe, pour favoriser la compréhension interculturelle dans les deux sens. Ladakh<br />
Farm Project sponsorise des personnes du Sud à voyager au Nord pour démystifier<br />
certains stéréotypes développés par les mass médias et qui ont des effets dévastateurs<br />
au Sud. En se trouvant dans une logique d’échange et non de donneurs de leçons, on<br />
peut vraiment parler d’empowerment.<br />
« A main focus of our work in Ladakh is to provide much-needed information about<br />
the real costs of conventional development. We also work to dispel some of the<br />
myths about life in the West that are so corrosive to cultural and individual self-<br />
17 www.crossculturalsolutions.org/projectindia/ccs.html<br />
237<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
esteem. We sponsor Ladakhi community leaders to come to the West on 'reality<br />
tours', which serve to balance the glamourised image of modern, urban life that is<br />
spread through advertising, television and tourism»<br />
Certains TO proposent des séjours d’une semaine. Une durée aussi courte ne laisse<br />
pas le temps pour apporter une réelle aide. En revanche, il est possible de nouer<br />
d’autres formes de rapports avec la communauté locale muées par des logiques de<br />
solidarité et non seulement de profit. Si le travail bénévole n’est qu’éducatif,<br />
finalement, ne serait-ce pas plus honnête de développer d’autres formes de justice<br />
tourism, sans intégrer de travail de volontariat international ?<br />
Interrogations sur l’utilité du volontariat<br />
Il est difficile de s’assurer que les compétences des touristes et le travail réalisé<br />
réponde aux réels besoins des communautés. Dans de nombreux cas, le travail<br />
volontaire est simplement un prétexte et l’utilité de celui-ci peut être remise en cause.<br />
« The work can probably bel’ done faster if the locals do it themselves, provided they<br />
have the funds to do so » (Entretien à Yin, réalisé par Harng Luh S, 2005).<br />
Si ce type de tourisme est réalisé dans une optique de développement, le tourisme<br />
volontaire ne représenterait pas la meilleure option vu l’inefficacité du travail réalisé.<br />
Cependant ces volontaires travaillant gratuitement et se payant la plupart du temps<br />
tous leurs frais personnels (nourriture, logement,…), même s’ils ne sont pas efficaces<br />
au travail, constituent de toute façon une ressource supplémentaire et n’empêchent<br />
pas l’aide au développement de continuer son travail de façon professionnelle.<br />
Le risque de ce genre d’aide est cependant d’augmenter la dépendance des locaux<br />
envers l’aide extérieure. Entretenir une logique d’assistentialisme est très contreproductif<br />
et facteur de disempowerment des populations locales qui ne sont ensuite<br />
plus capables de prendre leur propre destin en mains (c’est un reproche que l’on peut<br />
faire à l’aide au développement en général).<br />
238
Lorsque les touristes possèdent des comportements inappropriés, les effets de ce<br />
tourisme seront plus négatifs que positifs sur la communauté locale. Un local ayant<br />
reçu un groupe de jeunes volontaires décrit l’expérience de cette façon ; ce sont de<br />
« rich kids who have nothing better to do. They don’t know anything about the<br />
developing world and they are just big guys who think they can develop things in<br />
one month’s time. I don’t like that. They are too spoilt. They are not meant for<br />
Cambodia» (Entretien réalisé par Harng Luh S, 2005).<br />
Si ces voyages sont finalement organisés dans l’unique optique de faire vivre de dures<br />
conditions à des jeunes occidentaux afin qu’ils apprécient dès leur retour, le confort<br />
qu’ils ont chez eux (Yin, 2005), les bénéfices de l’expérience en termes de solidarité et<br />
de compréhension mutuelle seront très réduits.<br />
Pour juger de l’efficacité de ce genre de tourisme en termes d’empowerment des<br />
communautés locales, là encore cela dépendra beaucoup du rôle du touriste et du<br />
comportement de la population locale.<br />
Au-delà du volontariat, un apprentissage de la diversité culturelle<br />
En mettant de côté l’analyse sur l’utilité du volontariat, il est intéressant d’analyser<br />
comment ce genre de tourisme permet de nouer d’autres types de relations avec la<br />
communauté locale. En général, il permet une bien meilleure interaction avec les<br />
locaux qui ne jugent pas et ne rejettent pas ces derniers comme les touristes de<br />
masse.<br />
Selon Harng Luh (2005) qui a mené une étude sur le volontariat de jeunes étudiants<br />
de Singapour en Asie, une relation de compréhension mutuelle peut naître entre<br />
l’hôte et le visiteur. Les premiers se rendraient compte des injustices sociales alors<br />
que les deuxièmes qui n’ont pas la possibilité de voyager pourraient avoir une<br />
ouverture sur le monde et voir que la vie dans les pays développés n’est pas toujours<br />
si facile et diffère de l’image renvoyé par les médias.<br />
« Thus, volunteer tourism has the capacity to forge in-depth and good relationships<br />
between most unlikely people in disparate geographic locales, often belonging to<br />
different ends of the social and wealth spectrum » (Harng Luh S, 2005).<br />
239<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Le tourisme a donc la capacité d’augmenter la compréhension mutuelle, la<br />
communication et donc la tolérance. L’objectif recherché à travers ce volontariat<br />
serait de former de jeunes citoyens responsables, désireux de s’impliquer dans la<br />
résolution de problèmes sociaux, aptes à se transformer en citoyens plus actifs et<br />
engagés.<br />
Le tourisme volontaire doit être présenté comme un échange d’expériences plutôt que<br />
comme une action philanthropique ou de charité. La pitié est destructrice alors que<br />
l’admiration est « empowering »<br />
Ne serait-ce pas plus juste de développer un tourisme responsable plutôt que de<br />
vouloir organiser des volontariats qui peuvent être plus nocifs que positifs pour des<br />
personnes n’ayant pas les compétences nécessaires en matière de développement. Il<br />
semble difficile de penser que l’on puisse s’inventer coopérant d’un jour à l’autre.<br />
Assumer sa position de touriste, qui ne vient pas sauver le monde, mais connaître, ne<br />
serait-il pas intellectuellement et émotionnellement plus honnête ? Nous reviendrons<br />
sur ce thème plus largement dans notre cas d’étude sur le peuple Sahraoui.<br />
Quelle participation des communautés locales ?<br />
Etant donné qu’il n’existe aucune régulation contrôlant le tourisme volontaire,<br />
n’importe qui peut décider de lancer un programme dans une communauté locale.<br />
Cela peut conduire à une multiplication d’initiatives sans coordination entre elles<br />
conduisant à une distribution inégale des ressources. Une planification participative,<br />
impliquant la communauté locale, doit donc être programmée pour que ce tourisme<br />
puisse être bénéfique. McGehee et Andereck (2005), par une étude réalisée sur deux<br />
communautés de Tijuana au Mexique ont montré que l’acceptation de la<br />
communauté locale pour ce genre de tourisme était forte mais que la demande d’une<br />
plus grande participation dans la planification était également un élément essentiel.<br />
80% des sondés ont exprimé leur accord ou profond accord pour améliorer la<br />
participation de la population dans la réception des touristes volontaires. 70% ont<br />
également exprimé leur souhait de développer cette activité et de recevoir plus de<br />
visiteurs.<br />
Conditions pour que le justice tourism remplisse son objectif de<br />
transformation sociale :<br />
240
Cela dépend des motivations des trois acteurs en jeu.<br />
• Si le justice tourism n’est pas programmé dans le respect des besoins des<br />
communautés locales, il est fort probable que le TO (ou ONG) organisateur<br />
impose sa propre vision des choses (risque de disempowerment plus que<br />
d’empowerment).<br />
• Si la communauté locale est motivée pour développer le tourisme pour des<br />
raisons purement économiques, sans prendre en compte la dimension<br />
politico-sociale, il est plus difficile de mettre en route un cercle vertueux<br />
d’empowerment.<br />
• Un autre élément clé est celui des motivations du touriste. Il est impossible<br />
que le tourisme remplisse son rôle d’empowerment des communautés locales<br />
et de transformation sociale si le touriste est essentiellement motivé par the<br />
”thrill of entering a potential conflict zone, rather than any concern for<br />
building solidarity or a commitment to justice issues” (Scheyvens, 2002 p.<br />
117). Dans ce cas de figure, il existe le risque que cette expérience se<br />
transforme en dark tourism, concept développé par Lennon et Folley (1999) ou<br />
Hall (2001). De telles formes de tourisme sont mises en banc d’accusation,<br />
étant motivés par le voyeurisme, promus pour des raisons strictement<br />
économiques et « milking the macabre » (Dan, 1999 cité dans Richter 2002)<br />
plutôt que par un réel désir d’éducation ou de création de liens de solidarité<br />
entre hôtes et visiteurs.<br />
Risques de dérive du justice tourism : dark tourism<br />
Le terme générique de « Dark tourism» ou « thanatourisme » a été inventé en 2002<br />
par Foley et Lennon. Il existe différentes catégories de figure propices à ce « tourisme<br />
sombre « :<br />
- le « tourisme des champs de bataille » comme les plages du débarquement en<br />
Normandie,<br />
- le « tourisme des désastres » que l’on a pu voir se développer à la Nouvelle<br />
Orléans à la suite de l’Ouragan Katrina,<br />
241<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
- le tourisme sur les lieux où des personnes célèbres sont morts (ex : Kennedy)<br />
ou la visite des cimetières.<br />
- le « tourisme des prisons », celle d’Alcatraz étant la plus connue.<br />
- le tourisme de guerre. L’Irak serait la destination à la mode du moment.<br />
Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive, puisque l’étude du tourisme sombre n’en est<br />
qu’à ses balbutiements, mais elle donne une idée de la diversité des phénomènes<br />
qu’elle regroupe. Le dark tourism peut donc être décrit comme la visite de sites qui<br />
sont connectés d’une certaine façon à la mort (champs de bataille, cimetières,<br />
endroits où a eu lieu un crime célèbre,…). Le thanatourisme possèderait la même<br />
signification:<br />
“…travel to a location wholly, or partially, motivated by the desire for actual or<br />
symbolic encounters with death, particularly, but not exclusively…” (1996, p.240).<br />
Les deux concepts ne caractérisent pas la nature de la destination visitée mais les<br />
motifs qui poussent le voyageur à s’y rendre : voyeurisme, recherche de sensations,<br />
etc.<br />
3.2.5. Analyse des motivations des touristes : entre hédonisme<br />
et activisme<br />
Analyser les motivations des touristes nous apparaît central à ce point de la réflexion<br />
puisque celles-ci influenceront le type d’interactions qui se produit entre hôte et<br />
visiteurs et surtout détermineront si le tourisme peut réellement se transformer en<br />
instrument de changement social de par la transformation du touriste en activiste,<br />
après son retour de voyage.<br />
La majorité des auteurs ont analysé le tourisme comme motivé par des raisons<br />
purement égoïstes liées aux loisirs et à la recherche de plaisir (Mowforth et Munt,<br />
2003). C’est d’ailleurs cette idée qui prédomine au sein de l’opinion publique. Les<br />
volontaires internationaux qui partent faire des camps de travail à l’étranger ne se<br />
reconnaissent pas dans l’appellation de touriste volontaire ou humanitaire. Les<br />
touristes alternatifs ne se reconnaitraient pas non plus dans l’appellation de<br />
242
« touriste » et préfèreront sûrement la notion de voyageur pour mettre l’exergue sur<br />
la volonté de connaissances qui motivent leurs voyages.<br />
Nous n’entrerons pas dans le débat de savoir s’il est juste et pertinent de classifier le<br />
volontariat international dans la catégorie tourisme (volunteer tourism). Nous<br />
concevons le tourisme dans son acception la plus large, donnée par l’OMT … Ce qui<br />
nous intéresse avant tout est de voir comment les échanges interculturels (par les<br />
voyages, les rencontres dans des pays étrangers au sien) sont facteur de changement<br />
social.<br />
Après cet aparté qui semblait nécessaire pour recadrer l’objectif de la recherche, il est<br />
nécessaire de retourner sur le thème de la motivation des touristes alternatifs. Si le<br />
touriste est un être mû par l’unique désir de prendre du plaisir par la pratique de<br />
loisirs, il semble difficile que le tourisme puisse jouer un rôle positif en terme de<br />
changement social.<br />
Cependant, comme il l’a été développé par certains auteurs, tous les touristes n’ont<br />
pas comme unique motivation la recherche de plaisir. Premièrement, on peut<br />
souligner qu’il est réducteur imaginer qu’il n’existe qu’une seule motivation poussant<br />
au voyage. Les touristes sont mus par plusieurs motifs au même moment qui<br />
influencent leur décision de voyager (Pearce PL, 1993). De plus, la plupart des<br />
motivations changent au cours du cycle de vie d’une personne.<br />
La classification de Cohen<br />
Selon Cohen, le tourisme n’est pas seulement motivé par la recherche de récréation et<br />
de diversion, ou d’authenticité. Il propose une classification des expériences<br />
touristiques en cinq catégories.<br />
1. Le tourisme de récréation<br />
2. Le tourisme de diversion<br />
3. Le tourisme d’expérience<br />
4. Le tourisme d’expérimentation<br />
5. Le tourisme d’existence<br />
243<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
1. C’est la catégorie la plus classique. Par le voyage, le touriste cherche à se divertir, au<br />
même titre qu’il peut le faire avec d’autres activités telles que le cinéma, la<br />
télévision,… Il recherche par là une sensation de plaisir et de bien-être pour rompre<br />
sa routine et sa vie de travail étouffante et frénétique.<br />
2. Pour ces touristes, voyager a perdu sa dimension récréative : cela procure<br />
simplement une diversion pour se sortir de la routine aliénante de la vie quotidienne.<br />
Le voyage ne procure pas du plaisir mais permet de rendre l’aliénation endurable.<br />
Ces deux premiers types, les plus diffusés, sont associés au tourisme de masse. En<br />
revanche, il existerait d’autres motivations plus profondes chez certains touristes,<br />
notamment les « post-modernes ».<br />
3. L’aliénation et le désenchantement causés par les rythmes de vie de la société<br />
moderne, conduisent certaines personnes à vouloir donner un sens à leur vie. Alors<br />
que les plus radicaux, aspirent à transformer le monde par la révolution, les<br />
alternatifs moins radicaux recherchent à donner du sens dans leur vie, par la<br />
rencontre avec l’autre, c'est-à-dire par le tourisme (MacCannell, 1976, p.3). Ce genre<br />
de touristes cherche à se convaincre qu’ils arrivent à nouer des relations authentiques<br />
en passant outre le « front » pour pénétrer dans le « back » des sociétés hôtes.<br />
4. Le tourisme n’est pas la seule forme d’activité possible dans cette recherche<br />
effrénée de nouvelles expériences : mysticisme, drogue, etc, peuvent servir<br />
d’alternatives. Le touriste expérimental est à la recherche de lui-même et n’est pas<br />
conscient de ce qu’il recherche…<br />
5. Le touriste qui est éternellement en recherche de nouvelles expériences et ne peut<br />
plus se passer de voyager d’un endroit à l’autre, en étant incapable de se fixer dans un<br />
endroit est à classer dans le registre de l’existentiel. Cohen voit en lui la figure du<br />
voyageur.<br />
La catégorisation de Cohen représente une base intéressante sur laquelle appuyer des<br />
analyses sur les expériences touristiques mais elle peut être réélaborée. En mixant les<br />
différentes catégories existantes, il est possible d’expliquer de nouvelles formes<br />
hybrides de tourisme.<br />
244
La classification de Mowforth et Munt<br />
Mowforth et Munt (2003) ont basé leur classification des touristes sur le travail de<br />
Bourdieu. Selon eux, la majorité des touristes alternatifs voyageraient pour acquérir<br />
du capital culturel, qui leur permettrait de se différencier au niveau de leur classe<br />
sociale. Ce ne serait donc pas l’altruisme qui motiverait ces nouveaux touristes<br />
alternatifs. La nouvelle bourgeoisie serait le premier client des produits<br />
écotouristiques, puisque leur capital économique leur permettrait de se payer des<br />
voyages à la carte coûteux, possédant une composante environnementale pour<br />
légitimer leur voyage. L’autre catégorie qu’ils identifient est celle des « égotouristes »<br />
qui sont moins nombreux que les premiers et cherchent à définir leur individualité en<br />
pratiquant d’autres manières de faire du tourisme.<br />
En suivant cette logique de classification de Bourdieu, il est possible d’identifier deux<br />
types de touristes (Wrelton, 2006):<br />
- les « CV builders » (les jeunes souhaitant enrichir leur CV) qui sont de jeunes<br />
gens qui utilisent le tourisme comme moyen pour se construire un capital<br />
culturel. Ils ont globalement des expériences d’assez long terme et voyagent<br />
en tant que touristes indépendants ou touristes volontaires (volunteer<br />
tourists).<br />
- Les « nouveaux intellectuels » qui légitiment leur expérience de voyage à<br />
travers l’ajout d’aspects éducationnels.<br />
Cette critique de Mowforth et Munt sur les motivations non altruistes des touristes<br />
alternatifs est à relativiser et replacer dans un débat plus large sur<br />
altruisme/égoïsme. L’auteure postule que même les plus grandes figures historiques<br />
qui ont finalement sacrifiées leur vie pour un idéal, dans un intérêt collectif étaient<br />
mues non seulement par des motivations altruistes mais aussi égoïstes. Lorsqu’une<br />
personne fait un choix personnel de travailler dans la coopération au développement,<br />
de faire du volontariat, où n’importe quelque mission sociale servant l’intérêt général,<br />
elle fait ce choix avant tout parce que cela donne un sens à sa vie, parce que cela la<br />
rend heureuse, dans une optique purement individuelle. Cet aparté ne vise en rien à<br />
minimiser le rôle de ces personnes mais seulement à remettre en doute la pertinence<br />
de la dichotomie altruisme/égoïsme. Les motivations portant à n’importe quelle prise<br />
245<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
de décision sont complexes et ne peuvent être jugées de façon manichéenne selon un<br />
axe égoïsme/altruisme.<br />
Mowforth et Munt, de par leur analyse sur la typologie des touristes alternatifs<br />
mettent le doigt sur un élément intéressant pour notre réflexion : ces touristes<br />
alternatifs occidentaux représentent en quelque sorte des formeurs d’opinions dans<br />
leurs pays (classe sociale élevée ou jeunesse formée). Cela signifierait donc qu’ils ont<br />
le potentiel pour être de forts vecteurs de transformation sociale grâce à leur capital<br />
social, à leurs réseaux et à la position qu’ils occupent dans la société.<br />
3.3. Le tourisme comme instrument d’empowerment<br />
politique : un nouveau modèle de développement<br />
dans un monde globalisé<br />
L’objectif que nous proposons dans cette partie est de se focaliser sur le rôle<br />
sociopolitique du tourisme dans le cadre d’un modèle de développement au sein d’un<br />
monde globalisé. Dans ce contexte, nous proposons un modèle d’empowerment pour<br />
les communautés locales marginalisées, visant à élargir leur autonomie politique et<br />
leur pouvoir de négociation à l’échelle nationale, en grade de leur fournir une plus<br />
grande liberté et autonomie dans la gestion de leur propre choix de développement.<br />
Le modèle étudie les nouvelles opportunités que le tourisme peut offrir, en<br />
développant les aspects politiques, économiques et de visibilité médiatique. Ce<br />
graphique a pour objectif de synthétiser toutes les réflexions développées jusqu’alors<br />
sous forme de schéma.<br />
3.3.1 Globalisation et création de nouveaux espaces d’actions à<br />
l’échelle locale<br />
L’innovation que nous proposons d’intégrer dans ce schéma est de recontextualiser le<br />
tourisme à l’heure d’aujourd’hui, c’est-à-dire dans un contexte de globalisation. Pour<br />
ce, il est nécessaire de définir ce concept et de s’affronter au démantèlement de<br />
nombreuses idées reçues.<br />
246
La globalisation est au centre de toutes les discussions, en passant des bavardages de<br />
comptoirs où elle vient, diabolisée, aux réunions de l’OMC où les opportunités<br />
commerciales tentent d’être maximisées. Elle est souvent représentée comme une<br />
sorte de force surhumaine, volonté de dieux démiurges, qui agirait indépendamment<br />
des pratiques des acteurs sociaux (Mato., 2007). Les relations Nord-Sud restent<br />
encore marquées par un imaginaire lié aux événements conflictuels (guerres,<br />
esclavagisme, inégalités économiques, etc.) et au traumatisme de la colonisation<br />
(Laïdi Z, 2002). Aussi la mondialisation évoque-t-elle encore une idée de domination,<br />
de manipulation, de ruse des pays riches : l’imaginaire du complot est vivace dans<br />
certains esprits : la mondialisation serait une conspiration de Wall Street et du FMI<br />
pour faire main basse sur la planète. La mondialisation est souvent vécue, ou associée<br />
par beaucoup à une destruction sociétale. La sphère de l’économie irait en<br />
s’autonomisant de plus en plus, s’affranchissant ainsi du cadre fermé de l’Etat Nation<br />
classique et entrant en conflit avec les autres sphères, (notamment le politique,<br />
l’esthétique, etc.) indiquées par Weber.<br />
La globalisation sera conçue comme « l'intensification des relations sociales<br />
mondiales qui relient les localités lointaines, en faisant en sorte que les événements<br />
locaux soient modelés par les événements qui se vérifient des milliers de kilomètres<br />
plus loin et vice-versa ». (Giddens, 2001).<br />
Les « processus de globalisation » étant loin d’être récents, il est légitime de se<br />
demander pourquoi ils ont acquis une importance prépondérante au sein du débat<br />
public international. Ce qui distingue la globalisation aujourd’hui des évènements<br />
globaux historiques est la vitesse et l’intensité des mouvements du capital, du travail<br />
et de la technologie à travers le monde. De plus, la globalisation est assimilée à<br />
l’imposition d’un modèle économique néolibéral avec pour corollaire son lot<br />
d’impacts négatifs sur les sociétés locales : accroissement de l’inégale répartition des<br />
richesses, imposition d’un modèle hégémonique culturel consumériste, acculturation,<br />
augmentation de la pauvreté…<br />
De nombreux mouvements sociaux au niveau mondial disent s’opposer à la<br />
globalisation. Selon Jackson R, « Strategies to oppose globalisation, including<br />
alternative models of economic development, have been formultaed by the<br />
247<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
International Forum on Globalization (2002) » Cette opposition focalise un intérêt<br />
croissant qui transcende les frontières nationales et les groupes d’intérêts dans un<br />
mouvement qui peut être appelé globalisation par le bas (Brecher et al, 2000).<br />
L’erreur commune qui se retrouve chez Jackson et est omniprésente au sein de<br />
l’opinion publique est de définir ce type de mouvements comme « no-global » ou<br />
opposés à la globalisation. Hors ces nouveaux types de mouvements sociaux<br />
émergent justement des processus de globalisation et de mises en réseau<br />
transnationaux entre les différentes sociétés civiles. Ils ne s’opposeraient pas à la<br />
globalisation mais chercheraient simplement à proposer d’autres alternatives de<br />
globalisation : c'est-à-dire une globalisation par le bas, une globalisation non<br />
seulement économique (imposition d’un modèle néo-libéral) mais qui prône la<br />
diversité culturelle.<br />
Mais la globalisation serait-elle un phénomène exclusivement négatif ? En réalité,<br />
comme tout phénomène complexe, il implique des risques mais aussi l’émergence de<br />
nouvelles opportunités, très souvent sous-estimées ou reléguées au second plan. La<br />
globalisation représente un ensemble complexe de processus qui opèrent de façon<br />
contradictoire et antagonique : libéralisme vs protectionnisme, globalisation vs<br />
régionalisation, homogénéisation vs diversité,… Cependant ce processus ne serait pas<br />
univoque et dominé par une logique uniquement économique. Il existe de multiples<br />
formes de mondialisation (politique, culturelle, commerciale, juridique, scientifique,<br />
médiatique notamment), guidées chacune par leurs lois internes.<br />
En effet, les communautés locales marginalisées doivent s’adapter à la réalité de ce<br />
nouveau contexte global et en tirer profit pour sortir des logiques perverses de<br />
paupérisation et marginalisation dans lesquelles elles sont immergées. Giddens<br />
considère la globalisation comme une force positive qui a le potentiel d’avoir un effet<br />
démocratisant notamment grâce à l’émergence de nouveaux mouvements sociaux<br />
globaux et grâce à la diffusion de nouvelles technologies capables de créer de<br />
nouvelles sphères publiques au niveau global (Lewandowski, 2003). A l’intérieur de<br />
ce contexte, il apparaît pertinent de s’interroger sur le rôle du tourisme, activité<br />
globalisatrice par excellence, et ses implications sur la pauvreté. L’objectif que nous<br />
nous proposons est de nous focaliser sur le rôle sociopolitique du tourisme dans le<br />
248
cadre d’un modèle de développement politique, social et économique au sein d’un<br />
monde globalisé.<br />
La globalisation renvoie de plus en plus à une implosion ethnique ou communautaire<br />
des nations et des pays, c’est l’alliance inattendue du local et du global qui se dessine<br />
ainsi par delà les Etats. Une globalisation vernaculaire (Arjun Appadurai), ou un<br />
« ethnisme » global (Georges Corm), s’annoncent comme les nouvelles idéologies<br />
mondiales.<br />
Le territoire : une perte de sens ?<br />
« L'ancrage identitaire n'est plus territorial, il est symbolique et réticulaire. C'est<br />
l'appartenance à un réseau qui prime sur l'inscription dans un espace juridicoétatique<br />
». (Appadurai, 2002)<br />
Nous postulons que la multiplication des réseaux transnationaux ne s’impose pas à<br />
l’ancrage identitaire basé sur un territoire. Au contraire, les communautés locales qui<br />
revendiquent une identité fortement liée à leur territoire utilisent les réseaux<br />
transnationaux pour défendre ce dernier. Le territoire reste alors un espace en<br />
perpétuel questionnement en relation avec l’extérieur. De façon concrète,<br />
l’articulation entre le local et le global peut sembler difficile mais finalement, tout ceci<br />
aboutit à une nouvelle méthode, voire une nouvelle école de pensée dont les<br />
fondements peuvent se résumer simplement (Calame P) :<br />
*halte au cloisonnement.<br />
*place à l’expérience de chaque territoire acteur.<br />
*importance de la gestion de la communication.<br />
*inscription dans la relation internationale.<br />
Le territoire est loin d’être un simple lieu géographique délimité. En effet, le territoire<br />
est le lieu où les relations se nouent entre les différents partenaires et où les réseaux<br />
se créent afin d’agir ensemble. Ce territoire devient donc un acteur à part entière de la<br />
mondialisation.<br />
249<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
La gestion des ressources selon des méthodes décidées localement est souvent plus<br />
optimale que les méthodes de gestion préconisées par le marché mondial. C’est donc<br />
entre autre par la mise en réseaux de ces initiatives locales qu’il est possible de vivre<br />
ensemble dans la diversité.<br />
La thèse défendue par Calame est que le territoire local est la brique de base de la<br />
gouvernance, car l’édifice se construit du local au global. Il faut penser à partir du<br />
local pour être capable d’analyser et de trouver des solutions au modèle actuel de<br />
développement, et ainsi faire évoluer la gouvernance territoriale. La globalisation par<br />
le bas, crée de nouvelles pressions pour l’autonomie locale. La globalisation ne se<br />
limite pas seulement à retirer du pouvoir ou de l’influence aux communautés locales<br />
et nations pour le transférer à l’arène globale mais il existe également l’effet opposé.<br />
« Les nationalismes locaux jaillissent comme réponse aux tendances globalisantes, à<br />
mesure que la domination des anciens Etats nations s’affaiblit » (Traduction libre,<br />
Giddens 2000 : 23).<br />
Globalisation et identité<br />
L’identité nationale subit une transformation dans ce processus : elle ne se substitue<br />
pas par une identité transnationale mais mue par une intégration réciproque entre<br />
ces deux réalités.<br />
McCarthy (1997) souligne que les identités transnationales peuvent se former grâce<br />
au processus d’intégration globale favorisant les contacts personnels et la<br />
communication. Ces contacts peuvent, loin de mettre à risque les identités<br />
nationalistes, régionalistes ou communautaires, les renforcer. Il relie l’identité<br />
transnationale à l’activisme transnational.<br />
Giddens affirme que « l’idée selon laquelle la tradition est imperméable au<br />
changement est un mythe. Les traditions évoluent au cours du temps, mais peuvent<br />
également être altérées ou transformées de façon assez rapide. Si je peux m’exprimer<br />
de la sorte, je dirai qu’elles sont inventées et réinventées » (Traduction libre, Giddens<br />
(2000 :51) cité in Dias, 2003 : 107).<br />
250
Contrairement au sens commun, l’exposition des cultures locales au phénomène de<br />
globalisation peut permettre un renforcement de l’identité culturelle, en ayant<br />
recours à des manifestations folkloriques, la communauté réinterprète et renforce sa<br />
tradition historique, résistant au processus d’assimilation de la culture du voyageur.<br />
(Dias, 2007 : 111)<br />
La « double logique de l’innovation issue de l’interaction entre dynamique locale et<br />
logique globale, loin de signaler la fin des territoires ou leur occidentalisation,<br />
poserait comme centrale une stratégie interculturelle facteur de changement social,<br />
renouvelant la problématique réductrice de la déstructuration des sociétés d’accueil<br />
par le tourisme » (Volle, 2005, p.17) Cette dynamique locale se situe entre une longue<br />
tradition de résistance et de contact avec le monde extérieur et les logiques<br />
dominantes.<br />
Globalisation<br />
différenciation<br />
et effets sur les cultures : homogénéisation /<br />
La globalisation est très souvent représentée comme une force d’homogénéisation<br />
culturelle : c’est le scénario le plus diffus au sein de l’opinion publique internationale.<br />
Elle serait perçue comme une occidentalisation déguisée ou une américanisation du<br />
monde. Il est incontestable que dans tous les pays, développés comme en<br />
développement, on assiste à une standardisation croissante, les chaînes<br />
internationales d’hôtellerie, de restauration et de commerce prenant apparemment<br />
de plus en plus le pas sur les entreprises nationales et locales pour imposer leurs<br />
propres critères de qualité. En réalité, la production culturelle globale ne se limite pas<br />
à l’imposition et l’exportation de la culture déterminée d’un pays. La globalisation<br />
suscite des processus de réappropriation.<br />
Finalement, la globalisation ne peut être analysée de façon dichotomique : ou elle<br />
engendre une homogénéisation ou elle favorise la diversité culturelle. La diffusion de<br />
valeurs globales provoque différents types de réactions au sein des communautés<br />
locales qui passent du rejet à l’incorporation de nouveaux us et coutumes. Il existe<br />
deux processus opposés et simultanés qui sont la disparition d’anciennes cultures<br />
251<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
d’un côté et la consolidation de certaines d’un autre, après une confrontation à<br />
l’altérité.<br />
En d’autres termes, les échanges entre cultures ne sont pas seulement utilitaires, ils<br />
drainent aussi toute une dimension symbolique de reconnaissance mutuelle. On le<br />
voit clairement dans les revendications de « reconnaissance culturelle » de diasporas<br />
ou de minorités au sein des sociétés globales, notamment occidentales. Ce<br />
phénomène est-il un premier indice d’une demande universelle, et donc les prémices<br />
d’une société civile mondiale en construction ? L’amorce d’une future<br />
« gouvernance » mondiale ? Rien n’empêche de penser que cela en constitue les<br />
origines.<br />
Vers l’émergence d’une société civile internationale apte à proposer un<br />
modèle alternatif de développement ?<br />
L’usage très large du terme de société civile fait de celui-ci un instrument privilégié<br />
du discours politique. Appelé à l’aide tout autant au sein des courants de pensées<br />
néolibérales que des mouvements marxistes, ce concept englobe une multiplicité de<br />
sens et de niveaux de compréhension parfois contradictoires. La société civile se<br />
démarque d’un côté de la sphère Etatique, et de l’autre de la sphère « privée »,<br />
familiale et des liens de la communauté locale.<br />
Un élément prédominant dans la conception occidentale moderne de la société civile,<br />
et ce notamment depuis la fin de l’ère communiste, est son rôle affiché de<br />
«contestation» vis-à-vis de l’Etat. La société civile est alors conçue comme une<br />
structure de pouvoir alternative, parallèle à l’Etat, cherchant à mettre en place une<br />
nouvelle légitimité du pouvoir.<br />
Nouvelle forme de « partenariat » des politiques publiques, pilier des politiques de<br />
« bonne gouvernance », nouvel interlocuteur de la communauté internationale, les<br />
organisations de la société civile sont ainsi placées au centre du jeu politique des pays<br />
du Sud.<br />
252
Culture globale<br />
Edgar Morin (2002) soutient la possibilité de la construction d’une société globale<br />
qui représente une culture planétaire. Selon lui, il existe une civilisation mondiale, en<br />
dehors de la civilisation occidentale, qui développe une rencontre interactive entre les<br />
sciences, les techniques, l’industrie, le capitalisme et qui comporte un certain nombre<br />
de valeurs standardisées. En même temps, cette culture comporte de multiples<br />
cultures en son sein puisque chaque société génère sa culture propre.<br />
De nombreuses communautés transnationales voient le jour pour soutenir des<br />
intérêts communs, à partir de similitudes culturelles ou sociales. La mise en réseau de<br />
différents groupes locaux, qui se mettent en contact avec d’autres groupes de régions<br />
et pays différents, est rendu possible par l’existence d’un paramètre de contact qui est<br />
le partage d’une culture globale.<br />
La culture globale émergente se constitue de catégories et modèles universaux dans<br />
lesquelles les différences culturelles deviennent intelligibles et comparables. Même si<br />
ce modèle et ces valeurs ont une origine occidentale, les personnes du monde entier<br />
se les réapproprient, et les utilisent pour exprimer leurs propres objectifs. Les<br />
personnes du monde entier, en Bolivie, en Suisse ou en Chine peuvent discuter sur<br />
l’importance des droits de l’homme. L’existence d’une culture globale, c'est-à-dire<br />
d’un point de contact avec l’autre donne la possibilité de se confronter et d’échanger<br />
sur des visions différentes du monde.<br />
3.3.2. Le tourisme comme instrument politique dans les<br />
temps de globalisation<br />
Tourisme, empowerment et recherche de visibilité<br />
Kotler (1999) soutient que la recherche de visibilité des populations indigènes à<br />
travers le tourisme est une des conséquences des pressions qu’elles subissent de la<br />
part d’entreprises forestières, pétrolières, minières pour l’utilisation de leur territoire.<br />
La croissance démographique, l’extension des frontières agricoles (exploitation de<br />
l’élevage bovin et surexploitation de la pêche), l’extraction d’hydrocarbures, de<br />
253<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
essources forestières et minières, la surexploitation du tourisme de masse et la<br />
création d’infrastructures nationales et transnationales ont augmenté les pressions<br />
sur les territoires et les économies indigènes. Ces pressions pour l’exploitation de<br />
leurs terres ont engendré l’appauvrissement de leur qualité de vie et la détérioration<br />
de leurs ressources, gérées auparavant de façon durable. Dans certains cas, la<br />
création d’aires protégées ou de parc nationaux a impliqué l’imposition de limites<br />
d’accès aux ressources naturelles des communautés indigènes et a même provoqué<br />
leur déplacement forcé.<br />
Il existe plusieurs moyens pour obtenir la propriété d’une terre : la prescription, la<br />
cession ou le transfert, la conquête ou l’occupation d’une terra nullius. La dernière<br />
modalité nous importe particulièrement puisque l’occupation touristique d’une terra<br />
nullius peut permettre d’acquérir un titre de propriété. Le tourisme est actuellement<br />
utilisé pour soutenir des revendications territoriales dans différents endroits du globe<br />
(activités touristiques dans l’Antarctique promues par l’argentine,…)<br />
Le tourisme peut renforcer la capacité de la communauté à gérer le conflit terrien<br />
faces aux acteurs qui représentent le pouvoir économique local. Le marketing de la<br />
visibilité promu par les projets de tourisme communautaire possède certains objectifs<br />
aussi bien économiques que politiques : défense des terres, nouveaux revenus,<br />
gestion des ressources naturelles…<br />
Selon Chase Smith (1995, 2002), les projets d’alternative économique sont crées par<br />
les communautés afin d’acquérir un majeur contrôle et accès à leurs territoires et<br />
ressources naturelles face à la pression de différents acteurs sociaux. La logique<br />
économique ne rentrerait qu’en second lieu.<br />
Il est important de mentionner le rôle que le tourisme a pu recouvrir pour certaines<br />
communautés indigènes, traditionnellement marginalisées par leurs Etats Nations et<br />
qui ne possédaient aucun pouvoir de négociation avec le gouvernement national. Le<br />
tourisme leur a permis de construire une alternative de développement et de les sortir<br />
de la marginalisation dans laquelle elles étaient plongées.<br />
254
Du local au global : de nouvelles marges d’actions<br />
