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L'histoire de Maximus sous format pdf - WebRing

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Chapitre 1 : Espagne, 167 après Jésus-Christ<br />

<strong>Maximus</strong> Decimus Meridius s'assit sur la plage rocailleuse, ses bras robustes entourant ses genoux<br />

relevés. Le vent chaud se leva et ébouriffa ses fins cheveux noirs, mais son regard resta accroché sur<br />

l'horizon lointain <strong>de</strong> la Méditerranée, la couleur bleu-vert <strong>de</strong>s vagues se reflétant dans ses yeux <strong>de</strong> la<br />

même nuance. Le chaud soleil avait coloré sa peau et le garçon <strong>de</strong> 14 ans resplendissait <strong>de</strong> force et <strong>de</strong><br />

santé.<br />

Il aimait cette partie <strong>de</strong> l'Espagne, le Sud, près <strong>de</strong> Saguntum , où la plage s'étirait indéfiniment dans les<br />

<strong>de</strong>ux directions, offrant un net contraste avec les montagnes acci<strong>de</strong>ntées du Nord-Ouest où il avait passé<br />

ses plus jeunes années. <strong>Maximus</strong> se considérait comme un homme à présent, bien qu'encore jeune, parce<br />

qu'il avait enduré et traversé bien plus <strong>de</strong> choses que la plupart <strong>de</strong>s garçons <strong>de</strong> son âge.<br />

Il posa son menton sur ses genoux et laissa sa mémoire libérer <strong>de</strong>s images <strong>de</strong> son enfance, <strong>de</strong>s souvenirs<br />

qu'à d'autres moments il repoussait dans la confortable sécurité d'un coin secret et fermé <strong>de</strong> son esprit. Il<br />

pouvait se représenter clairement sa maison, une construction petite et confortable faite <strong>de</strong> bois et <strong>de</strong><br />

pierre rose, entourée <strong>de</strong> luxuriants jardins <strong>de</strong> légumes, <strong>de</strong> fruits et d'aromates. De verts pâturages<br />

s'étendaient au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la maison et accueillaient <strong>de</strong>s animaux aussi divers que <strong>de</strong>s vaches, <strong>de</strong>s chevaux,<br />

<strong>de</strong>s moutons et <strong>de</strong>s chèvres. Il pouvait presque encore sentir leur o<strong>de</strong>ur âcre. Des fleurs colorées<br />

tachetaient la prairie comme les nuages parsemaient le ciel au-<strong>de</strong>ssus. Au loin, les collines rocheuses<br />

paraissaient violettes là où leurs sommets embrassaient les cieux d'un bleu profond.<br />

<strong>Maximus</strong> pencha la tête et écouta, les yeux dans le vi<strong>de</strong>. Il pouvait entendre la voix profon<strong>de</strong> <strong>de</strong> son père,<br />

en train <strong>de</strong> rire. Son père riait souvent et <strong>Maximus</strong> aimait la chaleur <strong>de</strong> sa voix basse et grondante. La voix<br />

<strong>de</strong> sa mère lui revint, comme un doux tintement <strong>de</strong> clochette. Ses mots étaient indistincts, mais il savait<br />

qu'elle appelait son frère, Julius, qui jouait avec leur chien dans la cour.<br />

Le jeune soldat posa la joue sur ses genoux et laissa les souvenirs le submerger comme <strong>de</strong>s vagues qui<br />

étaient aussi chau<strong>de</strong>s que l'eau qui léchait ses orteils et se vaporisait sur ses chevilles en une écume<br />

salée. Mais les gouttes d'eau sur ses genoux ne provenaient pas <strong>de</strong> la mer, et il redressa la tête et se<br />

frotta impatiemment les yeux avec les paumes <strong>de</strong> ses mains. Son regard se fixa à nouveau sur l'horizon et<br />

<strong>Maximus</strong> fut presque englouti par la solitu<strong>de</strong> alors qu'il prenait conscience <strong>de</strong> l'immensité du mon<strong>de</strong> qui<br />

l'entourait.<br />

Il n'avait plus <strong>de</strong> famille <strong>de</strong>puis maintenant six ans, plus <strong>de</strong>puis que ses parents et son frère étaient morts<br />

dans ce terrible incendie. <strong>Maximus</strong> était chez <strong>de</strong>s amis lors <strong>de</strong> cette nuit fatidique et avait évité une mort<br />

atroce, mais une part <strong>de</strong> lui était morte avec sa famille et le garçon insouciant qu'il avait été avait disparu<br />

définitivement.<br />

Les voisins tentèrent <strong>de</strong> le tenir à l'écart, essayèrent <strong>de</strong> lui épargner la vue <strong>de</strong>s restes calcinés <strong>de</strong> sa<br />

maison et <strong>de</strong> ceux qu'il aimait, mais il passa <strong>de</strong>s jours à ratisser les cendres pour retrouver <strong>de</strong>s traces<br />

d'eux. Il trouva une seule chose vraiment reconnaissable : une <strong>de</strong>nt <strong>de</strong> lézard qui avait été le trésor le plus<br />

précieux <strong>de</strong> son frère. Il la portait à présent autour <strong>de</strong> son cou, attachée à un lien <strong>de</strong> cuir.<br />

Emmené par <strong>de</strong>s parents éloignés dans un lointain village montagnard, il se retrouva parmi une famille <strong>de</strong><br />

neuf enfants et se senti plus seul que jamais, malgré la constante présence <strong>de</strong> toutes ces personnes. Il<br />

travailla dur pour remercier ses grands oncle et tante <strong>de</strong> leur gentillesse, s'attelant à toutes les corvées<br />

qu'ils lui <strong>de</strong>mandaient <strong>de</strong> faire. Il connut bientôt assez <strong>de</strong> la vie dans une ferme pour s'occuper <strong>de</strong> tout et<br />

était toujours seul maître à bord quand son oncle partait vendre ses produits en ville, malgré les<br />

protestations <strong>de</strong> ses cousins, plus âgés.<br />

Mais le <strong>de</strong>stin <strong>de</strong>vait changer sa vie une fois <strong>de</strong> plus. Un jour frais d'automne, son oncle lui <strong>de</strong>manda <strong>de</strong><br />

l'accompagner dans un voyage plus long à travers les collines en sachant que le robuste garçon serait tout<br />

à fait capable <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong>r à se prémunir <strong>de</strong>s attaques <strong>de</strong>s voleurs.<br />

Juste à l'extérieur <strong>de</strong> la cité où ils <strong>de</strong>vaient se rendre, ils tombèrent sur <strong>de</strong>s rangs et <strong>de</strong>s rangs <strong>de</strong> tentes<br />

blanches - <strong>de</strong>s centaines - portant le drapeau <strong>de</strong> Rome. Des soldats en armure vaquaient à leurs<br />

occupations et ne prêtèrent guère attention à l'homme et au garçon dans leur charrette, mais <strong>Maximus</strong> fut<br />

hypnotisé. Il n'avait jamais imaginé quelque chose d'aussi merveilleux que cette armée aux drapeaux<br />

claquant au vent et aux armes étincelantes.<br />

Il <strong>de</strong>manda à son oncle <strong>de</strong> s'arrêter un moment et il resta aussi immobile qu'une statue <strong>de</strong> marbre,<br />

enregistrant tous les détails du camp. Il vit <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> toutes tailles et corpulences assis <strong>de</strong>vant les<br />

tentes pour attendre leur repas du soir. Ses yeux furent attirés vers une zone d'activité intense et il fut<br />

surpris <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>s garçons <strong>de</strong> son âge et <strong>de</strong>s plus jeunes se précipiter pour apporter <strong>de</strong>s bols <strong>de</strong> ragoût<br />

fumants et du pain frais aux soldats. Puis il remarqua d'autres garçons, certains nettoyant <strong>de</strong>s armures,<br />

d'autres soignant les chevaux, riant et plaisantant entre eux, ayant visiblement trouvé leur place dans ce<br />

mon<strong>de</strong>. Un homme <strong>de</strong> haute taille dans une armure brillante avec <strong>de</strong> luxueuses fourrures <strong>de</strong> loup jetées<br />

sur ses épaules se déplaçait avec aisance au milieu <strong>de</strong>s hommes, sa cape ondoyant <strong>de</strong>rrière lui alors qu'il<br />

avançait avec <strong>de</strong> longues et sûres enjambées. Un Général. Ce <strong>de</strong>vait être un Général, cet homme<br />

splendi<strong>de</strong> dont l'attitu<strong>de</strong> et le maintien dégageaient <strong>de</strong> l'assurance et <strong>de</strong> l'orgueil.<br />

Et soudain, l'envie irrésistible <strong>de</strong> faire partie <strong>de</strong> cette glorieuse armée submergea <strong>Maximus</strong>. Il gémit<br />

presque <strong>de</strong> douleur quand son oncle fit claquer les rênes, pressant les chevaux d'avancer, et il se<br />

contorsionna sur son siège jusqu'à ce que le camp soit hors <strong>de</strong> vue après un tournant <strong>de</strong> la route. Alors<br />

que <strong>Maximus</strong> se retournait, son oncle vit l'air déterminé sur son visage et le vieil homme su qu'il reviendrait<br />

à la ferme sans lui.<br />

1


Chapitre 2 : Le Campement<br />

<strong>Maximus</strong> s'adapta facilement à la vie militaire et eut l'impression d'avoir à nouveau trouvé un autre foyer.<br />

Sa place était ici, avec ces hommes forts et leur serment <strong>de</strong> défendre la gloire <strong>de</strong> Rome, un endroit que<br />

<strong>Maximus</strong> pouvait seulement imaginer.<br />

En tant que nouvelle recrue, on lui confia d'abord la tâche la plus ingrate, nettoyer les écuries, mais il aima<br />

le faire et était déterminé à <strong>de</strong>venir le meilleur nettoyeur d'écurie que l'armée ait jamais eu. Sa résolution<br />

ne passa pas inaperçu et on lui donna bientôt <strong>de</strong>s tâches plus significatives qui comprenaient les soins aux<br />

chevaux et le polissage <strong>de</strong>s armures <strong>de</strong>s soldats. On faisait uniquement confiance aux garçons les plus<br />

doués pour <strong>de</strong> tels travaux et il les exécuta avec fierté.<br />

Comme il apprenait vite, <strong>Maximus</strong> connut bientôt parfaitement le fonctionnement <strong>de</strong> chaque partie du<br />

campement et quand il ne travaillait pas, il s'installait pour observer ce à quoi aucun <strong>de</strong>s garçons n'était<br />

autorisé à participer : l'entraînement <strong>de</strong>s soldats avec leurs armes dangereuses.<br />

Il savait combien elles étaient lour<strong>de</strong>s et s'émerveillait <strong>de</strong> voir les hommes croiser les épées comme si<br />

elles avaient été faites <strong>de</strong> bois. La seule preuve <strong>de</strong> leurs efforts étaient les grognements et les cris qui<br />

s'échappaient <strong>de</strong> leurs gorges alors que le métal s'entrechoquait et projetait <strong>de</strong>s étincelles.<br />

L'armée avait été basée à Toletum2, dans le centre <strong>de</strong> l'Espagne et la majeur partie <strong>de</strong> leurs armures et <strong>de</strong><br />

leurs armes avaient été forgées là-bas, dans le meilleur métal <strong>de</strong> tout l'Empire, en l'honneur du nouveau<br />

César, Marc-Aurèle, qui était le successeur par adoption du défunt Antonin Le Pieux.<br />

Le campement près <strong>de</strong> la mer était temporaire et chaque homme savait qu'ils regagneraient bientôt le<br />

Nord pour contre-carrer les soulèvements dans les tribus du Nord qui avaient profité du changement <strong>de</strong><br />

pouvoir à Rome. Il y avait même <strong>de</strong>s rumeurs qui affirmaient que César viendrait voir le camp<br />

prochainement, puisqu'il inspectait en ce moment ses nombreuses légions.<br />

On ne faisait pas que travailler au campement. Tous les soirs, les hommes s'asseyaient autour <strong>de</strong>s feux et<br />

bavardaient à voix basse ou s'occupaient avec <strong>de</strong>s jeux inoffensifs comprenant <strong>de</strong>s dés et <strong>de</strong>s pierres.<br />

Il avait aussi conscience que <strong>de</strong>s femmes <strong>de</strong>s environs venaient dans le camp la nuit et il voyait <strong>de</strong>s<br />

soldats disparaître dans <strong>de</strong>s tentes avec elles, un à la fois, pour ressortir quelques minutes plus tard en se<br />

grattant le ventre et en riant, alors qu'un autre prenait leur place. <strong>Maximus</strong> savait ce qui se passait dans<br />

ces tentes, tout comme les autres garçons, mais ils comprenaient seulement dans les gran<strong>de</strong>s lignes ce<br />

qu'il se passait entre les hommes et les femmes.<br />

Lui et ses <strong>de</strong>ux plus proches amis, Lucius et Quintus, s'asseyaient le dos appuyé contre <strong>de</strong>s balles <strong>de</strong> foin<br />

et observaient le défilé <strong>de</strong>s hommes entrant et sortant <strong>de</strong> la tente. Quintus, âgé d'un an <strong>de</strong> plus que ses<br />

camara<strong>de</strong>s, venait d'essayer hardiment <strong>de</strong> se joindre à la file d'attente mais avait été remis brutalement à<br />

sa place parmi les garçons, au milieu <strong>de</strong>s rires et <strong>de</strong>s sarcasmes <strong>de</strong>s hommes. A 15 ans, Quintus<br />

s'entraînait déjà avec <strong>de</strong>s armes réelles et il se considérait comme un homme, un vrai.<br />

Il s'assit à côté <strong>de</strong> ses amis, écumant <strong>de</strong> rage et d'embarras.<br />

Lucius brisa leur silence.<br />

- Ils ne mettent pas longtemps, hein. Même les chiens sont plus longs.<br />

<strong>Maximus</strong> et Quintus tournèrent leurs têtes à l'unisson pour le regar<strong>de</strong>r et Quintus eut un sourire narquois.<br />

- Ca prend le temps que ça doit prendre.<br />

Quintus venait <strong>de</strong> Rome et se considérait comme bien supérieur à ses compagnons qui venaient tous les<br />

<strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s provinces, Lucius étant né près d'Aquitania3.<br />

Il y avait une réelle rivalité entre les garçons qui savaient tous que l'armée allait être toute leur vie pour <strong>de</strong><br />

nombreuses années et qui rivalisaient pour avoir les tâches les plus prestigieuses. Ils savaient que, dans<br />

les années à venir, les chefs <strong>de</strong> l'armée seraient choisis parmi leurs rangs et ils étaient soucieux <strong>de</strong> faire<br />

bonne impression auprès <strong>de</strong>s personnes les plus importantes. La situation idéale était d'être choisi pour<br />

servir un officier <strong>de</strong> haut rang et vivre dans ses quartiers. Quintus était sûr que ce temps viendrait bientôt<br />

pour lui puisqu'il était dans l'armée <strong>de</strong>puis qu'il avait 9 ans.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda Quintus dans les yeux et dit tranquillement :<br />

- Tu n'en sais pas plus que lui, Quintus.<br />

Le ton supérieur <strong>de</strong> Quintus pouvait être très cassant mais n'avait jamais impressionné <strong>Maximus</strong> qui avait<br />

pris sur lui <strong>de</strong> le remettre à sa place à chaque fois qu'il le jugeait nécessaire.<br />

- Et je suppose que toi, oui ?<br />

- Je n'ai jamais prétendu ça.<br />

Quintus savait que la discussion tournait à son désavantage au profit <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, comme souvent.<br />

L'Espagnol semblait insensible aux railleries du garçon et avait le chic pour le réduire au silence d'une<br />

seule phrase.<br />

Quintus décida <strong>de</strong> changer <strong>de</strong> sujet <strong>de</strong> conversation.<br />

- J'ai entendu dire que <strong>de</strong> jeunes soldats seraient bientôt choisis pour servir quelques uns <strong>de</strong>s officiers les<br />

plus gradés, y compris le Général Patroclus.<br />

Quintus sourit.<br />

- Ce travail sera le mien, vous n'avez qu'à me laisser faire.<br />

<strong>Maximus</strong> ne répondit pas. Il avait entendu la même rumeur.<br />

- J'aimerais faire ça, dit Lucius.<br />

- Et qu'as-tu fait pour impressionner qui que se soit ?, répliqua Quintus.<br />

Lucius se mit en colère.<br />

- Je suis aussi bon que n'importe qui ici. Je travaille dur. Je suis intelligent et j'ai meilleure allure que toi.<br />

<strong>Maximus</strong> éclata <strong>de</strong> rire au coup porté par Lucius à la vanité <strong>de</strong> Quintus.<br />

2


- Qu'est-ce qui te fait rire, <strong>Maximus</strong> ? Comme si quelqu'un allait te remarquer !<br />

Quintus sauta sur ses pieds et partit brusquement, ne voulant pas laisser le <strong>de</strong>rnier mot à son camara<strong>de</strong>.<br />

<strong>Maximus</strong> donna une claque sur le genoux <strong>de</strong> Lucius.<br />

- Tu l'as eu cette fois, mon ami. C'est un bon point pour toi.<br />

- Il y a <strong>de</strong>s fois où je le déteste.<br />

- Oh, il est correct. Il est là <strong>de</strong>puis bien plus longtemps que nous et ça lui donne l'impression qu'il a plus <strong>de</strong><br />

droits, je suppose. C'est aussi un très bon soldat, vraiment bon.<br />

- Tu es aussi doué que lui.<br />

- Peut être, mais je n'ai pas encore eu l'occasion <strong>de</strong> me battre avec autre chose que <strong>de</strong>s épées <strong>de</strong> bois.<br />

Mais ça ne va pas tar<strong>de</strong>r à changer.<br />

- Vas-tu essayer d'avoir un poste auprès d'un <strong>de</strong>s officiers ?<br />

- Oui.<br />

- Lequel ?<br />

- Le Général Patroclus.<br />

Lucius regarda son ami avec <strong>de</strong> l'émerveillement et <strong>de</strong> l'admiration. Lui n'avait aucun doute, <strong>Maximus</strong> était<br />

<strong>de</strong>stiné à <strong>de</strong>venir quelqu'un d'important. C'était dans chaque fibre <strong>de</strong> son être : sa voix, sa posture, son<br />

attitu<strong>de</strong>. C'était juste une question <strong>de</strong> temps.<br />

Chapitre 3 : Hercule<br />

- Là, mon garçon. Viens par là.<br />

<strong>Maximus</strong> tendit la main et tenta l'énorme chien gris avec un morceau <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>. Comme d'habitu<strong>de</strong>, le<br />

chien était couché <strong>de</strong>vant la tente <strong>de</strong> son maître, prêt à répondre à l'appel du Général. Ses longues oreilles<br />

se dressèrent en avant et sa truffe s'agita comme il humait l'air. Sa décision prise, il se mit sur ses pattes<br />

et s'avança tranquillement pour allonger la langue et attraper le morceau <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> dans la main. <strong>Maximus</strong><br />

réussit à tapoter brièvement la tête <strong>de</strong> l'animal avant qu'il ne se détourne et retourne à la porte <strong>de</strong> son<br />

maître. Le garçon s'accroupit, parlant au chien <strong>de</strong> tout et <strong>de</strong> rien, à voix basse. Beaucoup <strong>de</strong> gens au<br />

campement étaient terrifiés par l'animal, qui ressemblait à un énorme loup. Le chien quittait rarement son<br />

maître et l'accompagnait même au combat. <strong>Maximus</strong> avait mis <strong>de</strong> côté un peu <strong>de</strong> ses repas <strong>de</strong>puis<br />

maintenant plusieurs jours, se faufilant jusqu'à la tente avant la tombée <strong>de</strong> la nuit pour attirer le chien. Il<br />

avait été totalement ignoré les premières fois, mais l'animal s'habituait à lui petit à petit et il espérait qu'il<br />

viendrait bientôt vers lui sans appât. Il n'avait pas beaucoup <strong>de</strong> temps.<br />

La semaine suivante, tous les garçons du camp se levèrent plus tôt et se lavèrent soigneusement,<br />

domptant leurs mèches rebelles avec <strong>de</strong> l'eau et <strong>de</strong> la salive. Les bottes avaient été cirées la nuit<br />

précé<strong>de</strong>nte et attendaient au pied <strong>de</strong> chaque lit. Ils bavardaient nerveusement pendant qu'ils se<br />

préparaient aux évènements <strong>de</strong> la journée, sachant que dans quelques heures, <strong>de</strong>s chanceux quitteraient<br />

la tente commune pour <strong>de</strong> plus prestigieux quartiers.<br />

Au milieu <strong>de</strong> la matinée, ils formèrent une longue rangée, se tenant au gar<strong>de</strong>-à-vous pendant que les<br />

officiers qui avaient besoin <strong>de</strong> personnel supplémentaire les examinaient. <strong>Maximus</strong> priait pour ne pas être<br />

choisi et garda la tête baissée jusqu'à ce qu'il enten<strong>de</strong> la voix qu'il attendait. Au début <strong>de</strong> la rangée, pas à<br />

plus <strong>de</strong> cinq garçons <strong>de</strong> lui, se tenait le Général, vêtu <strong>de</strong> façon décontractée ce matin-là, en armure <strong>de</strong><br />

cuir. Le chien était <strong>de</strong>rrière lui.<br />

Le Général avançait lentement le long <strong>de</strong> la rangée, souriant gentiment à chaque garçon et prononçant<br />

quelques paroles d'éloge.<br />

Comme il s'approchait, <strong>Maximus</strong> remua ses doigts et fut récompensé quand le chien s'arrêta net et<br />

regarda sa main, les oreilles dressées. Il regarda son maître avec incertitu<strong>de</strong> pendant un instant puis fit un<br />

bond vers <strong>Maximus</strong> et vint renifler dans sa main.<br />

Le Général s'arrêta et contempla la scène avec surprise, puis se dirigea directement vers le garçon.<br />

- Tu aimes mon chien, <strong>Maximus</strong> ?<br />

- Oui, Monsieur le Général.<br />

Le Général connaissait son nom ?<br />

- Beaucoup <strong>de</strong> gens ont vraiment peur <strong>de</strong> lui.<br />

- Pas moi, Monsieur le Général.<br />

<strong>Maximus</strong> n'osait pas regar<strong>de</strong>r l'homme en face et gardait les yeux au niveau <strong>de</strong> son torse.<br />

- Non, je peux le voir. Connais-tu son nom ?<br />

- Non, Monsieur le...<br />

- Général tout court convient très bien, <strong>Maximus</strong>.<br />

- Non, Général.<br />

- Il s'appelle Hercule. Je ne l'ai jamais vu quitter mes côtés et aller vers quelqu'un <strong>de</strong> cette façon<br />

auparavant. Ce chien <strong>de</strong>vient trop gros à cause du manque d'exercice et il n'acceptera personne d'autre.<br />

Crois-tu que tu pourrais assumer cette tâche, <strong>Maximus</strong> : t'occuper d'Hercule ?<br />

- Oui, Général. Ce serait un grand honneur, Monsieur. J'aime les chiens et aussi les chevaux.<br />

Le Général Patroclus eut un sourire.<br />

- Bon, commençons simplement avec le chien. Prends tes affaires et présente-toi à mes quartiers. Un <strong>de</strong>s<br />

hommes te montrera où t'installer.<br />

<strong>Maximus</strong> laissa échapper un énorme soupir <strong>de</strong> soulagement et osa lever temporairement les yeux vers le<br />

visage du Général. Il dit avec beaucoup <strong>de</strong> sincérité :<br />

- Merci, Monsieur. Vous ne regretterez pas votre choix.<br />

3


Le Général sourit et le congédia avant <strong>de</strong> continuer l'inspection <strong>de</strong>s autres garçons.<br />

Le choix avait été facile. Il gardait un oeil sur le jeune <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong>puis un certain temps, déjà.<br />

Chapitre 4 : Les Empereurs<br />

La vie au praetorium - la zone du camp où était installée la tente du Général - était vraiment différente <strong>de</strong><br />

celle au quartier <strong>de</strong>s garçons et <strong>Maximus</strong> mit plusieurs jours à s'y habituer. Lucius, et même Quintus, lui<br />

manquaient. Ils avaient été choisis tous les <strong>de</strong>ux pour servir <strong>de</strong>s officiers <strong>de</strong> haut-rang, si bien qu'ils<br />

passaient du temps ensembles tous les soirs.<br />

Au début, Quintus avait très mal réagi et avait accusé <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong> tricherie mais, en fait, il enviait<br />

secrètement <strong>Maximus</strong> d'avoir pensé au stratagème alors que lui ne l'avait pas fait.<br />

Une gran<strong>de</strong> rivalité se développait entre les <strong>de</strong>ux garçons et <strong>Maximus</strong> avait déjà une longueur d'avance<br />

dans la partie.<br />

<strong>Maximus</strong> prit grand soin d'Hercule et lui et le chien <strong>de</strong>vinrent rapi<strong>de</strong>ment les meilleurs amis du mon<strong>de</strong>.<br />

Ils faisaient <strong>de</strong> longues courses ensembles et s'arrêtaient souvent à la plage pour chahuter dans les<br />

vagues.<br />

Hercule perdit son excès <strong>de</strong> poids et <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong>vint plus fort et plus endurant qu'aucun <strong>de</strong>s garçons, qui<br />

avaient <strong>de</strong>s vies plus sé<strong>de</strong>ntaires.<br />

Il commençait aussi à grandir à toute vitesse et sa voix se cassait parfois, oscillant entre le timbre grave <strong>de</strong><br />

son père et une petite voix aiguë qui l'embarrassait terriblement.<br />

Le Général, qui était affable mais très occupé, finit par remarquer les changements survenus chez le chien<br />

et le garçon et donna à <strong>Maximus</strong> la responsabilité supplémentaire <strong>de</strong> s'occuper <strong>de</strong> son magnifique cheval<br />

gris, Sparta.<br />

En travaillant si près du Général, <strong>Maximus</strong> voyait le constant va-et-vient <strong>de</strong>s officiers quand ils se<br />

réunissaient avec leur chef et il apprit rapi<strong>de</strong>ment leurs noms et leurs gra<strong>de</strong>s.<br />

Souvent, <strong>de</strong>s messagers arrivaient avec <strong>de</strong>s missives d'autres chefs <strong>de</strong> toutes les parties <strong>de</strong> l'Empire.<br />

Par une chau<strong>de</strong> journée d'automne, un messager arriva au grand galop, son cheval épuisé couvert<br />

d'écume. Il fut introduit précipitamment dans la tente du Général et on envoya <strong>Maximus</strong> s'occuper <strong>de</strong><br />

l'animal exténué.<br />

Le matin suivant, on ordonna à <strong>Maximus</strong> d'amener le cheval reposé et il tint l'animal pour que le messager<br />

monte en selle pendant que le Général <strong>de</strong>mandait à celui-ci <strong>de</strong> se hâter <strong>de</strong> porter son courrier aux<br />

Empereurs pour éviter qu'ils n'arrivent avant que le message ne leur parvienne.<br />

Arrivent ? Les Empereurs allaient venir ici ?<br />

Ce soir-là, <strong>Maximus</strong> chercha Lucius et Quintus pour leur annoncer la nouvelle.<br />

- Lucius Verus va venir ? On m'a donné son nom, vous savez, dit fièrement Lucius. Il a été nommé<br />

Empereur il n'y a pas longtemps et on m'a donné son nom.<br />

- Je ne comprends pas pourquoi il y a <strong>de</strong>ux Empereurs, reconnut Quintus.<br />

- Lucius Verus et Marc-Aurèle sont frères, je pense. Les fils adoptifs d'Antonin Le Pieux qui est mort il y a<br />

quelques mois. Peut être qu'il n'a pas pu déci<strong>de</strong>r lequel <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux allait gouverner après lui et qu'alors, il les<br />

a désigné tous les <strong>de</strong>ux, dit <strong>Maximus</strong>.<br />

- Ca a l'air vraiment idiot. Qu'est-ce qui se passera s'ils ne sont pas d'accord ?, se <strong>de</strong>manda Quintus. Qui<br />

aura le <strong>de</strong>rnier mot ?<br />

<strong>Maximus</strong> haussa les épaules.<br />

- Peut-être le plus âgé.<br />

- Qui est le plus âgé ?, s'enquit Quintus.<br />

<strong>Maximus</strong> fit un geste d'ignorance mais Lucius intervint.<br />

- Probablement Lucius Verus parce qu'il a été nommé Empereur avant. On m'a donné son nom, vous<br />

savez.<br />

- On sait !, dirent <strong>Maximus</strong> et Quintus <strong>de</strong> concert.<br />

- Je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> quand ils vont venir, dit ce <strong>de</strong>rnier.<br />

- Bientôt, je pense. Les hommes font <strong>de</strong>s heures supplémentaires au praetorium pour monter <strong>de</strong>s tentes et<br />

rendre l'endroit plus joli - <strong>de</strong> nouvelles tentures, <strong>de</strong>s lampes et <strong>de</strong>s lits neufs. Tout est astiqué et nettoyé.<br />

- Tu vas les voir, dit Quintus avec une pointe <strong>de</strong> jalousie.<br />

- Nous allons tous les voir.<br />

- Pas d'aussi près que toi.<br />

- Je veux voir Lucius Verus <strong>de</strong> près, objecta Lucius. On m'a donné son...<br />

Un regard acéré <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> l'arrêta net.<br />

Lucius se tût pendant un moment avant <strong>de</strong> dire très pru<strong>de</strong>mment :<br />

- Je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> quoi a l'air son cheval. Je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>...<br />

Cette fois, il fut interrompu par la sonnerie d'un cor. C'était le signal pour tous les hommes <strong>de</strong> retourner<br />

dans leurs tentes et <strong>de</strong> se préparer à aller se coucher.<br />

Les garçons se dirent un rapi<strong>de</strong> au-revoir et filèrent dans la pénombre dans trois directions différentes.<br />

Quatre jours plus tard, un autre cor avertit la légion fin prête <strong>de</strong> l'approche <strong>de</strong>s Empereurs.<br />

L'infanterie et la cavalerie se ruèrent à leurs places <strong>de</strong> chaque côté <strong>de</strong> la chaussée et <strong>Maximus</strong> vint se<br />

placer à côté du Général, légèrement en retrait, près à recevoir les rênes <strong>de</strong>s chevaux impériaux. Derrière<br />

lui, il y avait Lucius qui était là à sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> spéciale.<br />

Le Général était splendi<strong>de</strong>, vêtu <strong>de</strong> ses plus belles armure et fourrures et <strong>Maximus</strong> rayonnait <strong>de</strong> fierté à<br />

ses côtés.<br />

4


Puis, par-<strong>de</strong>ssus les têtes casquées <strong>de</strong>s hommes bordant la voie, <strong>Maximus</strong> aperçut les drapeaux et les<br />

étendards flotter au vent et s'étrangla quand il vit l'aigle doré avec ses ailes déployées comme s'il planait<br />

au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s hommes. Le soleil faisait miroiter ses plumes sculptées et <strong>Maximus</strong> leva le bras pour se<br />

protéger les yeux.<br />

Il sursauta quand les cors sonnèrent près <strong>de</strong> ses oreilles, annonçant l'arrivée <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux hommes les plus<br />

puissants <strong>de</strong> l'Empire.<br />

Les soldats inclinèrent leurs têtes à l'approche du groupe et le mot 'Altesse' sortit solennellement <strong>de</strong><br />

milliers <strong>de</strong> bouches.<br />

Il lui était impossible d'absorber tous les détails <strong>de</strong>s images qui dansaient <strong>de</strong>vant ses yeux : <strong>de</strong> fringants<br />

chevaux blancs avec <strong>de</strong>s harnais pourpres, <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s Prétoriens lour<strong>de</strong>ment armés, vêtus <strong>de</strong> longues<br />

capes noires, <strong>de</strong>s porteurs d'étendards, <strong>de</strong>s sonneurs <strong>de</strong> cors, tous tourbillonnaient <strong>de</strong>vant ses yeux.<br />

<strong>Maximus</strong> fixa à nouveau le magnifique aigle au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa tête et fut momentanément désorienté quand<br />

l'aigle fut remplacé par la tête d'un cheval blanc s'ébrouant, puis par le visage d'un homme.<br />

Il portait une couronne <strong>de</strong> lauriers d'or autour <strong>de</strong> la tête. Un signe <strong>de</strong> son pouvoir.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda avec crainte et respect l'homme qui se tenait droit, vêtu <strong>de</strong> pourpre et d'une armure<br />

incrustée d'or et somptueusement décorée <strong>de</strong> symboles <strong>de</strong> puissance.<br />

L'empereur Marc-Aurèle tira sur ses rênes arrivé <strong>de</strong>vant le Général puis jeta un regard sur <strong>Maximus</strong> et<br />

sourit vers les grands yeux bleus du garçon.<br />

<strong>Maximus</strong> frémit soudainement et baissa son menton vers sa poitrine alors que le soldat <strong>de</strong>rrière lui le<br />

frappait brutalement entre les omoplates. Il rougit violemment, réalisant qu'il avait osé accueillir l'Empereur<br />

comme si ils avaient été <strong>de</strong>s égaux.<br />

Un petit rire d'allégresse se fit entendre au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa tête et <strong>Maximus</strong> commença à frissonner<br />

d'appréhension.<br />

Marc-Aurèle <strong>de</strong>scendit <strong>de</strong> sa monture avec élégance et s'avança jusqu'à ce que le bout <strong>de</strong> ses bottes<br />

masque le sol <strong>sous</strong> les yeux du jeune soldat.<br />

Derrière l'Empereur, un homme vêtu <strong>de</strong> façon similaire <strong>de</strong>scendit <strong>de</strong> cheval et salua le Général qui<br />

s'inclina <strong>de</strong>vant lui.<br />

- Quel est ton nom, mon garçon ?<br />

L'Empereur s'adressait à lui ?<br />

<strong>Maximus</strong> prit une profon<strong>de</strong> inspiration en priant pour que sa voix reste ferme mais sa réponse sortit dans<br />

un glapissement.<br />

- <strong>Maximus</strong>, Votre Altesse.<br />

- <strong>Maximus</strong> ! Quel nom imposant pour quelqu'un d'aussi jeune. Regar<strong>de</strong>-moi, jeune homme.<br />

Il leva lentement les yeux, sa tête toujours inclinée jusqu'à ce qu'il se ren<strong>de</strong> compte à quel point il <strong>de</strong>vait<br />

avoir l'air peureux, alors il leva le menton jusqu'à croiser à nouveau le regard pétillant <strong>de</strong> l'Empereur.<br />

Marc-Aurèle caressa sa barbe brune et grise en étudiant le visage juvénile au regard direct.<br />

Son ton <strong>de</strong>vint sérieux :<br />

- Et as-tu l'intention <strong>de</strong> vivre selon la gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> ton nom, fils ?<br />

<strong>Maximus</strong> acquiesça avec autant <strong>de</strong> sérieux et une gran<strong>de</strong> conviction.<br />

- Oui, Altesse. Je le ferai, Sire. Je veux <strong>de</strong>venir un grand soldat.<br />

Une vague <strong>de</strong> rire secoua les hommes <strong>de</strong> l'Empereur et <strong>Maximus</strong> sentit la rougeur lui revenir au visage,<br />

mais ses yeux soutenaient toujours le regard <strong>de</strong> César.<br />

Marc-Aurèle tendit le bras et serra l'épaule du garçon, étonné par la force qu'il percevait chez un être aussi<br />

jeune.<br />

- Je n'en doute pas, mon garçon, je n'en doute pas. J'aurai besoin <strong>de</strong> soldats vigoureux comme toi et je<br />

suis sûr que l'Empire sera protégé entre <strong>de</strong>s mains aussi capables que les tiennes.<br />

<strong>Maximus</strong>, abasourdi, le regardait fixement.<br />

- Maintenant, prends mon cheval, <strong>Maximus</strong>, dit Marc-Aurèle en remettant les rênes au jeune soldat. Je<br />

suis certain qu'il sera en sécurité avec toi.<br />

- Je le protégerai <strong>de</strong> ma vie, Altesse, répondit <strong>Maximus</strong> en inclinant à nouveau la tête.<br />

- Père, et mon cheval ?<br />

La voix douce et féminine parvint aux oreilles <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>rrière l'Empereur.<br />

Marc-Aurèle fit un pas <strong>de</strong> côté pour révéler un autre <strong>de</strong>strier blanc, plus petit que le sien, sur lequel était<br />

juchée la plus belle fille que <strong>Maximus</strong> avait jamais vu.<br />

Il estima qu'elle <strong>de</strong>vait être <strong>de</strong>ux ans plus jeune que lui mais elle montait son cheval comme une vraie<br />

dame. De souples boucles brunes tombaient sur ses épaules, s'échappant <strong>de</strong> la capuche <strong>de</strong> sa cape<br />

bleue garnie <strong>de</strong> fourrure et elle regardait <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong> ses yeux verts interrogatifs. Un sourire détendit<br />

lentement ses traits comme elle l'observait et il maudit la chaleur qui se répandait à nouveau sur son<br />

visage. Il rougissait littéralement d'embarras.<br />

Marc-Aurèle regarda sa fille avec fierté.<br />

- Lucilla, je suis sûr que <strong>Maximus</strong> sera assez occupé avec mon cheval. Un autre soldat peut prendre soin<br />

du tien, dit-il d'un ton taquin.<br />

- Je peux m'occuper <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux, Sire, intervint rapi<strong>de</strong>ment <strong>Maximus</strong>. J'ai l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> manier les chevaux.<br />

Le Général Patroclus étendit sa main ouverte <strong>de</strong>vant <strong>Maximus</strong> pour l'avertir <strong>de</strong> ne pas parler d'avantage.<br />

Marc-Aurèle regarda le garçon puis sa jolie fille, qui n'avait pas quitté <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong>s yeux.<br />

- Bon, alors je pense que...<br />

- Père, qu'est-ce qui prend autant <strong>de</strong> temps ?!, se plaint une voix <strong>de</strong>rrière Lucilla. <strong>Maximus</strong> suivit son<br />

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egard quand elle se tourna pour jeter un oeil à son jeune frère.<br />

Son visage portait une cicatrice disgracieuse et il cravacha haineusement son cheval, le faisant s'ébrouer<br />

et caracoler alors qu'il arrivait à la hauteur <strong>de</strong> sa soeur.<br />

Comme les yeux <strong>de</strong> Lucilla revenaient sur <strong>Maximus</strong>, son frère retourna sa mauvaise humeur contre le<br />

jeune soldat qui le regardait calmement.<br />

<strong>Maximus</strong> avait <strong>de</strong>viné que les <strong>de</strong>ux étaient frère et soeur bien avant que Marc-Aurèle ne s'adresse à son<br />

fils.<br />

- Commo<strong>de</strong>, prévint l'Empereur, ne prend pas ce ton-là, ça n'est pas nécessaire.<br />

- Regar<strong>de</strong>z-le, grogna Commo<strong>de</strong>, il n'incline même pas la tête <strong>de</strong>vant moi !<br />

Réalisant son erreur, <strong>Maximus</strong> baissa les yeux vers le sol.<br />

Il entendit l'Empereur soupirer et sentit à nouveau la main légère serrer son épaule d'un geste rassurant.<br />

- Il est fatigué, fils. C'est un long voyage pour un enfant <strong>de</strong> 7 ans.<br />

L'Empereur leva les bras et saisit Lucilla par la taille avant <strong>de</strong> la déposer doucement sur le sol. Il donna les<br />

rênes <strong>de</strong> son cheval à <strong>Maximus</strong> avec un clin d'oeil. Puis il se tourna vers Commo<strong>de</strong> et le fit <strong>de</strong>scendre <strong>de</strong><br />

cheval mais confia les rênes à un soldat plus âgé.<br />

Avec un enfant accroché à chacune <strong>de</strong> ses mains, le grand homme salua finalement le Général puis s'en<br />

alla rejoindre Lucius Verus qui l'attendait et emmena ses enfants en direction <strong>de</strong>s quartiers <strong>de</strong> Patroclus.<br />

Lucilla jeta un <strong>de</strong>rnier regard en arrière vers <strong>Maximus</strong> avant <strong>de</strong> se retourner et <strong>de</strong> gamba<strong>de</strong>r joyeusement<br />

<strong>de</strong>rrière son père.<br />

Aussitôt, les soldats se moquèrent impitoyablement <strong>de</strong> lui et <strong>de</strong>s mains lui tapèrent dans le dos et <strong>de</strong>s<br />

poings lui soulevèrent le menton.<br />

- Eh, <strong>Maximus</strong>, elle espère peut être aussi que tu vivras selon la gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> ton nom !, s'esclaffa une voix<br />

familière <strong>de</strong>rrière lui.<br />

<strong>Maximus</strong> se retourna pour regar<strong>de</strong>r son ami, la fureur se lisant clairement sur son visage juvénile.<br />

- En arrière, Lucius !, gronda-t-il. C'est une Dame. Ne parle pas d'elle <strong>de</strong> cette façon.<br />

Lucius recula d'un pas. Il ne voyait pas très souvent <strong>Maximus</strong> en colère mais quand il l'était, les jeunes<br />

soldats se retiraient précipitamment. Il y avait quelque chose en <strong>Maximus</strong> qu'ils ne voulaient pas défier.<br />

Comme d'habitu<strong>de</strong>, cependant, l'orage quitta rapi<strong>de</strong>ment son visage, remplacé par une soli<strong>de</strong><br />

détermination.<br />

- J'ai du travail à faire, Lucius, et tu en as aussi.<br />

<strong>Maximus</strong> considéra le splendi<strong>de</strong> étalon bai <strong>de</strong> l'Empereur Lucius Verus, dont les rênes étaient tenues<br />

fermement dans la main <strong>de</strong> Lucius.<br />

- Et tu en as aussi.<br />

Lucius haussa les épaules, heureux <strong>de</strong> ne pas s'être disputé avec son ami. Il ne remportait jamais ce<br />

genre <strong>de</strong> querelles.<br />

- Nous ferions mieux <strong>de</strong> nous y mettre.<br />

- Parfait. Suis-moi.<br />

Il fit tourner les <strong>de</strong>ux chevaux et marcha en direction <strong>de</strong>s écuries, décidé à panser les animaux jusqu'à ce<br />

qu'ils reluisent.<br />

Tout en marchant, il pensait au regard bienveillant qui avait croisé le sien, à la voix taquine et au contact<br />

réconfortant. Cela faisait si longtemps que personne ne l'avait appelé 'fils'.<br />

Chapitre 5 : Lucilla<br />

La famille impériale séjourna au camp pendant trois jours pour se reposer et pour permettre aux<br />

Empereurs <strong>de</strong> s'entretenir avec l'un <strong>de</strong>s généraux les plus admirables <strong>de</strong> l'armée, Patroclus.<br />

Ils ne s'aventuraient pas beaucoup au-<strong>de</strong>là du praetorium qui avait été somptueusement aménagé en<br />

l'honneur <strong>de</strong> leur visite. Même <strong>Maximus</strong> avait <strong>de</strong>s vêtements et <strong>de</strong>s bottes neufs, ce qui tombait bien<br />

puisqu'il était toujours trop grand pour la taille <strong>de</strong> ses vêtements et <strong>de</strong> ses chaussures <strong>de</strong> toute façon.<br />

Comme il travaillait autour <strong>de</strong>s quartiers du Général, il apercevait brièvement <strong>de</strong> temps à autre le grand<br />

Empereur et sa jolie fille.<br />

<strong>Maximus</strong> était fasciné par elle. Il n'avait pas eu <strong>de</strong> soeur et les seules filles <strong>de</strong> son âge avec lesquelles il<br />

s'était jamais lié avaient été ses cousines. Mais elles étaient simples, rien à voir avec cette jeune apparition<br />

vêtue <strong>de</strong> soie et <strong>de</strong> fourrure. Ses cheveux étaient dénoués et ils flottaient comme un nuage autour <strong>de</strong> ses<br />

épaules. Des bracelets et <strong>de</strong>s bagues en or ornaient ses mains. Des pierres précieuses scintillaient à ses<br />

oreilles. Il n'avait jamais imaginé une telle beauté.<br />

Bien qu'elle ne parut pas le remarquer, Lucilla aussi le regardait, l'observant souvent <strong>de</strong>puis la porte du<br />

Général quand le garçon était occupé à quelque corvée. Ce qu'elle voyait l'impressionnait.<br />

<strong>Maximus</strong> était grand et robuste avec <strong>de</strong>s cheveux fins et flous. Et beau. Mais avec <strong>de</strong>s yeux un peu tristes.<br />

Certaines fois, ils avaient l'air bleus et d'autres, ils paraissaient plus verts. Sa voix la ravissait quand il<br />

parlait au chien ou qu'il fredonnait et sifflait <strong>de</strong>s airs en travaillant et qu'il se déplaçait avec la force, la<br />

grâce et l'agilité d'un jeune étalon.<br />

Si il regardait <strong>de</strong> son côté, elle rentrait précipitamment à l'intérieur <strong>de</strong> la tente, au grand amusement <strong>de</strong> ses<br />

gardiens omniprésents.<br />

Lucilla s'ennuyait. Elle était lasse d'écouter son père et Lucius Verus parler affaires avec le Général -<br />

affaires qu'elle ne pouvait pas comprendre - et était fatiguée <strong>de</strong>s jeux et <strong>de</strong>s histoires proposés par ses<br />

servantes. Elle voulait découvrir ce qu'il y avait au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la tente. Et parler au garçon avec le chien.<br />

6


Elle en eut l'occasion le <strong>de</strong>rnier soir <strong>de</strong> son séjour alors qu'elle espionnait <strong>Maximus</strong> assit <strong>de</strong>vant sa tente,<br />

en train d'ôter délicatement <strong>de</strong>s teignes <strong>de</strong> la fourrure <strong>de</strong>nse du chien.<br />

Lucilla se mût rapi<strong>de</strong>ment, laissant ses gardiens alarmés <strong>de</strong>rrière elle alors qu'elle courait dans la direction<br />

du garçon.<br />

<strong>Maximus</strong> fut averti <strong>de</strong> l'évènement quand Hercule émit un grognement sourd et que les poils <strong>de</strong> son cou se<br />

hérissèrent. Il n'eut pas le temps <strong>de</strong> voir la jeune fille en soie virevoltante avant <strong>de</strong> saisir le cou du chien<br />

avec un ordre sec lui disant <strong>de</strong> se taire. Mais Hercule ne l'écouta pas. Le chien était vraiment déterminé à<br />

protéger son jeune ami <strong>de</strong> cette étrangère aux habits bizarres. L'animal se leva, puis se tapit, montrant les<br />

crocs.<br />

Lucilla s'arrêta brusquement, <strong>de</strong>venant pâle, la main sur sa bouche ouverte comme pour étouffer un cri.<br />

<strong>Maximus</strong> se jeta <strong>de</strong> tout son poids sur le chien et bloqua sa mâchoire avec ses mains. En même temps, il<br />

cria un ordre <strong>de</strong> silence puis il passa une jambe par-<strong>de</strong>ssus l'animal pour le coincer entre ses jambes<br />

musclées.<br />

Il leva les yeux sur la jeune fille seulement quand il eut Hercule <strong>sous</strong> son contrôle, s'attendant à voir <strong>de</strong>s<br />

larmes <strong>de</strong> frayeur. Mais elle riait ! Elle riait ! Ne savait-elle pas que ce chien pouvait la mettre en<br />

pièces ? <strong>Maximus</strong> était furieux.<br />

Quand un <strong>de</strong>s gardiens <strong>de</strong> Lucilla la saisit par-<strong>de</strong>rrière, il grogna :<br />

- Êtes-vous folle ? Ce chien aurait pu vous tuer. Il est dressé pour le combat et il n'aime pas les gens,<br />

spécialement les filles.<br />

- Vraiment ?<br />

Lucilla se délivra <strong>de</strong>s mains <strong>de</strong> ses servantes qui essayaient désespérément <strong>de</strong> la faire revenir en arrière.<br />

- Alors pourquoi ne vous tue-t-il pas ?<br />

- Parce qu'il me connaît, je travaille avec lui tous les jours.<br />

- Est-ce votre chien ?<br />

Lucilla se rapprocha en dépit <strong>de</strong>s protestations <strong>de</strong>s femmes.<br />

- Non, il appartient au Général.<br />

Elle tendit lentement la main vers Hercule et <strong>Maximus</strong> sentit à nouveau le grognement résonner dans son<br />

poitrail. Il resserra encore plus les genoux.<br />

- Ma Dame, ne faites pas cela, s'il vous plaît. Je ne sais pas combien <strong>de</strong> temps encore je vais pouvoir le<br />

maîtriser, implora-t-il.<br />

- Pourquoi, n'êtes-vous pas assez fort pour le contrôler ?<br />

<strong>Maximus</strong> était agacé.<br />

- Non. Oui ! Oui, je le suis, mais...<br />

- Alors, laissez-moi le caresser.<br />

- Non, pas un instant. Eloignez votre main ou il va l'arracher.<br />

Lucilla lui jeta un regard espiègle.<br />

- Je parie qu'il me laissera...<br />

- Lucilla !<br />

La jeune fille retira sa main en entendant la voix <strong>de</strong> son père mais elle garda les yeux sur <strong>Maximus</strong> et ses<br />

lèvres se retroussèrent en un sourire conspirateur.<br />

- Père, <strong>Maximus</strong> me montrait juste le chien du Général.<br />

Patroclus s'adressa directement à <strong>Maximus</strong>.<br />

- Eh bien, <strong>Maximus</strong> a commis une erreur <strong>de</strong> jugement, Sire. Je ferai en sorte qu'il soit sévèrement puni.<br />

Les yeux <strong>de</strong> Lucilla s'agrandirent <strong>sous</strong> le choc, une émotion qui se reflétait sur le visage <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

Il avait seulement été réprimandé <strong>de</strong>puis qu'il était au camp, pas plus, et maintenant il allait être<br />

'sévèrement puni' ? Des paroles <strong>de</strong> protestation commencèrent à se former dans sa gorge mais il les<br />

réprima. Ses yeux allèrent <strong>de</strong> Patroclus à Lucilla puis il reporta son attention sur le chien du Général qui<br />

geignait entre ses genoux.<br />

Lucilla se retourna pour faire face au Général Patroclus, le visage blafard. Elle n'avait pas idée <strong>de</strong> la<br />

punition qui serait appliquée mais elle savait qu'elle ne voulait pas être responsable <strong>de</strong> la souffrance <strong>de</strong> ce<br />

garçon.<br />

- Non, ne le faites pas, ça n'était pas sa faute, Monsieur. Je me suis approchée du chien et <strong>Maximus</strong> m'a<br />

<strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> m'éloigner. Il est vraiment très courageux, Monsieur, et a empêché le chien <strong>de</strong> me mordre.<br />

