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Rapport d'expertise requis pour le Tribunal Penal International sur le ...

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Les théories racistes qui se sont développées et pratiquées pendant la colonisation n’ont pas été<br />

utilisées <strong>pour</strong> magnifier <strong>le</strong>s hutu. Bien au contraire, el<strong>le</strong>s ont été utilisées <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s marginaliser. La<br />

Révolution socia<strong>le</strong> de 1959, à la base de laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s hutu se sont émancipés ne pouvait pas non plus<br />

en conséquence puiser dans ce registre. Même dans ses excès, c’est au nom des principes d’égalité<br />

et de justice socia<strong>le</strong> que ladite Révolution a été menée et justifiée. Enfin, il n’existe pas de mythes<br />

ni de desseins expansionnistes pan-hutu dont la réalisation serait entravée par une quelconque<br />

présence de tutsi <strong>pour</strong> justifier ensuite <strong>le</strong>ur élimination. Même si l’on peut déce<strong>le</strong>r des sentiments<br />

anti-tutsi latents ou manifestes, nous <strong>le</strong> verrons quand nous aborderons la question du lit du<br />

génocide, il convient de constater qu’à la base du génocide tutsi, ce n’est donc pas l’idéologie pure<br />

enracinée dans un imaginaire fantasmagorique qui est à l’œuvre. C’est autre chose.<br />

CE QUE LE GENOCIDE TUTSI EST.<br />

Le génocide tutsi est un projet factieux de « l’akazu ».<br />

Dès <strong>le</strong> moment où une élite factieuse, <strong>pour</strong>vue d’un plan génocidaire, explicite ou implicite, fut-il<br />

sommaire, prend <strong>le</strong> pouvoir et veut mettre en pratique son projet dans une société en crise et en état<br />

de psychose col<strong>le</strong>ctive <strong>pour</strong> des motifs variés, <strong>le</strong> génocide deviendra possib<strong>le</strong> dès lors que cette élite<br />

s’accapare bruta<strong>le</strong>ment de l’Etat et attire <strong>le</strong>s éléments de vio<strong>le</strong>nce <strong>pour</strong> la besogne. Dans ce contexte<br />

particulier, <strong>le</strong> génocide n’a pas à être élaboré longtemps en avance par l’Etat dans une sorte de<br />

« Generalplan Ost » de je ne sais quel commis d’Etat comme celui soumis au führer nazi par M.<br />

Konrad Meyer-Hetling 104[104] , <strong>pour</strong> être exécuté ensuite. Il suffit, <strong>pour</strong> que cela soit possib<strong>le</strong>, que <strong>le</strong><br />

groupe porteur du projet maîtrise <strong>le</strong>s instruments de vio<strong>le</strong>nce, ordonne et entretienne, par la pression<br />

des armes et la communication, la panique généra<strong>le</strong>.<br />

Dans <strong>le</strong> cas qui nous concerne, il est indiscutab<strong>le</strong> que depuis <strong>le</strong> début de la guerre en 1990 et<br />

l’ouverture au multipartisme, s’est constitué autour du clan présidentiel un groupe politique qui<br />

envisageait l’élimination de membres de l’opposition et de tutsi comme un moyen d’affaiblissement<br />

du FPR et de l’opposition politique et, partant, de son maintien au pouvoir. A combien de reprises,<br />

profitant d’événements tels que la violation du cessez-<strong>le</strong> feu ou de tensions politiques, n’a-t-il pas<br />

été tenté par <strong>le</strong> passage à l’action 105[105] ?<br />

Il s’agissait bien d’un dessein non d’une institution publique mais d’une faction politique,<br />

bénéficiant certes, directement ou indirectement, des dividendes versés par l’Etat. Ce groupement<br />

politique agissait cependant à titre privé, tel<strong>le</strong> une société secrète, et non en raison de normes<br />

publiques bureaucratiques d’écartement systématique de tutsi qu’il aurait introduites et imposées à<br />

l’administration publique avant <strong>le</strong> 6 avril 1994. De tel<strong>le</strong>s normes bureaucratiques n’ont jamais<br />

existé.<br />

A partir de cette dernière date du 6 avril, nous sommes en face d’une rupture institutionnel<strong>le</strong><br />

essentiel<strong>le</strong> : <strong>le</strong> vide du pouvoir. Tirant parti du vide de pouvoir <strong>sur</strong>venu après l’assassinat du<br />

Président de la République, ce groupe politique a opéré tout de suite un coup d’Etat, a pris de fait<br />

<strong>le</strong>s rênes du pouvoir, a soumis la population et l’administration sous son emprise et a mis en place<br />

une « équipe » gouvernementa<strong>le</strong> sous ses bottes. A mon humb<strong>le</strong> avis, c’est à partir de ce moment, à<br />

savoir <strong>le</strong> 7 avril, et de ce moment-là seu<strong>le</strong>ment, que <strong>le</strong> génocide qu’il ordonne devient un crime<br />

d’Etat et est organisé progressivement <strong>sur</strong> l’ensemb<strong>le</strong> du territoire.<br />

104[104]<br />

C’est <strong>le</strong> plan d’extermination des polonais présenté à Hit<strong>le</strong>r en 1941 par M. Meyer-Hetling a présenté en 1941.<br />

105[105]<br />

Les événements tragiques de Kibilira en 1990, Bugesera en mars 1992, Ruhengeri-Gisenyi en janvier 1993,<br />

Kigali en février 1994 sont là <strong>pour</strong> l’attester.

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