Actuellement, la conscience de vivre dans un monde globalisé s’amplifie et un<br />
nombre croissant d’acteurs au niveau planétaire développe ses pratiques sociales<br />
dans ce cadre. Par exemple, la « conscience de la globalisation » (Mato, 2007) a<br />
particulièrement influencé les agissements politiques des communautés indigènes<br />
qui ont choisi de construire leur identité indigène au niveau transnational, comme<br />
stratégie politique (Russo, 2007).<br />
Lors des dernières décennies, ont été adoptés au niveau national et international, des<br />
cadres législatifs reconnaissant des droits spécifiques aux populations indigènes. De<br />
par un fort lobbying international, les populations autochtones ont réussi à légitimer<br />
leurs revendications d’autonomie face aux Etats, en faisant reconnaître leurs droits<br />
au sein de différents textes juridiques internationaux. La Convention 169 de<br />
l’Organisation Internationale du Travail (1989) reconnaît les populations autochtones<br />
comme des peuples avec des droits collectifs. Le projet de déclaration universelle sur<br />
le droit des peuples autochtones, élaboré par les Nations Unies porte sur les droits au<br />
territoire, au développement économique, à l’éducation, à la langue, à la culture, à la<br />
libre organisation et détermination.<br />
Bien que ces instruments se situent dans le droit international consensuel, c’est-àdire<br />
n’ayant aucune force d’imposition sur les Etats (Rouland, 1999), ils ont constitué<br />
une force de lobbying à même de convaincre certains Etats à réviser leur législation et<br />
accorder certains des droits revendiqués.<br />
Les organisations indiennes ont appris à se renforcer politiquement, sans se couper<br />
du monde, en nouant des relations supranationales pour faire reconnaître leurs<br />
droits, négligeant même parfois l’échelon national marqué par des relations<br />
décevantes (Volle, p.27) Le cas de la Confédération des Organisations Indigènes du<br />
Bassin Amazonien (COICA), qui regroupent neuf pays, symbolise la nouvelle<br />
dynamique qui va du local au global et vice-versa, à l’appui d’un réseau de relations<br />
multi scalaires. Elle s’est notamment illustrée au niveau international par ses<br />
démarches auprès de la Banque Mondiale afin d’obtenir un droit de regard sur tout<br />
projet affectant l’Amazonie. Certains projets touristiques amérindiens ont pour<br />
premier objectif de rencontrer des alliés à leurs revendications. « Il s’agit donc de<br />
255<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
tisser un réseau à l’échelle de la planète pour faire pression sur les gouvernements<br />
nationaux pour que soient reconnus leurs droits et leur capacité de gestion des<br />
territoires ». (Volle, p.26)<br />
En fait, les communautés indigènes représentent l’exemple parfait de minorités qui<br />
ont échoué à s’affirmer dans l’espace national, provoquant leur marginalisation.<br />
L’absence de possibilités de négociation avec le niveau national les a poussées à<br />
chercher d’autres voies pour protéger leurs droits menacés et pour obtenir leur<br />
propre affirmation. Lorsque le modèle de référence était l’échelon national, les<br />
communautés se trouvaient dans une isolation, une impasse conduisant à<br />
marginalisation et pauvreté, pouvant déboucher dans des cas extrêmes jusqu’à la<br />
lutte armée. Maintenant que les processus de globalisation ont affaibli les Etats, de<br />
nouvelles marges de manœuvre semblent s’ouvrir pour répondre à des problèmes<br />
anciens. La mise en réseau de réalités distinctes et de mouvements sociaux au niveau<br />
planétaire a permis la constitution de réseaux transnationaux capables de sortir les<br />
communautés de l’isolation.<br />
Il est intéressant de noter comment des populations locales marginalisées se sont<br />
crées un espace d’action au niveau global en s’appropriant des logiques<br />
universalisantes. Aurélie Volle parle de « branchement » 18 d’une dynamique locale<br />
amérindienne sur un courant de pensée universalisant qui est celui du<br />
développement durable. (Volle A., p .28 à 33). Elles ont incorporé ce discours très à la<br />
mode dans le monde occidental, pour légitimer les droits ancestraux sur leurs terres,<br />
promouvoir leur cosmovision et mobiliser l’opinion publique à leurs causes. Les<br />
organisations indigènes ont appris que les relations transnationales pouvaient<br />
améliorer leur pouvoir de négociation avec les gouvernements nationaux.<br />
« Paradojicamente, lo que los indigenas y nuestras organizaciones habiamos<br />
planteado a nuestros gobiernos, en cada uno de los paises amazonicos, tuvo que<br />
esperar a ser dicho en inglés » (COICA, 1989 In Mato, 2007).<br />
18 L’idée de « branchement » est empruntée à J.L Amselle (2001) qui explique « en recourant à la métaphore<br />
électrique ou informatique du branchement, c’est-à-dire à delle d’une dérivation de signifiés particularistes par<br />
rapport à un réseau de signifiants planétaires, on parvient à se démarquer de l’approche qui consiste à voir<br />
dans notre monde globalisé le produit d’un mélange de cultures vues elles-mêmes comme des univers<br />
étanches, et à mettre au centre de la réflexion l’idée de triangulation, c’est-à-dire le recours à un élément tiers<br />
pour fondre sa propre identité. » in Anthropologie de l’universalité des cultures, Paris, Flammarion.<br />
256
Se « brancher » n’engendrerait en rien un risque d’acculturation mais permettrait de<br />
profiter d’une opportunité extérieure pour renforcer son identité au niveau interne et<br />
trouver du soutien. Le tourisme, activité occidentale par excellence exogène, peut être<br />
réapproprié par les communautés locales grâce à cette logique du branchement et du<br />
partage d’une éthique. Se « brancher » permettrait de profiter d’une opportunité<br />
extérieure pour renforcer son identité au niveau interne et trouver du soutien.<br />
Indigènes qui profitent de la rhétorique du développement durable et<br />
l’intègrent dans le discours politique<br />
L’émergence du paradigme du développement durable (CNUCED 1987) a entériné le<br />
rôle de la diversité culturelle comme partie intégrante du concept de biodiversité<br />
(Nations Unies, 1993) proclamé dans la Convention sur la diversité biologique.<br />
L’importance du rôle des populations indigènes comme symbole de diversité et la<br />
prépondérance de leurs connaissances utiles dans la gestion de l’environnement ont<br />
ainsi été reconnues. Cette reconnaissance officielle leur a donné une nouvelle<br />
légitimité et un nouveau rôle sur la scène globale.<br />
Les populations indigènes peuvent profiter d’une nouvelle opportunité avec le<br />
tourisme puisque les tendances mondiales du tourisme indiquent un intérêt croissant<br />
envers la connaissance de cultures ancestrales, fournissant un enrichissement<br />
spirituel permettant aux touristes de sortir de la charge matérialiste du monde dans<br />
lequel ils vivent.<br />
Comment le tourisme, activité occidentale par excellence totalement exogène à<br />
l’origine aux communautés amérindiennes, est-il réapproprié comme nouvelle<br />
activité amérindienne ? La réalisation d’initiatives touristiques indigènes ne signifie<br />
pas que ces populations acceptent l’idéologie du système dominant. « Au contraire,<br />
l’affirmation de leur particularité culturelle et de leur éthique touristique montrent<br />
que l’enjeu économique est moins important que les enjeux socioculturels et<br />
politiques » (Volle, p.31)<br />
257<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
3.3.3. Explications du modèle : le tourisme comme facteur d’empowerment dans un monde globalisé<br />
Figure 9 : Le tourisme communautaire comme instrument de développement politico-social : un modèle d’empowerment dans un monde global.<br />
ASPECTS PSYCHOLOGIQUES<br />
CONTROLE<br />
CULTUREL<br />
ESTIME DE SOI<br />
REAPPROPRIATION<br />
DE LA CULTURE<br />
ETHNODEVELOPPEM ENT<br />
POSSIBLE<br />
STRUCTURATION SOCIALE<br />
EVENEMENTS<br />
PRODUCTIFS ISOLES<br />
CROISSANCE<br />
ASPECTS ÉCONOMIQUES<br />
CAPACITÉ DE GÉNÉRER DES REVENUS<br />
artisanat<br />
ACTIVITÉS INTÉGRÉES<br />
TOURISME<br />
TERRITOIRE<br />
IDENTITÉ<br />
a c tiv ité s<br />
connexe<br />
s trans po<br />
t t<br />
EFFET<br />
M ULTIPLICA TEUR<br />
agri‐<br />
culture<br />
DÉVELOPPEMENT LOCAL ÉCONOMIQUE<br />
LIBERTÉ ET AUTONOMIE DANS LES<br />
CHOIX DE DÉVELOPPEMENT<br />
ASPECTS POLITIQUES<br />
CAPACITÉ À ORGANISER LES RESSOURCES<br />
CON<strong>DI</strong>TION<br />
IN<strong>DI</strong>SPENSABLE<br />
MOBILISATION DES RESSOURCES EN<br />
VUE D'UN OBJECTIF COLLECTIF<br />
DEVELOPPEMENT LOCAL POLITIQUE<br />
MISE EN RÉSEAU TRANSNATIONALE<br />
GRACE AU TOURISME<br />
AUGMENTATION DU POUVOIR<br />
DE NÉGOCIATION<br />
EMPOWERMENT POLITIQUE<br />
CULTURE<br />
ASPECTS SOCIAUX<br />
COHESION DU GROUPE<br />
PRESENCE DE<br />
STRUCTURES<br />
ORGANISATIONNELLES ET<br />
SOCIALES<br />
RE<strong>DI</strong>STRIBUTION DES<br />
BENEFICES AU SEIN DE LA<br />
COMMUNAUTE<br />
JUSTICE TOURISM<br />
valeur ajoutée<br />
EMPOWERMENT 1<br />
CERCLE VERTUEUX<br />
D'EM POWERM ENT ENDOGENE<br />
EMPOWERMENT 2<br />
CERCLE VERTUEUX<br />
D'EM POWERM ENT EXOGENE<br />
EMPOWERMENT 3
A la base du modèle, on note la présence d’une communauté locale c’est-à-dire<br />
d’une société au sens sociologique du terme qui est caractérisée par une culture, une<br />
structuration sociale et donc une identité spécifique. Avant de proposer une<br />
explication de ce modèle, il est nécessaire de poser quelques définitions des notions<br />
précitées, nécessaires à la compréhension du graphique.<br />
La culture serait définie comme l’ensemble des modes de vie et des valeurs présents<br />
à l’intérieur d’une société (personnes ou groupe de personnes). Elle « doit être<br />
considérée comme un ensemble de signes distinctifs, spirituels, matériels,<br />
intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social et qui<br />
englobent, outre l’art et la littérature, les modes de vie, les façons de vivre ensemble,<br />
les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances » (UNESCO 2001).<br />
Loin d’être statiques et autoréférentielles, les cultures sont fluides et se redéfinissent<br />
constamment selon les influences du monde extérieur. C’est ainsi que, citant Wolf,<br />
nous pouvons affirmer que le défi en tant que chercheur est de dépasser les visions<br />
essentialistes des cultures pour comprendre comment les protagonistes combinent<br />
des pratiques anciennes et des configurations nouvelles constamment rénovées dans<br />
ce processus de résistance et d’intégration à la société globale (Carter et Beeton,<br />
2003). Il en résulte que l’identité ethnique n’est pas une reproduction infinie mais un<br />
processus, une valeur relationnelle « attribuée socialement, maintenu socialement et<br />
transformé socialement » (Berger et Luckman, 1995).<br />
Nous nous contenterons d’affirmer que la construction sociale de l’identité est<br />
soumise aux influences extérieures, sans émettre de jugement de valeur sur cette<br />
réalité. Les populations indigènes ont par exemple utilisé des recours « non<br />
traditionnels » comme l’usage de la langue nationale, de nouvelles formes<br />
d’organisation politiques transnationales pour renforcer leur processus<br />
d’empowerment et leurs identités.<br />
La structuration sociale, fortement corrélée à la culture, représente un système<br />
d’interrelations qui unissent les individus présents dans une société. Aucune culture<br />
ne pourrait exister sans une société et aucune société ne pourrait exister sans une<br />
culture (Giddens, 1989).<br />
259<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Pour finir, l’identité est un concept fortement lié à celui de culture. La communauté<br />
locale se situe sur un territoire géographiquement déterminé, qui ne se limite pas à<br />
un simple espace topographique mais qui est considéré comme un espace socialisé<br />
par l’homme sur lequel la communauté résidente réalise l’ensemble de ses activités.<br />
Le territoire synthétise l’histoire des relations instaurées entre l’homme et la nature ;<br />
il constitue une « réordination » de l’espace dont l’ordre est à chercher dans les<br />
systèmes informationnels dont dispose l’homme en tant qu’appartenant à une<br />
culture. La société locale et le territoire ne représentent qu’une partie du cadre<br />
puisqu’ils doivent se confronter au monde extérieur, et ce encore plus dans un monde<br />
globalisé comme celui actuel. De telles influences avec le monde externe auront des<br />
incidences sur la dynamique et sur le développement des communautés locales.<br />
L’ensemble des éléments décrits jusqu’alors permettent de définir de façon<br />
synthétique une communauté locale. Cette dernière dispose, au départ, d’une certaine<br />
dotation en ressources économiques, politiques, etc. qui détermineront l’ampleur des<br />
capacités décisionnelles dont elle dispose. Pour développer ce concept et proposer<br />
une dimension analytique, nous aurons recours au concept d’empowerment, qui peut<br />
être décomposé en quatre dimensions : sociale, culturelle, politique et économique.<br />
La dimension sociale se concrétise lorsque le tourisme favorise la cohésion de la<br />
communauté (Scheyvens, 2000). Cet aspect est important puisqu’il permet d’étendre<br />
le processus d’empowerment au-delà du cercle individuel, c’est-à-dire à l’ensemble de<br />
la communauté. L’empowerment peut être défini comme un processus qui permet<br />
aux communautés locales de décider elles-mêmes des stratégies de développement<br />
qu’elles souhaitent adopter.<br />
A la base de notre modèle vertueux, nous partons du principe que les communautés<br />
locales sont parties prenantes et possèdent une capacité de contrôle sur le<br />
développement du tourisme ; peu importe si la volonté de s’ouvrir au tourisme ait<br />
émergée au sein de la communauté (existence d’un leader ou décision collective) ou<br />
que celle-ci provienne de l’extérieur (Etat, ONG, opérateur touristique) et ait été<br />
appropriée par la communauté dans un second temps. L’étude de cas de 5 projets<br />
écotouristiques dans des zones amazoniennes nous a démontré que, des projets dont<br />
l’initiative de l’action incombe à un agent extérieur, approprié seulement dans un<br />
second temps par la communauté locale, peuvent montrer de bons résultats en<br />
termes d’empowerment.<br />
260
Dans le modèle proposé, le tourisme n’agit pas comme catalyseur du processus<br />
d’empowerment ; il a un rôle de renforcement du processus. La communauté part<br />
d’un niveau d’empowerment donné qui est représenté dans le graphique comme<br />
niveau d’ « empowerment 1 ». Au centre de la réflexion, nous nous interrogeons sur<br />
la possibilité d’augmenter le niveau de départ dans le but de garantir aux<br />
communautés locales de majeures espaces décisionnels. Dans notre analyse, nous<br />
nous concentrerons plus sur les aspects économiques et politiques.<br />
L’innovation de ce graphique consiste à proposer une connexion entre empowerment<br />
politique et économique19 , une distinction entre pocessus d’empowerment endogène<br />
et exogène mais surtout à analyser la valeur ajoutée que peut représenter le justice<br />
tourism dans un contexte de mise en réseau transnational.<br />
Dans un monde globalisé, nous postulons que cet empowerment aura des<br />
conséquences non seulement sur les sociétés nationales mais à l’échelle<br />
internationale, grâce à l’émergence de mise en réseaux au niveau transnational.<br />
Associer le tourisme avec d’autres activités et mouvements sociaux au niveau<br />
transnational lui permet de recouvrir un nouveau rôle, fortifiant et dynamisant le<br />
cercle vertueux du processus d’empowerment des communautés locales. Ce<br />
processus d’empowerment politique se décompose donc en deux phases : la première<br />
se situe dans l’espace propre et est endogène alors que la seconde se déroule dans<br />
l’espace de l’interaction. Les prochaines sections visent à analyser en quoi le tourisme<br />
peut permettre le déclenchement d’une premier cercle vertueux endogène où<br />
empowerment économique et empowerment politique se renforcent et la naissance<br />
d’un deuxième cercle vertueux celui-ci exogène et centré sur l’empowerment<br />
politique.<br />
19 En effet, l’empowerment économique ne garantit pas nécessairement l’empowerment social et politique<br />
(Friedman, 1992) mais l’indépendance économique et sociale engendre de l’autonomie politique.<br />
261<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
1. De l’empowerment économique à l’empowerment politique : la<br />
culture comme ressource<br />
La partie économique se propose d’étudier le rôle que peut revêtir le tourisme dans<br />
les communautés traditionnelles. Comme souligné précédemment, les processus de<br />
globalisation en cours engendrent une restructuration globale du panorama<br />
international, ayant de forts impacts sur les communautés locales qui doivent<br />
remettre en cause leur façon de vivre, de s’organiser et de produire. La globalisation<br />
néolibérale imposant de fait des activités économiques de type modernes, engendre<br />
une déstabilisation des systèmes locaux, provoquant la disparition des activités<br />
traditionnelles, minant les processus économiques et les styles de vie (et donc des<br />
valeurs qui lui sont associées). En affirmant que la dynamique économique modifie le<br />
visage d’une société confrontée aux changements, il est nécessaire de souligner que ce<br />
changement doit être analysé dans une optique plus générale, c’est-à-dire de<br />
transformation et de crise sociale et non seulement en terme de variation des<br />
grandeurs économiques. Comme le souligne Polanyi (1974, p.92), « l’ordre<br />
économique est…fonction de l’ordre social dans lequel celui-ci se développe ». Les<br />
changements sont souvent perçus comme des impositions venant de l’extérieur qui<br />
ne peuvent rester confinés à la seule sphère économique. Le processus économique<br />
peut engendrer une désagrégation des communautés locales avec l’effondrement<br />
consécutif des institutions (tout d’abord économiques, puis politiques et sociales dans<br />
un second temps) à travers lesquelles se matérialisait l’existence de cette<br />
communauté. Cette problématique est aujourd’hui de prime importance et l’exigence<br />
de trouver des politiques de développement, ne visant pas à la seule croissance<br />
économique mais conjuguant développement économique et respect des valeurs<br />
culturelles ancrées dans la réalité régionale est plus que d’actualité. L’objectif de cette<br />
section est de présenter un modèle de développement compatible avec la valorisation<br />
de l’output adapté aux capacités de contrôle et de gestion des communautés<br />
traditionnelles, afin de garantir une expansion des ressources à leur disposition et<br />
augmenter ainsi leur autonomie. Comment le tourisme peut-il jouer ce rôle ?<br />
Un empowerment économique indispensable pour sortir de la<br />
marginalisation<br />
262
Une société a besoin de produire les moyens de sa subsistance et de son autonomie si<br />
elle ne veut pas rester indéfiniment indépendante. L’assistanat, alimenté par les<br />
politiques de coopération produisent des ravages dans les sociétés des pays du Sud :<br />
« Plus une communauté est dépendante d’une activité économique dont elle n’est pas<br />
maître ou de l’aide gouvernementale, tels les programmes d’assistance, les<br />
subventions, les allocations, les prestations, plus elle est soumise à des décisions<br />
venant de l’extérieur, sur lesquelles elle n’a pas le droit de regard. Ce sont les autres<br />
qui pensent et qui décident pour elles. La relation qui s’établit entre celui qui possède<br />
et celui qui reçoit (…) atrophie (…) l’aptitude à réfléchir, à analyser, à faire du choix et<br />
à agir de façon appropriée en cas de problèmes » (Vachon B, 1993, p.87).<br />
Il est fondamental de générer un développement et un pouvoir économique indigène<br />
à travers le marché, mais par des fins différentes de la simple rentabilité et<br />
accumulation. Les indigènes, de façon planifiée et autogérée, c’est-à-dire à travers le<br />
contrôle culturel, doivent veiller à ce qu’il n’existe pas un développement de type<br />
capitaliste, qui cherche à maximiser les gains et la rentabilité des investissements, au<br />
risque de la surexploitation des ressources naturelles et de l’expulsion de main<br />
d’œuvre indigène en dehors de la communauté.<br />
Les sociétés indigènes qui par le développement du tourisme, s’affairent à des<br />
réalisations de type économique, sont souvent dénoncées comme étant simplement<br />
absorbées par la logique capitaliste. Pourtant la microéconomie, comme le souligne<br />
Vachon est « produire et consommer autrement, mettre en place des façons et des<br />
moyens de produire qui répondent à d’autres préoccupations, à d’autres objectifs, à<br />
d’autres valeurs. C’est faire en sorte que les activités de production contribuent à<br />
améliorer la qualité de nos rapports sociaux au lieu de soumettre toute l’organisation<br />
sociale à leurs exigences » (Vachon, 1993, p.83).<br />
A partir de la théorie sur les systèmes territoriaux précédemment développés,<br />
les projets de développement doivent tenir compte des exigences et des problèmes<br />
réels des populations dans un contexte territorial donné. Dans le cas des sociétés<br />
traditionnelles, cela revient à identifier les activités économiques qui pourront être<br />
« intégrées » entre elles (au sens économique) et surtout en relation avec la culture<br />
locale. La nécessité de garantir une indépendance économique correspond au besoin<br />
263<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
de sortir des logiques d’assistentialisme économique pour permettre un processus<br />
d’empowerment.<br />
L’ethno développement : la réconciliation entre économie et culture<br />
L’ethno développement est une option de développement pour les peuples indigènes<br />
qui se propose aussi bien de renforcer la culture que de minimiser les impacts du<br />
développement sur cette dernière. Ce concept est né à la fin des années 70, développé<br />
par les politiques néo indigénistes des organismes internationaux et des ONG pour<br />
les groupes indigènes du Continent latino-américain (Menares 1, 2004). La culture ne<br />
doit pas être conçue comme un ensemble de croyances figées dans le temps.<br />
Le développement avec identité des peuples indigènes se réfère à un processus qui<br />
comprend le renforcement des peuples indigènes, l’harmonie avec l’environnement,<br />
la bonne administration des territoires et des ressources naturelles, l’exercice de<br />
l’autorité et le respect des valeurs et droits indigènes, incluant les droits culturels,<br />
économiques, sociaux et institutionnels des peuples indigènes en accord avec leur<br />
propre cosmovision et gouvernance. Adopter ce concept signifie accepter les objectifs<br />
économiques de ces peuples qui, dans de nombreux cas, ne recherchent pas<br />
nécessairement à maximiser la rentabilité de leurs ressources à court ou moyen terme<br />
mais donnent la priorité à une vision de bien-être, d’équilibre avec l’environnement et<br />
de préservation des ressources pour les générations futures.<br />
Le tourisme pourrait apparaître comme un retour aux temps où l’économie et la<br />
culture n’étaient point opposées. Le tourisme, qui représente une innovation et<br />
l’adoption d’un élément extérieur pourrait s’inscrire dans une tradition d’intégration<br />
d’éléments extérieurs aux sociétés traditionnelles.<br />
264
Figure 10 : stratégie de développement indigène avec identité dans le domaine<br />
économique<br />
Source : BID, 2005<br />
Economie traditionnelle<br />
Economie<br />
Interculturelle<br />
Economie<br />
de marché<br />
La légitime préoccupation pour les impacts négatifs du tourisme sur les sociétés<br />
locales témoigne d’une vision statique des cultures dites traditionnelles :<br />
« Qu’en est-il du développement si, sous prétexte de préserver les identités<br />
culturelles, on interdit aux sociétés locales, muséifiées, toute évolution socioéconomique<br />
? » (Saccareau, 1999, p.43-44 in Volle, 2005).<br />
Volle en vient à s’interroger si l’immobilité de la culture ne serait-elle pas source de<br />
maintien des logiques de pauvreté ? « Le développement du tourisme en terre<br />
mapuche semble donc marqué des hésitations d’une société qui est en train de<br />
traverser une époque de grandes mutations socio-économiques et culturelles où il<br />
s’agit d’effectuer des choix d’avenir capables de rompre avec la logique de la pauvreté<br />
mais aussi avec des logiques culturelles anciennes qui ne font qu’entretenir cette<br />
pauvreté ». (p.121).<br />
Au lieu de conserver la culture et la figer, ce qui compte est le « contrôle culturel »,<br />
c’est-à-dire la capacité de décision que possède le groupe indigène sur les ressources<br />
afin de pouvoir établir et définir le type de développement désiré dans le futur. Bonfil<br />
Batalla définit le concept de contrôle culturel comme : “La capacidad de decisión<br />
sobre los recursos culturales, es decir, sobre todos aquellos componentes de una<br />
cultura que deben ponerse en juego para identificar las necesidades, los problemas<br />
y las aspiraciones de la propia sociedad e intentar satisfacerlas, resolverlas y<br />
cumplirlas”.(Bonfil Batalla, 1982)<br />
265<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Le concept de contrôle culturel<br />
Le schéma de contrôle culturel servirait de pierre angulaire au processus d’ethnodéveloppement<br />
élaboré par Bonfil Batalla.<br />
RESSOURCES DECISIONS RESSOURCES<br />
Propres Culture<br />
autonome<br />
Externes Culture<br />
appropriée<br />
Propres Externes<br />
Bénéfices économiques du tourisme<br />
Culture externe Propres<br />
Culture imposée Externes<br />
Le tourisme doit être conçu comme une activité complémentaire capable de<br />
revaloriser les secteurs traditionnels tels que l’agriculture et l’artisanat grâce à une<br />
augmentation de la demande relative et aux effets du multiplicateur. La tendance<br />
actuelle mondiale du marché touristique à valoriser les cultures traditionnelles et le<br />
tourisme culturel représente une nouvelle opportunité à saisir pour les communautés<br />
locales. Réussir à allier culture et développement en transformant la culture en<br />
ressource est une des clés du processus d’empowerment. De nombreuses<br />
organisations indigènes ont saisi cette opportunité pour renforcer les pratiques<br />
d’ethno développement basées sur le tourisme et la production d’artisanat indigène<br />
ou populaire. Si les bénéfices qui dérivent du développement touristique sont<br />
principalement de nature économique à travers la production de revenus locaux, les<br />
effets induits sont tout aussi intéressants à analyser. On peut noter :<br />
266<br />
• l’expansion des secteurs intégrés à la société et à l’économie, qui permet<br />
d’obtenir un effet multiplicateur au niveau local plus important que si les<br />
activités n’étaient pas intégrées (Colombi, 2007);
• une majeure attention portée au respect de l’environnement qui devient au<br />
même titre que la culture, une ressource pour la croissance. Les sociétés<br />
traditionnelles se définissent par une relation de quasi complicité avec la<br />
nature, de dépendance mutuelle et réciproque.<br />
• Eviter les phénomènes de déracinement social et freiner l’exode rural en<br />
proposant de nouvelles alternatives de travail, attractives pour les populations<br />
jeunes.<br />
Pour terminer cette démonstration, il est nécessaire de souligner que le problème du<br />
sous-développement n’est pas lié à la dimension ou à la multiplicité des interventions<br />
réalisées mais plutôt à leurs natures, à leurs caractéristiques en relation au contexte<br />
socio-économique dans lequel elles viennent s’insérer. On refuse souvent d’admettre<br />
que l’imposition de projets de développement étrangers à un contexte socioculturel<br />
déterminé ne peut que conduire, dans la meilleure des hypothèses, à la réalisation<br />
d’épisodes productifs singuliers qui se transforment difficilement en logiques de<br />
croissance cumulative et peuvent par contre empirer les tensions et créer des<br />
déséquilibres à même de conduire à la désagrégation du système socio productif<br />
traditionnel. Comme souligné par de nombreux auteurs et démontré à un stade<br />
antérieur de notre réflexion, la rentabilité économique n’est pas le développement. Le<br />
lien entre l’économique et le politique mis en relief dans le graphique est un lien<br />
causal assez simple : l’indépendance économique est un pré requis pour obtenir<br />
l’indépendance politique. L’assistentialisme et la dépendance économique annihile<br />
toute possibilité de choisir son propre mode de développement.<br />
2. Cercle vertueux d’empowerment politique endogène<br />
Dans cette section, nous nous proposons d’analyser les variables déterminant<br />
la réussite ou l’échec d’un processus d’empowerment. Un focus particulier sera<br />
consacré à l’empowerment politique. Nous avons pu identifier ces variables à partir<br />
de l’analyse des différentes étude de cas menées au long de notre réflexion antérieure.<br />
A ce titre, les conclusions les plus intéressantes ont été retirées des études de cas des<br />
267<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
projets d’écotourisme dans la zone amazonienne, développés dans notre deuxième<br />
partie.<br />
Trois variables principales influencent la réussite du processus<br />
d’empowerment :<br />
1. la cohésion identitaire et l’appropriation de la culture à des fins propres<br />
2. L’existence de structures organisationnelles et sociales préexistantes<br />
3. les raisons sous-jacentes au développement touristique : politiques, économiques ?<br />
4. les sources de financement du projet et l’acteur à l’initiative du projet<br />
Le cercle vertueux qui se met en place dépend du niveau d’organisation sociale, de la<br />
conscience identitaire de base et de l’appropriation de la culture, déterminant la<br />
capacité à mobiliser les ressources en vue d’un objectif collectif. Cette mobilisation<br />
permet dans un second temps de renforcer la conscience identitaire (aspect culturel<br />
de l’empowerment), la capacité de travailler ensemble (aspect social de<br />
l’empowerment), et la capacité de mobiliser des ressources en vue d’un objectif<br />
commun (aspect politique). La représentation graphique de ce schéma vertueux est<br />
présentée dans la figure 1.<br />
1. L’appropriation de la culture recouvre un rôle fondamental au sens où<br />
elle définit le niveau de l’estime de soi des acteurs, permet la valorisation des<br />
connaissances autochtones et favorise la prise de conscience collective.<br />
L’appropriation de la culture, c'est-à-dire la capacité d’organiser un contrôle culturel<br />
en fonction de ses intérêts propres dépend complètement de la conscience identitaire<br />
du groupe. Les deux concepts sont fortement liés.<br />
Selon Volle, « la capacité de gestion politique est pratiquement proportionnelle à la<br />
conscience identitaire » (Volle A., 2006, p. 155). Là où la culture est bien implantée et<br />
transparaitrait dans la gestion touristique, les capacités d’affirmer des droits, de<br />
conduire des négociations et de procéder à des analyses plus globales de la situation<br />
du peuple Mapuche sont plus élevées. Là où la culture n’est que résiduelle, la capacité<br />
de gestion politique est nulle car le tourisme n’y est finalement qu’une activité<br />
économique.<br />
268
Comme nous l’avons largement développé précédemment, la marchandisation de la<br />
culture n’est pas une chose négative en soi et peut permettre l’empowerment, à<br />
conditions d’avoir une forte conscience identitaire.<br />
En écoutant le récit de nombreuses communautés indigènes d’Amérique Latine,<br />
narrant leurs expériences de tourisme communautaire, on constate que le tourisme<br />
les a aidées à créer de la solidarité, à renforcer leur identité et à assumer avec fierté<br />
leurs traditions. Par exemple, la communauté indigène Pataxó du Brésil a compris<br />
que la commercialisation de sa culture à travers le tourisme pourrait lui amener des<br />
bénéfices aussi bien économiques que culturels, sans pour autant la conduire dans un<br />
processus d’acculturation. Au contraire, elle a renforcé son identité (réappropriation<br />
de la langue qui commençait à se perdre, valorisation des traditions) et la cohésion au<br />
sein de la communauté (Grünewald, 2002, p. 1001). La communauté locale doit<br />
posséder le contrôle de l’expérience pour pouvoir instrumentaliser le tourisme à des<br />
fins politiques ou sociales. Ce contrôle peut se réaliser à travers la sélection des<br />
espaces « front and back » (concept développé par Goffman) qui expriment la<br />
dichotomie entre l’espace propre préservé du regard extérieur et l’espace ouvert au<br />
touriste.<br />
2° Cette variable semble être le plus déterminant pour assurer qu’un projet atteigne<br />
ses objectifs en termes d’empowerment. Pour que le tourisme soit apte à générer des<br />
bénéfices sociaux, il est nécessaire qu’il existe une cohésion sociale entre les membres<br />
de la communauté. L’existence de structures organisationnelles et sociales et<br />
d’un fort capital social sont des conditions préalables indispensables à tout lancement<br />
d’un projet touristique. Sans cette condition de base, il est fort probable que le<br />
tourisme ne soit à même que de développer des épisodes productifs singuliers.<br />
L’accaparation des bénéfices par quelques membres et l’inexistence de projets<br />
collectifs et communautaires sont symptomatiques de cette situation.<br />
3° Il est beaucoup plus facile que le tourisme engendre autonomie et empowerment<br />
politique, dans des communautés qui conçoivent le tourisme comme instrument<br />
politico-social et non seulement comme source de revenus.<br />
269<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Si une communauté est par exemple insérée dans un conflit social et politique, elle<br />
percevra aisément le tourisme comme moyen d’éducation et de sensibilisation à sa<br />
cause (“faire passer un message”) et le cercle vertueux de l’empowerment pourra se<br />
mettre plus facilement en marche. Les leaders politiques mapuche conçoivent le<br />
tourisme comme la mise en action de leur revendication sur le contrôle territorial.<br />
“Pour les mapuche, il est clair que le tourisme n’est pas une fin en soi, une activité<br />
purement économique, il répond dans la plupart des cas, à des stratégies qui visent<br />
un objectif éminemment politique : la reconnaissance d’une culture marginalisée et le<br />
respect du territoire par l’occupation physique des terres, contre des entreprises<br />
forestières ou les intérêts de promoteurs touristiques externes.” (A. Volle, 2006,<br />
P.177) 20<br />
Cependant, cette variable n’est pas déterminante : en effet, la plupart des<br />
communautés développent le tourisme avant tout pour des motivations<br />
économiques et ce n’est qu’au gré du processus qu’elles prennent conscience du<br />
fort pouvoir politico-social que celui-ci possède. Elles ne l’instrumentalisent donc que<br />
dans un second temps. Lors du lancement de certains projets touristiques mapuche,<br />
la vocation éducative, sociale ou politique du tourisme n’était pas abordée. Au même<br />
titre, la culture mapuche était peu présente dans la mise en valeur touristique. Le<br />
tourisme en terre Mapuche, fréquenté en majorité par des touristes nationaux n’est<br />
pas du tout motivé par la spécificité culturelle mais par un environnement naturel<br />
très beau et des prix attractifs. Peu à peu, les Mapuche ont pris conscience du pouvoir<br />
du tourisme comme instrument de sensibilisation politique et sociale (notamment<br />
envers les jeunes touristes européens). En ce sens, le tourisme constituerait un fort<br />
instrument politique, même s’il a été conçu quasi exclusivement dans un premier<br />
temps comme outil économique.<br />
4° La dernière variable influençant le processus d’empowerment politique endogène<br />
est constituée des sources de financement qui définissent le degré<br />
d’indépendance politique. Ce financement peut provenir de sources différentes : Etat,<br />
ONG nationales, ONG internationales et autofinancement. Le choix d’utiliser une<br />
source plutôt qu’une autre (ou l’utilisation de ressources mixtes) dépendra du<br />
positionnement idéologique des porteurs de projets : certains leaders mapuches<br />
20 Ibid.<br />
270
efusent toute aide étatique puisqu’ils soupçonnent l’Etat de vouloir appuyer<br />
financièrement leurs projets pour mieux les intégrer et nier leurs spécificités<br />
culturelles. En ce sens, ils préfèrent très souvent utiliser des réseaux internationaux<br />
d’ONG pour obtenir des financements. (A.Volle, 2006, p.36), plutôt que de négocier<br />
avec l’Etat ; afin de garder un certain pouvoir de décision interne, pouvoir cher aux<br />
peuples qui cherchent à conserver une identité culturelle spécifique.<br />
Quelle est l’incidence de l’origine du financement sur la réussite ou l’échec des<br />
projets ? Les dons seraient-ils plus voués à l’échec que les prêts ? Les différentes<br />
initiatives, dont l’existence a été permise grâce à des donations notent de bons<br />
résultats en matière d’empowerment, peut-être parce que l’initiative de l’action<br />
revenait majoritairement à la communauté.<br />
Lorsque la décision de développer le tourisme provient de la communauté elle-même<br />
(et non d’un acteur externe : ONG, Etat, entreprise), le projet a beaucoup plus de<br />
chances d’atteindre ses objectifs en termes d’empowerment. Cependant, il est<br />
possible qu’un projet dont l’initiative vienne d’une ONG, et non de la communauté,<br />
puisse arriver à mettre en route une dynamique d’empowerment au sein de la<br />
communauté, en organisant un bon processus de planification participative.<br />
Le processus de développement endogène : synthèse<br />
Pour conclure la réflexion sur le processus d’empowerment endogène, nous<br />
pouvons affirmer que l’utilisation du tourisme peut contribuer à l’émergence de<br />
nouveaux espaces d’autonomie pour les communautés locales, aussi bien dans le<br />
domaine économique (développement local) que politique (majeure autonomie<br />
politique et augmentation des marges de manœuvre politiques) ; le politique et<br />
l’économique se renforcent mutuellement afin de nourrir le premier cercle vertueux<br />
d’empowerment (passage du niveau 1 au niveau 2).<br />