Marc-Aurèle regarda sa fille avec une affectueuse exaspération.<br />

- Je sais que tu t'ennuies, ma chérie, mais nous partons <strong>de</strong>main matin. Crois-tu que tu pourras éviter les<br />

problèmes d'ici là ?<br />

Lucilla regarda son père, se mordit la lèvre d'une façon espiègle qui coupa le souffle <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et<br />

répondit :<br />

- J'essaierais, papa.<br />

L'Empereur sourit au garçon, toujours à califourchon sur le chien, en prenant la main <strong>de</strong> sa fille.<br />

- Merci, fils. Ma fille est un peu impulsive, j'en ai peur, mais tu as l'air d'avoir la situation bien en main.<br />

- Altesse, murmura <strong>Maximus</strong>, la gorge serrée d'être appelé 'fils' une fois encore ne lui permettant pas d'en<br />

dire d'avantage.<br />

Il resta là avec le chien entre ses genoux bien après que les altesses eurent disparu à l'intérieur <strong>de</strong> la<br />

tente.<br />

Le tortillement du canidé le ramena à la réalité et il s'assit à côté <strong>de</strong> l'animal. Il regarda dans ses yeux<br />

7


uns, le prit par le cou et dit :<br />

- Merci, Hercule.<br />

Le matin suivant, <strong>Maximus</strong> se leva plus tôt, s'occupa <strong>de</strong>s chevaux comme d'habitu<strong>de</strong> et emmena Hercule<br />

pour leur promena<strong>de</strong> rituelle. Mais quand il revint, l'Empereur et sa famille étaient partis.<br />

Le jeune soldat resta à contempler la route déserte en se <strong>de</strong>mandant s'il reverrait jamais l'affable<br />

Empereur et son espiègle fille.<br />

Chapitre 6 : La Marche<br />

Le camp <strong>de</strong>vint une véritable fourmilière puisque la légion VII Gemina Felix, la seule basée en Espagne,<br />

se préparait à marcher vers le Nord pour servir <strong>de</strong> renfort aux 15 légions déjà stationnées là-bas - 11 le<br />

long du Danube et 4 le long du Rhin.<br />

L'armée romaine fonctionnait comme une machine bien huilée et la légion Felix ne faisait pas exception.<br />

Elle était constituée <strong>de</strong> 5 000 hommes bien armés répartis en 10 cohortes dont chacune comprenait au<br />

moins 480 membres, divisés en 6 centuries <strong>de</strong> 80 à 100 hommes.<br />

La première cohorte <strong>de</strong> la légion, qui contenait les meilleurs soldats, avait 5 doubles centuries <strong>de</strong> 160<br />

hommes.<br />

Chaque centurie était commandée par un centurion, l'officier le moins gradé, qui était un homme promu<br />

dans les rangs <strong>de</strong> sa légion sur les mérites <strong>de</strong> son service et ses qualités <strong>de</strong> chef. Les centurions<br />

travaillaient dur pour s'élever à un échelon supérieur, car chaque légion proposait divers gra<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />

centurions.<br />

Les officiers <strong>de</strong>s rangs supérieurs à celui <strong>de</strong> centurion venaient <strong>de</strong> l'extérieur <strong>de</strong> la légion et étaient choisis<br />

exclusivement dans les <strong>de</strong>ux classes les plus élevées <strong>de</strong> la société romaine. Le général commandant une<br />

légion <strong>de</strong>vait provenir <strong>de</strong> la classe sénatoriale supérieure et son second, le légat, <strong>de</strong> l'inférieure. Les autres<br />

officiers, les six tribuns, venaient <strong>de</strong> la petite noblesse, juste en <strong>de</strong>s<strong>sous</strong> <strong>de</strong> la classe sénatoriale.<br />

<strong>Maximus</strong> se considérait déjà comme très chanceux <strong>de</strong> faire partie <strong>de</strong> cette légion, puisque les légionnaires<br />

se composaient d'hommes recrutés uniquement parmi les citoyens romains et que les provinciaux comme<br />

lui étaient seulement autorisés à faire partie <strong>de</strong>s unités auxiliaires qui avaient un statut bien en-<strong>de</strong>çà <strong>de</strong><br />

celui <strong>de</strong>s légions. Les auxiliaires étaient souvent utilisés pour gar<strong>de</strong>r les frontières.<br />

<strong>Maximus</strong> savait aussi cela : même si il était autorisé à rester avec la légion, son ambition ne pourrait le<br />

mener plus loin que le gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> centurion à cause <strong>de</strong> son statut social - ou plutôt <strong>de</strong> son manque <strong>de</strong> statut.<br />

Quintus avait <strong>de</strong> la chance. Il était déjà citoyen romain et avait un net avantage sur <strong>Maximus</strong> et Lucius qui<br />

ne le <strong>de</strong>viendraient pas avant leur démobilisation, après avoir été soldats pendant 25 longues années. A<br />

14 ans, 25 années était simplement trop long à envisager.<br />

<strong>Maximus</strong> était enthousiasmé à la perspective <strong>de</strong> quitter l'Espagne pour la première fois <strong>de</strong> sa vie. Il mourait<br />

d'envie <strong>de</strong> voir le mon<strong>de</strong> qui l'entourait et espérait peut être visiter Rome un jour. Mais il allait se diriger<br />

dans la direction opposée pour s'enfoncer dans les contrées sauvages <strong>de</strong>s provinces du Nord où les tribus<br />

Germaniques menaçaient <strong>de</strong> franchir le Danube et d'envahir le territoire romain.<br />

Les troupes étaient impatientes <strong>de</strong> faire enfin mouvement à nouveau et le camp fut levé en très peu <strong>de</strong><br />

temps. Chaque homme avait une tâche à accomplir et chacun le fit <strong>de</strong> manière experte.<br />

Les adieux aux êtres chers, y compris les enfants et les concubines, furent brefs et, au milieu <strong>de</strong> la<br />

matinée, la légion était sur la route vers le Nord, une route qui avait été construite par <strong>de</strong>s légionnaires tout<br />

comme eux bien <strong>de</strong>s années auparavant.<br />

Le cortège <strong>de</strong>rrière l'étendard à l'aigle doré s'étendait sur <strong>de</strong>s kilomètres. Des milliers d'hommes et<br />

d'enfants en marche, <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> cavaliers et d'officiers, <strong>de</strong>s douzaines <strong>de</strong> charrettes contenant <strong>de</strong>s<br />

provisions tirées par <strong>de</strong>s boeufs , <strong>de</strong>s mules croulant <strong>sous</strong> les sacs lourds <strong>de</strong> fournitures, <strong>de</strong>s troupeaux <strong>de</strong><br />

moutons et <strong>de</strong> chèvres, <strong>de</strong>s poules caquetant dans <strong>de</strong>s cages et <strong>de</strong> magnifiques et terribles armes <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>struction comme d'énormes arbalètes, <strong>de</strong>s onagres(1) et <strong>de</strong>s catapultes.<br />

Le cortège incluait aussi tout le personnel permettant à une armée telle que celle-ci <strong>de</strong> fonctionner : du<br />

personnel clérical et juridique, <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins et <strong>de</strong>s vétérinaires, <strong>de</strong>s forgerons, <strong>de</strong>s charpentiers, <strong>de</strong>s<br />

maçons et beaucoup d'autres artisans.<br />

<strong>Maximus</strong> portait ses biens et sa nourriture sur son épaule droite comme les autres soldats, qui portaient<br />

aussi leurs rations, leurs pesantes armures, <strong>de</strong>s armes dont une dague, un javelot et un glaive à lame<br />

courte, un bouclier ovale fait <strong>de</strong> bois, <strong>de</strong> lin et <strong>de</strong> cuir <strong>de</strong> veau, mais aussi <strong>de</strong>s outils - un chargement<br />

éreintant <strong>de</strong> 27 kilos.<br />

Il marchait côte à côte avec les garçons qui étaient encore trop jeunes pour être <strong>de</strong>s soldats mais qui<br />

gardaient la tête aussi droite que chaque légionnaire.<br />

Il y avait peu <strong>de</strong> conversations entre les soldats car ils se concentraient sur leurs pas sur la route <strong>de</strong> pierre<br />

défoncée et cahoteuse et essayaient d'économiser leur souffle pour les ascensions difficiles.<br />

Ils marchaient en ordre autant que possible, attentifs au moindre signe <strong>de</strong> danger, prêts à s'armer et à se<br />

défendre si nécessaire. Mais <strong>Maximus</strong> trouvait ridicule l'idée qu'une quelconque ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> marau<strong>de</strong>urs<br />

puisse tenter d'attaquer une légion aussi nombreuse, bien armée et entraînée.<br />

Le voyage vers le Nord <strong>de</strong>vint difficile quand le terrain <strong>de</strong>vint montagneux et que l'air se raréfia et se<br />

rafraîchit considérablement. Cela dérangea moins <strong>Maximus</strong> que les autres puisqu'il avait grandi dans un<br />

endroit similaire.<br />

Certains passages étaient très étroits et <strong>de</strong> nombreuses pentes étaient vraiment escarpées, faisant<br />

considérablement ralentir les charrettes surchargées. Quand l'une d'entre elles commençait à reculer en<br />

8


entraînant les animaux terrifiés qui y étaient attelés, <strong>Maximus</strong> se joignait aux hommes qui sautaient<br />

<strong>de</strong>rrière la charrette pour la pousser sur la pente abrupte.<br />

Tous les jours, juste avant le crépuscule, après environ 25 kilomètres <strong>de</strong> marche, le campement était<br />

établi. Les garçons aidaient les hommes à creuser un profond fossé autour du camp et à élever un remblai<br />

<strong>de</strong>rrière le fossé, surmonté d'une palissa<strong>de</strong> <strong>de</strong> pieux acérés.<br />

A l'intérieur <strong>de</strong>s quartiers ainsi protégés, on préparait les repas, puis il y avait un peu <strong>de</strong> temps pour se<br />

relaxer avant un sommeil bien mérité. Pendant ces instants, <strong>Maximus</strong> cherchait ses amis, spécialement<br />

Lucius, le garçon pot-<strong>de</strong>-colle qu'il avait fini par beaucoup aimer.<br />

<strong>Maximus</strong> et Quintus étaient déjà grands et forts avec <strong>de</strong>s voix <strong>de</strong>venant plus graves, mais Lucius<br />

ressemblait encore à un garçon comparé à eux. Il se lamentait toujours <strong>de</strong> sa petite taille et <strong>de</strong> sa moindre<br />

force, craignant <strong>de</strong> ne jamais atteindre la taille minimum requise pour un soldat - 1,72 m, taille que Quintus<br />

et <strong>Maximus</strong> avaient déjà dépassé.<br />

Il n'était pas très costaud non plus et <strong>Maximus</strong> surveillait avec attention le moindre signe <strong>de</strong> fatigue,<br />

prenant son paquetage et le hissant sur son épaule libre quand Lucius semblait vaciller.<br />

Pendant 60 jours, la légion avança péniblement vers le Nord, traversant <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s rivières et <strong>de</strong> hautes<br />

montagnes, passant à travers les forêts et les marais, jusqu'à ce qu'ils atteignent les forêts sombres et<br />

verdoyantes <strong>de</strong>s provinces du Nord.<br />

Enfin, non loin du large Danube, la légion Félix installa un campement permanent et se reposa pendant<br />

quelques jours avant <strong>de</strong> se préparer à l'éventualité d'une guerre.<br />

(1) Sorte <strong>de</strong> petite catapulte servant à envoyer <strong>de</strong>s pierres sur l'adversaire<br />

Chapitre 7 : Darius<br />

La vie militaire pouvait être monotone, mais pas quand la menace d'une guerre était si proche.<br />

Tous les jours, durant <strong>de</strong>s heures, les centurions mettaient leurs troupes à l'épreuve, les préparant<br />

physiquement et mentalement pour la bataille.<br />

L'obéissance absolue aux officiers était impérative et la discipline était stricte. Au combat, la légion <strong>de</strong>vait<br />

se mouvoir comme un seul homme, les rangs en parfaite cohésion, les mouvements <strong>de</strong> pivot corrects et<br />

rapi<strong>de</strong>s, les yeux et les oreilles <strong>de</strong>s soldats attentifs aux ordres et leurs mains prêtes à l'action.<br />

Ils s'entraînaient à former sur comman<strong>de</strong> une seule rangée, <strong>de</strong>ux rangées, une tenaille, un cercle, un carré<br />

et la 'tortue', qui était une <strong>format</strong>ion en carré spéciale pour prendre d'assaut les murs <strong>de</strong>s cités, au cours<br />

<strong>de</strong> laquelle les hommes se recouvraient d'une carapace <strong>de</strong> boucliers.<br />

Ils faisaient <strong>de</strong>s combats simulés qui étaient presque aussi féroces que les vrais et où <strong>de</strong>s soldats étaient<br />

parfois blessés si ils ne faisaient pas attention.<br />

<strong>Maximus</strong> et ses amis regardaient les exercices pendant <strong>de</strong>s heures, ses compagnons se divertissant <strong>de</strong> la<br />

violence. Mais <strong>Maximus</strong> prêtait attention aux combinaisons stratégiques, écoutait les ordres et observait<br />

l'autorité <strong>de</strong>s centurions.<br />

Un soir, il trouva le courage d'approcher un centurion nommé Darius qu'il admirait particulièrement.<br />

Cet homme était capable d'obtenir le meilleur <strong>de</strong> ses troupes sans menace <strong>de</strong> punition, et il était aussi sale<br />

et fatigué que ses hommes, prenant souvent <strong>de</strong>s armes pour montrer un mouvement ou <strong>de</strong>scendant dans<br />

la boue pour établir une stratégie. Et il connaissait chaque homme <strong>de</strong> sa centurie par son nom.<br />

Darius était assis <strong>de</strong>vant sa tente ce soir-là, nettoyant précautionneusement ses armes. Son visage était<br />

assez effrayant, parcouru <strong>de</strong> cicatrices livi<strong>de</strong>s, mais cela n'intimida pas <strong>Maximus</strong>.<br />

- Monsieur ?<br />

Darius leva les yeux et sourit.<br />

- <strong>Maximus</strong>.<br />

<strong>Maximus</strong> fut légèrement déconcerté.<br />

- Comment connaissez-vous mon nom, Monsieur ?<br />

- Oh, je me fais un <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r un oeil sur les soldats potentiels. J'aime ce que je perçois chez toi.<br />

- Merci, Monsieur. Je vous admire beaucoup aussi.<br />

Darius rit <strong>de</strong>vant la franchise du garçon.<br />

- Que puis-je faire pour toi, <strong>Maximus</strong> ?<br />

- Je veux être formé pour être un soldat, Monsieur. Je sens que je suis prêt.<br />

Darius le considéra, notant ses bras et ses épaules robustes.<br />

- Quel âge as-tu ?<br />

- Presque 15 ans, Monsieur.<br />

- Presque ?<br />

- Dans quelques semaines, je pense.<br />

- Mmm. Bon, tu es encore très jeune mais tu as l'air d'être en pleine forme. Je vais te dire : si tu peux me<br />

prouver que tu es prêt, je serais vraiment ravi <strong>de</strong> travailler avec toi.<br />

- Comment puis-je vous le prouver ?<br />

- J'imaginerai pour toi une série <strong>de</strong> tests à effectuer pour déterminer si tu es prêt.<br />

<strong>Maximus</strong> était enthousiasmé.<br />

- Merci, Monsieur.<br />

Il commença à partir, craignant d'offenser le centurion en monopolisant son temps.<br />

- <strong>Maximus</strong>, assieds-toi là.<br />

Darius désignait un siège près <strong>de</strong> lui.<br />

- Tu peux m'ai<strong>de</strong>r à nettoyer mes armes.<br />

9


<strong>Maximus</strong> s'installa sur le petit tabouret en bois et prit la lour<strong>de</strong> armure qu'il lui tendit.<br />

- Dis-moi, <strong>Maximus</strong>, pourquoi m'as-tu choisi pour être ton tuteur ? Il y a beaucoup d'hommes plus âgés qui<br />

pourraient t'ai<strong>de</strong>r.<br />

- J'aime votre style, Monsieur. J'aime la façon dont vous parlez à vos hommes et travaillez à leurs côtés.<br />

Je peux vous dire qu'ils vous admirent. Ils se battent pour vous parce qu'ils vous admirent, pas parce que<br />

vous les avez menacé comme certains autres le font. Ceux-là ne semblent pas avoir envie <strong>de</strong> salir leurs<br />

vêtements dans la boue.<br />

Darius fixa le garçon avec étonnement. Il n'était pas un jeune ordinaire excité par la perspective <strong>de</strong><br />

répandre le sang <strong>de</strong> l'ennemi. Il se tût et laissa <strong>Maximus</strong> poursuivre.<br />

- Et les <strong>format</strong>ions que vous développez, les stratégies... Je pense qu'elles sont vraiment remarquables.<br />

Ce garçon observait les manoeuvres ?<br />

- Eh bien, merci, <strong>Maximus</strong>.<br />

Ils restèrent silencieux un moment, chacun absorbé par ses pensées. Puis Darius <strong>de</strong>manda :<br />

- D'où es-tu, mon garçon ?<br />

- D'Espagne, Monsieur. Des montagnes. Je suis né là-bas dans une ferme.<br />

- Comment as-tu fini par faire partie <strong>de</strong> la légion Félix ?<br />

Une ombre passa sur le visage du garçon.<br />

- Ma famille a été tuée dans un incendie, Monsieur. J'ai été épargné. Je ne sais pas pourquoi...<br />

- Parfois, nous survivons pour une raison, <strong>Maximus</strong>. Les Dieux ont <strong>de</strong>s projets pour nous.<br />

Darius resta pensif pendant un instant puis ajouta :<br />

- Je suis désolé, je t'ai interrompu. Continue.<br />

- On m'a envoyé vivre avec mes grands oncle et tante, mais je n'avais pas ma place là-bas. Un jour, quand<br />

j'ai vu cette légion campée près <strong>de</strong> la mer, je l'ai simplement rejointe. Je savais que c'était ce que je<br />

voulais faire.<br />

Darius posa son glaive étincelant à côté <strong>de</strong> lui et se tourna pour faire face au jeune homme à ses côtés.<br />

Il dit sérieusement :<br />

- Tu réalises, <strong>Maximus</strong>, que tu ne <strong>de</strong>vrais vraiment pas être ici. Tu n'es pas un citoyen <strong>de</strong> Rome. Ta vraie<br />

place est dans l'auxiliaire.<br />

Darius sourit gentiment en voyant le garçon pâlir visiblement <strong>sous</strong> son bronzage.<br />

- Il y a peut être quelque chose qui peut être fait à ce propos. Pourquoi n'apprends-tu pas simplement à<br />

<strong>de</strong>venir le meilleur soldat que tu puisses être en me laissant m'occuper du reste.<br />

- Merci, Monsieur, soupira <strong>Maximus</strong>, bouleversé à l'idée d'avoir à quitter cette légion.<br />

- Maintenant, dépêche-toi <strong>de</strong> partir et dors bien. Tu vas avoir besoin d'être en forme pour les tests. Nous<br />

commencerons dans <strong>de</strong>ux jours. Viens me voir après l'exercice vendredi.<br />

- Oui, Monsieur. Et merci.<br />

Darius se contenta <strong>de</strong> hocher la tête, congédiant le garçon en tournant le dos.<br />

Il commença à jouer avec le rabat <strong>de</strong> la tente, mais le jeune homme était encore dans ses pensées. Darius<br />

n'avait vraiment jamais connu quelqu'un comme lui.<br />

Chapitre 8 : Le Test<br />

Darius venait à peine <strong>de</strong> s'asseoir après l'entraînement le vendredi soir quand <strong>Maximus</strong> vint le rejoindre. Il<br />

n'avait pas oublié le garçon mais avait espéré quelques instants <strong>de</strong> repos. Il sourit cependant en se<br />

mettant à nouveau <strong>de</strong>bout, attrapa une couverture <strong>de</strong> laine et fit signe au garçon <strong>de</strong> le suivre.<br />

Il emmena <strong>Maximus</strong> à l'extérieur du campement, au bord du large et sombre Danube.<br />

- Sais-tu nager ?<br />

- Oui Monsieur !<br />

- Dans ce cas, nage jusqu'à la moitié <strong>de</strong>puis la berge et reviens.<br />

<strong>Maximus</strong> fixa la rive lointaine et tenta <strong>de</strong> jauger où se trouvait la moitié.<br />

- Contente-toi <strong>de</strong> nager, dit Darius. Je te dirai quand tu <strong>de</strong>vras faire <strong>de</strong>mi-tour. Trouve le rythme qui te<br />

convient. L'idée est <strong>de</strong> le faire, pas <strong>de</strong> le faire rapi<strong>de</strong>ment.<br />

<strong>Maximus</strong> s'assit et commença à essayer d'enlever ses bottes.<br />

- Gar<strong>de</strong>-les. Tu n'enlèves pas tes bottes pendant une bataille.<br />

Le garçon acquiesça et s'enfonça dans l'eau jusqu'aux genoux, frissonnant alors que la froi<strong>de</strong>ur répandait<br />

la chair <strong>de</strong> poule sur chaque centimètre <strong>de</strong> sa peau. Puis il brisa la surface <strong>de</strong> l'eau en plongeant et<br />

remonta avec ses bras fendant l'eau et ses jambes poussant très fort.<br />

- Ralentis !<br />

Le comman<strong>de</strong>ment venait <strong>de</strong> la berge et <strong>Maximus</strong> établit un rythme régulier et soutenu. Il gardait la tête<br />

dans l'eau, sauf pour respirer brièvement et vérifier où il en était. Darius ne fut bientôt plus qu'un point<br />

dans le lointain.<br />

Il n'était pas encore trop fatigué mais il se refroidissait et l'eau autour <strong>de</strong> lui était aussi noire que du<br />

goudron.<br />

L'appréhension grandissait chez Darius car il <strong>de</strong>venait <strong>de</strong> plus en plus difficile <strong>de</strong> voir <strong>Maximus</strong> dans la<br />

lumière décroissante. Il pouvait cependant l'entendre et ses mouvements semblaient toujours forts et<br />

réguliers. Darius maudit sa stupidité pour avoir fait accomplir quelque chose d'aussi dangereux au garçon<br />

si tard dans la soirée.<br />

Il faisait <strong>de</strong> plus en plus froid et <strong>de</strong> plus en plus noir et le centurion décida <strong>de</strong> rappeler <strong>Maximus</strong> en dépit du<br />

fait qu'il n'avait pas réellement atteint la moitié du fleuve. Il mit ses mains en porte-voix autour <strong>de</strong> sa<br />

10


ouche et cria le nom du garçon. Le bruit <strong>de</strong>s mouvements continua. Darius appela à nouveau, plus fort<br />

cette fois, mais il ne parvint pas non plus à se faire entendre. Que lui avait-il pris <strong>de</strong> pousser <strong>Maximus</strong><br />

aussi loin ? Pour voir si il pourrait le faire ? Pour voir si il le ferait ? Darius fit <strong>de</strong> grands gestes frénétiques<br />

pour faire revenir le garçon. Ce <strong>de</strong>rnier continua à nager.<br />

Darius fut rejoint sur la berge par <strong>de</strong>s hommes du camp qui avaient été alerté par ses cris affolés. Le<br />

centurion expliqua rapi<strong>de</strong>ment la situation et, à présent, tous les hommes criaient le nom <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et<br />

agitaient les bras. Le gros chien gris appartenant au Général commença à aboyer comme un dément.<br />

Ce fut l'aboiement qui parvint jusqu'au cerveau épuisé <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. Il s'arrêta <strong>de</strong> nager, fit du sur-place<br />

pour se repérer et fut secoué en constatant à quel point il était loin <strong>de</strong> la rive <strong>de</strong> départ. Il était plus proche<br />

<strong>de</strong> la rive opposée et <strong>de</strong>s tribus germaniques que <strong>de</strong> Darius. Il se retourna sur le dos et se laissa flotter<br />

jusqu'à ce qu'il ait repris son souffle puis ordonna à ses muscles fatigués <strong>de</strong> fonctionner à nouveau quand<br />

il commença à retourner vers la rive. Il nagerait vers les aboiements.<br />

Soulagés que <strong>Maximus</strong> ait finalement fait <strong>de</strong>mi-tour, Darius et les autres entrèrent dans l'eau jusqu'à la<br />

ceinture, prêts à tirer <strong>Maximus</strong> jusqu'à la berge ou à aller à sa rencontre si besoin était. Hercule parcourait<br />

la rive <strong>de</strong> long en large en aboyant continuellement.<br />

C'était uniquement par la seule force <strong>de</strong> sa volonté qu'il obligeait son corps à continuer <strong>de</strong> se mouvoir<br />

longtemps après qu'il soit <strong>de</strong>venu complètement engourdi. Ses membres s'étaient transformés en une<br />

machine qui fonctionnait sans qu'il y pense alors qu'il continuait à fendre l'eau.<br />

Quand il eut presque atteint la berge, <strong>de</strong>s mains s'avancèrent vers lui.<br />

- Non !, cria Darius. Laissez-le faire. Il revient <strong>de</strong> loin. Laissez-le finir.<br />

Les poumons en feu, <strong>Maximus</strong> sentit enfin quelque chose <strong>de</strong> soli<strong>de</strong> <strong>sous</strong> ses pieds. Il avait vaguement<br />

conscience que d'autres corps l'entouraient.<br />

Il tituba sur la rive et tomba à genoux, puis Hercule se précipita sur lui et vint heurter doucement son<br />

estomac. <strong>Maximus</strong> réussit à se rouler à terre et maintint le corps chaud et poilu contre le sien qui tremblait<br />

violemment, sa bouche ouverte pour chercher <strong>de</strong> l'air pendant que son visage était nettoyé par le chien à<br />

grands coups <strong>de</strong> langue humi<strong>de</strong>.<br />

Darius écarta le chien, jeta la couverture blanche sur le garçon et l'enroula <strong>de</strong>dans.<br />

- C'était bien, <strong>Maximus</strong>, c'était bien, mon garçon.<br />

Le centurion lui massa les mains et regarda avec inquiétu<strong>de</strong> ses lèvres bleues et ses <strong>de</strong>nts<br />

s'entrechoquant.<br />

Se sentant coupable, il soutint <strong>Maximus</strong> et l'emmena vers sa tente à travers la nuit.<br />

Darius ignora les regards interrogatifs <strong>de</strong>s soldats réunis autour <strong>de</strong>s feux et souleva le rabat <strong>de</strong> sa tente<br />

pour faire entrer le garçon frissonnant pendant qu'Hercule s'affalait au <strong>de</strong>hors.<br />

Il lança une tunique sèche à <strong>Maximus</strong> et désigna un coin sombre <strong>de</strong> la tente.<br />

- Change-toi. Je vais revenir dans quelques minutes.<br />

Les mains tremblantes <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> ne voulaient pas coopérer et il lui fallut un moment pour passer sa<br />

tunique détrempée par-<strong>de</strong>ssus sa tête.<br />

Il soupira en se glissant dans celle qui était sèche puis s'assit et essaya <strong>de</strong> <strong>de</strong>sserrer les lacets <strong>de</strong> cuir<br />

humi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> ses bottes.<br />

Il entendit le rabat <strong>de</strong> la tente et leva les yeux juste avant que sa vue ne soit bouchée par une couverture<br />

jetée sur sa tête avec un ordre <strong>de</strong> ne pas bouger. Les mains robustes <strong>de</strong> Darius frottèrent vigoureusement<br />

ses cheveux, puis il mit la couverture sur les épaules <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et l'enroula soli<strong>de</strong>ment autour <strong>de</strong> lui.<br />

Il tendit une flasque au garçon en lui <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> boire pendant qu'il se servait <strong>de</strong> son couteau pour<br />

couper les lacets serrés et trempés <strong>de</strong> ses bottes.<br />

<strong>Maximus</strong> renversa la tête et laissa le liqui<strong>de</strong> couler dans sa gorge. Il s'étrangla quand le liqui<strong>de</strong> <strong>de</strong>vint feu<br />

et lutta pour retrouver sa respiration. Toussant et suffoquant, il prit <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s goulées d'air pour éteindre<br />

l'incendie dans sa gorge.<br />

Darius se mit à rire.<br />

- Bois à petites gorgées. Ca te réchauffera plus vite que n'importe quoi d'autre.<br />

<strong>Maximus</strong> hésita mais inclina à nouveau la flasque, gardant le liqui<strong>de</strong> sur la langue et l'y laissant un instant<br />

avant <strong>de</strong> le faire couler dans sa gorge. Cela fit son effet et il se sentit rapi<strong>de</strong>ment réchauffé... et un peu<br />

étourdi.<br />

Une fois les bottes enlevées, Darius enveloppa les pieds du garçon dans une autre couverture.<br />

Bientôt, les tremblements diminuèrent puis disparurent et le garçon reprit une couleur normale. Ses<br />

cheveux frisaient à cause du massage avec la couverture et ses yeux bleus étaient re<strong>de</strong>venus clairs.<br />

- Alors, dit Darius, es-tu prêt pour le test suivant ?<br />

<strong>Maximus</strong> leva <strong>de</strong>s yeux consternés.<br />

- Oui, Monsieur.<br />

Qu'est-ce que cela allait être ?, se <strong>de</strong>mandait-il.<br />

Le centurion éclata <strong>de</strong> rire.<br />

- Je ne pense pas que tu aies besoin <strong>de</strong> subir aucun autre test, mon garçon. Tu as prouvé ce soir que ta<br />

force et ton honneur étaient au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> tout reproche.<br />

Il tendit la main et serra son épaule.<br />

- Tu t'en es bien sorti, <strong>Maximus</strong>, tu t'en es même vraiment très bien sorti. Maintenant, va à ta tente. Je<br />

m'arrangerai pour que tu aies <strong>de</strong>s bottes neuves <strong>de</strong>main. Celles-ci sont complètement fichues.<br />

- Merci, Monsieur, dit simplement <strong>Maximus</strong> avant <strong>de</strong> sortir, la couverture traînant sur le sol <strong>de</strong>rrière lui.<br />

Hercule sauta sur ses pattes et se mit à trottiner à côté <strong>de</strong> lui.<br />

11


Sur le chemin <strong>de</strong> sa tente, enveloppé dans chaleur <strong>de</strong> la laine avec un milliard d'étoiles au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa<br />

tête, il testa les mots 'force et honneur' sur ses lèvres.<br />

Darius resta à regar<strong>de</strong>r l'encadrement <strong>de</strong> la tente pendant un long moment, perdu dans ses pensées.<br />

Ce que ce jeune garçon avait accompli ce soir était extraordinaire. Il <strong>de</strong>vrait bientôt voir le Général<br />

Patroclus.<br />

Chapitre 9 : L'Entretien<br />

- Je vous le dis, Patroclus, ce garçon est exceptionnel. Il...<br />

- Vous ne m'apprenez rien que je ne sache déjà, Darius.<br />

- Patroclus, il a le potentiel d'un lea<strong>de</strong>r, celui-là. Un vrai potentiel.<br />

- Je sais cela aussi.<br />

- Eh bien, saviez-vous qu'il n'était pas citoyen romain ?<br />

La main du général s'immobilisa entre la table et sa bouche, le capiteux vin rouge dans le gobelet soudain<br />

oublié.<br />

- Pas un citoyen ? Comment a-t-il fait pour se retrouver dans cette légion, alors ?<br />

- Il semble que personne ne lui ait rien <strong>de</strong>mandé jusqu'à ce que je le fasse la nuit <strong>de</strong>rnière. Je lui ai<br />

expliqué que sa place était dans l'auxiliaire et ça l'a réellement plongé dans la détresse. Il veut être ici,<br />

Patroclus, et cette armée aura besoin d'un soldat comme lui, un soldat qui sera peut être un chef un jour.<br />

- Je suis sûr que cela peut être arrangé, Darius. Accor<strong>de</strong>r la citoyenneté n'est pas une chose inhabituelle,<br />

après tout.<br />

Le général but une nouvelle gorgée <strong>de</strong> vin et fit tourner le gobelet entre ses mains.<br />

- <strong>Maximus</strong> pourra ensuite rester avec la légion Félix et même <strong>de</strong>venir centurion un jour.<br />

Darius reposa lentement son propre gobelet et se tourna légèrement pour fixer les flammes dansantes <strong>de</strong><br />

la lampe à huile sur la massive table en bois. La lumière vacillante joua sur le visage du centurion, faisant<br />

ressortir les profon<strong>de</strong>s cicatrices qui parlaient <strong>de</strong> bravoure au cours <strong>de</strong> batailles passées.<br />

Patroclus posa ses cou<strong>de</strong>s sur la table et s'inclina vers son centurion, la curiosité se lisant sur son visage.<br />

- N'est-ce pas ce que vous vouliez entendre, Darius ?<br />

- Si, bien sûr, Monsieur.<br />

Les sourcils du général se haussèrent <strong>de</strong>vant la soudaine formalité dans le ton du centurion et sa façon <strong>de</strong><br />

l'appeler. Il saisit un <strong>de</strong>s poignets <strong>de</strong> l'homme, l'obligeant à croiser son regard.<br />

- Eh bien, quoi <strong>de</strong> plus, alors ?<br />

- C'est juste que cela ne va pas assez loin, Patroclus. Pas pour ce garçon. Il atteindra le gra<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

centurion en un clin d'oeil, j'en suis convaincu. Puis il sera promu au plus haut gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> centurion... Et<br />

ensuite, il n'aura nulle part où aller. Ce sera un terrible gâchis <strong>de</strong> son potentiel.<br />

- Et quel est ce potentiel, selon vous ?<br />

- Général, répondit-il fermement.<br />

A présent, Patroclus était vraiment abasourdi. Il se leva et parcourut toute la longueur <strong>de</strong> la tente avant <strong>de</strong><br />

revenir, le front pensivement plissé, les mains dans le dos.<br />

- Vous affirmez qu'un garçon <strong>de</strong> 15 ans a suffisamment <strong>de</strong> qualités <strong>de</strong> chef pour <strong>de</strong>venir général ?<br />

Darius rencontra le regard <strong>de</strong> son général, mais ne dit rien.<br />

- Et d'après quoi ? Quelques brasses dans le Danube ?, <strong>de</strong>manda Patroclus avec un soupçon <strong>de</strong><br />

sarcasme.<br />

- Cela, et bien plus encore.<br />

- Ne per<strong>de</strong>z pas votre temps ne serait-ce qu'à y songer, parce que cela n'arrivera jamais. Même si nous<br />

infléchissons la loi et qu'il obtient la citoyenneté, il n'est pas <strong>de</strong> la classe sénatoriale. Vous savez aussi<br />

bien que moi que c'est indispensable pour <strong>de</strong>venir général.<br />

- Monsieur, c'est un fait que <strong>de</strong>s hommes qui ont eu un grand pouvoir à Rome n'étaient pas nés citoyens.<br />

Comment ont-ils fait pour <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s lea<strong>de</strong>rs politiques et militaires ?<br />

Patroclus vint se placer <strong>de</strong>vant un buste <strong>de</strong> Marc-Aurèle en marbre blanc et dit d'une voix tranquille :<br />

- Je pense que l'Empereur a également vu quelque chose en <strong>Maximus</strong>. Il semblait vraiment intéressé par<br />

le garçon.<br />

Patroclus soupira.<br />

- Quelque chose pourrait être fait mais je <strong>de</strong>vrai obtenir la permission <strong>de</strong> l'Empereur afin <strong>de</strong> pouvoir juste<br />

donner suite à ce problème. Je m'attends à le voir dans cette zone dans peu <strong>de</strong> temps et je lui en parlerai<br />

quand je sentirai que le moment sera opportun.<br />

Darius savait qu'il ne <strong>de</strong>vait pas pousser la question plus avant.<br />

- Merci, Général.<br />

Contemplant toujours la représentation <strong>de</strong> l'Empereur, Patroclus acquiesça à peine et le centurion sut qu'il<br />

avait été congédié.<br />

Il entendit le général appeler son nom juste à l'extérieur <strong>de</strong> la tente. Il passa la tête à l'intérieur.<br />

- Monsieur ?<br />

- Commencez à entraîner le garçon pour en faire un soldat mais soyez souple avec lui. Souvenez-vous <strong>de</strong><br />

son âge, Darius, et ne risquez pas sa vie une autre fois.<br />

Légèrement honteux mais content, Darius fit un grand sourire et fredonna l'air d'une chanson paillar<strong>de</strong> en<br />

revenant à sa tente.<br />

Personnellement, il ne dépasserait jamais le gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> centurion dans l'armée romaine mais il désirait<br />

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apporter encore plus. Ainsi, sa contribution prendrait une forme différente, celle d'entraîner un jeune<br />

homme dont il était persuadé qu'il <strong>de</strong>viendrait son officier supérieur un jour.<br />

Chapitre 10 : La Leçon<br />

- Hun !, grogna <strong>Maximus</strong> quand il projeta une fois <strong>de</strong> plus l'épée <strong>de</strong> bois <strong>de</strong> toutes ses forces contre le<br />

poteau, déclenchant une forte vibration qui courut le long <strong>de</strong> son bras jusque dans son épaule et son cou.<br />

Il répéta l'exercice encore et encore, portant d'abord <strong>de</strong>s coups droits, puis <strong>de</strong>s revers, jusqu'à ce que la<br />

douleur dans son bras <strong>de</strong>vienne insupportable, puis il changea <strong>de</strong> main et continua jusqu'à ce que les<br />

<strong>de</strong>ux côtés <strong>de</strong> son corps réclament le repos à grands cris.<br />

Il s'arrêta pour reprendre son souffle seulement à cet instant.<br />

Darius avait dit que cet exercice avait été adopté par les gladiateurs qui se battaient pour le plaisir <strong>de</strong>s<br />

foules dans la gran<strong>de</strong> arène <strong>de</strong> Rome.<br />

<strong>Maximus</strong> ne parvenait pas à imaginer cela, une arène contenant plus <strong>de</strong> 50 000 personnes criant pour<br />

réclamer la mort, une mort qui n'avait d'autre but que <strong>de</strong> distraire la plèbe.<br />

<strong>Maximus</strong> grogna en s'appuyant contre le poteau qu'il venait juste d'attaquer.<br />

Il paierait encore pour cela cette nuit, mais la douleur diminuait chaque jour alors que ses bras <strong>de</strong>venaient<br />

plus forts et plus volumineux.<br />

Il ferma momentanément les yeux et ne vit pas l'ombre qui s'avançait vers lui, jusqu'à ce que la soudaine<br />

fraîcheur sur son visage l'avertisse d'une présence. Alerté, il bondit sur ses pieds, le corps tendu. Il se<br />

retrouva face à face avec un Quintus à l'air sardonique qui avait aussi une épée <strong>de</strong> bois dans la main.<br />

- Quintus, tu m'as fait peur.<br />

- Tu ne <strong>de</strong>vrais jamais baisser ta gar<strong>de</strong>. Si tu étais un vrai soldat, tu le saurais.<br />

- Quintus, c'est juste un entraînement, pas une bataille. Il est évi<strong>de</strong>nt que je ne ferais pas ça au cours d'un<br />

vrai combat, grommela <strong>Maximus</strong>.<br />

- Tu es trop jeune pour faire ça. Tu dois avoir 16 ans, mon âge, pour commencer l'entraînement <strong>de</strong> soldat.<br />

- Darius a dit que le Général m'avait donné une permission spéciale, Quintus. J'aurais pensé que tu serais<br />

content pour moi.<br />

Quintus regarda fixement les muscles saillants sur les bras <strong>de</strong> son ami qui ne semblaient pas être là il y<br />

avait seulement une semaine.<br />

Il avait observé <strong>Maximus</strong> et Darius ensembles <strong>de</strong>puis un certain temps maintenant et la jalousie lui tordait<br />

le ventre. Cet espagnol recevait beaucoup trop d'attention. Attention que lui, Quintus, méritait.<br />

- Je commence à m'entraîner avec une épée réelle <strong>de</strong>main.<br />

<strong>Maximus</strong> sourit et essaya <strong>de</strong> lever la tension entre eux.<br />

- J'ai peur <strong>de</strong> ne pas être prêt pour ça avant un bon bout <strong>de</strong> temps. Tu es largement en avance sur moi<br />

pour l'entraînement, Quintus.<br />

- Ca n'est pas important <strong>de</strong> toute façon, dit Quintus. J'ai entendu dire qu'ils allaient bientôt se débarrasser<br />

<strong>de</strong>s garçons qui ne sont pas <strong>de</strong>s citoyens pour les envoyer dans les auxiliaires, alors toi et Lucius n'êtes<br />

plus là pour très longtemps.<br />

La raillerie <strong>de</strong> Quintus produit l'effet escompté et il regarda avec satisfaction le sang se retirer du visage du<br />

jeune garçon. Avec un <strong>de</strong>rnier regard suffisant à <strong>Maximus</strong>, Quintus tourna les talons et partit à gran<strong>de</strong>s<br />

enjambées.<br />

Accablé, <strong>Maximus</strong> s'appuya contre le poteau, l'épée <strong>de</strong> bois se balançant mollement dans sa main.<br />

- Et tu dis que c'est un ami ?<br />

<strong>Maximus</strong> pivota pour voir Darius <strong>de</strong>bout à l'ombre d'un énorme chêne.<br />

- Viens ici, <strong>Maximus</strong>, et assieds-toi à l'ombre pendant un moment. Nous <strong>de</strong>vons parler.<br />

Après qu'ils se soient installés - Darius sur une souche et <strong>Maximus</strong> à ses pieds, sur le sol couvert <strong>de</strong><br />

mousse - Darius poursuivit :<br />

- Tu ne vas nulle part, <strong>Maximus</strong>. Le général a l'intention <strong>de</strong> t'investir du statut <strong>de</strong> citoyen romain dans les<br />

jours qui viennent. Tu resteras dans la légion.<br />

Le garçon laissa échapper un gros soupir tremblant.<br />

- Merci, Monsieur.<br />

Il se tût un instant puis s'enquit :<br />

- Et Lucius ?<br />

- Lucius ira avec l'auxiliaire.<br />

<strong>Maximus</strong> s'approcha <strong>de</strong> ses genoux, prêt à protester contre le sort <strong>de</strong> son ami, mais Darius l'arrêta d'une<br />

main levée.<br />

- Il n'est pas assez grand ni assez fort pour être un légionnaire, <strong>Maximus</strong>. Tu peux sûrement le voir. Mais il<br />

sera bien utilisé dans les auxiliaires. On a besoin <strong>de</strong> lui, là-bas. Nous avons appris hier que les territoires<br />

romains <strong>de</strong> l'Est ont été envahis par les Parthes. Ils ont franchi la Syrie. L'Empereur Lucius Verus se rend<br />

là-bas avec quatre légions pour apporter du renfort dans cette zone et il y aura sans doute la guerre. Le<br />

Général Gauss Avidius Cassius sera <strong>sous</strong> ses ordres. Cassius est le commandant <strong>de</strong> toutes les légions <strong>de</strong><br />

l'Est et contrôle aussi les auxiliaires. Il nous a <strong>de</strong>mandé toute l'ai<strong>de</strong> que nous pouvions lui fournir, alors<br />

tous les jeunes soldats qui ne sont pas <strong>de</strong>s citoyens partiront pour l'Est <strong>de</strong>main. Tu resteras ici et<br />

continueras ton entraînement.<br />

Dans un geste tendre qui ne lui ressemblait pas, il tendit la main et caressa les cheveux du jeune soldat. Il<br />

eut un sourire désabusé.<br />

- Ne les laisse pas te voir pleurer, <strong>Maximus</strong>. Même si tes entrailles sont déchirées par la douleur, ne les<br />

13


laisse jamais te voir pleurer.<br />

- C'est mon meilleur ami.<br />

La voix <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était faible et les larmes qu'il retenait rendaient sa gorge douloureuse.<br />

- Je sais, mais l'amitié est une chose étrange dans l'armée. Par exemple, même si je tiens beaucoup à toi,<br />

il se peut qu'un jour je t'envoie au combat en sachant qu'il y a un grand risque que tu y meures. Mais je le<br />

ferai. Peut être qu'un jour, tu <strong>de</strong>vras le faire aussi avec <strong>de</strong>s hommes auxquels tu seras attaché. C'est une<br />

<strong>de</strong>s choses les plus difficiles à faire quand on est un chef, <strong>Maximus</strong>. Tu dois être fort pour les hommes qui<br />

sont <strong>sous</strong> ton comman<strong>de</strong>ment. Ils ont peur et se reposent sur la force <strong>de</strong> caractère <strong>de</strong> leurs chefs pour les<br />

rendre plus forts. Si ces chefs laissent voir qu'ils ont peur, les hommes sont fichus. Est-ce que tu<br />

comprends ?<br />

<strong>Maximus</strong> acquiesça lentement.<br />

- C'est un travail difficile que d'apprendre à comman<strong>de</strong>r et ça va beaucoup plus loin qu'être le meilleur<br />

combattant. Et la raison pour laquelle je passe autant <strong>de</strong> temps avec toi, mon garçon, c'est que je sens<br />

que tu sais ces choses d'instinct. Quelqu'un doit juste les mettre en perspective pour toi.<br />

Darius fit un large sourire.<br />

- Et c'est moi.<br />

- Êtes-vous intervenu pour que je <strong>de</strong>vienne un citoyen <strong>de</strong> Rome ?<br />

Darius haussa les épaules comme si il s'agissait d'une broutille.<br />

- Hmm, hmm<br />

- J'ai une énorme <strong>de</strong>tte envers vous.<br />

- Tu ne me dois rien d'autre que <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir le meilleur que tu puisses être. J'ai <strong>de</strong> grands espoirs pour toi,<br />

<strong>Maximus</strong>. Ne me déçois pas.<br />

<strong>Maximus</strong> hocha solennellement la tête et s'adossa contre le tronc noueux du grand chêne, réconforté par<br />

la présence <strong>de</strong> son aîné.<br />

Chapitre 11 : 166 après Jésus-Christ<br />

Le temps passait vite en Germanie.<br />

La présence menaçante <strong>de</strong>s légions avait contenu les tribus <strong>de</strong> leur côté du fleuve mais la vigilance était<br />

constante et l'entraînement se poursuivit pendant les quatre années suivantes puisqu'il semblait que la<br />

guerre finirait par arriver tôt ou tard.<br />

Quelques tribus germaniques avaient même progressé loin dans le Sud et menaçaient l'Italie car les<br />

légions là-bas avaient été réduites à cause du besoin d'hommes dans l'Est.<br />

En 166, <strong>Maximus</strong> était <strong>de</strong>venu un séduisant jeune homme <strong>de</strong> 20 ans avec <strong>de</strong>s connaissances<br />

exceptionnelles dans tous les domaines <strong>de</strong>s arts <strong>de</strong> la guerre. Bien qu'il n'ait jamais vu une vraie bataille, il<br />

avait participé à <strong>de</strong> nombreuses simulations et ses prouesses avec les armes coupaient le souffle <strong>de</strong><br />

Darius.<br />

Celui qui talonnait <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong> près était Quintus et les <strong>de</strong>ux hommes étaient <strong>de</strong>s rivaux acharnés dans<br />

chaque aspect <strong>de</strong> la vie. Mais Quintus tenait toujours une épée <strong>de</strong> Damoclès au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la tête <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong> : sa naissance dans une noble famille romaine, ce qui voulait dire qu'il pourrait éventuellement<br />

<strong>de</strong>vancer largement <strong>Maximus</strong> dans le comman<strong>de</strong>ment. Cependant, <strong>Maximus</strong> avait à cet instant un<br />

avantage qui surpassait la haute naissance <strong>de</strong> Quintus : une amitié profon<strong>de</strong> avec un centurion qui<br />

partageait beaucoup <strong>de</strong> secrets avec lui, <strong>de</strong>s in<strong>format</strong>ions confi<strong>de</strong>ntielles qui n'étaient pas sensées sortir<br />

du praetorium.<br />

Une nuit, <strong>Maximus</strong> et Darius étaient assis dans la tente <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier, passant la soirée en jouant aux dés<br />

et en buvant du vin pendant que le centurion annonçait les <strong>de</strong>rnières nouvelles.<br />

- Nous avons été avertis que la guerre dans l'Est est finie, <strong>Maximus</strong>, et que les légions sont retournées à<br />

Rome.<br />

- Ce sont <strong>de</strong> bonnes nouvelles.<br />

<strong>Maximus</strong> pensait à Lucius, comme il le faisait souvent, et se <strong>de</strong>manda comment son ami s'en était sorti.<br />

- Ce ne sont pas tout à fait <strong>de</strong> bonnes nouvelles. Non, ce ne sont pas <strong>de</strong> bonnes nouvelles du tout.<br />

Un plissement apparut sur le front <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, faisant ressortir la peau entre ses yeux et <strong>de</strong>scendre les<br />

extrémités <strong>de</strong> ses sourcils. Ses yeux bleu-vert sérieux <strong>de</strong>mandaient une réponse.<br />

- Que veux-tu dire ?<br />

Darius regarda le jeune homme. La séduction <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était évi<strong>de</strong>nte, même dans la lumière diffuse <strong>de</strong><br />

la lampe à huile qui faisait <strong>de</strong>s tâches lumineuses sur les boucles brunes qu'il chassait toujours <strong>de</strong> son<br />

front d'un mouvement <strong>de</strong> tête ou qu'il ramenait en arrière avec ses doigts. Beaucoup <strong>de</strong> jeunes femmes<br />

<strong>de</strong>s villages voisins trouvaient le soldat vraiment très attirant et il n'avait aucun mal à passer du temps en<br />

compagnie <strong>de</strong> femmes consentantes lorsqu'il en avait envie.<br />

Ces cheveux <strong>de</strong>vraient disparaître, pensa Darius, si ils allaient faire la guerre. Avoir les cheveux longs était<br />

dangereux, sans parler <strong>de</strong> la difficulté à les gar<strong>de</strong>r propres, et la propreté était une priorité dans l'armée.<br />

Il soupira en voyant la barbe <strong>de</strong> plusieurs jours qui couvrait la mâchoire et le cou du jeune homme. Il ne<br />

semblait pas vraiment vouloir se laisser pousser la barbe mais n'avait pas l'air non plus <strong>de</strong> vouloir se raser<br />

régulièrement, ce qui faisait qu'il avait toujours l'air un peu négligé - une apparence dont Darius<br />

soupçonnait qu'elle plaisait aux femmes.<br />

<strong>Maximus</strong> portait une armure <strong>de</strong> cuir ce soir, qui faisait ressortir ses larges épaules et ses bras musclés.<br />

