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Rapport d'expertise requis pour le Tribunal Penal International sur le ...

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subti<strong>le</strong> répartition géographique des postes ministériels et de la haute administration 4[4] , était comme<br />

l’un des principaux <strong>le</strong>aders du sud 5[5] du pays. D’autres <strong>le</strong>aders de la même trempe, à savoir<br />

Madame Félicula Nyiramutarambirwa 6[6] et Frédéric Nzamurambaho sont aussi évincés.<br />

L’opposition, alors latente, des gens du Sud qui avait diffici<strong>le</strong>ment digéré <strong>le</strong> coup d’Etat de 1973 et<br />

<strong>le</strong> sort tragique réservé aux élites politiques de la première République, s’exprime désormais de<br />

manière ouverte.<br />

Il est communément admis qu’un pouvoir tombe davantage à cause de la perte des soutiens et de la<br />

loyauté que de la force de l’opposition à laquel<strong>le</strong> il est confronté. Dans <strong>le</strong> cas du Rwanda, l’on peut<br />

constater que <strong>le</strong> régime a commencé à battre de l’ai<strong>le</strong> depuis 1985 avec la crise caféière. A la fin<br />

1989, il était complètement essoufflé qu’une journaliste belge de la « Libre Belgique » publia un<br />

artic<strong>le</strong> au titre prophétique annonçant la fin du régime 7[7] . Avec l’effritement catastrophique des prix<br />

du café dès 1985 qui induisit une diminution drastique des recettes de l’Etat, 8[8] ajouter à cela <strong>le</strong>s<br />

me<strong>sur</strong>es draconiennes d’ajustement structurel du Fonds Monétaire, <strong>le</strong> pouvoir ne dispose plus de<br />

ressources financières <strong>pour</strong> entretenir sa nombreuse cour et <strong>le</strong>s clients gravitant autour.<br />

Le cerc<strong>le</strong> des fidè<strong>le</strong>s se réduit alors considérab<strong>le</strong>ment créant une opposition nouvel<strong>le</strong> au sein même<br />

du régime. La crise économique s’accentuant, l’alliance scellée entre <strong>le</strong> pouvoir et l’élite<br />

commercia<strong>le</strong> tutsi commence el<strong>le</strong> aussi à fléchir. Cette élite n’arrive plus, en effet, à trouver <strong>le</strong>s<br />

ressources afin d’assumer sa contrepartie dans ladite entente 9[9] . Il convient aussi d’ajouter que ces<br />

ressources sont devenues d’autant plus limitées qu’el<strong>le</strong>s commençaient déjà à financer l’effort de<br />

guerre de la rébellion 10[10] .<br />

La contestation politique devient plus manifeste. A l’opposition traditionnel<strong>le</strong> alors latente<br />

composée de l’élite méridiona<strong>le</strong> se greffe une autre, née du fait que <strong>le</strong> pouvoir ne pouvait plus<br />

entretenir <strong>le</strong>s nombreux cerc<strong>le</strong>s concentriques de soutien. Le groupe politique du Nord, véritab<strong>le</strong><br />

détenteur du pouvoir, n’est plus cohérent en lui-même. On assiste à des rivalités fortes entre l’élite<br />

politique de la préfecture de Gisenyi, région originaire du Président de la République, et l’élite de la<br />

préfecture de Ruhengeri. Au sein même de l’élite de Gisenyi, une fracture « shiru », à savoir <strong>le</strong><br />

réduit, et « goyi », <strong>le</strong> deuxième cerc<strong>le</strong>, se dresse.<br />

Il apparaît donc que contestant une gouvernance de plus en plus obsolète, l’opposition,<br />

essentiel<strong>le</strong>ment hutu, d’abord confinée au sud, s’est progressivement élargie à certaines parties du<br />

4[4]<br />

Une loi non écrite inaugurée dès l’avènement de la deuxième République en 1973 voulait que, en vue de s’as<strong>sur</strong>er<br />

une clientè<strong>le</strong> politique doci<strong>le</strong>, chaque préfecture dispose d’au moins d’un portefeuil<strong>le</strong> au niveau du Gouvernement, du<br />

Comité central du parti unique MNRD et de la haute administration. Les préfectures de Gisenyi et de Ruhengeri<br />

disposaient bien entendu de plusieurs. Cela explique notamment <strong>pour</strong>quoi <strong>le</strong> Président Habyarimana, à la faveur de la<br />

constitution du premier gouvernement multipartite du 16 avril 1992, <strong>pour</strong> s’as<strong>sur</strong>er de la représentation de chaque<br />

préfecture, exigea parité dans la répartition des 19 portefeuil<strong>le</strong>s ministériels entre l’opposition politique et son parti.<br />

Avec <strong>le</strong> multipartisme, cela répondait bien sûr aussi à une stratégie é<strong>le</strong>ctora<strong>le</strong>.<br />

5[5]<br />

L’appellation « sud » recouvre en fait <strong>le</strong> sud et <strong>le</strong> centre du pays, c’est-à-dire principa<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s préfectures de<br />

Gitarama, Butare, Gikongoro, Kibuye. Par extension, el<strong>le</strong> incluait aussi <strong>le</strong>s préfectures de Cyangugu, Kigali et Kibungo.<br />

6[6]<br />

El<strong>le</strong> meurt en 1989 dans un accident de voiture jamais élucidé. Sont aussi morts dans des accidents de route non<br />

expliqués <strong>le</strong> ministre de la santé François Muganza ainsi que l’abbé Silvio Sindambiwe, journaliste de l’illustre journal<br />

Kinyamateka. Ils représentaient tous <strong>le</strong>s têtes montantes de l’opposition.<br />

7[7]<br />

Journal, La Libre Belgique : « Rwanda : la république a trente ans. Une révolution inachevée ? Une atmosphère de<br />

fin de règne », 31 octobre 1989.<br />

8[8]<br />

Nota bene. Le café intervenait <strong>pour</strong> plus de 70% des exportations tota<strong>le</strong>s du pays.<br />

9[9]<br />

Dès <strong>le</strong> coup d’Etat de juil<strong>le</strong>t 1973, afin de mieux contrô<strong>le</strong>r l’opposition hutu du sud, <strong>le</strong> régime Habyarimana noue<br />

alliance avec l’élite commercia<strong>le</strong> tutsi et soutien sa consolidation en lui accordant beaucoup d’avantages commerciaux<br />

et fiscaux qui lui permettent de dominer <strong>le</strong>s secteurs pétrolier, bancaire, import/export et <strong>le</strong>s marchés publics. La<br />

contrepartie est la prise de participation fictive dans <strong>le</strong>s sociétés, la distribution de dividendes et de prébendes ainsi que<br />

l’entretien du réseau de contre-espionnage privé du régime.<br />

10[10]<br />

Lire <strong>le</strong> livre de Kajeguhakwa, Va<strong>le</strong>ns, De la terre de paix à la terre de sang et après ?, Paris, Remi Perrin, 2001,<br />

359 p. Une véritab<strong>le</strong> épopée et une construction patiente de la revanche politique !

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