L’augmentation de l’indépendance politique et économique contribue au<br />
développement de la société locale (flèches rouges dans la Figure 1) et permet une<br />
amélioration successive des quatre aspects de l’empowerment à travers les<br />
mécanismes précédemment décrits qui amélioreront les capacités de gestion et de<br />
271<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
choix autonome du propre modèle de développement. Nous pouvons définir cette<br />
première phase de « développement endogène », étant donné que les processus<br />
décrits sont internes à la communauté et peuvent se mettre en marche<br />
indépendamment du rôle du touriste c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire que la<br />
communauté locale ait appréhendée la vision éducative ou sociale que peut revêtir le<br />
tourisme. Que la communauté accueille des touristes plus intéressés par la<br />
connaissance de l’environnement naturel que par sa culture propre ou que ce dernier<br />
soit susceptible ou non de s’engager dans de nouveaux activismes après le voyage n’a<br />
pas d’importance à ce stade du processus d’empowerment. Par exemple, l’étude d’A.<br />
Volle réalisée au Chili montre que la majorité des touristes en terre mapuche sont des<br />
touristes nationaux, plus intéressés par l’attractivité des prix et la beauté des paysages<br />
que par la spécificité culturelle de l’offre et l’envie de découvrir la culture mapuche.<br />
Cela n’empêche pas que se mette en marche le premier cercle vertueux de<br />
l’empowerment ; en revanche il limitera la possibilité de mettre en route le deuxième<br />
cercle vertueux exogène. Le rôle du tourisme comme facteur de sensibilisation<br />
politique et sociale sera appréhendé dans la partie suivante en étudiant le processus<br />
d’empowerment exogène, rendu possible par le contact avec l’extérieur et la création<br />
de réseaux transnationaux.<br />
Pour que ce processus d’empowerment politique endogène soit durable, il est<br />
nécessaire qu’il soit légitimé par la Société nationale. La capacité politique, c’est-àdire<br />
la reconnaissance des formes indigènes d’organisation et d’administration du<br />
pouvoir, doit être formellement reconnue et validée par l’Etat et la société nationale<br />
afin qu’elle puisse être exercée effectivement sur le territoire ancestral.<br />
L’empowerment politique passe par la légitimation et la reconnaissance officielle et<br />
étatique. Toutes les réponses cherchées par une population locale ne sont pas<br />
forcément dans ses mains (Volle, 2005, p.165). Il est nécessaire que la société<br />
nationale change d’attitude. Reconnaissance au sommet de l’Etat et dynamique locale<br />
devraient coexister en vue d’opérer du changement.<br />
272
Quel est le niveau d’empowerment 1 nécessaire pour permettre la mise en<br />
place du cercle vertueux ?<br />
La question qui reste la plus ambiguë dans la problématique de l’empowerment est le<br />
degré d’autosuffisance ou de confiance en soi nécessaire pour que l’empowerment<br />
puisse avoir lieu. A partir de quel moment, le cercle vertueux endogène de<br />
l’empowerment peut-il se mettre en place ? Dans le modèle proposé, le tourisme<br />
n’agit pas comme catalyseur du processus d’empowerment ; il a un rôle de<br />
renforcement du processus. La communauté part d’un niveau d’empowerment donné<br />
qui est représenté dans le graphique comme niveau d’empowerment 1. Comment<br />
permettre à des communautés très marginalisées et disempowered de se lancer sur le<br />
chemin de l’empowerment ? Doivent-elles le faire seules ou l’aide extérieure est-elle<br />
efficace ?<br />
Lors de nos analyses de cas impliquant des sociétés émergées dans un conflit<br />
politique (Zapatistes, Sahraouis, etc.) il a été mis à jour que les sociétés en question<br />
étaient déjà empowered. La mise en réseaux transnationale n’a permis que la mise en<br />
marche d’un second cycle d’empowerment, celui-ci exogène. La question centrale est<br />
donc comment mettre en route un processus d’empowerment dans une communauté<br />
très marginalisée et disempowered ? Quels seront les éléments déclencheurs ?<br />
La question peut-être plus provocante peut-être la suivante : une communauté peutelle<br />
réellement être empowered grâce à une intervention d’une ONG extérieure ? Ne<br />
serait-ce pas un processus interne pour lequel une intervention externe est peu utile ?<br />
Il existe deux écoles de pensées. Certains auteurs considèrent que l’autosuffisance<br />
(self help) doit être quasiment totale pour permettre un processus d’empowerment et<br />
que aide et soutien extérieurs doivent être minimaux. L’autre approche considère que<br />
l’implication des communautés dans le mécanisme de prise de décisions est suffisante<br />
pour permettre l’empowerment (McArdle, 1989).<br />
Le problème immédiat qui surgit dans l’optique de la première approche est<br />
l’impossibilité pour ceux qui ont le moins de ressources et de capacités de s’aider euxmêmes.<br />
Ils seront donc éternellement condamnés à leur situation. La pratique<br />
semble pourtant confirmer l’hypothèse que les taux de réussite des projets de<br />
273<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
coopération agissant sur des populations très marginalisées et pauvres est très faible.<br />
De nombreux programmes de développement ont échoué dans le Tiers-Monde à<br />
cause de l’hypothèse erronée que les communautés pauvres ont la capacité de se<br />
prendre en charge de façon autonome lorsqu’une opportunité se présente à eux.<br />
L’aide extérieure qui est par définition occasionnelle ou discontinue laisserait donc<br />
les communautés dans un état de dépendance envers l’aide extérieure (Kotze, 1987).<br />
De telles communautés manqueraient également de connaissances pour fixer un<br />
agenda de discussion en faveur de la mise en place d’un développement approprié.<br />
De par leur incapacité à contrôler l’agenda, elles seraient incapables de devenir<br />
empowered.<br />
La deuxième théorie peut également être mise en doute à la lumière des difficultés<br />
rencontrées par la coopération internationale au développement. Excepté la<br />
participation de la communauté dans la prise de décisions, tout le reste du processus<br />
de développement est laissé aux mains d’experts et de coopérants. Cette méthode<br />
peut être qualifiée de tokénisme, puisque si le processus de développement est<br />
contrôlé par des membres extérieurs à la communauté, on ne pourrait pas parler<br />
d’empowerment (Rose et Black, 1985, cité dans Sofield 2003, p.81). Finalement, il<br />
serait impossible d’atteindre l’empowerment à travers des projets de développement<br />
menés par des agences extérieures. De nombreuses ONG chercheraient plus à<br />
persuader les résidents des bénéfices du tourisme plutôt que de chercher à les<br />
empower afin qu’ils puissent prendre leurs propres décisions.<br />
Certains auteurs voient cependant une possibilité d’empowerment dans le<br />
comportement qu’adaptera la communauté face à l’aide extérieure. En effet, les<br />
personnes confrontées à des conditions et à des circonstances introduites ou<br />
imposées par des forces externes ne font pas que recevoir passivement, elles peuvent<br />
aussi répondre activement.<br />
« There are no single unifform responses to conditions imposed from outside forces.<br />
Rather the variety of local conditions generates a variety of responses to forces that<br />
may lie outside the reach of control of individuals » (Friedman, 1988, p.7)<br />
Le processus qui place les communautés en situation de s’adapter, de réagir et de<br />
répondre à une intervention extérieure peut leur permettre de se lancer sur le chemin<br />
274
de l’empowerment. Le type de réponses adoptées par la communauté conditionnera<br />
le type de contrôle qu’elle peut avoir sur sa propre situation.<br />
Notre jeune expérience dans le monde de la coopération nous a enseigné que si une<br />
communauté n’est pas active et entreprenante, il est presque sûr que le projet de<br />
développement sera voué à l’échec. L’idée sous-jacente est que l’on ne peut pas aider<br />
quelqu’un qui ne veut pas être aidé. Dans ce cas-là, cela signifierait que la coopération<br />
peut avoir des résultats satisfaisants seulement sur des populations déjà légèrement<br />
empowered. Cela reviendrait à reconnaître l’inefficacité de la coopération pour faire<br />
face à des situations de marginalisation et pauvreté trop extrêmes.<br />
3. Renforcement du processus d’empowerment à travers le “Justice<br />
Tourism”<br />
La partie la plus innovatrice du modèle proposé consiste à présenter en quoi le<br />
justice tourism peut jouer un rôle de sensibilisation politique et sociale, procurant<br />
visibilité à la communauté locale, à même de renforcer son processus<br />
d’empowerment. Nous faisons référence à la seconde partie du graphique présentée<br />
dans la Figure 1, relative au processus de développement exogène puisque le passage<br />
à ce nouveau niveau d’empowerment ne dépend plus de mécanismes internes à la<br />
communauté locale mais plutôt à la façon dont cette dernière établit des relations<br />
avec l’extérieur. La nécessité de nouer des liens avec l’extérieur naît de la condition de<br />
marginalisation politique et/ou économique dans laquelle se trouve immergée la<br />
communauté locale suite à un rapport conflictuel entretenu avec le gouvernement<br />
national.<br />
Le renforcement des processus de globalisation représente une nouvelle opportunité<br />
pour les communautés locales puisqu’elle affaiblit le pouvoir des états nationaux et<br />
permet l’émergence de nouveaux espaces de mobilisation au niveau supranational.<br />
Les communautés locales en situation conflictuelle avec l’Etat national ont compris<br />
qu’elles devaient dépasser ce niveau national avec lequel elles n’ont aucun pouvoir de<br />
négociation pour nouer des réseaux au niveau transnational. Certains mouvements<br />
sociaux globaux (particulièrement les regroupements indigènes) sont capables<br />
275<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
d’organiser un lobbying sur les instances supranationales afin de faire reconnaître<br />
leurs droits au niveau international, dont le respect peut ensuite être imposé à<br />
l’échelle nationale. Les nouvelles opportunités nées de cette mise en réseau au niveau<br />
transnational permettent le passage du niveau d’empowerment 2 au niveau<br />
d’empowerment 3.<br />
Les communautés locales impliquées dans des conflits politiques ou sociaux voient<br />
dans la rencontre avec des touristes internationaux une opportunité pour<br />
médiatiser leurs causes et obtenir du soutien.<br />
Dans cette optique, le tourisme peut jouer un rôle clé pour augmenter la visibilité de<br />
communautés locales marginalisées à travers différentes modalités d’action :<br />
La littérature existante met en avant le rôle du touriste comme facteur de<br />
changement social et comme acteur central apte à procurer visibilité aux<br />
communautés locales. Ce concept est développé comme toile de fond dans les<br />
théories sur le justice tourism. Il propose de réels échanges d’expériences entre hôtes<br />
et visiteurs capables de créer de nouveaux activismes pour soutenir les populations<br />
locales en situation de conflits politiques ou sociaux ou plus largement comme facteur<br />
de changement social et politique dans les pays sources occidentaux.<br />
L’activisme peut prendre des formes très différentes selon les personnes, leurs<br />
motivations et ressources. Au sein de la littérature, alors que l’impact de l’expérience<br />
touristique sur les touristes individuels (Hutnyk, 1996, Wearing, 2001) a été analysé,<br />
celui sur la société du pays émetteur reste très peu étudié. Calculer cet impact est<br />
pourtant fondamental pour comprendre en quoi le tourisme revêt un rôle en matière<br />
de transformation sociale. Le concept d’effet multiplicateur, en terme de<br />
sensibilisation de l’opinion public est très important pour mesurer cet impact tenant<br />
compte du fait que la majorité des touristes responsables sont des personnes<br />
impliquées au niveau social et qui peuvent faire circuler les informations: création<br />
d’un network après le voyage entre les participants, maintien de contacts entre les<br />
visiteurs et les communautés d’accueil, contact des participants avec leur entourage<br />
extérieur (famille, amis, travail) et leurs réseaux.<br />
La réflexion sur la médiatisation de l’initiative touristique est l’apport innovant que<br />
nous proposons d’apporter au sens où nous ne limitons pas les effets que peut<br />
276
ecouvrir le tourisme en termes de visibilité au seul rôle du touriste. La visibilité<br />
s’acquiert avant tout grâce à la médiatisation. Dans un monde actuel où les mass<br />
media sont créateurs d’opinion, la communication et la publicisation sont des<br />
instruments politiques cruciaux. Pour sortir de l’isolement et trouver des soutiens<br />
politiques, il est important de médiatiser les initiatives de tourisme communautaire.<br />
Les communautés locales seules n’ont pas la possibilité et les contacts pour accéder<br />
aux mass media. En ce sens, ce sont les ONG porteuses de projet qui peuvent jouer un<br />
rôle déterminant en intégrant dans les budgets des activités pour la promotion et la<br />
communication des initiatives. Elles se devraient également de favoriser la création<br />
de réseaux d’échanges d’expériences en matière de tourisme communautaire.<br />
Tourisme et création d’activismes<br />
Le tourisme a rarement été analysé comme catalyseur de participation à des<br />
mouvements sociaux ou comme créateur ou activateur d’activisme (Hall 1994;<br />
McGehee 2002). Le tourisme, en augmentant l’activisme social des participants après<br />
leur retour, peut pourtant être facteur de changement social. Voyager deviendrait<br />
utile et peut constituer une activité militante. Il existe un avant et un après voyage, le<br />
touriste devenant après le déplacement et le séjour adhérent de l’association<br />
vendeuse du circuit. La motivation dominante de ces types de tourisme est une plus<br />
grande justice sociale entre les pays du nord et du sud.<br />
La théorie des mouvements sociaux peut permettre d’expliquer cette hypothèse. Les<br />
théories de la psychologie sociale soutiennent que la conscientisation est un préalable<br />
indispensable à la participation dans des mouvements sociaux. La théorie de la<br />
mobilisation des ressources déclare que les réseaux qu’un activiste établit, aussi bien<br />
au sein de mouvements sociaux qu’en dehors, sont vitaux au succès de son activité<br />
d’activisme et de sensibilisation.<br />
Nous stipulons que le jutice tourism peut permettre de sensibiliser et conscientiser<br />
les participants sur différents thèmes politico-sociaux. Cette sensibilisation constitue<br />
un préalable nécessaire à toute possible implication active future, qu’elle débouche<br />
directement ou non sur la création de nouveaux activismes.<br />
277<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Mouvements sociaux<br />
Un mouvement social peut être défini comme ‘‘an organized effort by a significant<br />
number of people to change (or resist change in) some major aspects of society’’<br />
(Marshall 1994, p.489). L’objectif large est donc de remodeler les modes de<br />
gouvernance et les modes de prise de décisions.<br />
Selon Knoke (1988) et Klandermans (1992), deux pré-requis essentiel à la<br />
participation et au soutien à des mouvements sociaux seraient l’appartenance à des<br />
réseaux sociaux et la conscientisation. Le premier serait aussi bien un précurseur<br />
qu’un multiplicateur dans le sens où l’activisme sera bien plus efficace si la personne<br />
est impliquée dans de nombreux réseaux puisqu’elle pourra sensibiliser beaucoup<br />
plus facilement un grand nombre de personnes. En ce qui concerne la<br />
conscientisation, elle est considérée comme passage obligé : avant qu’une personne se<br />
mobilise pour une cause, elle doit d’abord prendre conscience des inégalités qui<br />
existent et de la justesse de la cause qui doit être défendue.<br />
Réseaux sociaux<br />
Les réseaux sociaux sont des liens qui nouent des individus entre eux qui supportent<br />
et partagent le même type d’idées et d’objectifs. Les réseaux peuvent servir comme<br />
source d’informations ou de mobilisation. Pour échanger des informations au niveau<br />
international, l’utilisation de canaux informels tels que les réseaux sociaux sont les<br />
plus efficaces pour faire circuler des informations. McAdam et Rucht (1993)<br />
affirment que la « diffusion of ideas about movement activities on an international<br />
scale occurs through ‘‘mediatized’’ social networks ».<br />
De la conscientisation à l’activisme…<br />
La conscientisation peut avoir lieu sur une période courte ou de façon soudaine. Elle<br />
peut être directe (participation à une expérience de justice tourism) ou indirecte<br />
(réception d’informations par le bouche à oreilles,…).<br />
L’expérience d’un voyage de justice tourism, même s’il peut être limité dans le temps<br />
est très impactant en termes d’intensité. Il permet de créer des liens forts entre les<br />
participants qui partagent tout (repas, logements,…) et les communautés.<br />
278
Il est important de souligner que la conscientisation ne se concrétise pas<br />
automatiquement par la création d’activisme : elle signifie devenir sympathisant à<br />
une cause. Transformer cette sympathie en action procède d’une seconde étape.<br />
Un élément important de la conscientisation est qu’elle porte vers la politisation. En<br />
étudiant l’activisme des féministes lesbiennes, Taylor et Whittier’s (1992) ont montré<br />
que ce dernier ne se limitait pas à l’activisme politique mais se manifestait dans tous<br />
les aspects de la vie quotidienne. « For example, women of the movement shop only<br />
at gay-friendly stores, subscribe to magazines that promote their political and<br />
social platform, and travel using only gay-friendly airlines, accommodations, and<br />
restaurants » (In McGehee NG, Santos C.A, 2005). En effet le noyau dur de touristes<br />
responsables en Italie, qui voyagent seulement avec des membres de l’AITR italien<br />
replace cette forme de voyager dans une démarche globale plus citoyenne. Ce public<br />
serait également consommateur de produits issus du commerce équitable, lecteurs de<br />
certains types de journaux,…Les individus choisiront donc de participer parce qu’ils<br />
souhaitent étendre leurs identités d’activistes dans le monde du voyage (McGehee et<br />
Norman 2002).<br />
De la théorie à la pratique<br />
L’étude de Mc Gee et de Santos visant à analyser les effets du tourisme volontaire sur<br />
les participants et leurs comportements après le voyage est très intéressante<br />
(McGehee NG, Santos C.A, 2005). . En interrogeant des participants de quatre<br />
organisations américaines (Mobility International, WorldPULSE et The American<br />
Jewish World Service), les auteurs ont confirmé que ces voyages stimulaient<br />
l’activisme des militants après leur retour et leur implication dans des mouvements<br />
sociaux.<br />
De nombreux participants ont déclaré élargir leurs réseaux sociaux, par des amitiés<br />
crées lors du voyage avec d’autres participants. A moindre mesure, d’autres ont<br />
déclaré nouer des relations avec les populations locales. De nombreux participants<br />
ont déclaré que ces contacts avaient été maintenu après le voyage et que l’expérience<br />
279<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
vécue avait eu des impacts forts sur leurs vies (‘‘enlightening,’’ ‘‘eye opening,’’ and<br />
‘‘life changing’’)<br />
La conscientisation effectuée a pu se manifester sous différentes formes : prise de<br />
conscience des réalités et injustices sociales, de la nature globale et complexe des<br />
problèmes sociaux, la réalisation que beaucoup de temps et d’efforts pour qu’un<br />
changement permanent se passe sera nécessaire (Mueller, 1992).<br />
L’activisme et la participation à des mouvements sociaux après le voyage s’est révélé<br />
renforcée. Pour la majorité d’entre eux qui n’étaient pas activistes par avant, ils se<br />
sont engagés dans de nouveaux mouvements sociaux. Certains ont même crée leur<br />
propre organisation. Il a été noté que nombre de touristes ont décidé d’entreprendre<br />
un tel voyage à un moment critique de leur vie en terme de changements : après le<br />
collège ou l’université, au moment de la retraire, des gens pensant à un changement<br />
de carrière, etc.<br />
Cette étude a confirmé le pouvoir du justice tourism pour créer et établir des relations<br />
qui dépassent largement le temps de l’expérience elle-même. Ce genre de voyages,<br />
impactant fortement la vie des participants, serait apte à favoriser le changement<br />
social.<br />
Etre touriste et être citoyen n’implique pas deux identités distinctes, deux<br />
compartiments en vase clos qui évoluent selon des circuits différents et n’établissent<br />
pas de relations entre eux. Lorsque le touriste décide de visiter des lieux de conflits, il<br />
se convertit en citoyen. Selon Lacarrieu (2004), les touristes qui s’impliquent<br />
postérieurement au voyage avec une capacité de résistance et un compromis<br />
politique, se sentant avoir pris un compromis avec la réalité visitée, sont fortement<br />
minoritaires.<br />
280
3.4. Etudes de cas<br />
3.4.1. Le tourisme en Israël / Palestine<br />
Dans un contexte comme celui d’Israël et de la Palestine, le tourisme est fortement<br />
instrumentalisé à des fins politiques.<br />
Un tourisme classique instrumentalisé principalement au service des<br />
Israéliens<br />
Selon Bowman, le tourisme traditionnel en Israël est fortement instrumentalisé par la<br />
population juive à des fins aussi bien économiques que politiques. « Tourists (…) are<br />
likely to return (…) with a sense of « Israel » as an oasis of Western democracy<br />
surrounded by bellicose wastes of « Arab » tyranny » (Bowman G, 2001)<br />
Peu de touristes visitant la région sont intéressés par le conflit israélo-palestinien : la<br />
majorité des touristes étant des visiteurs juifs qui viennent rendre visite à leur famille<br />
et l’autre majorité des visiteurs étant des chrétiens en pèlerinage. Selon l’auteur, 70%<br />
des visiteurs qui ne sont pas pèlerins visitent Israël par l’intermédiaire de tours<br />
organisés conduits par des guides Israéliens qui fournissent aux touristes des<br />
informations idéologiquement connotées. Rappelons que, jusqu’en 1995, les autorités<br />
israéliennes interdisaient aux Palestiniens la profession de guide touristique et<br />
limitaient le plus possible toute rencontre avec les touristes.<br />
Les guides ne commentent pas seulement des paysages mais construisent pour le<br />
touriste un cadre d’analyse interprétatif. Ils communiquent des « conceptions of a<br />
general order of existence » (Geertz, 1987, p.90).<br />
Les présentations des guides en Israël ne sont pas régulées au niveau de l’Etat comme<br />
ce peut être le cas dans certains régimes totalitaires (Hollander, 1981) et les guides<br />
sont assez libres pour construire le genre de discours qu’ils estiment appropriés. Les<br />
guides Israéliens insistent très régulièrement sur l’altérité et la dangerosité de la<br />
population arabe et se présentent comme occidentaux, dignes de la confiance du<br />
touriste. La majorité des guides Palestiniens quant à eux tendraient à masquer leur<br />
identité palestinienne pour ne pas créer de problèmes avec le touriste. Ils perdent<br />
281<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
cependant l’occasion de pouvoir parler de leur situation d’occupés. D’autres guides<br />
palestiniens ne cachent pas leur appartenance et tentent de délivrer leur vision<br />
d’Israël. Cependant, il existe un fort risque que le guide se voit enlever sa licence<br />
d’exercice pour avoir fait des commentaires politiques. La licence peut même être<br />
retirée à l’agence de voyage ce qui fait que de plus en plus d’agences sont réticentes à<br />
engager des guides palestiniens. Les guides palestiniens sont donc beaucoup moins<br />
nombreux que leurs homologues israéliens.<br />
Certaines organisations juives comme « Bridges for Peace », crée en 1985 voient dans<br />
le tourisme un instrument de sensibilisation politique. « We want the tourists to go<br />
back and tell the story of Israel as it is.. to clarify politics… » (Bowman G, 2001)<br />
Dans les circuits touristiques, les zones palestiniennes sont complètement écartées<br />
pour deux raisons : rendre invisible la présence substantielle de palestiniens sur cette<br />
terre et permettre aux guides israéliens de qualifier la population palestinienne de<br />
dangereuse. Les endroits que les touristes peuvent voir ne sont pas seulement l’image<br />
réédifié de leurs attentes, mais le résultat d’un dialogue entre les touristes et les<br />
brokers qui servent de médiation entre le tourist gaze et son objet. Cela montre bien<br />
le pouvoir que possèdent les sociétés hôtes, souvent dépeintes comme victimes<br />
impuissantes du tourisme international.<br />
Développement du Justice tourism par des Palestiniens comme moyen<br />
de susciter de nouveaux activismes<br />
Le tourisme classique développé en Israël ne développant qu’une image superficielle<br />
et biaisée de la situation politique, un groupe de Palestiniens a décidé de créer une<br />
association de tourisme alternatif (ATG), en 1995, pour participer au développement<br />
du secteur touristique en Palestine et contribuer à mieux faire connaître les différents<br />
aspects de la vie des Palestiniens.<br />
« The current situation directly strengthens Israel through a virtual tourist<br />
monopoly and exploits Palestinian resources and heritage while excluding<br />
Palestinians from tourism’s economic, political and human benefits » (Kassis R,<br />
2005, www.patg.org)<br />
282
Ils soutiennent que le justice tourism peut être utilisé comme instrument de<br />
sensibilisation politique et sociale. Afin de lutter contre les stéréotypes négatifs<br />
communs du peuple Palestinien et améliorer leur image au niveau international, par<br />
un contact direct avec la population palestinienne. Le Justice Tourism représenterait<br />
un élément essentiel pour renforcer et préserver l’esprit et la fierté nationale, tout en<br />
contribuant à la préservation du patrimoine culturel.<br />
Selon Ayman Abuzulof (guide de voyage ATG), leur objectif « est de changer les<br />
stéréotypes qui collent aux Palestiniens et de montrer aux touristes d’autres visages<br />
que ceux qu’ils découvrent par le prisme de la télévision » (www.patg.org)<br />
Ce type de tourisme a pour objectif final la sensibilisation politique et sociale dans<br />
l’optique de faire naître de nouveaux activismes parmi les visiteurs « to promote<br />
justice tourism as a viable alternative. This will be done by fostering human<br />
encounters that can help break the culture of silence and lead to political awareness,<br />
personal transformation of the visitor and the visited, and contribute to a just peace<br />
through advocacy and political action » (Kassis R, 2005, www.patg.org)<br />
En vivant la vie quotidienne des Palestiniens, les visiteurs seraient à mêmes de<br />
percevoir les injustices subies quotidiennement par ce peuple. Cette conscientisation<br />
les porteraient à vouloir agir contre ces injustices de retour chez eux.<br />
Que ce genre de voyages soit qualifié de tourisme ou non n’est pas le fond du<br />
problème. ATG utilise le concept de Justice Tourism mais définit les touristes plus<br />
facilement par le terme « délégation ». Ces délégations sont constituées d’un public<br />
assez éclectique : des groupes de solidarité internationale, des académiques, des<br />
groupes religieux, des journalistes et des chercheurs, des membres d’ONG et<br />
d’organisations politiques, des touristes et des groupes de pèlerins. Ces voyages<br />
prévoient des rencontres avec des ONG israéliennes et palestiniennes (Israeli<br />
Committee Against House Demolitions et the International Solidarity Movement),<br />
des groupes de la société civile, des victimes du conflit, des communautés mixtes<br />
israéliennes/palestiniennes, etc.<br />
Les principaux objectifs de ce type de tourisme seraient les suivants :<br />
283<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
1. Promouvoir le tourisme comme instrument de paix dans les territoires<br />
occupés, dans le but de terminer l’occupation.<br />
2. Créer des groupes de solidarité étant capables de militer dans leur propre pays<br />
à travers la conscientisation et la sensibilisation de l’opinion publique et en<br />
organisant un lobbying sur la question palestinienne auprès de leurs propres<br />
gouvernements.<br />
3. Développer des campagnes destinées à sensibiliser l’opinion publique, tels que<br />
le boycott de produits israéliens, etc.<br />
4. Permettre de rompre le silence et de briser la solitude et l’isolation dans<br />
lesquels les Palestiniens sont plongés.<br />
ATG n’est pas la seule organisation favorisant le justice tourism en Palestine. « Olive<br />
Co-operative » (http://www.olivecoop.com/review.html) a été crée fin 2003 pour<br />
soutenir la cause pacifique en Palestine et Israël et permettre aux visiteurs de se<br />
procurer une opinion sur le conflit à partir d’une expérience directe de rencontre des<br />
organisations travaillant en faveur de la justice et de la paix dans les deux camps. Ce<br />
tourisme permet également de procurer des opportunités économiques équitables<br />
aux palestiniens. Ce type de tourisme vise lui aussi à créer de l’activisme.<br />
« As a result of our tours, people have felt motivated and informed to take action<br />
and work for change on return to their home country »<br />
(http://www.olivecoop.com/review.html)<br />
3.4.2. Développement de "Reality Tours" au Chiapas par Global<br />
Exchange<br />
Une étude intéressante sur l’activisme<br />
La thèse de Wrelton étudie le rôle du justice tourism comme moteur d’activisme<br />
social21 . Son étude se focalise sur le rôle que peut jouer ce type de tourisme en tant<br />
21 Elle traduit l’expression « justice tourism » par l’expression espagnole « turismo responsable ». Ce qui montre<br />
bien la difficulté ou l’impossibilité de traduire certaines expressions dans d’autres langues, sans risque<br />
d’organiser de confusions sur le concept.<br />
284
que méthode éducative, de transformation sociale ou pour la création de nouveaux<br />
activismes. Ce type de tourisme est évalué dans la perspective des trois acteurs<br />
impliqués : l’ONG jouant le rôle de tour opérateur (broker), le touriste et la<br />
communauté locale hôte. Son étude de cas est basée sur la réalisation d’un reality<br />
tour au Chiapas, organisé par l’ONG américaine Global Exchange. Il nous semble<br />
intéressant de reprendre les conclusions de cette analyse puisqu’après la Palestine,<br />
c’est un des cas les plus connus au monde où un mouvement politique a su utiliser le<br />
tourisme (ou les échanges transnationaux) comme instrument de renforcement<br />
politique.<br />
Global Exchange et les reality tours<br />
Global Exchange est une ONG américaine de défense des droits de l’homme. Sa<br />
mission principale est l’éducation de l’opinion publique américaine pour contrer les<br />
fausses informations qui sont actuellement diffusées par les médias. L’organisations<br />
de voyages («reality tours») représente le tiers de l’activité de l’organisation et existe<br />
depuis la création de l’ONG en 1988. L’idée sous-jacente est que le voyage permet de<br />
créer de profonds changements au sein des personnes<br />
A travers le voyage, l’objectif est de catalyser des processus de transformation<br />
individuelle et collective. Ces tours sont nés de l’idée que la diplomatie citoyenne<br />
possède un fort potentiel pour faire évoluer les politiques des gouvernements. Ce<br />
tourisme doit donc stimuler les participants à agir quand ils retournent chez eux, afin<br />
qu’ils effectuent un lobbying politique pour changer les éléments de politique<br />
extérieure américaine défavorables aux pays du Sud.<br />
A l’inverse d’autres organisations, Global Exchange se focalise non seulement sur les<br />
droits politiques mais sur les droits économiques. Le but affiché est de remettre en<br />
cause les politiques économiques et étrangères de l’Etat américain, qui ont d’énormes<br />
impacts sur les pays du Sud.<br />
A travers l’éducation, ce que cherche à créer Global Exchange est la création de<br />
nouveaux activismes. L’idée est que l’action doit se réaliser au niveau américain, en<br />
faisant du lobbying auprès de l’Etat américain ou des grosses corporations plutôt que<br />
285<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
sur les institutions du pays visité. L’idée sous-jacente est que ce ne sont pas les<br />
citoyens du Nord qui peuvent régler tous les problèmes et dire aux autres pays quoi<br />
faire (interventionnisme). Selon eux, l’activisme du nord a comme premier objectif<br />
d’essayer d’ébranler les relations inégalitaires de pouvoir existantes mais n’est pas<br />
capable de créer d’alternatives puisque le changement doit provenir des organisations<br />
de la base : « The rich won’t solve poverty only the poor can do that » (Kevin,<br />
fondateur de GE, communication personnelle, 28 Juillet 2005 in Wrelton E). L’idée<br />
sous-jacente est que chacun doit agir dans sa propre sphère d’influence pour tenter<br />
de modifier un ordre mondial inégalitaire. « Penser localement et agir globalement ».<br />
Global Exchange inscrit son action dans la théorie du post-développement qui<br />
souligne l’importance du lobbying au niveau international et de l’émergence de<br />
mouvements sociaux transnationaux pour tenter de répondre aux problèmes de<br />
développement (ONG de quatrième génération).<br />
« Global Exchange as an organisation takes a role as a bridge between social<br />
movements and the US public, facilitating the connection and possible solidarity<br />
that may be created between the two » (www.globalexchange.com).<br />
Le choix des pays de destination s’organise selon deux critères :<br />
- dans les pays où la politique étrangère américaine est source d’oppression et<br />
d’occupation qui souffrent directement des conséquences de la globalisation,<br />
du néolibéralisme et des accords de l’ALCA. Exemples : Cuba (voyager à Cuba<br />
signifie braver l’embargo), Nord du Mexique (se rendre compte des impacts<br />
négatifs de l’exploitation capitaliste par la visite des maquiladoras).<br />
- Dans des pays où des mouvements sociaux forts sont en cours pour proposer<br />
des alternatives au modèle néolibéral et peuvent servir d’inspiration et<br />
d’exemple. Exemples : Brésil (contact avec le mouvement sans terres),<br />
Venezuela (politique du gouvernement opposé au dogme néolibéral),<br />
Mexique (rencontre avec le mouvement zapatiste).<br />
GE favorise donc la création de relations avec des mouvements sociaux dans l’optique<br />
de les aider à avoir de la visibilité. Elle ne souhaite pas utiliser le tourisme comme<br />
opportunité de développement économique, afin de ne pas créer des relations de<br />
dépendance. Qu’on le veuille ou non, l’organisation de voyages implique la naissance<br />
286
d’une relation économique, à même de créer aussi bien des liens de dépendance que<br />
d’émancipation. Même si le premier objectif de ces voyages reste politique, il semble<br />
dommage de ne pas saisir l’opportunité que peut représenter le tourisme en termes<br />
de développement économique. Dans tous les cas, les communautés locales des pays<br />
du Sud se trouvent dans une relation de dépendance au niveau du système mondial.<br />
Le choix de ne pas intervenir sur le plan économique signifie décider les abandonner<br />
à leur propre sort.<br />
Global exchange inclue les principes basiques du tourisme socialement responsable :<br />
- présence d’un médiateur culturel (tour leader),<br />
- utilisation d’hôtels et restaurants de petite taille et de coopératives de<br />
transport pour assurer la meilleure redistribution des bénéfices possibles<br />
- préparation du touriste avant le départ22 , réunion de briefing pendant le<br />
voyage et réunions après le retour.<br />
Les reality tour peuvent représenter d’excellents outils de défense et protection des<br />
droits de l’homme. En amenant des délégations dans des endroits soumis à des<br />
violations de droits de l’homme, le visiteur peut jouer le rôle de témoin («act as eyes<br />
and ears for the outside world » www.globalexchange.com) ou peut aider à limiter<br />
les abus du gouvernement sur des groupes minoritaires. Au Chiapas, la présence de<br />
touristes a permis de limiter la répression gouvernementale sur les populations<br />
indigènes. Les reality tour peuvent également consister en des missions d’observation<br />
électorale, des missions de contrôle et d’évaluation sur le respect des droits<br />
élémentaires de l’homme dans certaines régions.<br />
L’objectif des « reality tours » est d’arriver à sensibiliser le touriste afin qu’il se<br />
mobilise après son retour de voyage et se lance dans de nouveaux activimes dans son<br />
propre pays. Pour cela, il est nécessaire d’analyser également les impacts que ce type<br />
de tourisme produit dans les pays touristiques émetteurs et non seulement dans les<br />
pays de destination. La recherche sur ce thème est par ailleurs très pauvre :<br />
22 Une sélection des participants est organisée à travers la distribution d’un questionnaire avec des questions<br />
telles que : « Pourquoi souhaitez-vous partir ? Comment pensez-vous partager votre expérience après votre<br />
retour ? ». Ce questionnaire donne l’impression que la candidature du touriste peut être refusé si les réponses<br />
ne sont pas satisfaisantes. Il n’en est pourtant rien. Pour assurer la rentabilité économique, on ne peut se<br />
permettre de refuser des participants…<br />
287<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
“… Past impact studies have usually concentrated solely on the effect that tourists<br />
have within the destinations. Future macrobased studies may attempt to correlate<br />
the effects of an individual within the tourist region but also in light of the effect that<br />
person would also have had on their home environment” (Fennell, 2003 p. 81).<br />
Figure 11 : Relations entre justice tourism et mouvements sociaux<br />
Mouvement social global<br />
ONG hôtes et communautés locales TO et touristes<br />
JUSTICE<br />
TOURISM<br />
Mouvements sociaux locaux Mouvements sociaux locaux au sein<br />
Source : Wrelton, 2006.<br />