Une image qui retenait assurément l'attention.<br />

14


- Pourquoi ne te rases-tu pas ?<br />

- Quoi ? De quoi parles-tu ? Je pensais que nous discutions <strong>de</strong> la guerre dans l'Est.<br />

Darius hocha la tête et tendit la main pour tirer sur une <strong>de</strong>s boucles qui tombaient sur le front <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

- Sois content que nous soyons en Germanie, mon ami, bien loin <strong>de</strong> Rome.<br />

<strong>Maximus</strong> <strong>de</strong>vint circonspect.<br />

- Pourquoi ?<br />

- Parce que les soldats revenant <strong>de</strong> l'Est ont apporté la peste dans Rome. Les gens meurent par milliers.<br />

C'est une mort terrible. Ca te dévore à l'intérieur et à l'extérieur. La seule bonne chose avec la peste, c'est<br />

que la mort est rapi<strong>de</strong>. Les armées dans l'Est sont totalement décimées à cause <strong>de</strong> cette maladie et elle<br />

s'est même répandue dans les maisons les plus nobles <strong>de</strong> la cité.<br />

- Les Empereurs ?<br />

- Il semble qu'ils aient été épargnés mais on ne sait pas si leurs familles ont eu autant <strong>de</strong> chance.<br />

L'image d'un adorable jeune visage aux yeux verts encadré <strong>de</strong> souples boucles brunes se forma<br />

spontanément dans l'esprit <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. Lucilla. Il n'avait pas pensé à elle <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s siècles. Il se<br />

<strong>de</strong>manda à quoi elle ressemblait à présent à... Quoi ? 18 ans ? Elle était peut être même mariée avec <strong>de</strong>s<br />

enfants puisque <strong>de</strong> nombreuses romaines se mariaient à 15 ans. Il fit une prière silencieuse pour sa<br />

sécurité.<br />

- Il paraît que les gens s'enfuient <strong>de</strong> la cité. Du moins ceux qui sont assez fortunés pour le faire, bien sûr.<br />

- Où vont-ils ?<br />

- Certains vont dans les collines environnantes. Beaucoup ont peur que le fléau se répan<strong>de</strong> jusque là aussi<br />

et s'en vont plus loin encore. Apparemment, ils ont l'impression que l'air froid du Nord les protégera <strong>de</strong> la<br />

maladie alors ils se dirigent par ici.<br />

Darius lança le dé puis regarda <strong>Maximus</strong>.<br />

- On dit que Marc-Aurèle et Lucius Verus sont en route pour venir ici avec leurs familles pour rester <strong>sous</strong><br />

notre protection jusqu'à ce que la cité re<strong>de</strong>vienne plus sûre.<br />

- Ici ?<br />

- Hmm, hmm. C'est ton tour.<br />

- Mais, que se passera-t-il si la guerre éclate ?<br />

- Elle se déroulera <strong>de</strong> l'autre côté du fleuve. Les familles seront vraiment en sécurité, même si c'est un peu<br />

inconfortable. C'est ton tour, <strong>Maximus</strong>.<br />

- Penses-tu...<br />

- Je ne sais pas.<br />

- Tu ne sais même pas ce que j'allais <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r.<br />

- Si Lucilla viendra ici ? Je l'ignore.<br />

Darius eut un large sourire.<br />

- Voudrais-tu s'il te plaît lancer le dé ?<br />

<strong>Maximus</strong> s'exécuta mais son esprit était visiblement ailleurs.<br />

- Elle fait partie <strong>de</strong> la famille impériale, <strong>Maximus</strong>, dit Darius en jouant à son tour.<br />

- J'en suis conscient.<br />

Darius s'avança sur la table et mit une petite taloche à l'oreille du jeune soldat. <strong>Maximus</strong> lui jeta un regard<br />

noir.<br />

- Ai-je toute ton attention, à présent ? Je sais que tu peux avoir toutes les femmes que tu veux mais celle-ci<br />

n'est pas pour toi. M'entends-tu ?<br />

- Je t'entends.<br />

Mais l'air renfrogné <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> se transforma en un sourire effronté puis il éclata franchement <strong>de</strong> rire.<br />

Darius se contenta <strong>de</strong> hocher la tête.<br />

- Lance le dé !<br />

Chapitre 12 : Réunion<br />

L'étrange cortège progressait lentement à travers les forêts <strong>de</strong>nses et sombres <strong>de</strong> l'Europe du Nord.<br />

Huit roulottes blindées, chacune tirée par six chevaux, transportaient les familles proches <strong>de</strong> Marc-Aurèle<br />

et Lucius Verus aussi bien que <strong>de</strong>s sénateurs <strong>de</strong> Rome. La gar<strong>de</strong> prétorienne <strong>de</strong>s Empereurs escortait la<br />

procession, prête à parer toutes les attaques possibles.<br />

Mais le voyage <strong>de</strong>puis Rome avait été long, sans aucun évènement notable et ennuyeux, particulièrement<br />

pour Lucilla qui était prise entre les jérémia<strong>de</strong>s et les sollicitations constantes <strong>de</strong> son jeune frère et les<br />

plaintes et <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s incessantes <strong>de</strong> sa mère.<br />

Les quatre <strong>de</strong>rnières années avaient été difficiles pour la famille car les enfants avaient très peu vu leur<br />

père, Marc-Aurèle, après leur séjour en Espagne. Il avait été occupé par <strong>de</strong>s affaires d'état et quand il avait<br />

eu du temps à passer avec eux, il avait choisi <strong>de</strong> lire sur la philosophie stoïcienne et <strong>de</strong> coucher ses<br />

propres pensées sur le papier à propos <strong>de</strong> ce sujet.<br />

Ce manque d'attention avait été particulièrement difficile pour Commo<strong>de</strong> qui admirait énormément son<br />

père et désirait son approbation plus que tout. Mais, l'enfant semblait surtout ennuyer l'Empereur avec son<br />

comportement puéril.<br />

Leur mère, Annia Galeria Faustina, voyait rarement son mari alors elle avait développé ses propres<br />

centres d'intérêt. Elle aimait les jeux dans la gran<strong>de</strong> arène et avait beaucoup d'affection pour certains<br />

gladiateurs auxquels elle portait une attention considérable, pour la plus gran<strong>de</strong> gêne <strong>de</strong> Lucilla et<br />

15


l'exaspération <strong>de</strong> son époux. Il avait menacé <strong>de</strong> nombreuses fois d'interdire les jeux mais Annia était<br />

toujours parvenue à convaincre son mari que son intérêt était purement récréatif.<br />

Les jeux enthousiasmaient aussi Commo<strong>de</strong>, et la mère et le fils passaient souvent <strong>de</strong>s journées entières à<br />

se divertir en regardant <strong>de</strong>s scènes <strong>de</strong> mort. Lucilla les avait accompagné une fois par curiosité mais ce<br />

qu'elle avait vu l'avait rendu mala<strong>de</strong> et elle avait refusé d'y retourner malgré les supplications <strong>de</strong> son frère.<br />

Il avait affirmé que lorsqu'il serait empereur, il forcerait sa soeur à aller aux jeux et à s'asseoir dans la loge<br />

impériale avec lui. Comme d'habitu<strong>de</strong>, Lucilla l'avait ignoré.<br />

La jeune femme soupira. Il était impossible <strong>de</strong> lire car la roulotte tressautait continuellement sur les routes<br />

pleines d'ornières et la lumière à l'intérieur n'était pas assez forte.<br />

Pour passer le temps, elle laissa son esprit revenir en arrière, à la <strong>de</strong>rnière fois où son père avait emmené<br />

ses enfants dans un voyage comme celui-ci. Elle avait pensé que ce voyage avait été interminable, mais<br />

ça n'était rien comparé à celui-là. Elle aurait aimé qu'ils se dirigent vers l'Espagne cette fois aussi car elle<br />

se rappelait ce jeune homme attirant avec le gros chien gris qui était là-bas et elle pouvait penser à <strong>de</strong>s<br />

choses bien pires à faire que passer un peu <strong>de</strong> temps avec lui.<br />

<strong>Maximus</strong>, c'était son nom. Un nom impressionnant pour quelqu'un d'aussi jeune.<br />

Une soudaine secousse jeta Lucilla contre les oreillers et fit tomber Commo<strong>de</strong> à terre. Elle étouffa un rire<br />

quand le garçon se releva, jurant et menaçant <strong>de</strong> tuer le conducteur <strong>de</strong> la roulotte quand la maudite chose<br />

finirait par stopper.<br />

Il brandit une petite épée et fouetta haineusement l'air. Alarmée, Lucilla se tourna vers sa mère qui<br />

continuait à somnoler malgré la secousse.<br />

- Mère, empêchez-le. Il va finir par se blesser ou par blesser quelqu'un d'autre avec ça.<br />

Annia ouvrit un oeil et regarda son fils. Un sourire anima ses traits encore beaux et elle se pencha et serra<br />

Commo<strong>de</strong> sur son ample poitrine, l'étouffant <strong>de</strong> baisers.<br />

- Tu es mon mignon petit gladiateur, n'est-ce pas, Commo<strong>de</strong> ? Le brave petit gladiateur <strong>de</strong> sa maman.<br />

Lucilla contempla silencieusement la scène pendant un instant puis se détourna et enfouit son visage dans<br />

les oreillers. Elle ne savait pas combien <strong>de</strong> temps encore elle pourrait supporter cela.<br />

Trois jours plus tard, la roulotte s'arrêta enfin, non loin d'un énorme camp militaire très bien fortifié.<br />

Elle sortit au-<strong>de</strong>hors avec soulagement et respira profondément l'air frais avant qu'on l'ai<strong>de</strong> à monter sur sa<br />

ravissante jument blanche, Venus. Lucilla ajusta sa cape bleue autour d'elle, resserrant l'épaisse fourrure<br />

autour <strong>de</strong> son cou. Commo<strong>de</strong> monta aussi à cheval, mais Annia choisit une litière couverte. Elle tira les<br />

ri<strong>de</strong>aux autour d'elle, essayant <strong>de</strong> faire disparaître la nature sauvage qui lui faisait terriblement peur. Née<br />

et élevée en ville, cela dépassait tout ce qu'elle avait jamais expérimenté.<br />

Lucilla pencha sa tête en arrière et secoua ses jolies boucles jusqu'à ce qu'elles casca<strong>de</strong>nt dans son dos.<br />

Elle regarda les grosses branches au-<strong>de</strong>ssus d'elle, surmontées d'éclats <strong>de</strong> ciel bleu et elle rit <strong>de</strong> plaisir.<br />

Des oiseaux, criant leur mécontentement d'être dérangés, volèrent d'arbre en arbre. Même l'air froid <strong>de</strong><br />

cette fin <strong>de</strong> printemps ne pouvait diminuer son enthousiasme d'avoir été libérée <strong>de</strong> cette roulotte-prison.<br />

Entourée par <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s prétoriens, elle avança vers le grand aigle doré qui marquait l'entrée principale du<br />

camp. Des cors annoncèrent l'arrivée <strong>de</strong>s familles impériales et <strong>de</strong>s sénateurs qui étaient juste <strong>de</strong>rrière.<br />

Juste après l'entrée, Lucilla put voir <strong>de</strong>s rangées et <strong>de</strong>s rangées <strong>de</strong> soldats en armure, au gar<strong>de</strong>-à-vous.<br />

Elle hocha la tête en passant <strong>de</strong>vant eux, montrant son respect <strong>de</strong>vant leurs têtes baissées.<br />

Les gar<strong>de</strong>s prétoriens la menèrent vers le général, qui se reconnaissait aux fourrures argentées <strong>de</strong> loup<br />

sur ses épaules et à son armure richement ornée.<br />

Son coeur manqua un battement. Elle connaissait ce général. C'était le même général qui commandait la<br />

légion en Espagne. Serait-ce la même légion, ici, en Germanie ?<br />

Ses yeux passèrent rapi<strong>de</strong>ment en revue les hommes entourant le Général... Patroclus, c'était son nom.<br />

Elle ne savait même pas exactement <strong>de</strong> quoi aurait l'air <strong>Maximus</strong> à présent ou si il serait encore avec cette<br />

légion, mais... Elle sursauta en apercevant le gros chien gris légèrement en retrait <strong>de</strong>rrière le général.<br />

L'animal avait l'air beaucoup plus vieux avec <strong>de</strong>s poils blancs sur la gueule et un peu d'embonpoint, mais<br />

c'était sans aucun doute Hercule. Elle se concentra sur l'homme à côté du chien. Il était au gar<strong>de</strong>-à-vous<br />

avec la tête baissée mais quelque chose chez lui lui semblait familier. Les battements <strong>de</strong> son coeur<br />

s'accélérèrent. Ses cheveux coupés ras étaient différents <strong>de</strong>s boucles longues et abondantes dont elle se<br />

souvenait mais c'était <strong>Maximus</strong>, elle en était sûre.<br />

Elle ne prêta pas attention aux mains qui se tendirent pour l'ai<strong>de</strong>r à mettre pied à terre, ni aux paroles <strong>de</strong><br />

bienvenue du Général Patroclus. Elle murmura la réponse appropriée puis reporta son attention sur le<br />

chien.<br />

- Hercule, je me souviens <strong>de</strong> toi !<br />

Elle tapota sa jambe.<br />

- Viens ici, mon garçon. Viens ici.<br />

Le chien regarda le soldat à côté <strong>de</strong> lui avec une question dans ses yeux marrons. Hercule ne bougea pas<br />

jusqu'à ce que l'homme hoche la tête en guise d'approbation, puis il se dressa difficilement sur ses pattes<br />

et se traîna vers Lucilla, sa langue prête à lécher. Lucilla se mit à rire en recevant l'accueil humi<strong>de</strong> du<br />

chien, puis elle se releva et s'adressa directement au soldat.<br />

- Il est plus amical que dans mes souvenirs, <strong>Maximus</strong>. Vous avez fait <strong>de</strong>s merveilles avec lui.<br />

Lucilla s'amusa du regard surpris dans les yeux du jeune soldat, qui fut vite remplacé par un pétillement<br />

malicieux. Il inclina à nouveau la tête avec un grand sérieux juste au moment où ses lèvres se tordaient en<br />

un sourire.<br />

- Ma Dame.<br />

16


Le général était occupé à accueillir ses autres invités, alors Lucilla se dirigea directement vers le soldat,<br />

s'arrêtant juste à quelques centimètres <strong>de</strong> lui.<br />

- <strong>Maximus</strong>.<br />

Il redressa la tête. L'expression <strong>de</strong> son visage était très sérieuse à présent, excepté ses yeux, légèrement<br />

plissés d'amusement.<br />

- Ma Dame, je suis à votre service.<br />

Le timbre profond et grisant <strong>de</strong> sa voix déclencha un frisson le long <strong>de</strong> la colonne vertébrale <strong>de</strong> Lucilla. Elle<br />

voulait qu'il continue à parler.<br />

- Qu'est-ce qui ne va pas chez Hercule ?<br />

- Il a <strong>de</strong> l'arthrite dans les hanches et cela le fait souffrir quand le temps est humi<strong>de</strong>.<br />

Il se baissa pour gratter les oreilles du chien.<br />

- J'espère que votre voyage n'a été trop insupportable, dit-il poliment.<br />

- Non.<br />

Sa voix s'était faite lointaine comme elle l'étudiait.<br />

Elle était très gran<strong>de</strong> pour une femme mais il était aussi grand qu'elle et ils se regardaient presque<br />

directement dans les yeux. Il avait le maintien droit et fier d'un soldat et ses épaules étaient très larges<br />

<strong>sous</strong> l'armure <strong>de</strong> métal grise. Elle trouva que les cheveux cours lui allaient très bien car ils révélaient son<br />

cou musclé et s'accordaient bien avec la barbe soigneusement taillée qui recouvrait complètement sa<br />

mâchoire, cachant la fossette au milieu du menton dont elle se souvenait. Son visage était très bronzé par<br />

le soleil et ses yeux bleu-verts avaient toujours ce regard un peu triste qui l'avait tellement intriguée il y a<br />

<strong>de</strong>s années. Elle décida que les années avaient vraiment été très généreuses avec <strong>Maximus</strong>, beaucoup,<br />

en fait.<br />

<strong>Maximus</strong> était parvenu à la même conclusion à son propos. Alors qu'elle l'évaluait, il la jaugeait également.<br />

Sa taille l'avait surpris - elle était plus gran<strong>de</strong> que bien <strong>de</strong>s soldats - mais elle n'avait évi<strong>de</strong>ment pas leur<br />

robustesse, comme le révélait son cou long et mince qui semblait presque trop fragile pour supporter le<br />

poids <strong>de</strong> sa tête. Ses boucles épaisses étaient détachées, sauf que <strong>de</strong>ux ban<strong>de</strong>s d'or pur les empêchaient<br />

d'aller <strong>de</strong>vant son visage. Sa peau ressemblait à <strong>de</strong> la crème immaculée et il avait envie <strong>de</strong> caresser sa<br />

joue avec sa main. Ses lèvres pleines étaient légèrement teintées <strong>de</strong> rose et ses yeux verts profonds le<br />

regardaient avec un grand sérieux.<br />

Il soupira profondément sans réaliser <strong>de</strong> quelle façon elle pourrait l'interpréter et fut soulagé quand elle<br />

sourit puis se mit à rire. Il lui rendit son sourire sans aucune hésitation.<br />

- Cet exil ne sera peut être pas si désagréable, finalement, dit-elle assez bas pour que lui seul l'enten<strong>de</strong>.<br />

Non, pas désagréable du tout.<br />

Ses longs doigts se glissèrent autour <strong>de</strong> son bras, juste en-<strong>de</strong>s<strong>sous</strong> <strong>de</strong> l'armure et elle combattit son envie<br />

<strong>de</strong> serrer le muscle soli<strong>de</strong> qu'elle sentait <strong>sous</strong> sa main quand elle se tourna pour le présenter à sa mère,<br />

qui avait l'air misérable comme elle ne l'avait jamais vu avant.<br />

- Mère, c'est l'homme que j'ai rencontré il y a <strong>de</strong>s années en Espagne quand moi et Commo<strong>de</strong> étions allés<br />

là-bas avec père. Il s'appelle <strong>Maximus</strong>...<br />

Elle lui jeta un regard interrogatif.<br />

- <strong>Maximus</strong> Decimus Meridius, Majesté, compléta <strong>Maximus</strong> en inclinant la tête une fois <strong>de</strong> plus.<br />

Bien qu'il était évi<strong>de</strong>nt que la beauté <strong>de</strong> Lucilla lui venait <strong>de</strong> sa mère, cette <strong>de</strong>rnière n'avait pas très bien<br />

vieilli et était vraiment empâtée - un fait que ses vêtements luxueux ne pouvaient dissimuler.<br />

Lucilla continua les présentations.<br />

- Commo<strong>de</strong>, tu te souviens <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> ?<br />

- Non, lança impoliment le garçon en répondant au salut <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> avec un ricanement moqueur.<br />

<strong>Maximus</strong> s'enhardit et murmura à Lucilla :<br />

- Il n'a pas changé, à ce que je vois.<br />

Lucilla lui lança un regard stupéfait puis rejeta la tête en arrière et éclata <strong>de</strong> rire. Quand son rire se fut<br />

éteint, elle s'approcha très près <strong>de</strong> l'oreille <strong>de</strong> son escorte et dit doucement :<br />

- Vous feriez mieux <strong>de</strong> ne pas laisser ma mère vous entendre dire cela. Elle pense qu'il est parfait. Elle<br />

vous ferait fouetter pour cela, ou pire.<br />

Elle plongea ses yeux dans les siens pour qu'il comprenne qu'elle n'allait pas rapporter sa réflexion à sa<br />

mère.<br />

- Où vais-je séjourner, <strong>Maximus</strong> ?<br />

- Au praetorium, ma Dame. C'est l'endroit le plus protégé et vous aurez vos propres quartiers. Je peux<br />

vous y mener, si vous le souhaitez.<br />

- Protégé <strong>de</strong> quoi ?<br />

Lucilla avait toujours sa main sur le bras <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> quand ils passèrent <strong>de</strong>vant les soldats restants.<br />

- Eh bien, <strong>de</strong> tout.<br />

- Des tribus germaniques ?<br />

- Oui.<br />

- Des animaux sauvages ?<br />

- Bien sûr.<br />

Elle le regarda du coin <strong>de</strong> l'oeil.<br />

- Des séduisants soldats ?<br />

Sa large main couvrit la sienne.<br />

17


- Si vous le souhaitez.<br />

- Je ne suis pas certaine <strong>de</strong> le souhaiter. Je n'en suis pas certaine du tout.<br />

Comme ils passaient <strong>de</strong>vant Darius, <strong>Maximus</strong> allongea le bras et mit un doigt <strong>sous</strong> son menton pour<br />

refermer d'un coup sec sa bouche gran<strong>de</strong> ouverte.<br />

Le centurion ébahi regarda le couple continuer son chemin, suivi <strong>de</strong> près par quatre gar<strong>de</strong>s prétoriens. Il<br />

se <strong>de</strong>manda si ces gar<strong>de</strong>s n'allaient pas avoir plus <strong>de</strong> problèmes sur les bras avec un soldat <strong>de</strong> Rome<br />

qu'avec toutes les tribus barbares d'Europe.<br />

Les yeux d'un jeune garçon suivaient aussi leur progression. Oh oui, il se souvenait <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. Il s'en<br />

souvenait très bien.<br />

Chapitre 13 : La Conversation<br />

Il se passa <strong>de</strong>ux jours avant que <strong>Maximus</strong> ne revoie Lucilla, et ce ne fut qu'une rapi<strong>de</strong> apparition.<br />

Elle et les autres proches <strong>de</strong>s Empereurs, aussi bien que les sénateurs, étaient confinés dans le<br />

praetorium et distraits par le général et son personnel.<br />

<strong>Maximus</strong> utilisait toutes les excuses possibles pour se trouver aux alentours <strong>de</strong> ce quartier et ses yeux<br />

passaient l'endroit au crible pour tenter d'apercevoir la belle femme aux longues boucles brunes.<br />

La seule fois où il l'avait rapi<strong>de</strong>ment entrevue, son coeur avait flanché. Il avait commencé avant à se<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si son imagination n'avait pas exagéré sa beauté mais un bref regard l'avait assuré du contraire.<br />

Il mourait d'envie <strong>de</strong> lui parler mais ne trouvait pas <strong>de</strong> raison plausible pour entrer dans le praetorium. Et<br />

pourtant, il y réfléchissait <strong>de</strong>puis une heure.<br />

Darius ne l'aidait pas. Il semblait prendre un malin plaisir à envoyer <strong>Maximus</strong> aux quatre coins du camp<br />

pour <strong>de</strong>s commissions insignifiantes. N'importe quel soldat aurait pu les accomplir mais Darius insistait<br />

pour que ce soit <strong>Maximus</strong>.<br />

Il se <strong>de</strong>manda si Lucilla n'était pas aussi fatiguée <strong>de</strong> son confinement à l'intérieur du praetorium que lui <strong>de</strong><br />

son bannissement à l'extérieur.<br />

Elle l'était. Bien que tous les efforts aient été faits pour rendre son logement luxueux, il était relativement<br />

exigu.<br />

A chaque fois qu'elle marchait entre les tentes pour aller rendre visite aux autres ou prendre un repas, elle<br />

regardait brièvement par-<strong>de</strong>ssus la clôture, cherchant <strong>Maximus</strong>. Il n'était jamais là.<br />

Pouvait-il l'avoir oubliée si vite ? Que faisait-il <strong>de</strong> tout son temps ? Oh, elle pouvait entendre les exercices<br />

et les ordres criés quand les soldats s'entraînaient pour la bataille, mais qu'en était-il du reste <strong>de</strong> la journée<br />

? Des soirées ? Elle avait envie <strong>de</strong> s'asseoir près du feu avec lui et <strong>de</strong> simplement parler et d'écouter sa<br />

merveilleuse voix chau<strong>de</strong>.<br />

Frustrée, elle s'allongea sur son lit et ferma les yeux, les ri<strong>de</strong>aux vaporeux se gonflant dans la brise. Elle<br />

n'avait rien d'autre à faire qu'écouter la myria<strong>de</strong> <strong>de</strong> bruits et <strong>de</strong> sons émis par le campement rempli<br />

d'hommes et souhaita être auprès <strong>de</strong> l'un d'eux en particulier.<br />

Son esprit finit par s'engourdir et elle glissa dans un état quelque part entre la conscience et le sommeil.<br />

Sa patience à bout, <strong>Maximus</strong> finit par s'approcher <strong>de</strong> l'entrée du praetorium et fut immédiatement arrêté<br />

par <strong>de</strong>ux gar<strong>de</strong>s prétoriens soli<strong>de</strong>ment armés. Haussant la voix, il expliqua qu'il était simplement à la<br />

recherche du chien, Hercule, car l'animal était accoutumé à une promena<strong>de</strong> vespérale quelques fois par<br />

semaine.<br />

Les yeux <strong>de</strong> Lucilla s'ouvrirent d'un seul coup et elle souleva sa tête <strong>de</strong> l'oreiller, se <strong>de</strong>mandant quel son<br />

avait pénétré sa somnolence au point <strong>de</strong> la réveiller. Elle écouta attentivement.<br />

La voix retentit à nouveau et elle jeta ses jambes hors du lit, à la recherche <strong>de</strong> ses mules. Tenant sa cape<br />

fermée d'une main, elle se précipita au-<strong>de</strong>hors <strong>de</strong> sa tente dans la cour commune et s'arrêta, son coeur<br />

chavirant en entendant la voix <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

Un sifflement et le mot 'Hercule' dirigèrent son regard vers l'entrée <strong>de</strong>s quartiers où <strong>Maximus</strong> était<br />

accroupi, en train d'ajuster le lourd collier sur le cou du chien.<br />

- <strong>Maximus</strong>, l'appela-t-elle.<br />

Il se redressa puis inclina la tête.<br />

- Bonsoir, ma Dame. J'allais emmener Hercule faire un tour dans le camp. Voudriez-vous vous joindre à<br />

nous ?<br />

Un <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s commença à répondre.<br />

- La Dame n'est pas...<br />

- Comment oses-tu parler à ma place ?!<br />

Lucilla était furieuse et lâcha sa colère sur le gar<strong>de</strong>.<br />

- Rappelle-toi ta place, prétorien. C'est toi qui est à mon service et non l'inverse !<br />

Le gar<strong>de</strong> rougit et marmonna une excuse avant <strong>de</strong> s'incliner profondément.<br />

Son éclair <strong>de</strong> colère envolé, Lucilla se tourna vers <strong>Maximus</strong>.<br />

- J'adorerais vous accompagner vous et Hercule, <strong>Maximus</strong>. Resterons-nous à l'intérieur <strong>de</strong> l'enceinte du<br />

camp ?<br />

- Oui, ma Dame.<br />

Lucilla se tourna vers les gar<strong>de</strong>s.<br />

- Alors nous n'aurons pas besoin <strong>de</strong> vous. <strong>Maximus</strong> me fournira toute la protection dont j'ai besoin. Est-ce<br />

clair ?<br />

Les lèvres pincées par la contrariété, les <strong>de</strong>ux gar<strong>de</strong>s acquiescèrent puis jetèrent un oeil au jeune soldat<br />

avec le chien. L'un d'eux osa parler.<br />

18


- Il n'est même pas armé, ma Dame.<br />

- <strong>Maximus</strong>, pourquoi n'allez-vous pas chercher votre épée le temps que je trouve <strong>de</strong>s chaussures plus<br />

appropriées. Je vous retrouverai ici dans quelques minutes.<br />

Il s'inclina pour signifier son accord puis fit <strong>de</strong>mi-tour avant <strong>de</strong> sourire <strong>de</strong> toutes ses <strong>de</strong>nts. Il n'aurait pas<br />

été pru<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> laisser les gar<strong>de</strong>s en colère voir son expression.<br />

Il fila jusqu'à sa tente où il attacha son fourreau et sa dague sur lui avant <strong>de</strong> mettre son épée au fourreau.<br />

- <strong>Maximus</strong>.<br />

La voix venait <strong>de</strong> l'entrée. Le jeune soldat ne daigna pas se retourner.<br />

- Oui, Darius ?<br />

- Sois pru<strong>de</strong>nt.<br />

- Je suis pru<strong>de</strong>nt. Vois comme je suis lour<strong>de</strong>ment armé juste pour escorter Lucilla dans le campement.<br />

Darius soupira.<br />

- Ce n'est pas <strong>de</strong> cela dont je parlais.<br />

Mais <strong>Maximus</strong> n'avait pas le temps d'écouter d'avantage les inquiétu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> son ami et il le poussa <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>vant l'entrée, s'en alla en courant, sifflant un air guilleret.<br />

Quelques minutes plus tard, il se promenait hors du praetorium avec la plus belle femme du mon<strong>de</strong> qui<br />

tenait le bras qu'il lui avait présenté, le vieux chien à ses talons.<br />

Il redressa le menton <strong>de</strong>vant les regards envieux <strong>de</strong>s autres soldats comme ils passaient <strong>de</strong>vant les<br />

rangées <strong>de</strong> tentes.<br />

- Tout est si organisé, observa Lucilla.<br />

- Ca doit l'être. Une armée doit être prête à se battre en quelques minutes si besoin est ou à lever le camp<br />

rapi<strong>de</strong>ment. Chaque chose est à sa place et chaque homme connaît son travail.<br />

Lucilla regarda le profil ferme <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

- Et quel est votre travail ? Qu'avez-vous fait <strong>de</strong>puis la fois où je vous ai vu en Espagne ?<br />

- Beaucoup <strong>de</strong> choses, ma Da...<br />

- <strong>Maximus</strong>, quand nous sommes seuls, appelez-moi Lucilla s'il vous plaît.<br />

- Lucilla.<br />

Il aima le son <strong>de</strong> son nom sur sa langue.<br />

- Mon premier poste un peu important a été signifer quand j'avais 18 ans - à l'âge le plus jeune possible.<br />

Devant le regard interrogatif <strong>de</strong> Lucilla, <strong>Maximus</strong> expliqua :<br />

- Un signifer porte l'étendard pendant la bataille. C'est une mission plus importante qu'il n'y paraît car le<br />

signifer mène la légion dans la bataille et <strong>de</strong>s hommes sont morts en essayant <strong>de</strong> récupérer un étendard<br />

perdu dans une bataille. C'est un symbole important <strong>de</strong> Rome.<br />

- Je comprends. Combien <strong>de</strong> temps avez-vous été signifer ?<br />

- Pas longtemps. Les quelques promotions qui ont suivi ont été très rapi<strong>de</strong>s. J'ai été optio(1), puis<br />

tesserarius(2) et je suis actuellement cornicularius(3), ou sergent major. Je suis <strong>sous</strong> les ordres <strong>de</strong> Darius.<br />

La prochaine étape est très importante - centurion - et je suis le suivant sur la liste, en même temps que<br />

mon ami Quintus. Ensuite, il y a plusieurs promotions possibles dans ce gra<strong>de</strong>, et c'est le plus loin que je<br />

puisse aller.<br />

- Pourquoi ?<br />

Lucilla était vraiment intriguée.<br />

- Parce qu'il faut être né dans la haute-société romaine pour être tribun ou général. On m'a fait l'honneur<br />

<strong>de</strong> m'accor<strong>de</strong>r la citoyenneté romaine et c'est la raison pour laquelle j'ai le droit <strong>de</strong> rester dans la légion.<br />

Mais, être né dans une province romaine ne vous autorise pas à être un militaire <strong>de</strong> haut gra<strong>de</strong>.<br />

La perplexité fit froncer les sourcils <strong>de</strong> Lucilla.<br />

- Mais, qu'en est-il <strong>de</strong> l'Empereur Trajan ? Il était né en Espagne et il a eu une haute et brillante carrière<br />

militaire avant <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir César !<br />

Ce fut au tour <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong> froncer les sourcils.<br />

- Je suppose qu'il doit y avoir un moyen <strong>de</strong> contourner les obstacles si on le désire vraiment.<br />

- Avez-vous participé à une bataille ?<br />

- Pas encore, mais je m'attends à ce que cela se produise bientôt. Quand votre père doit-il arriver ?<br />

- Dans une semaine ou plus, je crois. Il s'arrête en chemin pour inspecter les légions. Les familles sont<br />

venues directement ici.<br />

- En ce moment, nous nous entraînons pour mettre en place une bataille simulée quand il arrivera. Le<br />

Général Patroclus veut lui faire bonne impression.<br />

- Participerez-vous à cette bataille ?<br />

- Bien sûr.<br />

L'étreinte <strong>de</strong> Lucilla sur son bras se resserra.<br />

- Cela sera dangereux ?<br />

- On peut être blessés. Les choses peuvent <strong>de</strong>venir vraiment intenses, même quand les 'ennemis' sont<br />

d'autres soldats <strong>de</strong> votre propre légion.<br />

- Que ferez-vous ?<br />

- Darius veut que moi et Quintus combattions l'un contre l'autre. Nous sommes d'une force égale, alors le<br />

combat sera loyal.<br />

- Qui gagne n'a pas vraiment d'importance, n'est-ce pas ?, <strong>de</strong>manda Lucilla avec espoir.<br />

- Cela a énormément d'importance. L'honneur est en jeu. L'honneur <strong>de</strong>s soldats et <strong>de</strong>s centurions qui les<br />

comman<strong>de</strong>nt.<br />

19


Sentant l'angoisse <strong>de</strong> Lucilla, il changea <strong>de</strong> sujet.<br />

- Racontez-moi ce que vous avez fait <strong>de</strong>puis que je vous ai vue en Espagne.<br />

Lucilla soupira.<br />

- Pas grand-chose.<br />

<strong>Maximus</strong> s'arrêta et la regarda.<br />

- Pas grand chose ?<br />

(1) Adjoint du centurion (équivalent d'adjudant)<br />

(2) Transmet aux soldats le mot d'ordre du général<br />

(3) Soldat attaché à un centurion (ordonnance)<br />

- Je suppose que vous pensez que je mène une vie excitante et prestigieuse.<br />

Elle rit sèchement à l'acquiescement <strong>de</strong> son compagnon.<br />

- C'est tout le contraire. Je suis beaucoup plus protégée que la plupart <strong>de</strong>s femmes <strong>de</strong> mon âge. Je<br />

m'ennuie à mourir. Venir ici est la première aventure qui m'arrive <strong>de</strong>puis mon voyage en Espagne.<br />

- Vous rencontrez sûrement beaucoup <strong>de</strong> gens ?<br />

- Des politiciens assez vieux pour être mon père.<br />

<strong>Maximus</strong> détecta une note d'amertume dans sa voix.<br />

- Et leurs ennuyeuses familles. Les gens vraiment intéressants sont dans les rues <strong>de</strong> Rome et je n'ai pas<br />

le droit <strong>de</strong> me mêler à eux. C'est peut être pour cela que je vous apprécie autant.<br />

Sa voix était presque timi<strong>de</strong>, à présent.<br />

- Vous êtes si réel. Vous avez eu une vraie famille. Vous avez <strong>de</strong> vrais amis qui vous aiment pour ce que<br />

vous êtes et non pour ce que vous représentez. De bien <strong>de</strong>s façons, vous connaissez bien plus <strong>de</strong> choses<br />

que moi sur la vie, <strong>Maximus</strong>.<br />

Une plainte venant <strong>de</strong> <strong>de</strong>rrière les fit s'arrêter et ils se retournèrent d'un bloc pour voir le chien qui s'assit<br />

immédiatement sur son arrière-train. <strong>Maximus</strong> s'accroupit et le caressa doucement.<br />

- Je ne m'étais pas rendu compte que nous étions allés si loin. C'est beaucoup trop pour lui, à présent.<br />

Il leva les yeux vers Lucilla.<br />

- Cela vous dérangerait-il si nous nous asseyons quelques instants ?<br />

- Pas du tout. Où ?<br />

Il se releva et désigna l'arrière d'une rangée <strong>de</strong> tentes à sa droite.<br />

- Il y a <strong>de</strong>s souches sur les côtés <strong>de</strong>s intervalles.<br />

- Je vous suis.<br />

<strong>Maximus</strong> se dirigea entre <strong>de</strong>ux tentes, suivi <strong>de</strong> près par Lucilla mais ils furent arrêtés à nouveau par un<br />

aboiement frénétique. Hercule ne voulait pas bouger, mais il ne voulait pas non plus que ses compagnons<br />

s'en aillent. Lucilla éclata <strong>de</strong> rire lorsque <strong>Maximus</strong> lui ordonna <strong>de</strong> se taire sans aucun résultat.<br />

- Chien borné, grogna le soldat.<br />

- Il a l'air d'avoir mal, <strong>Maximus</strong>. Pourquoi ne le portez-vous pas ?<br />

Lucilla plaisantait mais <strong>Maximus</strong> releva le chien, mit rapi<strong>de</strong>ment un genoux à terre, glissa sa tête <strong>sous</strong> le<br />

ventre <strong>de</strong> l'animal et hissa un Hercule abasourdi sur ses larges épaules, avec les pattes du chien dans<br />

chacune <strong>de</strong> ses mains sur sa poitrine.<br />

Ravie, Lucilla se mit à applaudir, tout comme les hommes qui pouvaient apercevoir le séduisant jeune<br />

couple.<br />

<strong>Maximus</strong> inclina la tête avec un air faussement sérieux puis se dirigea ver la gran<strong>de</strong> zone dégagée au<br />

milieu <strong>de</strong>s tentes, Hercule sur ses épaules ayant l'air d'une cape <strong>de</strong> fourrure épaisse avec la queue<br />

frétillante. Il déposa le chien sur le sol à côté d'une souche puis offrit le siège à Lucilla avant <strong>de</strong> s'asseoir<br />

dans l'herbe à ses pieds.<br />

- Au moins, il ne chassera pas les moutons, dit <strong>Maximus</strong> en désignant les animaux qui raccourcissaient<br />

l'herbe en la broutant.<br />

- Est-ce là que la bataille va se dérouler ?<br />

- Oui, juste ici.<br />

- Mon frère va adorer. Il aime tout ce qui se termine par une blessure ou la mort. Je ne sais pas pourquoi,<br />

mais ça l'excite. Il voudra sûrement participer. Il se considère comme un vrai combattant, vous savez.<br />

- Il est vraiment très jeune pour cela.<br />

- Oui, mais il voit cela tout le temps. Ma mère l'emmène voir les jeux du cirque et ils passent toute la<br />

journée à s'amuser en regardant <strong>de</strong>s gens mourir. Puis ma mère...<br />

- Oui ?<br />

Lucilla secoua la tête.<br />

- Rien.<br />

Elle regarda les hautes branches <strong>de</strong>s grands arbres par-<strong>de</strong>ssus l'enceinte du camp.<br />

- Qu'y a t-il au <strong>de</strong>hors ?<br />

- Dans cette direction, le Danube. C'est très large, très profond et très froid.<br />

- J'aimerais le voir.<br />

- Je doute qu'on me permette <strong>de</strong> vous emmener là-bas. L'ennemi est juste sur l'autre rive du fleuve.<br />

Parfois, on peut les entendre la nuit se crier <strong>de</strong>s ordres.<br />

- <strong>Maximus</strong>, je veux vraiment y aller.<br />

- Peut être, si un contingent <strong>de</strong> prétoriens nous y accompagne.<br />

- Non. Juste vous et moi.<br />

- C'est impossible, Lucilla.<br />

20


- Ne serais-je pas en sécurité avec vous ?<br />

<strong>Maximus</strong> hésita.<br />

- Bien sûr. Mais nous n'arriverions même pas à passer la porte, alors n'y songez même pas.<br />

Lucilla se tût un moment puis dit très doucement.<br />

- Je suis aussi gran<strong>de</strong> que vous, <strong>Maximus</strong>. Pas très étoffée, mais gran<strong>de</strong>. Avec mes cheveux cachés <strong>sous</strong><br />

un casque, je pourrais...<br />

- N'y pensez même pas.<br />

- Pourquoi pas ? Oh, <strong>Maximus</strong>, j'ai vraiment besoin d'un peu d'animation dans ma vie. Vous n'avez pas<br />

idée <strong>de</strong> ce que c'est d'être la fille d'un empereur.<br />

- Si nous étions pris, je serais démobilisé dans le déshonneur... après que chaque centimètre <strong>de</strong> ma peau<br />

ait été arraché <strong>de</strong> mon corps.<br />

- Nous ne serons pas pris.<br />

<strong>Maximus</strong> resta silencieux en regardant les arbres lointains, sa main caressant distraitement l'épaisse<br />

fourrure du chien. Prenant son silence pour un fléchissement <strong>de</strong> sa volonté, Lucilla se fit enjôleuse.<br />

- Je ne risquerais pas votre carrière ou votre sécurité, <strong>Maximus</strong>. Vous le savez. Mais je suis certaine que<br />

nous ne serons pas pris. Nous n'avons pas besoin <strong>de</strong> rester longtemps <strong>de</strong>hors.<br />

Le visage <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> resta résolu.<br />

Lucilla avança une main hésitante jusqu'à ce que l'extrémité <strong>de</strong> ses doigts effleure les cheveux sur sa<br />

nuque. Son effleurement envoya une décharge électrique à travers le corps <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et il fut rivé au<br />

sol, les membres faibles. Ses doigts remontèrent dans ses cheveux puis re<strong>de</strong>scendirent <strong>de</strong>rrière son cou,<br />

explorant la chair inconnue.<br />

Inconsciemment, il inclina légèrement la tête, encourageant la caresse, et ses yeux se fermèrent.<br />

Ses doigts retournèrent dans ses cheveux puis parcoururent la peau sensible <strong>de</strong>rrière une oreille, le<br />

faisant légèrement frissonner.<br />

Lucilla était surprise <strong>de</strong> sa réaction à son contact tendre. Elle aima que ce soldat fort et soli<strong>de</strong> puisse<br />

s'attendrir un peu avec une légère caresse. Oubliant les possibles observateurs, Lucilla poursuivit son<br />

exploration du cou <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, se servant <strong>de</strong> son pouce et <strong>de</strong>s ses autres doigts pour masser gentiment<br />

le muscle <strong>de</strong> la naissance <strong>de</strong> ses cheveux jusqu'à son épaule, jusqu'à ce qu'elle ne puisse aller plus loin<br />

<strong>sous</strong> la lour<strong>de</strong> armure.<br />

Elle se pencha et approcha sa bouche tout près <strong>de</strong> son oreille, remarquant que ses yeux étaient fermés.<br />

- Pourquoi portes-tu toute cette armure ?<br />

La voix profon<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était ensommeillée.<br />

- Manifestement pour me protéger <strong>de</strong> toi.<br />

Elle sourit avant d'embrasser rapi<strong>de</strong>ment la peau si sensible <strong>de</strong>rrière son oreille, puis se rassit, la main<br />

toujours sur son cou.<br />

Elle aimait le toucher <strong>de</strong> sa peau, comme <strong>de</strong> la soie sur du roc. Elle n'avait jamais touché un homme <strong>de</strong><br />

cette façon auparavant et n'était pas désireuse d'arrêter. Et c'était l'homme qu'elle avait envie <strong>de</strong> toucher.<br />

<strong>Maximus</strong> soupira profondément et secoua légèrement la tête pour chasser sa langueur mais il savait qu'il<br />

avait perdu la bataille. Le pouce <strong>de</strong> Lucilla faisait toujours <strong>de</strong>s merveilles <strong>sous</strong> son oreille.<br />

Au cours <strong>de</strong> ses relations avec les femmes <strong>de</strong>s environs, il n'avait jamais rien connu <strong>de</strong> pareil. Ces unions<br />

avaient été directes et rapi<strong>de</strong>s, avec le moins <strong>de</strong> contact possible. Il n'avait pas connu une tendresse<br />

comme celle-là <strong>de</strong>puis qu'il était enfant, avec sa mère, et cela lui avait manqué. Il n'avait jamais réalisé à<br />

quel point cela lui avait manqué.<br />

Toujours assis par-terre, il se tourna pour lui faire face, ses yeux dans les siens. La main <strong>de</strong> Lucilla était à<br />

présent sur le <strong>de</strong>vant <strong>de</strong> son cou et elle sentit la pulsation <strong>de</strong> son coeur <strong>sous</strong> sa paume. Ses doigts<br />

explorèrent la dureté <strong>de</strong> sa barbe puis remontèrent sur la ligne <strong>de</strong> sa mâchoire pour caresser les poils qui<br />

étaient plus longs et plus doux à cet endroit.<br />

Aucun ne parla pendant un long moment puis <strong>Maximus</strong> brisa le silence.<br />

- La seule façon dont ça pourrait marcher, ça serait que j'entre dans le praetorium avec un ami. Cet ami te<br />

donnerais son amure et tu sortirais avec moi, déguisée en lui.<br />

Lucilla fit un grand sourire.<br />

- J'aime la façon dont vous pensez, soldat.<br />

Ses doigts allèrent sur ses lèvres.<br />

- Le problème est <strong>de</strong> trouver un ami assez idiot pour participer à ce plan ridicule.<br />

Le ton léger <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> compensait la dureté <strong>de</strong> ses mots. Il finit par saisir la main <strong>de</strong> Lucilla et embrassa<br />

doucement ses doigts un par un.<br />

- Je suis sûre que tu n'auras aucun problème.<br />

La voix <strong>de</strong> Lucilla était entrecoupée.<br />

<strong>Maximus</strong> secoua à nouveau la tête, s'interrogeant sur sa santé mentale.<br />

Il remit la main <strong>de</strong> Lucilla sur ses genoux.<br />

- D'accord. Demain soir juste après la tombée <strong>de</strong> la nuit. Sois prête.<br />

- Merci, <strong>Maximus</strong>. Je suis impatiente.<br />

Avec le chien à nouveau sur ses épaules, <strong>Maximus</strong> et Lucilla retournèrent au praetorium à l'entrée duquel<br />

il lui dit au revoir. Juste avant <strong>de</strong> se détourner, elle scella leur plan avec un sourire et un clin d'oeil.<br />

21


Chapitre 14 : Dehors<br />

Lucilla se sentait <strong>de</strong>venir folle. La nuit était presque tombée et Commo<strong>de</strong> était encore allongé en travers<br />

<strong>de</strong> son lit.<br />

Il était là <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s heures, et Lucilla avait d'abord été compréhensive, sachant que le garçon s'ennuyait<br />

autant qu'elle. Elle l'avait distrait avec <strong>de</strong>s histoires <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s conquêtes romaines et lui avait parlé <strong>de</strong> la<br />

démonstration <strong>de</strong> bataille à venir qui se déroulerait à l'arrivée <strong>de</strong> leur père.<br />

Mais à présent, il fallait qu'il parte.<br />

- Commo<strong>de</strong>, chéri, je suis très fatiguée et j'aimerais me reposer.<br />

Il se déplaça sur le lit et tapota la place à côté <strong>de</strong> lui.<br />

- Tu peux t'allonger ici, Lucilla.<br />

Bien qu'il n'ait que 14 ans, son désir d'être physiquement près d'elle la mettait franchement mal à l'aise.<br />

Elle se força à sourire.<br />

- Mon frère, il est temps que tu retournes dans ta chambre pour que je puisse me reposer.<br />

Commo<strong>de</strong> toucha le peignoir qui avait été négligemment jeté sur le lit à côté <strong>de</strong> lui avant <strong>de</strong> dire :<br />

- Alors embrasse-moi pour me souhaiter bonne nuit et promets-moi que tu passeras du temps avec moi<br />

<strong>de</strong>main matin.<br />

Son ton changea pour <strong>de</strong>venir accusateur, teinté d'amertume.<br />

- Hier, tu as passé tout l'après-midi avec <strong>Maximus</strong> et tu m'as laissé tout seul ici.<br />

- Je sais mon chéri mais, <strong>de</strong>main, je m'arrangerai pour que <strong>Maximus</strong> passe du temps avec nous <strong>de</strong>ux. Tu<br />

aimerais ?<br />

- Peut-on aller à cheval ?<br />

- Je ne sais pas. Je vais <strong>de</strong>voir lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r.<br />

Commo<strong>de</strong> eut immédiatement un air suspicieux.<br />

- Et quand le verras-tu pour lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r ?<br />

- Je vais lui envoyer un message, chéri. Maintenant, s'il te plaît, je voudrais me coucher.<br />

Commo<strong>de</strong> ne bougea pas et tourna son visage vers sa soeur.<br />

- Je n'aime pas être seul la nuit.<br />

- Je sais, mais tu es entouré <strong>de</strong> personnes qui t'aiment, Commo<strong>de</strong>. Il n'y a pas <strong>de</strong> raisons d'avoir peur.<br />

Le garçon finit par se lever et Lucilla retint son souffle.<br />

- Souhaite-moi bonne nuit, <strong>de</strong>manda-t-il.<br />

Il s'approcha <strong>de</strong> sa soeur qui le dépassait <strong>de</strong> 10 bons centimètres. Comme à l'accoutumée, elle posa ses<br />

mains sur ses joues et effleura <strong>de</strong> ses lèvres le sommet <strong>de</strong> sa tête.<br />

- Va, maintenant.<br />

Commo<strong>de</strong> se dirigea à contre coeur vers la sortie et Lucilla retint à nouveau sa respiration. Il se retourna et<br />

dit :<br />

- N'oublie pas pour <strong>de</strong>main.<br />

Elle sourit.<br />

- Non, Commo<strong>de</strong>. Bonne nuit, mon frère.<br />

Il était parti. Lucilla ne s'était pas rendu compte qu'elle avait retenu son souffle jusqu'à ce qu'il s'échappe<br />

<strong>de</strong> sa bouche d'un seul coup.<br />

A présent, elle avait juste à attendre que <strong>Maximus</strong> arrive avec son ami. Elle ne doutait pas qu'il le ferait car<br />

il lui avait donné sa promesse. Elle avait vraiment hâte <strong>de</strong> le revoir.<br />

Le rôle <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> dans cette aventure n'était pas le plus facile.<br />

Il avait trouvé un jeune soldat qui était grand et mince et l'avait convaincu <strong>de</strong> prendre part à cette<br />

mascara<strong>de</strong>, avec l'intention <strong>de</strong> prendre sur lui toute la faute si leur tromperie était découverte.<br />

<strong>Maximus</strong> n'était pas certain que Petronius comprenait le danger potentiel <strong>de</strong> ce qu'ils allaient faire. Il avait<br />

plutôt l'air <strong>de</strong> considérer cela comme une farce. Le garçon idolâtrait <strong>Maximus</strong> et aurait fait n'importe quoi<br />

pour lui.<br />

Les <strong>de</strong>ux hommes étaient vêtus <strong>de</strong> leurs tuniques et <strong>de</strong> leurs caleçons <strong>de</strong> laine brune avec leur armure <strong>de</strong><br />

métal par-<strong>de</strong>ssus. <strong>Maximus</strong> avait son casque à la main et Petronius le portait sur sa tête. Le casque<br />

couvrait ses joues et son menton, cachant presque son visage.<br />

- Petronius, arrête <strong>de</strong> sourire, ordonna <strong>Maximus</strong>, et le jeune soldat lutta pour mettre une expression<br />

sérieuse sur son visage.<br />

Les <strong>de</strong>ux étaient sans armes mais <strong>Maximus</strong> avait caché <strong>de</strong>ux épées juste à l'extérieur, près <strong>de</strong> la porte<br />

arrière du camp. Comme d'habitu<strong>de</strong>, il avait une dague cachée dans sa botte. Sous son bras, il portait une<br />

sacoche en cuir qui contenait tous les détails <strong>de</strong>s préparations <strong>de</strong> son centurion pour la simulation <strong>de</strong><br />

bataille que Darius lui avait <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> porter au général. Et ce soir était le bon moment pour le faire.<br />

Juste après le coucher du soleil, les <strong>de</strong>ux soldats approchèrent <strong>de</strong> l'entrée du praetorium. Petronius garda<br />

la tête légèrement baissée comme <strong>Maximus</strong> le lui avait <strong>de</strong>mandé et c'était ce <strong>de</strong>rnier qui allait parler.<br />

Ils furent stoppés comme ils s'y attendaient, mais purent passer lorsque <strong>Maximus</strong> eut expliqué sa mission.<br />

Il se dirigea vers la tente du général et Petronius, suivant les ordres <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, fila pour trouver Lucilla.<br />

<strong>Maximus</strong> ne voulait pas rester parler au général cette nuit alors il remit les documents à un ai<strong>de</strong> puis se<br />

dirigea vers les quartiers <strong>de</strong> Lucilla, prenant son temps et saluant les soldats qu'il rencontrait en chemin.<br />

Après un temps étonnement court, il fut rejoint par son compagnon qui lui emboîta le pas. <strong>Maximus</strong><br />

s'immobilisa momentanément quand un parfum suave lui parvint et il pria pour que les gar<strong>de</strong>s ne le<br />

remarquent pas. Il tendit la main pour signaler à Lucilla qu'elle <strong>de</strong>vait s'arrêter, il attendit que la porte soit<br />

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encombrée d'hommes sortant du praetorium puis lui fit signe <strong>de</strong> le suivre rapi<strong>de</strong>ment. Ils se mêlèrent aux<br />

autres et quittèrent le praetorium sans encombres.<br />

<strong>Maximus</strong> osa jeter un oeil sur elle seulement à cet instant. Ses lèvres tremblèrent quand il vit l'armure <strong>de</strong><br />

Petronius lui allant presque parfaitement et <strong>de</strong>s parties <strong>de</strong> sa peau douce et crémeuse <strong>sous</strong> le casque.<br />

Ses cheveux étaient totalement cachés et, à moins d'y regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> très près, personne n'aurait pu <strong>de</strong>viner<br />

qu'elle était tout sauf un très jeune soldat.<br />

<strong>Maximus</strong> dit doucement :<br />

- Suis-moi et ne dis pas un mot.<br />

Il se dirigea vers l'issue arrière du camp avec Lucilla juste <strong>de</strong>rrière lui, si proche qu'il aurait pu jurer qu'il<br />

sentait sa chaleur à travers leurs armures.<br />

<strong>Maximus</strong> salua les gar<strong>de</strong>s à la porte et ne fut pas interrogé, exactement comme il l'avait pensé.<br />

Une fois <strong>de</strong>hors, il s'empara <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux épées d'un mouvement rapi<strong>de</strong> puis ils <strong>de</strong>scendirent vers le fleuve<br />

par un vieux chemin.<br />

<strong>Maximus</strong> ralentit légèrement, conscient que Lucilla n'était pas habituée à l'énorme poids du métal sur ses<br />

épaules et il sentit sa main effleurer la sienne.<br />

- Bonsoir ma Dame, murmura-t-il.<br />

- Bonsoir Monsieur, répondit Lucilla, un sourire dans la voix. Cela s'est déroulé sans anicroche.<br />

- Oui, mais ça ne sera pas si facile <strong>de</strong> revenir à l'intérieur.<br />

- Nous nous inquiéterons <strong>de</strong> cela quand le moment sera venu. <strong>Maximus</strong>, puis-je enlever cette abominable<br />

armure maintenant ?<br />

- Pas encore. Pas jusqu'à ce qu'il n'y ait plus <strong>de</strong> risque qu'on nous voit <strong>de</strong>puis les murs du camp et que je<br />

sois sûr que personne d'autre n'est <strong>de</strong>hors cette nuit.<br />

Il continua le long du chemin qui se rétrécissait légèrement à présent. Il y avait <strong>de</strong> grands roseaux <strong>de</strong><br />

chaque côté et les broussailles <strong>de</strong>rrière avaient l'air <strong>de</strong>nse dans la lumière <strong>de</strong> la lune.<br />

<strong>Maximus</strong> saisit soudainement la main <strong>de</strong> Lucilla et l'entraîna vers la gauche, sur un étroit chemin qu'elle<br />

n'avait même pas remarqué. Il était juste assez large pour une seule personne et était totalement dissimulé<br />

par <strong>de</strong>s broussailles et <strong>de</strong>s herbes hautes qui s'accrochaient à leurs jambes et à leurs armures.<br />

<strong>Maximus</strong> pouvait entendre sa respiration saccadée <strong>de</strong>rrière lui mais il ne s'arrêta pas jusqu'à ce qu'ils aient<br />

atteint une petite zone dégagée et Lucilla entrevit un large bras d'eau qui reflétait la pleine lune sur sa<br />

surface ridée.<br />

Alors qu'elle s'extasiait <strong>de</strong>vant le paysage, <strong>Maximus</strong> lui enleva son casque et le déposa sur le sol avant <strong>de</strong><br />

prendre sa tête dans ses mains, glissant ses doigts dans ses cheveux jusqu'à ce que ses boucles<br />

casca<strong>de</strong>nt dans son dos. Tenant toujours sa tête, il approcha son visage du sien et effleura doucement ses<br />

lèvres.<br />

- Je ne sais pas pourquoi, murmura-t-il, mais tu as l'air encore plus belle dans une armure <strong>de</strong> soldat.<br />

Elle sourit <strong>de</strong> plaisir à son compliment et se serra contre lui mais le métal résonna contre le métal et elle<br />

aurait tout aussi bien pu se tenir contre un poteau. <strong>Maximus</strong> rit doucement.<br />

- Suis-moi.<br />

En quelques pas, ils atteignirent une petite plage entourée <strong>de</strong> grands arbres avec <strong>de</strong>s branches qui<br />

s'étendaient loin au-<strong>de</strong>ssus du fleuve. A la base d'un <strong>de</strong>s troncs, il y avait <strong>de</strong> larges rochers lisses. Comme<br />

Lucilla regardait le fleuve, <strong>Maximus</strong> dégrafa rapi<strong>de</strong>ment son armure et l'enleva puis ôta la sienne, les<br />

déposant précautionneusement contre les rochers. Elle se jeta dans ses bras, ses seins pressés contre<br />

son torse. Un <strong>de</strong> ses bras robustes encercla sa taille et l'autre vint en travers <strong>de</strong> son dos, sa main tenant<br />

sa tête quand il entrouvrit ses lèvres pour un tendre baiser. Il caressa ses lèvres encore et encore jusqu'à<br />

ce qu'il la sente trembler. Il pressa son visage contre son épaule et la serra très fort dans ses bras.<br />

- Qu'y a t-il, ma douce ?<br />

- On ne m'avait jamais embrassé avant, répondit-elle d'une voix étouffée. Aucun homme n'a jamais osé.<br />

- Ai-je outrepassé mes limites ?<br />

Lucilla leva la tête et regarda dans ses yeux assombris.<br />

- Non. Elle sourit. J'espérais que tu ferais cela. C'est juste que je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi<br />

merveilleux.<br />

Elle caressa sa joue.<br />

- J'aimerais que le temps se suspen<strong>de</strong> et que nous restions ici pour toujours. Juste nous <strong>de</strong>ux.<br />

Elle se serra contre lui et entrouvrit les lèvres, <strong>de</strong>mandant un autre baiser.<br />

Mais <strong>Maximus</strong> la prit par la main et l'entraîna vers le rocher lisse <strong>sous</strong> l'énorme chêne où il s'assit avec son<br />

dos contre le tronc, les genoux écartés. Elle s'assit entre ses jambes et blottit son dos contre sa large<br />

poitrine, sa tête reposant sur son épaule. <strong>Maximus</strong> mit ses bras autour d'elle, juste en-<strong>de</strong>s<strong>sous</strong> <strong>de</strong> sa<br />

poitrine et elle enveloppa ses bras avec les siens.<br />

Ils restèrent silencieux un moment, écoutant les bruits nocturnes : le clapotis <strong>de</strong> l'eau, le hululement d'un<br />

hibou au loin, la brise murmurant dans les branches au-<strong>de</strong>ssus d'eux. Lucilla tourna son visage vers le<br />

sien.<br />

- Tu m'as appelé 'ma douce'.<br />

- Oui.<br />

- Pourquoi ?<br />

<strong>Maximus</strong> haussa les épaules.<br />

- Parce que tu l'es.<br />

- Très peu <strong>de</strong> personnes m'appelleraient ainsi. Beaucoup trouvent que je m'emporte facilement et que je<br />

23


suis une manipulatrice.<br />

- Eh bien, j'ai vu la façon dont tu as manoeuvré avec les gar<strong>de</strong>s prétoriens l'autre jour mais je dois<br />

admettre que j'ai plutôt aimé. Tu les as remis à leur place, alors je sais ce dont tu es capable. Mais, tu as<br />

toujours été douce avec moi.<br />

- Je me sens tellement différente quand je suis avec toi, <strong>Maximus</strong>. Je me sens tellement seule, sauf quand<br />

je suis avec toi. Tu seras toujours là pour moi, n'est-ce pas ?<br />

- Oui.<br />

- Tu me le promets ?<br />

- Oui, je te le promets.<br />

<strong>Maximus</strong> embrassa le bout <strong>de</strong> son nez puis mit un doigt <strong>sous</strong> son menton, levant son visage pour un autre<br />

baiser. Elle le surprit en se tournant jusqu'à ce qu'un <strong>de</strong> ses seins vienne se presser contre lui et elle<br />

entrouvrit la bouche sans hésitation.<br />

Cette fois, <strong>Maximus</strong> caressa le bout <strong>de</strong> sa langue avec la sienne et fut heureux <strong>de</strong> l'entendre soupirer sans<br />

sembler vouloir interrompre le baiser. Il l'approfondit jusqu'à ce que leurs langues s'entrelacent et il aspira<br />

doucement la sienne dans sa bouche. Lucilla en fit rapi<strong>de</strong>ment autant et le baiser <strong>de</strong>vint extrêmement<br />

ar<strong>de</strong>nt.<br />

Quand il voulut arrêter, Lucilla saisit son visage entre ses mains pour <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r que le baiser continue.<br />

Alors que sa langue explorait la bouche <strong>de</strong> Lucilla, la main <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> remonta dans son dos puis alla sur<br />

son flanc jusqu'à ce qu'elle se referme sur son sein, son pouce caressant le mamelon dressé à travers le<br />

tissu <strong>de</strong> la tunique. Lucilla gémit et <strong>Maximus</strong> glissa inconfortablement sur le rocher. Son cerveau lui<br />

envoya <strong>de</strong>s signaux d'alerte pour lui dire que c'était en train d'aller trop loin mais son corps refusa <strong>de</strong> les<br />

prendre en compte. Sans interrompre le baiser, la main <strong>de</strong> Lucilla tira fiévreusement le bas <strong>de</strong> la tunique<br />

<strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> puis remonta <strong>de</strong>s<strong>sous</strong> jusqu'à ce que ses doigts trouvent la peau douce <strong>de</strong> son dos. Il<br />

frissonna quand ses ongles raclèrent son épi<strong>de</strong>rme.<br />

Il s'arracha au baiser pour chercher son souffle et les lèvres <strong>de</strong> Lucilla vinrent se poser sur sa gorge<br />

pendant que la main du jeune homme laissait son sein pour chercher le bas <strong>de</strong> sa tunique.<br />

Soudain, il se figea. Ses yeux ne s'étaient entrouverts que momentanément mais cela avait suffi pour<br />

alerter son cerveau <strong>de</strong> soldat.<br />

- Lucilla, arrête ! Arrête !, murmura-t-il sèchement. Nous avons <strong>de</strong> la visite.<br />

Abasourdie, elle se tourna dans ses bras pour suivre son regard sur le fleuve où elle vit quelque chose <strong>de</strong><br />

sombre sur l'eau. Qui s'avançait très rapi<strong>de</strong>ment vers eux.<br />

- Qu'est-ce que c'est ?<br />

- Un canot.<br />

<strong>Maximus</strong> réajustait déjà ses vêtements sans que ses yeux quittent la forme noire.<br />

- Quatre, peut être cinq hommes. Des germains. Venant espionner, je présume. Ils ne sont pas assez pour<br />

une attaque mais ce ne sont peut être que les éclaireurs. Ils ne peuvent pas nous voir <strong>sous</strong> cet arbre et ils<br />

ne s'atten<strong>de</strong>nt pas à ce que nous soyons là, mais nous aurons <strong>de</strong>s ennuis quand ils nous apercevront.<br />

Lucilla, je n'ai pas le temps <strong>de</strong> te ramener dans l'enceinte du camp.<br />

<strong>Maximus</strong> maudit violemment sa stupidité pour l'avoir emmenée ici.<br />

- Remets vite ton armure, accroupis-toi <strong>de</strong>rrière ce rocher et reste-y. Ne fais aucun bruit quoiqu'il arrive. Tu<br />

me comprends ? Quoiqu'il arrive.<br />

- Tu vas chercher <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> ?<br />

- Je n'ai pas assez <strong>de</strong> temps pour ça. Le temps que j'aille chercher <strong>de</strong>s renforts, ils pourraient être<br />

n'importe où dans les bois et nous ne les retrouverions pas. Je dois les gar<strong>de</strong>r à portée <strong>de</strong> vue.<br />

Maintenant, fais comme je t'ai dis et ne fais pas un bruit.<br />

<strong>Maximus</strong> la repoussa un peu brusquement, lui passa son armure en la fixant soli<strong>de</strong>ment puis lui mit son<br />

casque, ne se préoccupant pas <strong>de</strong>s boucles <strong>de</strong> cheveux dans son dos.<br />

Quand elle fut <strong>de</strong>rrière le rocher, <strong>Maximus</strong> avait remis sa propre armure, sauf le casque, et <strong>de</strong>ux épées<br />

étaient serrées dans sa main droite.<br />

Il semblait qu'il allait finalement expérimenter le combat réel une nuit où il avait espéré tout, sauf cela.<br />

Chapitre 15 : L'Attaque<br />

Avec les <strong>de</strong>ux épées dans une main, <strong>Maximus</strong> sauta pour atteindre la branche la plus basse du chêne et<br />

se hissa dans les branches où poussaient <strong>de</strong> nouvelles feuilles. Puis, il grimpa rapi<strong>de</strong>ment plus haut<br />

jusqu'à ce qu'il ait une bonne vue sur la plage et le fleuve en-<strong>de</strong>s<strong>sous</strong>. Avant <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r ce qu'il allait faire,<br />

il <strong>de</strong>vait savoir qui il allait affronter.<br />

Comme le canot s'approchait silencieusement, il put compter quatre hommes, chacun avec une épée mais<br />

sans boucliers. Ils avaient l'air d'être armés légèrement pour se déplacer silencieusement et rapi<strong>de</strong>ment à<br />

travers la forêt. Et escala<strong>de</strong>r l'enceinte d'un camp.<br />

Il sembla à <strong>Maximus</strong> que les hommes étaient gigantesques. Ils faisaient au moins sa taille et étaient <strong>de</strong>ux<br />

fois plus larges. Il sut que la seule façon <strong>de</strong> s'en sortir serait avec une attaque surprise qui en tuerait au<br />

moins <strong>de</strong>ux.<br />

Ils se rapprochaient <strong>de</strong> plus en plus vite et <strong>Maximus</strong> essaya <strong>de</strong> distinguer quel homme pouvait être le chef<br />

du petit groupe car c'était celui-là qu'il voulait en premier. L'éliminer pourrait jeter le désarroi chez les<br />

autres. Deux hommes ramaient, un était assis pendant qu'un autre était <strong>de</strong>bout et faisait <strong>de</strong>s gestes aux<br />

autres. C'était cet homme.<br />

Choisissant une branche soli<strong>de</strong>, <strong>Maximus</strong> progressa <strong>de</strong>ssus jusqu'à ce qu'il arrive presque à l'extrémité,<br />

24


son ventre écrasé contre le bois <strong>sous</strong> lui, les <strong>de</strong>ux bras libres. Il équilibra une épée dans sa main droite et<br />

attendit jusqu'à ce que le canot soit à sa portée.<br />

Le son d'une épée lancée vint trop tard pour alerter les germains qui levèrent la tête juste à temps pour<br />

voir le métal étincelant tournoyer avant <strong>de</strong> se planter violemment dans le coeur <strong>de</strong> l'homme qui était<br />

<strong>de</strong>bout. La bouche ouverte dans un cri muet, il bascula hors <strong>de</strong> l'embarcation avec <strong>de</strong>s éclaboussures.<br />

Les autres bondirent sur leurs pieds avec l'épée tirée mais ils ne pouvaient voir leur assaillant. <strong>Maximus</strong><br />

les entendit discuter âprement, essayant probablement <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r si ils accostaient pour combattre leur<br />

ennemi invisible ou si ils retournaient d'où ils étaient venus. Malheureusement pour eux, ils firent le<br />

mauvais choix.<br />

Ils pagayèrent frénétiquement vers la rive, sautant dans l'eau alors qu'elle était encore à hauteur <strong>de</strong><br />

ceinture. Ils tirèrent le canot <strong>de</strong>rrière eux, le hissèrent sur la berge puis se mirent dos à dos, ruisselants<br />

d'eau, les épées dressées, cherchant <strong>Maximus</strong> avec leurs yeux, leurs oreilles et leur nez.<br />

<strong>Maximus</strong> sourit presque. Il doutait qu'ils puissent le sentir, mais il était certain que lui pouvait les flairer.<br />

Presque tranquillement, il choisit sa prochaine victime. Ca n'était pas l'homme le plus costaud mais il était<br />

correctement placé pour ce que le soldat <strong>de</strong> Rome envisageait <strong>de</strong> faire.<br />

Tirant silencieusement sa dague <strong>de</strong> sa botte, <strong>Maximus</strong> la lança vers le bas <strong>de</strong> toutes ses forces et l'homme<br />

le plus près <strong>de</strong> lui s'effondra comme une masse, la dague en travers <strong>de</strong> sa gorge.<br />

Sa <strong>de</strong>rnière arme à la main, <strong>Maximus</strong> sauta à terre, roula et se rétablit sur ses pieds, accroupi, un<br />

gron<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> rage sortant <strong>de</strong> sa gorge. Les <strong>de</strong>ux germains restant pivotèrent rapi<strong>de</strong>ment pour lui faire<br />

face et l'un d'entre eux sourit d'un air supérieur quand il réalisa que le soldat romain était seul.<br />

C'est le premier sur lequel <strong>Maximus</strong> s'avança. Faisant tournoyer son épée au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa tête, il<br />

l'abaissa vers le cou <strong>de</strong> l'homme mais le germain se mut rapi<strong>de</strong>ment pour la dévier et le métal rencontra le<br />

métal. <strong>Maximus</strong> réagit avec la vitesse <strong>de</strong> l'éclair pour libérer sa lame et frapper vers le haut cette fois, mais<br />

son mouvement fut également paré.<br />

Pendant qu'il se battait avec un homme, il gardait un oeil sur l'autre qui essayait <strong>de</strong> manoeuvrer pour se<br />

positionner <strong>de</strong>rrière lui afin <strong>de</strong> lancer une attaque <strong>de</strong> chaque côté.<br />

<strong>Maximus</strong> se déplaçait constamment pour conserver les <strong>de</strong>ux hommes dans son champ <strong>de</strong> vision tout en<br />

balançant et faisant pivoter son épée. Les hommes avaient l'air très bien entraînés et <strong>Maximus</strong> sut qu'il<br />

aurait l'avantage seulement lorsque l'un d'eux commettrait une erreur.<br />

Avoir un appui soli<strong>de</strong> sur le sable était difficile pour lui alors qu'il faisait pivoter son corps et son épée d'un<br />

côté et <strong>de</strong> l'autre, contenant les <strong>de</strong>ux hommes. Mais il était en position <strong>de</strong> défense à présent et ils avaient<br />

l'avantage.<br />

Il continua à grogner et gron<strong>de</strong>r sa fureur et sa rage, espérant déconcerter ses opposants, mais ils tenaient<br />

le rythme. Faisant passer son épée d'une main à l'autre pour conserver son énergie, il se rendit compte<br />

qu'ils étaient en train <strong>de</strong> le faire reculer vers l'eau où les vagues et le courant ralentiraient ses<br />

mouvements. Désespérément, il força son corps à décrire un mouvement en arc <strong>de</strong>scendant vers un <strong>de</strong>s<br />

hommes, son bras armé fendant furieusement, et fut satisfait d'entendre le germain hurler et <strong>de</strong> le voir<br />

lâcher son épée, agrippant son tibia en sang.<br />

A terre, <strong>Maximus</strong> saisit l'arme <strong>de</strong> l'homme blessé et roula plus loin juste avant que le germain toujours<br />

vali<strong>de</strong> enfonce sa lame dans le sable juste à l'endroit où <strong>Maximus</strong> se trouvait une secon<strong>de</strong> auparavant.<br />

Il fut <strong>de</strong>bout en un instant, une épée dans chaque main, leur faisant fendre l'air avec un air menaçant. Pour<br />

la première fois, il vit l'hésitation sur le visage <strong>de</strong> l'autre homme et il lança son attaque, repoussant son<br />

adversaire dans l'eau. Quand l'homme, terrifié à présent, trébucha légèrement, <strong>Maximus</strong> fondit sur lui,<br />

enfonçant une épée dans la gorge. La lame ressortit avec un gargouillis et le germain tomba lentement à<br />

genoux, ses yeux éteints grands ouverts. Il s'effondra tête la première dans l'eau sombre du fleuve.<br />

- <strong>Maximus</strong> ! Attention !<br />

Il pivota juste à temps pour voir l'homme blessé sauter sur lui avec un hurlement terrifiant. Basculant dans<br />

l'eau, juste sur le corps <strong>de</strong> l'homme qu'il venait <strong>de</strong> tuer, <strong>Maximus</strong> laissa tomber une <strong>de</strong>s épées qui coula<br />

rapi<strong>de</strong>ment. Un poing s'abattit sur sa mâchoire, faisant jaillir <strong>de</strong>s étoiles <strong>de</strong>vant ses yeux mais il resserra<br />

son étreinte sur sa <strong>de</strong>rnière épée et frappa le menton <strong>de</strong> son assaillant avec le pommeau. L'homme<br />

bascula momentanément en arrière, donnant à <strong>Maximus</strong> les quelques secon<strong>de</strong>s dont il avait besoin pour<br />

se reprendre, mais il n'était pas tout à fait <strong>de</strong>bout quand l'attaque reprit.<br />

Cette fois, les <strong>de</strong>ux hommes tombèrent dans le fleuve et se redressèrent en toussant et crachant <strong>de</strong> l'eau.<br />

<strong>Maximus</strong> avait toujours son épée mais, dans l'eau, cela semblait être un désavantage alors il la laissa<br />

tomber et décocha un crochet du droit dans le nez <strong>de</strong> son adversaire, une fois, puis <strong>de</strong>ux. Il entendit un<br />

craquement quand l'os se brisa et le sang jaillit sur eux <strong>de</strong>ux. Il envoya un grand coup <strong>de</strong> pied pour<br />

déséquilibrer l'homme ensanglanté puis sauta sur son dos, faisant lui plongeant la tête dans l'eau. Avec<br />

une main sur sa nuque, <strong>Maximus</strong> usa <strong>de</strong> tout son poids pour le maintenir <strong>sous</strong> l'eau jusqu'à ce qu'il cesse<br />

<strong>de</strong> lutter et que plus aucune bulle ne remonte à la surface.<br />

Epuisé et engourdi, il resta dans l'eau jusqu'aux hanches, fixant la surface. Derrière lui, il entendit Lucilla<br />

l'appeler. Il finit par se retourner et avança lentement jusqu'à la plage.<br />

Aussitôt, elle le serra fort dans ses bras, ses mains parcourant chaque partie <strong>de</strong> son corps qu'elle pouvait<br />

atteindre à la recherche d'une blessure.<br />

- Je vais bien. Je ne suis pas blessé.<br />

Sur ces mots rassurants, Lucilla se mit à sangloter et <strong>Maximus</strong> la serra doucement contre son corps<br />

trempé, la froi<strong>de</strong> armure entre eux. Il réalisa que cela avait été probablement aussi dur pour elle <strong>de</strong><br />

regar<strong>de</strong>r ce qui venait d'arriver sur la plage que cela l'avait été pour lui quand il s'était battu. Mais... Il avait<br />

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tué <strong>de</strong>s hommes cette nuit. Il avait tué <strong>de</strong>s hommes.<br />

Il avait tué <strong>de</strong>s hommes.<br />

Pendant l'entraînement, un jeune soldat se <strong>de</strong>mandait toujours si il pourrait vraiment faire cela à un autre<br />

homme, mais <strong>Maximus</strong> avait franchi cet obstacle. Il savait qu'il pouvait tuer <strong>de</strong>s hommes si cela s'avérait<br />

nécessaire.<br />

Lucilla pleurait doucement, à présent.<br />

- Je n'ai jamais rien vu d'aussi terrifiant... ou d'aussi merveilleux. <strong>Maximus</strong>, tu étais stupéfiant.<br />

- Eh bien, à présent, je suis juste gelé et fatigué. Je dois te ramener à l'intérieur du camp puis rapporter cet<br />

inci<strong>de</strong>nt. C'est une bonne chose que le vent souffle du sud cette nuit parce que sinon, la moitié du camp<br />

aurait entendu le combat et serait ici actuellement.<br />

Lucilla se servit <strong>de</strong> sa manche pour essuyer délicatement le sang sur son visage puis embrassa ses lèvres<br />

avant <strong>de</strong> prendre son bras pour se diriger vers le chemin.<br />

- Une minute. Cache tes cheveux <strong>sous</strong> ton casque. Tu es à nouveau Petronius à présent, tu te souviens ?<br />

<strong>Maximus</strong> se mit à rire. Pauvre garçon. Il doit se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r où diable nous pouvons bien être.<br />

Pendant que Lucilla cachait ses cheveux, <strong>Maximus</strong> dit :<br />

- Quand je vais dire aux gar<strong>de</strong>s à l'entrée ce qui s'est passé ici, il va y avoir beaucoup d'agitation. Quand<br />

cela se produira, passe la porte et change d'i<strong>de</strong>ntité avec Petronius aussi vite que possible. Explique-lui<br />

brièvement ce qui est arrivé et dit lui <strong>de</strong> venir me trouver immédiatement pour d'autres instructions. Jusque<br />

là, il doit gar<strong>de</strong>r le silence. Est-ce clair ?<br />

- Parfaitement clair, Monsieur.<br />

Lucilla s'inclina légèrement en signe d'obéissance.<br />

- Ne fais pas la maligne, murmura <strong>Maximus</strong> en serrant une fermeture <strong>sous</strong> le casque.<br />

Il l'embrassa rapi<strong>de</strong>ment puis l'entraîna après lui le long du chemin.<br />

A l'entrée, tout se passa comme <strong>Maximus</strong> l'avait prévu et Lucilla se faufila jusqu'à sa tente, le coeur battant<br />

follement d'excitation et d'amour pour le jeune soldat qui l'avait totalement capturé.<br />

Chapitre 16 : La Promotion<br />

Le jour suivant, <strong>Maximus</strong> raconta son histoire aux tribuns, aux centurions et aux sénateurs en faisant<br />

attention à ce qu'il soit bien clair que Petronius n'avait joué aucun rôle dans la bataille - et le garçon n'avait<br />

effectivement rien fait, alors cela n'était pas mensonge.<br />

<strong>Maximus</strong> savait que si jamais on lui posait une question directe sur sa présence sur la plage la nuit<br />

précé<strong>de</strong>nte, il dirait toute la vérité. Il fut soulagé que cela ne se produise pas. Mentir n'était pas une chose<br />

que <strong>Maximus</strong> faisait avec aisance.<br />

Après qu'il ait narré son aventure, le général Petroclus posa une main sur son épaule et dit :<br />

- Je ne suis pas sûr du tout qu'il était très sage <strong>de</strong> ta part d'être tout seul <strong>de</strong>hors la nuit <strong>de</strong>rnière mais, avec<br />

ce qui s'est produit, c'est une bonne chose que tu y sois allé. Ta bravoure et ton adresse sont dignes<br />

d'éloges, <strong>Maximus</strong>. Je doute qu'un autre soldat sans réelle expérience du combat aurait pu réussir ce que<br />

tu as accompli.<br />

- Merci, Monsieur.<br />

- Quatre hommes sont morts et regar<strong>de</strong>-toi : pas une égratignure.<br />

Les dignitaires émirent un rire admiratif.<br />

Sa main toujours sur l'épaule <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, le général se tourna pour faire face aux romains assemblés.<br />

- Ce jeune homme est né en Espagne et a rejoint notre légion quand il n'était encore qu'un très jeune<br />

garçon. J'ai décelé l'âme d'un combattant dans ce soldat alors je lui ai obtenu la citoyenneté pour qu'il<br />

puisse rester avec notre légion. Il a été rapi<strong>de</strong>ment promu - et je suis sûr que vous pouvez comprendre<br />

pourquoi - et il attendait sa prochaine promotion au gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> centurion.<br />

Patroclus sourit à <strong>Maximus</strong>, puis à la foule.<br />

- Je ne vois pas pourquoi il faudrait attendre d'avantage. <strong>Maximus</strong>, vous êtes à présent responsable <strong>de</strong> la<br />

sixième centurie, puisque le centurion Macrinius va être démobilisé honorablement après 25 années <strong>de</strong><br />

service.<br />

<strong>Maximus</strong> était abasourdi.<br />

- Félicitations, <strong>Maximus</strong>, dit le général par-<strong>de</strong>ssus un tonnerre d'applaudissements. Vous l'avez vraiment<br />

mérité.<br />

- Merci Monsieur.<br />

Mais Patroclus n'avait pas terminé.<br />

- Comme vous <strong>de</strong>vez tous le savoir, une fois que <strong>Maximus</strong> se sera élevé au plus haut gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> centurion -<br />

et je suis sûr que cela ne lui prendra que quelques années...<br />

Patroclus attendit que les rires s'éteignent.<br />

- Il n'y aura plus d'autres promotions possibles pour lui. Le centurion Darius m'a parlé <strong>de</strong> ce problème il y a<br />

quelques temps - les yeux étonnés <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> croisèrent ceux <strong>de</strong> Darius - et nous avons décidé tous les<br />

<strong>de</strong>ux que quelque chose <strong>de</strong>vait être fait à ce propos. Maintenant est le moment opportun, avec tant <strong>de</strong><br />

sénateurs parmi nous. Je vais <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r que l'un d'entre vous soit volontaire pour adopter le jeune<br />

<strong>Maximus</strong> - <strong>Maximus</strong> sursauta - pour qu'il puisse poursuivre son ascension dans l'armée jusqu'au gra<strong>de</strong> le<br />

plus élevé qu'il pourra atteindre. L'armée a besoin d'hommes comme celui-ci, Messieurs. Quand les<br />

Empereurs vont arriver dans quelques jours, je leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rai d'approuver l'adoption et l'un d'entre vous,<br />

sénateurs, aura l'immense honneur d'appeler <strong>Maximus</strong> son fils.<br />

26


De nombreuses mains se levèrent et quelques sénateurs commencèrent même à se chamailler<br />

amicalement à propos du jeune soldat. Les rires se déclenchèrent à nouveau et <strong>Maximus</strong> rougit<br />

violemment, pas très sûr <strong>de</strong> ce que tout cela pouvait signifier.<br />

Il fut vraiment soulagé lorsqu'il fut autorisé à s'asseoir et qu'on lui mit un gobelet <strong>de</strong> vin dans la main. Il le<br />

vida d'un trait. On le lui enleva et on lui en donna un nouveau. Il prenait aussi le chemin <strong>de</strong>s lèvres <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong> quand sa main fut arrêtée par Darius.<br />

- Tu comptes te saouler ?<br />

<strong>Maximus</strong> se contenta <strong>de</strong> cligner <strong>de</strong>s yeux. Darius se mit à rire.<br />

- Que croyais-tu qu'il ferait, <strong>Maximus</strong> ? Tu as stoppé une mission d'espionnage <strong>de</strong> l'ennemi à toi tout seul.<br />

Tu <strong>de</strong>vais évi<strong>de</strong>mment en être récompensé. Sais-tu que certains hommes passent 10 ans ou plus dans<br />

l'armée avant <strong>de</strong> participer à une vraie bataille et toi, tu te débarrasses tout seul <strong>de</strong> quatre hommes à l'âge<br />

<strong>de</strong> 20 ans !<br />

Darius lui jeta un regard oblique.<br />

- Ou peut-être Petronius t'a-t-il aidé ?<br />

- Petronius n'a pas tiré son épée. Je l'ai déjà dit.<br />

Darius plongea droit dans les yeux <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et le jeune homme évita aussitôt son regard.<br />

- Qui était vraiment <strong>de</strong>hors avec toi la nuit <strong>de</strong>rnière ?<br />

<strong>Maximus</strong> resta silencieux.<br />

- Cette confi<strong>de</strong>nce ne franchira pas mes lèvres, <strong>Maximus</strong>. Je le jure.<br />

- C'était Lucilla, murmura <strong>Maximus</strong>.<br />

Darius soupira.<br />

- Je craignais que tu ne me dises cela. Que faisiez-vous tous les <strong>de</strong>ux là-bas... Non, ne réponds pas à<br />

cette question. Je ne veux pas le savoir.<br />

Darius soupira à nouveau.<br />

- Elle est très belle, <strong>Maximus</strong>, et j'imagine qu'il est très facile <strong>de</strong> tomber amoureux d'elle. Mais elle n'est pas<br />

pour toi, mon garçon. Même pas après que tu aies été adopté...<br />

- C'était ton idée ?<br />

- Oui.<br />

- Pourquoi ne m'en as-tu rien dit ?<br />

- Parce que je n'étais pas certain que cela se produirait. Et cela n'est pas encore sûr, mais j'imagine que<br />

c'est en bon chemin.<br />

- Comment cela ? Qu'est-ce que cela signifie ?<br />

- Que tu <strong>de</strong>vras peut être porter le nom d'une famille <strong>de</strong> la classe sénatoriale...<br />

- Je veux conserver mon propre nom.<br />

- Eh bien, je suppose que cela peut s'arranger. Et tu auras tous les droits et les privilèges attachés à cette<br />

classe. Cela signifie qu'un jour tu pourras être général, <strong>Maximus</strong>. Tu ne vivras pas avec la famille ni autre<br />

chose <strong>de</strong> ce genre, mais ils pourront se vanter <strong>de</strong> t'avoir parmi eux.<br />

Darius sourit.<br />

- C'est juste un bout <strong>de</strong> papier signé par un empereur et 'pouf', tu es un homme <strong>de</strong> haute naissance.<br />

Il s'arrêta et s'éclaircit la gorge.<br />

- Bien que je sois fier <strong>de</strong> te voir promu au rang <strong>de</strong> centurion, je ne peux te dire à quel point cela va me<br />

manquer <strong>de</strong> ne plus t'avoir dans ma centurie.<br />

<strong>Maximus</strong> sourit et saisit la main <strong>de</strong> son ami.<br />

- Tu ne te débarrasseras pas <strong>de</strong> moi aussi facilement. Je vais te tourner autour et te poser <strong>de</strong>s tonnes <strong>de</strong><br />

questions. De plus, où pourrais-je trouver un autre homme si facile à battre aux dés ?<br />

Darius s'éclaircit à nouveau la gorge.<br />

- Bois, mon garçon. Cette nuit est une bonne nuit pour être ivre-mort !<br />

Chapitre 17 : Gueule <strong>de</strong> bois<br />

<strong>Maximus</strong> se noyait. L'eau recouvrait sa tête et même si il essayait <strong>de</strong> remonter vers la surface, l'eau<br />

pénétrait dans sa bouche et <strong>de</strong>s mains saisissaient ses pieds pour l'entraîner au fond. Il pouvait entendre<br />

Lucilla crier son nom dans le lointain. Toussant et crachant, <strong>Maximus</strong> chercha à saisir n'importe quoi et<br />

attrapa une pleine poignée <strong>de</strong> fourrure. Hein ?!<br />

Il entrouvrit les yeux seulement pour les refermer rapi<strong>de</strong>ment quand il vit une énorme langue rose humi<strong>de</strong><br />

qui venait vers lui. Il jeta sa tête sur le côté puis gémit <strong>de</strong> douleur quand il eut l'impression que <strong>de</strong>s<br />

morceaux <strong>de</strong> verre la traversaient.<br />

Lucilla se mit à rire.<br />

- Tu n'as que ce que tu mérites, chéri. Quelle quantité <strong>de</strong> vin as-tu bu ? Cela fait une heure que j'essaie <strong>de</strong><br />

te réveiller sans succès, alors j'ai fini par recruter Hercule pour m'ai<strong>de</strong>r. Nous étions tous les <strong>de</strong>ux inquiets<br />

pour toi.<br />

- Je suis en train <strong>de</strong> mourir, geint <strong>Maximus</strong>.<br />

- Non, tu ne l'es pas. Oh, tu as peut être l'impression que tu es en train d'agoniser, mais je t'assure que tu<br />

n'es pas mourant, et ton ami qui est là non plus, bien qu'à l'entendre, on pourrait le croire.<br />

Pour la première fois, <strong>Maximus</strong> prit conscience d'un poids mort en travers <strong>de</strong> ses jambes et d'un<br />

ronflement très fort qui venait <strong>de</strong>s environs <strong>de</strong> ses genoux.<br />

- Darius ?, <strong>de</strong>manda-t-il, n'osant pas relever la tête.<br />

- Un homme grand avec <strong>de</strong>s cicatrices sur le visage ?<br />

27


- Oui, c'est lui.<br />

- Il a l'air d'avoir bu encore plus que toi.<br />

Lucilla parcourut la pièce <strong>de</strong>s yeux, notant la présence <strong>de</strong> quelques autres soldats aussi bien que <strong>de</strong><br />

sénateurs dans le même état.<br />

- Ca a dû être une sacrée fête.<br />

Sa main lissa les cheveux ébouriffés <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et elle l'embrassa sur le front.<br />

- Tu as une mine épouvantable.<br />

- Je ne peux pas être aussi affreux que je me sens mal.<br />

Lucilla rit à nouveau en caressant ses cheveux.<br />

- Ne compte pas là-<strong>de</strong>ssus !<br />

Puis elle re<strong>de</strong>vint sérieuse.<br />

- Félicitations, <strong>Maximus</strong>. Les nouvelles à propos <strong>de</strong> ta valeur et <strong>de</strong> ta promotion se sont répandues dans<br />

tout le camp. Commo<strong>de</strong> meurt d'envie <strong>de</strong> te parler du combat <strong>de</strong> la nuit <strong>de</strong>rnière. Je, euh, lui ai promis que<br />

nous irions tous faire une promena<strong>de</strong> à cheval aujourd'hui.<br />

<strong>Maximus</strong> se contenta <strong>de</strong> grommeler.<br />

- Bon, peut être plus tard. J'ai aussi entendu que tu allais être adopté par un <strong>de</strong>s sénateurs et qu'il y a<br />

vraiment beaucoup <strong>de</strong> volontaires. <strong>Maximus</strong>, est-ce que tu réalises le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> possibilités qui s'ouvre à<br />

toi ? Tu pourrais <strong>de</strong>venir un lea<strong>de</strong>r politique aussi bien qu'un grand chef militaire. Rien ne serait hors <strong>de</strong> ta<br />

portée.<br />

Les yeux injectés <strong>de</strong> sang <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> cherchèrent les siens.<br />

- Rien ?<br />

Après un instant d'hésitation, Lucilla dit :<br />

- Je t'aime, mon courageux soldat.<br />

- Je t'aime aussi.<br />

- Eh bien, il n'a pas vraiment l'air d'un héros ce matin, n'est-ce pas ?<br />

Lucilla sursauta et se releva aussitôt. Commo<strong>de</strong>. Qu'avait-il entendu exactement ?<br />

Le garçon s'avança tranquillement jusqu'à l'homme allongé par terre et le regarda avec un air un peu<br />

sarcastique.<br />

- Je croyais que c'était la coutume pour un soldat <strong>de</strong> se lever <strong>de</strong>vant un futur empereur <strong>de</strong> Rome.<br />

- Pardonnez-moi, Altesse, mais si je le fais, je crains <strong>de</strong> répandre le contenu <strong>de</strong> mon estomac sur le futur<br />

empereur <strong>de</strong> Rome.<br />

Commo<strong>de</strong> éclata <strong>de</strong> rire, au grand soulagement <strong>de</strong> Lucilla.<br />

- Je vous aime bien, <strong>Maximus</strong>. Soyez prêt pour une promena<strong>de</strong> à cheval après le repas <strong>de</strong> ce midi. Lucilla<br />

l'a promis.<br />

- Oui, Altesse.<br />

Commo<strong>de</strong> lança un regard contrarié à sa soeur et écarta le chien avec un bon coup <strong>de</strong> genou avant <strong>de</strong><br />

ressortir. Hercule grogna.<br />

- Vilain petit salaud, observa <strong>Maximus</strong>.<br />

- Il est très seul. Ma mère l'adore, mais ses centres d'intérêt ne sont pas sains. Il désire ar<strong>de</strong>mment<br />

l'attention et l'approbation <strong>de</strong> notre père mais il n'a pas l'air d'avoir du temps pour Commo<strong>de</strong>. Je suis la<br />

seule personne qu'il ait vraiment.<br />

- Tu as ta propre vie à vivre.<br />

Lucilla s'accroupit à nouveau près <strong>de</strong> lui.<br />

- Ma vie est dirigée par ma position en tant que fille d'un empereur. Tout ce que je fais est régi par cela. Si<br />

Commo<strong>de</strong> doit être César un jour, alors je dois faire tout ce que je peux pour ai<strong>de</strong>r à ce qu'il soit un bon<br />

dirigeant. Il a besoin d'un modèle, <strong>Maximus</strong>, et tu serais la bonne personne pour cela. Il a besoin d'être<br />

près d'un homme comme toi, courageux et fort mais aussi bon et capable <strong>de</strong> compassion. Un homme avec<br />

<strong>de</strong>s principes. Commo<strong>de</strong> n'a pas l'air <strong>de</strong> réaliser qu'un homme puisse être toutes ces choses à la fois.<br />

- Tu m'accor<strong>de</strong>s trop <strong>de</strong> mérites.<br />

- Non, pas du tout. Tu es toutes ces choses et bien plus encore. Tu es merveilleux.<br />

Lucilla sourit doucement.<br />

- Mais tu as besoin <strong>de</strong> dormir à présent et je vais organiser notre promena<strong>de</strong> <strong>de</strong> cet après-midi. Cette fois,<br />

il y aura un contingent <strong>de</strong> prétoriens avec nous, alors tu n'auras pas à t'inquiéter <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir parer une<br />

attaque.<br />

- Nous allons encore à l'extérieur du camp ?<br />

- Bien sûr. Il n'y a rien à voir à l'intérieur à part <strong>de</strong>s rangées et <strong>de</strong>s rangées <strong>de</strong> tentes.<br />

<strong>Maximus</strong> gémit encore et Hercule lécha sa main en signe <strong>de</strong> compassion.<br />

- C'est un ami loyal, n'est-ce pas ?, dit Lucilla alors que <strong>Maximus</strong> grattait le chien <strong>de</strong>rrière l'oreille avec une<br />

main, l'autre étant posée sur son estomac gargouillant.<br />

- Le meilleur.<br />

Lucilla sourit.<br />

- Repose-toi. Je te verrai plus tard, centurion.<br />

Chapitre 18 : Commo<strong>de</strong><br />

Deux heures après le déjeuner, <strong>Maximus</strong>, Commo<strong>de</strong> et Lucilla passaient la porte du camp à cheval, suivis<br />

par 10 gar<strong>de</strong>s prétoriens lour<strong>de</strong>ment armés.<br />

En temps normal, <strong>Maximus</strong> aurait ressenti cela comme une intrusion mais après son aventure d'il y a <strong>de</strong>ux<br />

28


nuits et au vu <strong>de</strong> l'état <strong>de</strong> son estomac et <strong>de</strong> sa tête aujourd'hui, il était content <strong>de</strong> leur présence. Il portait<br />

son épée à la hanche comme d'habitu<strong>de</strong> mais ne comptait pas avoir à s'en servir.<br />

Hercule tenta <strong>de</strong> passer la porte en même temps qu'eux mais <strong>Maximus</strong> lui commanda <strong>de</strong> rester, sachant<br />

que le chien ne pourrait pas tenir ni le rythme, ni la distance et <strong>Maximus</strong> n'avait pas envie <strong>de</strong> porter à<br />

nouveau l'animal sur ses épaules. Assez étonnement, il obéit mais exprima son désaccord par quelques<br />

jappements et geignements.<br />

Lucilla manoeuvra son cheval pour être <strong>de</strong>rrière son frère et son amoureux, voulant laisser aux <strong>de</strong>ux<br />

hommes le temps <strong>de</strong> se connaître.<br />

Elle savait que <strong>Maximus</strong> n'avait pas une haute opinion <strong>de</strong> Commo<strong>de</strong> mais elle était soucieuse qu'ils<br />

<strong>de</strong>viennent amis. Les choses seraient plus faciles si elle avait Commo<strong>de</strong> <strong>de</strong> son côté quand il serait<br />

question du futur rôle <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> dans sa vie.<br />

- Tu aimes ce chien, n'est-ce pas, observa Commo<strong>de</strong>.<br />

- J'avais votre âge quand j'ai rejoint la légion, Altesse, et j'avais peu d'amis. Hercule m'a aidé <strong>de</strong> bien <strong>de</strong>s<br />

façons, mais ce qui est important, c'est qu'il est toujours là quand j'ai besoin <strong>de</strong> quelqu'un à qui parler ou<br />

juste quelqu'un avec qui m'asseoir, tout simplement. Nous avions l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> courir et <strong>de</strong> nager<br />

ensembles, mais il est trop âgé pour cela, à présent.<br />

- Tu parles d'un chien comme si il était humain.<br />

- Il l'est pour moi, Altesse. N'avez-vous jamais eu <strong>de</strong> chien ?<br />

- Un chien dans le Palais Impérial ? Cela n'aurait pas été autorisé, lança Commo<strong>de</strong>.<br />

- C'est dommage. Un merveilleux moyen d'apprendre la compassion à un enfant est <strong>de</strong> lui donner un<br />

animal dont il doive s'occuper.<br />

- Es-tu en train <strong>de</strong> dire que je manque <strong>de</strong> compassion, <strong>Maximus</strong> ?, dit doucement Commo<strong>de</strong>.<br />

- Non, Sire, pas du tout. Cela n'est pas ce que j'ai voulu exprimer.<br />

<strong>Maximus</strong> resta silencieux un moment.<br />

- Peut-être quelques uns <strong>de</strong> vos amis ont-ils <strong>de</strong>s chiens ?<br />

- Quels amis ?<br />

- Vous avez sûrement <strong>de</strong>s amis, <strong>de</strong>s fils <strong>de</strong> sénateurs, peut être.<br />

- Non.<br />

- Pardonnez-moi, Altesse, mais comment vous divertissez-vous ?<br />

- J'ai <strong>de</strong>s leçons d'histoire et d'écriture et <strong>de</strong> lecture. J'étudie la politique.<br />

- Je parlais d'amusement. Que faites-vous pour vous amuser ?<br />

- Je vais aux jeux avec ma mère.<br />

- Les jeux du cirque ?<br />

- Oui. As-tu jamais vu <strong>de</strong>s gladiateurs se battre, <strong>Maximus</strong> ?<br />

- Non, Altesse. Je ne suis jamais allé à Rome.<br />

- Je crois que les jeux existent dans tout l'Empire. Presque chaque cité a son arène mais la plus gran<strong>de</strong><br />

est à Rome, bien sûr.<br />

<strong>Maximus</strong> était content <strong>de</strong> laisser Commo<strong>de</strong> parler <strong>de</strong> quelque chose qui l'intéressait.<br />

- Qui sont les gladiateurs ?<br />

- Principalement <strong>de</strong>s esclaves. Des prisonniers <strong>de</strong> guerre. Mais parfois, même <strong>de</strong>s hommes nobles entrent<br />

dans l'arène pour tester leur force et leur bravoure et j'ai l'intention <strong>de</strong> le faire aussi un jour. Il y a même<br />

<strong>de</strong>s combats contre <strong>de</strong>s animaux sauvages comme les lions et les tigres.<br />

- Cela a l'air vraiment dangereux.<br />

- Dangereux ? Ce sont <strong>de</strong>s combats à mort.<br />

- Des hommes sont tués pour le divertissement ?<br />

- Pourquoi es-tu si étonné ? Tu as tué quatre hommes l'autre nuit.<br />

- Ca n'était pas pour l'amusement, Altesse...<br />

- Quelle différence cela fait-il ? Tuer, c'est tuer. C'est palpitant, peu importe qui ou quoi meurt.<br />

- L'Impératrice aime ces jeux ?<br />

Commo<strong>de</strong> se mit à rire.<br />

- Elle aime plus que les jeux, <strong>Maximus</strong>.<br />

- Que voulez-vous dire ?<br />

- Eh bien, disons simplement qu'elle a ses gladiateurs préférés et qu'ils la ren<strong>de</strong>nt très heureuse quand<br />

père est au loin.<br />

<strong>Maximus</strong> était choqué. Il pivota légèrement sur la selle pour jeter un oeil à Lucilla qui détourna aussitôt son<br />

visage, éprouvant soudain un grand intérêt pour les fleurs printanières qui poussaient le long <strong>de</strong> la voie.<br />

Commo<strong>de</strong> poursuivit.<br />

- Les gladiateurs les plus braves sont aimés par les gens. Ils sont idolâtrés.<br />