Un bref résumé de l’histoire du mouvement zapatiste…<br />
de la société civile du pays<br />
émetteur de touristes<br />
L’armée de libération nationale zapatiste (EZLN) s’est formée en janvier 1994, en<br />
opposition à la mise en place de l’ALCA, accord considéré par l’EZLN comme la<br />
sentence de mort des peuples indiens du Mexique (Harvey, 1995). La lutte armée ne<br />
dura que douze jours jusqu’à la signature du cessez-le-feu le 12 Juin 1994. L’EZLN<br />
déclara vouloir du travail, la propriété de la terre, un logement, la démocratie, la<br />
justice et la paix (Harvey, 1995). L’objectif de ce mouvement n’est donc pas la prise<br />
de pouvoir mais la reconnaissance du droit à un développement alternatif et<br />
endogène (Benjamin, 1995).<br />
L’EZLN a su très rapidement adopter un discours occidental sur la démocratie, qui<br />
leur était peut-être exogène, pour séduire l’opinion public international et renforcer<br />
par là-même leur pouvoir de négociation face au pouvoir national.<br />
288
Ils ont été un des premiers mouvements politiques à prendre conscience du poids<br />
politique que peuvent octroyer la création de réseaux transnationaux et ont donc basé<br />
leur stratégie de résistance sur la création de tels réseaux. Depuis 1994, le<br />
mouvement zapatiste a donc essayé de rallier de nombreux acteurs internationaux à<br />
sa cause en invitant des ONG nationales et internationales, des groupes de solidarité<br />
et des activistes au Chiapas. Donner une dimension internationale au conflit a permis<br />
d’empêcher le gouvernement de l’étouffer.<br />
« This international presence ‘made it difficult, if not impossible, for the government<br />
to reduce the scope of the conflict to Chiapas » (Rus et al., 2003 p. 17).<br />
En 1992, Le gouvernement mexicain a proposé de l’argent à travers des politiques de<br />
développement destinés au Chiapas, afin d’intégrer cette région isolée dans<br />
l’économie mexicaine. Le mouvement zapatiste a pourtant refusé, montrant par là<br />
qu’il s’opposait à toute forme de développement, au sens occidental du terme.<br />
Le mouvement zapatiste possède des traits de caractères communs aux nouveaux<br />
mouvements sociaux (Esteva et Prakash, 1998).<br />
- Se méfie des leaders et des décisions politiques centralisées.<br />
- Permet la participation de différentes idéologies et classes sociales<br />
- Evite de contrôler les forces sociales qu’ils activent<br />
- Structure organisationnelle flexible<br />
- Se concentre sur des campagnes spécifiques.<br />
Ce mouvement social s’inscrit dans un processus de post-développement.<br />
Le rôle de global Exchange au Chiapas<br />
Global Exchange est présent au Chiapas depuis 1995, date où ils ont implanté un de<br />
leurs bureaux à San Cristobal de las Casas (bureau qui a fermé en 2003).<br />
Leur rôle a été multiple :<br />
- envoyer des délégations à travers des « reality tours »<br />
- envoyer des volontaires pour accompagner des activistes des droits de<br />
l’homme mexicains et pour peupler les camps de la paix établis dans<br />
différentes communautés.<br />
289<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
- Divulguer des informations à l’opinion publique internationale, par la<br />
publication de rapports et l’organisation de conférences.<br />
Dans l’optique d’une sensibilisation politique, le rôle de la communication et de la<br />
médiatisation est central. Actuellement, global exchange organise trois-quatre reality<br />
tours par an au Chiapas et continue de diffuser des informations sur la situation<br />
politique.<br />
Le tourisme est utilisé comme un moyen pour sensibiliser l’opinion publique, en<br />
donnant la possibilité à certaines personnes d’être témoins, de voir de leurs propres<br />
yeux et comprendre des situations politico-sociales. Cet objectif de sensibilisation ne<br />
s’arrête pas à l’organisation de voyage : pour toucher un plus grand nombre, il est<br />
nécessaire de communiquer et de médiatiser les informations.<br />
Empowerment et Zapatistes<br />
Dans le contexte du Chiapas, la rébellion zapatiste et la politisation de la population<br />
ont résulté d’un processus d’empowerment interne, un processus qui a conduit à la<br />
politisation de la population entière du Chiapas et non de la seule communauté<br />
zapatiste.<br />
L’échec des politiques de développement dans la région ont conduit à un processus<br />
d’empowerment qui est venu de l’intérieur. Le rôle du Sous-commandant Marcos<br />
peut être conçu comme celui de catalyseur externe qui a favorisé un processus de<br />
conscientisation. Pour reprendre ses propres mots, le rôle du sous-commandant<br />
Marcos était d’enseigner la « palabra politica » (le discours politique), l’histoire dans<br />
des termes occidentaux (Harvey, 1998). On retrouve comme élément commun dans<br />
de nombreuses luttes indigènes, l’intégration d’une logique politique occidentale, qui<br />
leur permet de mobiliser l’opinion publique (discours sur droits de l’homme, autodétermination,<br />
développement durable,…) Le commandant Marcos a très bien su<br />
utiliser les potentiels du nœud global –local. Par des stratégies modernes et globales<br />
de communication, il a réussi à socialiser sa lutte à l’échelle de la planète. L’EZLN a<br />
vite incarné la voix des laissés pour compte du néolibéralisme. Les rencontres<br />
intercontinentales nombreuses ont permis de montrer qu’il est possible de lier<br />
290
universalité et ethnicité en articulant démocratie et identité non pas contre la<br />
démocratie occidentale mais dans l’approfondissement de l’idée démocratique ». (Le<br />
Bot Y,1997, p.294 cité dans Volle, 2005, p.190)<br />
Le mouvement est très démocratique puisque les décisions sont prises par les<br />
Comités clandestins révolutionnaires indigènes (CCRI). Les femmes sont<br />
encouragées à participer à ce mouvement, contrairement à leur rôle traditionnel.<br />
L’EZLN ne cherche pas à prendre le pouvoir mais souhaite créer un espace politique<br />
dans lequel la démocratie peut être exercée (Benjamin, 1995).<br />
Une grande partie du développement du mouvement s’est basée sur l’éducation avec<br />
notamment l’enseignement de l’espagnol aux communautés paysannes. Bien que cela<br />
puisse s’opposer au désir d’éducation de Freire que les oppressés s’expriment dans<br />
leur propre langage, le mouvement a encouragé l’apprentissage de l’espagnol afin que<br />
les populations locales soient aptes à communiquer dans la langue dominante du<br />
pays, leur permettant de pouvoir lire, écrire et d’acquérir la capacité de comprendre<br />
les forces plus larges qui affectent leur réalité (conscientisation possible seulement<br />
avec des personnes éduquées).<br />
Utilisation politique du tourisme<br />
Les zapatistes utilisent le tourisme comme instrument pour répandre leurs idées,<br />
augmenter le soutien en faveur de leur autonomie et comme fonte financière<br />
complémentaire pour les aider à rester séparés du gouvernement Mexicain. Ce lien<br />
entre l’économique et le politique mis en relief dans le graphique présenté dans cette<br />
thèse est clairement illustré ici. L’indépendance économique renforce l’indépendance<br />
politique et le choix de choisir son propre mode de développement.<br />
L’imposition d’une alerte rouge en pleine haute saison touristique 2005, bloquant les<br />
flux touristiques, montre bien que le tourisme est considéré plus comme instrument<br />
pour assurer la continuité de leur mouvement politique que manne financière. Si les<br />
objectifs que se sont fixés la communauté locale sont clairs (politiques et<br />
empowerment), ils ne devraient pas donner la précédence à l’économique.<br />
291<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Un mouvement déjà empowered avant de s’ouvrir au tourisme<br />
Le courant zapatiste était déjà un mouvement établi et fort avant que Global<br />
Exchange leur apporte du soutien. La création de ce mouvement est justement le<br />
résultat d’un fort processus d’empowerment endogène au niveau local. Les forces<br />
globales jouent cependant un rôle important pour influencer les actions au niveau<br />
local. Global exchange, en permettant de mettre en réseau le mouvement avec des<br />
acteurs transnationaux a pu soutenir un processus d’empowerment exogène (voir<br />
graphique, cercle d’empowerment 2).<br />
C’est également ce qui s’est passé avec le peuple Sahraoui (comme nous le<br />
développerons dans l’étude de cas), qui possède une forte identité collective, et mis en<br />
place une dynamique d’empowerment endogène très forte. Ce qu’il recherche est de<br />
lancer un processus d’empowerment exogène qui pourrait lui permettre de le<br />
soutenir au niveau politique.<br />
On pourrait donc en conclure que lorsque des communautés souhaitent développer le<br />
tourisme à des fins politiques, cela signifie qu’elles sont déjà « empowered » (au<br />
niveau interne) et fortes. Pour accompagner de telles communautés dans un<br />
processus d’empowerment exogène, ce serait les ONG de quatrième génération<br />
(porteurs des théories du post-développement) qui seraient le mieux placées, c’est-àdire<br />
en organisant un travail de lobbying au niveau macro (et non local) plutôt que de<br />
mettre en place des projets locaux destinés à l’empowerment (Korten).<br />
Etude de cas centré sur un voyage de global exchange au Chiapas<br />
Dans l’optique d’utiliser le tourisme comme moteur de changement social, il est<br />
nécessaire d’étudier les motivations des trois acteurs impliqués dans le voyage (TO –<br />
Communauté locale – touriste) puisque celles-ci peuvent être notoirement<br />
différentes.<br />
Le TO organise-t-il ces voyages comme source de fund-raising ou comme élément de<br />
sensibilisation politique et sociale ?<br />
292
Le touriste voyage-t-il intéressé à vivre une expérience “authentique”, par<br />
voyeurisme, solidarité sociale ou activisme ?<br />
Les communautés locales impliquées sont-elles intéressées à développer le tourisme<br />
seulement pour des raisons économiques où ont-elles conscience que le tourisme<br />
peut représenter un instrument de sensibilisation politique et sociale ?<br />
Les “reality tour, comme leur nom l’indique, soulignent la réalité et l’authenticité de<br />
l’expérience vécue. Comme nous l’avons mis en exergue, ce sont les populations hôtes<br />
qui contrôlent l’authenticité de l’expérience touristique, selon ce qu’elles désirent<br />
montrer ou non au touriste. Les motivations qui poussent la communauté à s’ouvrir<br />
au tourisme sont donc centrales.<br />
Si les hôtes privilégient le tourisme pour des motifs économiques, il est fort probable<br />
qu’ils montrent au touriste ce qu’ils pensent que ce dernier a envie de voir. Si au<br />
contraire des motifs plus politiques et éducatifs se cachent derrière l’ouverture au<br />
tourisme, il y a de fortes chances que le touriste puisse vivre une expérience plus<br />
authentique.<br />
”When considering the Reality Tours and their desire for real or authentic<br />
experience, the views of the hosts with regard to the purpose of the meetings would<br />
matter a great deal. If the hosts have a vested economic interest in tourism then<br />
their interactions with visiting groups may be seen as a production for the benefit of<br />
the visiting tourists. If the earnings of the host groups, from the meetings, were<br />
significant and this mattered more to them than the education of the Reality Tour<br />
participants, then the portrayal of the reality of the situation would take second<br />
place to the interests and desires of the tourists”. (Wrelton E, 2006)<br />
Type de public<br />
Le profil type du touriste correspond à un public progressiste et ayant assez de capital<br />
financier pour voyager. La variable âge semble peu déterminante. Etudiants,<br />
retraités, enseignants, professionnels dans l’humanitaire et l’éducation semblent<br />
être les catégories socioprofessionnelles les plus représentées. Les participants sont la<br />
plupart des temps des personnes déjà activistes (mouvement anti-apartheid en<br />
Amérique du Sud, opposants à la guerre en Irak, volontariat en Amérique du Sud…).<br />
293<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Cela facilite l’échange d’informations mais limite l’objectif de sensibilisation de<br />
l’opinion public.<br />
Problèmes de rentabilité<br />
Au même titre que n’importe quel TO, l’organisation de « reality tour » doit se<br />
soumettre aux logiques et contraintes du marché. Ces contraintes peuvent<br />
conditionner l’objectif final qui est celui de la sensibilisation de l’opinion public et la<br />
création de nouveaux militantismes.<br />
Les tours les plus intenses et durs (dans des zones difficiles mais qui justement<br />
nécessitent encore plus une aide extérieure) ont du mal à trouver un public nombreux<br />
et peuvent donc être menacés d’annulation pour faute de rentabilité. Global Exchange<br />
a donc été contraint d’identifier des tours plus généraux et « softs », aptes à attirer un<br />
plus large public.<br />
Cet impératif tout d’abord économique a cependant permis d’attirer un public plus<br />
large et de sensibiliser de nouvelles personnes, ayant des profils beaucoup moins<br />
militants.<br />
Dans l’optique d’une conscientisation de l’opinion publique, il est intéressant<br />
d’atteindre de nouvelles personnes qui ne sont pas déjà des militants engagés.<br />
Cependant, dans l’optique du second objectif, c’est-à-dire la création de nouveaux<br />
militantismes à la suite du voyage, il sera plus difficilement atteint avec ce nouveau<br />
public.<br />
Hormis l’étude des différentes motivations poussant les acteurs à<br />
s’impliquer dans ce type de tourisme, il est utile d’analyser les effets et les<br />
bénéfices que peut apporter ce tourisme aux différents acteurs.<br />
Motivations des reality tours<br />
Le partage de connaissance<br />
294
Un des objectifs clés du « relatity tour » est l’apprentissage et l’échange de<br />
connaissances sur les thèmes de justice sociale, droits de l’homme, commerce<br />
équitable, accords de libre échange et leurs effets,… Le but n’est pas seulement<br />
d’analyser des situations locales mais de les connecter à un cadre global plus grand<br />
afin de comprendre quelles responsabilités la politique américaine peut avoir dans<br />
l’émergence de ces problèmes.<br />
”see the bigger picture and the links that this picture shows between the US and<br />
these problems” (Wrelton, 2006)<br />
Certaines personnes peuvent créer des effets multiplicateurs importants en termes de<br />
transmission de ces connaissances et de sensibilisation de l’opinion publique : c’est le<br />
cas des figures professionnelles telles que les professeurs ou journalistes,….<br />
Le flux d’information du Sud au Nord s’oppose à l’idée commune que le Nord<br />
développé possède toutes les réponses. Le Sud a à apprendre au Nord en termes de<br />
lien social, de solidarité intergénérationnelle : la solidarité porte en elle une<br />
réciprocité de l’échange.<br />
La recherche d'une alternative<br />
La recherche d’une alternative est un thème qui revient très fréquemment parmi les<br />
motivations des participants. Sur les huit personnes présentes durant le tour, six<br />
déclaraient remettre en question des éléments de leur propre culture et souhaitaient<br />
observer des alternatives créées par des mouvements sociaux tels que le mouvement<br />
zapatiste. Les concepts remis en question sont les suivants : néolibéralisme,<br />
consumérisme et capitalisme.<br />
Un des objectifs affichés de GE est celui de montrer ”alternatives to corporate<br />
Western dominated globalisation” (Nadya, employee de GE, communication<br />
personnelle, 28 Juillet 2005)<br />
295<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
En ce qui concerne les ONG locales, la majorité soulignait leur appartenance à des<br />
mouvements sociaux globaux. ‘it is not only a local struggle’ (Représentan CIDESI,<br />
communication personnelle, 19 Juillet 2005).<br />
Une des ONG locales visitées, CIDESI, ressent la nécessité de se mettre en contact<br />
avec d’autres organisations partageant le même engagement, telles que GE. Elles se<br />
disent membres d’un mouvement plus grand qui partagent une même volonté de<br />
changer le monde, sous l’influence du marxisme, du socialisme et des théories de la<br />
libération.<br />
Au même titre, une autre ONG locale CIEPAC centra son intervention auprès des<br />
touristes sur les problèmes structurels du système mondial et sur l’imposition de<br />
politiques néolibérales aux pays du Tiers-Monde grèvant leur possibilité de<br />
développement. Afin de résoudre les problèmes de développement, le focus est donc<br />
centré sur la résistance aux idéologies et au concept de développement occidental.<br />
Tous les acteurs partagent un même objectif : changer le monde. S’ils s’accordent sur<br />
les problèmes du système mondial et si la résistance les regroupe, ils ont cependant<br />
plus de difficultés à proposer des solutions communes. Il y a l’idée d’un mouvement<br />
social global mondial et ample mais personne ne sait définir quel est le lien ou les<br />
valeurs partagées.<br />
Solidarité<br />
Un des objectifs de GE est de créer des liens de solidarité entre les membres du<br />
groupe et les membres de la communauté locale visitée.<br />
Il semble que certains liens de solidarité se soient créés avec leurs hôtes : “I felt that<br />
this is a really good connection and that we’re all just struggling to make a living,<br />
you know basically what it all boils down to, and to be treated with dignity” (Julie,<br />
participante au tour, communication personnelle, 15 Juillet 2005)<br />
En ce qui concerne les communautés visitées, ce type de tourisme leur permet de<br />
sortir de leur isolement et de voir qu’il existe des gens ailleurs confrontés au même<br />
type de problèmes. Cette solidarité, qui leur permet de sortir de l’invisibilité est un<br />
296
acte positif en lui-même (que le touriste se lance après ou non dans l’activisme). La<br />
visite à des ONG locales permet l’empowerment aussi bien psychologique que social<br />
de ces dernières.<br />
La création de réseaux<br />
Les trois acteurs sont motivés par la volonté de créer des relations et réseaux.<br />
Il existe plusieurs types de réseaux qui peuvent se former grâce au justice tourism :<br />
- émergence d’un nouveau réseau entre les participants au tour<br />
- création d’un réseau entre les participants et les communautés locales<br />
- connections des deux premiers réseaux à des réseaux déjà existants faisant<br />
partie du réseau social existant des participants (effet multiplicateur de taille)<br />
De nombreux participants choisissent ce type de tourisme pour favoriser les<br />
rencontres avec des gens ouverts d’esprit. “I hope to meet people on this trip that are<br />
part of a community of people in the world that are committed to doing social<br />
justice work, and like networking that way “(Anna, participante au tour,<br />
communication personnelle, 6 juillet 2005)<br />
Après le voyage, des réseaux se sont effectivement créés entre les participants. Un<br />
groupe Yahoo a été notamment formé pour permettre le partage de photos et<br />
d’informations (articles sur l’activisme). Les contacts ont cependant été sporadiques<br />
et un des participants s’est déclaré déçu du manque de participation.<br />
La création de réseaux et de contacts entre les ONG locales et les participants semble<br />
être limitée. Les ONG locales ont cependant toutes en mémoire des exemples<br />
d’implication locale d’ex-voyageurs. Certains touristes retourneraient au Chiapas<br />
comme observateur des droits de l’homme ou pour donner des cours d’anglais. Dans<br />
l’autre sens, un des touristes a invité un représentant d’une ONG locale (CIEPAC) à<br />
réaliser des conférences en Arizona et une campagne médiatique dans la presse<br />
locale. De petites initiatives individuelles peuvent permettre de bons résultats en<br />
297<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
terme de sensibilisation de l’opinion publique comme le montre cet exemple, grâce à<br />
l’effet multiplicateur.<br />
Une des ONG locales visitée a déclaré cependant que le manque de contact post-tours<br />
avec les visiteurs était perçu comme un problème de taille a « gap in our outreach to<br />
the First Worl » (Représentant CIEPAC, communication personnelle, 15 Juillet<br />
2005).<br />
Motivations financières ?<br />
Les visites aux ONG locales organisées par GE laissent très peu de bénéfices à ces<br />
dernières. La philosophie de GE est qu’elles nécessitent plus un soutien politique<br />
qu’une aide financière. L’autre argument avancé pour réduire l’apport économique,<br />
est la volonté de ne pas créer de relations de dépendance. Le majeur apport financier<br />
que ces ONG peuvent recevoir est par la vente d’artisanat ou de n’importe quel<br />
produit au touriste. Ils semblent donc que les motivations qui poussent les ONG<br />
locales à recevoir des délégations telles que celles de GE sont bien avant tout<br />
politiques.<br />
Stimuler l’activisme<br />
L’objectif principal annoncé par GE est de créer de l’activisme à travers l’éducation et<br />
la conscientisation. GE a donc essayé de mettre en place des pratiques pour tenter de<br />
maximiser cet activisme tel que la distribution de pack de suivi après le retour de<br />
voyage. Ce dossier, en plus de contenir les différents contacts des ONG visitées,<br />
fournit d’ultérieurs contacts, ressources et réseaux pour permettre aux participants<br />
de s’impliquer plus. GE a d’ailleurs manifesté qu’ils étaient déçus par le peu de feedback<br />
des participants et par le manque d’activisme.<br />
« So it becomes meaningful for the hosts, cause I think we could so easily burn out<br />
the hosts if we keep coming back to the same ones over and over again and they<br />
don’t see any change in US policy » (Kirsten, fondateur de GE, communication<br />
personnelle, 3 août 2005)<br />
298
En ce qui concerne les ONG visitées, leur objectif principal est bien de chercher du<br />
soutien à travers l’activisme de leurs hôtes, une fois de retour chez eux. Cette<br />
nécessité s’est notamment fait plus présente dans une des communautés visitées qui<br />
s’opposait à un projet de développement du gouvernement risquant d’avoir des<br />
impacts très négatifs quant à la pollution de leur rivière. Rencontrer des groupes<br />
internationaux était considéré comme nécessaire pour publiciser leur cause à travers<br />
les médias ou l’écriture de lettres de soutien.<br />
Quel potentiel de transformation sociale ?<br />
L’attitude et le parcours des participants (personnes déjà activistes) laissent penser<br />
qu’ils pourront satisfaire les objectifs escomptés de GE et des ONG locales en terme<br />
d’éducation, de conscientisation et de divulgation d’information, de par leur<br />
implication dans de nombreux réseaux.<br />
Tous les participants ont déclaré lors du questionnaire post-voyage avoir parlé de leur<br />
expérience à leur famille et amis. Certains ont notamment créés des opportunités<br />
spéciales pour divulguer l’information sous formes d’expositions, de groupes de<br />
discussions, de diffusion de film ou de photos...<br />
Trois des participants ont écrit des articles ou publications sur le Chiapas. Un<br />
membre a également organisé l’accueil d’un intervenant d’une ONG pour pouvoir<br />
donner une conférence en Arizona. Même le participant le moins politisé, a utilisé son<br />
expérience pour enrichir son enseignement et a introduit de nouveaux thèmes de<br />
discussions tels que l’ALCA.<br />
En termes d’éducation du grand public, les résultats sont beaucoup plus limités car<br />
les reality tour sont composés majoritairement de personnes déjà actives socialement.<br />
En effet, l’américain moyen est absent de ce genre de tourisme, peut-être par ce qu’il<br />
est planifié de façon trop extrême, avec très peu de temps laissé aux loisirs…. Dans<br />
cette optique, il peut être intéressant de penser des voyages plus softs (ce que fait<br />
d’ailleurs global exchange) afin de pouvoir toucher un nouveau public moins<br />
sensibilisé.<br />
Etant donné que le groupe était majoritairement gauchiste, l’auteur (Wrelton, 2006),<br />
constate que l’on ne peut pas parler de changements significatifs chez les membres.<br />
299<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Ce tourisme n’aura pas créé de l’activisme mais l’aura encouragé et démultiplié. Au<br />
niveau de l’activisme direct en faveur des communautés locales, après le retour, les<br />
résultats semblent beaucoup plus mitigés. Cela peut conduire à la frustration à long<br />
terme des communautés hôtes. Par exemple, comme nous l’avons mentionné<br />
précédemment, une des communautés hôtes, impliquée dans un conflit avec le<br />
gouvernement avait appelé clairement les touristes à la mobilisation, après leur<br />
retour, par l’écriture de lettres de soutien au gouvernement ou par la mobilisation de<br />
la presse. Selon les réponses aux questionnaires, il ne semble qu’aucun membre n’ait<br />
organisé une action quelconque.<br />
Pour apporter une conclusion brève, on pourrait dire que ce genre de tourisme<br />
stimule l’activisme sur l’environnement local du participant et sur des problèmes<br />
globaux sur lesquels ils ont un minimum de contrôle. Au contraire, l’activisme direct<br />
en faveur des communautés locales est plus faible. Dans tous les cas, ces voyages<br />
permettent de démontrer un lien de solidarité et sortir certaines populations de<br />
l’isolement, leur donnant visibilité au moins le temps d’une rencontre.<br />
Réflexion conclusive sur la contribution de ce type de tourisme à<br />
l’empowerment des communautés locales<br />
GE a décidé d’organiser des tours au Chiapas afin d’apporter son soutien à la culture<br />
de résistance des zapatistes, fruit d’un processus d’empowerment déjà existant et fort.<br />
Ce tourisme n’a donc pas jouer le rôle de catalyseur dans ce processus<br />
d’empowerment endogène. Il a cependant permis de renforcer un processus<br />
d’empowerment externe.<br />
Les reality tour, dans leur programmation, apportent une attention particulière à la<br />
thématique de la distribution du pouvoir. Ils essaient d’intégrer les groupes plus<br />
marginalisés, les moins entendus pour essayer de rééquilibrer une relation de pouvoir<br />
inégalitaire au niveau national. Ils contribuent à l’empowerment en rendant possible<br />
l’échange d’informations, la création de réseaux de soutien,… Seul l’empowerment<br />
économique est laissé à l’écart par GE; ce qui considérons comme dommageable.<br />
300
Depuis 2003, GE a fermé son bureau dans le Chiapas, puisque les communautés<br />
locales ne nécessitaient plus de soutien dans leur processus d’empowerment<br />
endogène. Il se concentre désormais sur l’empowerment des participants du groupe<br />
et sur l’empowerment externe de la communauté par la constitution de mise en<br />
réseau transnationale.<br />
Figure 12 : Contribution des Reality tour à l’empowerment des communautés locales et<br />
des touristes<br />
Source : Wrelton, 2006, p.152, issu de Stromquist, 2002<br />
301<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
3.4.3. Projet de développement du tourisme solidaire dans les camps<br />
réfugiés sahraouis en Algérie.<br />
Cette étude de cas vise à illustrer la fonction que peut recouvrir le tourisme dans la<br />
sphère politique notamment à travers son rôle de sensibilisation politique et sociale.<br />
La présente analyse, basée sur l’étude d’un projet de développement touristique par<br />
la Société Sahraouie dans les camps réfugiés de Tindouf (Algérie) propose<br />
d'interroger les motivations politiques et sociales qui peuvent inciter certaines<br />
communautés locales à développer le tourisme. En effet, le Justice tourism peut être<br />
utilisé comme instrument de sensibilisation des touristes dans l’optique de la<br />
résolution d’un conflit politique, afin que ceux-ci se lancent dans de nouveaux<br />
activismes.<br />
Cette réflexion globale sera exposée à travers l'analyse d'un cas particulier : le projet<br />
de développement du tourisme responsable dans les camps réfugiés Sahraouis en<br />
Algérie. Il existe des motifs politiques internes et externes qui stimulent cette<br />
élection de développement : le renforcement de l'identité Sahraoui au niveau interne<br />
et la sensibilisation de l'opinion publique au niveau international.<br />
Comme nous l’avons développé précédemment, la mise en patrimoine est un acte<br />
fortement politique qui peut permettre de renforcer l'identité des communautés<br />
locales à travers la valorisation de la culture. La culture possède un rôle de<br />
représentation politique et renforce les idéologies nationales. L'importance d'une<br />
politique culturelle qui légitime l'identité est cruciale dans des lieux de conflits, où<br />
cette identité est mise en question.<br />
L'idée de développer un projet de tourisme responsable avec le peuple sahraoui est<br />
née il y a trois ans, suite à une demande de la Représentation de la RASD en Italie<br />
(République arabe sahraoui démocratique) présentée au CIRPS. Cette idée s’est<br />
traduite par la réalisation d'une étude de faisabilité en 2006-2007 financée par la<br />
province de Milan et la réalisation d’un voyage test en décembre 2007 - janvier 2008,<br />
commercialisé par une agence de voyage de l’AITR, Planet Viaggi. Suite à ces deux<br />
302
initiatives, nous avons développé un concept note mais le projet ne s’est pas encore<br />
réalisé et le fund raising continue.<br />
En introduction, il apparaît indispensable de présenter le contexte historique du<br />
conflit du Sahara Occidental, afin de poser des bases solides pour pouvoir saisir les<br />
différentes dimensions de la réflexion qui s’ensuivra.<br />
Nous décomposerons notre analyse en trois parties, chacune d’elles intégrant des<br />
analyses théoriques développées le long du corpus de notre thèse.<br />
Le corps analytique sera décomposé dans trois parties :<br />
1. Patrimonialisation de l'histoire et consolidation de l'identité. Le<br />
tourisme comme interface : de l’intérieur à l’extérieur.<br />
Cette partie vise à s’attacher au processus d’empowerment politique endogène<br />
qu’ont mené activement les Sahraouis depuis leur arrivée dans les camps.<br />
2. Le Justice Tourisme comme instrument de sensibilisation<br />
politique et sociale : sortir de l’oubli.<br />
Nous développerons ici les potentialités du tourisme pour permettre un processus<br />
d’empowerment externe, renforcé par la mise en réseau transnationale et la<br />
création de nouveaux activismes.<br />
3. Présentation et analyse du projet de coopération<br />
Nous essaierons d’analyser en quoi ce projet cherche à intégrer les bonnes<br />
pratiques présentées lors de notre réflexion, afin de faciliter un processus<br />
d’empowerment.<br />
Introduction : Contexte historique et rôle central du concept d'identité<br />
sahraoui<br />
Le Sahara Occidental est un territoire de l'Afrique situé dans l'extrémité occidentale<br />
du désert du Sahara, au bord de l'océan Atlantique, entre Mauritanie et Maroc. Il<br />
s'agit du dernier pays africain décolonisé et qui n'a pas réussi à obtenir son<br />
indépendance formelle lors du retrait du colon. Son processus de décolonisation a été<br />
303<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
interrompu en 1976, lorsque l'Espagne, ancienne puissance coloniale abandonna le<br />
peuple sahraoui, en signant le 14 novembre 1975, l'accord tripartite de Madrid avec le<br />
Maroc et la Mauritanie. Cet accord centralisé par l'Espagne a prononcé la séparation<br />
du Sahara Occidental, (partie méridionale en faveur du Maroc et partie<br />
septentrionale à la Mauritanie). Le Maroc réclamait depuis de longues années des<br />
droits ancestraux sur ce territoire. Toutefois, le Tribunal International de Justice de<br />
Haye a nié, par un avis de sa Cour, en 1975 l'existence de liens de souveraineté<br />
territoriale entre le territoire du Sahara Occidental et le royaume de Maroc.<br />
Avec l'occupation militaire en 1976, a éclaté une guerre impliquant le Maroc, la<br />
Mauritanie et l’Armée de libération nationale Sahraouie. A partir de là a commencé le<br />
début de l'exode du peuple sahraoui dans le désert algérien proche de Tindouf, où<br />
vivent encore aujourd'hui la plus grande partie de ce peuple (entre 100 000 et 200<br />
000 personnes).<br />
Entre temps la Mauritanie signait le 25 août 1979 un accord de paix avec le Front<br />
Polisario, en se retirant des zones occupées. La guerre avec le Maroc s’est quant à elle<br />
terminée en 1990 par une médiation des Nations Unies. Cependant, le Sahara<br />
Occidental reste toujours occupé par le Maroc, bien que la souveraineté marocaine<br />
sur ce dernier ne soit pas reconnue par les Nations Unies et soit rejetée par le groupe<br />
armé Front Polisario. Les Sahraouis ont crée un Etat en exil, la République Arabe<br />
Sahraoui Démocratique (RASD) et ont proclamé leur indépendance dès 1976. La<br />
RASD est reconnue par l'Union africaine et par presque 100 pays dans le monde, la<br />
majorité d’entre eux sont africains ou latino-américains. Ce gouvernement administre<br />
de facto la zone du Sahara Occidental non contrôlée par le Maroc (les territoires<br />
libérés) et les camps réfugiés de Tindouf. Actuellement, le territoire du Sahara<br />
Occidental est divisé par un mur de plus de 2.000 km de longueur, surveillé par plus<br />
de 150.000 soldats de l'armée marocaine (avec des radars et des mines<br />
unipersonnelles). Ce dispositif coûte plus de 1,5 millions d’euro par jour. Dans la<br />
zone, la MINURSO, Mission des Nations Unies pour le referendum dans le Sahara<br />
Occidental surveille le respect du cessez-le-feu depuis 1991 et devait contrôler le bon<br />
déroulement du référendum prévu pour décider de l’avenir de ce territoire. Plusieurs<br />
plans de paix ont promulgué l'organisation d'un referendum mais tous ont échoué.<br />
Aujourd'hui, le Maroc propose, à la place, d'accorder au Sahara Occidental une vaste<br />
autonomie sous sa souveraineté. Cette solution a été rejetée par le Front Polisario. Le<br />
304
gouvernement de Rabat a utilisé à beaucoup d'occasions la pression politique et<br />
l'arrestation d'activistes humanitaires contre les sahraouis qui habitent dans les<br />
territoires occupés, soumis à de fortes répressions et tortures.<br />
L'importance cruciale du concept d'identité par le peuple saharaui.<br />
Avec l'invasion du Sahara Occidental en 1976 et l'entrée des troupes dans le territoire,<br />
le monarque du Maroc a favorisé le processus de dénaturalisation de l'identité<br />
sahraoui, marqué par de nombreuses violations systématiques des droits de l’homme.<br />
Caratini (2000) soutient que la question de l'identité est à l'essence du problème<br />
entre le Maroc et les Sahraouis. Le Polisario, sous influence de la pensée occidentale,<br />
a compris que le concept de peuple pouvait constituer une forte arme politique :<br />
reconnaître l'existence d'un peuple signifie en outre la reconnaissance à ses membres<br />
du droit de créer une nation. Le Front Polisario a flanqué à la lutte de libération<br />
nationale, « une révolution sociale » indispensable pour supporter le projet<br />
indépendantiste. Cette révolution a consisté à éliminer le « système tribal » Saharaui<br />
et les rivalités que ce dernier engendrait. Etant donné l'absence du concept de peuple<br />
dans la base culturelle Sahraoui, il est intéressant de comprendre comment les<br />
Sahraouis, tribus nomades et structurées par un système conflictuel, ont réussi à<br />
créer un fort sentiment d’appartenance à un même peuple, pouvant prétendre à<br />
construire une Nation dans un seul territoire.<br />
Cette reconstruction de l'identité a été pensée par la RASD pour démontrer à<br />
l'opinion publique internationale des pays occidentaux que ce peuple s'avérait éligible<br />
à l'autodétermination puisqu’il était prêt à construire un Etat dans son territoire, sans<br />
la présence du Maroc. Pour cette raison Julien et Abjean observent que les Sahraouis<br />
veulent apparaître non seulement comme un peuple mais comme un « peuple<br />
exemplaire ». Ceci explique le haut niveau d'organisation présente dans les camps de<br />
Tindouf. L'image officielle qu'une communauté veut donner d’elle-même est<br />
importante pour comprendre comment cette communauté veut être perçue. Les<br />
Sahraouis, depuis l’exil, ont donné une importance cruciale à la présence étrangère<br />
dans les camps réfugiés. En interrogeant certains représentants de la RASD dans des<br />
pays étrangers, ils insistent sur l’importance d’encourager les gens à visiter les camps<br />
et vivre avec les familles Sahraouis, pour que ceux-ci se transforment en témoins.<br />
305<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Cette expérience a été rendue possible par l’organisation de voyages de solidarité par<br />
les réseaux internationaux de solidarité avec le peuple Sahraoui. Les Sahraouis, et ce<br />
surtout depuis la fin de la guerre (track one diplomacy), possèdent pour seule<br />
stratégie de résolution du conflit, la track two diplomacy, c’est-à-dire la voie non<br />
officielle. La nécessité est forte de sensibiliser et d'informer l’opinion publique sur le<br />
conflit du Sahara Occidental puisque, à l’inverse du conflit israélo-palestinien, il n’est<br />
pas du tout médiatisé. Le conflit du Sahara Occidental est connu comme le « conflit<br />
oublié » : la sensibilisation est donc une arme centrale pour continuer la lutte pour<br />
l'autodétermination.<br />
Expliquer les racines du conflit et l'importance du thème identitaire a permis de<br />
donner des outils analytiques nécessaires au lecteur pour qu’il saisisse comment le<br />
tourisme peut servir des objectifs politiques internes comme externes de la RASD.<br />
Dans cette analyse, la question à débattre est la suivante : Dans quelle mesure le<br />
tourisme responsable peut représenter une stratégie de développement viable et<br />
souhaitable pour le peuple Sahraoui ? Selon certains politiciens Sahraouis, cette<br />
élection stratégique serait motivée pour des raisons majoritairement politiques. Il est<br />
cependant important de noter que cela ne fait pas l’unanimité au sein du<br />
gouvernement Sahraoui. Ses partisans conçoivent le tourisme comme un vecteur<br />
idéal pour affirmer son identité et sa revendication du droit à l'autodétermination sur<br />
la scène internationale.<br />
1. Patrimonialisation de l'histoire et consolidation de l'identité.<br />
Le Tourisme comme interface : de l’intérieur vers l'extérieur.<br />