- Cela me semblerait être un amour superficiel.<br />

- L'amour est l'amour, peu importe la façon <strong>de</strong> l'obtenir.<br />

<strong>Maximus</strong> était stupéfait par le cynisme <strong>de</strong> ce jeune garçon et il comprenait pleinement les inquiétu<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />

Lucilla à son propos, mais était-il un modèle approprié pour lui ? Il lui semblait qu'il avait gagné le respect<br />

soudain <strong>de</strong> Commo<strong>de</strong> en tuant simplement <strong>de</strong>s hommes.<br />

Ses craintes furent confirmées par la déclaration suivante du garçon.<br />

- J'aurais voulu être là pour te voir massacrer ces germains, <strong>Maximus</strong>. Ah, tu as vraiment <strong>de</strong> la chance<br />

d'avoir tué un homme.<br />

- Je n'y ai pris aucun plaisir, Altesse.<br />

29


Commo<strong>de</strong> rit.<br />

- Alors, je <strong>de</strong>vrais t'apprendre que tuer peut être aussi pour le plaisir, <strong>Maximus</strong> ; qu'arracher la vie d'un<br />

corps est comme... eh bien, cela procure un immense plaisir.<br />

La promena<strong>de</strong> se poursuivit dans le silence pendant un moment car <strong>Maximus</strong> ne pouvait rien dire <strong>de</strong> plus<br />

à ce garçon. Lucilla fit <strong>de</strong>s remarques occasionnelles sur la beauté du paysage mais <strong>Maximus</strong> n'avait pas<br />

envie <strong>de</strong> lui répondre. L'attitu<strong>de</strong> du garçon à ses côtés le dérangeait et l'inquiétait profondément. Il<br />

<strong>de</strong>viendrait empereur un jour.<br />

- Tu aimes bien ma soeur, n'est-ce pas ?<br />

La question fit revenir <strong>Maximus</strong> à l'instant présent.<br />

- Oui, Altesse.<br />

- Et elle t'aime bien aussi. Je le vois.<br />

- Oui, je pense qu'elle m'apprécie.<br />

- Lucilla m'aime, <strong>Maximus</strong>, et je ne crois pas qu'il soit possible d'aimer <strong>de</strong>ux hommes en même temps.<br />

- Mais l'amour qu'une femme a pour son frère est certainement différent...<br />

- Tu m'as entendu, coupa Commo<strong>de</strong>. N'essaie pas <strong>de</strong> me prendre quelque chose que j'aime.<br />

La menace <strong>sous</strong>-entendue était très claire.<br />

- Bien sûr que non, Altesse.<br />

Ils chevauchèrent en silence le reste <strong>de</strong> la promena<strong>de</strong>, <strong>Maximus</strong> se tenant très rai<strong>de</strong> sur sa selle à cause<br />

d'un frisson glacial qui n'avait rien à voir avec la température ambiante.<br />

Chapitre 19 : Vengeance<br />

Lucilla était allongée sur son lit, les genoux ramenés contre sa poitrine.<br />

Toute la matinée, Commo<strong>de</strong> l'avait harcelé à propos <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> jusqu'à ce qu'elle ait l'impression qu'elle<br />

allait hurler. Ses paroles et son ton étaient accusateurs et quand elle avait fini par admettre qu'elle aimait le<br />

soldat, Commo<strong>de</strong> n'avait pas voulu entendre les arguments qu'elle lui avait présenté pour lui faire<br />

comprendre qu'elle pouvait les aimer tous les <strong>de</strong>ux en même temps.<br />

Quand il avait quitté précipitamment sa chambre, elle s'était mise en boule et avait pleuré, mourant d'envie<br />

<strong>de</strong> sentir les bras robustes <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> autour d'elle pour la réconforter. Mais il l'avait évité le soir <strong>de</strong>rnier<br />

et n'était pas apparu ce matin, même si son nouveau statut <strong>de</strong> centurion lui donnait libre accès au<br />

praetorium. Elle savait qu'il était occupé avec ses nouvelles responsabilités, mais ne comprenait-il pas à<br />

quel point elle avait besoin <strong>de</strong> lui ?<br />

Un bain chaud la réconforta à peine et elle retourna s'allonger, toujours agitée.<br />

Elle refusa le repas du soir et s'étendit, regardant les tentures <strong>de</strong> soie diaphane entourant son lit, imaginant<br />

que chaque mouvement du tissu annonçait la présence <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> dans la pièce. Finalement, elle lui<br />

envoya un mot lui <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> venir la voir immédiatement. Peu <strong>de</strong> temps après, il était <strong>de</strong>vant l'entrée<br />

<strong>de</strong> la tente.<br />

- Vous m'avez fait <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r ?<br />

Son attitu<strong>de</strong> et son ton étaient très solennels.<br />

- <strong>Maximus</strong>, viens ici, s'il te plaît.<br />

Lucilla tendit la main pour l'attirer à côté <strong>de</strong> son lit. Il resta <strong>de</strong>bout, visiblement gêné d'être dans une<br />

situation intime avec <strong>de</strong> si nombreuses personnes alentour. Il regardait continuellement vers l'entrée et<br />

Lucilla savait pourquoi.<br />

- Tu es très séduisant, ce soir. J'aime l'armure <strong>de</strong> cuir sur toi. C'est tellement plus... sympathique que le<br />

métal. Chéri, assieds-toi, s'il te plaît.<br />

- Ca n'est pas le lieu, Lucilla.<br />

- Ce sont mes quartiers privés...<br />

- Qui peuvent être envahis par ton frère à tout moment.<br />

- As-tu peur <strong>de</strong> mon frère, <strong>Maximus</strong> ?<br />

Lucilla était abasourdie.<br />

- Ton frère a le pouvoir <strong>de</strong> me rendre la vie impossible ou même pire encore. Je ne veux pas me faire un<br />

ennemi <strong>de</strong> ton frère.<br />

- Je t'aime.<br />

<strong>Maximus</strong> fixa l'entrée un long instant avant <strong>de</strong> dire doucement :<br />

- Je t'aime aussi.<br />

Un sanglot resta prisonnier <strong>de</strong> la gorge <strong>de</strong> Lucilla et elle s'agenouilla, entourant la taille <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong> ses<br />

bras et pressant son visage contre sa poitrine.<br />

- Alors nous pouvons faire quelque chose, <strong>Maximus</strong>. Nous pouvons trouver un moyen d'être ensembles.<br />

- Je veux être avec toi en tant que ton époux.<br />

- Tu le seras, mon amour. Tu le seras. Ne me laisse pas, je t'en prie.<br />

<strong>Maximus</strong> contempla son beau visage strié <strong>de</strong> larmes puis s'assit sur le lit et la prit dans ses bras. Il<br />

embrassa ses paupières, puis sa bouche alors qu'elle se glissait sur ses genoux et se drapait autour <strong>de</strong><br />

son corps, l'amenant contre elle aussi près qu'elle le pouvait. Une brise soudaine souleva les tentures<br />

autour du lit mais aucun <strong>de</strong>s amants ne le remarqua, si attentionnés qu'ils l'étaient l'un envers l'autre.<br />

Les mains <strong>de</strong> Lucilla tracèrent leur chemin du dos <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> jusqu'à ses hanches et elle se pressa<br />

contre lui, s'émerveillant <strong>de</strong> sentir son corps réagir aussi rapi<strong>de</strong>ment. Il la souleva comme si elle était faite<br />

<strong>de</strong> cristal et la coucha sur le dos puis recouvrit son corps du sien. <strong>Maximus</strong> était perdu à présent, il le<br />

savait. Ses mains se déplacèrent <strong>sous</strong> elle et il appuya ses hanches contre les siennes, déclenchant un<br />

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gémissement <strong>de</strong> pur plaisir dans sa gorge. Alors que sa bouche dévorait la sienne, ses mains tâtonnèrent<br />

<strong>sous</strong> ses jupes.<br />

- Enlèves l'armure, chéri. Lucilla réussi à rire doucement. C'est en train <strong>de</strong> me tuer.<br />

<strong>Maximus</strong> s'agenouilla et dégrafa rapi<strong>de</strong>ment le cuir lourd pour l'envoyer voler dans un coin avec un bruit<br />

sourd. Appuyé sur ses mains et ses genoux au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Lucilla, il regarda dans ses yeux verts grands<br />

ouverts.<br />

- Tu es sûre ?<br />

Les mots étaient à peine sortis <strong>de</strong> sa bouche qu'un couinement et un glapissement <strong>de</strong> douleur venant <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>rrière l'entrée se firent entendre. Hercule ?<br />

<strong>Maximus</strong> bondit hors du lit en dépit <strong>de</strong>s protestations <strong>de</strong> Lucilla lui <strong>de</strong>mandant d'ignorer le bruit. Il sortit <strong>de</strong><br />

la tente précipitamment et tomba <strong>de</strong> tout son long après avoir trébuché sur une forme à terre. Se mettant à<br />

genoux, <strong>Maximus</strong> regarda avec une horreur indicible le corps immobile et ensanglanté du chien. Il<br />

s'avança péniblement vers l'animal et prit sa large tête entre ses mains.<br />

- Hercule ?<br />

Le mot était comme un son étouffé.<br />

Le sang rouge s'écoulait entre ses mains, venant d'une entaille profon<strong>de</strong> dans le cou du chien, et ses yeux<br />

bruns sans vie le fixaient. Ne voulant pas croire à ce qu'il savait être vrai, <strong>Maximus</strong> chercha le battement<br />

<strong>de</strong> coeur d'Hercule mais découvrit seulement plus <strong>de</strong> blessures, <strong>de</strong>s blessures profon<strong>de</strong>s dues à <strong>de</strong>s<br />

coups <strong>de</strong> poignard. Elles auraient toutes pu causer la mort du chien.<br />

En proie à une douleur insoutenable, il enfouit son visage dans la fourrure <strong>de</strong> l'animal, retenant ses<br />

sanglots. Il ne releva même pas la tête quand il entendit les pas <strong>de</strong> Lucilla et son cri étouffé. Il finit par<br />

redresser la tête, <strong>de</strong>s larmes sillonnant son visage.<br />

- Ton frère, gronda-t-il sur un ton bas et dangereux.<br />

Le visage <strong>de</strong> Lucilla était blanc comme <strong>de</strong> la craie et ses mains volèrent jusqu'à sa bouche.<br />

- Non, il n'aurait pas..., commença-t-elle à protester.<br />

- Ton frère !, cria <strong>Maximus</strong>, rempli <strong>de</strong> fureur.<br />

A présent, une petite foule s'était rassemblée autour <strong>de</strong> lui, beaucoup exprimant leur horreur <strong>de</strong>vant cet<br />

acte.<br />

- Hors <strong>de</strong> mon chemin, siffla <strong>Maximus</strong> en soulevant le corps désarticulé dans ses bras et en se dirigeant<br />

vers l'entrée du camp, une traînée <strong>de</strong> sang épais et rouge s'écoulant <strong>de</strong> ses mains sur le sol <strong>de</strong>rrière lui.<br />

Lucilla ne pouvait que le regar<strong>de</strong>r, enracinée sur place par la terreur, le chagrin et la douleur. Son frère<br />

pouvait-il avoir fait une chose aussi atroce ? Essaierait-il par tous les moyens d'empêcher leur amour ? Et<br />

<strong>Maximus</strong> était-il en danger <strong>de</strong> connaître la même fin qu'Hercule ?<br />

Chapitre 20 : Mensonges<br />

Le jour suivant, <strong>Maximus</strong> déclina les invitations <strong>de</strong> Lucilla au praetorium.<br />

Elle avait désespérément besoin <strong>de</strong> lui parler, d'être avec lui, alors elle ramassa son armure <strong>de</strong> cuir et<br />

franchit la porte du praetorium, ordonnant aux gar<strong>de</strong>s prétoriens <strong>de</strong> ne pas la suivre. Ils s'exécutèrent mais<br />

elle pu les voir sourire avec un air narquois quand ils virent ce qu'elle tenait dans ses mains.<br />

Elle se dirigea hardiment vers les rangées <strong>de</strong> tentes, incertaine <strong>de</strong> l'endroit où se trouvait <strong>Maximus</strong> à<br />

présent. Ignorant les regards, elle arrêta le premier homme qu'elle reconnut, Darius, et lui <strong>de</strong>manda son<br />

chemin.<br />

- S'il vous plaît, ma Dame, laissez-moi porter l'armure.<br />

Lucilla la serra contre elle.<br />

- Je vous en prie, cela serait plus convenable si je la portais, ma Dame.<br />

Elle la lui laissa à contre coeur.<br />

- Merci, ma Dame. Je vais vous mener à lui. Il vient juste <strong>de</strong> terminer d'entraîner ses hommes alors il doit<br />

probablement être revenu dans ses quartiers. Suivez-moi, je vous prie.<br />

Lucilla avait particulièrement pris soin <strong>de</strong> son apparence aujourd'hui mais elle ne prêta pas attention aux<br />

regards appréciateurs qu'elle suscitait alors qu'elle suivait Darius à travers les rangées <strong>de</strong> tentes d'un<br />

blanc impeccable.<br />

- Ici, ma Dame. Ce sont ses quartiers. Atten<strong>de</strong>z ici et je vais le chercher.<br />

- Non, je vais entrer moi-même, dit Lucilla, récupérant l'armure.<br />

- Merci, soldat.<br />

- Comme vous le désirez, ma Dame.<br />

Darius commença à faire <strong>de</strong>mi-tour.<br />

- Ma Dame, il est encore bouleversé. Il ne le montre peut être pas, mais il l'est.<br />

- Merci Darius. Je comprends.<br />

Lucilla écarta le rabat <strong>de</strong> la tente et pénétra dans l'intérieur sombre, l'appelant avant même que ses yeux<br />

ne se soient habitués à la faible lumière. Elle savait qu'il était là, elle pouvait sentir sa présence, mais il ne<br />

répondit pas.<br />

- Je suis venue te rendre ton armure. J'ai pensé que tu pourrais en avoir besoin.<br />

- Dépose-la par terre.<br />

Elle ne pouvait toujours pas le voir.<br />

- <strong>Maximus</strong>, s'il te plaît, je suis anéantie par ce qui est arrivé.<br />

Pas <strong>de</strong> réponse.<br />

- <strong>Maximus</strong>, je t'aime. Je veux que nous soyons ensembles. J'ai besoin que nous soyons ensembles.<br />

31


<strong>Maximus</strong> émergea finalement <strong>de</strong> l'ombre pour aller vers le faible éclairage.<br />

- Ton frère ne le permettra jamais. Il fera tout pour me détruire ou pour détruire ce que j'aime pour que tout<br />

s'arrête entre nous.<br />

- J'y ai réfléchi. <strong>Maximus</strong>, il ne doit jamais savoir.<br />

Elle poursuivit précipitamment :<br />

- Tu peux <strong>de</strong>venir un prétorien et m'accompagner à Rome. Ce sont les meilleurs soldats d'élite <strong>de</strong> tout<br />

l'Empire et ils ont un grand pouvoir politique aussi bien que militaire.<br />

Elle saisit son avant-bras musclé, implorant à présent.<br />

- Peut être ne pouvons-nous pas vivre ensembles en tant que mari et femme, mais nous pouvons être<br />

ensembles, mon amour.<br />

<strong>Maximus</strong> se figea.<br />

- Tu veux que je sois juste ton amant, cracha-t-il avec mépris.<br />

- Oui, ça fonctionnerait, <strong>Maximus</strong>. Beaucoup <strong>de</strong> femmes romaines <strong>de</strong> haute naissance ont <strong>de</strong>s amants,<br />

tout comme leurs maris ont <strong>de</strong>s maîtresses. Nous serions souvent ensembles et tu n'aurais pas à risquer<br />

ta vie dans une guerre. Tu serais en sécurité. Nous serions ensembles. Je... je n'aurais pas du tout besoin<br />

<strong>de</strong> me marier. Je suis sûre que je pourrais convaincre mon père <strong>de</strong> me laisser rester célibataire. Nous<br />

pourrions alors être ensembles tout le temps...<br />

- Non, Lucilla.<br />

- Oh, <strong>Maximus</strong>, pourquoi pas ?<br />

- Parce que ça n'est pas le genre <strong>de</strong> vie que je veux.<br />

- Que veux-tu ?<br />

- Je veux que la femme que j'aime puisse se tenir à mes côtés et proclamer cet amour. Je ne veux pas<br />

d'un amour qui doive rester caché par peur <strong>de</strong> représailles.<br />

- Que je te déclare mon amour n'est pas suffisant ?<br />

- Non.<br />

- <strong>Maximus</strong>...<br />

- Lucilla, je... je ne t'aime pas. Je le croyais mais maintenant je sais que non. J'étais aveuglé par ta beauté.<br />

Lucilla sursauta et recula comme si il l'avait frappé.<br />

- Tu mens !<br />

- Non...<br />

- Laisse-moi voir ton visage.<br />

Elle saisit son menton.<br />

- Regar<strong>de</strong>-moi, <strong>Maximus</strong> ! Regar<strong>de</strong>-moi dans les yeux et dis-moi que tu ne m'aimes pas.<br />

<strong>Maximus</strong> hésita juste un instant avant <strong>de</strong> dire avec conviction :<br />

- Je ne t'aime pas.<br />

Il fut surpris par la réaction <strong>de</strong> Lucilla. Elle rit et prit tendrement son visage entre ses mains.<br />

- Vous les soldats. On vous apprend à être honnêtes, n'est-ce pas ?<br />

Son visage se durcit et elle resserra son étreinte.<br />

- <strong>Maximus</strong>, tu mens.<br />

Frustrée, elle le secoua avant qu'il ne libère sa tête <strong>de</strong> ses mains et se détourne.<br />

- Je suis très fatigué, Lucilla. J'ai appris que ton père serait ici <strong>de</strong>main et la bataille <strong>de</strong> para<strong>de</strong> commencera<br />

le jour suivant. J'ai encore beaucoup <strong>de</strong> travail à accomplir avec mes hommes avant cela puisque je ne les<br />

connais pas encore très bien et qu'ils ne sont pas habitués à ma façon <strong>de</strong> faire.<br />

- Est-ce que tu me congédies ?<br />

- Oui.<br />

Lucilla était outragée.<br />

- Qui penses-tu que je sois, soldat ? Une <strong>de</strong> tes putes <strong>de</strong> village ?!<br />

Des larmes coulèrent <strong>de</strong> ses yeux et <strong>de</strong>s sanglots gonflèrent sa poitrine. Elle ne lui laisserait pas la<br />

satisfaction <strong>de</strong> la voir pleurer encore. Elle pivota et donna un violent coup <strong>de</strong> pied dans l'armure <strong>de</strong> cuir<br />

avant <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong> la tente comme une furie.<br />

<strong>Maximus</strong> resta parfaitement immobile pendant un moment puis il leva lentement la main pour masser<br />

l'arrière <strong>de</strong> son cou crispé et ferma les yeux. Mis à part cette douleur persistante, tout son corps était<br />

comme engourdi.<br />

Darius passa la tête dans l'encadrement <strong>de</strong> l'entrée.<br />

- Ca va ?<br />

<strong>Maximus</strong> se contenta <strong>de</strong> grogner.<br />

- D'accord, d'accord, dit Darius en reculant, les mains levées en signe <strong>de</strong> reddition.<br />

Il décida sagement que cela n'était pas le moment <strong>de</strong> dire 'Je te l'avais bien dit'.<br />

Chapitre 21 : La Vérité<br />

Le jour suivant, alors que les rayons du soleil levant filtraient à travers les arbres, la légion se rassembla<br />

une fois encore pour accueillir les empereurs.<br />

En tant que centurion, <strong>Maximus</strong> était à présent autorisé à participer aux réunions avec les <strong>de</strong>ux grands<br />

hommes. Un honneur qu'il avait facilement accepté.<br />

La gran<strong>de</strong> tente dans le praetorium était remplie d'officiers <strong>de</strong> tous les gra<strong>de</strong>s. Commo<strong>de</strong> était également<br />

présent, mais il avait un air maussa<strong>de</strong> et il évitait <strong>de</strong> croiser le regard <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> bien que le centurion,<br />

qui se tenait tranquillement près <strong>de</strong> l'entrée, le défia silencieusement <strong>de</strong> le faire avec une lueur meurtrière<br />

dans ses yeux bleus. Mais Marc-Aurèle aperçut le jeune soldat et la souvenance se traduisit sur son<br />

32


visage par un sourire et un léger hochement <strong>de</strong> tête en guise <strong>de</strong> salut. Stupéfait, <strong>Maximus</strong> lui retourna son<br />

salut avec un faible sourire puis sa bouche se fendit jusqu'aux oreilles et il essaya <strong>de</strong> le dissimuler en<br />

baissant la tête. Marc-Aurèle étouffa un rire. Il aimait vraiment ce jeune homme.<br />

Puis les empereurs conduirent la réunion d'in<strong>format</strong>ion qui comprenait les <strong>de</strong>rnières nouvelles <strong>de</strong> Rome<br />

sur l'étendue <strong>de</strong> l'épidémie <strong>de</strong> peste qui commençait finalement à décroître après avoir infligé une mort<br />

rapi<strong>de</strong> et brutale à <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> citoyens. Comme souvent, <strong>Maximus</strong> pensa à son ami Lucius et se<br />

<strong>de</strong>manda comment il allait.<br />

<strong>Maximus</strong> apprit aussi que la paix actuelle était au mieux assez fragile. Le front <strong>de</strong> l'Est était stabilisé mais à<br />

présent, le Nord grondait <strong>de</strong> mécontentement et toutes les légions le long du Danube se préparaient pour<br />

la guerre. Le jeune centurion sentit son estomac se serrer d'excitation mêlée <strong>de</strong> crainte. Saurait-il diriger<br />

ses hommes dans une vraie guerre ?<br />

Ses pensées furent interrompues par Lucius Verus annonçant que, dans quelques jours, les empereurs et<br />

un groupe d'hommes sélectionnés organiseraient un raid punitif éclair sur les tribus germaniques campées<br />

<strong>de</strong> l'autre côté du fleuve. Mais en tant que nouvel officier, le jeune centurion ne s'attendait pas à faire partie<br />

<strong>de</strong> ce groupe d'élite.<br />

Après la réunion, les <strong>de</strong>ux empereurs se mêlèrent librement aux officiers et Marc-Aurèle ne manqua pas<br />

<strong>de</strong> trouver <strong>Maximus</strong> qui n'avait pas bougé <strong>de</strong> sa place à côté <strong>de</strong> l'entrée.<br />

- J'ai pensé que c'était toi, <strong>Maximus</strong>. Tu étais encore un jeune garçon la <strong>de</strong>rnière fois que je t'ai vu et<br />

<strong>de</strong>venir centurion à ton âge... Eh bien, cela s'est très rarement produit auparavant. Mes sincères<br />

félicitations.<br />

Marc-Aurèle serra l'épaule du jeune homme et leva son verre <strong>de</strong> vin dans sa direction.<br />

- Merci, Sire.<br />

En s'inclinant, il vit que Commo<strong>de</strong> les regardait, le visage pâle et les lèvres pincées <strong>de</strong>vant le contact<br />

familier entre le centurion et son père. <strong>Maximus</strong> sourit <strong>de</strong> satisfaction.<br />

- J'ai compris que tu allais participer à la démonstration <strong>de</strong> <strong>de</strong>main ?, <strong>de</strong>manda Marc-Aurèle.<br />

- Oui, Majesté.<br />

- Tu n'as pas vraiment besoin <strong>de</strong> prouver ta valeur après ton aventure d'il y a quelques jours mais je<br />

compte bien te voir à l'oeuvre.<br />

- Merci, Majesté.<br />

Marc-Aurèle lui tapota l'épaule puis se dirigea vers l'officier le plus proche et <strong>Maximus</strong> se retrouva face à<br />

Lucius Verus pour la première fois. Il <strong>de</strong>vait être 10 ans plus jeune que Marc-Aurèle, <strong>de</strong>vina <strong>Maximus</strong>, ce<br />

qui faisait qu'il <strong>de</strong>vait être au mieux à la moitié <strong>de</strong> la trentaine. En tant que commandant aussi bien<br />

qu'empereur, il portait l'armure la plupart du temps, rendant sa présence imposante. De taille très moyenne<br />

et trapu avec <strong>de</strong>s cheveux prématurément gris, il arrivait seulement au nez <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, mais personne<br />

n'associait son manque <strong>de</strong> stature avec un manque <strong>de</strong> courage.<br />

Avec le général Cassius, il avait mené l'attaque sur les infidèles <strong>de</strong> l'Est avec un grand succès. Célibataire,<br />

il était accompagné au camp <strong>de</strong> sa mère et <strong>de</strong> sa soeur qui <strong>de</strong>vait avoir une trentaine d'années, mais<br />

<strong>Maximus</strong> ne se souvenait pas avoir vu une <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux femmes <strong>de</strong>puis leur arrivée.<br />

- <strong>Maximus</strong>, n'est-ce pas ?<br />

- Oui, Sire.<br />

<strong>Maximus</strong> s'inclina.<br />

- Quelle chance que vous ayez été à l'extérieur du camp quand les barbares ont attaqué.<br />

- Ils n'ont pas vraiment attaqué, Sire...<br />

- Uniquement parce que vous les avez arrêté, soldat. Rome a <strong>de</strong> la chance d'avoir <strong>de</strong>s hommes comme<br />

vous, <strong>Maximus</strong>. C'est grâce à <strong>de</strong>s hommes comme vous que l'Empire reste uni et fort.<br />

- Merci, Majesté.<br />

Le jeune centurion était vraiment submergé par l'intérêt que lui portaient les <strong>de</strong>ux hommes les plus<br />

puissants <strong>de</strong> l'Empire.<br />

- Et je vous dois <strong>de</strong>s remerciements personnels pour avoir risqué votre vie afin <strong>de</strong> protéger les personnes<br />

à l'intérieur du camp, spécialement ma famille - et ma promise.<br />

- Votre promise, Majesté ?, s'enquit poliment <strong>Maximus</strong>.<br />

- Oui.<br />

Lucius Verus eut un léger rire avant <strong>de</strong> poursuivre.<br />

- Lucilla. Nous <strong>de</strong>vons nous marier prochainement. Ne suis-je pas un homme chanceux ?<br />

Une décharge électrique se propagea dans le corps <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong> son cerveau jusqu'à ses pieds, faisant<br />

gonfler son coeur dans sa poitrine et le privant d'air. Il put seulement hocher faiblement la tête alors qu'il<br />

avait le souffle coupé, sa main se portant à sa gorge.<br />

- Allez-vous bien, soldat ? Vous avez l'air sur le point <strong>de</strong> vous évanouir.<br />

Lucius Verus fronçait les sourcils, vraiment inquiet.<br />

- Je vais bien, Sire, murmura <strong>Maximus</strong>. Excusez-moi, j'ai besoin d'air.<br />

Sans attendre d'être congédié, il tituba jusqu'à la sortie, oublieux <strong>de</strong>s regards curieux <strong>de</strong>s officiers et <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>ux empereurs et ne vit pas le sourire triomphant qui naquit lentement sur les traits sombres <strong>de</strong> l'héritier<br />

<strong>de</strong> l'Empire.<br />

Une fois <strong>de</strong>hors, <strong>Maximus</strong> se plia en <strong>de</strong>ux et aspira <strong>de</strong> longues goulées d'air froid jusque dans ses<br />

poumons brûlants. Il sentit une main toucher son dos et quelqu'un prononça son nom mais il s'échappa et<br />

courut jusqu'à ce qu'il atteigne l'issue arrière du camp, passant en trombe <strong>de</strong>vant les gar<strong>de</strong>s et se dirigeant<br />

vers l'obscurité <strong>de</strong> la nuit.<br />

33


Il ne s'arrêta pas <strong>de</strong> courir jusqu'à ce qu'il soit arrivé sur la plage où il avait partagé <strong>de</strong>s instants intimes<br />

avec Lucilla quelques jours auparavant ; Lucilla qui savait pendant tout ce temps là qu'elle allait épouser<br />

un empereur. Elle l'avait trompé <strong>de</strong>puis le début, joué avec lui, et il avait été trop aveuglé par l'amour pour<br />

s'en apercevoir.<br />

La douleur dans sa poitrine le fit s'agenouiller et il se pencha jusqu'à ce que son front touche le sable froid<br />

et humi<strong>de</strong>. Sa souffrance était comme une boule <strong>de</strong> métal en fusion, consumant son coeur et le réduisant<br />

en cendres. Il roula sur son dos, <strong>de</strong>s sanglots secs torturant son corps, jusqu'à ce que sa colère explose<br />

en un cri <strong>de</strong> rage qui brisa le silence autour <strong>de</strong> lui, faisant pousser un cri perçant effrayé à un hibou perché<br />

au-<strong>de</strong>ssus, leurs cris se mêlant dans l'air nocturne.<br />

Chapitre 22 : L'exhibition<br />

<strong>Maximus</strong>, aussi immobile qu'une statue, était assis sur son magnifique étalon brun, les hommes <strong>de</strong> sa<br />

centurie regroupés autour <strong>de</strong> lui au bord du terrain prévu pour la démonstration. Les moutons avaient été<br />

chassés <strong>de</strong> l'endroit et <strong>de</strong>s tribunes somptueusement drapées <strong>de</strong> soies avaient été érigées pour accueillir<br />

les empereurs, les sénateurs et leurs familles.<br />

<strong>Maximus</strong> ne daigna même pas regar<strong>de</strong>r dans leur direction. Lucilla était assise dans les tribunes entre son<br />

père et son fiancé, sa posture aussi immobile et rigi<strong>de</strong> que celle <strong>de</strong> l'homme à cheval qui attirait son regard<br />

comme un aimant. Ses yeux le suivaient partout : quand il fit défiler ses hommes <strong>de</strong>vant les tribunes puis<br />

quand il mit pied à terre et prit son épée et son bouclier, avançant jusqu'au centre <strong>de</strong> l'espace herbeux, un<br />

autre soldat approchant <strong>de</strong>puis le côté opposé.<br />

- Quintus, le salua <strong>Maximus</strong>.<br />

- <strong>Maximus</strong>, cela fait longtemps que je ne t'ai pas vu. Félicitations pour ta promotion, répondit sincèrement<br />

Quintus. Personne ne le mérite plus que toi.<br />

Quintus avait compris <strong>de</strong>puis longtemps qu'il ne pourrait surpasser son ami dans tous les domaines mais il<br />

s'était juré d'au moins continuer à essayer. La promotion <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> comme centurion avait cependant<br />

fait faire un pas <strong>de</strong> géant à son ami.<br />

<strong>Maximus</strong> parvint à sourire légèrement.<br />

- Merci, mon ami. Cela fait trop longtemps que nous ne nous sommes vu.<br />

- Que penses-tu <strong>de</strong> quelques verres <strong>de</strong> vin après que nous ayons distrait les empereurs ? Nous pourrons<br />

rattraper le temps perdu.<br />

<strong>Maximus</strong> acquiesça puis les <strong>de</strong>ux hommes se serrèrent la main avant <strong>de</strong> se séparer et <strong>de</strong> reculer <strong>de</strong><br />

quelques pas, se préparant à montrer à l'assemblée ce dont ils étaient capables avec une épée et un<br />

bouclier.<br />

Malgré la décontraction apparente <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, il y avait quelque chose dans l'expression <strong>de</strong> son visage<br />

qui dérangea Quintus : une dureté dans les yeux qui n'était pas là avant. C'était déconcertant.<br />

Le signal marquant le début du combat fit s'animer <strong>Maximus</strong>. Quintus eut à peine le temps <strong>de</strong> lever son<br />

bouclier avant que <strong>Maximus</strong> ne porte avec son épée un coup brutal vers le bas qui fit sursauter les<br />

spectateurs. Quintus chancela <strong>sous</strong> l'impact mais se remit d'aplomb à temps pour parer une autre attaque<br />

vicieuse qui le mit à genoux. L'effroi se mêla à l'excitation lorsque Quintus comprit que ça n'était pas un<br />

combat ordinaire et il leva son épée juste à temps pour parer le coup suivant et le dévier. Des étincelles<br />

jaillirent quand le métal rencontra le métal et la foule lança <strong>de</strong>s acclamations, surtout les hommes <strong>de</strong> la<br />

sixième centurie, complètement impressionnés par leur jeune commandant.<br />

Les combattants se faisaient reculer et avancer à travers l'espace <strong>de</strong> combat avec <strong>de</strong>s coups extrêmement<br />

violents et <strong>de</strong>s grognements féroces. Dans les tribunes, Commo<strong>de</strong> était <strong>de</strong>bout, les mains serrées par<br />

l'excitation, les yeux rivés sur <strong>Maximus</strong>. L'homme offrait une vision saisissante dans son armure<br />

étincelante, ses bras et ses jambes nus aux muscles saillants et luisants <strong>sous</strong> une simple tunique alors<br />

qu'il fendait et parait, chargeait et dansait. A présent qu'il n'était plus un rival pour l'affection <strong>de</strong> sa soeur,<br />

Commo<strong>de</strong> pouvait l'admirer pleinement en tant que guerrier.<br />

Le combat était beaucoup plus féroce que ce à quoi les spectateurs s'étaient attendu et <strong>Maximus</strong> était loin<br />

<strong>de</strong> ralentir son allure. Au bord du terrain, Darius commençait à s'inquiéter <strong>de</strong> plus en plus. Il semblait que<br />

<strong>Maximus</strong> avait perdu tout sens <strong>de</strong> la réalité et qu'il avait l'air prêt à se battre jusqu'à la mort. Sa colère lui<br />

donnait <strong>de</strong> l'énergie et <strong>de</strong> la force et Quintus tenait incroyablement bien le choc mais il commençait<br />

visiblement à s'épuiser <strong>sous</strong> les attaques. Darius s'avança sur la zone, ignorant les cris lui <strong>de</strong>mandant d'en<br />

sortir.<br />

- <strong>Maximus</strong> !, cria-t-il. <strong>Maximus</strong>, ça suffit ! Ca suffit ! Calme-toi !<br />

Soit <strong>Maximus</strong> ne l'entendit pas, soit il choisit <strong>de</strong> l'ignorer et envoya un autre coup violent sur le bouclier <strong>de</strong><br />

Quintus. Il était maintenant évi<strong>de</strong>nt pour tout le mon<strong>de</strong> que ce <strong>de</strong>rnier était en difficulté.<br />

Dans les tribunes, Lucilla tordit ses mains, sachant très bien pourquoi <strong>Maximus</strong> se battait comme un<br />

démon. Devant elle, Commo<strong>de</strong> sautillait <strong>de</strong> joie. A côté <strong>de</strong> lui, sa mère était assise et ses yeux suivaient<br />

<strong>Maximus</strong> avec un regard qui fit se serrer l'estomac <strong>de</strong> Lucilla. Son fiancé, Lucius Verus, fit remarquer à<br />

Marc-Aurèle que <strong>Maximus</strong> était une brute - un grand compliment à leurs yeux - et les <strong>de</strong>ux hommes rirent.<br />

Lucilla inspira en frissonnant et essaya <strong>de</strong> concilier ce guerrier dans le pré avec cet homme doux qui l'avait<br />

tenu dans ses bras et l'avait embrassé si tendrement.<br />

Soudain, tout les spectateurs dans les tribunes se dressèrent comme un seul homme, lui masquant la vue<br />

sur le combat. Malgré ses craintes, elle se leva à temps pour voir <strong>Maximus</strong> lâcher son épée et se précipiter<br />

sur Quintus qui se tordait <strong>de</strong> douleur sur le sol en se tenant le visage.<br />

- Est-ce que tu as vu ça ? Est-ce que tu as vu, mère ?! <strong>Maximus</strong> l'a eu en plein visage. Il l'a probablement<br />

34


tué.<br />

Annia fit simplement un grand sourire.<br />

Darius atteignit Quintus avant <strong>Maximus</strong> et il écarta les mains <strong>de</strong> l'homme pour voir le sang jaillir d'une<br />

entaille en zigzag entre ses yeux. Darius déchira un morceau <strong>de</strong> sa tunique et l'appuya fortement sur la<br />

blessure, puis il jeta un oeil à <strong>Maximus</strong> qui était immobile et pale.<br />

- Ca n'est pas aussi grave que ça en a l'air. Les blessures à la tête saignent toujours beaucoup.<br />

Son ton <strong>de</strong>vint ensuite coléreux.<br />

- Tu ne lui a pas laissé une chance, <strong>Maximus</strong>. Tu aurais pu le tuer. C'était ce que tu voulais ?<br />

<strong>Maximus</strong> secoua silencieusement la tête.<br />

Quintus dit :<br />

- Je vais bien, <strong>Maximus</strong>. Ai<strong>de</strong>-moi à me relever, veux-tu ?<br />

<strong>Maximus</strong> mit un genoux à terre et passa un <strong>de</strong>s bras <strong>de</strong> Quintus autour <strong>de</strong> ses épaules alors que Darius<br />

prenait l'autre. Ils sortirent lentement du terrain <strong>sous</strong> les acclamations <strong>de</strong>s hommes <strong>sous</strong> les ordres <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong> mais celui-ci avait trop honte pour les regar<strong>de</strong>r.<br />

- Quintus, je suis tellement désolé, murmura-t-il.<br />

- Oh, la cicatrice me rendra juste encore plus séduisant que je ne le suis maintenant. Les filles du village<br />

me voudront toutes à la place <strong>de</strong> toi.<br />

Comme les trois hommes quittaient l'endroit, Marc-Aurèle se tourna vers un ai<strong>de</strong> et dit :<br />

- Dis à <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong> venir me voir après les jeux. Je dois discuter <strong>de</strong> certains problèmes avec lui.<br />

Il regarda un moment sa fille qui était assise, pale et silencieuse, regardant les trois hommes au loin. Puis<br />

il reporta son attention sur les combattants suivants qui étaient déjà sur le terrain.<br />

Ce soir-là, <strong>Maximus</strong> rejoignit Marc-Aurèle dans sa tente. Ce <strong>de</strong>rnier l'accueillit chaleureusement.<br />

- Je n'ai pas cessé d'entendre ton nom <strong>de</strong>puis que je suis arrivé, <strong>Maximus</strong> : par les généraux, par les<br />

sénateurs et aussi par mon fils et ma fille. Il semble que tu aies vraiment fait une forte impression sur<br />

beaucoup <strong>de</strong> personnes. Tu m'as assurément impressionné cet après-midi.<br />

<strong>Maximus</strong> s'agita, mal à l'aise.<br />

- Je dois m'excuser pour cela, César.<br />

- Vraiment ? Pourquoi ?<br />

- Je... J'ai laissé le combat <strong>de</strong>venir incontrôlable. Cela <strong>de</strong>vait être seulement une démonstration et<br />

personne ne <strong>de</strong>vait être blessé.<br />

- Il est facile <strong>de</strong> s'emballer pendant un combat, <strong>Maximus</strong>, même quand ce combat n'est pas réel. Tu m'as<br />

donné une idée <strong>de</strong> que ces germains ont eu à affronter l'autre nuit. L'empereur se mit à rire. Je me sens<br />

presque désolé pour eux.<br />

<strong>Maximus</strong> refusa d'accepter ces éloges.<br />

- Quintus est mon ami, Sire, et je l'ai blessé inutilement.<br />

- Viens, assieds-toi avec moi, <strong>Maximus</strong>.<br />

Marc-Aurèle désigna un siège <strong>de</strong> cuir et le jeune soldat s'exécuta <strong>de</strong> bonne grâce.<br />

- Tu as l'âme d'un combattant, fils. C'est beaucoup plus rare que tu peux le penser et très précieux pour un<br />

soldat <strong>de</strong> Rome. Marc-Aurèle sourit. Tu es très jeune pour avoir <strong>de</strong> tels dons. Tout ce que tu as à faire,<br />

c'est apprendre à contrôler et à diriger ton mécontentement sur la personne appropriée, <strong>de</strong> la façon qu'il<br />

convient. Il est évi<strong>de</strong>nt que Quintus n'était pas l'objet <strong>de</strong> ton courroux mais qu'il s'est opportunément<br />

retrouvé au bout <strong>de</strong> ton épée.<br />

<strong>Maximus</strong> acquiesça, fixant le sol.<br />

- Si j'avais eu à endurer les évènements que tu as traversés ces <strong>de</strong>rniers jours, j'aurais probablement été<br />

prêt à décapiter n'importe quel homme se trouvant sur mon chemin.<br />

<strong>Maximus</strong> leva les yeux, une question dans son regard.<br />

- Ma fille est venue me voir dès mon arrivée. Elle était très angoissée et m'a confessé qu'elle était tombée<br />

profondément amoureuse <strong>de</strong> toi. Elle m'a aussi raconté pour le chien et quelques autres choses. Marc-<br />

Aurèle soupira profondément. Je peux sûrement comprendre pourquoi elle t'aime, <strong>Maximus</strong>. Dans d'autres<br />

circonstances, j'aurais encouragé ton amour pour elle et j'aurais été fier que tu <strong>de</strong>viennes mon fils. Rien ne<br />

m'aurais fait plus plaisir, je te l'assure. Mais, Lucilla est la fille d'un empereur et, tout comme toi, elle a <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>voirs envers Rome. Son <strong>de</strong>voir est <strong>de</strong> se marier et <strong>de</strong> mettre au mon<strong>de</strong> un futur César qui aura dans ses<br />

veines le sang <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux empereurs et, pour cela, elle a été promise à l'empereur Lucius Verus il y a <strong>de</strong>ux<br />

ans. Elle m'a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> ne pas se marier avant d'avoir 18 ans et j'ai accepté mais elle a 18 ans à<br />

présent et le mariage doit avoir lieu très prochainement. Cela va peut être même avoir lieu ici en Germanie<br />

plutôt qu'à Rome puisque nous n'allons pas pouvoir retourner là-bas avant un long moment. L'empereur<br />

Lucius est soucieux d'officialiser tout cela.<br />

Marc-Aurèle se pencha et regarda directement <strong>Maximus</strong>.<br />

- Elle m'a avoué qu'elle t'avait déclaré son amour sans mentionner ses fiançailles, te faisant croire que<br />

nous aviez une chance d'être ensembles. Je ne crois pas qu'elle ait voulu jouer avec tes sentiments,<br />

<strong>Maximus</strong>. Elle espérait vraiment que je plierais et que je l'autoriserais à épouser un homme <strong>de</strong> son choix,<br />

mais cela n'est pas possible. Comprends-tu ?<br />

- Oui, Sire, je comprends.<br />

- Mais, malgré cela, ton coeur n'accepte pas ce que ton esprit comprend. Ah, je me souviens avoir eu ton<br />

âge, <strong>Maximus</strong>. Je me rappelle l'intensité <strong>de</strong> l'amour - et le chagrin d'un coeur brisé. Nous en souffrons tous<br />

un jour. Je suis seulement très ému que ce soit ma fille qui ait brisé le coeur d'un jeune homme que<br />

j'admire et que j'aime vraiment beaucoup.<br />

35


<strong>Maximus</strong> avait la gorge serrée.<br />

- Merci, Altesse, murmura-t-il.<br />

- Lucilla a raison, tu sais. Tu serais un modèle idéal pour Commo<strong>de</strong>. Il a certainement besoin <strong>de</strong> l'influence<br />

d'un homme intelligent, honorable et courageux comme toi. Une fois, encore, c'est une perte pour moi.<br />

Marc-Aurèle se leva <strong>de</strong> son siège pour marcher.<br />

- J'ai l'impression que ma famille ne t'a pas bien traité <strong>de</strong> nombreuses manières et je dois faire ce que je<br />

peux pour réparer cela. Tout d'abord, fils, ma femme et ma fille partent <strong>de</strong>main pour séjourner avec une<br />

autre légion campée non loin d'ici. Lucius Verus les accompagnera puis reviendra seul ici.<br />

<strong>Maximus</strong> sentit la bile monter dans sa gorge et déglutit péniblement.<br />

- Ensuite, je t'accor<strong>de</strong> la permission <strong>de</strong> te marier, <strong>Maximus</strong>, lorsque tu auras trouvé une femme convenable<br />

que tu aimeras - et tu aimeras à nouveau, même si tu es persuadé du contraire à présent. Tu es un <strong>de</strong>s<br />

rares hommes dans toute l'armée romaine à avoir ce privilège. Enfin, et c'est le plus important, il y a un<br />

sénateur qui a <strong>de</strong>mandé à t'adopter comme son fils et j'ai paraphé les papiers, faisant <strong>de</strong> toi un membre à<br />

part entière <strong>de</strong> la classe sénatoriale et te donnant accès à tous ses privilèges.<br />

Les choses se passaient si vite que <strong>Maximus</strong> avait <strong>de</strong>s difficultés à saisir leur signification.<br />

- Quel est son nom, Sire ?<br />

- Marcus Licinius Marcellus, mais on m'a déjà dit que tu souhaitais conserver ton nom et tu le pourras. Tu<br />

vas le rencontrer plus tard dans la soirée mais tu n'as pas besoin d'avoir <strong>de</strong>s relations suivies avec lui et sa<br />

famille si tu ne le désires pas. L'adoption est réellement une simple formalité.<br />

- Je ne sais pas quoi dire, Sire.<br />

Marc-Aurèle vint se tenir <strong>de</strong>vant lui et <strong>Maximus</strong> se leva. Le sourire <strong>de</strong> l'empereur était si gentil et empli<br />

d'inquiétu<strong>de</strong> que <strong>Maximus</strong> enfonça ses ongles dans les paumes <strong>de</strong> ses mains pour empêcher les larmes<br />

<strong>de</strong> jaillir. Marc-Aurèle posa ses <strong>de</strong>ux mains sur ses épaules et dit gentiment :<br />

- Il serait mieux que tu ne revoies pas ma fille, <strong>Maximus</strong>. Elle restera dans sa chambre jusqu'à ce qu'elle<br />

parte <strong>de</strong>main. Oublie-la, fils.<br />

<strong>Maximus</strong> acquiesça misérablement.<br />

- Lorsque l'empereur Lucius Verus reviendra dans quelques jours, nous <strong>de</strong>vrons préparer une expédition<br />

punitive <strong>de</strong> l'autre côté du fleuve pour faire comprendre aux barbares qu'une insurrection ne sera pas<br />

tolérée. Je veux que tu fasses partie <strong>de</strong> cette expédition, <strong>Maximus</strong>.<br />

La mâchoire du centurion sembla prête à se décrocher.<br />

- Ce sera un honneur, Sire.<br />

Marc-Aurèle se mit à rire.<br />

- Je veux voir l'énergie et l'habileté dont j'ai été témoin aujourd'hui dirigées sur les germains.<br />

<strong>Maximus</strong> sourit en réponse.<br />

- Bien. A présent, faisons la connaissance <strong>de</strong> ton père adoptif et ensuite, tu auras besoin <strong>de</strong> prendre un<br />

peu <strong>de</strong> repos. Nous en avons besoin tous les <strong>de</strong>ux.<br />

Lorsque <strong>Maximus</strong> quitta finalement la tente <strong>de</strong> l'empereur ce soir-là, il ne regarda ni à droite, ni à gauche<br />

en se dirigeant vers la sortie du praetorium. Grâce à Marc-Aurèle, il voyait plus clairement son avenir à<br />

présent, il savait ce dont il était capable et ce qu'il voulait accomplir. Rien ne se mettrait en travers <strong>de</strong> sa<br />

route. Rien ni personne.<br />

Des yeux verts remplis <strong>de</strong> larmes regardèrent son dos droit et ses larges épaules disparaître après la<br />

porte. Lucilla était restée à l'entrée <strong>de</strong> sa tente toute la soirée, espérant apercevoir <strong>Maximus</strong> et un signe<br />

quelconque qui aurait indiqué qu'il lui avait pardonné, mais elle savait à présent que cela n'était pas le cas.<br />

Elle s'effondra sur son lit et pleura amèrement en pensant à ce que sa vie allait être à présent et à ce<br />

qu'elle aurait pu <strong>de</strong>venir.<br />

Chapitre 23 : Le raid<br />

<strong>Maximus</strong> frissonnait alors que la pluie froi<strong>de</strong> printanière tombait à verse sur sa tête et transformait le rivage<br />

en un bourbier arrivant jusqu'à la cheville. Son étalon secoua impatiemment la tête, forcé <strong>de</strong> rester<br />

immobile et en armure <strong>sous</strong> l'averse. <strong>Maximus</strong> lui tapota l'encolure en signe <strong>de</strong> sympathie. Cependant, son<br />

geste exposa son cou à la pluie diluvienne et <strong>de</strong>s filets d'eau glaciale dégoulinèrent dans son armure où ils<br />

humectèrent ses <strong>sous</strong>-vêtements, les rendants collants et inconfortables.<br />

<strong>Maximus</strong> était un <strong>de</strong>s cent hommes choisis qui allaient franchir le Danube aux lueurs <strong>de</strong> l'aube et lancer<br />

une expédition punitive sur les troupes barbares <strong>de</strong> la rive opposée. Les romains étaient vraiment en <strong>sous</strong>nombre<br />

mais leur attaque éclair serait appuyée par une attaque à gran<strong>de</strong> échelle <strong>de</strong> la légion entière si<br />

nécessaire, avec le but d'établir un camp <strong>de</strong> l'armée romaine sur la rive nord du fleuve. Les autres légions<br />

Felix étaient en état d'alerte au cas où un renfort serait nécessaire.<br />

Il faisait toujours nuit - il était peut être cinq heures du matin - et l'aube viendrait tard aujourd'hui à cause<br />

du temps sombre et nuageux, mais c'était probablement ce temps qui les protègerait. Le vent glacial du<br />

nord leur donnait l'assurance que les bruits <strong>de</strong> la rive romaine ne porteraient pas <strong>de</strong> l'autre côté du fleuve<br />

et les nuages bas et gris et le brouillard s'élevant <strong>de</strong> l'eau les masqueraient <strong>de</strong>s sentinelles postées sur la<br />

berge opposée.<br />

Darius se tenait à côté <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et Quintus était <strong>de</strong> l'autre côté. Devant eux se tenaient l'empereur<br />

Lucius Verus et le général Patroclus. Derrière eux, il y avait environ 90 légionnaires, tous spécialement<br />

choisis pour leurs qualités supérieures <strong>de</strong> combattants. Tous les hommes étaient aussi misérables et<br />

nerveux que lui, mais pas un son ne pouvait être entendu, à part les ébrouements et les piétinements <strong>de</strong>s<br />

chevaux.<br />

36


<strong>Maximus</strong> regarda vers l'est et remarqua un léger éclaircissement du ciel. Le signal <strong>de</strong> traîner les lourds<br />

ra<strong>de</strong>aux dans l'eau <strong>de</strong>puis leur cachette dans la forêt viendrait bientôt. Il fit mentalement l'inventaire <strong>de</strong> ses<br />

armes - les épées et le bouclier qui étaient sanglés soli<strong>de</strong>ment à son côté.<br />

Plus <strong>de</strong> la moitié <strong>de</strong>s hommes était <strong>de</strong>s archers et ils conduiraient l'attaque à pied, tuant le plus <strong>de</strong><br />

germains possible, semant le désarroi dans le camp ennemi. Les ordres étaient clairs : attaquer, tuer et<br />

revenir à l'abri sur le fleuve où les archers <strong>sous</strong> le comman<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> Marc-Aurèle attendraient l'ordre <strong>de</strong><br />

décocher <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> flèches par-<strong>de</strong>ssus le fleuve pour dissua<strong>de</strong>r les germains survivants <strong>de</strong> les<br />

suivre.<br />

La luminosité était suffisante à présent pour que <strong>Maximus</strong> puisse distinguer l'eau <strong>de</strong> la terre et il tendit<br />

l'oreille, attendant l'ordre <strong>de</strong> commencer. Il vint quelques minutes plus tard.<br />

Les ra<strong>de</strong>aux furent mis à l'eau et Lucius Verus et le général Patroclus embarquèrent à bord du premier,<br />

leurs chevaux plongeant dans l'eau pour nager <strong>de</strong>rrière eux. <strong>Maximus</strong>, Quintus et Darius suivirent sur la<br />

secon<strong>de</strong> embarcation avec quatre soldats. <strong>Maximus</strong> frissonna quand l'eau mouilla ses bottes. Il s'empara<br />

immédiatement d'une pagaie et commença à diriger l'embarcation vers le centre du fleuve. Quintus<br />

pagayait également et Darius tenait les rênes <strong>de</strong> leurs chevaux nageant <strong>de</strong>rrière le ra<strong>de</strong>au, leurs<br />

éclaboussures masquées par la pluie battante. Ils débarquèrent peu avant l'emplacement du camp<br />

barbare et se rassemblèrent pour l'attaque. Tous les hommes étaient complètement gelés et tremblants,<br />

autant à cause <strong>de</strong> la traversée glaciale du fleuve que <strong>de</strong> l'appréhension. <strong>Maximus</strong> inspira profondément<br />

plusieurs fois pour stabiliser sa respiration et regarda Darius et Quintus qui étaient à cheval non loin <strong>de</strong> lui.<br />

- Force et honneur, dit-il calmement et avec conviction et ils le regardèrent avec surprise. Darius sourit.<br />

- Force et honneur, <strong>Maximus</strong>.<br />

Il tendit la main pour serrer celle <strong>de</strong> son ami.<br />

- Oui. Force et honneur, répondit Quintus très sérieusement et il fit comme Darius.<br />

Tous les regards se tournèrent vers Lucius Verus pour attendre le signal. La fumée <strong>de</strong>s feux <strong>de</strong> camp<br />

matinaux était visible au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s arbres - un fumet accueillant dans <strong>de</strong>s circonstances normales mais une<br />

indication que les germains s'éveillaient.<br />

Lucius Verus leva son bras. Quand il le baissa, 50 archers chargèrent à pied dans la forêt vers le camp. Ils<br />

disparurent très vite <strong>de</strong> la vue <strong>de</strong> la cavalerie mais <strong>de</strong>s cris surpris puis les hurlements <strong>de</strong>s hommes qui<br />

étaient encore engourdis signalèrent le succès <strong>de</strong> la mission <strong>de</strong>s archers.<br />

Lucius Verus leva à nouveau le bras et <strong>Maximus</strong> sentit ses muscles se contracter. L'épée s'abaissa et le<br />

général Patroclus et la cavalerie chargèrent vers le camp à travers les bois, les épées tirées et levées.<br />

<strong>Maximus</strong> émergea dans la clairière juste <strong>de</strong>rrière le général et fit décrire à son épée un violent cercle<br />

<strong>de</strong>scendant pour envoyer la tête d'un infortuné germain tournoyer dans les airs avant <strong>de</strong> retomber sur le<br />

sol et rouler dans la boue. Il redressa son épée, projetant <strong>de</strong>s giclées <strong>de</strong> sang <strong>de</strong> l'homme mort sur son<br />

armure et son visage.<br />

<strong>Maximus</strong> régla rapi<strong>de</strong>ment leurs comptes à <strong>de</strong>ux hommes qui couraient, pris <strong>de</strong> panique. Cela le troublait<br />

quelque peu <strong>de</strong> lever l'épée sur un homme qui n'avait d'autre défense que ses mains levées. Son bras<br />

puissant et son épée affilée pouvaient trancher le cou d'un homme comme si ça n'était rien <strong>de</strong> plus qu'un<br />

couteau tranchant du pain. Le jeune centurion fut presque soulagé <strong>de</strong> voir que <strong>de</strong> nombreux germains<br />

finissaient par s'armer et tentaient d'organiser une riposte.<br />

<strong>Maximus</strong> éperonna son cheval dans leur direction, juste <strong>de</strong>rrière le général. Avec un hurlement, Patroclus<br />

expédia <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s hommes dans l'autre mon<strong>de</strong> avec <strong>de</strong> puissants coups d'épée. <strong>Maximus</strong> le suivait coups<br />

pour coups et les <strong>de</strong>ux combattants romains firent reculer les germains à l'abri <strong>de</strong> la forêt.<br />

- <strong>Maximus</strong> !, cria le général en pointant son épée <strong>de</strong>rrière le jeune soldat.<br />

<strong>Maximus</strong> fit faire volte-face à son cheval juste à temps pour faire face à une contre-attaque venant <strong>de</strong>s<br />

bois et s'ouvrit une voie à travers les germains à coups d'épée.<br />

La pluie avait continué sans répit et le sol s'était rapi<strong>de</strong>ment métamorphosé en un bourbier <strong>de</strong> terre et <strong>de</strong><br />

sang. Les chevaux commencèrent à déraper et les hommes à pied tombèrent à genoux dans la boue<br />

collante.<br />

<strong>Maximus</strong> se servit <strong>de</strong> son avant-bras pour s'essuyer les yeux et regarda rapi<strong>de</strong>ment autour <strong>de</strong> lui pour<br />

évaluer la situation. Il y avait <strong>de</strong>s corps partout, la plupart d'entre eux étaient <strong>de</strong>s germains aux cheveux<br />

longs mais au moins une douzaine <strong>de</strong> romains était aussi à terre. <strong>Maximus</strong> ne pouvait pas dire qui ils<br />

étaient.<br />

Les bruits <strong>de</strong> la bataille finirent par s'évanouir et dans le lointain, <strong>Maximus</strong> entendit Lucius Verus ordonner<br />

la retraite jusqu'à la rive. Lui et le général étaient les plus éloignés du point <strong>de</strong> ralliement et <strong>Maximus</strong> se<br />

tourna dans sa selle pour voir si Patroclus avait entendu l'ordre.<br />

Ce qu'il vit envoya une décharge dans tout son corps. Le général était à terre, coincé <strong>sous</strong> son cheval qui<br />

avait glissé dans la boue.<br />

Voyant le chef romain dans cette position, quelques uns <strong>de</strong>s germains qui s'étaient enfui dans les bois<br />

revenaient furtivement vers lui. Alors que le cheval luttait pour se redresser, une flèche lui transperça le<br />

cou et la tête retomba dans la boue avec un bruit sourd.<br />

<strong>Maximus</strong> dirigea frénétiquement son étalon entre son général piégé et les germains, utilisant son bouclier<br />

pour arrêter l'impact d'une <strong>de</strong>mi-douzaine <strong>de</strong> flèches. Il cria pour avoir du renfort mais ne put apercevoir<br />

personne et l'épais ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> pluie couvrit ses mots.<br />

37


Chapitre 24 : Le Raid II<br />

<strong>Maximus</strong> plissa les yeux, essayant <strong>de</strong> déterminer le nombre d'hommes auxquels il faisait face. Au moins<br />

une douzaine, pensa-t-il - beaucoup trop nombreux pour qu'il envisage une attaque, alors il n'avait plus<br />

qu'à essayer <strong>de</strong> rester en vie et protéger son général du mieux qu'il pourrait jusqu'à ce qu'un soldat <strong>de</strong> la<br />

légion s'aperçoive qu'ils avaient disparu.<br />

Un son aigu lui fit redresser brusquement le menton juste avant qu'une flèche frappe puissamment son<br />

armure, le déstabilisant et faisant reculer son cheval effrayé. Il saisit la croupe <strong>de</strong> l'animal mais ses mains<br />

dérapèrent sur la robe rendue glissante par la pluie et il tomba à terre, son épée et son bouclier toujours<br />

dans ses mains. Il roula sur lui-même quand il heurta le sol et se retrouva sur ses pieds à l'instant où une<br />

autre volée <strong>de</strong> flèches était tirée. Elles frappèrent son bouclier levé sans résultat. Comme les germains<br />

s'apprêtaient à décocher <strong>de</strong> nouvelles flèches, <strong>Maximus</strong> recula à toute vitesse, butant sur le cheval mort<br />

du général puis sur l'homme coincé <strong>de</strong>s<strong>sous</strong> pendant que les flèches frappaient son bouclier. Il se<br />

<strong>de</strong>manda vaguement combien <strong>de</strong> flèches son bouclier pourrait encore supporter.<br />

- Êtes-vous blessé, Monsieur ?, <strong>de</strong>manda-t-il anxieusement.<br />

- Surtout ma fierté, <strong>Maximus</strong>, grimaça Patroclus. Mais je ne sens pas ma jambe et je ne peux pas la<br />

dégager <strong>de</strong> <strong>sous</strong> le cheval.<br />

- Où est votre bouclier, Monsieur ?<br />

- Sous le cheval. Je ne sais pas où est mon épée. Je l'ai perdue quand je suis tombé.<br />

La voix du général était fatiguée.<br />

<strong>Maximus</strong> se laissa glisser plus profondément dans la boue, utilisant la dépouille du cheval pour absorber<br />

l'impact <strong>de</strong>s flèches, mais il savait que les germains essaieraient bientôt une autre approche.<br />

Patroclus était coincé <strong>sous</strong> le cheval jusqu'à la hanche et enterré profondément dans la glaise. <strong>Maximus</strong><br />

savait qu'il ne pourrait pas le dégager sans ai<strong>de</strong>.<br />

Il se retourna <strong>de</strong> sorte que son dos soit contre le cheval et son pied heurta quelque chose <strong>de</strong> dur. C'était<br />

l'épée du général enfouie dans la boue. <strong>Maximus</strong> la saisit et ôta autant <strong>de</strong> terre qu'il pût et la leva<br />

légèrement pour laisser la pluie enlever le reste. C'est alors qu'il remarqua <strong>de</strong>s germains équipés d'épées<br />

grossières courir d'arbre en arbre. Des flèches d'un côté et <strong>de</strong>s épées <strong>de</strong> l'autre. Comment par les Dieux<br />

allait-il se sortir <strong>de</strong> là ?<br />

<strong>Maximus</strong> couvrit le général avec son propre bouclier, ignorant les protestations <strong>de</strong> l'homme <strong>de</strong>vant la<br />

bêtise <strong>de</strong> l'acte.<br />

- <strong>Maximus</strong>, je suis à terre. Tu as une chance <strong>de</strong> sauver ta vie. Saisis-la.<br />

- Non Monsieur.<br />

- <strong>Maximus</strong>, je suis toujours le commandant !<br />

- Bien sûr, Monsieur, mais vous n'êtes pas en mesure <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s décisions dans votre position. S'il<br />

vous plaît, faites-moi confiance pour le faire à votre place maintenant.<br />

Patroclus leva les yeux sur le regard déterminé du jeune soldat - un regard réellement effrayant. Sa<br />

mâchoire était contractée en une ligne dure et ses yeux rétrécis étaient d'un bleu métallique. Le général<br />

acquiesça simplement. Dans cette situation désespérée, Patroclus ne pouvait penser à aucun autre soldat<br />

avec lequel il voudrait être plus qu'avec <strong>Maximus</strong>.<br />

Le jeune centurion savait que Patroclus serait attaqué dès l'instant où il le laisserait alors il attendit que les<br />

hommes armés d'épées attaquent, se <strong>de</strong>mandant combien il pouvait rester <strong>de</strong> flèches aux hommes<br />

<strong>de</strong>rrière lui. Il n'avait pas <strong>de</strong> bouclier et son casque était perdu dans la boue <strong>de</strong>puis longtemps, le rendant<br />

très vulnérable, mais les archers avaient à présent <strong>de</strong>s difficultés à trouver leur cible <strong>sous</strong> la pluie battante.<br />

La volée <strong>de</strong> flèches suivante acheva sa course dans le cheval mort mais quelques unes allèrent dans les<br />

arbres et s'enfoncèrent également dans la boue <strong>de</strong> chaque côté d'eux. A cause <strong>de</strong> l'inexactitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> leurs<br />

tirs, <strong>Maximus</strong> savait qu'ils cesseraient <strong>de</strong> tirer aussitôt que les épéistes attaqueraient <strong>de</strong> peur <strong>de</strong> toucher<br />

leurs propres hommes. C'était juste une question <strong>de</strong> temps.<br />

Un cri perçant et primitif venant <strong>de</strong> la forêt fit s'hérisser la nuque <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et il bondit sur ses pieds, une<br />

épée dans chaque main. Six germains émergèrent en courant du <strong>sous</strong>-bois et se mirent à l'attaquer.<br />

Alors que l'un d'entre eux s'écroulait dans la boue la tête la première, <strong>Maximus</strong> sentit un violent choc<br />

<strong>de</strong>rrière sa cuisse gauche qui le fit presque tomber et il baissa les yeux pour voir la pointe d'une flèche<br />

ressortir sur le <strong>de</strong>vant <strong>de</strong> la jambe et se <strong>de</strong>manda un instant pourquoi il ne ressentait aucune douleur.<br />

Il releva la tête juste à temps pour voir une épée au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa tête <strong>de</strong>scendre rapi<strong>de</strong>ment en direction<br />

<strong>de</strong> son cou. Il décrivit un cercle puissant avec son bras gauche et les <strong>de</strong>ux armes s'entrechoquèrent,<br />

envoyant la lame du germain voler dans les airs pour s'enfoncer dans la boue. Avec un impitoyable coup<br />

d'épée <strong>de</strong> la main droite, il étripa l'homme désarmé et rejeta son corps d'un coup <strong>de</strong> pied, l'envoyant contre<br />

un autre germain, les faisant tomber tous les <strong>de</strong>ux. D'un mouvement rapi<strong>de</strong>, il fondit sur l'homme qui<br />

respirait encore et le décapita d'un seul coup d'épée.<br />

Il commençait à avoir <strong>de</strong>s élancements dans la jambe mais il n'avait pas le temps <strong>de</strong> s'apitoyer sur son<br />

sort car les quatre germains restants formaient un arc autour <strong>de</strong> lui.<br />

Un son stri<strong>de</strong>nt venant <strong>de</strong> <strong>de</strong>rrière lui fit baisser la tête et la flèche qui lui était <strong>de</strong>stinée alla se planter<br />

profondément dans le coeur du germain le plus proche. L'homme s'effondra comme une masse et, à<br />

présent, <strong>Maximus</strong> faisait face à trois hommes très méfiants. L'un d'eux cria un ordre aux archers, un ordre<br />

dont <strong>Maximus</strong> espérait qu'il arrêterait le tir <strong>de</strong>s flèches.<br />

Ses yeux passaient rapi<strong>de</strong>ment d'un homme à l'autre pendant que ses ennemis se <strong>de</strong>mandaient<br />

visiblement comment prendre ce démon romain couvert <strong>de</strong> boue avec du sang jaillissant d'une vilaine<br />

blessure à la jambe.<br />

38


<strong>Maximus</strong> fit une moue dédaigneuse et grogna, puis leur cria <strong>de</strong>s obscénités. Il savait qu'ils ne<br />

comprenaient pas ses paroles mais qu'ils reconnaissaient sûrement la menace dans sa voix profon<strong>de</strong> et<br />

grondante. Il vit ce qu'il espérait - une lueur d'incertitu<strong>de</strong> dans les yeux <strong>de</strong> l'homme sur sa gauche. A la<br />

vitesse <strong>de</strong> l'éclair, <strong>Maximus</strong> projeta son bras droit en arrière et lança son épée à travers les airs. Un instant<br />

après, elle transperça le cou <strong>de</strong> son ennemi et il s'écroula sur le sol, les yeux grands ouverts et fixes.<br />

<strong>Maximus</strong> fit passer l'épée qui lui restait dans sa main droite et un étourdissement le submergea. Un rapi<strong>de</strong><br />

coup d'oeil lui révéla une jambe qui était dégoulinante <strong>de</strong> sang. La douleur lancinante se répandait aussi,<br />

<strong>de</strong> sa cuisse vers son mollet et jusque dans sa hanche.<br />

Les <strong>de</strong>ux germains restant le regardèrent avec satisfaction, réalisant que tout ce qu'ils avaient à faire était<br />

d'attendre que le romain s'effondre - ce qu'il ferait visiblement très bientôt - et le tuer ainsi que l'homme<br />

<strong>sous</strong> le cheval.<br />

- <strong>Maximus</strong>, <strong>Maximus</strong>, tiens bon. Tiens bon, l'encouragea Patroclus <strong>de</strong>puis le sol, sa voix étant très faible.<br />

- Oui, Monsieur, répondit <strong>Maximus</strong>, sa voix n'étant pas plus forte.<br />

Il avança d'un pas et chancela quand la douleur aveuglante envahit son corps. Il entendit vaguement les<br />

rires <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux germains et grogna une nouvelle fois en les foudroyant du regard. Il fut surpris <strong>de</strong> voir leurs<br />

regards suffisants se remplir d'effroi. Ils reculèrent, puis firent <strong>de</strong>mi-tour et battirent en retraite dans la forêt.<br />

Un vertige le fit se mettre à genoux et comme il s'effondrait sur le sol, <strong>de</strong>s douzaines <strong>de</strong> flèches firent<br />

tomber rai<strong>de</strong>s morts les <strong>de</strong>ux germains dans leur fuite.<br />

Désorienté, <strong>Maximus</strong> se contorsionna et leva les yeux sur le visage pale et inquiet <strong>de</strong> Darius.<br />

- Qu'est-ce qui vous a pris aussi longtemps ?, <strong>de</strong>manda le centurion épuisé en se laissant tomber dans la<br />

boue et dans un oubli agréable.<br />

Chapitre 25 : Accola<strong>de</strong>s<br />

- Bois-ça, <strong>Maximus</strong>, commanda Darius en redressant légèrement l'homme blessé.<br />

<strong>Maximus</strong> avala le vin avec gratitu<strong>de</strong> puis en accepta un second gobelet qui subit le même sort. Sa vue<br />

trouble lui disait qu'il était dans sa tente mais il ne savait pas comment il y était arrivé.<br />

- Comment... ?<br />

- Ne dis rien, dit Darius. Les chirurgiens seront ici dans une minute, dès que je t'aurais rendu assez saoul<br />

pour ôter cette flèche.<br />

- Le général...<br />

- J'ai dit : ne parle pas !<br />

Darius essaya d'avoir l'air en colère mais n'y parvint pas.<br />

- Une jambe écrasée et une hanche brisée. Il sera renvoyé à Rome pour guérir.<br />

Darius regarda pensivement <strong>Maximus</strong>.<br />

- Il nous a raconté ce que tu as fait. Vraiment impressionnant, mon jeune ami. Vraiment impressionnant.<br />

- Où étiez... ?<br />

- Où étions-nous ?, l'interrompit Darius. Tiens, prends un autre verre. Nous étions à la moitié <strong>de</strong> la<br />

traversée du Danube avec nos archers tirant sur les germains restants quand nous avons réalisé que nous<br />

n'étiez sur aucun <strong>de</strong>s ra<strong>de</strong>aux. Ton cheval nous avait rejoint pour le voyage du retour mais pas toi. Le<br />

général et son cheval étaient absents aussi. Il nous a fallu un certain temps pour faire cesser les tirs et<br />

faire faire <strong>de</strong>mi-tour aux ra<strong>de</strong>aux pour découvrir ce qui vous était arrivé.<br />

Darius prit un ton bourru.<br />

- Je savais que tu serais en vie. Tu es trop têtu pour mourir. Continue à boire.<br />

<strong>Maximus</strong> vida son quatrième gobelet <strong>de</strong> liqui<strong>de</strong> rouge soyeux et fut content <strong>de</strong> finalement sentir la<br />

pulsation douloureuse dans la partie inférieure <strong>de</strong> son corps diminuer considérablement.<br />

- Tu as perdu beaucoup <strong>de</strong> sang, mon ami. Si cette flèche avait été juste un peu plus à droite, eh bien... Tu<br />

<strong>de</strong>vras te reposer pendant un temps après qu'on t'aura soigné.<br />

La voix <strong>de</strong> Darius se mit à flotter au loin quand la tête <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> retomba sur l'épaule <strong>de</strong> son aîné.<br />

Darius l'allongea doucement sur le lit et fit signe aux chirurgiens d'entrer. Ils avaient une collection<br />

effrayante d'instruments et Darius sut que l'ablation <strong>de</strong> la flèche serait plus difficile pour lui que pour<br />

l'homme endormi.<br />

<strong>Maximus</strong> reprit lentement conscience et son corps envoya aussitôt <strong>de</strong>s signaux à son cerveau pour que la<br />

douleur lancinante revienne. Au moins, c'était à présent concentré dans sa jambe et cela ne torturait plus<br />

tout son corps. Il <strong>de</strong>vait avoir murmuré quelque chose d'inintelligible parce que Darius fut immédiatement à<br />

son chevet, plaçant une main fraîche sur son front.<br />

- N'essaie pas <strong>de</strong> bouger, <strong>Maximus</strong>. La flèche a été ôtée et la plaie nettoyée mais ça a pris très longtemps<br />

aux chirurgiens. La flèche s'est brisée dans ta jambe et elle était couverte <strong>de</strong> saletés. Tu as <strong>de</strong> la fièvre<br />

mais les chirurgiens sont sûrs qu'elle partira bientôt. Ils ont ordonné un repos complet et aucun visiteur<br />

sauf moi. Même les empereurs ne peuvent pas entrer et ils sont tous les <strong>de</strong>ux anxieux <strong>de</strong> te parler.<br />

<strong>Maximus</strong> acquiesça qu'il avait compris et ferma les yeux, glissant à nouveau dans l'oubli.<br />

Il se réveilla tard le jour suivant, assoiffé et affamé, ce qui était bon signe d'après les chirurgiens.<br />

Le jour suivant, il s'assoyait et se plaignait <strong>de</strong> s'ennuyer. Darius lui changea les idées pendant un moment<br />

avec <strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong> société mais <strong>Maximus</strong> n'était pas habitué à l'inactivité et gar<strong>de</strong>r la chambre le rendait <strong>de</strong><br />

mauvaise humeur. Darius finit par lui dire sèchement :<br />

- Tu as l'air d'un tas <strong>de</strong> mer<strong>de</strong>, tu sais.<br />

Il plissa exagérément le nez.<br />

- Et tu sens pareil également.<br />

39


- Merci, Darius. Je veux prendre un bain.<br />

- Tu ne peux pas mouiller ta jambe.<br />

- Eh bien, le reste <strong>de</strong> mon corps le peut.<br />

- Tu n'es pas sensé quitter cette tente.<br />

- Alors, apporte le bain ici. Et je l'aime bien chaud, s'il te plaît.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda Darius avec les sourcils levés. Comme Darius ne bougeait pas, il lui donna un coup <strong>de</strong><br />

cou<strong>de</strong>.<br />

- Tu <strong>de</strong>viens odieux, tu sais.<br />

Darius adoucit ses paroles en ébouriffant les cheveux <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. Il ôta sa main avec un air faussement<br />

dégoûté.<br />

- Beurk !, dit-il. Tu as encore <strong>de</strong> la boue séchée et je ne sais quoi d'autre dans les cheveux. J'apporte le<br />

bain.<br />

Plusieurs heures après, <strong>Maximus</strong> émergea <strong>de</strong> sa tente fraîchement lavé et portant <strong>de</strong>s vêtements propres,<br />

avec une béquille <strong>sous</strong> son bras et Darius à ses côtés.<br />

Il boitait lour<strong>de</strong>ment en traversant le camp - une traversée très lente car tout le mon<strong>de</strong> l'arrêtait pour le<br />

féliciter, spécialement les hommes <strong>de</strong> sa centurie qui étaient plus que jamais impressionnés par leur jeune<br />

chef..<br />

Il finit par atteindre les écuries et y trouva son cheval mastiquant du foin avec contentement.<br />

- Traître, dit-il en caressant affectueusement le nez <strong>de</strong> l'animal. Tu as décidé que tu préférais retrouver le<br />

confort <strong>de</strong> ton écurie plutôt que <strong>de</strong> m'ai<strong>de</strong>r à m'en sortir, hein ?<br />

L'étalon brun renifla sa main en réponse.<br />

- Monsieur ?<br />

<strong>Maximus</strong> se tourna vers le jeune soldat <strong>de</strong>rrière lui - un garçon pas plus vieux que lui quand il avait rejoint<br />

la légion.<br />

- Oui, Flavius ?<br />

- Les empereurs souhaiteraient que vous les rejoigniez dans leur tente, Monsieur.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda la haute tente à travers le camp.<br />

- Tout <strong>de</strong> suite ?<br />

- Oui, Monsieur.<br />

- Dis-leur que je suis en chemin mais que ça risque <strong>de</strong> prendre un certain temps.<br />

Flavius fit un large sourire et décampa.<br />

- Entre, entre, <strong>Maximus</strong>, dit Marc-Aurèle en lui faisant signe <strong>de</strong>puis l'intérieur <strong>de</strong>s quartiers confortables<br />

qu'il partageait avec Lucius Verus.<br />

Il observa la claudication marquée du jeune homme et l'encouragea d'un sourire, chose qui venait<br />

facilement sur le visage <strong>de</strong> l'empereur lorsqu'il regardait ce jeune homme qui était <strong>de</strong>venu son préféré.<br />

- Non, non, n'essaie même pas <strong>de</strong> t'incliner. C'est nous qui <strong>de</strong>vrions nous incliner <strong>de</strong>vant toi. Assieds-toi.<br />

Assieds-toi ici pour que nous puissions parler.<br />

<strong>Maximus</strong> s'installa sur la chaise confortable et retourna timi<strong>de</strong>ment le sourire <strong>de</strong> l'empereur.<br />

- Merci, Majesté.<br />

Lucius Verus émergea <strong>de</strong> l'ombre et s'approcha du siège du jeune centurion. <strong>Maximus</strong> commença à<br />

essayer <strong>de</strong> se lever mais fut immobilisé par une main sur son épaule.<br />

- <strong>Maximus</strong>, restez assis, je vous prie. Je vous dois <strong>de</strong>s excuses.<br />

Des excuses ?<br />

Lucius poursuivit :<br />

- Vous voyez, j'aurais dû remarquer que Patroclus n'était pas avec nous et, au lieu <strong>de</strong> ça, c'est vous qui<br />

l'avez remarqué, puis êtes resté pour défendre sa vie en dépit du fait que l'ennemi était plus nombreux que<br />

vous et que vous étiez blessé. Je ne peux vous dire à quel point c'était un merveilleux geste altruiste.<br />

- N'importe qui d'autre l'aurait fait, Majesté. J'étais juste celui qui était le plus près <strong>de</strong> lui.<br />

- Non, <strong>Maximus</strong>, vous avez tort. Parce que vous n'hésitez pas à accomplir <strong>de</strong> tels actes <strong>de</strong> bravoure, vous<br />

pensez que tout le mon<strong>de</strong> en ferait autant, mais c'est faux. J'ai commandé <strong>de</strong>s armées dans tout l'Empire<br />

et rencontré beaucoup d'hommes courageux. Je n'en ai jamais connu un tel que vous : un homme si jeune<br />

avec ce mélange <strong>de</strong> courage et d'intelligence. Vous n'avez que 20 ans, n'est-ce pas ?<br />

- Oui, Majesté, mais j'aurais bientôt 21 ans.<br />

Lucius Verus eut un sourire en l'entendant.<br />

- Vingt ans révolus. <strong>Maximus</strong>, vous avez sauvé la vie d'un <strong>de</strong> mes généraux les plus précieux et cet acte<br />

n'ira pas sans être récompensé.<br />

<strong>Maximus</strong> ne sut pas quoi répondre. Il regarda Marc-Aurèle qui poursuivit les éloges.<br />

- Tu possè<strong>de</strong>s tout ce que j'admire le plus chez un soldat : la discipline, la ténacité, un immense sens <strong>de</strong> la<br />

responsabilité, la faculté d'endurer la souffrance physique et morale sans se plaindre. Tout cela est naturel<br />

chez toi.<br />

- <strong>Maximus</strong>.<br />

Le jeune soldat reporta à nouveau son attention sur Lucius Verus.<br />

- C'est inhabituel pour un homme <strong>de</strong> votre âge d'être promu si vite mais Marc et moi ne voyons pas l'utilité<br />

<strong>de</strong> vous faire attendre <strong>de</strong>s années alors que vous passeriez d'un gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> centurion à un autre. Nous vous<br />

avançons donc au gra<strong>de</strong> le plus élevé <strong>de</strong> centurion et votre sol<strong>de</strong> augmente en conséquence. La<br />

prochaine étape pour vous sera le gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> tribun. Je ne crois pas que nous ayons jamais eu <strong>de</strong> tribun <strong>de</strong><br />

moins <strong>de</strong> 22 ans, alors vous <strong>de</strong>vrez peut être attendre un an ou <strong>de</strong>ux, mais je ne pense pas que vous<br />

40


<strong>de</strong>vrez attendre beaucoup plus.<br />

<strong>Maximus</strong> était complètement abasourdi. Son regard passait d'un empereur à l'autre, la bouche ouverte,<br />

mais aucun mot ne se formait dans son esprit. Marc-Aurèle rejeta la tête en arrière et se mit à rire.<br />

- Tu n'as pas besoin <strong>de</strong> dire "Merci", <strong>Maximus</strong>. Tu mérites cet honneur. Ca n'est pas un ca<strong>de</strong>au, tu l'as<br />

bien gagné. Un <strong>de</strong>s tribuns sera temporairement promu général jusqu'à ce que Patroclus puisse réoccuper<br />

son poste - si il le peut un jour.<br />

Marc-Aurèle s'approcha <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et baissa la voix.<br />

- Comme tu le sais, être un tribun ne veut pas nécessairement dire que l'homme est un bon stratège<br />

comme toi, <strong>Maximus</strong>. La tâche principale d'un tribun, après tout, est <strong>de</strong> maintenir l'autorité <strong>de</strong> Rome dans<br />

l'armée.<br />

Marc-Aurèle jeta un regard à Lucius puis regarda à nouveau <strong>Maximus</strong>.<br />

- Nous allons avoir vraiment besoin <strong>de</strong> toi pour agir en tant que conseiller du nouveau général et nous lui<br />

comman<strong>de</strong>rons <strong>de</strong> t'écouter.<br />

<strong>Maximus</strong> fixa simplement son mentor, essayant d'absorber la signification <strong>de</strong> ses paroles. Sa jambe le<br />

faisait horriblement souffrir.<br />

- Vous avez l'air très fatigué, dit Lucius. Je suis sûr que votre blessure vous fait souffrir alors nous n'allons<br />

pas vous retenir plus longtemps ce soir. Mais avant que vous ne partiez, le général Patroclus veut vous<br />

voir. Nous envoyons un contingent bien armé à Rome <strong>de</strong>main et le général va y retourner pour guérir. Ma<br />

femme, ma mère et ma soeur l'accompagneront là-bas ainsi que la femme <strong>de</strong> Marc et son fils.<br />

- Votre femme ? <strong>Maximus</strong> regretta ses mots aussitôt qu'ils eurent franchi sa bouche.<br />

- Oui, souvenez-vous, je vous ai dit que j'allais épouser Lucilla. Eh bien, je l'ai fait quand je l'ai<br />

accompagnée à Felix III. Ca n'est pas exactement le mariage que j'avais espéré mais Marc pensait qu'il<br />

était mieux <strong>de</strong> ne pas attendre d'avantage.<br />

Soudain, <strong>Maximus</strong> se sentit vraiment très fatigué.<br />

- Félicitations, Majesté.<br />

- Merci, <strong>Maximus</strong>. J'espère qu'un jour vous trouverez une femme aussi adorable et charmante.<br />

<strong>Maximus</strong> contempla le sol sans répondre.<br />

Lucius lui tendit la main et après un instant d'hésitation, <strong>Maximus</strong> accepta qu'on l'ai<strong>de</strong> à se lever.<br />

Marc-Aurèle se leva aussi et tapota l'épaule du jeune homme. En signe <strong>de</strong> sympathie, sans doute, pensa<br />

<strong>Maximus</strong>. Lucius continua <strong>de</strong> parler comme ils marchaient.<br />

- Je vais rester avec Felix III pour les préparer à l'occupation <strong>de</strong> la rive Nord. J'avais l'intention <strong>de</strong> le faire<br />

avec Felix VII mais avec un nouveau général et son meilleur soldat blessé, je pense qu'il est sage <strong>de</strong> vous<br />

donner un peu <strong>de</strong> temps.<br />

<strong>Maximus</strong> était très conscient <strong>de</strong> la présence <strong>de</strong> Marc-Aurèle juste <strong>de</strong>rrière lui, sa main toujours sur son<br />

épaule.<br />

Il claudiqua jusqu'à la chambre <strong>de</strong>s quartiers du général où un Patroclus très médicalisé était allongé sur<br />

son lit, sa jambe écrasée bandée <strong>de</strong> la cuisse jusqu'au pied et reposant sur <strong>de</strong>s coussins. Il ouvrit les yeux<br />

à l'approche <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et lui saisit la main. Sa poigne était faible et il serra les doigts <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> sans<br />

dire un mot.<br />

- C'était un honneur, Monsieur, répondit <strong>Maximus</strong> aux mots <strong>de</strong> remerciement muets d'un homme qu'il<br />

admirait beaucoup.<br />

Le général ferma les yeux et Marc-Aurèle fit signe au centurion <strong>de</strong> le suivre hors <strong>de</strong> la pièce.<br />

- Va maintenant, et repose-toi, dit-il. Nous avons besoin <strong>de</strong> toi en pleine possession <strong>de</strong> tes moyens le plus<br />

rapi<strong>de</strong>ment possible.<br />

Alors que <strong>Maximus</strong> boitait jusqu'à la porte, il se <strong>de</strong>manda ce que les dieux pouvaient bien lui réserver pour<br />

la prochaine fois.<br />

Chapitre 26 : 172 après Jésus-Christ<br />

La fatigue était gravée sur le visage du tribun <strong>de</strong> 26 ans monté sur son étalon et regardant le camp ennemi<br />

<strong>de</strong> Vindobona (1) par-<strong>de</strong>ssus le fleuve.<br />

La guerre en Germanie durait <strong>de</strong>puis cinq longues années sans aucune issue en vue et les légions Felix<br />

avaient perdu beaucoup d'hommes.<br />

Il était tellement fatigué qu'il ne remarquait même pas la beauté du lieu. Ses hommes étaient fatigués,<br />

l'ennemi était fatigué mais la guerre s'éternisait.<br />

Darius était à cheval à côté <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et il mit la main au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> ses yeux pour observer les<br />

Germains. Il s'adressa à son ami sans le regar<strong>de</strong>r.<br />

- Crois-tu qu'ils vont attaquer ?<br />

- Probablement.<br />

La voix <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était sinistre.<br />

- Quand ?<br />

- Bientôt.<br />

- Alors pourquoi ne faisons-nous pas le premier mouvement ?<br />

<strong>Maximus</strong> soupira profondément.<br />

- Claudius ne le fera pas.<br />

Darius se tourna vers <strong>Maximus</strong>, la frustration teintant sa voix.<br />

- Il <strong>de</strong>vrait t'écouter, <strong>Maximus</strong>. Tout le mon<strong>de</strong> sait qui tient vraiment les rênes du pouvoir dans cette légion.<br />

- Je l'ai encouragé à prendre l'initiative mais il ne m'a pas écouté. Il pense bêtement que le calme se<br />

maintiendra et je ne parviens pas à le convaincre du contraire.<br />

41


- Si tu donnais l'ordre d'attaquer, les hommes te suivraient. Tu le sais.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda son ami.<br />

- Darius, nombre d'entre eux ne le feraient pas.<br />

- Nomme-en un.<br />

- Quintus. Il est centurion et pour lui, les ordres du général prévalent tous les autres sauf ceux <strong>de</strong>s<br />

empereurs. Même si il est pleinement conscient <strong>de</strong> la stupidité <strong>de</strong>s idées <strong>de</strong> l'homme, il ne désobéira pas<br />

au commandant. Il est comme ça.<br />

- Eh bien, il y en a peu comme lui.<br />

- Ils sont suffisamment nombreux.<br />

- C'est arrivé dans d'autres légions, <strong>Maximus</strong>. Un commandant incompétent a été supplanté par un lea<strong>de</strong>r<br />

qui avait la vraie loyauté <strong>de</strong>s hommes.<br />

<strong>Maximus</strong> eut un bref sourire désabusé.<br />

- Merci <strong>de</strong> ton soutien, mon ami. J'essaierai encore ce soir <strong>de</strong> convaincre le général Claudius que le temps<br />

est venu d'agir. Je ne sais pas pourquoi il hésite, mais je n'ai pas l'intention <strong>de</strong> déclencher une mutinerie<br />

au sein <strong>de</strong> Felix VII.<br />

- C'est un lâche, voilà pourquoi. Et il ne connaît rien aux tactiques <strong>de</strong> bataille. Tu sais tout comme moi que<br />

quand il donne un ordre, les hommes te regar<strong>de</strong>nt pour avoir ton approbation avant <strong>de</strong> lui obéir.<br />

- Oui, et cela me cause parfois <strong>de</strong> nombreux problèmes. Claudius n'est pas un lâche. Il ne comprend pas,<br />

tout simplement. Il est plus intéressé par sa future carrière politique à Rome que par le sort <strong>de</strong> sa légion,<br />

bien que les <strong>de</strong>ux soient peut être plus liés qu'il ne le réalise.<br />

- Si Claudius donnait un ordre et que nous sentions que tu ne l'approuves pas, aucun homme ne lui<br />

obéirait, persista Darius.<br />

- Une fois encore, Quintus le ferait. Quintus suit les ordres même si il connaît leur sottise, tu sais cela,<br />

Darius. Et il y en a beaucoup qui sont comme lui. Obéir est facile. Prendre <strong>de</strong>s décisions ne l'est pas.<br />

<strong>Maximus</strong> se massa les tempes comme si il essayait d'effacer la douleur. Darius eut un grognement<br />

dégoûté.<br />

- Quand les empereurs vont-ils revenir pour voir l'erreur qu'ils ont commise en nommant Claudius général<br />

?<br />

- Je ne sais pas, soupira <strong>Maximus</strong> en changeant <strong>de</strong> sujet. C'est beau ici. Regar<strong>de</strong> les montagnes, Darius.<br />

<strong>Maximus</strong> leva les yeux pour contempler les sommets lointains couverts <strong>de</strong> neige, éclairés par <strong>de</strong>s rayons<br />

<strong>de</strong> soleil dorés qui ne réchauffaient pas leur emplacement dans la vallée ombrée et froi<strong>de</strong>.<br />

- Ouais, mais elles seraient beaucoup plus jolies si elles ne cachaient pas <strong>de</strong>s germains acharnés prêts à<br />

nous ôter nos têtes !<br />

<strong>Maximus</strong> rit et fit se tourner son étalon.<br />

- D'accord, Darius. Je vais essayer encore une fois.<br />

<strong>Maximus</strong> pénétra dans la tente du général sans avoir été annoncé et, comme d'habitu<strong>de</strong>, interrompit une<br />

conversation sur la situation politique à Rome. Claudius, irrité par l'intrusion leva les yeux, tout comme les<br />

<strong>de</strong>ux autres tribuns.<br />

- Qu'y a-t-il, <strong>Maximus</strong> ?<br />

- Claudius, je suis plus que jamais certain que les tribus se préparent à attaquer. Je ne peux vous dire à<br />

quel point il est important que nous lancions l'offensive les premiers. Si nous ne le faisons pas...<br />

- <strong>Maximus</strong>, quand j'aurai besoin <strong>de</strong> vos conseils, je vous solliciterai.<br />

<strong>Maximus</strong> sentit la colère bouillir dans son estomac.<br />

- Comment se fait-il, Claudius, que vous me regardiez pour avoir mon approbation pour presque chaque<br />

ordre que vous donnez mais que vous ne m'écoutiez pas à ce sujet ?<br />

Le général <strong>de</strong>vint rouge <strong>de</strong> fureur et bondit pour faire face à <strong>Maximus</strong>, renversant son gobelet <strong>de</strong> vin.<br />

- Ca n'est pas vrai. Je prends mes propres décisions !<br />

- Messieurs..., commença le tribun Jovinus.<br />

<strong>Maximus</strong> l'ignora.<br />

- Faites comme vous le désirez, général, mais si un légionnaire perd la vie à cause <strong>de</strong> votre refus d'agir, je<br />

<strong>de</strong>vrais faire un rapport complet sur votre inaptitu<strong>de</strong> à prendre <strong>de</strong> sages décisions aux empereurs.<br />

Il foudroya du regard les <strong>de</strong>ux autres tribuns, <strong>de</strong>s hommes qui auraient préféré avoir les pieds sur le<br />

marbre du sénat plutôt que sur le lin grossier d'une tente sur le front. Jovinus parla à nouveau :<br />

- <strong>Maximus</strong> a peut être raison, Claudius. Pourquoi ne pas doubler les gar<strong>de</strong>s et faire patrouiller <strong>de</strong>s<br />

centurions sur le périmètre du camp juste pour être sûrs ?<br />

- Aucun homme ne <strong>de</strong>vrait être hors <strong>de</strong>s murs du camp la nuit, déclara <strong>Maximus</strong>.<br />

- Ca sera ma décision, <strong>Maximus</strong>, pas la votre !, explosa Claudius, et je sens que ça serait vraiment<br />

approprié. Je m'attends à ce que vous donniez cet ordre immédiatement !<br />

- Donnez-le vous-même, gronda <strong>Maximus</strong> en quittant brusquement la tente.<br />

(1) Aujourd'hui Vienne<br />

Chapitre 27 : Darius<br />

Comment avait-il fait pour revenir ici ?, se <strong>de</strong>mandait-il.<br />

C'était le printemps et les roses grimpantes couleur corail entouraient la porte, leurs branches épaissies<br />

par les fleurs veloutées en pleine floraison, leur senteur parfumant l'air <strong>de</strong> douceur.<br />

Les grands peupliers à l'entrée se balançaient dans la douce brise, leurs silhouettes gracieuses se<br />

profilant sur les nuages blancs cotonneux glissant dans le ciel d'un bleu profond.<br />

42


C'était un jour parfait. Il avait un aspect parfait et une o<strong>de</strong>ur parfaite.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda ses mains. C'étaient <strong>de</strong>s mains jeunes, non marquées par <strong>de</strong>s années <strong>de</strong> bataille. Il<br />

remarqua les ongles rongés. Sa mère essayait toujours <strong>de</strong> le convaincre d'arrêter <strong>de</strong> se ronger les ongles.<br />

Son corps aussi était jeune et svelte - un corps <strong>de</strong> petit garçon. Il portait sa tunique brune préférée et ses<br />

pieds étaient nus et poussiéreux dans la luxuriante herbe verte.<br />

Il entendit son frère rire dans la cuisine et la douce voix <strong>de</strong> sa mère se joignit à la sienne.<br />

<strong>Maximus</strong> observa les alentours avec émerveillement. Les arbres fruitiers étaient chargés <strong>de</strong> leur<br />

production sans tâche. Les oiseaux sautaient d'une branche à l'autre, leurs chants se mêlant<br />

harmonieusement. <strong>Maximus</strong> était stupéfait par l'absolue perfection <strong>de</strong> tout cela.<br />

Ses yeux furent attirés vers la fenêtre <strong>de</strong> la cuisine. Son père se tenait là, lui faisant signe, un sourire sur<br />

son visage séduisant. <strong>Maximus</strong> essaya <strong>de</strong> bouger mais ne put pas. Son père lui fit à nouveau signe.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda ses pieds qui étaient à présent profondément enfoncés jusqu'aux chevilles dans la boue<br />

noire et collante. D'où venait la boue ? Il regarda à nouveau son père, prêt à lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> quand<br />

la fenêtre explosa soudain en une boule <strong>de</strong> feu qui sauta rapi<strong>de</strong>ment sur le toit et courut le long <strong>de</strong>s côtés<br />

<strong>de</strong> la maison comme si elle était vivante. <strong>Maximus</strong> cria mais aucun son ne sortit <strong>de</strong> sa bouche ouverte. Il<br />

regarda la fenêtre <strong>de</strong> la cuisine. Son père était toujours là entrain <strong>de</strong> lui faire signe avec un sourire sur le<br />

visage mais son corps était consumé par les flammes oranges. <strong>Maximus</strong> tendit désespérément la main<br />

vers son père. Soudain, le visage <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier fondit comme si il était fait <strong>de</strong> cire, le sourire s'effondrant,<br />

la chair ruisselant, les yeux <strong>de</strong>venant <strong>de</strong> la cendre noire. La maison était entièrement brûlée mais la<br />

silhouette était toujours à la fenêtre, une horreur à présent, ça n'était plus son père... mais c'était toujours<br />

reconnaissable.. Encore familière. Mais... différente. C'était Darius. Darius se tenait à présent à la fenêtre,<br />

son visage figé en une expression d'horreur, la bouche ouverte en un cri silencieux, ses mains tendues<br />

vers <strong>Maximus</strong>, implorant, <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong>. <strong>Maximus</strong> cria son nom sans qu'un son ne sorte. Il essaya<br />

<strong>de</strong> se diriger vers son ami mais ses jambes ne bougèrent pas... et Darius fondit avec la maison. Les mains<br />

du garçon retombèrent sur son flanc. Il était inutile. Il était impuissant. Il ne pouvait rien faire. Il ne pouvait<br />

sauver personne. Personne.<br />

<strong>Maximus</strong> s'assit tout droit dans son lit, les yeux grands ouverts fixant le noir. Il n'y avait pas d'incendie, pas<br />

<strong>de</strong> maison, pas <strong>de</strong> père. Il était seul dans son lit <strong>sous</strong> sa tente en Germanie. <strong>Maximus</strong> frissonna en se<br />

souvenant du réalisme <strong>de</strong> son rêve. Darius. Darius avait été là-bas. Pourquoi <strong>Maximus</strong> avait-il été en<br />

Espagne ?<br />

Soudain, <strong>Maximus</strong> sauta <strong>de</strong> son lit et enfila hâtivement sa tunique et ses bottes. Il courut à travers le camp,<br />

glissant et tombant à genoux sur l'herbe mouillée <strong>de</strong> rosée qui brillait <strong>sous</strong> le clair <strong>de</strong> lune.<br />

- Darius !, cria-t-il quand il vit sa tente. Darius !<br />

- <strong>Maximus</strong> ! Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qui ne va pas ?<br />

Quintus le saisit par les épaules et le tourna vers lui.<br />

- Où est Darius ?<br />

<strong>Maximus</strong> brisa son étreinte et plongea dans la tente pour en ressortir seul un instant après.<br />

- Où est Darius ?!, <strong>de</strong>manda-t-il frénétiquement.<br />

- Il est probablement en patrouille à l'extérieur du...<br />

<strong>Maximus</strong> n'attendit pas la suite, il se retourna et courut vers la sortie, Quintus à ses talons.<br />

Poussant les gar<strong>de</strong>s, ils coururent le long du haut talus <strong>de</strong> terre, <strong>Maximus</strong> avec un but précis et Quintus<br />

inquiet à propos <strong>de</strong> la santé mentale <strong>de</strong> son ami.<br />

Mais la peur <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> le faisait courir plus vite et il tourna au premier angle très en avance sur le<br />

centurion. Quintus n'oublierait jamais l'horrible cri <strong>de</strong> souffrance aussi longtemps qu'il vivrait.<br />

Il trouva <strong>Maximus</strong> à genoux, son visage dans les mains, le bas <strong>de</strong> sa tunique trempé <strong>de</strong> sang. Darius fixait<br />

la lune avec <strong>de</strong>s yeux aveugles, la gorge tranchée d'une oreille à l'autre.<br />

<strong>Maximus</strong> ne se souvint pas <strong>de</strong>s jours suivant la mort <strong>de</strong> Darius. On lui dit que ses cris amenèrent la légion<br />

à ses côtés, qu'il organisa et mena calmement une attaque brutale sur le camp germain qui laissa tous les<br />

barbares morts et qu'il tua lui-même plus d'une centaine d'ennemis.<br />

Mais peut être était-ce juste une partie <strong>de</strong> la légen<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> le guerrier qui était née cette nuit-là et<br />

qui avait été embellie en se répandant <strong>de</strong> légion en légion le long <strong>de</strong>s frontières du Nord <strong>de</strong> l'Empire.<br />

Chapitre 28 : La Maison<br />

<strong>Maximus</strong> s'assit en haut du mur <strong>de</strong> pierres roses effondré - un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers vestiges <strong>de</strong> ce qui avait été<br />

autrefois sa maison.<br />

Ses cheveux avaient poussé durant le long voyage jusque chez lui ainsi que sa barbe et maintenant, la<br />

brise tiè<strong>de</strong> soulevait les boucles épaisses <strong>de</strong> son front, permettant à la chaleur du soleil d'embrasser son<br />

visage tourné vers le ciel et <strong>de</strong> bronzer ses traits bien <strong>de</strong>ssinés.<br />

Il n'avait pas beaucoup dormi au cours du voyage et se réveillait encore toutes les nuits, d'horribles rêves<br />

empoisonnant son sommeil. N'oublierait-il jamais ce qui s'était passé ? La terrible douleur <strong>de</strong> la perte <strong>de</strong><br />

Darius ne diminuerait-elle jamais ?<br />

Il avait supplié Claudius <strong>de</strong> le laisser partir pour pleurer son ami et revigorer son esprit las mais le général<br />

avait refusé sa requête tellement il avait peur <strong>de</strong> perdre les conseils <strong>de</strong> son tribun - un homme qui avait à<br />

présent la loyauté avérée et ouverte <strong>de</strong> la légion. <strong>Maximus</strong> finit par partir tout simplement après avoir dit à<br />

Claudius où il se rendait et pourquoi. Il expliqua ses agissement à Quintus qui promit <strong>de</strong> faire comprendre<br />

aux soldats que <strong>Maximus</strong> finirait par revenir et il envoya également une longue lettre à Marc-Aurèle pour<br />

lui dire pourquoi il agissait aussi radicalement. Il savait qu'il comprendrait.<br />