La récupération et la protection du patrimoine culturel Sahraoui constituent un acte<br />
fondamental, très symbolique pour un peuple réfugié et opprimé qui fait face à un<br />
risque de perte d’identité et d’acculturation.<br />
Les camps réfugiés sahraouis représentent un de ces espaces dans des zones de<br />
conflit où les concepts d'identité culturelle nationale et de patrimoine sont<br />
fragmentés ou violemment remis en question. La culture est perçue comme une arme<br />
politique et un instrument de bataille. Une des victoires les plus importantes de la<br />
306
RASD, au point de vue politique, a été de réussir à créer un sentiment fort<br />
d’appartenance à une même nation à l'intérieur de la société Sahraoui. Cette<br />
construction a été rendue possible grâce à une représentation particulière du<br />
patrimoine et d'une mythologie du passé aptes à créer cohésion et légitimation. Il est<br />
intéressant de constater que bien avant de s’ouvrir au tourisme (de se présenter à<br />
l’extérieur), la RASD a organisé une patrimonialisation de son territoire par la<br />
création de musées (renforcement de l’intérieur).<br />
Création de musées et valorisation du patrimoine<br />
Les Sahraouis considèrent comme un danger le fait de construire des infrastructures<br />
solides et stables dans le désert, même si elles étaient aptes à faciliter leur vie<br />
quotidienne, parce qu'ils ont peur d'affaiblir le projet indépendantiste. Ils ont<br />
cependant perçu l'exigence de construire trois musées. Il est fondamental de<br />
s'interroger sur les raisons qui ont poussé une population retranchée dans un des<br />
lieux les plus inhospitaliers que la planète, sans tradition dans ce camp, a sentir la<br />
nécessité de fixer dans un espace objet et histoire sur son passé et son présent. Les<br />
musées jouent un rôle clef dans la préservation du patrimoine et dans la création<br />
d'identités culturelles. En ce sens, nous nous concentrerons sur la politique de<br />
muséification organisée dans différents camps par la RASD. Le Musée National du<br />
Peuple Sahraoui, le Musée de la Guerre et le musée de Tifariti ont aidé à réécrire<br />
l'histoire Sahraoui et à organiser une nationalisation de la mémoire fonctionnelle au<br />
projet du Polisario. Ces manifestations peuvent être comprises comme stratégies<br />
pour donner du sens à la cause sahraouie.<br />
Selon Chiaravalloti, les Sahraouis, citoyens d'une nation en exile, conduisent une<br />
bataille pour obtenir visibilité dans le monde et cherchent s'approprier une nouvelle<br />
identité par tous les moyens disponibles : les musées en font partie. À travers les<br />
musées, ils essaient d'exorciser le scandale de l'absence de nouvelles, données,<br />
documents qui témoignent au monde la présence de la question sahraouie. » Le<br />
musée de la Guerre, a été créé en 1979. Il contient de nombreux armements capturés<br />
à l'armée marocaine. Son objectif essentiel est de conserver des preuves, témoins<br />
qu’une guerre a vraiment eu lieu entre Sahraouis et Marocains ;<br />
307<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
“Su objetivo esencial es hacer entender al mundo, cuando venga a los campos, que<br />
tuvo lugar una guerra entre el ejercito saharaui y marroquí; que puedan ver la<br />
realidad y no solo escuchar nuestras palabras”. 23<br />
Le Musée National du peuple Sahraoui est né durant l'année 1997, grâce à la<br />
collaboration de l'Université de Girone et du Ministère de la culture de la RASD. Il<br />
présente des informations sur la préhistoire, l'histoire, la culture traditionnelle et<br />
l'environnement naturel Sahraoui. Ce musée répond à la volonté de mise en place<br />
d'une politique de conservation et divulgation du patrimoine, notamment par la<br />
conservation de restes archéologiques retrouvés dans les territoires libérés.<br />
“Los dos museos, aunque son diferentes, ayudan a entender los documentos. Si un<br />
extranjero viene y no puede ver ciertos documentos, existe el riesgo que no se<br />
concientice y que permanezca en un cierto sentido indiferente. Al ver esos<br />
documentos, los instrumentos tradicionales nómadas o los restos militares de una<br />
batalla, se puede dar cuenta en modo diferente y vivir mayormente nuestro<br />
sufrimiento; lo vive de más cerca.” 24<br />
Par conséquent, les musées s’adressent plus à la population qu'aux étrangers afin que<br />
les nouvelles générations puissent pouvoir connaître les objets utilisés dans le passé.<br />
Tous les enfants visitent les deux musées afin qu’ils sachent ce qu'a représenté la<br />
guerre et la vie traditionnelle nomade.<br />
Le développement du tourisme est complémentaire aux initiatives de récupération du<br />
patrimoine culturel en cours et constitue un instrument très utile pour divulguer et<br />
conserver le patrimoine culturel Sahraoui. Dans les territoires libérés, lieu hautement<br />
symbolique pour ce peuple (zone de Tifariti), existent plusieurs zones archéologiques<br />
de grande importance où se trouvent des peintures rupestres. Ces peintures<br />
pourraient disparaître si aucun plan de conservation n'est programmé en raison des<br />
actes dégradation qu’elles subissent et du manque d'intérêt qu'elles suscitent au sein<br />
23 Intervista Director del Museo de laGuerra, Mohamed Sidi Aupa, por Bruno Chiaravalloti in "Autorapprsentazione<br />
di un’identità in cambiamento. Il popolo saharawi’, op.cit.<br />
24 Intervista hecha al Director del Museo de la Guerra Mohamed Sidi Aupa, por Bruno Chiaravalloti in<br />
"Auto-rapprsentazione di un’identità in cambiamento. Il popolo saharawi’, op.cit.<br />
308
de la population. Le fait que des touristes visitent ce patrimoine permet de le<br />
revaloriser aux yeux des sahraouis.<br />
Aas et al (2005) ont souligné que le tourisme peut jouer un rôle positif en termes de<br />
valorisation et gestion de patrimoine. Certains patrimoines ne sont pas du tout<br />
valorisé par la population locale. En réalisant l’importance économique de ce<br />
patrimoine, les autochtones commenceront à le valoriser et le respecter pour sa<br />
valeur économique et dans un second temps pourront devenir fiers et orgueilleux de<br />
ce dernier (empowerment psychologique et culturel). C’est l’objectif visé par la visite<br />
des peintures rupestres à Tifariti, visitées par les touristes.<br />
La contribution du tourisme national se révèle essentielle pour le processus de<br />
construction d’une nation. La visite à des sites emblématiques de l’identité nationale<br />
est récupérée comme élément confédérateur (es. Sahraouis). La ferveur patriotique<br />
peut être alimentée et cultivée par le tourisme (cas des ex-pays de l’URSS – voir étude<br />
de Hall).<br />
L’ouverture au tourisme<br />
La société Sahraouie qui vit dans les camps réfugiés s’est vue encouragé, par choix ou<br />
obligation à s’ouvrir vers l'extérieur pour deux motifs. Tout d’abord parce qu'elle<br />
dépend totalement de la coopération et solidarité internationale pour sa subsistance<br />
physique dans les camps : cela implique la présence de personnes étrangères dans les<br />
camps, les coopérants. Deuxièmement, parce que la RASD a pris la décision politique<br />
de chercher aide et appui diplomatique à l’étranger, en tentant de sensibiliser<br />
l’opinion publique à sa cause. Le peuple Sahraoui a su tisser des réseaux de solidarité<br />
très étendus grâce aux actions de ses représentants dans plusieurs pays stratégiques.<br />
Il existe des associations de solidarité et soutien au peuple Sahraoui, plus ou moins<br />
forts, dans presque tous les pays européens. Les contacts permanents du peuple<br />
Sahraoui avec des coopérants et des associations de solidarité depuis presque trente<br />
années ont soumis ce peuple à la dynamique de la rencontre interculturelle. Les<br />
Sahraouis ont vu depuis le début de leur exil, leur territoire « envahi» de<br />
représentant de différentes cultures, avec lesquels ils n'avaient jamais eu dialogue<br />
direct dans le passé. Grâce au travail des associations de solidarité, tous les enfants<br />
309<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Sahraouis, au moins une fois pendant leur scolarité, passent un été à l'étranger, pour<br />
échapper à la chaleur, profiter parfois de cures médicales et promouvoir la<br />
connaissance du conflit par la présence de ces jeunes ambassadeurs. La majorité<br />
d’entre eux voyagent en Espagne où ils vivent dans des « familles d'adoption », avec<br />
lesquelles ils nourrissent une relation affective très forte et pendant plusieurs années.<br />
Les enfants parlent de « leur famille espagnole » et il est commun que la famille visite<br />
l'enfant aux camps. Ce type de relation a favorisé les voyages d'étrangers (non<br />
professionnels) dans les camps.<br />
De nombreux jeunes Sahraouis ont la possibilité d'étudier à l’étranger grâce à des<br />
bourses d'étude offerts par des pays politiquement amicaux (le Cuba, l'Algérie, la<br />
Libye, etc.). Nombreux Sahraouis ont vécu et ont étudié à l’étranger plus de dix<br />
années. Il existe dans les camps une main d'œuvre très formée et de nombreux<br />
intellectuels prêts à gouverner dans le cas d'un retour hypothétique dans un Sahara<br />
Occidental libéré. Ces influences culturelles contradictoires font des camps un<br />
laboratoire social privilégié.<br />
L'univers sahraoui n'est pas perçu par ses habitants comme un espace complètement<br />
clos mais qui s'avère perméable dans ses frontières. Le contact et la rencontre avec la<br />
diversité sont pensés comme un stimulant effectif pour une remise en question<br />
collective et non comme une menace à l'identité. En ce sens, le tourisme ne se limite<br />
pas à une intrusion de personnes étrangères. Il y a une idée de mouvement, d'échange<br />
entre personnes et cultures : le flux ne se trouve pas en sens unique.<br />
L'idée de développer un projet de développement du tourisme n'est pas née par<br />
hasard. Des voyages de connaissances et solidarité, ou des événements destinés à<br />
attirer des visiteurs étrangers dans les camps sont organisés depuis de nombreuses<br />
années. Il s'agit de « camps de travail », voyages organisés par des associations de<br />
solidarité avec le peuple Sahraoui, un marathon annuel (tourisme sportif), un Festival<br />
de Cinéma dans le désert. Le peuple Sahraoui est un peuple habitué à recevoir des<br />
étrangers en visite, qu’ils soient coopérants ou visiteurs solidaires. S’hasarder à<br />
qualifier ces derniers de touristes signifierait lever une onde de contestation au sein<br />
des associations de solidarité. Pourtant, si nous maintenons la définition du tourisme<br />
que nous avons utilisé jusqu’à présent, nous pourrions qualifier ces derniers dans<br />
cette catégorie. Ce type de visiteurs, en visite dans les camps sont logés dans des<br />
310
familles. La RASD a décidé de favoriser ce type de logement pour permettre au<br />
visiteur de vivre la vie quotidienne des familles Sahraouis.<br />
La décision de développer ou non le tourisme dans une société doit être prise après<br />
une analyse de coût-bénéfices détaillée. Analyser les risques permet de les anticiper,<br />
de les prévoir et de les éviter, dans la mesure du possible. Dans ce cas précis où la<br />
société Sahraouie est déjà habituée à la rencontre interculturelle, il est fondamentale<br />
de présenter brièvement les impacts que ces derniers ont eu sur la société Sahraouie.<br />
Quels impacts ?<br />
Puisque le tourisme implique une rentrée d'argent dans une société, il est intéressant<br />
d’anticiper les impacts qu'il pourrait avoir sur le système social et économique. La<br />
monnaie a été introduite depuis quelques années dans les camps avec son corollaire,<br />
le développement des inégalités à l'intérieur de la population. L’argent a été introduit<br />
par les pensions accordées par le gouvernement espagnol aux sahraouis ou fils de<br />
sahraouis ayant travaillé pendant l'administration coloniale. Depuis ce moment, le<br />
système égalitaire qui garantissait la cohésion sociale a été altéré. Les salaires des<br />
coopérants achetant des biens dans les camps ont accéléré ce processus.<br />
L'introduction de l'argent a engendré la création de petits marchés et l'organisation<br />
de transports privés. De nouvelles coutumes ont été introduites avec les voyages<br />
estivaux des enfants dans des pays européens, qui revenaient souvent avec de l’argent<br />
donné par les familles hôtes. L'utopie égalitaire qui régnait dans les camps et cette<br />
forme de « socialisme réel » qui le caractérisait ont été altérées. Cette modification<br />
s'avère immédiatement visible par la présence de radios, panneaux solaires, TV,<br />
réfrigérateurs, paraboles, automobiles et téléphones portables présents dans les<br />
familles les plus riches. Malgré ces changements, les différences sociales ont été<br />
contenues et l'esprit communautaire a survécu.<br />
Des impacts négatifs liés à la complexité de l'échange culturel sont déjà présents dans<br />
les camps. C’est le cas des enfants qui demandent des bonbons avec insistance et<br />
parfois agressivité dans la rue. Ce comportement est né du manque de préparation<br />
de quelques étrangers qui, en pensant faire du bien, ont créés des dynamiques<br />
311<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
perverses. Nombreuses initiatives comme le SaharaMarathon et le festival de cinéma,<br />
créés pour sensibiliser l'opinion publique internationale à la cause Sahraouie ont<br />
permis l’arrivée de nombreuses personnes dans les camps, pas toujours bien<br />
préparées.<br />
En développant un tourisme responsable, il est indispensable de préparer le touriste<br />
avant le départ dans les camps pour qu’il analyse les impacts que peut avoir sa<br />
présence sur la société locale. En parallèle, il est indispensable que la communauté<br />
locale réfléchisse sur cet échange culturel et mette au point une charte éthique du<br />
tourisme, édictant des règles que le touriste se devrait de respecter une fois arrivé.<br />
L'opposition au tourisme.<br />
Comme nous l'avons expliqué, nombreux voyages de solidarité sont organisé dans les<br />
camps. Le mot « tourisme » ou « touriste » n'a été jamais utilisé et les groupes qui<br />
arrivent sont appelés « délégations » ou voyages de solidarité. En comparant les<br />
programmes de ces visites à celui que nous avons proposé lors de notre voyage test<br />
avec des touristes responsables, les différences sont très fines. Pour ne pas limiter le<br />
voyage à une expérience de connaissance (touristique), les organisateurs de ces<br />
voyages (associations de solidarité) programment la réalisation d’activités de<br />
volontariat au cours du séjour (par exemple, l'animation dans une école,…) . Nous<br />
postulons que cette activité n’est que prétexte pour justifier de l’éthique et de<br />
l’engagement des voyageurs, qui ne sauraient assumer avec tranquillité un simple<br />
statut de touriste. L'utilisation du mot « prétexte » n'est pas neutre mais il traduirait<br />
cette nécessité forcée d’organiser une activité de coopération humanitaire pour se<br />
donner bonne conscience alors que ces gens ne sont pas forcément compétents et leur<br />
rôle non indispensable.<br />
Les « délégations » qui se rendent dans les camps Sahraouis sont motivées par des<br />
intérêts et des perspectives diverses. Plus qu’attiré par l'exotisme du désert, ces<br />
personnes souhaiteraient démontrer leur solidarité humaine (plus que politique). Ils<br />
ont exactement le profil du justice tourist que nous avons développé précédemment<br />
dans notre réflexion. Selon Chiaravalloti, “En la mayoría de los casos, se<br />
encuentran en el desierto argelino, come se hubieron podido encontrar en Chiapas<br />
312
mexicano o en Turquía para celebrar la vigilia del 31 con los curdos. De un cierto<br />
punto de vista, son embajadores de la causa Saharaui y no buscan objetos mas o<br />
menos auténticos de la cultura de este pueblo (…) La bandera de la RASD es ahorra<br />
mas “auténtica” que una darrà o un turban”. 25<br />
Le rejet d'utiliser le mot « tourisme », qui a une connotation très négative, est<br />
commun dans le monde de la coopération. Beaucoup d'associations de solidarité au<br />
peuple Sahraoui ont boycotté l'utilisation du mot « tourisme » et se sont plaints<br />
auprès du Représentant Sahraoui en Italie lorsqu’ils ont été informés de la volonté de<br />
mettre en place un projet de développement de tourisme responsable dans les camps.<br />
Il nous a été demandé de remplacer le terme « tourisme responsable » par « voyage<br />
de solidarité et de connaissance ». Cela nous paraît être une grande hypocrisie…<br />
Comment pouvoir affirmer et opiner que le voyageur serait une personne<br />
respectueuse, solidaire et facteur de changement social et politique alors que le<br />
touriste un simple idiot voyeuriste? L’important est de définir ce qui se cache derrière<br />
les mots…<br />
En analysant les répercussions d'un voyage « de tourisme responsable »<br />
commercialisé par une agence de voyage de tourisme responsable avec les<br />
répercussions d'un voyage de solidarité organisé par une association de solidarité<br />
avec le peuple Sahraoui, nous pouvons faire quelques comparaisons sur les impacts<br />
économiques, politiques et sociaux de tels voyages.<br />
313<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Tableau 15 : Analyse comparée des impacts économiques sociaux et politiques sur la<br />
communauté locale Sahraouie des voyages de solidarité organisés par les Associations<br />
de solidarité et ceux du tourisme responsable.<br />
Impacts<br />
économiques<br />
Impacts<br />
socioculturels<br />
Impacts<br />
politiques<br />
Source: Elaboration personnelle.<br />
Voyage de solidarité organisé par une<br />
association<br />
- Les Sahraouis qui jouent le rôle de guide<br />
sont des fonctionnaires. (pas de création<br />
d’emploi et de répartition des bénéfices dans<br />
la communauté).<br />
- Le logement se réalise auprès de familles<br />
ou bien parfois dans le protocole (structure<br />
d’accueil indépendante destinée aux<br />
coopérants). Dans le cas des familles, la<br />
rémunération est basse (6€/jour/personne<br />
- Quand le logement sera fait dans le<br />
protocole, impossibilité de partager la vie<br />
quotidienne avec les familles<br />
- Préparation au voyage non prévue par<br />
toutes les organisations<br />
- Grands groupes (charters) ayant un impact<br />
plus massif sur la population locale.<br />
Participants déjà sensibilisés à la cause<br />
Sahraouie (hormis le Marathon) puisque ce<br />
sont des sympathisants de groupes de<br />
solidarité. Le voyage renforce l’activisme<br />
mais ne sensibilise pas un nouveau public.<br />
Tourisme responsable<br />
- Des personnes privées sont<br />
employées pour recouvrir ce<br />
rôle. Salaire équitable et<br />
négocié.<br />
- Valorisation de la<br />
rémunération des familles après<br />
concertation et entretiens<br />
auprès d’elles<br />
(10€/jour/personne).<br />
- Préparation au voyage.<br />
- Taille des groupes limitée<br />
(max 12 personnes<br />
L’objectif est de sensibiliser des<br />
personnes non encore<br />
sympathisants à la cause. Dans<br />
le groupe de touristes du voyage<br />
test (13 personnes), la majorité<br />
étaient des habitués du<br />
tourisme responsable, ne<br />
connaissant pas forcément la<br />
cause de façon approfondie.<br />
Une touriste n’avait par<br />
exemple jamais entendu parler<br />
des Sahraouis. Dans ce cas de<br />
figure, ces voyages peuvent<br />
permettre d’atteindre un<br />
nouveau public et élargir les<br />
rangs des activistes<br />
Il est cependant possible de comprendre les réticences et préoccupations de certains<br />
politiciens Sahraouis face au développement d’un « tourisme responsable ». Comme<br />
nous l’avons développé dans une première partie de notre thèse, la confusion est<br />
grande dans la pléthore des touristes alternatifs et les motivations de ses défenseurs<br />
pas toujours claires. Devenant un thème de plus en plus à la mode et fourre-tout, de<br />
nombreuses personnes s’improvisent planificateurs en tourisme responsable et<br />
314
arrivent dans des communautés promettant monts et merveilles par le<br />
développement d’un tourisme alternatif. Nombre de ces personnes n’ont pas les<br />
connaissances suffisantes en matière de tourisme communautaire (et les problèmes<br />
qu’il suscite en termes de répartition des bénéfices, de processus de planification<br />
participative), de thématiques de développement, et arrivent dans une optique<br />
seulement commerciale. Face à cet état de fait, la méfiance des acteurs<br />
gouvernementaux peut être la bienvenue.<br />
Le tourisme responsable ne focalise pas son centre d’intérêt sur le touriste mais sur la<br />
communauté locale qui doit être souveraine dans les décisions prises sur le<br />
développement touristique. Cette souveraineté signifie reconnaître les espoirs<br />
légitimes que cette population met dans le tourisme, en termes de répercussions<br />
professionnelles, sociales, économiques et politiques afin de ne pas créer de faux<br />
espoirs et déceptions. En ce sens, c'est la Communauté qui décide ce qu'elle veut<br />
montrer au touriste, le fameux espace « front » et l’espace d’intimité qu’elle veut se<br />
réserver.<br />
La Communauté Sahraouie ne doit pas s'adapter aux exigences des touristes : ce<br />
dernier choisit, en pleine conscience, d'effectuer ce voyage en partageant les mêmes<br />
conditions de vie du peuple Sahraoui (manque d’eau, conditions hygiéniques<br />
difficiles,…). Dans ce cas précis, nous rejetons l'idée de se lancer dans une dynamique<br />
d'amélioration des prestations matérielles pour le touriste (construction de pensions,<br />
douches, installations de générateurs électriques) pour ne pas créer de tensions et<br />
iniquités entre la communauté locale et les visiteurs. Il ne faut pas oublier que nous<br />
sommes dans un contexte de camps de réfugiés et que la principale motivation de ce<br />
tourisme est la sensibilisation politique.<br />
La pertinance des concepts de “hard” et “soft” tourisme développés par Laarman et<br />
Durst (1987 cité dans Wrelton 2006) entrent ici en jeu. Plus le touriste est intéressé<br />
par le sujet du voyage (justice sociale et démonstration de solidarité dans ce cas), plus<br />
il serait apte à supporter des conditions de confort très basiques. C’est bien ce qu’a<br />
confirmé notre voyage test puisque les participants ont été soumis à des conditions<br />
physiques assez extrêmes, sans s’en plaindre (qualité logements, longues attentes<br />
sous le soleil, absence de douches, etc). Un public classique n’aurait surement pas<br />
315<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
enduré ce genre de désagréments. Dans ce genre de situations, la sélection du type de<br />
tourisme à développer est importante : il est impossible de penser attirer un public du<br />
tourisme classique.<br />
2. Le Justice Tourisme comme instrument de sensibilisation politique<br />
et sociale : sortir de l’oubli.<br />
Le Tourisme peut être conçu comme une interface : de l’intérieur vers l'extérieur.<br />
Après avoir fortifié l'identité intérieure de la société à travers notamment une mise en<br />
patrimoine de l'histoire, la décision de recourir au tourisme peut paraître comme une<br />
suite logique pour affirmer cette identité vers l'extérieur. Le développement d’un<br />
tourisme responsable par le peuple Sahraoui a pour objectif de renforcer la<br />
conscience collective de cette population réfugiée et de sensibiliser la Communauté<br />
internationale sur les dimensions de ce conflit oublié. Après avoir réalisé un<br />
processus d’empowerment endogène, ce peuple est à même de favoriser un processus<br />
de développement exogène à travers la mise en réseaux transnationale. Et c’est bien<br />
ce qu’il a fait en développant un réseau d’associations de solidarité de par le monde,<br />
en développant les voyages de solidarité dans les camps, etc. Le projet de<br />
développement de tourisme responsable que nous proposons s’inscrit dans une<br />
logique postmoderne qui répond aux critères des ONG de quatrième génération<br />
(Korten, 1990), c'est-à-dire une action d’ advocacy au niveau international.<br />
Ce tourisme peut être un instrument dominant :<br />
• pour révéler une image positive des sahraouis et de leur lutte au niveau<br />
international.<br />
• pour préserver et renforcer la fierté et l'esprit national, contribuant à la santé<br />
du patrimoine culturel.<br />
• pour créer de nouveaux groupes de solidarité et de nouveaux activismes. Les<br />
touristes, de retour chez eux peuvent se transformer en « ambassadeurs » de la cause<br />
Sahraoui dans leurs pays, favoriser la sensibilisation de l'opinion publique et<br />
organiser des activités de lobbying auprès de leurs gouvernements.<br />
316
Avant de continuer à approfondir la réflexion, il est nécessaire de retourner sur<br />
l'analyse politique du conflit. Le conflit du Sahara Occidental est un problème de<br />
politique internationale : les clés de la résolution de ce conflit ne se trouvent pas dans<br />
les mains des principaux intéressés mais dans celles des grandes puissances<br />
occidentales (par dessus tout France, Etats-Unis et Espagne qui ont un poids majeur<br />
pour faire pression sur le Maroc afin que celui-ci accepte un référendum<br />
d'autodétermination). En ce sens, les principales actions diplomatiques qui peuvent<br />
être menées par la RASD pour résoudre le conflit sont des actions et des pressions au<br />
niveau politique. Depuis le début le conflit et surtout depuis la fin de la guerre en<br />
1991, les Sahraouis ont choisi la voie de la diplomatie »two track diplomacy ». Ils ont<br />
créé d'importants réseaux de solidarité et ont mis en place différents réseaux<br />
d’ambassade sahraouies à l’étranger (représentants de la RASD dans différents<br />
pays), dans l’objectif d’organiser un lobbying auprès des gouvernements et de<br />
sensibiliser l'opinion publique. En effet, l'opinion publique joue un rôle fondamental,<br />
même si limité, pour influencer les décisions de politique extérieure de ses Etats. Le<br />
tourisme prend ainsi tout son sens dans cette optique. Il peut être éducatif et<br />
influencer de façon positive les questions internationales.<br />
Le tourisme est conçu comme instrument de transformation sociale et politique,<br />
vecteur de paix, grâce au rôle du touriste qui ne termine pas son voyage quand il<br />
posera ses valises de retour chez lui. Le fait que le tourisme puisse représenter un réel<br />
facteur de changement politique et social dépend du comportement du touriste à son<br />
retour. Ce dernier peut agir et rester en contact avec les populations locales de<br />
différentes manières : en faisant des donations ou en s’impliquant directement dans<br />
des associations de solidarité, en organisant des expos photo ou des récits de voyages<br />
ou tout simplement en jouant le rôle de témoin et diffusant des informations sur la<br />
cause sahraouie dans ses réseaux sociaux (rôle du bouche à oreilles).<br />
Sortir de l’oubli<br />
Sortir des communautés de l’isolement et de l’oubli possède une valeur symbolique et<br />
psychologique incommensurable. Comme le témoigne volontiers le peuple Sahraoui,<br />
il n’y a rien de pire que l’oubli et que l’indifférence générale. Les visiteurs, de par leur<br />
seule présence et leur volonté d’aider peuvent apporter un fort soutien psychologique<br />
317<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
à ces communautés abandonnées qui ont l’impression d’acquérir une nouvelle<br />
visibilité au monde. Les touristes partageaient avec les locaux « something intangible<br />
yet essential – hope and faith in humanity » (Harng Luh S, 2005).<br />
3. Présentation du projet de coopération de développement du<br />
tourisme responsable<br />
Le projet présenté ci-dessous (concept note) est l’aboutissement d’une étude<br />
de faisabilité approfondie menée en 2006-2007 (projet financé à hauteur de 6000<br />
euros par la Province de Milan) et de l’organisation d’un voyage test organisé en<br />
décembre 2007 – janvier 2008. Le Secrétariat d’Etat à la jeunesse et aux sports de la<br />
RASD a été chargé par la Présidence de s’occuper de cette thématique et nous avons<br />
travaillé en étroite collaboration avec lui depuis le début. En parallèle, le Ministère de<br />
la coopération a récemment apporté tout son appui à cette initiative.<br />
Résultats de l’étude de faisabilité :<br />
L’étude de faisabilité du projet de développement touristique réalisée en 2006 et<br />
2007 s’est concentrée autour de la Sahara Marathon. La Sahara Marathon est une<br />
course de solidarité en faveur du peuple Sahraoui organisée par différentes<br />
associations en Italie (El Ouali), Espagne et Allemagne. Elle a atteint sa huitième<br />
édition en février 2008 et compte plus de 200 participants du monde entier. Son<br />
objectif principal est la sensibilisation de l’opinion publique internationale à la cause<br />
sahraouie. Cette course internationale de haut niveau est l’occasion de mettre le feu<br />
des projecteurs sur le peuple Sahraoui grâce à une couverture médiatique. Ce<br />
marathon n’est pas seulement un événement sportif d’un jour. Les participants<br />
restent de quatre à sept jours dans les camps, hébergés en famille. Ils partagent la vie<br />
quotidienne du peuple Sahraoui et suivent un programme de visites « touristiques ».<br />
Profiter de la présence de plus de 200 «touristes sportifs» dans les camps était une<br />
occasion inespérée pour tirer les conclusions de leurs expériences et organiser une<br />
analyse de la demande potentielle en tourisme. Des questionnaires de satisfaction ont<br />
donc été réalisés pour connaître l’opinion de ces participants sur la qualité du<br />
logement, le rapport noué avec les familles, les conditions sanitaires, les activités<br />
réalisées. En parallèle, des entretiens ont été réalisés auprès des familles hôtes pour<br />
318
savoir si la communauté locale était partie prenant de cette initiative ou si elle le<br />
subissait de façon positive.<br />
Les réponses à ces questionnaires ont constitué une source précieuse pour identifier<br />
les points d’intérêts touristiques dans les camps et pour comprendre que toute la<br />
valeur de l’expérience résidait dans le partage de la vie quotidienne des familles<br />
sahraouies. Cette étude approfondie a permis de confirmer qu’il existe un public<br />
intéressé par des voyages solidaires auprès des sahraouis et que la difficile situation<br />
sanitaire des camps n’est pas un obstacle au développement du tourisme. En<br />
parallèle, la communauté locale a confirmé son souhait d’être impliquée dans un<br />
développement du tourisme.<br />
Cette première étape a été fondamentale pour confirmer la pertinence de l’idée du<br />
développement du tourisme. Cependant, pour définir de façon détaillée les modalités<br />
de ce projet et répondre à la question « Qu’est-ce qui manque dans l’état actuel des<br />
choses pour organiser de façon durable et autonome l’accueil de touristes dans les<br />
camps ? », il nous a paru fondamental d’organiser un voyage test. Au terme de l’étude<br />
des préférences déclarées des touristes, il a été possible de mettre sur pied un circuit<br />
test d’une dizaine de jours.<br />
Le premier résultat a été de constater qu’il existait des agences de voyage de tourisme<br />
responsable intéressées par la commercialisation de ce séjour. Le choix de<br />
commercialiser ce voyage par l’intermédiaire d’une agence de l’AITR (Association<br />
italienne de tourisme responsable) et non par le réseau des associations de solidarité<br />
du peuple Sahraoui a été réfléchi. L’objectif est d’attirer un public différent de celui<br />
qui va habituellement dans les camps, un public de « touristes responsables » non<br />
sensibilisés à la cause Sahraouie.<br />
Grâce à ce voyage test, il s’agissait de comprendre si la communauté sahraouie était<br />
prête, sans la réalisation d’un projet de coopération (sans financements extérieurs), à<br />
organiser de façon autonome son tourisme. Dans le cas contraire, quelles<br />
améliorations ou quelle formation pourraient être faite pour lui permettre d’effectuer<br />
ce parcours d’apprentissage. Tirer les conclusions de ce premier voyage test a été<br />
essentiel pour identifier les problèmes inhérents à l’organisation du tourisme et<br />
définir les solutions qui sont présentées dans ce projet.<br />
319<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Un circuit touristique a donc été organisé du 27 décembre 2007 au 6 janvier 2008<br />
dans les camps et les territoires libérés, commercialisé par l’agence Planet Viaggi,<br />
membre de l’AITR.<br />
Les conclusions de ce voyage test ont été les suivantes :<br />
- Le circuit a suscité un intérêt très fort puisque le groupe de voyageurs s’est<br />
constitué en un temps record. L’attrait du programme a été confirmé ainsi que le<br />
positionnement du prix.<br />
- Le voyage a été un succès : la satisfaction des participants a été<br />
majoritairement très élevée.<br />
- Cette expérience a permis de mettre la lumière sur les problèmes<br />
d’organisation (retards constants, problèmes de formation, problème des voitures,…)<br />
et les manques matériels. En effet, la communauté sahraouie n’est pas formée pour<br />
fournir des produits et des services de qualité aux visiteurs. C’est dans cette optique<br />
qu’il est capital de réaliser un projet de développement des capacités réceptives pour<br />
que la population puisse prendre en main et organiser de façon indépendante le<br />
développement du tourisme responsable.<br />
En créant une coopérative de tourisme solidaire, la possibilité sera offerte aux<br />
visiteurs qui se rendent dans les camps réfugiés de réaliser une série d’activités qui<br />
leur permettent de connaître la cause Sahraouie, l’organisation des campements et de<br />
partager leur culture (musique, peinture, danse, rite du thé). Il leur sera offert de<br />
visiter les territoires libérés pour apprécier la richesse touristique du Sahara<br />
Occidental avec ses peintures rupestres, l’immersion dans la culture bédouine.<br />
Pour permettre d’assurer une viabilité et une rentabilité au projet, un des résultats<br />
attendus du projet consiste à la mise en place d’un réseau d’agences de voyages de<br />
tourisme responsable commercialisant la destination (Italie, France, Espagne,<br />
Belgique, Angleterre) et se coordonnant entre eux. L’intérêt des TO italiens de<br />
tourisme responsable pour ce type de voyages est déjà largement confirmé.<br />
320
Objectifs généraux du projet :<br />
1. Augmenter la visibilité de la cause Sahraouie au niveau<br />
international et plus particulièrement européen.<br />
Il ne faut pas oublier que le peuple Sahraoui vit depuis 30 ans dans des camps<br />
réfugiés dans l’attente d’une résolution du conflit et dans l’espoir d’un retour dans le<br />
territoire du Sahara Occidental. Depuis le début du conflit, et encore plus depuis le<br />
cessez-le-feu de 1991, la RASD a basé sa stratégie de résolution du conflit sur la<br />
diplomatie. De par son réseau d’ambassadeurs dans de nombreux pays clés, la RASD<br />
essaie de sensibiliser aussi bien le monde politique que l’opinion publique. En France<br />
tout particulièrement, une très faible minorité de personnes connaissent l’existence<br />
de ce conflit. Le rôle de la France est pourtant loin d’être neutre et son soutien à la<br />
politique marocaine est très fort.<br />
A ce titre, le tourisme peut jouer un rôle de sensibilisation majeur et atteindre des<br />
gens complètements ignorants de l’existence de ce peuple. Depuis déjà de<br />
nombreuses années les associations de soutien au peuple Sahraoui organisent des<br />
voyages de connaissance et de solidarité dans les camps pour permettre à leurs<br />
membres et à toute personne intéressée de connaître et de partager les conditions de<br />
vie du peuple Sahraoui. Ils se défendent pourtant bien d’organiser du tourisme et<br />
parlent d’activités de solidarité. Ces voyages sont souvent malheureusement limités<br />
au traditionnel public ami du peuple Sahraoui et ne jouent pas leur rôle politique de<br />
sensibilisation. Ils ne convainquent que des personnes déjà acquises à la cause. En<br />
deuxième lieu, ce genre d’initiative ne créent pas des postes de travail puisque les<br />
intervenants sont tous membres du gouvernement. Elles ne laissent donc presque<br />
aucun bénéfice économique à la communauté locale. Ce genre d’initiatives pourrait<br />
bénéficier du présent projet de développement dans la mesure où ils pourraient<br />
s’organiser directement avec la coopérative de tourisme. Ils profiteraient ainsi de<br />
personnes mieux formées qui proposeraient des activités diversifiées pour les<br />
voyageurs et ces initiatives participeraient plus au développement de l’économie<br />
locale.<br />
Au retour d’un voyage de tourisme solidaire, il existe toujours quelques personnes au<br />
sein du groupe qui vont continuer à nouer des liens avec la communauté locale en<br />
321<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
s’engageant dans quelque activité humanitaire ou de solidarité. Au cours de notre<br />
voyage test, nous avons pu constater que plus du tiers des participants déclarait<br />
souhaiter s’engager dans une activité de soutien au peuple Sahraoui. Entre une mère<br />
de famille préparant une exposition sur le mode de vie et l’histoire des sahraouis pour<br />
l’école primaire de sa fille, une conférence avec présentation des diapositives du<br />
voyage, une action politique auprès d’un parti du parlement européen, et des<br />
expositions photos, on peut dire que le voyage test aura été un succès de ce point de<br />
vue. Certains touristes se transforment donc en ambassadeur de la cause sahraouie.<br />
S’ils ont réussi à nouer un réel contact avec la communauté locale lors de leur<br />
expérience de vie en famille, ils ne peuvent rester indifférents au sort de ce peuple.<br />
On connaît l’importance du bouche à oreille : une seule personne qui a voyagé dans<br />
les camps peut sensibiliser des dizaines d’autres par ses récits de voyages autour<br />
d’elle.<br />
Dans cet objectif de sensibilisation politique et de promotion de la cause sahraouie, il<br />
ne faut pas seulement tenir compte du nombre de touristes qui vont être accueillis<br />
dans les camps mais de l’ampleur et de la communication autour de ce projet.<br />
On distinguera deux types de communication : la communication grand public à<br />
travers les mass médias et la communication institutionnelle à travers le réseau des<br />
organisations internationales.<br />
De nouvelles personnes pourront être amenées à connaître la cause sahraouie grâce à<br />