43


Mais le réconfort qu'il pensait éprouver à sa première visite chez lui n'arriva pas. Au lieu <strong>de</strong> cela, il se<br />

sentait hébété et ne semblait pas parvenir à ré-établir une connexion avec son passé. Ce tas <strong>de</strong> pierres<br />

était juste un tas <strong>de</strong> pierres et non les ruines <strong>de</strong> sa maison et les collines environnantes avaient l'air<br />

étrangères plutôt que familières, tout comme le village <strong>de</strong> Trujillo plus bas dans la vallée.<br />

<strong>Maximus</strong> avait l'impression <strong>de</strong> ne pas appartenir à cet endroit, il avait l'impression d'être nulle part chez lui.<br />

Il se leva et regarda les pentes envahies par la végétation. Il présumait qu'il possédait cette propriété en<br />

tant que seul fils survivant et il était évi<strong>de</strong>nt que personne ne l'avait réclamée durant tout ce temps. Le<br />

terrain était envahi par les broussailles, les arbres emmêlés avec <strong>de</strong>s plantes grimpantes. Il ne restait plus<br />

grand-chose <strong>de</strong> la ferme bien entretenue qu'il avait connue enfant.<br />

Les mains sur les hanches, il marcha autour du mur effondré jusqu'à la face sud et son regard fut aussitôt<br />

attiré par un splendi<strong>de</strong> bouquet <strong>de</strong> fleurs roses - les roses grimpantes qui avaient été si présentes dans<br />

son rêve. D'une façon ou d'une autre, elles avaient survécu à l'incendie et s'étaient régénérées pour être<br />

encore plus vibrantes que dans son souvenir. Cette régénération ne lui arriverait-elle jamais après tout ce<br />

qu'il avait traversé ? Il prit une fleur dans sa main et respira son parfum. Il y eut un déclic dans son esprit -<br />

un souvenir. Sa chambre avait été au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la porte <strong>de</strong> <strong>de</strong>vant et il se souvint du parfum <strong>de</strong>s roses la<br />

nuit. Les o<strong>de</strong>urs. Tout lui revenait au fur et à mesure à présent. Il se mit à quatre pattes et rampa le long du<br />

mur. Sa mère avait planté <strong>de</strong> la menthe à côté <strong>de</strong> la maison. Avait-elle aussi résisté à l'incendie ? Le<br />

temps qu'il l'a trouve, ses mains étaient écorchées mais il frotta les feuilles vertes entre son pouce et son<br />

in<strong>de</strong>x et amena ses doigts à son nez. Oui, c'était l'o<strong>de</strong>ur fraîche qu'il associait à sa mère. La menthe. Cela<br />

lui revenait, à présent. Mais où était son père ? <strong>Maximus</strong> se releva et regarda autour <strong>de</strong> lui. Quelles o<strong>de</strong>urs<br />

associait-il à son père ? Il erra dans ce qui avait été le potager <strong>de</strong> la maison où son père faisait pousser<br />

beaucoup <strong>de</strong> la nourriture qui agrémentait leur table. S'accroupissant, <strong>Maximus</strong> prit une poignée <strong>de</strong> terre<br />

et s'en frotta les mains avant <strong>de</strong> les porter à ses narines. Oui, c'était l'o<strong>de</strong>ur âcre qui émanait <strong>de</strong> son père<br />

après une journée dans les champs.<br />

Des larmes jaillirent dans ses yeux et <strong>Maximus</strong> les ferma brièvement. Il commençait à se sentir à nouveau<br />

connecté à son passé, à sa famille - à la terre.<br />

Sautant avec souplesse par-<strong>de</strong>ssus le mur, il pénétra dans ce qui avait été autrefois l'intérieur <strong>de</strong> sa<br />

maison. Cela semblait tellement plus grand lorsqu'il était enfant. Il savait qu'il ne restait plus rien ici à part<br />

<strong>de</strong>s morceaux du sol en pierre parce qu'il avait passé cet endroit au peigne fin immédiatement après la<br />

perte <strong>de</strong> sa famille, réunissant toute trace <strong>de</strong> leurs vies. Comme il allait partir, quelque chose <strong>de</strong> blanc<br />

attira son regard. Se baissant, il saisit une longue <strong>de</strong>nt recourbée qui était apparemment ici <strong>de</strong>puis<br />

longtemps et qui était à présent blanchie par le soleil. Soudain, son coeur fit un bond dans sa poitrine et il<br />

chercha dans sa tunique la <strong>de</strong>nt <strong>de</strong> lézard qui était toujours attachée à un lien <strong>de</strong> cuir autour <strong>de</strong> son cou.<br />

Les <strong>de</strong>nts étaient i<strong>de</strong>ntiques. Son frère en possédait <strong>de</strong>ux et <strong>Maximus</strong> n'en avait retrouvé qu'une après<br />

l'incendie. Des années <strong>de</strong> soleil et <strong>de</strong> pluie lui avaient rendu l'autre.<br />

<strong>Maximus</strong> s'assit dans les décombres, tournant et retournant la <strong>de</strong>nt entre ses doigts, puis il baissa le<br />

menton et ferma les yeux très fort. Presque aussitôt, ses épaules se soulevèrent avec les sanglots qui<br />

s'échappaient librement <strong>de</strong> sa poitrine.<br />

Il était chez lui.<br />

Chapitre 29 : Olivia<br />

Le dos nu au soleil avec <strong>de</strong> la sueur perlant sur son torse, <strong>Maximus</strong> tira sur la ronce récalcitrante,<br />

arrachant tout ce qu'il pouvait par les racines et le jetant sur un tas <strong>de</strong> saletés qui ne cessait d'augmenter.<br />

Le lien <strong>de</strong> cuir avec les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>nts se balançait autour <strong>de</strong> son cou.<br />

Se redressant, il posa une main sur le bas <strong>de</strong> son dos et se cambra, écoutant sa colonne vertébrale<br />

craquer, puis il joignit les mains et s'étira vers le ciel pour soulager ses courbatures. Les mains sur les<br />

hanches, il fit pivoter son torse à gauche, à droite puis à nouveau à gauche. Il se figea.<br />

De grands yeux noirs le scrutaient, dissimulés <strong>de</strong>rrière l'énorme chêne qui se tenait majestueusement près<br />

<strong>de</strong> l'entrée du domaine. Alors qu'il abaissait lentement ses mains à ses côtés, les yeux disparurent et il<br />

entendit les sons étouffés <strong>de</strong> pas courant sur la terre.<br />

- Eh !, cria-t-il, mais tout ce qu'il put voir était une masse <strong>de</strong> longs cheveux noirs bouclés se balançant<br />

follement comme la fille <strong>de</strong>scendait le chemin en courant et disparaissait dans les bois.<br />

Combien <strong>de</strong> temps était-elle restée là ?, se <strong>de</strong>manda-t-il. Et qui était-elle ?<br />

<strong>Maximus</strong> essaya <strong>de</strong> se remémorer ses voisins mais il avait très peu <strong>de</strong> souvenirs d'eux. De plus, même si<br />

il n'avait pas vu son visage, il était sûr que la fille aurait été très jeune la <strong>de</strong>rnière fois qu'il avait été ici.<br />

C'était légèrement déconcertant <strong>de</strong> s'apercevoir qu'il avait été observé alors qu'il pensait être seul. Il passa<br />

les mains dans ses cheveux et retourna à son travail : nettoyer le terrain autour <strong>de</strong> la maison.<br />

Cette nuit-là, <strong>Maximus</strong> dormit à la belle étoile et eut sa première nuit sans cauchemars <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s mois.<br />

Le matin suivant, il se leva à l'aube et alla jusqu'à la rivière pour se baigner. Alors qu'il commençait à<br />

défaire ses culottes, il hésita et jeta un oeil alentours. Etait-elle ici ? <strong>Maximus</strong> eut un petit rire à cette<br />

pensée et tira ses culottes vers le bas, les envoyant au loin d'un coup <strong>de</strong> pied avant <strong>de</strong> plonger dans l'eau,<br />

sursautant quand elle glaça sa peau chau<strong>de</strong>. Il se passa <strong>de</strong> l'eau fraîche sur le visage et les cheveux avant<br />

<strong>de</strong> revenir sur la berge, s'ébrouant comme un chien. En remettant ses culottes, il regarda subrepticement<br />

autour <strong>de</strong> lui. Il était seul.<br />

Il retourna à son travail rafraîchi mais affamé. Ces <strong>de</strong>rniers jours, il n'avait pas mangé grand-chose à part<br />

<strong>de</strong>s plantes sauvages qu'il avait trouvées. Il était habitué aux rations substantielles d'un soldat et son<br />

régime alimentaire en souffrait certainement. Ses culottes semblaient déjà plus lâches. Il <strong>de</strong>vait redoubler<br />

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d'efforts pour nettoyer la terre afin <strong>de</strong> planter quelques légumes mais ça prendrait un certain temps avant<br />

qu'ils soient prêts à la consommation. En attendant, il <strong>de</strong>vrait aller à Trujillo pour acheter quelques<br />

provisions.<br />

Retournant au mur effondré, il s'assit et commença à enlever ses bottes. Elles étaient trop chau<strong>de</strong>s pour le<br />

climat et il avait besoin d'acheter aussi <strong>de</strong>s sandales. Il acheva d'ôter ses bottes et les lança dans un coin.<br />

Un tour au village était définitivement à l'ordre du jour. Il se mit <strong>de</strong>bout et ses yeux furent attirés vers le<br />

grand chêne mais il n'y avait pas d'yeux noirs pour lui rendre son regard. Elle avait été ici, cependant, et<br />

elle avait été très près <strong>de</strong> lui. Sur le mur d'en face, il y avait un paquet entouré <strong>de</strong> ficelle et une fiole <strong>de</strong> vin<br />

à côté.<br />

Il sentit le pain avant <strong>de</strong> le voir et ses mains tirèrent sur le tissu recouvrant le tout. Du fromage. Il y avait<br />

aussi du fromage, <strong>de</strong>s olives et <strong>de</strong>s fruits. Affamé, il détacha un énorme morceau du pain encore fumant et<br />

l'enfourna dans sa bouche en regardant autour <strong>de</strong> lui comme il mastiquait. Il leva la fiole <strong>de</strong> vin en guise <strong>de</strong><br />

remerciement silencieux à la jeune fille craintive aux cheveux noirs flottants.<br />

Après ça, un paquet l'attendit chaque matin quand il revenait <strong>de</strong> la rivière.<br />

Durant la semaine, <strong>Maximus</strong> avait bâti une soli<strong>de</strong> mais temporaire structure en bois pour avoir un abri. Il<br />

avait eu <strong>de</strong> la chance avec la météo mais il savait que les pluies viendraient bientôt et il avait besoin d'être<br />

prêt. Aussi longtemps qu'il aurait un abri et que son approvisionnement continu en nourriture se<br />

poursuivrait, il pourrait se concentrer sur sa tâche principale : reconstruire la maison <strong>de</strong> pierres roses.<br />

Jusqu'à présent, il avait laissé son étalon mener une vie oisive, broutant la longue herbe tendre qui<br />

poussait autour <strong>de</strong>s murs mais maintenant, il était temps <strong>de</strong> mettre Argos au travail. <strong>Maximus</strong> monta en<br />

selle et fit se dégourdir les membres <strong>de</strong> l'animal en le faisant trotter le long du chemin envahi par la<br />

végétation.<br />

Il l'aperçut en bas du chemin. Elle marchait sur la route à quelque distance, un panier à la main. Quand<br />

elle le vit, elle s'arrêta, ne sachant pas trop quoi faire. Ne voulant pas l'effrayer, <strong>Maximus</strong> tira sur les rênes<br />

d'Argos, au grand déplaisir <strong>de</strong> l'animal qui hennit <strong>de</strong> frustration. <strong>Maximus</strong> tapota son cou mais ne quitta<br />

pas la fille <strong>de</strong>s yeux. Elle le regarda puis jeta un oeil <strong>de</strong>rrière elle, considérant visiblement ses options.<br />

<strong>Maximus</strong> voyait qu'elle était seule et n'avait aucune idée <strong>de</strong> la distance qu'elle avait parcouru pour apporter<br />

<strong>de</strong> la nourriture. Il lui sourit mais elle ne retourna pas son sourire. Même à cette distance, il pouvait voir<br />

que ses yeux étaient agrandis par l'appréhension et il ne la blâma pas. Il savait très bien ce que certains<br />

soldats faisaient aux femmes sans protection et elle était avisée d'avoir peur. Mais <strong>Maximus</strong> ne voulait pas<br />

qu'elle ait peur <strong>de</strong> lui. Il relâcha un peu les rênes et laissa le cheval avancer lentement dans sa direction.<br />

Quand elle commença à faire <strong>de</strong>mi-tour, il tira à nouveau sur les rênes du cheval.<br />

- Bonjour, dit-il, élevant suffisamment la voix pour être entendu dans crier. Il savait très bien combien sa<br />

voix profon<strong>de</strong> pouvait effrayer les gens. Il sourit à nouveau. Elle se mordit la lèvre inférieure.<br />

Soudain, il envisagea une possible raison <strong>de</strong> son appréhension : il était à moitié dévêtu. Son torse était nu<br />

et bronzé par le soleil, tout comme ses jambes qui dépassaient <strong>de</strong> ses culottes et même ses pieds. Argos<br />

était nu également, sa selle laissée dans l'abri en bois. Il décida <strong>de</strong> ne pas s'approcher d'avantage.<br />

- Vous avez laissé <strong>de</strong> la nourriture pour moi.<br />

Elle acquiesça.<br />

- Je vous en suis reconnaissant. C'est la seule chose qui m'ait empêché <strong>de</strong> dépérir ces <strong>de</strong>rniers jours.<br />

Elle le regarda <strong>de</strong> haut en bas assez effrontément, pensa-t-il, ses beaux yeux lui faisant savoir qu'elle ne<br />

pensait pas du tout qu'il était en train <strong>de</strong> dépérir.<br />

<strong>Maximus</strong> se mit à rire. Peut être s'était-il trompé sur elle, après tout.<br />

- Est-ce pour moi ? Il désigna le panier.<br />

- Oui, répondit-elle, sa voix comme du velours.<br />

- Puis-je venir vous le prendre ou aimeriez-vous le déposer ?<br />

- Je vais le laisser sur la route.<br />

- Je ne vous ferai rien. Vous n'avez pas à avoir peur <strong>de</strong> moi.<br />

Elle le regarda comme si il était idiot.<br />

- Je n'ai pas peur <strong>de</strong> vous. C'est votre cheval que je n'aime pas.<br />

- Oh. Eh bien, je suppose qu'il est plutôt imposant.<br />

<strong>Maximus</strong> mit pied à terre et Argos alla immédiatement sur le bas côté <strong>de</strong> la route pour tirer sur <strong>de</strong> longues<br />

touffes d'herbes avec ses <strong>de</strong>nts jaunes. Lentement, <strong>Maximus</strong> s'avança vers elle en parlant doucement.<br />

- Vous <strong>de</strong>vez être ma voisine. Où vivez-vous ?<br />

- Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> cette colline au loin, montra-t-elle <strong>de</strong> la tête. <strong>Maximus</strong>.<br />

Ses sourcils se levèrent.<br />

- Vous connaissez mon nom ?<br />

- Bien sûr. Vous jouiez avec mon frère quand vous étiez petit. Tout le mon<strong>de</strong> se <strong>de</strong>mandait ce que vous<br />

étiez <strong>de</strong>venu.<br />

- Qui est votre frère ?<br />

- J'ai quatre frères en fait, mais celui que vous connaissez est Titus.<br />

- Titus... Oui, je me souviens <strong>de</strong> lui. Quel est votre nom ?<br />

- Olivia.<br />

- C'est un très beau nom, il vous va bien.<br />

Elle fit passer ses longs cheveux noirs <strong>de</strong>rrière son épaule et pencha la tête.<br />

- Merci.<br />

<strong>Maximus</strong> pouvait maintenant voir clairement le pétillement <strong>de</strong> ses lumineux yeux noirs et le léger défaut sur<br />

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ses lèvres pleines. Il continua à avancer jusqu'à ce qu'il soit à un peu moins d'un mètre d'elle puis s'arrêta<br />

et la contempla. Elle était belle.<br />

- Pourquoi avez-vous la gentillesse <strong>de</strong> m'apporter <strong>de</strong> la nourriture ?<br />

- Parce que vous auriez été très affamé sans cela.<br />

Elle rit, un son mélodieux qui envoya <strong>de</strong>s frissons le long <strong>de</strong> la colonne vertébrale <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

- Ma famille a beaucoup <strong>de</strong> vivres à cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'année et nous ne pouvons pas imaginer notre voisin<br />

sans rien.<br />

- Je vous remercie ainsi que votre... mari.<br />

- Vous <strong>de</strong>vriez plutôt remercier mon père. Je ne suis pas mariée.<br />

Il la fixa du regard.<br />

- Je sais ce que vous pensez.<br />

- Je ne crois pas.<br />

- Vous pensez que je suis déjà âgée et que je n'ai pas <strong>de</strong> mari. Qu'il doit y avoir quelque chose qui ne va<br />

pas chez moi. Sa voix était légèrement sur la défensive.<br />

- Croyez-moi, ça n'est pas ce que je pensais.<br />

- J'ai eu plein <strong>de</strong> propositions...<br />

- J'en suis sûr...<br />

- Mais mon père est fortuné et suffisamment compréhensif pour ne pas me forcer à épouser n'importe qui.<br />

Vous êtes un soldat alors vous n'êtes pas marié non plus.<br />

- Comment savez-vous que je suis un soldat ?<br />

<strong>Maximus</strong> se sentit idiot au moment où les mots franchirent ses lèvres. Il acquiesça comme elle énumérait<br />

les raisons.<br />

- Le tatouage d'abord, et le cheval. Qui pourrait possé<strong>de</strong>r un cheval comme celui-ci à part un soldat ? Les<br />

bottes que je vous ai vu porter et la tunique. L'armure que vous avez cachée dans cette crevasse<br />

rocheuse près <strong>de</strong> la rivière, le...<br />

- C'était une question idiote.<br />

Elle leva les sourcils pour indiquer qu'elle était d'accord avec lui.<br />

- Et bien sûr il y a les armes. Ces épées effrayantes et le bouclier.<br />

<strong>Maximus</strong> sourit.<br />

- Voudriez-vous venir et partager cela avec moi ? <strong>Maximus</strong> désigna le panier.<br />

- Non.<br />

- Oh. Inconsciemment, il fit un pas en arrière, son sourire envolé.<br />

- Non, c'est seulement pour vous. Mais je vous invite à vous joindre à ma famille pour dîner ce soir.<br />

- Merci. J'aimerais vraiment beaucoup, dit-il sérieusement en s'inclinant légèrement.<br />

Elle sourit et fit passer le panier dans ses mains puis fit <strong>de</strong>mi-tour et commença à re<strong>de</strong>scendre la route. Il<br />

contempla sa gran<strong>de</strong> et mince silhouette et ses hanches ondulant légèrement.<br />

- Oh et, <strong>Maximus</strong>..., dit-elle par-<strong>de</strong>ssus son épaule.<br />

- Oui ?<br />

- Portez <strong>de</strong>s vêtements ce soir, voulez-vous ?<br />

Il rit et elle également. Il resta immobile à la regar<strong>de</strong>r jusqu'à ce qu'elle disparaisse <strong>de</strong> sa vue au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la<br />

colline.<br />

Chapitre 30 : Le Dîner<br />

<strong>Maximus</strong> fouilla dans son ballot, sortant tous ses vêtements et les éparpilla sur le sol autour <strong>de</strong> lui. Quel<br />

misérable lot, pensa-t-il. Rien que <strong>de</strong>s vêtements <strong>de</strong> soldat : <strong>de</strong>s tuniques <strong>de</strong> laine lie-<strong>de</strong>-vin avec <strong>de</strong>s<br />

pantalons séparés et <strong>de</strong>s larges ceintures <strong>de</strong> cuir, <strong>de</strong>s culottes courtes, une armure <strong>de</strong> métal, une armure<br />

<strong>de</strong> cuir <strong>de</strong> para<strong>de</strong>, <strong>de</strong>s bottes... Guère convenable pour un dîner avec ses voisins civils.<br />

Il enfila une tunique et <strong>de</strong>s pantalons puis ceintura la tunique pour qu'elle lui arrive à mi-cuisses - la<br />

longueur réglementaire pour un soldat. Trop chaud. Il enleva les pantalons. Maintenant, cela avait l'air trop<br />

simple. Il jeta un oeil à l'armure <strong>de</strong> cuir décorative avec <strong>de</strong>s attaches d'or à la hanche et à l'épaule. Il savait<br />

qu'il avait bonne allure là-<strong>de</strong>dans... Soudain, <strong>Maximus</strong> éclata <strong>de</strong> rire. Jamais <strong>de</strong> sa vie il ne s'était<br />

<strong>de</strong>mandé quoi mettre. C'était toujours si simple : juste trouver <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-vêtements propres et enfiler une<br />

tunique, <strong>de</strong>s pantalons si il faisait froid, une cape si le temps était humi<strong>de</strong>, l'armure <strong>de</strong> métal si il allait se<br />

battre et celle <strong>de</strong> cuir le reste du temps.<br />

Il se décida finalement pour la tunique courte avec l'armure <strong>de</strong> cuir et les bottes, ses bras et ses jambes<br />

nus. Ca <strong>de</strong>vrait convenir.<br />

Ses cheveux <strong>de</strong>vraient être une vraie pagaille. Il n'avait rien fait d'autre que les laver et passer ses doigts<br />

<strong>de</strong>dans pendant <strong>de</strong>s semaines. Il savait en se passant les mains sur le visage qu'il avait une barbe<br />

négligée au lieu <strong>de</strong> celle soigneusement taillée qu'il portait d'habitu<strong>de</strong>. Il chercha brièvement quelque<br />

chose qui pourrait refléter ses traits puis abandonna et <strong>de</strong>scendit jusqu'à la rivière. Là-bas, son reflet<br />

ondoyant lui confirma ses pires craintes. Pas étonnant qu'Olivia se soit autant méfié <strong>de</strong> lui au début : il<br />

commençait à ressembler à un Germain ! Il <strong>de</strong>vrait trouver un barbier à Trujillo mais il n'avait pas le temps<br />

pour cela maintenant. Plongeant ses mains dans l'eau froi<strong>de</strong>, il les passa dans ses boucles épaisses en<br />

espérant les dompter un peu.<br />

Peu <strong>de</strong> temps après, <strong>Maximus</strong> chevaucha son étalon jusqu'au bout du chemin puis <strong>de</strong>scendit la route<br />

poussiéreuse où il avait rencontré Olivia et alla au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la colline suivante. Là, il trouva une large porte<br />

en bois avec d'énormes charnières <strong>de</strong> fer, entourée par un haut mur <strong>de</strong> pierre qui empêchait <strong>de</strong> voir ce<br />

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qu'il y avait au-<strong>de</strong>là. <strong>Maximus</strong> fit revenir Argos en arrière sur la route, le fit se tourner puis le talonna au<br />

galop et franchit la porte en un saut gracieux.<br />

Le chemin <strong>de</strong>vant lui tournait <strong>de</strong>rrière une autre colline et disparaissait. Olivia avait visiblement fait un long<br />

chemin à pied tous les jours pour lui apporter son repas. Il galopa un peu puis fit ralentir Argos au trot<br />

quand il approcha d'une zone plantée d'arbres luxuriants, un toit <strong>de</strong> tuiles rouges apparaissant juste au<strong>de</strong>ssus<br />

<strong>de</strong>s feuilles. Mettant pied à terre, il attacha son cheval à une certaine distance <strong>de</strong> la maison, ne<br />

voulant pas effrayer à nouveau Olivia.<br />

<strong>Maximus</strong> était étonné par la dimension <strong>de</strong> l'endroit, très différent <strong>de</strong> sa petite ferme. Trois étages <strong>de</strong><br />

hauteur, c'était vraiment imposant et austère vu <strong>de</strong> l'extérieur et ressemblait à une forteresse. L'austérité<br />

<strong>de</strong> l'ensemble était atténuée par <strong>de</strong>s roses grimpantes et <strong>de</strong>s arbustes en fleur plantés dans d'énormes<br />

urnes. Quoi que faisait son père pour gagner sa vie, il le faisait visiblement très bien.<br />

Il y avait beaucoup d'autres constructions qui avaient l'air d'habitations vues <strong>de</strong> loin, toutes faites <strong>de</strong> la<br />

même pierre rose que sa maison.<br />

<strong>Maximus</strong> huma l'air en marchant. Des chevaux. L'o<strong>de</strong>ur familière <strong>de</strong>s chevaux était dans l'atmosphère.<br />

Détournant les yeux <strong>de</strong> la maison, il regarda alentour. De chaque côté du chemin, <strong>de</strong>s murs <strong>de</strong> pierres<br />

serpentaient au loin au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s collines et <strong>de</strong> magnifiques chevaux <strong>de</strong> toutes les nuances paissaient dans<br />

les champs verts. Les animaux étaient grands et puissants, exactement comme son propre étalon. Il quitta<br />

le chemin et s'approcha d'un muret, posant ses bras croisés sur la pierre froi<strong>de</strong> et admirant la majestueuse<br />

beauté <strong>de</strong> ces animaux - aussi beaux que ceux qu'il avait vus dans la cavalerie. <strong>Maximus</strong> tendit la main et<br />

fit claquer sa langue, espérant attirer un étalon noir particulièrement beau. Le cheval le regarda<br />

indifféremment et secoua la tête, sa longue crinière flottant dans la brise.<br />

- Viens ici Argento, appela la voix veloutée <strong>de</strong>rrière lui. Olivia s'approcha du mur avec du foin dans sa main<br />

ouverte et le cheval trottina vers elle, attrapant précautionneusement le foin avec ses lèvres. Elle sourit et<br />

caressa le nez <strong>de</strong> velours.<br />

<strong>Maximus</strong> se tourna vers elle avec une question clairement écrite sur son visage : 'Alors, vous m'avez menti<br />

quand vous m'avez dit avoir peur <strong>de</strong>s chevaux ?' Olivia continua <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r Argento.<br />

- Non... Je plaisantais. Elle jeta un regard <strong>de</strong> côté à <strong>Maximus</strong> et sourit. Ma famille les élève pour les<br />

légions. Celui-ci est <strong>de</strong>stiné à quelque grand général ainsi que son frère Scarto. Ce sont les meilleurs que<br />

nous ayons jamais élevés.<br />

<strong>Maximus</strong> caressa l'encolure musculeuse du cheval et acquiesça.<br />

- Il est beaucoup mieux que votre vieille carne, ajouta-t-elle d'un ton léger.<br />

<strong>Maximus</strong> rit.<br />

- Eh bien, ne laissez pas ma vieille carne vous entendre dire ça. Je dois admettre qu'Argos commence à<br />

se faire vieux mais il m'a bien servi... la plupart du temps.<br />

Olivia se tourna pour faire face à <strong>Maximus</strong> et jaugea ouvertement sa tenue.<br />

- Bon choix, soldat.<br />

- Je n'avais pas vraiment beaucoup <strong>de</strong> choix.<br />

- Eh bien, cela vous va. Venez à la maison. Titus est impatient <strong>de</strong> vous revoir et le reste <strong>de</strong> ma famille veut<br />

faire votre connaissance.<br />

- Et qui est le reste <strong>de</strong> votre famille ?<br />

- La femme <strong>de</strong> Titus, Augusta, et leur trois enfants, mon second frère, l'aîné, Eusebius, et sa femme Flora.<br />

Ils ont <strong>de</strong>ux enfants et un autre est en chemin. Et mon agaçant frère ca<strong>de</strong>t Persius qui a 16 ans. Mon père<br />

s'appelle Marcus. Mon autre frère est parti avec sa famille.<br />

Comme ils marchaient vers la maison, Olivia joignit ses mains <strong>de</strong>rrière son dos et ralentit le pas pour<br />

marcher légèrement <strong>de</strong>rrière <strong>Maximus</strong>. <strong>Maximus</strong> avait déjà compris que cette femme ne serait jamais<br />

déférente vis-à-vis d'un homme <strong>de</strong> cette manière. Elle regardait probablement <strong>de</strong> plus près son... Il s'arrêta<br />

soudainement et lui saisit le cou<strong>de</strong>, la ramenant à ses côtés. Le rire d'Olivia éclata, rauque et profond.<br />

- Vous savez, quand vous vous tenez sur le <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la plus haute partie du mur <strong>de</strong> votre maison, vous<br />

avez une vue vraiment dégagée sur la rivière.<br />

<strong>Maximus</strong> rougit et tourna la tête pour admirer à nouveau les chevaux. Olivia baissa la voix jusqu'à un<br />

murmure conspirateur.<br />

- Vous n'avez rien que je n'ai déjà vu auparavant. J'ai quatre frères, vous vous souvenez ? Ses yeux se<br />

baissèrent vers sa taille puis plus bas. Quoique je dois admettre...<br />

- Alors, qu'avons-nous pour dîner ?<br />

C'était la seule question à laquelle il avait pu penser sur le moment. Olivia enroula sa main autour <strong>de</strong> ses<br />

biceps.<br />

- Ahhh, du poulet et <strong>de</strong> l'agneau, je pense.<br />

- Vous n'êtes pas sûre ?<br />

Olivia poursuivit :<br />

- Je ne fais pas trop attention à ce genre <strong>de</strong> choses. Je pense que je suis quelque peu gâtée mais nous<br />

avons <strong>de</strong>s esclaves qui font la cuisine et le ménage. J'ai<strong>de</strong> à l'élevage <strong>de</strong>s chevaux et je tiens les comptes.<br />

- Oh. Vous savez lire et écrire ?<br />

- Mon père m'a appris.<br />

Il arrivèrent à la maison et Olivia franchit la porte avant <strong>Maximus</strong>. De l'extérieur, la maison ressemblait peut<br />

être à une forteresse mais l'intérieur était luxueux. <strong>Maximus</strong> se tenait dans l'immense atrium sur le sol en<br />

mosaïque élaborée et détaillée représentant <strong>de</strong>s chevaux - <strong>de</strong>s chevaux trottant, s'ébattant, sautant... La<br />

pièce était éclairée par une ouverture dans le plafond qui permettait également à la pluie <strong>de</strong> s'accumuler<br />

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dans une dépression peu profon<strong>de</strong> au milieu du sol. De nombreuses pièces aux portes <strong>de</strong> bois sculpté<br />

redonnaient sur l'atrium et à l'arrière, cela ressemblait à un jardin classique avec <strong>de</strong>s fontaines, <strong>de</strong>s bancs<br />

et <strong>de</strong>s statues <strong>de</strong> marbre disséminées parmi les arbustes en fleur.<br />

- Mon père allait à Rome très souvent quand ma mère était en vie. Il a vu les villas là-bas et s'est juré d'en<br />

avoir une à lui quand il pourrait se le permettre. Mes frères vivent ici avec leurs familles dans d'autres<br />

maisons sur la propriété mais ils sont ici ce soir...<br />

- <strong>Maximus</strong> ! <strong>Maximus</strong>, nous pensions que tu étais mort, mon ami. Regar<strong>de</strong>-toi, tu es un soldat !<br />

Titus saisit les bras <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, une expression <strong>de</strong> plaisir pur sur son visage.<br />

- Tu es un peu plus chevelu que la <strong>de</strong>rnière fois que je t'ai vu mais je sais que c'est toi.<br />

- Titus, c'est un vrai plaisir <strong>de</strong> te revoir. Tu as un peu changé également, mon ami. <strong>Maximus</strong> pointa<br />

espièglement du doigt l'estomac proéminent <strong>de</strong> Titus.<br />

- Ah oui, les dangers <strong>de</strong> la belle vie. Viens rencontrer le reste <strong>de</strong> ma famille.<br />

Titus lui présenta sa famille puis l'entraîna plus loin dans l'atrium près du jardin où il s'installèrent dans <strong>de</strong>s<br />

sièges <strong>de</strong> bois richement sculpté avec <strong>de</strong>s assises <strong>de</strong> cuir. On lui mit un gobelet <strong>de</strong> vin dans la main et en<br />

peu <strong>de</strong> temps, les <strong>de</strong>ux hommes étaient perdus dans les souvenirs <strong>de</strong> leur enfance. Les frères <strong>de</strong> Titus<br />

écoutaient attentivement, tout particulièrement le jeune Persius âgé <strong>de</strong> 16 ans. Olivia sourit quand ses<br />

<strong>de</strong>ux belles-soeurs jetèrent <strong>de</strong>s regards appréciateurs dans la direction <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

- Titus, je ne me rappelle pas que tu vivais dans une maison comme celle-ci lorsque nous étions enfants.<br />

- Nous avions une petite maison comme celle où tu vivais, <strong>Maximus</strong>. Maintenant, elle fait partie d'une<br />

étable, dit-il en riant. Les guerres dans le Nord et l'Est sont peut être dures pour <strong>de</strong>s hommes comme toi<br />

mais ça remplit les poches d'hommes comme nous. Nous élevons les meilleurs chevaux <strong>de</strong> cavalerie <strong>de</strong><br />

l'Empire. Les empereurs montent nos étalons et nous en envoyons <strong>de</strong>s douzaines à Rome tous les ans<br />

par la mer, pour les prétoriens. Peut être même en monte-tu un.<br />

<strong>Maximus</strong> eut un petit rire.<br />

- Je ne pense pas.<br />

- Eh bien, tu <strong>de</strong>vrais.<br />

La conversation fut interrompue par un appel à la table du dîner.<br />

La salle consistait en un autre sol en mosaïque décorative avec <strong>de</strong>s fresques murales représentant la<br />

campagne environnante. Au milieu <strong>de</strong> la pièce, il y avait une immense table carrée et <strong>de</strong> longues couches<br />

étaient disposées sur trois côtés.<br />

<strong>Maximus</strong> ne savait pas quoi faire et fut reconnaissant <strong>de</strong> sentir Olivia prendre son bras et le gui<strong>de</strong>r jusqu'à<br />

la couche la plus proche. Elle s'assit au bout et fit signe à <strong>Maximus</strong> se s'asseoir à côté d'elle. Le patriarche<br />

<strong>de</strong> la famille, Marcus, s'assit <strong>de</strong> l'autre côté. Les membres <strong>de</strong> la famille prirent place sur les autres<br />

couches, certains s'inclinant dans une totale relaxation. <strong>Maximus</strong> était assis tout droit comme il avait<br />

l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> le faire à l'armée. Il fut soulagé qu'Olivia à ses côtés fasse <strong>de</strong> même.<br />

Une fois assis, Marcus se chargea <strong>de</strong> la conversation pendant que le repas plantureux constitué <strong>de</strong> poulet<br />

et <strong>de</strong> mouton rôtis, <strong>de</strong> légumes cuits, d'olives, <strong>de</strong> pickles, <strong>de</strong> pain et <strong>de</strong> fromage était servi.<br />

On versait bouteilles <strong>de</strong> vin après bouteilles.<br />

- Persius, passe le pain à <strong>Maximus</strong>. <strong>Maximus</strong>, quel est votre gra<strong>de</strong> ?<br />

- Tribun, Monsieur. Je suis le conseiller du général <strong>de</strong> la légion Felix VII.<br />

- Je connais pas mal <strong>de</strong> choses sur l'armée même si je n'ai jamais été moi-même soldat. Comment se faitil<br />

qu'un Espagnol soit tribun ?<br />

- On m'a accordé la citoyenneté romaine, puis Marc-Aurèle...<br />

- L'empereur ?<br />

- Oui. Il a arrangé une adoption par une famille sénatoriale pour que je sois promu au-<strong>de</strong>là du gra<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

centurion.<br />

- Vous connaissez Marc-Aurèle ?<br />

- Oui, Monsieur. Je l'ai rencontré à <strong>de</strong> nombreuses reprises.<br />

Marcus acquiesça pensivement, ses yeux plissés évaluant <strong>Maximus</strong>.<br />

- Il doit penser beaucoup <strong>de</strong> bien <strong>de</strong> vous.<br />

- C'est une admiration mutuelle, croyez-moi. C'est le meilleur homme que j'ai jamais rencontré.<br />

- Prends encore <strong>de</strong> l'agneau, <strong>Maximus</strong>. Encore <strong>de</strong>s pickles ?, proposa Titus.<br />

- Non, Titus, ça va très bien. Merci. Je ne suis pas habitué à manger ce genre <strong>de</strong> nourriture.<br />

- Ils ne vous nourrissent pas bien à l'armée ?, <strong>de</strong>manda Flora.<br />

- Ils nous nourrissent très bien mais la nourriture est vraiment simple. Ce repas est au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> tout ce que<br />

j'ai pu voir <strong>de</strong>puis longtemps et je vous remercie <strong>de</strong> m'avoir invité ce soir.<br />

Persius intervint :<br />

- Olivia n'a rien fait d'autre que parler <strong>de</strong> vous pendant une semaine. Elle avait hâte que vous...oouff !<br />

Titus lui donna un coup <strong>de</strong> cou<strong>de</strong> en plein dans l'estomac. <strong>Maximus</strong> ne put s'empêcher <strong>de</strong> jeter un oeil à<br />

Olivia qui foudroya son frère du regard. Refusant d'être intimidée, elle tourna ensuite la tête et rencontra le<br />

regard <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. Marcus prit à nouveau l'initiative <strong>de</strong> la conversation.<br />

- Où avez-vous été stationné, <strong>Maximus</strong> ?<br />

- En Germanie. Il se tourna vers le patriarche. J'ai servi là-bas durant <strong>de</strong> nombreuses années.<br />

- Vous êtes visiblement loin <strong>de</strong> la retraite...<br />

- Oui, je dois y retourner. Je suis juste en permission pour une courte pério<strong>de</strong>. Il y avait une pointe <strong>de</strong><br />

regret sincère dans sa voix. J'espère commencer à reconstruire ma maison bientôt et je nettoie la terre. Un<br />

jour, je veux revenir ici pour...<br />

48


N'appréciant pas le changement <strong>de</strong> sujet, Persius coupa :<br />

- Avez-vous tué beaucoup d'hommes, <strong>Maximus</strong> ?<br />

<strong>Maximus</strong> regarda le garçon et hésita pendant un long moment. Le bruit <strong>de</strong>s couverts et <strong>de</strong>s plats cessa car<br />

tout le mon<strong>de</strong> attendait sa réponse. Avant <strong>de</strong> parler, il jeta à nouveau un regard à Olivia qui le fixait avec<br />

intérêt. Il dit lentement :<br />

- Oui. J'ai tué quand c'était nécessaire.<br />

- Papa, <strong>Maximus</strong> aime beaucoup Scarto.<br />

Olivia pouvait sentir le soudain changement d'humeur <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et avait rapi<strong>de</strong>ment réorienté la<br />

conversation dans une autre direction.<br />

Marcus fut très flatté qu'un aussi important militaire admire ses chevaux.<br />

- Vous l'aimez ?<br />

- Oui, Monsieur. C'est le plus beau cheval que j'ai jamais vu.<br />

- Même Marc-Aurèle monte un <strong>de</strong> nos étalons.<br />

La conversation sur les chevaux se poursuivit comme les esclaves apportaient <strong>de</strong>s saladiers <strong>de</strong> fruits et<br />

<strong>de</strong>s pâtisseries sur la table et que le verre <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était à nouveau rempli.<br />

Environ une heure plus tard, Marcus signala la fin du repas.<br />

- Olivia, pourquoi ne fais-tu pas faire le tour <strong>de</strong> la propriété à <strong>Maximus</strong> ? Il fait nuit mais c'est une soirée<br />

relativement claire.<br />

- J'y vais aussi !, dit Persius.<br />

- C'est vraiment gentil, fils. Je suis sûr qu'Olivia peut le faire.<br />

Marcus jeta un regard significatif à son fils ca<strong>de</strong>t. Persius n'était pas très content.<br />

- Je parie qu'elle ne lui montrera même pas l'écurie <strong>de</strong> reproduction, dit-il avec un air dégoûté.<br />

- Je parie que si, murmura Flora à Augusta et les <strong>de</strong>ux femmes gloussèrent.<br />

<strong>Maximus</strong> tint la porte ouverte pour Olivia et elle passa <strong>de</strong>vant lui avec un sourire radieux. Il leva la main et<br />

la laissa traîner dans ses longues boucles, les regardant retomber gracieusement pour reposer contre son<br />

dos cambré. Le doux parfum <strong>de</strong>s roses vint à ses narines et il eut soudainement envie d'enfouir son visage<br />

dans ces douces boucles noires.<br />

Chapitre 31 : Hercule à Nouveau<br />

Olivia marchait à un rythme tranquille en <strong>de</strong>scendant le chemin qui menait à l'arrière <strong>de</strong> la maison. En<br />

route, elle parla <strong>de</strong> l'organisation <strong>de</strong> la ferme.<br />

- Nous gardons les étalons ici et les juments là-bas. Nous <strong>de</strong>vons séparer certains étalons <strong>de</strong>s autres et ils<br />

ont <strong>de</strong>s enclos <strong>de</strong>rrière l'écurie. Les juments avec <strong>de</strong>s poulains sont dans l'écurie comme celles au début<br />

<strong>de</strong> leur grossesse. Voulez-vous les voir ?<br />

A l'acquiescement <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, Olivia ouvrit la lour<strong>de</strong> porte et prit la lanterne qui était juste au bord. Avec<br />

précaution, elle alluma trois autres lanternes et les plaça sur <strong>de</strong>s dalles <strong>de</strong> pierre très loin <strong>de</strong> la paille.<br />

- Le feu est notre plus grand ennemi, dit-elle.<br />

L'intérieur était encore assez sombre mais les yeux <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> s'ajustèrent rapi<strong>de</strong>ment à la pénombre et<br />

il suivit le son <strong>de</strong>s ébrouements et <strong>de</strong>s hennissements étouffés vers les stalles qui contenaient <strong>de</strong><br />

magnifiques juments avec leurs poulains endormis. <strong>Maximus</strong> gratta doucement <strong>de</strong>rrière les oreilles <strong>de</strong><br />

l'une d'entre elles tout en admirant son jeune poulain qui se tenait à côté d'elle sur <strong>de</strong>s jambes<br />

chancelantes.<br />

- Il est vieux <strong>de</strong> seulement quelques jours. Son père est Argento alors il sera magnifique.<br />

La douce lumière illuminait le visage <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> alors qu'il admirait les chevaux et Olivia fut touchée par<br />

la douceur <strong>de</strong> son regard et la gentillesse <strong>de</strong> ses gestes. Ils continuèrent à avancer dans l'étable jusqu'à<br />

atteindre la <strong>de</strong>rnière stalle.<br />

- Vous aimez les chiens ?, <strong>de</strong>manda Olivia.<br />

- J'adore les chiens. J'en ai eu un au campement pendant <strong>de</strong>s années. En fait, il appartenait au général<br />

mais il était vraiment à moi.<br />

- Que lui est-il arrivé ?<br />

- Il est mort.<br />

- Je suis désolée, dit-elle, puis son visage se fendit en un sourire éclatant. J'aime les chiens aussi.<br />

Regar<strong>de</strong>z ici.<br />

Elle ouvrit la porte <strong>de</strong> la stalle et un chiot ensommeillé roula sur le sol <strong>de</strong> pierre avec un glapissement <strong>de</strong><br />

surprise. Cela suffit pour réveiller ses frères et soeurs et bientôt la stalle se mit à grouiller <strong>de</strong> chiots gris et<br />

noirs gigotant. <strong>Maximus</strong> rit et se baissa pour ramasser le premier chiot.<br />

- Puis-je ?, <strong>de</strong>manda-t-il en désignant la stalle.<br />

- Bien sûr. Ils adorent être caressés.<br />

Il marcha sur la paille et s'assit en faisant attention à ce qu'il n'y ait aucun chiot <strong>sous</strong> lui. Tous les petits<br />

furent immédiatement partout autour <strong>de</strong> lui, mâchonnant ses attaches <strong>de</strong> cuir, mordillant ses bottes avec<br />

leurs <strong>de</strong>nts pointues et griffant ses bras en essayant <strong>de</strong> grimper jusqu'à son visage. Deux d'entre eux<br />

réussirent et il sentit <strong>de</strong>s langues lécher son oreille et son cou. Il rit <strong>de</strong> pur plaisir.<br />

Olivia alluma une autre lanterne et la tint bien haut. Il regarda ensuite la mère, vraiment indifférente à sa<br />

présence et continuant à dormir. Elle était entièrement noire et difficile à voir dans l'ombre. Soudain,<br />

<strong>Maximus</strong> cria et attrapa un chiot qui avait trouvé le lobe <strong>de</strong> son oreille et qui l'avait mordu assez fort. Il tint<br />

la boule <strong>de</strong> poils gigotant en l'air pour mieux la voir.<br />

49


- Il a l'air d'un louveteau !<br />

- Sa mère a disparu pendant une semaine et elle était pleine quand elle est revenue. Je pense que le père<br />

du petit est un loup parce que je peux parfois l'entendre hurler la nuit et elle lui répond. C'est vraiment très<br />

triste qu'ils ne puissent pas être ensembles.<br />

Olivia s'accroupit à côté <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et regarda le chiot gris qu'il tenait.<br />

- Celui-ci ressemble particulièrement à son père.<br />

- Il sera splendi<strong>de</strong>.<br />

- Les tribunes sont-ils autorisés à possé<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s chiens ?<br />

- Oh, oui..., commença <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong> réaliser ce qu'elle voulait dire.<br />

- Bien... Voudriez-vous l'avoir ?<br />

- Vous êtes sûre ?<br />

- Bien sûr. Nous ne pouvons gar<strong>de</strong>r tous ces chiens dans cette ferme et peu <strong>de</strong> gens veulent d'un animal<br />

qui a un loup pour géniteur.<br />

<strong>Maximus</strong> serra le chiot contre son cou.<br />

- Merci. Il sourit à Olivia. Quand seront-ils capables <strong>de</strong> se passer <strong>de</strong> leur mère ?<br />

- Dans environ une semaine. Tout le temps pour que vous pensiez à un nom pour lui.<br />

- Hercule. Son nom est Hercule.<br />

Olivia n'avait pas besoin qu'on lui dise que l'autre chien s'était appelé Hercule. Elle s'assit tout près <strong>de</strong> lui<br />

et ils caressèrent silencieusement les chiots jusqu'à ce qu'ils se rendorment puis les placèrent près <strong>de</strong> leur<br />

mère pour la chaleur avant <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong> la stalle.<br />

Comme Olivia se dirigeait vers la porte, elle sentit un léger tiraillement à l'arrière <strong>de</strong> ses cheveux. Elle<br />

s'arrêta mais ne se retourna pas et frissonna lorsque les lèvres <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> touchèrent son oreille.<br />

- Il y a <strong>de</strong> la paille dans vos cheveux, murmura-t-il. Et il passa gentiment ses doigts dans l'épaisse toison.<br />

Olivia ferma les yeux et savoura la sensation <strong>de</strong> son toucher alors que ses doigts effleuraient son dos, ses<br />

bras et ses épaules.<br />

- Là, dit-il, la voix très basse et étouffée. Je crois que j'ai tout enlevé.<br />

Olivia ne bougeait toujours pas alors <strong>Maximus</strong> enveloppa ses bras autour <strong>de</strong> sa taille et enfouit son visage<br />

dans ses cheveux à la hauteur <strong>de</strong> son épaule, inspirant profondément l'o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> rose qui émanait d'elle.<br />

Elle se fondit contre lui, ressentant un chatouillement inhabituel dans ses seins. Pouvait-il sentir son coeur<br />

battre follement ? Elle sentit ses lèvres sur son cou et, avec un cri <strong>de</strong> regret, elle se libéra <strong>de</strong> lui et se<br />

retourna.<br />

- Je suis désolé, murmura-t-il. Je n'avais pas le droit <strong>de</strong> faire cela.<br />

La respiration d'Olivia était irrégulière.<br />

- Nous ferions mieux <strong>de</strong> partir, dit-elle et elle tendit la main pour éteindre la lanterne près <strong>de</strong> la porte.<br />

Comme elle le faisait, quelque chose sur le rebord <strong>de</strong> la fenêtre attira le regard <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

- Attends. Il immobilisa sa main. Qu'est-ce que c'est ?<br />

- Des sculptures. Des chevaux et <strong>de</strong>s chiens pour la plupart.<br />

<strong>Maximus</strong> en prit une et la tourna dans sa main.<br />

- C'est merveilleux. Les proportions du cheval son parfaites. Qui l'a fait ?<br />

- Moi.<br />

- Tu les as toutes sculptées ? Il était émerveillé. Quand trouves-tu le temps <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s choses comme<br />

celles-ci ?<br />

- Je peux parfois travailler <strong>de</strong>s mois sur l'une d'entre elles. D'autres fois, je peux en faire une en quelques<br />

jours. Cela dépend si nous sommes très occupés ou non avec les chevaux. Je les sculpte principalement à<br />

ta maison.<br />

- Ma maison ?<br />

- Oui. Ta maison a toujours été pour moi un refuge contre cette ferme surpeuplée. Un endroit <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong>.<br />

C'est tranquille là-bas et je peux réfléchir.<br />

<strong>Maximus</strong> appuya son épaule contre le rebord <strong>de</strong> la fenêtre et la laissa poursuivre, son visage doucement<br />

ombré par la lumière <strong>de</strong> la lune.<br />

- J'étais contrariée la première fois que je t'ai vu là-bas. J'ai <strong>de</strong>viné qui tu était mais je n'ai pas aimé ton<br />

intrusion dans mon espace - ou ce que je considérais comme mon espace.<br />

- Ce rosier grimpant à la porte... Est-ce que tu as fait cela ?<br />

Elle acquiesça.<br />

- L'incendie l'avait quasiment tué mais il essayait <strong>de</strong> pousser à nouveau alors j'ai arraché les mauvaises<br />

herbes et je me suis arrangée pour toujours l'arroser. Cela fait <strong>de</strong>s années que j'utilise les fleurs pour<br />

parfumer les savons que j'utilise.<br />

- Je peux sentir les roses dans tes cheveux.<br />

<strong>Maximus</strong> tendit un doigt avec hésitation et caressa sa joue.<br />

- C'est toujours ton espace et tu peux venir là-bas quand tu le veux. J'espère que ça ne te dérange pas <strong>de</strong><br />

le partager avec moi.<br />

Elle étudia son visage.<br />

- De quoi as-tu l'air <strong>sous</strong> tous ces cheveux et cette barbe ?<br />