ce nouveau canal de diffusion qu’est le tourisme. Il y a de plus en plus d’émissions<br />
spécialisées sur les voyages et le tourisme responsable devient le sujet de nombreuses<br />
émissions de télé ou de radio. Il faut donc profiter de ce canal pour toucher un<br />
nouveau public. En ce sens, il est fondamental de prévoir un budget promotion<br />
important dans ce projet, à même de pouvoir financer le voyage de journalistes et la<br />
réalisation d’une vidéo.<br />
D’autre part, le projet doit également avoir une visibilité politique et institutionnelle.<br />
Il est essentiel qu’il soit représenté dans les conférences internationales des Nations<br />
Unies (OMT, Unesco, Unep) et dans les cercles académiques d’excellence. D’où<br />
l’importance du choix des partenaires de ce projet qui donnent à cette initiative une<br />
forte résonance européenne si ce n’est mondiale. Il est fort intéressant que le<br />
tourisme avec les Sahraouis soit abordé dans le réseau UNITWIN de l’UNESCO.<br />
322
2. La création d’emplois pour les jeunes.<br />
La jeunesse Sahraouie paie lourdement le coût de l’exil et doit fait face à l’absence<br />
d’activités productives générant des ressources. Dans ces circonstances, il est<br />
fondamental de créer des opportunités pour cette jeunesse. Ce projet a pour objectif<br />
de développer des activités qui puissent répondre aux problèmes de la jeunesse<br />
Sahraouie.<br />
Compte tenu des conditions climatiques (désert de la Hammade) et du caractère<br />
transitoire des camps réfugiés, il est impossible de miser sur un développement basé<br />
sur des secteurs traditionnels tels que l’industrie ou l’agriculture. La production<br />
artisanale qui existe dans les camps est de faible qualité ou assez chère et rencontre<br />
de grosses difficultés en termes de commercialisation. En effet, les produits ne sont<br />
pas exportés et doivent être vendus sur place aux étrangers ou coopérants de passage.<br />
En ce sens, l’accueil de touristes dans les camps pourra permettre de développer<br />
l’artisanat et de créer des postes de travail dans cette branche.<br />
Les jeunes Sahraouis n’ont jamais vécu en dehors des camps réfugiés et connu autre<br />
chose qu’une économie de subsistance, totalement dépendante de l’aide humanitaire.<br />
Cette situation d’assistentialisme préoccupe beaucoup la RASD qui cherche à<br />
maintenir une population active et formée dans l’optique d’un retour sur son propre<br />
territoire. En ce sens, de nombreux jeunes sahraouis ont la possibilité d’étudier à<br />
l’étranger grâce à des accords politiques passés avec certains pays qui offrent des<br />
bourses à des jeunes universitaires Sahraouis (Cuba, Algérie, Lybie,…). Il existe donc<br />
des jeunes gens formés et diplômés dans les camps, dont l’énergie et le potentiel<br />
restent sous-utilisés en raison de l’absence d’emploi.<br />
La création d’emploi est un objectif important non seulement à titre économique<br />
mais surtout symbolique et pratique : la jeune génération doit s’habituer à la vie<br />
réelle en vue d’une résolution du conflit et d’un abandon du statut de réfugié.<br />
323<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
3. Encourager la préservation du patrimoine culturel et<br />
archéologique Sahraoui<br />
Le développement du tourisme est complémentaire aux initiatives de récupération du<br />
patrimoine archéologique et culturel et joue un rôle fondamental quant à la diffusion<br />
et à la préservation de ce patrimoine. Depuis 1996, l’Université de Girone réalise des<br />
travaux de recherche pour la récupération de ce patrimoine et effectue des missions<br />
archéologiques dans les territoires libérés : rédaction d’un livre descriptif sur les<br />
peintures rupestres de Rekeiz Lemgasem, création du Musée National Sahraoui. Les<br />
sites des peintures rupestres sont soumis à de nombreux actes de vandalisme puisque<br />
ils ne sont pas protégés et leurs visites très peu contrôlées. Le tourisme peut avoir son<br />
rôle à jouer pour la préservation de ce patrimoine puisqu’il peut permettre la collecte<br />
de fonds (taxe d’entrée au site) nécessaires pour payer un gardien. La visite de ce<br />
patrimoine par des touristes étrangers permettra de valoriser ce patrimoine aux yeux<br />
de la communauté sahraouie qui jusqu’à présent y attache peu d’importance.<br />
Le thème de l’identité est un thème central pour le peuple Sahraoui. C’est autour de<br />
ce concept que se base la légitimité de leur lutte. Le sentiment d’appartenance à un<br />
même peuple, le fait de se sentir Sahraoui est une création assez nouvelle : une<br />
conquête de la RASD. En effet, c’est un peuple nomade qui se reconnaissait<br />
traditionnellement dans des structures tribales et non dans l’idée de nation. En ce<br />
sens, le patrimoine culturel et archéologique Sahraoui est un élément plus que capital<br />
dans la formation de ce sentiment d’identité, d’appartenance à un passé commun.<br />
La visite de touristes ne représente aucun risque d’acculturation : au contraire, elle<br />
permet au peuple Sahraoui d’affirmer sa propre culture et de la diffuser.<br />
324
CADRE LOGIQUE DU PROJET<br />
Objectifs généraux<br />
1. Augmenter la visibilité de la cause<br />
Sahraouie au niveau international et<br />
plus particulièrement européen.<br />
2. Dynamiser l’économie locale en<br />
créant notamment de nouveaux<br />
postes de travail pour les jeunes<br />
3. Encourager la préservation et la<br />
divulgation du patrimoine culturel et<br />
archéologique Sahraoui<br />
Objectif spécifique<br />
Développer la capacité réceptive du peuple<br />
sahraoui pour qu’il puisse gérer de façon<br />
autonome les voyages du tourisme<br />
responsable<br />
Résultats<br />
325<br />
1. Création d’une coopérative<br />
touristique entièrement gérée par des<br />
jeunes Sahraouis<br />
2. Mise sur pied d’un réseau d’agences<br />
de voyages de tourisme responsable<br />
commercialisant la destination<br />
(Italie, France, Espagne, Belgique,<br />
Angleterre) et se coordonnant entre<br />
eux.<br />
3. Promotion du tourisme responsable<br />
auprès du peuple Sahraoui dans les<br />
mass media européens<br />
4. Divulgation du patrimoine<br />
archéologique et culturel<br />
Indicateurs<br />
1. Nombre d’articles ou de livres<br />
publiés, de reportages télé ou radio<br />
diffusés, de conférences<br />
internationales où le projet a été<br />
représenté<br />
2. Montant de la recette touristique<br />
annuelle qui reste dans les camps<br />
sahraouis<br />
3. Nombre de visiteurs et de fonds<br />
récoltés pour la préservation de ce<br />
patrimoine<br />
- Nombre de touristes solidaires<br />
reçus dans l’année.<br />
- Nombre d’agences de voyages de<br />
tourisme responsable<br />
commercialisant des séjours auprès<br />
du peuple Sahraoui.<br />
- Nombre de personnes formées<br />
pour travailler dans le secteur du<br />
tourisme<br />
- Nombre de circuits ou séjours<br />
différents proposés à la vente.<br />
- Nombre de familles ayant logé des<br />
touristes et montant de la<br />
rémunération de cette activité<br />
- Nombre de personnes non<br />
adhérentes à des associations de<br />
soutien au peuple Sahraoui ayant<br />
visité les camps<br />
- Nombres de circuits/séjours venus<br />
à l’année, avec une répartition selon<br />
la nationalité du touriste.<br />
- Nombre d’articles publiés ou de<br />
reportages effectués sur le thème du<br />
développement du tourisme durable<br />
Conditions externes<br />
-Stabilité politique en<br />
Algérie et Mauritanie<br />
sans recrudescence<br />
d’actes de terrorisme.<br />
- Stabilité de la politique<br />
aérienne d’Air Algérie<br />
(tarifs, horaires)<br />
- Efficacité des<br />
Représentations RASD à<br />
l’étranger pour la<br />
délivrance de visas<br />
- Efficacité du contrôle<br />
administratif du<br />
Ministère de la<br />
coopération et du<br />
Secrétaire d’Etat à la<br />
jeunesse<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
CONCLUSION<br />
Après cette étude complexe sur le lien entre tourisme et empowerment des<br />
communautés locales du Sud, il convient de dresser un bilan thématique quant aux<br />
apports novateurs que cette thèse aura tenté de développer. Le schéma sur le rôe du<br />
tourisme comme instrument d’empowerment dans un monde globalisé nous permet<br />
de recontextualiser le tourisme dans les temps de globalisation. Ce modèle cherche à<br />
synthétiser les enseignements et conclusions tirés au fur et à mesure de notre<br />
réflexion et représente en lui-même une bonne réflexion conclusive.<br />
Le tourisme : un instrument de coopération inefficace pour des sociétés<br />
très marginalisées<br />
La question centrale dans la problématique de l’empowerment est le degré<br />
d’autosuffisance ou de confiance en soi nécessaire pour que l’empowerment puisse<br />
avoir lieu, pour que le cercle vertueux puisse se mettre en place. Comment permettre<br />
à des communautés très marginalisées, sans conscience identitaire et cohésion sociale<br />
d’instrumentaliser le tourisme à leurs propres fins ?<br />
En s’interrogeant sur les variables clés déterminant les possibilités de mise en place<br />
d’un cercle vertueux d’empowerment endogène, nous avons constaté que la présence<br />
de structures sociales au sein de la commuanuté est une condition préalable<br />
indispensable pour qu’un projet touristique puisse créer de l’empowerment. Pour des<br />
communautés marginalisées et sans cohésion sociale, il est fort probable que le<br />
tourisme ne puisse représenter au mieux qu’un instrument de croissance<br />
économique, accaparé par les membres plus puissant et actifs de la communauté. La<br />
conclusion la plus intéressante qui a émergé de notre réflexion est la remise en cause<br />
de l’efficacité de la coopération internationale pour intervenir dans des communautés<br />
très marginalisées, partant d’un niveau initial d’empowerment très bas. Pour ces<br />
communautés, un travail en amont de renforcement de la cohésion sociale et<br />
identitaire doit être mis en place avant de penser à un quelconque développement<br />
touristique.<br />
326
Le tourisme : instrument de transformation sociale dans un monde<br />
globalisé.<br />
Au sein d’un monde globalisé, caractérisé par l’émergence de mouvements sociaux<br />
transnationaux, les communautés locales voient se dessiner de nouveaux espaces de<br />
mobilisation politique et sociale. Pour certaines communautés insérées dans des<br />
conflits politico-sociaux, le tourisme peut représenter un fort instrument<br />
d’empowerment politique. De par l’émergence d’une culture globale, traçant les<br />
prémisses de la constitution d’une société civile internationale, communautés locales<br />
et visiteurs peuvent partager certaines visions politiques du monde. Les initiatives de<br />
justice tourism promouvant le tourisme comme instrument de conscientisation<br />
politique sont prometteuses en termes de changement social, même si elles restent<br />
très isolées.<br />
Les projets de coopération internationale en tourisme : bonnes pratiques<br />
L’objectif assigné à cette thèse ne s’arrêtait pas à une analyse théorique puisqu’elle a<br />
été conçue dès le début dans l’optique de formuler des recommandations aptes à<br />
proposer des pistes de réponses aux problèmes pratiques rencontrés par les projets<br />
de coopération en tourisme communautaire. La majorité des projets de tourisme<br />
développés par les ONG échouent sur le long terme pour des questions de manque de<br />
rentabilité. Ces dernières doivent impérativement se concentrer sur la thématique de<br />
la gestion d’entreprise et sur la commercialisation des initiatives touristiques. Pour<br />
cela, elles doivent innover en collaborant avec le secteur privé, capable d’apporter aux<br />
communautés ces compétences nécessaires qu’elles ne sont pas à mêmes de<br />
transmettre. Cette focalisation sur le thème de la rentabilité ne doit pas les éloigner<br />
pour autant de leur objectif final : celui de l’empowerment des communautés locales.<br />
Comme nous l’avons démontré à de maintes reprises, croissance économique n’est<br />
pas synonyme de développement local.<br />
Nous espérons que notre partie sur l’étude des stratégies de commercialisation du<br />
tourisme communautaire permettra de faire évoluer le débat figé et partisan des<br />
professionels du tourisme responsable. Imposer une commercialisation des<br />
327<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
initiatives communautaires sur ce seul segment de marché (ne représentant en outre<br />
qu’un pourcentage infime de ce dernier) représente souvent une condamnation à<br />
mort pour les communautés locales. Malgré la bonne volonté des partisans du<br />
tourisme responsable, ceux-ci imposent encore une fois un modèle occidentalocentriste<br />
aux communautés. Ce sont aux communautés à décider elles-mêmes du<br />
type de touristes qu’elles souhaitent accueillir et non à nous ! La tentative de l’ONG<br />
COSV de commercialiser une initiative de tourisme communautaire auprès d’un TO<br />
classique culturel italien (Kel 12, non membre de l’AITR) a fait l’éffet d’un pavé dans<br />
une marre et a illustré le fort corporatisme de l’AITR qui refuse de voir les TO<br />
classiques marcher sur leurs plates-bandes.<br />
Le tourisme alternatif, volonté de différentiation sociale ?<br />
Le tourisme alternatif est encore trop souvent le qualificatif officiel employé pour<br />
masquer une recherche de différenciation d’une population cherchant une bonne<br />
"fréquentation" et à se distinguer de l’hédonisme crétin du tourisme de masse, par<br />
une recherche plus spirituelle dans la rencontre des cultures. Or si le tourisme<br />
durable est un devoir, il ne faut cependant pas négliger un impératif qui est celui du<br />
droit aux vacances et au tourisme pour tous. Il reste donc à concilier tourisme social<br />
et tourisme durable, qui pour le moment est encore essentiellement un tourisme de<br />
niche de marché, réservé à des clientèles et des espaces privilégiés.<br />
Le tourisme comme instrument d’empowerment … un potentiel<br />
encore peu exploité<br />
Bien que le tourisme puisse être un générateur de revenus et un instrument<br />
d’empowerment, il ne peut avoir la prétention de combler l’écart entre les pays riches<br />
et les autres. Afin que le tourisme se transforme en réel instrument d’empowerment<br />
des communautés locales et vecteur de paix, il est nécessaire que les équilibres de<br />
pouvoir au niveau international changent. Il est peu probable que les Etats des pays<br />
en développement aient un pouvoir politique suffisant ou tout simplement la volonté<br />
de favoriser le développement d’un tourisme communautaire au détriment des<br />
328
grands groupes industriels, étant donné l’ampleur de la dette ou les programmes<br />
d’austérité imposés par le FMI. Pour réformer l’industrie touristique dans son<br />
ensemble, les choses sont difficiles. L’illustre la position de l’OMT. Le Code Global<br />
d’éthique du tourisme (1999) a été élaboré après le triomphe du Consensus de<br />
Washington et promeut un tourisme se laissant guider par les forces du marché ‘‘the<br />
world tourism industry as a whole has much to gain by operating in an<br />
environment that favours the market economy, private enterprise and free trade<br />
and that serves to optimise its beneficial effects on the creation of wealth and<br />
employment’’ (WTO, 1999). Hors, il est impossible que l’industrie du tourisme à elleseule<br />
décide de s’autoréguler et d’adopter des démarches à même de favoriser le<br />
développement des pays du Sud.<br />
Il est également peu probable que de nouvelles organisations globales<br />
alternatives aient suffisamment de poids pour imposer des critères de durabilité à<br />
l’industrie touristique dans son ensemble. L’unique option qui reste donc, est celle de<br />
l’activisme à travers des mises en réseaux d’organisations, opérant à différentes<br />
échelles et à différentes phases du développement touristique. Le pouvoir qu’ont les<br />
mouvements de protestation des consommateurs opposés à l’actuel modèle de<br />
globalisation sont forts (Kline, 2002). Il faut donc miser sur la sensibilisation du<br />
public pour que ceux-ci fassent pression sur les grands groupes touristiques<br />
internationaux. Comme le souligne Jackson, “There is a huge reservoir of untapped<br />
political power in an activist tourism, waiting to be implemented for the betterment<br />
of the world” (Jackson, p.180).<br />
329<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
ANNEXE<br />
PACCHETTO <strong>DI</strong> TURISMO SOSTENIBLE E SOLIDALE NEI CAMPI<br />
SAHARAWI E NEI TERRITORI LIBERATI<br />
Durata del viaggio : 10 giorni<br />
Date del viaggio : dal 28 dicembre al 6 gennaio<br />
Numero minimo di partecipanti : 6 viaggiatori<br />
Numero massimo di partecipanti : 12 viaggiatori<br />
Questo pacchetto è gestito dall’agenzia di viaggio<br />
Planet Viaggi di Verona.<br />
COSTI<br />
Quota di Partecipazione volo escluso 500 Euro<br />
Volo aereo, assicurazione e visto 650-700 Euro più 50 di visto<br />
Fondo personale 50 Euro<br />
I campi profughi Saharawi si trovano a circa un'ora di distanza da Tindouf, città<br />
algerina situata nel Sud-Ovest del Paese, vicina ai confini con Marocco e<br />
Mauritania. Là vivono da oltre 30 anni come rifugiati duecentomila profughi<br />
saharawi. Nonostante le dure condizioni climatiche a cui è sottoposto e la<br />
mancanza di risorse, il popolo saharawi è riuscito a creare uno Stato regolato da<br />
tutte le sue istituzioni, grazie alla forza di volontà, alla solidarietà e alla<br />
cooperazione internazionale. Anche se esule da 32 anni, questo popolo non ha<br />
mai dimenticato il proprio patrimonio culturale, conservandone le più tipiche<br />
tradizioni anno dopo anno e dimostrando nello stesso tempo una grande apertura<br />
culturale. I Saharawi sono felici di accogliere tra di loro gli stranieri, di mostrare<br />
la propria cultura e sopratutto parlare della loro storia.<br />
Il viaggio si svolge sia nei campi profughi algerini che nei territori liberati (Bihr<br />
Lelhu, Tifariti), tutti e due sotto il governo della RASD (Repubblica Araba<br />
Saharawi Democratica). Passando da “wilaya” a “wilaya”, conosceremo i progetti<br />
realizzati per migliorare le condizioni di vita dei Saharawi. Tramite la visita ad<br />
alcuni musei e con l’aiuto delle nostre guide locali, comprenderemo la storia di<br />
questo popolo. Oltre a comprendere la loro storia, vivremo il loro presente,<br />
ospitati nelle loro tende, bevendo il tè, giocando con i bambini. Spostandosi in<br />
jeep nel deserto potremo ammirare la diversità dei suoi paesaggi, ascoltare il<br />
suo silenzio e percepire la sua immensità. La notte di capodanno la<br />
trascorreremo nelle dune sotto le stelle, e sarà un’esperienza indimenticabile. La<br />
visita alle pitture rupestri , un patrimonio unico in un'area remota del deserto<br />
darà l'impressione<br />
ai partecipanti di essere i primi esploratori a scoprire questi<br />
gioielli.<br />
330
1° giorno (venerdì 28) : ITALIA<br />
/ TINDOUF<br />
Partenza da Roma per Algeri, con volo<br />
di linea. Arrivo nel pomeriggio. Visita<br />
di Algeri nel pomeriggio in autobus e<br />
cena libera. Ritorno in aeroporto per il<br />
volo delle 22.45 con destinazione<br />
Tindouf. Arrivo a Tindouf all’1.05.<br />
Trasferimento a Smara in jeep con<br />
sistemazione e notte in famiglia.<br />
2° giorno (sabato 29) :<br />
IMMERSIONE NEL PRESENTE<br />
DELLA VITA DEL POPOLO<br />
SAHARAWI<br />
La mattinata è lasciata libera per<br />
permettere di riposarsi e di conoscere<br />
la famiglia ospitante. Dopo aver<br />
condiviso i primi pasti saharawi, ci<br />
troveremo per andare nel villaggio<br />
vicino (una “wilaya” chiamata Scuola<br />
27 febbraio) a visitare il Museo<br />
Nazionale Saharawi. Con l’aiuto di<br />
una guida locale, sarete immersi nella<br />
storia del popolo Saharawi.<br />
Visiteremo anche il “laboratorio ad<br />
impatto zero”, nato da un progetto di<br />
cooperazione legato alla<br />
sensibilizzazione della raccolta dei<br />
rifiuti. Per apprezzare la bellezza del<br />
Sahara, andremo a vedere il<br />
tramonto nelle dune di sabbia,<br />
davanti ad una tazza di tè.<br />
Raggiungeremo<br />
quindi le nostre<br />
famiglie per condividere la cena con<br />
loro.<br />
331<br />
ITINERARIO<br />
3° giorno (domenica 30) :<br />
SMARA/DAJLA<br />
In mattinata, dopo aver salutato la<br />
nostra famiglia che ritroveremo alla<br />
fine del soggiorno, saliremo in jeep<br />
per Dajla. La “riposante Dajla”, con<br />
la sua oasi e il suo ritmo di vita più<br />
calma, è la wilaya più isolata, che si<br />
trova 180 km più a Sud. Durante il<br />
tragitto potremo ammirare i bellissimi<br />
paesaggi desertici e fare una sosta<br />
alla “valle della luna”, caratterizzata<br />
da paesaggi lunari molto singolari.<br />
Arriveremo nel primo pomeriggio e<br />
saremo accolti in famiglia con un<br />
pranzo. Avremo tempo per<br />
ambientarci e conoscere i nostri nuovi<br />
ospiti, condividendo un té, iniziandoci<br />
all’arte dell’ henné…Faremo visita ad<br />
un personaggio carismatico della<br />
wilaya, che possiede una collezione<br />
privata archeologica ed avrà<br />
interessanti storie da raccontarci...<br />
Ceneremo<br />
infine in famiglia.<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
4°giorno (lunedì 31) :<br />
CAPODANNO SOTTO LE STELLE<br />
La mattina ci troveremo in compagnia<br />
di una guida della wilaya per visitare<br />
l’ospedale, l’orto, l’oasi. Ci parlerà del<br />
ritmo e dello stile di vita di Dajla…<br />
Dopo esserci rilassati in famiglia ed<br />
aver condiviso l’ultimo pranzo<br />
dell’anno con i nostri ospiti, partiremo<br />
nel pomeriggio per le dune di Dajla.<br />
Una passeggiata in cammello nelle<br />
dune ci permetterà di avvicinarci in<br />
un altro modo alla vita nomade del<br />
deserto. Prima di cominciare la<br />
serata, ciascuno potrà godere<br />
intimamente del tramonto, della<br />
singolarità e del silenzio del deserto.<br />
Festeggeremo la serata del 31 con<br />
una cena nomade ed un spettacolo di<br />
musica e danza tradizionale saharawi.<br />
La notte verrà trascorsa a seconda<br />
delle preferenze di ognuno sotto le<br />
stelle o sotto la jaima (tenda<br />
saharawi).<br />
5° giorno (martedì 1 gennaio):<br />
ATTRAVERSO IL DESERTO.<br />
DAJLA/TIFARITI.<br />
Dopo essersi svegliati con la luce del<br />
giorno, faremo colazione e lasceremo<br />
le dune per partire per il nostro<br />
viaggio nel deserto nei territori<br />
liberati. Il lungo percorso in jeep ci<br />
permetterà di osservare la diversità<br />
dei paesaggi e dei colori del deserto.<br />
Faremo una sosta a Bihr Lehlu, unico<br />
"villaggio di passaggio”, molto<br />
peculiare, dove consumeremo il<br />
332<br />
nostro pranzo e condivideremo un té<br />
con una famiglia nomade.<br />
Riprenderemo il nostro viaggio per<br />
arrivare in serata a Tifariti.<br />
6° giorno (mercoledì 2 gennaio):<br />
VISITA ALLE PITTURE RUPESTRI<br />
La nostra giornata sarà dedicata alla<br />
scoperta archeologica. Osserveremo<br />
delle stupende pitture rupestri situate<br />
all'interno di caverne nel sito di<br />
Rekeiz Lemgasen. Le pitture non sono<br />
segnalate, e dovremo partire alla loro<br />
ricerca con l’aiuto del nostro<br />
archeologo. La loro scoperta regala<br />
l’emozione dei primi esploratori. Il<br />
pomeriggio sarà consacrato alle visite<br />
di tombe megalitiche. Tornando a<br />
Tifariti, visiteremo il museo di Tifariti<br />
incentrato sulla vita tradizionale<br />
nomade. Ci immergeremo in questo<br />
mondo durante la serata, quando<br />
potremo gustare una cena tipica e lo<br />
svolgimento di “laboratori<br />
partecipativi” (taller), lasciando la<br />
possibilità a ciascuno di imparare a<br />
fare il té, a cucinare il pane nella<br />
terra, a mettere la melfa, a<br />
partecipare ai giochi tradizionali<br />
saharawi,...<br />
7° giorno (giovedì 3 gennaio) :<br />
DESERTO E VITA NOMADE.<br />
TIFARITI/SLUGILLA<br />
Partiremo di mattina per attraversare<br />
un altro pezzo del deserto fino alla<br />
zona archeologica di Sluguilla.<br />
Faremo una sosta lunga per pranzare<br />
nella stessa famiglia nomade di Bihr<br />
Lelhu che ci aveva accolto all’andata.<br />
Arriveremo ad inizio serata nei<br />
dintorni di Sluguilla e continueremo la
nostra “notte nomade” con delle<br />
attivitàpartecipative.<br />
8° giorno (venerdì 4 gennaio) :<br />
VISITA ARCHEOLOGICA.<br />
RITORNO DALLE NOSTRE<br />
FAMIGLIE <strong>DI</strong> SMARA.<br />
Visita della zona archeologica di<br />
Sluguilla con le spiegazioni del nostro<br />
archeologo.Dopopranzo, iprenderemo<br />
le jeep per un paio di ore, il tempo di<br />
raggiungere il campo di Smara.<br />
Ritroveremo le nostre famiglie e<br />
avremo la serata libera da trascorrere<br />
con loro.<br />
9° giorno (sabato 5 gennaio):<br />
RABUNI E STORIA DEL<br />
CONFLITTO.<br />
Dopo esserci riposati dalla nostra<br />
spedizione nel deserto e aver<br />
ritrovato l'ospitalità delle famiglie, ci<br />
ritroveremo il mattino per visitare il<br />
centro AFAPREDESA (Asociacion de<br />
Familiares de Presos y Desaparecidos<br />
Sahrauis) e il Museo della Guerra, i<br />
quali ci saranno presentati<br />
dettagliatamente da due guide locali.<br />
Queste ultime visite ci permetteranno<br />
di comprendere meglio la realtà del<br />
conflitto Saharawi. Sarà anche<br />
l’occasione di visitare un’altra wilaya<br />
(villaggio), Rabuni, dove sono<br />
installati il Governo e tutti gli enti<br />
governativi. Il pranzo si consumerà in<br />
famiglia e il pomeriggio verrà lasciato<br />
libero per permettere di fare acquisti<br />
ed esplorare le stradine di Smara.<br />
Ceneremo insieme in un ristorante<br />
prima di partire per l’aeroporto. Volo<br />
per Algeri alle 2.10.<br />
10° giorno (domenica 6 gennaio):<br />
TINDOUF-ALGERI-<strong>ROMA</strong>.<br />
333<br />
Arrivo in prima mattinata ad Algeri<br />
(4.10). Possibilità per chi vuole di<br />
prenotare una camera d’albergo per<br />
risposarsi qualche ora. Partenza da<br />
Algeri alle 13.30 per Roma.<br />
NB: Questo è il programma di<br />
massima, che può essere soggetto a<br />
cambiamenti nel corso del viaggio<br />
proprio per la sua natura che cerca di<br />
adeguarsi alla vita delle comunità<br />
locali e di sfruttare le occasioni che si<br />
presentano, oltre che per il suo<br />
carattere pionieristico.<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT D’EMPOWERMENT DES COMMUNAUTES LOCALES<br />
Réflexions sur la Coopération Internationale au développment
Un viaggio solidale:<br />
Un viaggio di turismo responsabile rispetta dei principi di equità economica, tolleranza,<br />
rispetto, conoscenza, incontro. Innanzitutto vuole essere un modo per rilanciare realmente<br />
le economie locali dei paesi di destinazione, lasciando la maggior parte dei profitti alle<br />
popolazioni locali. In secondo luogo pone l’incontro con le popolazioni locali come momento<br />
centrale dell’esperienza turistica rendendo il viaggio una imperdibile occasione di confronto<br />
tra diverse culture, di conoscenza di un altro popolo, in un’ottica di scambio culturale.<br />
- L’alloggio in famiglia permette di dare un diretto introito economico alle famiglie,<br />
senza intermediari. Questo aiuto economico è molto importante per loro, vista la<br />
diminuzione degli aiuti alimentari che li colpisce.<br />
- Incontri con partner coinvolti in progetti di cooperazione: visita al laboratorio<br />
ad impatto zero che fabbrica delle medaglie a partire da materiali di scarto, visita ad<br />
una cooperativa di donne, all'ospedale.<br />
- Partecipare a quel viaggio ricopre un ruolo importante, quello di aumentare la<br />
visibilità del popolo Saharawi e conoscere la storia di questo conflitto dimenticato<br />
da tutti.<br />
Punti forti:<br />
- La visita alle pitture rupestri di Rekeiz Lemgasen. Il sito di Rekeiz Lemgasen<br />
possiede cinque volte più pitture di tutte quelle che si conoscevano fino adesso nei<br />
territori del Marocco, Sahara e Mauritania riuniti.<br />
- Capodanno nulle dune con notte sotto le stelle. Con spettacolo tradizionale<br />
Saharawi.<br />
- Un turismo partecipativo con l'organizzazione di laboratori per imparare a fare il<br />
tè, a cucinare il pane sotto la terra...<br />
- Un vero contatto con le popolazioni locali grazie all’esperienza di vita in famiglia.<br />
334<br />
DETTAGLI COSTI<br />
Quota di partecipazione, da versare in agenzia: 500 €<br />
Fondo personale: 50 €<br />
Costo volo aereo (più assicurazione e visto) a partire da: 710 € (635+25+50) (volo aereo<br />
internazionale Roma-Algeri e 1 volo interno Algeri-Tindouf, tasse e diritti d’agenzia inclusi)<br />
L’avvicinamento a Roma si organizza in modo individuale. L’agenzia vi pùo nonostante aiutare per<br />
proporvi varie alternative.<br />
La quota di partecipazione di 500 € comprende:<br />
- Tutti i trasferimenti su terra in 4X4 durante il soggiorno come da programma<br />
- Trattamento di pensione completa durante tutto il circuito<br />
- Serata di capodanno dove si assisterà a danze tradizionali saharawi<br />
- 2 Accompagnatori dall’Italia (gruppo min. 10 persone)<br />
- Assistenza e guida da parte di personale qualificato locale parlante italiano<br />
- Visite ed escursioni come da programma<br />
- Ingressi ai siti, tasse governative, percentuali di servizio<br />
- Assicurazioni infortuni di viaggio e medico-bagaglio<br />
- Organizzazione tecnica<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales
- Materiale di informazione<br />
- Spese di segreteria e di spedizione<br />
- Contributo all’associazione culturale Planet Viaggiatori Responsabili<br />
La quota di fondo personale di 50 € comprende:<br />
- La cena ad Algeri il giorno 28.<br />
- La cena del giorno 5 gennaio in un ristorante dei campi, prima della partenza per l'aeroporto.<br />
- La possibilità di alloggio in Albergo ad Algeri tra la notte del 5 e 6 gennaio (facoltativo)<br />
- Eventuali mance e regali alle famiglie ospitanti.<br />
La quota non comprende:<br />
- Volo internazionale A/R da Roma ad Algeri con volo di linea Alitalia in classe economica e il volo<br />
interno A/R da Algeri a Tindouf con volo di linea di Air Algerie.<br />
- Il visto di entrata per l’Algeria.<br />
- L’assicurazione per il volo.<br />
- Bevande e consumazioni fuori dai pasti<br />
- Extra di carattere personale, facchinaggio, mance personali e quanto non espressamente indicato<br />
dal programma<br />
- Tutto quanto non espressamente citato alla voce “la quota comprende”<br />
TESTIMONIANZE:<br />
Quest'iniziativa di turismo è la prima di questo genere, ma da 7 anni si svolge la<br />
maratona nei campi profughi saharawi. I partecipanti vengono non solo per<br />
l’evento sportivo, ma effettuano un programma "turistico". Troverete in seguito<br />
dei commenti di partecipanti alla maratona.<br />
« Un’esperienza molto commovente. Un shock totale vedendo le condizioni di vita di questo popolo.<br />
Non ho mai visto un popolo così felice, anche se vivendo sotto tale condizioni di stress ».<br />
«Una vacanza così ti lascia il segno e la voglia di tornare. Forse ho capito il senso del mal d' Africa. È<br />
stata un’esperienza nuova e straordinaria ».<br />
« La gentilezza e la dignità del popolo saharawi ha reso questo viaggio un insegnamento di vita e mi<br />
ha arricchito di un dono inaspettato e prezioso »<br />
Se siete interessati o per qualsiasi richiesta di informazione, potete prendere contatto con<br />
l'organizzatrice del viaggio all'idirizzo cecile_rousset@hotmail.com.<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
335
336<br />
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES<br />
OUVRAGES<br />
Abjean A., Julien Z, 2003, Sahraouis, exils – identité, Collection l’Ouest Saharien,<br />
L’Harmattan, Paris.<br />
Amalou P, Barioulet H, Vellas F, 2001, Tourisme, Ethique et Développement, L’Harmattan,<br />
Paris.<br />
Appadurai A, 2003, Modernity at Large. Cultural Dimensions of Globalization, University of<br />
Minnesota Press, Minneapolis.<br />
Azevedo Luindia L, 2007, Ecoturismo indigena, Editions Abya-Yala, Quito.<br />
Beeton S, 2006, Community development through tourism Landlinks Press. Victoria, Australie.<br />
Bennett J, 2005, Indigenous Entrepreneurship, Social Capital and Tourism Enterprise<br />
Development: Lessons from Cape York. La Trobe University, Victoria.<br />
Berger et Luckman, 1986, La construcción social de la realidad, Amorroutou Editores, Buenos<br />
Aires.<br />
Blangy S, 2006, Le guide des destinations indigènes. Tourisme équitable, Indigènes éditions,<br />
Paris.<br />
Bourdieu P, 2000, Intelectuales, política y poder, Editorial Eudeba.<br />
Brecher J, costello T et Smith B, 2000, Globalisation from below : the power of solidarity,<br />
South and Press, Cambridge.<br />
Brunel S., 2006, La Planète disneylandisée, Éditions Sciences Humaines, Paris.<br />
Butler R et Hinch T(Eds), 1996, Tourism and Indigeneous peoples, International Thomson<br />
Press, Londres.<br />
Calame P, 2003, La démocratie en miettes. Pour une Révolution de la gouvernance, Editions<br />
Charles Léopold Mayer, Collection « Descartes et cie », Paris.<br />
Canestrini D, 2001, Andare a quel paese, Vademecum del turista responsabile, Feltrinelli<br />
Traveller, Milano<br />
Ceballos-Lascurain H, 1996, Tourism, Ecotourism ad Protected Areas, International Union for<br />
the Conservation of Nature, Gland, Suisse.<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales
Chiaravalloti B, 2004, “Autorappresentazione di un'identità in cambiamento. Il popolo<br />
Saharawi”, tesi di laurea, www.saharawi.org<br />
Collombon J.M, Barlet S, Ribier D, 2004 (eds), Tourisme solidaire et développement durable,<br />
Dossier thématique Agridos, Les Editiond du Gret, Paris.<br />
Craig, G, Mayo M. (Eds.), 1995, Community Empowerment. A Reader in Participation and<br />
Development. Zed Books, Londres.<br />
Dann G.M.S, Seaton A.V, 2001, Slavery, Contested Heritage and Thanatourism. The Haworth<br />
Hospitality Press: Binghampton, New York<br />
Davison G, 2000, The Use and Abuse of Australian History. Sydney: Allen & Unwin<br />
De Kadt E (Ed), 1979, Tourism : Passport to develoment ? Oxford University Press, Oxford.<br />
De Kadt, 1990, Making the alternative sustainable : lessons from development from tourism,<br />
DP 272, Institute of Develoment Studies, University of Sussex, Brighton.<br />
Delisle M.A, Jolin L, 2007, Un autre tourisme est-il possible ?, Presses de l’Université du<br />
Québec, Québec.<br />
Duffy R, 2002, A Trip Too Far - Ecotourism, Politics & Exploitation, éd. Earthscan.<br />
Espaces, 2004, Tourisme solidaire et responsable, revue Espaces n°220, Editions Espaces<br />
Tourisme et Loisirs.<br />
Fennell D, 2003, Ecotourism : An introduction (2 nde édition), Routledge, New York.<br />
Freire P, 1970, Pedagogy of the oppressed. Penguin, Londres.<br />
Friedmann J, 1992, Empowerment : the politics of Alternative. Development, Blackwell,<br />
Cambridge.<br />
Gagnon G et Gagnon S (Dir), 2006, L’écotourisme entre l’arbre et l’écorce, Presses de<br />
l’Université du Québec, Québec.<br />
Galtung J, 1996, Peace by Peaceful Means: Peace and Conflict, Development and Civilization,<br />
Sage Publications, Londres.<br />
Geertz C, 1987, La interpretación de las culturas, Gedisa. México.<br />
Giddens A, 2000, Mundo en descontrole : o que a globalização está fazendo de nós. Record,<br />
Rio de Janeiro.<br />
Ghosh P.K (Ed.), 1984, Appropriate technology in Third World development. Greenwood,<br />
Londres.<br />
Gourija S, 2007, Tourisme et développement durable : quelles conjugaisons ? Thèse de doctorat<br />
en Sciences économiques, Université du Littoral Côte d'Opale.<br />
http://www.memoireonline.com/11/07/669/m_tourisme-developpement-durable-cas-dumaroc9.html<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
337
GTZ, 1999a, Sustainable Tourism as a Development Option Practical Guide for Local Planners,<br />
Developers and Decision Makers, Eschborn, www.gtz.de<br />
GTZ, 1999b, Tourism in Technical Co-operation, A guide to the conception, planning and<br />
implementation of project-accompanying measures in regional rural development and nature<br />
conservation, Eschborn, www.gtz.de.<br />
GTZ, 2007, Tourism as a Field of Activity in German Development Cooperation A Basic<br />
Overview, Priority Areas for Action and Strategic Recommendations, www.gtz.de.<br />
Hall C.M, 1994, Tourism and politics: Policy, power and place. Wiley, Chichester.<br />
Hall C.M, Tucker H, 2004, Tourism and Postcolonialism, contested discourses, identities and<br />
representations, Routledge Contemporary geographies of leisure, tourism and mobility 3,<br />
Londres, New York.<br />
Hall C.M, 2007, Pro-Poor Tourism: Who Benefits? Perspectives on Tourism and Poverty<br />
Reduction, Channel View Publications, Londres.<br />
Harvey N, 1995, Rebellion in Chiapas: Rural reform and popular struggle. Third World<br />
Quarterly 16.<br />
Harvey N, 1998, The Chiapas rebellion: The struggle for land and democracy. Duke University<br />
Press, Durham.<br />
Harrisson D (Ed), 2001, Tourism and Less developed World : Issues and case Studies, CABI<br />
Publishing, Wallingford.<br />
Hettne B, 1999, Development theory and the three worlds, Longman Group UK, Harlow.<br />
Hilali M, 2003, Le tourisme international vu du Sud. Essai sur la problématique du tourisme<br />
dans les pays en développement, Presses de l’Université du Québec, Québec.<br />
Hoerner JM, 2008, Géopolitique du tourisme, Armand Colin, Paris.<br />
Husbands W et Harrisson LC (eds), 1996, Praticising responsible tourism : international case<br />
studies in tourism planning, policy and development, Wiley, New York.<br />
Hutnyk J, 1996, The rumour of Calcutta : Tourism, charity and the poverty of representation,<br />
Zed, Londres.<br />
Korten D.C, 1990, Getting to the 21st centry: Voluntary action and the global agenda.<br />
Kumarian, Connecticut.<br />
Krippendorf J, 1987, The holiday makers : Understanding the impact of leisure and travel,<br />
Butterworth Heinemann, Oxford.<br />
Laurent A, 2002, « Le développement durable : mythes et réalités. Analyse transversale du<br />
développement durable », ETD/CPPA Midi-Pyrénées Aquitaine/BEIRA.CFP, 54 pages.<br />
338<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales
Lehoucq N, ,Tourisme et développement : comment le tourisme s'est il imposé au sein du<br />
renouveau théorique, Mémoire de master ILERI,<br />
http://www.memoireonline.com/08/08/1446/tourisme-et-developpement-renouveautheorique.html<br />
Lennon J. et Foley M, 2000, Dark Tourism: The Attraction of Death and Disaster. Continuum,<br />
Londres.<br />
Lequin M, 2004, Ecotourisme et gouvernance participative, Presses de l’Université du Québec,<br />
Québec.<br />
Leys C, 1996, The rise and fall of development theory. James Currey, Londres.<br />
Lowenthal D, 1998, The Heritage Crusade and the Spoils of History, Press Syndicate of<br />
University of Cambridge, Cambridge.<br />
MacCannell D, 1976, The Tourist. A New Theory of the Leisure Class, Schocken Books, New<br />
York.<br />
MacCannell D, 1999, The Tourist. University of California Press, Los Angeles.<br />
MacLaren D, 1998, Rethinking tourism and ecitravel : The paving of paradise and what you<br />
can do to stop it, Kumarian Press, West Hartford.<br />
Majone G, 1989, Evidence, argument and persuasion in the policy process, Yale University<br />
Press, New Haven et Londres.<br />
Mann M, 2001, The Community Tourism Guide, Earthscan Publications, Londres.<br />
Marshall G (Ed), 1994, Oxford Dictionary of Sociology. Oxford University Press, New York.<br />
Matthews H.G, 1978, International tourism: a social and political analysis, Schenkman,<br />
Cambridge.<br />
Medlik S, 1993, Dictionary of travel, Tourism and Hospitality, Butterworth Heinemann,<br />
Oxford.<br />
Menares AA, 2004, “Políticas públicas para los pueblos indígenas en Chile: los desafíos del<br />
desarrollo con identidad -Una mirada al Fondo de Desarrollo Indígena de CONA<strong>DI</strong>.”, Thèse<br />
en Anthropoligie sociale, Université du Chili.<br />
Meyer Khrumholz (Dir), 2002, Turismo y desarollo sostenible, Universidad externa de<br />
colombia, Bogota.<br />
Middleton T, Hawkins R, 1998, Sustainabe tourism : A marketing perspective, Reed, Oxford.<br />
MIT Equipe, 2005, Tourismes 2, moments de lieux, Belin, Paris.<br />
Morales M.R, 1998, La articulación de las diferencias o el síndrome de Maximon, FLACSO,<br />
Guatemala.<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
339
Morgan N et Pritchard A, 1998, Tourism promotion and power : creating images, creating<br />
identities, Wiley, Chichester.<br />
Mowforth M et Munt I, 1998, Tourism and sustainability : new tourism in the Thirld World,<br />
Routledge, Londres.<br />
Murphy P.E, 1985, Tourism: A community approach. Routledge, Londres.<br />
Murphy P.E, Murphy A.E, 2004, Strategic management for tourism communities: Bridging the<br />
gaps. Aspects of Tourism series Channel View Publications. Clevedon, Angleterre.<br />
Murrell K.L, Vogt, J.F, 1990, Empowerment in Organizations. Pfeiffer, Amsterdam.<br />
Nations Unies, 1992, Report of the United Nations conference on environment and<br />
development, Rio de Janiero, 3-14 Juin 1992, Vol. I, Résolutions adoptées par la conférence,<br />
Résolution I, annexe II. Nations Unies, USA, New York.<br />
Nations Unies, 1997, Nineteenth special session of the general assembly for the overall review<br />
and appraisal of the implementation of Agenda 21, Résolution de l’Assemblée S/19-2, annexe<br />
du 28 Juin 1997, paragraphe 69. Nations Unies, USA, New York.<br />
Organisation mondiale du tourisme (OMT), 1998, Guide for local authorities on developing<br />
sustainable tourism. OMT/WTO, Espagne, Madrid.<br />
Organisation mondiale du tourisme (OMT), 2004a, Indicators of sustainable development for<br />
tourism destinations: A guidebook. OMT/WTO, Espagne, Madrid.<br />
Organisation mondiale du tourisme (OMT), 2004b, National and regional tourism<br />
planning:Methodologies and case studies. OMT/WTO, Espagne, Madrid.<br />
Organisation mondiale du tourisme OMT, 2004c, Desarollo sostenible del ecoturismo: una<br />
compilacion de buenas practicas. Sao Paulo: Rocco.<br />
Organisation mondiale du tourisme (OMT), 2005, Making tourism more sustainable: A guide<br />
for policy makers. OMT/WTO, Espagne, Madrid.<br />
Pearce P, Moscardo G. et Ross F, 1996, Tourism Community Relationships. Elsevier Science<br />
Ltd.<br />
Petras J, 2003, The new development politics: The age of empire building and new social<br />
movements. Ashgate, Aldershot.<br />
Picard D. and Robinson M, 2005, Remaking Worlds: Festivals, Tourism and Change. Channel<br />
View, Clevedon.<br />
Poos S, 2006, Un tourisme équitable et solidaire: un exemple de commerce equitable dans le<br />
domaine des services, Fair Trade Center, Coopération technique belge.<br />
Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), 1987, Our Common future,<br />
Oxford University Press, Oxford.<br />
340<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales
Raymond N, 2004, Turistas y turismo, Trace n°45 (Juin 2004), Centre Français d’Etudes<br />
Mexicaines et Centraméricaines.<br />
Richards G, Hall D (Eds), 2000, Tourism and sustainable community development, Routledge,<br />
Londres.<br />
Richter L.K, 1989, The politics of tourism in Asia, University of Hawai Press, Honolulu.<br />
Robinson R, Evans N, Callaghan P (Eds.), 1996, Tourism and Culture: Towards the 21st<br />
Century (4 volumes). Business.Education Publishers. Sunderland.<br />
Robinson M, Smith M, Cultural Tourism in a Changing World: Politics, Participation And<br />
(Re)presentation (Tourism and Cultural Change),<br />
Robinson M, Boniface P, 1999, Tourism and cultural conflicts, CABI Publishing. Londres.<br />
Rus J, Mattiace, S. L, Castillo R.A.H (Eds.), 2003, Mayan lives, Mayan utopias: The Indigenous<br />
peoples of Chiapas and the Zapatista rebellion. Rowman & Littlefield, Lanham.<br />
Ryan C et Aicken M, 2005, Indigenous Tourism: The Commodification, and Management of<br />
Culture, Elsevier.<br />
Saad Z, 1987, Les chemins sahraouis de l’espérance, L’Harmattan, Paris.<br />
Sachs W (Ed.), 1993, The development dictionary. Zed, Londres.<br />
Sassen S, 1991, The global city, Princeton University Press, Princeton.<br />
Sayeh I, 1998, Les sahraouis, L’Harmattan, Paris.<br />
Scheyvens R, 2002, Tourism for development, empowering communities, Prentice-Hall,<br />
Pearson Education Limited, Harlow, Angleterre.<br />
Scott J, 2000, Social network analysis: A handbook (2nd ed.), Sage, Thousand Oaks.<br />
Shah K. et Gupta V (et Boyd C, ed.) , 2000, Tourism, the poor and other stakeholders:<br />
Experience in Asia, Overseas, Development Institute and Tourism Concern, Londres.<br />
Sharpley R, Telfer D. J, 2002, Tourism and development: Concepts and issues. Aspects of<br />
Tourism series Channel View Publications, Angleterre, Clevedon.<br />
Singh S, Timothy D. J et Dowling R K, 2003, Tourism in destination communities. CABI<br />
Publishing, Oxford, Angleterre et Cambridge, USA.<br />
Sofield T, 2003, Empowerment for Sustainable Tourism Development, Tourism Social Science<br />
Series, Pergamon, Oxford.<br />
Smith V.L, Eadington W.R, 1992, Tourism alternatives, potentials and problems in the<br />
development of tourism, University of Pennslyvania Press and the International Academy for<br />
the Study of Tourism, Philadelphie.<br />
Smith M, Duffy R., 2003, The ethics of tourism development, Routledge, Londres.<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
341
Suansri P, 2003, Community based tourism handbook. Responsible Ecological Social Tours<br />
(REST) Project, Thaïlande.<br />
Tearfund, 2000, Tourism – An ethical Issue : Market Research Report, Tearfund, Londres.<br />
Timothy D.J et Boyd S.W, 2003, Heritage tourism. Prentice-Hall, Harlow.<br />
Tour Operators’ Initiative for Sustainable Tourism Development, 2004, Supply Chain<br />
Engagement for Tour Operators: Three Steps towards Sustainability. UNEP-Sustainable<br />
Tourism, Paris.<br />
Tunbridge J.E. et Ashworth G.J, 1996, Dissonant heritage: The Management of the Past as a<br />
Resource in Conflict, Chichester: Wiley.<br />
Unat, 2005, Le tourisme solidaire vu par les voyageurs français, notoriété, image et<br />
perspectives. http://www.fftst.org/pdf/TS%20mars05.pdf<br />
Urbain J-D, 1991, L’Idiot du voyage, histoires de touristes, Plon, Paris.<br />
Urry J, The tourist gaze : Leisure and Travel in Contemporary Societies, 1990, Sage, Londres.<br />
Urry, J. 1995 Consuming Places. Routledge, Londres.<br />
Meyer Krumholz D (dir), Turismo y desarrollo sostenible, 2002, Universidad externado de<br />
Colombia, Argentine.<br />
Vachon B, 1993, Le développement local, théorie et pratique. Réintroduire l’humain dans la<br />
logique du développement. Ed Gaétan Morin, Montréal/Paris.<br />
Vellas F, 2002, Economie et politique du tourisme international, Economica, Paris.<br />
Volle A, 2005, Quand les Mappuche optent pour le tourisme, Regards croisés sur le<br />
développement au Chili, Editions L’Harmattan, Tourismes et sociétés, Paris.<br />
Wearing S, Volunteer tourism: seeking experiences that make a difference, 2001, CABI<br />
Publishing, Wallingford.<br />
Weaver D, 1998, Ecotourism in the Less Developed World, CAB International, Oxford.<br />
Weaver D. et Oppermann M, 2000, Tourism Management, Wiley, Brisbane.<br />
Wrelton E, 2006, "Reality Tours" to Chiapas, Mexico: The Role of Justice Tourism in<br />
Development, Thèse de Master en études de développement, Massey University, Palmerston,<br />
Nouvelle Zélande.<br />
World Wildlife Fund (WWF), 2001, Guidelines for community-based ecotourism development.<br />
WWF International.<br />
342<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales
ARTICLES<br />
Acott TG, La Trobe HL et Howard SH, 1998, AN evaluation of deep ecotourism and shallow<br />
ecotourism, In Journal of Sustainable Tourism 6(3), p.238-53.<br />
Agurto Menares A, 2004, Políticas públicas para los pueblos indígenas en Chile: los desafíos<br />
del desarrollo con identidad. Una mirada al Fondo de Desarrollo Indígena de CONA<strong>DI</strong>,<br />
Universidad de Cile.<br />
Akama J, 1996, The evolution of tourism in Kenya, In Journal of sustainable tourism 17(8),<br />
p.567-574.<br />
Alberta Aboriginal Tourism alliance, 1996, Natives claim Governement and indifferences<br />
hurdles to Aboriginal tourism, In Alberta Aboriginal Tourism alliance, News Report 167<br />
Novembre, Calgary.<br />
Allcock J.B, 1995, International Tourism and the Appropriation of History in the Balkans, in<br />
« International Tourism: Identity and Change », Lanfant, M-F, Allcock J.B and Brunner E.<br />
(Eds), M.Sage Publ, Londres.<br />
Allcock J.B, 1986, Yugoslavia's tourist trade pot of gold or pig in a poke?, in Annals of Tourism<br />
Research 13, p.565-588<br />
Altinay L, Altinay M et Bicak H.A, 2002, Political scenarios: the future of the North Cyprus<br />
tourism industry, in International Journal of Contemporary Hospitality Management 14, p.176–<br />
182<br />
Altman J, Finlayson J, 1992, Aborigines, Tourism and Sustainable Development. CAEPR<br />
Discussion Paper No. 26. Center for Aboriginal Economic Policy Research, Australian National<br />
University, Canberra.<br />
Altman J, 1989, Tourism dilemmas for aboriginal Australians. Annals of Tourism Research, 16,<br />
p.456–476.<br />
Altman J.C, 1996, Coping with locational advantage: Tourism and economic development at<br />
Seisia community, Cape York Peninsula. In The Journal of Tourism Studies 7(1), p.58–72.<br />
Ambles A, 2002, Tourisme ou tourisme ?, Courriel d’information ATTAC n°297,<br />
www.oulala.net<br />
Ambles A, 2002, Tourisme et globalisation, site www.tourisme-durable.net.<br />
Ambles A, 2002, De la nécessité d’évaluer les offres touristiques alternative, site<br />
www.tourismedurable.net.<br />
Ashley C, Boyd C et Goodwin H, 2000, Pro-poor Tourism : putting poverty at the heart of the<br />
tourism agenda, Natural Resource Perspectives n°51, mars 2000, O<strong>DI</strong>/DFID.<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
343
Ashley C et Haysin G, 2005, From Philanthropy to a different way of doing business ;<br />
strategies and challenges in integrating pro-poor approaches into tourism business,<br />
Présentation lors de la Conférence Africaine ATLAS.<br />
Amirou R, 1994, Le tourisme comme objet transitionnel, revue Espaces et Sociétés no 76.<br />
Anastasopolous P, 1992, Tourism and attitude change: Greek tourists visiting Turkey. In<br />
Annals of Tourism Research 19, p.629–642.<br />
Ap J, Var T, 1990, Does tourism promote world peace?, In Tourism Management 11, p.267-273.<br />
Ap J, Var T, 1998, Tourism and world peace In « Global tourism », Theobald W.F (Ed),<br />
Butterworth-Heinemann, USA, Boston, p.44-57.<br />
Appadurai A, 1986, Introduction: Commodities and the Politics of Value. In « The Social Life of<br />
Things. Commodities in Cultural Perspective », Appadurai A (Ed), Cambridge University Press,<br />
Cambridge, p.3-63.<br />
Appadurai A, 2002, Cultural Diversity: A Conceptual Platform. In « UNESCOUniversal<br />
Declaration on Cultural Diversity», K. Stenou (ed.), UNESCO Publishing, Paris, p. 9-16.<br />
Archabald K, Naughton-Treves L, 2001, Tourism revenue-sharing around national parks in<br />
Western Uganda: Early efforts to identify and reward local communities. In Environmental<br />
Conservation 28(2), p.135–149.<br />
Arnstein S, 1969, A ladder of participation in the USA, In Journal of the American Institute of<br />
Planners, 35 Juillet, p.216-224.<br />
Ashley C, Boyd C et Goodwin H, Pro-poor tourism : putting poverty at the heart of the tourism<br />
agenda, Natural Resource Perspectives, Overseas Development Institute, 2000, Londres, Vol<br />
51, p1-12.<br />
Ashley C et Roe D, 1998, Enhancing Community Involvment in wildlife tourism : straights,<br />
weaknesses and challenges, In « Evaluating Eden Project », International Institute for<br />
Environment and Development, Londres.<br />
Ashley, C, 1998, Tourism, communities and national policy: Namibia’s experience. In<br />
Development Policy Review, 16(4), p.323–352.<br />
Ashley C, 2000, The impacts of tourism on rural livelihoods: Namibia’s experience. Working<br />
Paper 128, Overseas Development Institute (O<strong>DI</strong>), Londres.<br />
Ashley C, Haysom G, 2006, From philanthropy to a different way of doing business: Strategies<br />
and challenges in integrating pro-poor approaches into tourism business. In Development<br />
South Africa 23(2), p.265–280.<br />
Ashley C, Hussein K, 1999, Developing methodologies for livelihood impact assessment:<br />
Experience of the African Wildlife Foundation in East Africa. Overseas Development Institute<br />
(O<strong>DI</strong>), Londres.<br />
344<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales
Ashley C, Jones B, 2001, Joint ventures between communities and tourism investors:<br />
Experience in Southern Africa. In International Journal of Tourism Research, special issue on<br />
fair trade in tourism, 3(5), p.407–423.<br />
Ashley C, Roe D et Goodwin H, 2001, Pro-poor tourism strategies: Making tourism work for<br />
the poor—A review of experience. Pro-Poor Tourism Report No. 1. URL<br />
/http://www.odi.org.uk/pptourism/ppt_report.pdfS.<br />
Askjellerud S, 2003, The Tourist: A Messenger of Peace? In Annals of Tourism Research, Vol.<br />
30, No. 3, p. 741–744.<br />
Askjellerud S, 2006, Tourism and peace: the traveller, IIPT Occasional Paper No. 4, Mars<br />
2006, www.iipt.org.<br />
Bah A, Goodwin H, 2003, Improving Access for the Informal Sector to Tourism in The Gambia.<br />
Pro-Poor Tourism ,Working Paper N° 15, Economic and Social Research Unit (ESCOR) of the<br />
UK Department for International Development (DFID). www.propoortourism.org.uk<br />
Baime A, 2008, Ecoturismo es opción para la valorización de la cultura indígena en Bahia »,<br />
entretien à Jaguatiry Pataxó durant le II Seminario Internacional de Turismo Sustentable, (12-<br />
15 mai 2008). http://www.adital.com.br/site/noticia.asp?lang=ES&cod=33137<br />
Banco Interamericano de Desarrollo, 2006, Política operativa sobre pueblos indígenas Y<br />
Estrategia para el desarrollo indígena, Serie de políticas y estrategias sectoriales del<br />
Departamento de Desarrollo Sostenible, Washington D.C.<br />
Bartis H, 1998, A national black heritage trail in the Eastern Cape Province, South Africa: Is it<br />
an option?, in « Rural tourism management: sustainable options, conference proceedings »,<br />
Hall D ey O’Hanlon L (Eds), Scottish Agricultural College, Auchincruive, p.17–28.<br />
Beeton S, 2005, Publications in review, “Empowerment for Sustainable Tourism<br />
Development By Trevor Sofield” In Annals of Tourism Research, Vol. 32, No. 3, p. 820–822.<br />
Bellia R, Richez-Battesti N, 2004, Tourisme solidaire : innovation et réseau, Analyse comparée<br />
France-Italie, Colloque Les enjeux du management responsable Université Catholique de Lyon-<br />
18-19 juin 2004.<br />
Benavides D.D, 2001, La durabilité socio-économique du tourisme international est-elle<br />
assurée dans des conditions d’extrême compétitivité ?, CNUCED, Actes du troisième Sommet<br />
du Tourisme Chamonix-Mont Blanc, 5-7 décembre 2001.<br />
Benjamin M, 1995, Interview: Subcomandante Marcos, In « First world, ha ha ha!: The<br />
Zapatista challenge », Katzenberger E(Ed.), City Lights, San Francisco.<br />
Beverley J, Analisis del libro la articulación de las diferencias o el síndrome de Maximón (Los<br />
discursos literarios y políticos del debate interétnico en Guatemala), Morales M.R,<br />
http://www.ensayistas.org/critica/guatemala/morales/<br />
Bianchi R, 2003, Place and Power in Tourism Development: Tracing the Complex<br />
Articulations of Community and Locality. In PASOS 1, p.13–32.<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
345
Björk P, 2001, Sustainable Tourism Development, Fact or Fiction in Small Tourism<br />
Companies? In LTA Mars 2001, p. 328-345.<br />
Blackstock K, 2005, A critical look at community based tourism. In Community Development<br />
Journal 40(1), p.39–49.<br />
Blaikie P, Development, post-, anti-, and opulist : a critical review, Environment and planning<br />
A, 32 : 1033-50.<br />
Blangy S, Dubois G et Kouchner F, 2002, L’écotourisme, un concept fructueux pour le tourisme<br />
français, Espaces n°195, juillet-août 2002.<br />
Blangy S, 2004, Position des agences de développement sur le tourisme durable dans la<br />
coopération FITS 2003 - Aix-en-Provence in « Tourisme solidaire et développement durable»,<br />
Collombon J.M, Barlet s, Ribier D, Dossier thématique Agridos, Les Editions du Gret, Paris.<br />
Blangy S, 2004, Pour un comité de coordination des Agences de Développement et de<br />
Coopération dans le champ du tourisme durable, Compte rendu des réunions à l’ITB Berlin.<br />
Boissevain J, 1996, Ritual, tourism and cultural commoditization in Malta : culture by the<br />
pound ? in « The tourist image – myhts and myth making in tourism », Selwyn T (Ed), John<br />
Wiley, Chichester, p.105-121.<br />
Bonfil Batalla G, 1982, El etnodesarrollo sus premisas jurídicas, políticas y de organización, In<br />
« América Latina : Etnodesarrollo y Etnocidio », Ediciones Flacso. San José, Costa Rica.<br />
Bowman G, 2001, The politics of tour guiding : Israeli and Palestinian guides in Israel and the<br />
Occupied territories, in « Tourism and Less developed World : Issues and case Studies »,<br />
Harrisson D (Ed), CABI Publishing, Wallingford.<br />
Boyd S, 1999, Tourism : searching for ethics under the sun, In Latinamerica Press 31(33), p.1-2,<br />
10.<br />
Boyd S.W, Singh S, 2003, Destination communities: Structures, resources and types. In<br />
« Tourism in destination communities », Singh S, Timothy D.J et Dowling R/K (Eds), CAB<br />
International, Oxford, p.19–33.<br />
Boyle A, 2001, Australian Indigenous Tourism Research Strategy Scoping Study, Workshop<br />
Discussion Paper Research and Gap Literature Review, Darwin NT.<br />
Brackenbury M, 1992, Ecotourism: Introduction to ecotourism — A sustainable option?, In The<br />
Bulletin of the Tourism Society 76, p.10–12.<br />
Brackenbury M, 2000, Une politique gouvernementale peut-elle assurer le développement<br />
durable de l’industrie touristique?, actes du deuxième sommet du tourisme, 4-6 décembre<br />
2000.<br />
Braithwaite D, Lock Lee Y, 2006, Dark tourism, hate and reconciliation: the sandakan<br />
experience, IIPT Occasional Paper No. 8, www.iipt.org<br />
346<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales
Brass D.J, 1995, A social network perspective on human resources management, In Research<br />
in Personnel and Human Resources Management 13, p.39-79.<br />
Breton J.M, 2008, Tourisme, société, culture et pauvreté, article présenté lors de la Conférence<br />
“Tourisme et pauvreté” organisé par l’Université Cadi Ayad de Marrakech, Juin 2008.<br />
Britton S, 1982The political economy of tourism in the Third World, In Annals of Tourism<br />
Research 9(3), p.331 – 358.<br />
Britton S, 1989, Tourism, Dependency and Development. In “Towards Appropriate Tourism:<br />
The Case of Developing Countrie”, Theuns T et Go F.M (Eds),Peter Lang, New York, p.93-116.<br />
Brohman J, 1995, Universalism, Eurocentrism, and ideological bias in development studies :<br />
from modernisation to neoliberalism, In Thirld World Quaterly, 16, p121-140.<br />
Brohman J, 1996, New directions in tourism for third world developmrnt, In Annals of<br />
Tourism Research Vol 23, n°1, p.48-70.<br />
Brown D, 1998, In search of an appropriate form of tourism for Africa : lessons from the past<br />
and suggestions for the future, In Tourism Management 19(3), p.237-245.<br />
Buckley R, 1993, International Centre for Ecotourism Research. Research Report 1993, Griffith<br />
University, Australie.<br />
Buckley R, 1994, A framework for ecotourism, In Annals of Tourism Research 21(3), p.661-669.<br />
Buckley R, 2002, Publications in review, Tourism and the Less Developed World: Issues and<br />
Case Studies by David Harrison, In Annals of Tourism Research, Vol. 29, No. 4, p.1192–1193.<br />
Burchett C, 1993, A Profile of Aboriginal and Torres Strait islander Tourism - Its History and<br />
Future Prospects. In « Indigenous Australians and Tourism: A Focus on Northern Australia,<br />
proceedings of the Indigenous Australians and Tourism Conference ». Darwin, Canberra,<br />
Goanna Print, p. 20-25.<br />
Burneo L, 2004, Diagnostico del ecoturismo en la region Amazonica, GTZ – Proyecto<br />
Conservacion del Bosque Tropical de la Amazonia,<br />
http://diagnostico_ecoturismo_amazonico_lucia_burneo_may_2004.pdf<br />
Burns P, 1999, Paradoxes in planning : tourism elitism or brutalism ?, In Annals of Tourism<br />
Research 26(2), p.329-348.<br />
Butler R.W, 1990, Alternative tourism: Pious hope or Trojan Horse?, In Journal of Travel,<br />
Research 3, p.40–45.<br />
Butcher J, 2003, A Humanistic Perspective on the Volunteer-Recipient Relationship: A<br />
Mexican Study, In «Nonprofit and Civil Society Studies, The Values of Volunteering – Cross-<br />
Cultural Perspectives», Dekker P et Halman L. (Eds), Kluwer Academic, New York, p.111-126.<br />
Butler W, 1980, The concept of a Tourist Area Cycle of Evolution, : Implications for<br />
management of resources In Canadian Geographer, vol24, N°1.<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
347
Butler R.W, 1991, Tourism, environment, and sustainable development. In Environmental,<br />
Conservation 18 (3), p.201–209.<br />
Butler R.W, 1992, Alternative tourism: The thin edge of the wedge. In « Tourism Alternatives:<br />
Potentials and Pitfalls in the Development of Tourism », Smith V.L et Eadington W.R (Eds)<br />
University of Pennsylvania Press and the International Academy for the Study of Tourism,<br />
Philadephie.<br />
Butler R.W, Mao B, 1995, Tourism between divided quasistates: International, domestic or<br />
what? In « Change in tourism: People, places, processes », Butler R.W, Pearce D (Eds.),<br />
Routledge. Londres, p.92–113.<br />
Butler R.W, Mao B, 1996, Conceptual and theoretical implications oftourism between<br />
partitioned states. In Asia Pacific Journal of Tourism Research 1, p.25–34.<br />
Butler R, 1998, Alternative tourism: pious hope or Trojan horse ?, In Journal of Travel<br />
Research 28(3), p.40-45.<br />
Caire G et Rouillet-Caire M, 2001, Le tourisme peut-il être un élément de développement<br />
durable ?, publication électronique du site www.tourisme-durable.net.<br />
Caire G, Le tiers secteur une troisième voie vers le développement durable, l’exemple des<br />
ambitions et des difficultés d’un autre tourisme, publication électronique du site www.tourismedurable.net<br />
Caire G, Rouillet-Caire M, 2002, Le tourisme peut-il être un élément de développement<br />
durable ? in “Les enjeux du développement durable, Orcades, Poitiers”, en ligne sur<br />
www.tourisme-durable.net<br />
Caire G, Roullet-Caire M, 2003a, Tourisme durable et mondialisation touristique : Une<br />
analyse critique de l’AGCS, Communication au Colloque Tourisme et développement durable,<br />
Fort de France, 25 et 26 septembre 2003, en ligne sur www.tourisme-durable.net<br />
Caire G, 2003b, Quels indicateurs pour une gestion durable du développement touristique ?<br />
Une analyse critique de la politique du groupe Accor, Communication au Colloque de la<br />
Société française d’évaluation à Limoges.<br />
Caire G, Roullet-caire M, 2003c, Tourisme du Nord et développement durable d Sud: la<br />
contribution de l’alter-mondialisme, publication électronique du site www.tourisme-durable.net<br />
Calame P, 2003, Pour une gouvernance mondiale. Efficace, légitime et démocratique, In Cahier<br />
de propositions n°7, Editions Charles Léopold Mayer, Paris.<br />
Capra F (Ed), 2004, Living Networks in Networking Logic, In “Network Logic; Who Governs in<br />
an Interconnected World”, Mc Carthy H, Miller P et Skidmore P, (Eds), Henry Bank, Londres.<br />
Caratini S, 2000, Système de parenté sahraoui,In L'Homme, n° 154-155.<br />
Carter R.W, Beeton R.J.S, 2003, Managing Cultural Change and Tourism: A review and<br />
perspective, http://www.nrsm.uq.edu.au/Staff/bcarter/TourPapers/CultCartBeet2004.pdf<br />
348<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales
Cater E, 1995, Consuming spaces : global tourism », p.183-231 in Allen J et Hammett, A<br />
shrinking world ? Global Uneveness and Inequality, Oxford University Press, Oxford, in<br />
association with the Open University, Milton Keynes.<br />
Causevic S, Kokkranikal J, 2005, Tourism development after political turmoil : current issues<br />
on Bosnia et Herzégovine, article présenté lors de la Troisième Conférence de la paix par le<br />
tourisme organisé par l’IIPT, consultable sur www.iipt.org.<br />
Cazes G.H, 1989, Alternative tourism: Reflections on an ambiguous concept. In « Towards<br />
Appropriate Tourism: The Case of Developing Countries », T.V. Singh et al. (eds),Peter Lang,<br />
Francfort.<br />
Ceriani Sebregondi G, 2008, Tourisme et système global de mobilités : vers un développement<br />
participatif ?, article présenté lors de la Conférence “Tourisme et pauvreté” organisé par<br />
l’Université Cadi Ayad de Marrakech, Juin 2008.<br />
Charvin R, 2001, Le tourisme international dans le Sud. Une clé pour le développement ?,<br />
intervention aux 2èmes Rencontres Méditerranéennes du Tourisme, Festival Trans-<br />
Méditerranée, 7-9 juin 2001, Grasse.<br />
Chase Smith R, 1995, Iniciativas économicas: buscando el nuevo camino, In “Amazonia:<br />
economia indigena y mercado: los desafios del desarollo”. Chase Smith R et Wray N,<br />
COICA/OXFAM America, Lima, Quito, p.185-278.<br />
Chase Smith R, 2002, El don que hiere: reciprocidad y gestion de proyectos el la Amazonia<br />
indigena, in “El cuidado de los bienes comunes: gobierno y manejo de los lagos y bosques en la<br />
Amazonia”, Chase Smith R et Pinedo D, Lima, IEP, Instituto del bien comun.<br />
Cheong S, Miller M, 1991, Power and tourism : a Foucauldian observation, In Annals of<br />
Tourism Research 27(2), p.371-90.<br />
Chirot D, Hall T.D, 1982, Worldsystem theory. In Annual Review of Sociology 8, p.81-106.<br />
Chon K (Eds), 2005, forum proceedings, « 3rd Global Summit on Peace through Tourism -<br />
“One Earth One Family: Travel & Tourism – Serving a Higher Purpose », Pattaya, Thailande ,<br />
2-5 octobre 2005, IIPT.<br />
Clarke J, 1997, A Framework of Approaches to Sustainable Tourism, In Journal of Sustainable<br />
Tourism Vol. 5, No. 3.<br />
Claveau G, 1988, La formation au développement ici et dans les PVD, In « Développement,<br />
coopération et intervention sociale : discours et pratiques », Da Rosa V.M.P et Thériault J.Y,<br />
Presses de l'université d'Ottawa, Ottawa,p.82-96.<br />
Clay J.W, 2002, Generating income and conservin resources : 20 lessons from the field, In « Es<br />
verdeando la Amazonia : comunidades y empresas en busca de practicas para negocios<br />
sostenibles ». Anderson A, Peiropolis, Brasilia, DF :IIEB.<br />
Cohen E, , Aphenomenology of tourism experience, SAGE Social Science Collections.<br />
Cohen, E, 1985, The Tourist Guide: The Origins, Structure and Dynamics of a Role. In Annals<br />
of Tourism Research 12, p.5–29.<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
349
Cohen E, 1987, Alternative tourism : a critique, In Tourism Recreation Research, XII(2), p.13-<br />
18.<br />
Cohen E, 1988, Authenticity and commodification in tourism, In Annals of tourism research<br />
15(3), p.371-386.<br />
Coldwell P, 2003, International Voluntary Service: Eighty Years of Promoting Peace by<br />
Teaching Nonviolence and Fostering a Culture of Responsibility, In « Culture of Responsibility<br />
and the Role of NGOs », Hamad T, Swarts F. et Smart A. (Eds), Paragon House, St. Paul, p.341-<br />
344.<br />
Cole S, 2007, Beyond authenticity and commodification, In Annals of Tourism Research, Vol.<br />
34, No. 4, p. 943–960.<br />
Cole S, 1997, Anthropologists, Local Communities and Sustainable Tourism Development. In<br />
« Tourism and Sustainability », Stabler M (Ed), CABI, Oxford, p. 219–230.<br />
Cole S, 1998, Tradition and Tourism: Dilemmas in Sustainable Tourism Development— A Case<br />
Study from Ngada Region of Flores, Indonesia. In Anthropologist Indonesia 56(22), p.37–46.<br />
Cole S, 2000, Post-modern Tourist Typologies: Case Study from Ngadha Flores. Indonesia. In<br />
« Motivation, Behavior and Tourist Types », Robinson M, Long P, Evans N, Sharpley r et<br />
Swarbrooke J (Eds), p. 71–82. University of Northumbria and Sheffield Hallam University,<br />
Sunderland: Center of Travel and Tourism and Business Education Publishers.<br />
Collombon J.M, 2004, Tourisme et développement, inéluctable évolution In « Tourisme<br />
solidaire et développement durable», Collombon J.M, Barlet s, Ribier D, Dossier thématique<br />
Agridos, Les Editiond du Gret, Paris.<br />
Colombres A, 1988, La hora del bárbaro (bases para una antropología social de apoyo),<br />
Premia Editora, Argentine.<br />
Craik J, 1994, Peripheral pleasures : the peculiarities of post-colonial tourism, In Cultural<br />
Policy 6, p.21-31.<br />
D’Amore L, 1988a, Tourism-The World’s peace industry. In Journal of Travel Research 27,<br />
p.35–40.<br />
D’Amore L.J, 1988b, Tourism: A vital force for peace in Tourism Management 9, p.151-154.<br />
D’Amore L.J, 1983, Guidelines to planning in harmony with the host community, In “Tourism<br />
in Canada: Selected Issues and Options”, Murphy P (Ed), Ottawa: Western Geographical Series<br />
21, ), p. 135-157.<br />
Dagenais H, 1988, Pour les femmes, un autre développement in Recherches féministes, vol. 1,<br />
n° 2, p. 1-17. http://id.erudit.org/iderudit/057512ar<br />
De Kadt E, 1992, Making the alternative sustainable: Lessons from the development of<br />
tourism. In « Tourism Alternatives: Potentials and Pitfalls in the Development of Tourism,<br />
Smith V.L et Eadington W.R (Eds) , University of Pennsylvania Press and the International<br />
Academy for the Study of Tourism, Philadephie.<br />
350<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales
De Loeul M, 2005, « Vous saurez tout sur les tourismes », In Traverses, n°186.<br />
Dehoorne O, 2004, Turismo y poder, de la luche por la seguridad a la lucha por el poder<br />
politico, “Turistas y turismo”, Raymond N, Trace n°45, Centre Français d’Etudes Mexicaines et<br />
Centraméricaines.<br />
Dernoi L.A, 1988, Alternative or community-based tourism. In « Tourism, a Vital Force for<br />
Peace », D’Amore L.J et Jafari J (Eds), Color Art Inc, Vancouver, Canada.<br />
De Sousa Santos F, Rouby G, Malandain E, Schéou B, 2006, Commerce équitable : situation<br />
actuelle et défis pour l’avenir, texte de conférence soumis aux Rendez-vous Champlain.<br />
Diaz Benavides D, 2001, The Sustainability of International Tourism in Developing Countries,<br />
UNCTAD, presenté au séminaire sur politique touristique et croissance économique, OCDE,<br />
Berlin.<br />
Di Castri F, 2004, Sustainable Tourism in Small Islands: Local Empowerment as a Key Facto,<br />
www.biodiv.org/doc/ref/island/insula-tour-em.<br />
Doxey G, 1975, A Causation Theory of Visitor-Resident Irritants, Methodology and Research<br />
Inferences. The Impact of Tourism , In Sixth Annual Conference Proceedings, San Diego, Travel<br />
Research Association, p. 195–198.<br />
Duterme B, 2006, « Expansions du tourisme international : gagnants et perdants », In<br />
Alternatives du Sud, vol 13, n°3.<br />
El Alaoui F, 1999, Le Tourisme Equitable, Mastère de Management Touristique (mise à jour<br />
2002).<br />
Epler Wood M, 2002, Ecotourism, principles, practices & policies for sustainability, PNUE<br />
Esteva G, 1994, Basta! Mexican Indians say 'enough!', in The Ecologist, 24, p.83-86.<br />
Esteva G, Prakash M.S, 1997, From Global Thinking to Local Thinking, in « The Post<br />
Development Reader », Rahnema M et Bawtree V (Eds.), Malaisie, Zed Books.<br />
Esteva G, Prakash M.S, 1998, Beyond development, what? In Development in Practice 8, p280-<br />
296.<br />
Evans G, Cleverdon R, 2001, Fair trade in tourism – community development or marketing<br />
tool ?, In « Tourism and sustainable comunity development », Richards G. et Hall D (Eds),<br />
Routledge, Londres.<br />
EQUATIONS, 2002, Weighing The GATS on a Development Scale. The Case of Tourism in Goa,<br />
India, Bangalore.<br />
Etter D, 2007, Situational Conditions of Attitude Change within Tourism<br />
Settings:Understanding the Mechanics of Peace through Tourism, IIPT Occasional Paper No.<br />
11, Février 2007, http://www.iipt.org/educators/OccassionalPapers.htm.<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
351
Fagence M, 2003, Tourism and local society and culture in tourism communities, In « Tourism<br />
in destination communities », Singh S, Timothy D.J et Dowling R.K (Eds), CAB International,<br />
Oxford, p.55–78.<br />
Fennell D.A, et Malloy D.C, 1999, Measuring the ethical nature of tourism operations, In<br />
Annals of Tourism research26 (4), p.928-943.<br />
Forero J, 2006, Visitors seek a taste of revolution in Venezuela, in New York Times, 21 mars<br />
2006,<br />
http://www.nytimes.com/2006/03/21/international/americas/21venezuela.html?pagewanted=<br />
all.<br />
Forsyth T, 1995, Business Attitudes to sustainable tourism : self-regulation in the UK outgoing<br />
tourism industry, In Journal of sustainable tourism 3(4), p.230-231.<br />
Frangialli F, 2004, L’organisation mondiale du tourisme et la réduction de la pauvreté, In<br />
« Tourisme solidaire et développement durable», Collombon J.M, Barlet S, Ribier D, Dossier<br />
thématique Agridos, Les Editiond du Gret, Paris.<br />
Fuller D, Buultjens J, Cummings E, 2005, Ecotourism and indigenous micro-enterprise<br />
formation in northernAustralia opportunities and constraints in Tourism Management 26,<br />
p.891–904.<br />
Gallera M.C, 2008, Les favelas de Rio de Janeiro comme destination touristique, article<br />
présenté lors de la Conférence “Tourisme et pauvreté” organisé par l’Université Cadi Ayad de<br />
Marrakech, Juin 2008.<br />
Gervais-Lambony P, Landy F, On dirait le Sud…, Editoral N41, Institut de Recherche sur le<br />
développement, 2007, http://www.autrepart.ird.fr/editos/edito41.htm<br />
Gessner V, Schade A, 1990, Conflicts of culture in cross-border legal relations : the conception<br />
of a research topic in the sociology of law, In « Global culture – Nationalism, Globalization and<br />
Modernity », Featherstone M (Ed), Sage Publications Ltd, Londres, p.253-279.<br />
Getz D, 1998, Event Tourism and the Authenticity Dilemma. In “Global Tourism”, Theobald W<br />
(Ed), Butterworth–Heinemann, Oxford, p.409–427.<br />
Getz D, 2001, O evento turístico e o dilemma da autenticidade, in «Turismo global», Theobald<br />
W (Ed), Sao Paulo, Senac, p.423-440.<br />
Golinelli G, 2008, Turismo responsabile come strumento di lotta alla povertà: realtà obiettivo<br />
o utopia?, Compte rendu du séminaire de l’AITR, Milan 25-26 février 2008.<br />
Goodwin H, 1996, In pursuit of ecotourism. Biodiversity and Conservation 5(3), p.277–291<br />
Goodwin H et Francis J, 2003, Ethical and responsible tourism consumer trends in the UK, In<br />
Journal of Vacation Marketing, vol 9 N°3, p.271-284.<br />
www.responsibletourismpartnership.org/goodwin.pdf<br />
352<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales
Goodwin H, 2000, Pro-Poor Tourism Opportunities for Sustainable Local Development, In<br />
Development and Cooperation No.5, p.12-14.<br />
Goudie S.C, Khan F, Kilian D, Transforming tourism : black empowerment, heritage and<br />
identity beyond apartheid, In South African Geographical Journal 81(1), p.22-31.<br />
Gould J, 2006, Venezuela’s Revolutionary tourists, in Time 17 mai 2005,<br />
http://www.time.com/time/world/article/0,8599,1195004,00.html.<br />
Greenwood D, 1989, Culture by the Pound: An Anthropological Perspective on Tourism as<br />
Cultural Commoditization. In « Host and Guests: The Anthropology of Tourism », Smith V<br />
(Ed), 2 nd Edition, University of Pennsylvania Press, Philadelphie, p.171-185.<br />
Greenwood J, Williams AM et Shaw G, 1990, Policy implementation and tourism in the UK :<br />
implications from recent tourism research in Cornwall, In Tourism Management 11, p.53-62.<br />
Guevara J, Learning through participatory action research for community ecotourism<br />
planning, In Convergence, 1996, 24(3), p.24-40.<br />
Guo Y., Kim S, Timothy D et Wang K, 2006, Tourism and reconciliation between Mainland<br />
China and Taiwan. In Tourism Management 27, p.997–1005.<br />
Hall C et O’Sullivan V, 1996, Tourism, political stability and violence in « Tourism, crime and<br />
International security issues », Pizam A et Mansfeld Y, J. Wiley.<br />
Hall, C. M, 1999, Rethinking collaboration and partnership: A public policy perspective. In<br />
Journal of Sustainable Tourism 7(3), p.274–289.<br />
Hall C. M, 2003, Politics and place: An analysis of power in tourism communities. In<br />
« Tourism in destination communities », Singh S, Timothy D.J et Dowling R.K (Eds.), CAB<br />
International, Oxford, p.99–114.<br />
Hall D.R, 1990, Stalinism and tourism: A study of Albania and North Korea. In Annals of<br />
Tourism Research, 17, p.36–54.<br />
Hall D.R, 2001, Tourism and development in communist and postcommunist societies. In<br />
« Tourism and the less developed world: Issues and case studies », Harrison D (Ed), CAB<br />
International, Wallingford, p.91–107.<br />
Hall D.R, 2002, Brand development, tourism and national identity: The re-imaging of former<br />
Yugoslavia, in Journal of Brand Management 9, p.323–334.<br />
Hampton M, 1998, Backpacker tourism and economic development, In Annals of Tourism<br />
Research 25(3), p.639-660.<br />
Harasim L.M, 1993, Networlds: Networks as social space, In « Global Networks: Computers<br />
and International Communication », Harasim L.M (Ed), MIT Press, Cambridge.<br />
Harrison D, 2004, Introduction: Contested narratives in the domain of world heritage. In<br />
Current Issues in Tourism 7, p.281–290.<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
353
Haywood K.M, 1988, Responsible and responsive tourism planning in the community, In<br />
Tourism Management 9, p.105-118.<br />
Haüsler C, 2005, Planning for community based tourism, Article présenté lors de la Conférénce<br />
Internationale “Tourism and development: the win-win performance”, Forum International du<br />
Tourisme, Hanovre, www.gtz.en.<br />
Heher S, 2003, Ecotourism, investment and development: models, donors, NGOs and private<br />
entrepreneurs. Disponible sur<br />
http://ecotourism_donors_and_investment_models_v.6.pdf.2003.<br />
Hemingway J.L, 1999, Leisure, social capital and democratic citizenship, in Journal of Leisure<br />
Research 31, p.150-165.<br />
Higgins-Desbiolles F, 2004, More than an ‘‘industry’’: The forgotten power of tourism as a<br />
social force in Tourism Management n°27, p.1192–1208.<br />
Higgins-Desbiolles F, 2006, Reconciliation tourism: healing divided societies, IIPT Occasional<br />
Paper No.7 (Mars 2006)<br />
Higgiens-Desbiolles F, Hostile Meeting Grounds: Encounters between the Wretched of the<br />
Earth and the Tourist through Tourism and Terrorism in the 21st Century, in Perspectives in<br />
tourism 4, Ecumenical Coalition on Tourism.<br />
Higueras A, 2003, Sobre las cenizas de la guerra: Reconstruyendo los paisajes turísticos en la<br />
ex-Yugoslavia, Banja Luka. Bosnia. Publication présentée lors du II congrès International en<br />
Tourisme Culturel. NAyA. www.naya.org.ar/turismo/congreso2003<br />
Hodgkinson V.A, 2003, Volunteering in Global Perspective, In « Nonprofit and Civil Society<br />
Studies, The Values of Volunteering – Cross-Cultural Perspectives », Dekker P et Halman L<br />
(Eds), Kluwer Academic, New York, p.35-54.<br />
Hoerner J.M, 2008, Tourisme et pauvreté: un paradoxe inquiétant, article présenté lors de la<br />
Conférence “Tourisme et pauvreté” organisé par l’Université Cadi Ayad de Marrakech, Juin<br />
2008.<br />
Holden P (ed.) Alternative Tourism Rapport du « Workshop on Alternative Tourism with a<br />
Focus on Asia « , Chiang Mai, Thaïlande, 26Avril – 8 Mai. Ecumenical Council on Third World<br />
Tourism.<br />
Hollinshead K, 1992, White gaze, red people – shadow visions: the disidentification of Indians<br />
in cultural tourism, in Leisure Studies 11, p.43-64.<br />
Holly M.J, 2008, Community-Based Tourism Enterprise in Latin america, Triple Bottom Line<br />
Outcomes of 27 projects, In Epler Wood International Publication, Mai 2008.<br />
Hughes G, 1995, The cultural construction of sustainable tourism, In Tourism Management,<br />
Vol. 16, N°1, p.49-59.<br />
Hultsman J, 1995, Just tourism, an ethical framework, In Annals of Tourism Research, Vol 22,<br />
N°3, p.553-567.<br />
354<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales
Hunter C, 1997, Sustainable tourism in an adaptive paradigm, In Annals of Tourism Research<br />
24(4), p.850-867.<br />
Hunter C, 1995, On the need to reconceptualise sustainable tourism development. In Journal of<br />
Sustainable Tourism 3 (3), p.155–165.<br />
Indigenous Tourism Rights International (ITRI), 2004, Rethinking Tourism Certification: An<br />
Online Indigenous Conference, www.tourism-futures.org<br />
Iverson T, 2001, Book review of Tourism en cultural conflicts, Robinson M.P, Boniface, In<br />
Tourism Management 22, p.203-212.<br />
Jafari J, 1989, Tourism and peace. In Annals of Tourism Research 16, p.439–444.<br />
Jamal T.B, Getz D, 1995, Collaboration theory and community tourism planning In Annals of<br />
Tourism Research 22, p. 186-204.<br />
Jansen-Verbeke M, Van de Straete M, 2008, Tourism: a tool for poverty alleivation, article<br />
présenté lors de la Conférence “Tourisme et pauvreté” organisé par l’Université Cadi Ayad de<br />
Marrakech, Juin 2008.<br />
Jeong S, 2005, Facilitating sustainable community development by empowering local<br />
members : social network analysis of informal structure of community, In « Forum<br />
proceedings, 3rd Global Summit on Peace through Tourism - One Earth One Family: Travel &<br />
Tourism – Serving a Higher Purpose », Kaye C (Eds), Pattaya, Thailande , 2-5 octobre 2005,<br />
IIPT.<br />
Jewkes R. et Murcott A, 1998, Community Representatives –Representing the Community, In<br />
Social Science & Medicine,46(7), p.843-858.<br />
Johnston R, 2000, Community, In « The dictionary of human geography », Johnston R,<br />
Gregory D, Pratt G et Watts M (Eds), Blackwell, Oxford, p.101-102.<br />
Jolin L, 2003, Le tourisme social, un concept riche de ses évolutions, BITS information, no 141,<br />
p. 6-8.<br />
Jolin L, 2004, L’ambition du tourisme social: un tourisme pour tous, durable et solidaire!,<br />
Fiche synthèse, www.bits-int.org/documents_divers/fr/Fichetourismesocialfev04.pdf.<br />
Jones S, 2005, Community-based ecotourism: The significance of social capital. In Annals of<br />
Tourism Research, 32(2), p.303–324.<br />
Jong S, 2005, Sustainability of worldwide connections by and for travel : applying social<br />
capital in virtual travel community, In « Forum proceedings, « 3rd Global Summit on Peace<br />
through Tourism - “One Earth One Family: Travel & Tourism – Serving a Higher Purpose »,<br />
Kaye C (Eds), Pattaya, Thailande, 2-5 octobre 2005, IIPT.<br />
Kalisch A, 2002, Corporate Futures. Social Responsibility in the Tourism Industry. In Tourism<br />
Concern, Londres.<br />
Kelly Y, 2006, The peace proposition: tourism as a tool for attitude change, IIPT Occasional<br />
Paper No.9, Mars 2006, www.iipt.org<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
355
Kelly Y, 2006, Tourism and the peace proposition, IIPT Occasional Paper No. 10 ,Mai 2006,<br />
www.iipt.org<br />
Khan M, 1997, Tourism development and dependency theory : mass tourism vs. Ecotourism, In<br />
Annals of Tourism Research, 1997, 24(4), p.988-991.<br />
Kim Y.K, Crompton J.L, 1990 , Role Of Tourism In Unifying The 2 Koreas, In Annals of<br />
Tourism Research 17, p.353-366.<br />
Kim S.S, Timothy D.J, Han H.G, 2007, Tourism and political ideologies: A case of tourism in<br />
North Korea, In Tourism Management 28, p.1031–1043.<br />
Klandermans B, 1992, Transient Identities? Membership Patterns in the Dutch Peace<br />
Movement, In « New Social Movements: From Ideology to Identity », Gusfield J, Johnston H et<br />
Larana E, (Eds.), Temple University Press, Philadelphie, p.168–184.<br />
Knoke D, 1988, Incentives in Collective Action Organizations, In American Sociological Review<br />
53, p.311–329.<br />
Koczberski G, 1998, Women in development: A critical analysis. In Third World Quarterly 19,<br />
p.395-410.<br />
Kokkranikal J.J, 2002, Peace and prosperity through sustainable tourism: human resources<br />
development strategies, In Journal of Tourism V, p 95–121.<br />
Kontogeorgopoulos N, 2005, Community-based ecotourism in phuket and Ao phangnga,<br />
thailand: Partial victories and bittersweet remedies. In Journal of Sustainable Tourism, 13(1),<br />
p.4–23.<br />
Korten D, 1987, Third generation NGO strategies : a key to people-centred development, In<br />
World Development, p.145-159.<br />
Krackhardt D, Hanson J, 1993, Informal Networks: The Company Behind the Chart, In<br />
Harvard Business Review 71, p.104–111.<br />
Krippendorf J, 1982, Towards new tourism policies: The importance of environmental and<br />
sociocultural factors. In Tourism Management 3, p.135–148.<br />
Lapointe A et Gendron C, 2005, La responsabilité sociale d’entreprise dans la PME : option<br />
marginale ou enjeu vital, In Cahier de la Chaire de responsabilité sociale et de développement<br />
durable, Ecole des sciences de la gestion, UQAM, n°6.<br />
Lehmann D, 1997, An opportunity lost: Escobar's deconstruction of development. In The<br />
Journal of Development Studies 33, p.568-578.<br />
Lacarrieu M, 2004, El turismo y la produccion de « estéticas del exotismo » y « estéticas del<br />
conflicto” sus vinculos, ajustes y desajustes en el contexto critico de Buenos Aires, In “Turistas y<br />
turismo”, Raymond N, Trace n°45. Centre Français d’Etudes Mexicaines et Centraméricaines.<br />
Laïdi Z, 2002, Mondialisation : entre réticences et résistances, In Revue du Mauss n° 20,<br />
« Quelle "autre mondialisation" », p.25-42.<br />
356<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales
Laliberté M, 2005, Le tourisme durable, équitable, solidaire, responsable, social… un brin de<br />
compréhension, http://veilletourisme.ca/2005/05/25/le-tourisme-durableequitable-solidaire-responsable-social-un-brin-de-comprehension/<br />
Landy F et P.Gervais-Lambony P, 2007, « On dirait le Sud… », Autrepart, 41.<br />
Lanfant M.-F, 1980, Tourism in the Process of Internationalization, In International Social<br />
Sciences Journal 17 (1), p.14-43.<br />
Lanfant, M. and Graburn, N.H.H, 1992, International tourism reconsidered: The principle of<br />
the alternative. In « Tourism Alternatives: Potentials and Problems in the Development of<br />
Tourism », Smith V.L et Eadington W.R (Eds), University of Pennslyvania Press and the<br />
International Academy for the Study of Tourism, Philadelphie.<br />
LATOUCHE S, 1987, Pas de leçon à donner, In Espaces Temps n°36, «Tiers-Monde: faim de<br />
théorie », p.13-15.<br />
Le Goff J, 2001, Heurs et malheurs des mondialisations, In Cahiers français n° 305, Paris, La<br />
Documentation française, p. 3-6.<br />
Lea J, 1998, Tourism development ethics in the Third World, In Annals of Tourism Research<br />
20, p.701-715.<br />
Lequin M, 2002, Gouvernance participative : un cadre de référence pour la planification et la<br />
mise en œuvre de projets en Ecotourisme, Sommet mondial de l’écotourisme, Québec.<br />
Lewandowski J.D, 2003, Disembedded democracy? Globalization and the 'Third Way'. In<br />
European Journal of Social Theory 6, p.115-131.<br />
Ley D, Postmodernism, In « The dictionary of human geography », Johnston D, Gregory G,<br />
Pratt G et Watts M (Eds), Blackwell, Oxford, p.620-622.<br />
Lew A, 1996, Adventure Travel and ecotourism in Asia, In Annals of Tourism Research,<br />
22(2), p.367-384.<br />
Li T, 2000, Articulating Indigenous Identity in Indonesia: Resource Politics and the Tribal<br />
Slot. In Comparative Studies in Society and History 42, p.1–31.<br />
Li W, 2006, Community decision-making: Participation in development. In Annals of Tourism<br />
Research, 33(1), p.132–143.<br />
Litvin S.W, 1998, Tourism: The world’s peace industry? In Journal of Travel Research 37, p.63-<br />
66.<br />
Lowe G.A, 2005, Networking for Development, In Commonwealth Youth Forum, Malte, 16-23<br />
Novembre.<br />
Macdonald S, 1997, A people’s story: heritage, identity and authenticity, In “Touring cultures –<br />
Transformations of travle and Theory”, Rojek C et Urry J (Eds), Routledge, Londres, p.155-176.<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
357
Maldonado C, 2003, Redturs in Latin America: Network for Sustainable Tourism Development<br />
with Rural and Indigenous Communities. International Labour Organization
Mc Gehhe NG, Andereck K, 2005, Resident attitudes toward voluntourism part II : Resident<br />
Perceptions Regarding Community Planning for VolunTourism, consultabe sur le site<br />
www.voluntourism.org.<br />
McLean F, 1998, Museums and the construction of national identity: A review. In International<br />
Journal of Heritage Studies, 3, p.244–252.<br />
Meyer D, 2003, The UK Outbound Tour Operating Industry and Implications for Pro-Poor<br />
Tourism, PPT Working Paper No. 17, Overseas Development Institute, Londres.<br />
Milne S, 1998, Tourism and sstainable development : exploring the globallocal nexus, In<br />
« Sustainable tourism : a Geographical perspective », Hall C et Lew A (Eds), Longman, New<br />
York, p 35-48.<br />
Miller M.L, Auyong J, 1998, Remarks on Tourism Terminologies: Anti-tourism, Mass Tourism,<br />
and Alternative Tourism. In « Proceedings of the 1996 World Congress on Coastal and Marine<br />
Tourism: Experiences in Management and Development », Miller M.L et Auyong J (Eds), p.1-<br />
24. Seattle WA: Washington Sea Grant Program and the School of Marine Affairs, University of<br />
Washington.<br />
Mitchell J, 2007, How do we mainstream pro-poor tourism ?, Overseas Development Institute.<br />
http://blogs.odi.org.uk/blogs/main/archive/2007/06/25/3387.aspx<br />
Montero M.H, 2004, Contradicciones del etnoturismo mapuche en Cile,<br />
http://www.naya.org.ar/turismo_cultural/congreso/ponencias/myriam_hernandez_montero.h<br />
tm<br />
Moosa M.V, 1998, Building a nation through our heritage, In Business Day, 3 Décembre.<br />
Morin E, 2002, Por uma globalização plural. Folha de S. Paulo, 31 Mars 2002. Caderno<br />
Mundo.<br />
Moscardo G et Pearce P, 1999, Understanding ethnic tourists, In Annals of tourism research<br />
26(2), p.116-131.<br />
Mueller C, 1992, Building Social Movement Theory. In « Frontiers in Social Movement<br />
Theory », A. Morris and C. Mueller ( Eds), New Haven: Yale University Press, p. 12–45.<br />
Murphy P.E, 1988, Community driven tourism planning. In Tourism Management 9(2), p. 96–<br />
104.<br />
Murphy P, 1998, Tourism and Sustainable Development. In « Global Tourism », Theobald W<br />
(Ed.), 2nd Edition, Butterworth Heinemann, Oxford, p. 173–190.<br />
Nahapiet J et Ghoshal S, 2000, Social capital, intellectual capital, and the organizational<br />
Advantage, In « Knowledge and Social Capital », Lesser L.E (Ed), Woburn, Butterworth-<br />
Heinemann, p. 119-158.<br />
Nash D, 1992, Epilogue: A research agenda on the variability of tourism. In « Tourism<br />
alternatives: Potentials and Problems in the Development of Tourism », Smith V.L et Eadington<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
359
W.R (Eds), University of Pennslyvania Press and the International Academy for the Study of<br />
Tourism, Philadelphie.<br />
Nyamugasira W, 1998, NGOs and advocacy: How well are the poor represented. Development,<br />
In Practice 8, p.297-308.<br />
Nussbaum M, 1997, Democracy’s Wake-up Call. Higher Education, in The Australian, 5<br />
Novembre, p38-39.<br />
Olsen K, 2002, Authenticity as a Concept, In Tourism Research. Tourist Studies 2, p.159–182.<br />
Onghena Y, 2008, Le tourisme : un luxe réinventé ?, article présenté lors de la Conférence<br />
“Tourisme et pauvreté” organisé par l’Université Cadi Ayad de Marrakech, Juin 2008.<br />
Parker S, 1999, Collaboration on tourism policy making: Environment and commercial<br />
sustainability on Bonaire. In Journal of Sustainable Tourism 7(3), p.240–259.<br />
Parnwell M, 1998, Tourism, globalisation end critical security in Myanmar and Thailand, In<br />
Singapore Journal of Tropical Geography 19(2), p.213-231.<br />
Pearce D.G, 1992, Alternative tourism: concepts, classifications, and questions. In «Tourism<br />
Alternatives: Potentials and Problems in the Development of Tourism », Smith V.L et Eadington<br />
W.R (Eds). University of Pennslyvania Press and the International Academy for the Study of<br />
Tourism, Philadelphie.<br />
Pearce P.L, 1995, From culture shock and culture arrogance to culture exchange: Ideas<br />
towards sustainable socio-cultural tourism. In Journal of Sustainable Tourism, 3(3), p.143–<br />
154.<br />
Pieterse J.N, 2000, After post development. In Third World Quarterly 21, p.175-191.<br />
Pizam A, 1996, Does tourism promote peace and understanding between unfriendly nations?<br />
In « Tourism, crime and international security issues », Pizam A et Mansfield Y (Eds.) Wiley,<br />
Londres.<br />
Pleumarom A, 1994, The political economy of tourism, In The Ecologist 24(4), p.142-8.<br />
Pluss C, 2002, 10 après Rio : un carton rouge pour le tourisme, document élaboré dans la<br />
perspective du Sommet mondial du développement durable 2002, 24 mars 2002, site<br />
www.tourisme-durable.org.<br />
Pluss C, 2003, Commerce équitable également dans le tourisme… www/transverses.com,<br />
www.akte.ch.<br />
Pluss C, 2004, Pierres angulaires du commerce équitable dans le domaine du tourisme, AKTE.<br />
www.akte.ch<br />
Poultney C et Spenceley A, 2001, Practical strategies for pro-poor tourism, Wilderness Safaris<br />
South Africa: Rocktail Bay and Ndumu Lodge. Pro-poor tourism working paper no.1. URL<br />
/http://www.propoortourism. org.uk/safrica_cs1.pdfS.<br />
360<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales
Pourtier R., 2005, Les âges de la territorialité, in « Le territoire est mort, Vive les territoires ! »,<br />
Antheaume B et Giraut F (Eds), IRD Editions, Paris.<br />
Pretty J, 1995, The many interpretations of participation, In Focus 16, p.4-5.<br />
Ray C, 1998, Culture, intellectual property and territorial rural development, in Sociologia<br />
Ruralis 38, p.3-20.<br />
Raymond N, 2004, Las interrogantes que plantea América Latina al estudio del fenómeno<br />
turístico, In “Turistas y turismo”, Trace n°45 (Juin 2004), p.11-31, Centre Français d’Etudes<br />
Mexicaines et Centraméricaines.<br />
Reed M, 1997, Power relations and community based tourism planning, In Annals of Tourism<br />
Research 24, p.566-591.<br />
Reisinger Y, 1994, Social contact between tourists and hosts of different cultural backgrounds.<br />
In “Tourism – The state of the art”, Seaton AV (Ed), John Wiley et Sons, Chichester, p.743-755.<br />
Reman F, 2007, Tourisme, développement des pays du Sud et baïonnettes in “Tourisme et<br />
mondialisation”, dossier spécial FUCID, juillet – août – septembre 2007.<br />
Richards G. et Hall D, 2000, The community: a sustainable concept in tourism development ?<br />
In « Tourism and sustainable comunity development », Richards G. et Hall D (Eds), Routledge,<br />
Londres.<br />
Richter LK, 1983a, Tourism Politics And Political-Science - A Case of not so Benign Neglect, In<br />
Annals of Tourism Research 10, p.313-335<br />
Richter L.K, 1983b, The political implications of Chinese tourism policy, In Annals of Tourism<br />
research 10, p.395-414.<br />
Richter L, 1996, The political dimensions of tourism. In « Travel, tourism and hospitality<br />
research: A handbook for managers and researchers », Ritchie J et Goeldner C (Eds.), New<br />
York: Wiley, p.219–231.<br />
Richter L.K, 1999, After Political Turmoil: the Lessons of Rebuilding Tourism in Three Asian<br />
Countries, in Journal of Travel Research, p.41-45.<br />
Rieucau J, 2008, “Tourisme alternatif” et pauvreté: limites et risques pour les communautés<br />
locales et l’environnement, article présenté lors de la Conférence “Tourisme et pauvreté”<br />
organisé par l’Université Cadi Ayad de Marrakech, Juin 2008.<br />
Roche M, 1992, Mega-events and micro-modernization: on the sociology of the new urban<br />
tourism, In British Journal of sociology 43, p.563-600.<br />
Roe R, Goodwin H et Ashley C, 2002, The tourism industry and poverty reduction: A business<br />
primer. Pro-poor tourism briefing No. 2. URL<br />
/http://www.propoortourism.org.uk/final%20business%20-brief.pdfS.<br />
Rouland N, 1999, Dossier peuples autochtones, in « Le Comité Afrique, Caraïbes Pacifique,<br />
Union Européenne », Bruxelles, p.37-38.<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
361
Ross J, The « revolutionary tourist », Latinamerica Press, 1999, 31 (33), p.5.<br />
Rousset C, De Santis S, 2008, Le tourisme comme instrument d’empowerment politique : un<br />
nouveau modèle de développement dans un monde globalisé, article présenté lors de la<br />
Conférence “Tourisme et pauvreté” organisé par l’Université Cadi Ayad de Marrakech, Juin<br />
2008.<br />
Rousset C, De Santis S, 2008, Le tourisme comme instrument d’empowerment politique : un<br />
nouveau modèle de développement dans un monde globalisé, In « Tourisme et pauvreté »,<br />
Boujrouf S (Ed), AUF (à paraître).<br />
Ryan C, Montgomery D, 1994, The attitudes of Backwell residents to tourism issues in<br />
community responsive tourism, In Tourism Management 15 (5), p.358-369.<br />
Ryan C, 1997, Review of Tourism and Indigenous Peoples by R Butler and T Hinch, In Tourism<br />
Management 18, p.479–480.<br />
Ryan C, 2001, Some dimensions of Maori Involvement in Tourism, In « Tourism and Less<br />
developed World : Issues and case Studies », Harrisson D (Ed), CABI Publishing, Wallingford,<br />
p.229-245.<br />
Ryan C, 2002, Equity, management power sharing and sustainability—Issues of the ‘new<br />
tourism. In Tourism Management 23, p.17–26.<br />
Ryan C, Huyton J, 2002, Tourists and aboriginal people, In Annals of Tourism Research, Vol.<br />
29, No. 3, p. 631–647.<br />
Sachs I, 1987, Pour un développement qualitatif, In Espaces Temps 36, « Tiers-Monde : faim de<br />
théorie », p.19-21.<br />
Seaton A, 1996, Guided by the dark: From thanopsis to thanatourism, in International Journal<br />
of Heritage Studies 2, p.234-244.<br />
Scantlebury M.G, 2008, Book review, Is the Sacred For Sale? Tourism and Indigenous People<br />
de Alison M. Johnston, In Annals of tourism research,Vol 35 (2), p.612-614.<br />
Scheyvens R, 1999, Ecotourism and the empowerment of local communities. In Tourism<br />
Management 20, 245–249.<br />
Scheyvens R, 2002, Backpacker tourism and the Thirld World development, In Annals of<br />
Tourism Research 29(1), p.144-64.<br />
Schmiechen J, 2006, Indigenous Tourism Research Agenda Key Directions for the Future 2005<br />
– 2008, Northern Territory Tourist Commission.<br />
Seongseop Kima S, Prideauxb B, 2003, Tourism, peace, politics and ideology: impacts ofthe Mt.<br />
Gumgang tour project in the Korean Peninsula in Tourism Management 24, p.675–685.<br />
Seongseop Kim S., Timothy D.J, Han H-C, 2007, Tourism and political ideologies: A case of<br />
tourism in North Korea in Tourism Management 28, p. 1031–1043<br />
362<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales
Sewell W.R.D, Phililips S.D, 1979, Models for the evaluation of Public Participation<br />
Programme, In Natural Resources 19 (2), p.337-358.<br />
Simon D, 1997, Developement reconsidered : new directions in development thinking, In<br />
Geografiska Annaler 79B(4), p.183-201.<br />
Simmons C, Parsons R, 1983, Empowerment for role alternative in adolescence, In Adolescence<br />
18, p.193-200.<br />
Simmons D.G, 1994, Community participation in tourism planning. In Tourism Management<br />
15, p.98–108.<br />
Simpson M.C, 2008, Community Benefit Tourism Initiatives—A conceptual oxymoron?, In<br />
Tourism Management 29, p.1–18.<br />
Sofield T. H. B, 1991 , Sustainable ethnic tourism in the South Pacific: Some principles. In The<br />
Journal of Tourism Studies, 2(1), p.56–72.<br />
Sofield T. H. B, 1993, Indigenous tourism development. In Annals of Tourism Research, 20, p.<br />
729–750.<br />
Sofield T.H.B., Birtles R.A, 1996, Indigenous peoples cultural opportunity spectrum for<br />
tourism: IPCOST, In ‘Tourism and Indigenous Peoples », Butler RW et Hinch T (Eds), p. 396-<br />
434, International Thomson Business Press, Londres.<br />
Sofield T et Li F, 1998, Tourism Development and Cultural Policies in China. In Tourism<br />
Management 25, p.362–392.<br />
Stock R, 1977, Political and social contributions of international tourism to the development of<br />
Israel, In Annals of Tourism Reserach 5, p.30-42.<br />
Stoddart H et Rogerson C.M, 2004, Volunteer Tourism: The case of Habitat for Humanity<br />
South Africa, In GeoJournal 60, p.311-318.<br />
Stromquist N.P, 2002, Education as a means for empowering women. In « Rethinking<br />
empowerment: Gender and development in a global/local world », Parpart J.L, Rai S.M et<br />
Staudt K (Eds.), Routledge, Londres.<br />
Suresh KT, 2005, Democraticizong tourism, In « Perspectives in tourism 1 », Ecumenical<br />
Coalition on Tourism (ECOT).<br />
Taylor V, Whittier N, 1992, Collective Identity in Social Movement Communities: Lesbian<br />
Feminist Mobilization. In « Frontiers in Social Movement Theory », Morris A et Mueller C,<br />
(Eds), New Haven, Yale University Press, p. 104–130.<br />
Taylor G, 1995, The community approach : does it really work ? In Tourism Management 16(7),<br />
p.487-489.<br />
Taylor J.P, 2001, Authenticity and sincerity in tourism. In Annals of Tourism Research, 28(1),<br />
p.7–26.<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
363
Thomas A, 1992, Nongovernmental organizations and the limits to empowerment. In<br />
« Development policy and public action », Wuyts M, Mackintosh M et Hewitt T (Eds.), Oxford<br />
University Press & Open University, Oxford.<br />
Timothy D J, 2002, Tourism and community development. In « Tourism and development:<br />
Concepts and issues », Sharpley R et Telfer D (Eds), Channel View Publications, Clevedon,<br />
p.149–164.<br />
Timothy D. J & Ioannides D, 2002, Tour operator hegemony: Dependency and oligopoly in<br />
insular destinations. In « Island tourism and sustainable development: Caribbean, Pacific, and<br />
Mediterranean experiences », Apostolopoulos Y et Gayle D.J (Eds), Westport, Connecticut,<br />
Praeger, p. 81–198.<br />
Timothy D.J, Prideaux B et Kim S.S, 2004, Tourism at borders of conflict and (de)militarized<br />
zones. In « New horizons in tourism: Strange experiences and stranger practices », Singh T.V<br />
(Ed),. Wallingford: CABI, p.83–89.<br />
Tomljenovic R, Faulkner B, 2000, Tourism and World Peace: A Conundrum for the Twentyfirst<br />
Century, In « Tourism in the Twenty-first Century », Faulkner B, Moscardo G et Laws E<br />
(Eds), Continuum, Londres.<br />
Tour Operators Initiative (TOI), 2003, A Practical Guide to Good Practice: Managing<br />
Environmental and Social Issues in the Accommodations. Sector. United Nations Environment<br />
Programm (UNEP), Paris. www.toinitiative.org<br />
Tosun C, 2000,Limits to community participation in the tourism development process in<br />
developing countries. In Tourism Management, 21, p.613–633.<br />
Tosun C, 2005, Stages in emergence of participatory tourism development process in<br />
developing countries. In Geoforum 36(3), p.333–352.<br />
Tosun C, 2006, Expected nature of community participation in tourism development. In<br />
Tourism Management 27(3), p.493–504.<br />
Tosun C, Timothy D.J, 2003, Arguments for community participation in the tourism<br />
development process. In Journal of Tourism Studies 14(2), p.2–14.<br />
Triantafillou P, Nielsen M.R, 2001, Policing empowerment: The making of capable subjects. In<br />
History of the Human Sciences 14, p.63-86.<br />
Turner R, Miller G et Gilbert D, 2001, The role of UK charities and the tourist industry, In<br />
Tourism management, 22(5) : 463-72.<br />
UNAT, 2002, D’autres voyages, du tourisme à l’échange, Paris, UNAT,<br />
www.unat.asso.fr/doc/presse/DPSolidaire.pdf<br />
Uriely N, 1997, Theories of modern and postmodern tourism, In Annals of Tourism Research<br />
24(4), p.982-985.<br />
Valayer D, 1997, Pour une révolution du tourisme, Le Monde diplomatique, juillet 1997.<br />
364<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales
Valayer D, 2000, Le tourisme durable vu du Sud…, Caravane, lettre de l’Alliance pour un monde<br />
responsable et solidaire, n°7, décembre 2000.<br />
Valenti L, Las relaciones internacionales generadas por el turismo como promotor de la<br />
integración entre paises y la paz entre los pueblos", in “Turismo y desarrollo sostenible", Meyer<br />
Krumholz D (dir), 2002, Universidad externado de Colombia, Argentine.<br />
Var T, Brayley R et Korsay M, 1989, Tourism and world peace: Case ofTurkey. In Annals of<br />
Tourism Research 16, p.282–286.<br />
Var T, Schluter R, Ankomah P. et Lee T-H, 1989, Tourism and peace: The case ofArgentina. In<br />
Annals of Tourism Research, 16(3), p.431–434.<br />
Var T., Ap J., Van Doren C., 1994, Tourism and World Peace, In « Global Tourism: The next<br />
decade », Theobald W (Ed.), Butterworth-Heinemann, Oxford.<br />
Velikova M.P, 2001, How Sustainable is Sustainable Tourism?, In Annals of Tourism Research<br />
28(2), p. 496–499.<br />
Venegas Marcelo H, 2005, Un triángulo cubano: turismo, patrimonio, comunidad, Temas no.<br />
43, p.56-66.<br />
Wall G, 1997, Is Ecotourism Sustainable?, In Environmental Management 21 (4), p. 483–491<br />
Wallerstein I, 1990, Culture as the ideological battleground of the modern world system. In<br />
« Global culture – Nationalism, Globalization and Modernity », Featherstone M (Ed), Sage<br />
Publications Ltd, Londres, p.31-57.<br />
Wearing S, MacDonald M, 2002, The development of community based tourism: The<br />
relationship between tour operators and development agent as intermediaries in rural and<br />
Isolated communities. In Journal of Sustainable Tourism 10, p.191–206.<br />
Weaver D.B, Lawton L.J, 2007, Twenty years on: The state of contemporary ecotourism<br />
research, In Tourism Management 28, p.1168–1179.<br />
Wood R, 1997, Tourism and the State: Ethnic Options and the Construction of Otherness. In<br />
« Tourism, Ethnicity and the State in Asian and Pacific Societies » Picard M et Wood R (Eds),<br />
p.1–34. University of Hawaii Press, Honolulu.<br />
Yu L, Chung M.H, 2001, Tourism as a catalytic force for low-politics activities between<br />
politically divided countries: The cases of South/North Korea and Taiwan/China, in New<br />
Political Science 23, p. 537-545.<br />
Yuil S.M, 2003, Dark tourism : understanding visitor motivation at sites of death and disaster,<br />
thèse de master of science, Université de Waterloo.<br />
Zorilla J.J, 2000, Authenticity in the Context of Ethnic Tourism: The Local Perspective, In<br />
Travel and Tourism Research Association, Whitehorse, Canada.<br />
Zorn E, Farthing L.C, 2007, Communitarian tourism, hosts and mediators in Peru, In Annals of<br />
Tourism Research 34 (3), p. 673–689.<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
365
366<br />
SITES INTERNET<br />
Organisations – Associations ayant trait au tourisme<br />
• Associations Transverses – Réseau archimède http://www.chez.com/transverses/<br />
• ATES – Association pour un tourisme équitable et solidaire<br />
A l’initiative de l’UNAT, cette association a été crée en 2006 et vise à regrouper les associations<br />
françaises engagées dans le tourisme solidaire. www.unat.asso.fr<br />
• ATR – Agir pour un tourisme responsable. www.tourisme-responsable.org<br />
• BITS – Bureau International du tourisme social<br />
Fondé en 1963, cet organisme œuvre pour la promotion du tourisme social mais s’intéresse<br />
depuis quelques années au tourisme solidaire. www.bits-int.org<br />
• Dante<br />
C’est un réseau de 15 ONG d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse, spécialisées dans le tourisme et<br />
le développement. www.dante-tourismus.org<br />
• Department for International Development’s pro-poor tourism strategy<br />
www.propoortourism.org.uk/index.html<br />
• Echoway www.echoway.net (France)<br />
• www.ecotourism.org<br />
Réseau le plus ancien en matière d’écotourisme, crée dans les années 90 (ONG).<br />
• Organisation mondiale du tourisme (OMT) http://www.unwto.org/index_f.php<br />
• Overseas Development Institute (O<strong>DI</strong>) http://www.odi.org.uk/<br />
• Mercure Tourisme équitable (Québec). www.tourisme-equitable.qc.ca<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales
• Planeta.com. Global journal on ecotourism. http://www.planeta.com/<br />
• Plateforme du commerce équitable http://www.commercequitable.org/tourisme/<br />
• Responsible Travel : www.responsibletravel.com<br />
• Thirld World Network (Partie dédiée au tourisme). http://www.twnside.org.sg/tour.htm<br />
• TIES – The International Ecotourism Society<br />
• Tourism concern. www.tourismconcern.org.uk<br />
• Tourisme durable. www.tourisme-durable.net<br />
• Tourisme solidaire et développement durable http://www.tourisme-solidaire.org<br />
• World Tourism and Travel Council (WTTC) www.wttc.org<br />
Organisations de tourisme communautaire<br />
• ACTUAR - Associacion costaricense de turismo rural comunitario.<br />
http://www.actuarcostarica.com/app/cms/www/index.php<br />
• FENATUCGUA – Federacion nacional de turismo comunitario en Guatemala.<br />
http://fenatucgua.org/<br />
• FEPTCE – Fédération plurinationale du tourisme communautaire en Equateur.<br />
http://www.turismocomunitario.ec/tcomunitario/<br />
• Redtur Red de Turismo Comunitario de America Latina (OIT) www.redtur.org<br />
• SendaSur - Red de ecoturismo de Chiapas. http://www.sendasur.com/<br />
• TUSOCO - red Boliviana de Turismo Solidario Comunitario. www.tusoco.org<br />
Codes de conduite<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
367
368<br />
• Carta d’identità per viaggi sostenibili (AITR – Association italienne de<br />
tourisme responsable)<br />
http://www.aitr.org/carta_viaggi_sostenibili.html<br />
http://www.aitr.org/Charte%20des%20voyages%20durables.html<br />
• Charte d’éthique du tourisme (France)<br />
Charte osignée par le Gouvernement français et les principaux acteurs de l’industrie touristique<br />
(SNCF, ACCOR, Club Med,…)<br />
http://www.tourisme.gouv.fr/fr/navd/dossiers/tour_ethiqe/charte_france.jsp<br />
• Charte du tourisme durable<br />
Adoptée en 1995 lors de la Conférence Mondiale de anzarote.<br />
http://www.tourisme-solidaire.org/ressource/pdf/charte_ts.pdf<br />
• Charte du tourisme de TDS (Tourisme et développement solidaires)<br />
Tourisme & Développement Solidaires, association de solidarité internationale chargée<br />
d'expérimenter, de mettre en œuvre, d’expertiser et de promouvoir de nouvelles formes de<br />
tourisme équitables et solidaires, au service du développement des populations d’accueil.<br />
http://www.tourisme-dev-solidaires.org/charte.htm<br />
• Charte du tourisme équitable.<br />
Rédigée par la Plate-forme du commerce équitable et publicisée par le voyagiste Croq Nature.<br />
www.croqnature.com/tourismeequitable.htm<br />
• Charte éthique du voyageur du voayagiste Atalante et de Lonely Planet<br />
http://www.atalante.fr/PdfWeb/charte-ethique-du-voyageur.pdf<br />
http://www.lonelyplanet.fr/_htm/charte/index.php<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales
• Code Mondial d’éthique du tourisme (adopté en 1999 par l’OMT).<br />
http://www.world-tourism.org/code_ethics/fr.html<br />
Organismes proposant du tourisme humanitaire<br />
Etats-Unis<br />
• Cross cultural solutions. www.crossculturalsolutions.org<br />
• International Society for ecology and Culture : non-profit organisation concerned with<br />
the protection of both biological and cultural diversity. The Ladakh Farm project.<br />
http://www.isec.org.uk/pages/ladakh.html<br />
• Go Philanthropic http://www.gophilanthropic.com/<br />
• Transition abroad http://www.transitionsabroad.com/<br />
Angleterre<br />
• Discovery Initiatives, travel to protect.http://www.discoveryinitiatives.co.uk/<br />
• Earthwatch Institute http://www.earthwatch.org/<br />
France<br />
• Planète urgence http://www.planete-urgence.org/missions/<br />
• Cybelle Planète (écovolontariat) www.cybelle-planete.org<br />
Canada<br />
• Horizon cosmopolite http://www.horizoncosmopolite.com/<br />
Guides touristiques<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
369
370<br />
• Lonely Planet http://www.lonelyplanet.com/<br />
• Le Routard<br />
http://www.routard.com/<br />
Dossier sur le tourisme responsable<br />
http://www.routard.com/guide_dossier/id_dp/73/voyager_responsable.htm<br />
Dossier sur le tourisme équitable<br />
http://www.routard.com/mag_dossiers/id_dm/19/ordre/2.htm<br />
• Echoway www.echoway.fr<br />
EchoWay est une association Loi 1901. EchoWay est un lieu d'information et d'échange qui<br />
recense les lieux et associations proposant un tourisme équitable, solidaire et écologique<br />
accessible au voyageur partant seul, des informations sur le tourisme solidaire pour sensibiliser<br />
à un tourisme responsable, des adresses dans le monde entier, un livre d'or, des informations,<br />
un réseau de voyageurs à rejoindre, une rubrique sur l'écovolontariat...<br />
o Voyages pour la planète www.voyagespourlaplanete.com<br />
Voyagespourlaplanete.com est le premier guide de voyages en ligne spécialisé sur le thème du<br />
tourisme responsable, proposant une superbe collection de séjours écologiques et solidaires<br />
dans le monde entier.<br />
Thème de la responsabilité sociale d’entreprise<br />
• Global Reporting Initiative (GRI) collabratice centre of the UNEP<br />
http://www.globalreporting.org/ReportingFramework/SectorSupplements/TourOperators<br />
The Global Reporting Initiative (GRI) has pioneered the development of the world’s most widely<br />
used sustainability reporting framework and is committed to its continuous improvement and<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales
application worldwide. This framework sets out the principles and indicators that organizations<br />
can use to measure and report their economic, environmental, and social performance.<br />
Autres sites<br />
• Ecotouris me autochtone, site de Sylvie Blangy. http://www.aboriginalecotourism.org<br />
• Association française d’écotourisme. http://www.ecotourisme.info/<br />
• Destinet - Sustainable tourism information portal<br />
http://destinet.ew.eea.europa.eu/<br />
• Ecoclub – International Ecotourism Club http://www.ecoclub.com/<br />
• The Travel and Tourism Research Association http://ttra.com/<br />
• The US Travel Industry Association http://www.tia.org/<br />
• Fair Trade in Tourism South Africa (FTTSA), www.fairtourismsa.org.za<br />
• Tourism Keys - your source for internet marketing training and resources<br />
http://www.tourismkeys.ca/<br />
• Equation (Indian tourism NGO) www.equitabletourism.org<br />
• Réseau de veille en tourisme www.veilletourisme.com<br />
• BEST (Business Enterprises for Sustainabe Travel) www.sustainabletravel.org<br />
• EcoTour – your source for planning an eco-holiday.<br />
http://www.ecotourdirectory.com/<br />
• Ecoclub http://www.ecoclub.com/<br />
• Institut International pour la paix par le tourisme www.iipt.org<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
– vers un empowerment des communautés locales<br />
371
Certification<br />
372<br />
• Certification for Sustainable Tourism (Costan Rican Tourism Institute)<br />
http://www.turismo-sostenible.co.cr/EN/home.shtml<br />
• Fair Trade in Tourism South Africa (FTTSA) http://www.fairtourismsa.org.za/<br />
• Green Globe 21 Worlwide Benchmarking and certification www.greenglobe.or<br />
LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE COOPERATION INTERNATIONALE<br />
vers un empowerment des communautés locales