<strong>Maximus</strong> rit.<br />

- Je suis très ordinaire.<br />

- J'en doute. Elle tira espièglement sur sa barbe. J'apporterai mes ciseaux et un rasoir la prochaine fois<br />

que je viendrai. Je coupe les cheveux <strong>de</strong> tous mes frères.<br />

50


- Quand cela sera-t-il ?<br />

- Demain.<br />

- Entendu.<br />

- Cela ne dérangera pas ton père que tu sois seule avec moi ?<br />

- Cela <strong>de</strong>vrait ?<br />

<strong>Maximus</strong> resta silencieux pendant un moment.<br />

- Je ne sais pas.<br />

- Je crois qu'il te fait confiance, soldat. Et je crois qu'il t'apprécie. Il t'apprécie beaucoup.<br />

Olivia se mit subitement à rire.<br />

- Au dîner, il te regardait <strong>de</strong> la même façon qu'il évalue les étalons qu'il a l'intention d'utiliser pour la<br />

reproduction.<br />

- Oh, vraiment. Et crois-tu que je sois conforme à ses attentes ?<br />

- Laisse-moi te dire une chose : si tu était un étalon, on te gar<strong>de</strong>rait très occupé ici.<br />

Elle s'approcha effrontément tout près <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, ses seins frôlant son armure <strong>de</strong> cuir.<br />

- Mais, la jument que voici ne serait pas très contente si tu couvrais d'autres juments.<br />

<strong>Maximus</strong> la prit dans ses bras, ses lèvres caressant les siennes. Il approfondit le baiser et elle lui répondit<br />

aussi passionnément, leur langues se touchant et se caressant. Olivia s'écarta <strong>de</strong> lui juste avant que<br />

Persius ne passe la porte en trombe.<br />

- Je le savais. Vous avez passé tout votre temps ici. Je savais que tu ne lui montrerais pas l'écurie <strong>de</strong><br />

reproduction ! Venez avec moi, <strong>Maximus</strong>. Je vais vous montrer.<br />

<strong>Maximus</strong> sourit et fit un clin d'oeil à Olivia juste avant qu'il ne disparaisse par la porte, se hâtant pour<br />

rattraper son frère.<br />

Olivia posa son visage contre le verre froid et le regarda disparaître dans la noirceur <strong>de</strong> la nuit. Elle savait<br />

sans aucun doute que c'était l'homme qu'elle avait épouser. Le savait-il aussi ?<br />

Chapitre 32 : Reconstruction<br />

Le matin suivant, <strong>Maximus</strong> était assis sur le mur <strong>de</strong> pierres <strong>de</strong> ce qui avait été autrefois sa maison pendant<br />

qu'Olivia taillait sa barbe et coupait ses cheveux.<br />

Persius portait l'armure <strong>de</strong> métal encombrante <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, faisant virevolter son épée, décapitant chaque<br />

buisson et arbuste à sa portée.<br />

- Est-il en sécurité avec cette chose ?, <strong>de</strong>manda Olivia.<br />

- Probablement pas, répondit <strong>Maximus</strong>.<br />

Il avait été très déçu <strong>de</strong> voir Persius aux côtés d'Olivia quand ils s'étaient approchés <strong>de</strong> sa propriété ce<br />

matin. Olivia avait simplement haussé les épaules et dit :<br />

- Papa a insisté.<br />

- Il est avisé, murmura <strong>Maximus</strong>.<br />

- As-tu dis quelque chose ?, <strong>de</strong>manda Olivia.<br />

<strong>Maximus</strong> tendit la main vers l'arrière et saisit celle d'Olivia, l'amenant à ses lèvres.<br />

- Ne pouvons-nous nous débarrasser <strong>de</strong> lui ?<br />

- Que suggères-tu ?<br />

- Je ne sais pas. <strong>Maximus</strong> avait l'air découragé. Il lâcha sa main.<br />

- Mon père m'a donné un cours ce matin à propos d'une jument en chaleur et d'un étalon fougueux, se mit<br />

à rire Olivia.<br />

- Ca n'en a peut être pas l'air après hier soir mais je ne profiterais jamais <strong>de</strong> toi.<br />

Olivia continua à travailler silencieusement pendant un moment, se déplaçant <strong>de</strong>vant lui, ses seins au<br />

niveau <strong>de</strong>s yeux <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. Il gémit. C'était peut être une bonne chose que Persius soit là, après tout.<br />

- Quand dois-tu retourner là-bas, <strong>Maximus</strong> ?<br />

- Je ne sais pas. J'espère rester cet été mais il se peut que je sois rappelé avant cela.<br />

- Un soldat n'a pas beaucoup <strong>de</strong> vie en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l'armée, n'est-ce pas ?<br />

- De nombreux soldats ont <strong>de</strong>s femmes et <strong>de</strong>s familles. Les légions ne se déplacent pas tant que cela<br />

alors ils rencontrent <strong>de</strong>s femmes sur place et ont <strong>de</strong>s enfants avec elles.<br />

- Mais ils ne sont pas mariés. Les soldats ne sont pas autorisés à se marier. Je pense que c'est un<br />

règlement ridicule.<br />

- Cela a un but, je suppose.<br />

- Et lequel ?<br />

- Gar<strong>de</strong>r l'esprit d'un homme concentré sur le combat. Quand il prend sa retraite, l'union <strong>de</strong>vient légale et<br />

les enfants sont légitimés, mais pas avant cela.<br />

- Es-tu en train <strong>de</strong> me dire que dans tout l'Empire Romain, aucun soldat n'est marié ?<br />

<strong>Maximus</strong> pouvait sentir qu'Olivia était contrariée parce que sa prise sur ses cheveux s'était resserrée.<br />

- Quelques uns le sont. Parfois, on peut accor<strong>de</strong>r à un soldat la permission exceptionnelle <strong>de</strong> se marier<br />

pour une raison ou une autre, dit lentement <strong>Maximus</strong>. Il hésita à poursuivre mais décida <strong>de</strong> lui dire la<br />

vérité. Marc-Aurèle m'a donné cette permission.<br />

Les mains d'Olivia s'immobilisèrent.<br />

- Quoi ? Tu es autorisé à te marier ? Pourquoi ?<br />

- Je te le dirai un jour.<br />

Olivia posa le rasoir sur le mur et prit le visage <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> entre ses mains.<br />

- Dis-le moi maintenant.<br />

51


- Assis-toi.<br />

- Non. Dis-moi.<br />

<strong>Maximus</strong> soupira.<br />

- Il y a <strong>de</strong> nombreuses années, je suis tombé amoureux <strong>de</strong> la fille <strong>de</strong> Marc-Aurèle. Il s'arrêta. Olivia digéra<br />

l'in<strong>format</strong>ion.<br />

- Est-ce qu'elle t'aimait ?<br />

- Oui. Elle était promise à Lucius Verus à l'époque mais je l'ignorais. Elle ne me l'avait pas dit. J'ai été<br />

bouleversé quand j'ai découvert son mensonge et Marc-Aurèle m'a donné la permission d'épouser la<br />

femme <strong>de</strong> mon choix en compensation. Je l'ai par écrit.<br />

- Comment s'appelait-elle ?<br />

- Est-ce important ?<br />

Olivia jeta un oeil à son frère qui jouait toujours au soldat puis s'assit sur un genou <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

- Non, mais dis-le moi quand même.<br />

- Lucilla.<br />

- Etait-elle belle ?<br />

- Oui. Mais pas plus belle que toi.<br />

- L'aimes-tu encore ?<br />

- Non. Non, je ne pense plus à cela <strong>de</strong>puis vraiment longtemps. Ce n'est pas Lucilla que j'aime à présent.<br />

Olivia pressa ses lèvres sur le front <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et ferma les yeux.<br />

- Tu aimes quelqu'un, à présent ?<br />

- Oui. Une belle jeune femme avec <strong>de</strong> longs cheveux noirs qui hante mes rêves.<br />

- N'est-ce pas étrange. C'est un soldat qui hante les miens.<br />

<strong>Maximus</strong> l'entoura <strong>de</strong> ses bras et la serra très fort.<br />

- Olivia, je n'ai rien à t'offrir, même pas une maison.<br />

- Tu as tout à m'offrir, mon amour.<br />

- Tu es habituée à un tel luxe. Je suis un homme assez opulent mais je n'ai pas ce qu'on pourrait appeler<br />

une maison, pas <strong>de</strong> stabilité, aucune garantie que je serais là quand tu auras besoin <strong>de</strong> moi.<br />

- Beaucoup d'hommes m'ont offert toutes ces choses mais je ne voulais pas d'eux.<br />

- Je vis dans une hutte.<br />

Olivia rit à travers les larmes qui coulaient le long <strong>de</strong> son visage et elle se tourna pour regar<strong>de</strong>r la cabane<br />

<strong>de</strong> bois.<br />

- Tu vis sûrement dans une hutte, mais elle a l'air assez gran<strong>de</strong> pour <strong>de</strong>ux.<br />

- Je ne songerais même pas à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à ton père la permission <strong>de</strong> t'épouser sans une maison<br />

convenable à t'offrir, murmura <strong>Maximus</strong>.<br />

Leur intimité fut interrompue par Persius qui avait réussi à tuer un lapin et le tenait fièrement bien haut pour<br />

qu'ils le voient, le sang frais dégoulinant sur son bras.<br />

- Regar<strong>de</strong>z ce que...<br />

- Va t-en !, crièrent à l'unisson les amoureux et un Persius outré déguerpit en direction <strong>de</strong> la rivière.<br />

- Ecoute-moi, <strong>Maximus</strong>. Olivia se mit à genoux et prit ses mains dans les siennes. Je préfèrerais vivre avec<br />

toi dans cette cabane <strong>de</strong> bois que <strong>de</strong> vivre un jour <strong>de</strong> plus sans toi dans la villa <strong>de</strong> mon père. Je t'aime,<br />

est-ce que tu comprends ? Combien <strong>de</strong> fois une femme a-t-elle l'opportunité d'épouser un homme qu'elle<br />

aime vraiment ?<br />

- Je t'aime aussi.<br />

- Alors...<br />

- Non. Pas avant que j'aie une maison qui convienne. Elle n'a pas besoin d'être gran<strong>de</strong> mais elle doit être<br />

soli<strong>de</strong>.<br />

- Homme têtu.<br />

Olivia se releva et mis ses mains sur ses hanches.<br />

- Tu ne me laisses pas le choix à ce que je vois.<br />

Elle se tourna et appela son frère.<br />

- Persius ! Viens ici ! Nous rentrons !<br />

- Vous partez maintenant ?, <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong> mais elle refusa <strong>de</strong> répondre.<br />

Son frère enleva la trop gran<strong>de</strong> armure avec regret et suivit sa soeur qui commençait à <strong>de</strong>scendre le long<br />

du chemin.<br />

- Au revoir, <strong>Maximus</strong> !, cria Persius.<br />

<strong>Maximus</strong> lui fit signe puis mis les mains sur ses hanches en les regardant partir.<br />

De bonne heure le len<strong>de</strong>main matin, <strong>Maximus</strong> fut réveillé en sursaut par le bruit d'une armée passant à<br />

travers sa propriété. Non, pas une armée, mais certainement beaucoup d'hommes. Il sortit <strong>de</strong>hors, clignant<br />

<strong>de</strong>s yeux à cause <strong>de</strong> la lumière du soleil et passa ses mains dans ses cheveux, oubliant qu'ils étaient<br />

considérablement plus courts qu'ils ne l'étaient quelques jours auparavant. Il se frotta les yeux tellement il<br />

était surpris. Des centaines d'employés <strong>de</strong> ferme et d'esclaves venant <strong>de</strong> la propriété d'Olivia étaient là et il<br />

avaient tous <strong>de</strong>s outils. Ses frères étaient là aussi ainsi que son père, tous montant <strong>de</strong> magnifiques<br />

étalons. Derrière les hommes, il y avait environ une douzaine <strong>de</strong> femmes menées par Olivia, transportant<br />

assez <strong>de</strong> nourriture pour nourrir tout le mon<strong>de</strong> pendant une journée. Titus apostropha un <strong>Maximus</strong><br />

abasourdi.<br />

- Par où veux-tu que nous commencions ?<br />

L'esprit encore embrumé par le sommeil, <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong>manda :<br />

52


- Commencer quoi ?<br />

- A reconstruire ta maison, bien sûr. Olivia a dit que tu avais besoin d'une nouvelle maison tout <strong>de</strong> suite<br />

alors nous sommes là pour t'ai<strong>de</strong>r.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda Olivia mais elle se tourna, s'occupant <strong>de</strong> quelques paniers.<br />

- Hum, je veux... Je veux juste que la petite maison soit reconstruite pour l'instant. Je l'agrandirai une autre<br />

fois.<br />

- Rien d'autre ? Nous avons plein <strong>de</strong> main d'oeuvre ici.<br />

- Eh bien, les jardins ont besoin d'être nettoyés...<br />

- D'accord ! Tu t'assieds et tu te relaxes, soldat.<br />

Tout le jour, les hommes travaillèrent <strong>sous</strong> les ordres <strong>de</strong> Titus qui <strong>de</strong>manda occasionnellement à <strong>Maximus</strong><br />

d'éclaircir ce qu'il voulait.<br />

A la tombée <strong>de</strong> la nuit, sa maison était à nouveau <strong>de</strong>bout, presque comme elle avait été avant l'incendie.<br />

La terre avait été nettoyée aussi et était prête à être ensemencée. <strong>Maximus</strong> n'avait aucune idée <strong>de</strong> la<br />

façon dont il pourrait repayer cette immense générosité.<br />

Alors qu'Olivia se préparait à rentrer chez elle, elle lui dit :<br />

- Je m'attends à te voir chez moi <strong>de</strong>main, soldat.<br />

<strong>Maximus</strong> sourit d'une oreille à l'autre.<br />

- J'y serais.<br />

Chapitre 33 : Le Mariage<br />

<strong>Maximus</strong> et Olivia se marièrent une semaine plus tard.<br />

La future mariée portait une traditionnelle tunique <strong>de</strong> laine blanche avec une guirlan<strong>de</strong> <strong>de</strong> fleurs sauvages<br />

mêlée à ses cheveux qui étaient divisés en six mèches bouclées et épaisses qui tombaient jusque dans<br />

son dos. Un voile transluci<strong>de</strong> orangé était gracieusement drapé par-<strong>de</strong>ssus la guirlan<strong>de</strong> et il ondulait quand<br />

elle bougeait. Elle portait <strong>de</strong>s chaussures couleur safran et avait un petit bouquet <strong>de</strong> fleurs sauvages dans<br />

la main. <strong>Maximus</strong> portait son uniforme composé d'une tunique et d'un pantalon lie-<strong>de</strong>-vin, <strong>de</strong> bottes, <strong>de</strong><br />

l'armure <strong>de</strong> cuir et d'une longue cape.<br />

Augusta amena les <strong>de</strong>ux futurs mariés dans le jardin <strong>de</strong> la villa qui était rempli <strong>de</strong> fleurs odorantes et ils<br />

joignirent leurs mains. Ils se jurèrent ensuite <strong>de</strong> s'aimer et <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer fidèles et échangèrent <strong>de</strong>s<br />

anneaux que chacun porta sur le troisième doigt <strong>de</strong> la main gauche. Des prières furent dites aux dieux et<br />

déesses du mariage puis Marcus et <strong>Maximus</strong> signèrent le contrat <strong>de</strong> mariage avec Titus et Eusebius<br />

comme témoins.<br />

- Ca y est, mon garçon, rit Marcus, tu fais partie <strong>de</strong> la famille, maintenant !<br />

Le patriarche appréciait beaucoup ce jeune homme et il était heureux <strong>de</strong> voir sa fille épouser un homme<br />

qu'elle aimait vraiment - une chose très rare, en fait. Ca ne gâchait rien non plus que Marcus ait<br />

maintenant comme gendre un militaire haut-gradé qui avait un contact direct avec Marc-Aurèle. Quel jour<br />

heureux c'était.<br />

<strong>Maximus</strong> admirait la bague qu'Olivia avait glissé à son doigt. Elle était en argent avec l'aigle <strong>de</strong> Rome<br />

gravé <strong>de</strong>ssus.<br />

- Je l'ai faite faire spécialement pour toi, dit-elle. J'ai pensé que l'aigle était approprié.<br />

Sa bague était un anneau en or avec une émerau<strong>de</strong> assez importante enchâssée en son centre. <strong>Maximus</strong><br />

était allé jusqu'à Merida pour trouver ce qu'il voulait et avait également acheté quelques meubles pendant<br />

qu'il était là-bas. Sa maison était toujours très simple mais vraiment convenable et présentable pour sa<br />

jeune épouse. Elle avait maintenant un grand lit confortable avec un dosseret sculpté et 4 colonnes qui<br />

portaient <strong>de</strong>s ri<strong>de</strong>aux qui pouvaient être tirés pour la chaleur ou l'intimité. Ses achats comportaient aussi<br />

<strong>de</strong>s chaises et <strong>de</strong>s tables, <strong>de</strong>s tapis et <strong>de</strong>s ustensiles <strong>de</strong> cuisine. <strong>Maximus</strong> avait fait <strong>de</strong>s arrangements<br />

pour que sa maison commence à être agrandie une semaine après son mariage. La structure actuelle<br />

<strong>de</strong>viendrait la cuisine et un atrium, une salle à dîner, <strong>de</strong>s chambres et <strong>de</strong>s toilettes seraient ajoutés. Sa<br />

maison ne serait jamais aussi recherchée que la villa où avait grandi sa femme, mais <strong>Maximus</strong> savait<br />

qu'elle ne serait pas déçue.<br />

Les jeunes mariés et tous les invités s'installèrent pour une fête qui surpassa tout ce que <strong>Maximus</strong> avait<br />

jamais pu imaginer. Un mouton et un cochon entiers avaient été rôtis et la table grinçait <strong>sous</strong> le poids <strong>de</strong>s<br />

plats <strong>de</strong> légumes et <strong>de</strong> conserves. Du poisson frais avait été importé <strong>de</strong> la côte - un luxe dont on n'avait<br />

presque jamais entendu parler - et le vin coulait à flots.<br />

Plus tard ce soir, quand les festivités à la villa furent finies, <strong>Maximus</strong> marcha vers son étalon pour<br />

retourner chez lui et attendre l'arrivée <strong>de</strong> son épouse. Mais au lieu d'Argos, Argento était là, sellé à sa<br />

place. <strong>Maximus</strong> s'arrêta et le fixa du regard.<br />

- Il est à toi, fils, dit Marcus en rejoignant <strong>Maximus</strong> sur la petite route. Je ne peux pas penser à un autre<br />

homme que je voudrais voir monter le meilleur cheval <strong>de</strong> tout l'empire. Nous prendrons grand soin d'Argos<br />

pour toi. Regar<strong>de</strong>, il est dans le champs là-bas, profitant <strong>de</strong> sa retraite. Peut-être trouverais-je même une<br />

pouliche ou <strong>de</strong>ux pour faire ami-ami avec lui.<br />

- Je suis comblé, Monsieur. C'est un trop beau ca<strong>de</strong>au. Vous avez déjà tellement fait pour moi.<br />

- Absur<strong>de</strong>. Rends juste ma fille heureuse, <strong>Maximus</strong>, c'est tout ce que je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Et quand tu <strong>de</strong>vras<br />

partir à nouveau, sois bien sûr que nous veillerons sur elle.<br />

- Merci, Monsieur.<br />

- Marcus.<br />

- Marcus. Merci.<br />

53


<strong>Maximus</strong> s'approcha lentement d'Argento, sans cesser <strong>de</strong> lui parler. Il caressa le nez et le front <strong>de</strong> l'animal<br />

et le gratta <strong>de</strong>rrière les oreilles, récompensé quand le cheval mis ses naseaux sur lui. Alors qu'il saisissait<br />

la selle, se préparant à monter sur le cheval, ses oreilles détectèrent un glapissement faible et il s'arrêta.<br />

Ca venait d'un sac <strong>de</strong> cuir qui était soigneusement attaché à la selle. Le sac bougeait et une tête grise<br />

couverte <strong>de</strong> fourrure avec <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s oreilles et une truffe noire en sortit, suivie par une grosse patte.<br />

<strong>Maximus</strong> rit et sortit entièrement Hercule, ayant son visage léché en récompense.<br />

- Je ne sais pas pourquoi vous <strong>de</strong>vez vous encombrer <strong>de</strong> ce chien cette nuit entre toutes les autres,<br />

<strong>Maximus</strong>, mais Olivia a insisté.<br />

<strong>Maximus</strong> sourit et tendit la boule <strong>de</strong> poils à Marcus pendant qu'il montait en selle puis il mit le chiot <strong>sous</strong><br />

son bras et se dirigea vers sa maison au petit galop.<br />

Olivia arriva peu <strong>de</strong> temps après dans une litière décorée <strong>de</strong> fleurs et portée par ses frères. Elle était<br />

entourée par <strong>de</strong>s accompagnateurs tenant <strong>de</strong>s torches allumées et chantant <strong>de</strong>s chansons <strong>de</strong> mariage,<br />

accompagnés par <strong>de</strong>s joueurs <strong>de</strong> flûte dans <strong>de</strong>s costumes colorés.<br />

Elle <strong>de</strong>scendit gracieusement <strong>de</strong> la litière, portant <strong>de</strong>s guirlan<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fleurs qu'elle accrocha aux colonnes<br />

près <strong>de</strong> la porte avant que <strong>Maximus</strong> ne la soulève dans ses bras et ferme la porte <strong>de</strong>rrière eux avec son<br />

pied, un signe évi<strong>de</strong>nt pour les autres que la fête était finie. Souriant d'un air entendu, ils commencèrent à<br />

se disperser.<br />

<strong>Maximus</strong> posa les pieds d'Olivia sur le sol <strong>de</strong> pierre mais elle s'accrocha à son cou jusqu'à ce qu'il<br />

l'embrasse. Posant ses mains sur les hanches <strong>de</strong> la jeune femme, il l'écarta <strong>de</strong> lui afin <strong>de</strong> pouvoir lui<br />

donner une petite lampe allumée et un bol d'eau qui signifiaient qu'elle était à présent la maîtresse <strong>de</strong><br />

maison. Elle regarda ses présents mais s'en débarrassa rapi<strong>de</strong>ment. Il n'y avait qu'un seul ca<strong>de</strong>au qui<br />

l'intéressait à ce moment précis.<br />

Quand <strong>Maximus</strong> se tourna pour éteindre la lampe, elle se jeta sur lui. Il se retourna juste à temps pour<br />

l'attraper contre sa poitrine mais l'élan les fit tomber tous les <strong>de</strong>ux dans une chaise qui bascula lentement,<br />

les renversant sur le tapis en laine, hurlant <strong>de</strong> rire, le corps <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> <strong>sous</strong> celui d'Olivia et l'armure <strong>de</strong><br />

cuir amortissant leur chute.<br />

Leurs lèvres se joignirent à nouveau et elle ouvrit la bouche pour le recevoir complètement, ses mains se<br />

battant avec les attaches <strong>de</strong> l'armure. Finalement, frustrée, elle lui donna une claque sur la hanche et<br />

dit :<br />

- Comment enlèves-tu cette chose ?<br />

En riant, il dit :<br />

- La cape s'enlève avant.<br />

Puis il roula jusqu'à ce qu'Olivia soit <strong>sous</strong> lui. Il se mit à genoux et enleva la cape puis défit rapi<strong>de</strong>ment les<br />

attaches <strong>de</strong> cuir, posant la cuirasse sur le sol près <strong>de</strong> lui.<br />

- C'est mieux ?<br />

- Hum, hum, mais ne t'arrête pas là, mon époux.<br />

Lui souriant, il enleva ensuite sa ceinture et la posa sur la cuirasse pendant qu'Olivia saisissait le bas <strong>de</strong><br />

sa tunique et la repoussait vers le haut jusqu'à ce que les mains <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> soient remplacées par les<br />

siennes et que ce vêtement soit ôté aussi.<br />

Saisissant la taille <strong>de</strong> ses pantalons, Olivia se souleva jusqu'à ce qu'elle puisse nouer ses bras autour du<br />

dos <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. Très lentement et délibérément, elle répandit <strong>de</strong> doux baisers sur sa poitrine, suivis <strong>de</strong> sa<br />

langue qui laissa <strong>de</strong>s traces humi<strong>de</strong>s sur sa peau. Enchevêtrant ses doigts dans ses cheveux, <strong>Maximus</strong><br />

enleva le voile et la guirlan<strong>de</strong> <strong>de</strong> fleurs puis prit son visage entre ses mains et captura à nouveau sa<br />

bouche. Sans ôter ses lèvres <strong>de</strong>s siennes, il se leva, la soulevant avec lui. Ses doigts habiles trouvèrent la<br />

ceinture <strong>de</strong> laine d'Olivia et elle tomba sur le sol, <strong>de</strong>venant aussitôt un jouet pour Hercule qui la traîna dans<br />

sa gueule autour <strong>de</strong> la pièce, grognant et secouant la tête.<br />

La tunique blanche d'Olivia rejoignit la rouge <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> sur le sol. Dévêtue à présent, à part <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>vêtements<br />

en lin léger, elle pressa son corps contre le sien, sentant clairement son désir pour elle. Mais<br />

une fois <strong>de</strong> plus, <strong>Maximus</strong> l'écarta <strong>de</strong> lui et ses <strong>sous</strong>-vêtements subirent le même sort que sa tunique.<br />

Réalisant soudain qu'elle était entièrement nue dans sa nouvelle <strong>de</strong>meure, elle fixa les fenêtres,<br />

s'attendant presque à voir Persius regar<strong>de</strong>r à travers elles, mais leur passion avait laissé <strong>de</strong> la buée sur<br />

chacune d'entre elles et leur intimité était garantie.<br />

Les mains et les yeux <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> parcoururent ses courbes, touchant chaque sommet et vallée.<br />

- Tu es si belle, soupira-t-il.<br />

Soudainement distrait, il regarda à ses pieds pour voir Hercule mordiller les lacets <strong>de</strong> ses bottes,<br />

visiblement lassé <strong>de</strong> son précé<strong>de</strong>nt jouet. <strong>Maximus</strong> rit doucement et se pencha pour ouvrir la mâchoire du<br />

chiot et libérer son pied. Il se releva rapi<strong>de</strong>ment et souleva Olivia dans ses bras, lui coupant le souffle.<br />

- Le lit sera beaucoup plus confortable, murmura-t-il. De plus, nous n'aurons pas à nous inquiéter <strong>de</strong> ce<br />

qu'Hercule choisira comme jouet la prochaine fois.<br />

Olivia rit alors que <strong>Maximus</strong> la portait dans la chambre et elle ferma la porte avec sa main.<br />

Réalisant qu'il était seul, Hercule s'assit et regarda la porte <strong>de</strong> la chambre. Il gémit. La porte ne s'ouvrit<br />

pas. Il jappa. La porte ne s'ouvrit toujours pas. Il essaya son aboiement aigu <strong>de</strong> chiot. Cela ne le mena<br />

nulle part. Il finit par abandonner et se roula en boule sur la cape <strong>de</strong> son maître, décidant <strong>de</strong> dormir jusqu'à<br />

ce que ses compagnons <strong>de</strong> jeu reviennent.<br />

Le matin suivant, Augusta et Flora déposèrent un plein panier <strong>de</strong> vivres et <strong>de</strong> vin sur le seuil <strong>de</strong> la maison<br />

<strong>de</strong>s jeunes mariés.<br />

Le matin d'après, elles firent <strong>de</strong> même pour constater que le premier panier n'avait pas été touché.<br />

54


Gloussant, elles le remplacèrent avec le nouveau.<br />

Le len<strong>de</strong>main matin, elles virent que le second panier avait disparu et le chiot gris mécontent était attaché<br />

<strong>de</strong>hors.<br />

Les fenêtres étaient toujours pleines <strong>de</strong> buée.<br />

Chapitre 34 : Général <strong>Maximus</strong><br />

<strong>Maximus</strong> avait son bras autour <strong>de</strong> sa femme, son ventre doucement arrondi et sa poitrine volumineuse la<br />

rendant plus belle que jamais à ses yeux.<br />

Dans les quatre mois suivant leur mariage, leur maison avait été finie et la récolte semée. <strong>Maximus</strong> savait<br />

que cette femme, cette maison et leur enfant étaient tout ce qu'il voulait dans la vie. Il était très heureux.<br />

<strong>Maximus</strong> avait refusé d'acheter <strong>de</strong>s esclaves sachant que <strong>de</strong>s hommes excellents à qui il arrivait d'être du<br />

côté <strong>de</strong>s vaincus dans la bataille étaient réduits en esclavage. Au lieu <strong>de</strong> cela, il employait <strong>de</strong>s hommes du<br />

village pour travailler dans les champs et <strong>de</strong>s femmes pour faire le ménage. Ils avaient une cuisinière à<br />

plein temps. <strong>Maximus</strong> ne voulait pas qu'Olivia ait à lever le petit doigt si elle ne le souhaitait pas.<br />

Egoïstement, il voulait que tout son temps et son énergie soient dirigés vers lui.<br />

Chaque matin quand il quittait la maison, il s'accroupissait et ramassait une poignée <strong>de</strong> terre qu'il frottait<br />

entre ses paumes puis il la portait à son nez pour la sentir, se rappelant ce qui était réellement important<br />

dans la vie. Sa maison était gran<strong>de</strong> mais simple avec assez <strong>de</strong> pièces pour les nombreux enfants que lui<br />

et Olivia espéraient avoir.<br />

Hercule était assis à côté du couple, tout en pattes et en oreilles. Il avait grandi comme <strong>de</strong> la mauvaise<br />

herbe et il <strong>de</strong>vait encore grandir beaucoup. Il était évi<strong>de</strong>nt que l'animal allait être énorme et il était déjà<br />

entièrement dévoué à <strong>Maximus</strong>. Il trottinait sur les talons d'Argento chaque jour quand <strong>Maximus</strong> faisait<br />

prendre <strong>de</strong> l'exercice à l'étalon et il était étonné que le chien n'ait jamais été piétiné ou n'ait jamais reçu un<br />

coup <strong>de</strong> sabot.<br />

La seule ombre dans sa vie était un sentiment <strong>de</strong> culpabilité tenace qui le prenait parfois quand son esprit<br />

n'était pas occupé ailleurs. Il était parti <strong>de</strong> l'armée <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s mois à présent, bien plus longtemps qu'il<br />

n'avait prévu. Bien qu'il n'ait aucune envie <strong>de</strong> rentrer, il avait <strong>de</strong>s accès <strong>de</strong> culpabilité, se <strong>de</strong>mandant si on<br />

avait besoin <strong>de</strong> lui en Germanie et ce que Marc-Aurèle <strong>de</strong>vait penser <strong>de</strong> sa longue absence. Il <strong>de</strong>vait être à<br />

<strong>de</strong>ux endroits à la fois mais ne voulait être qu'à un seul - ici, aux côtés <strong>de</strong> sa femme. Ne voulant pas<br />

angoisser Olivia, il gardait ses doutes pour lui. Jusqu'à un jour - un jour qui allait changer sa vie à nouveau.<br />

Olivia était dans une pièce à l'étage et aperçut les prétoriens <strong>de</strong> la fenêtre.<br />

- <strong>Maximus</strong> !, cria-t-elle, sa voix résonnant par-<strong>de</strong>ssus les collines.<br />

<strong>Maximus</strong> fit <strong>de</strong>mi-tour vers la maison à bri<strong>de</strong> abattue et Olivia se jeta dans ses bras à la porte, pointant un<br />

doigt tremblant vers la petite route. <strong>Maximus</strong> sentit une peur glacée dans son coeur alors qu'il regardait<br />

s'avancer ver lui la procession <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux douzaines <strong>de</strong> prétoriens en uniforme et portant l'aigle doré <strong>de</strong><br />

Rome. Laissant son épouse, il marcha au <strong>de</strong>vant d'eux pour les accueillir.<br />

- Général, dit le centurion en inclinant légèrement la tête dans sa direction. <strong>Maximus</strong> le regarda, quelque<br />

peu confus.<br />

- Je pense que vous faites erreur.<br />

- Êtes-vous <strong>Maximus</strong> Decimus Meridius ?<br />

- Oui.<br />

- Alors vous êtes bien la bonne personne.<br />

Le prétorien mit pied à terre et tendit un petit paquet à <strong>Maximus</strong>.<br />

- Une lettre <strong>de</strong> l'empereur, Général.<br />

<strong>Maximus</strong> défit l'enveloppe portant le sceau <strong>de</strong> l'empereur et lu en revenant lentement vers Olivia. Même à<br />

cette distance, elle put voir le sang se retirer <strong>de</strong> son visage et quand il tomba à genoux dans la terre, elle<br />

courut à ses côtés.<br />

- Qu'est-ce qu'il y a ? <strong>Maximus</strong>, qu'y a-t-il ? Elle était terrifiée.<br />

<strong>Maximus</strong> leva les yeux vers elle.<br />

- Lucius Verus est mort. L'empereur est mort.<br />

Bien qu'Olivia soit désolée <strong>de</strong> l'entendre, elle ne comprenait pas pourquoi cette nouvelle avait un tel impact<br />

sur son époux. Elle s'accroupit à côté <strong>de</strong> lui, son bras autour <strong>de</strong> son épaule, le cachant <strong>de</strong>s regards <strong>de</strong>s<br />

prétoriens avec son corps.<br />

- Quoi d'autre ?, l'encouragea-t-elle.<br />

- Je suis rappelé dans l'armée en tant que général <strong>de</strong> la légion Felix III. Marc-Aurèle veut que je parte<br />

immédiatement.<br />

Une vague <strong>de</strong> nausée submergea Olivia et elle s'accrocha à <strong>Maximus</strong> pour ne pas tomber. Il se releva<br />

avec sa femme dans ses bras et la porta jusqu'à la maison, à l'abri du soleil, et l'assit sur une chaise. Il<br />

s'accroupit <strong>de</strong>vant elle.<br />

- Il y a plus, dit-il. A cause <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> l'empereur, Marc-Aurèle m'a aussi nommé commandant <strong>de</strong> toutes<br />

les légions du Nord.<br />

Il y avait <strong>de</strong>s larmes dans la voix d'Olivia.<br />

- Peux-tu refuser ?<br />

- Non.<br />

Il attira Olivia à lui et enfoui son visage dans ses cheveux.<br />

- Je suis désolé, murmura-t-il. Je suis tellement désolé.<br />

Olivia caressa ses cheveux et essaya <strong>de</strong> sourire à travers ses larmes.<br />

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- Et bien, je suis certainement mariée à un homme très important.<br />

Un bruit à la porte lui fit lever les yeux. Le centurion prétorien se tenait là avec un large paquet sur le sol.<br />

- Qu'est-ce ?, <strong>de</strong>manda-t-elle sèchement, et <strong>Maximus</strong> releva la tête.<br />

- Excusez-moi général, mais ce paquet vient aussi <strong>de</strong> l'empereur.<br />

<strong>Maximus</strong> lui parla :<br />

- Où est Felix III en ce moment ?<br />

- A Vindobona, général, elle vous attend.<br />

<strong>Maximus</strong> frissonna. Il avait espéré ne jamais revoir cet endroit. Il marcha jusqu'à la porte et tira le paquet à<br />

l'intérieur.<br />

- J'ai oublié les bonnes manières, centurion. Emmenez vos chevaux à l'écurie où l'on prendra soin d'eux<br />

puis un repas sera préparé pour vos hommes. Nous <strong>de</strong>vrons peut être les loger dans une propriété<br />

voisine. Je ne suis pas sûr d'avoir assez <strong>de</strong> place ici.<br />

Le prétorien regarda <strong>Maximus</strong> sans émotion.<br />

- Je crois que vos ordres étaient <strong>de</strong> revenir immédiatement... général.<br />

<strong>Maximus</strong> jeta un regard courroucé qui glaça le sang d'Olivia sur l'infortuné prétorien.<br />

- J'ai besoin <strong>de</strong> trois jours, dit-il dans son gron<strong>de</strong>ment le plus bas, s'avançant doucement vers l'homme.<br />

Nous partirons dans trois jours. Est-ce clair ?<br />

Le prétorien tint sa place mais ne rencontra pas le regard du général.<br />

- Oui, général. Trois jours.<br />

- Maintenant, faites comme j'ai dit et emmenez vos chevaux aux écuries. Je vais prendre <strong>de</strong>s<br />

arrangements pour vos hommes.<br />

- Oui, Monsieur.<br />

Le prétorien se tourna avec un mouvement <strong>de</strong> cape, content d'échapper au regard glacé <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

Olivia regardait avec émerveillement alors que <strong>Maximus</strong> aboyait <strong>de</strong>s ordres au personnel.<br />

- Cassius, va à cheval chez la famille <strong>de</strong> ma femme et dit-leur que j'ai besoin <strong>de</strong> loger <strong>de</strong>ux douzaines<br />

d'hommes pour trois jours et que j'ai besoin <strong>de</strong> leur ai<strong>de</strong>. Dit aussi à Marcus et Titus que j'ai besoin <strong>de</strong> leur<br />

parler le plus tôt possible.<br />

Un Cassius abasourdi se contenta d'acquiescer et décampa pour accomplir les voeux <strong>de</strong> son maître.<br />

<strong>Maximus</strong> tourna ensuite son attention sur le paquet. Il le souleva avec un grognement car il était très lourd<br />

et il le porta dans l'atrium, Olivia juste <strong>de</strong>rrière lui. Il le fixa pendant un moment comme si il hésitait à l'ouvrir<br />

jusqu'à ce qu'Olivia mette un couteau dans sa main et dise :<br />

- Je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ce qu'il y a <strong>de</strong>dans ?<br />

<strong>Maximus</strong> coupa rapi<strong>de</strong>ment la cor<strong>de</strong> et écarta le tissu puis recula quand un bouclier et une épée<br />

tombèrent, suivis par une cuirasse <strong>de</strong> métal et <strong>de</strong>ux luxueuses peaux <strong>de</strong> loup. Hercule émit son<br />

grognement le plus profond quand il les vit et les poils sur son cou se dressèrent.<br />

- Reste tranquille, Hercule, commanda <strong>Maximus</strong>, et le chien se coucha, sa tête sur ses grosses pattes, ses<br />

yeux bruns fixant toujours les peaux.<br />

En dépit du tourbillon <strong>de</strong> ses émotions, Olivia ne put s'empêcher d'avoir le souffle coupé <strong>de</strong>vant la<br />

magnificence <strong>de</strong>s ca<strong>de</strong>aux. Elle tenta <strong>de</strong> détendre un peu l'atmosphère.<br />

- Eh bien, tu sera certainement le général le plus séduisant <strong>de</strong> toute l'armée.<br />

Mais elle ne put maintenir la légèreté longtemps et les larmes envahirent ses yeux. <strong>Maximus</strong> l'attrapa juste<br />

avant que son corps ne s'écroule <strong>sous</strong> les sanglots d'un chagrin terrible.<br />

Cette nuit-là, <strong>Maximus</strong> expliqua la situation à Marcus et Titus. Bien que bouleversés qu'il doive partir, les<br />

<strong>de</strong>ux hommes étaient terriblement impressionnés que le commandant <strong>de</strong> toutes les légions du Nord soit un<br />

membre <strong>de</strong> leur famille. Ils regardèrent avec révérence l'armure qui était toujours sur le sol, gardée par<br />

Hercule. Marcus essaya d'être rassurant :<br />

- Tu n'as à t'inquiéter <strong>de</strong> rien, <strong>Maximus</strong>. Nous nous assurerons que tout ici se déroule comme il se doit et<br />

qu'on prend bien soin d'Olivia. Augusta et Flora seront là quand elle accouchera.<br />

- J'ai l'intention <strong>de</strong> revenir pour cet évènement, dit fermement <strong>Maximus</strong>, et Marcus leva les sourcils en<br />

signe <strong>de</strong> doute.<br />

- Rien dans ce mon<strong>de</strong> ne m'en empêchera, enten<strong>de</strong>z-vous ? Je serais <strong>de</strong> retour pour la naissance <strong>de</strong> mon<br />

enfant.<br />

- J'en suis sûr, <strong>Maximus</strong>. J'en suis sûr, dit Titus <strong>de</strong>vant la résolution dans la voix <strong>de</strong> son ami. En fait,<br />

j'aimerais bien voir une armée essayer <strong>de</strong> t'arrêter !<br />

Titus sourit mais le visage <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> resta grave.<br />

- Je vais avoir beaucoup à faire dans les prochains jours et j'aurais besoin <strong>de</strong> votre ai<strong>de</strong>.<br />

- Tout ce que tu veux, marmonnèrent les <strong>de</strong>ux hommes. Nous sommes là pour t'ai<strong>de</strong>r.<br />

Olivia était trop bouleversée pour s'aventurer trop loin <strong>de</strong> leur chambre. Elle ne pouvait supporter <strong>de</strong> voir<br />

<strong>Maximus</strong> préparer le domaine pour son absence même si elle savait qu'il le faisait pour elle. Il lui avait<br />

promis qu'il reviendrait pour la naissance <strong>de</strong> leur enfant mais elle savait qu'il ne pourrait peut être pas tenir<br />

cette promesse.<br />

Son univers semblait déjà plus vi<strong>de</strong> et plus creux comme la personnalité <strong>de</strong> son mari changeait <strong>de</strong> façon<br />

presque imperceptible. Il souriait moins et donnait plus d'ordres. Il passait <strong>de</strong>s heures à regar<strong>de</strong>r fixement<br />

les flammes du feu le soir, perdu dans ses pensées. Les signes <strong>de</strong> tension et <strong>de</strong> fatigue qui étaient sur son<br />

visage quand elle l'avait vu pour la première fois étaient réapparus et il se tournait et se retournait dans<br />

son sommeil la nuit. Elle le réconforta du mieux qu'elle put mais elle était trop écrasée <strong>sous</strong> le poids <strong>de</strong> sa<br />

propre perte pour pouvoir l'ai<strong>de</strong>r vraiment.<br />

56


Finalement, le jour qu'elle redoutait arriva.<br />

Les prétoriens se rassemblèrent sur la petite route, désireux <strong>de</strong> repartir, et Olivia se tenait sur les marches<br />

à l'extérieur <strong>de</strong> sa maison, les regardant.<br />

Elle entendit les pas <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong>rrière elle et elle se retourna pour voir un homme qu'elle reconnut à<br />

peine. Il portait l'uniforme complet <strong>de</strong> son nouveau gra<strong>de</strong> et seule la tunique lie-<strong>de</strong>-vin était reconnaissable.<br />

Sa nouvelle armure était sculptée d'une tête <strong>de</strong> loup dans son centre. Une longue cape était drapée sur<br />

ses épaules et attachée <strong>de</strong>vant. Sur chaque épaule, il y avait une magnifique peau <strong>de</strong> loup qui <strong>de</strong>scendait<br />

<strong>de</strong>rrière jusqu'à ses genoux, et elles étaient attachées <strong>de</strong>vant par une chaîne. Ses cheveux étaient coupés<br />

très courts et sa barbe soigneusement taillée. Il portait son casque <strong>de</strong> combat avec l'élégante crête <strong>sous</strong><br />

son bras. Il était magnifique.<br />

<strong>Maximus</strong> saisit sa main et l'entraîna vers l'intérieur, lui faisant un <strong>de</strong> ses sourires éblouissants.<br />

- Je t'écrirai au moins <strong>de</strong>ux fois par semaine. Je le promets. Attends mes lettres. Et ne t'inquiète pas pour<br />

moi. Je serais vraiment en sécurité. Il fit un geste vers l'extérieur. Regar<strong>de</strong> l'escorte que j'ai. Rien ne va<br />

m'arriver.<br />

Olivia acquiesça. Elle était déterminée à faire en sorte que la <strong>de</strong>rnière image qu'il ait d'elle ne soit pas celle<br />

d'une femme sanglotant et en larmes mais elle sentit une boule dans sa gorge qui rendit toute parole<br />

difficile. Sans dire un mot, elle mit un petit sac en cuir dans sa main.<br />

- Qu'est-ce que c'est ?<br />

Elle le regarda, les yeux brillants <strong>de</strong> larmes.<br />

- Ne m'oublie pas, murmura-t-elle.<br />

<strong>Maximus</strong> tira le cordon et sortit la petite silhouette sculptée d'une femme au ventre légèrement arrondi. Un<br />

<strong>de</strong> ses bras était tendu vers lui.<br />

- Tu as fait cela pour moi ?<br />

Olivia acquiesça, les larmes jaillissant <strong>de</strong> ses yeux et coulant sur ses joues. Les yeux <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> se<br />

remplirent aussi <strong>de</strong> larmes.<br />

- Je chérirai cela, dit-il, la voix un peu tremblante.<br />

Ses lèvres effleurèrent les siennes et il passa <strong>de</strong>vant elle, marchant vers le soleil, luttant pour maintenir le<br />

contrôle approprié pour un général. Ses yeux balayèrent les collines <strong>de</strong> son foyer et il s'avança sur la terre<br />

<strong>de</strong> la route. S'accroupissant, il prit une poignée <strong>de</strong> la terre, la frottant entre ses paumes puis la porta à son<br />

nez. Il ne voulait jamais oublier qui il était réellement. Puis il marcha à gran<strong>de</strong>s enjambées vers Argento et<br />

fut surpris <strong>de</strong> voir un animal presque i<strong>de</strong>ntique attaché <strong>de</strong>rrière lui. Marcus était à côté <strong>de</strong>s chevaux avec<br />

un sourire lumineux.<br />

- C'est Scarto, le frère d'Argento. Tout général a besoin <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux chevaux au cas où l'un d'eux soit blessé.<br />

Ca serait un honneur si vous vouliez l'accepter, général <strong>Maximus</strong>, commandant <strong>de</strong>s légions du Nord.<br />

Marcus s'inclina avec grand sérieux.<br />

<strong>Maximus</strong> mit ses mains sur ses hanches et attendit que son beau-père se redresse.<br />

- J'apprécierais, Marcus, si vous ne vous incliniez plus <strong>de</strong>vant moi - et mon nom est simplement <strong>Maximus</strong>.<br />

Il sourit. Merci pour le ca<strong>de</strong>au. Il est incroyable.<br />

Les <strong>de</strong>ux hommes s'embrassèrent brièvement et <strong>Maximus</strong> murmura à son oreille 'Prenez soin d'elle,<br />

Marcus.' ; 'Je le ferais, fils. N'aies aucune crainte.'<br />

<strong>Maximus</strong> monta Argento et regarda en bas pour être sûr qu'Hercule était avec lui. Il dirigea le cheval<br />

<strong>de</strong>vant les prétoriens puis tapota la petite bourse <strong>de</strong> cuir attachée à sa taille et fit un signe <strong>de</strong> la main aux<br />

douzaines <strong>de</strong> personnes qui s'étaient rassemblées pour le voir partir. Ses yeux rencontrèrent ceux <strong>de</strong> sa<br />

femme et il fit un clin d'oeil et sourit. Elle lui rendit radieusement son sourire puis regarda jusqu'à ce que le<br />

nuage <strong>de</strong> poussière soulevé par les chevaux ne soit plus visible.<br />

Elle mit la main sur son ventre et dit pour rassurer l'enfant à l'intérieur :<br />

- Il reviendra, bébé. Ton papa reviendra.<br />

Chapitre 35 : Felix III<br />

L'empereur sut que <strong>Maximus</strong> était finalement arrivé quand il entendit les cris <strong>de</strong> joie <strong>de</strong>s soldats <strong>de</strong> Felix<br />

III. Cela commença indistinctement, au loin, et Marc-Aurèle put suivre la progression <strong>de</strong> son nouveau<br />

général avec son ouïe, simplement avec la localisation et le volume du bruit entourant l'homme. Il sourit <strong>de</strong><br />

satisfaction. Il savait qu'il avait fait le bon choix.<br />

Les soldats en patrouille repérèrent leur nouveau général alors qu'il était encore à <strong>de</strong>s kilomètres du camp<br />

et la nouvelle que <strong>Maximus</strong> était bien <strong>de</strong> retour en Germanie se répandit comme une traînée <strong>de</strong> poudre.<br />

Quand il passa les portes du camp, <strong>de</strong>s soldats encerclèrent son cheval, faisant hésiter Argento et il<br />

caracola, surpris. Certains soldats regardèrent simplement <strong>Maximus</strong>, d'autres essayèrent <strong>de</strong> le toucher,<br />

beaucoup l'acclamèrent bruyamment et crièrent son nom. Des soldats levèrent leurs épées en guise <strong>de</strong><br />

salut et <strong>Maximus</strong> sourit et leva son arme en retour.<br />

<strong>Maximus</strong> balaya du regard la foule <strong>de</strong> visages inconnus et se sentit étrangement déplacé. Puis ses yeux<br />

bleus aiguisés aperçurent quelqu'un qu'il connaissait très bien et son sourire s'élargit.<br />

"Quintus !" appela-t-il. "Que fais-tu là ?"<br />

"Général !" Quintus se fraya un chemin à travers la foule et saisit la bri<strong>de</strong> d'Argento, un sourire <strong>de</strong><br />

bienvenue sur le visage. "L'empereur a pensé que tu avais besoin d'au moins une personne que tu<br />

connaisses alors j'ai été transféré <strong>de</strong> Felix VII et promu au gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> tribun."<br />

<strong>Maximus</strong> se pencha et saisit la main <strong>de</strong> son ami <strong>de</strong> longue date.<br />

"J'espère que ça ne t'a pas ennuyé, Quintus. J'apprécie vraiment que tu sois là." Il baissa la voix et se<br />

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pencha sur l'oreille <strong>de</strong> son ami. "Je vais avoir besoin <strong>de</strong> toute l'ai<strong>de</strong> que je puisse avoir."<br />

"J'en doute sérieusement, <strong>Maximus</strong>, mais je ferais mon possible." Quintus désigna l'entrée du praetorium.<br />

"L'empereur t'attend."<br />

<strong>Maximus</strong> fendit la foule avec son cheval et avec l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> Quintus dégageant un passage pour Argento, il<br />

rejoignit finalement Marc-Aurèle. <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong>scendit <strong>de</strong> cheval et mit un genou à terre <strong>de</strong>vant son<br />

empereur, les soldats <strong>de</strong>rrière lui à présent silencieux.<br />

Souriant affectueusement, Marc lui <strong>de</strong>manda <strong>de</strong> se relever puis l'enveloppa dans une accola<strong>de</strong> étroite<br />

avant <strong>de</strong> reculer pour admirer son soldat préféré. Il hocha la tête et fit un clin d'oeil : "Je savais que tu<br />

aurais belle allure avec ces peaux <strong>de</strong> loup."<br />

<strong>Maximus</strong> observa son mentor avec un peu d'inquiétu<strong>de</strong>. Marc-Aurèle avait l'air beaucoup plus âgé que la<br />

<strong>de</strong>rnière fois qu'il l'avait vu - ses cheveux étaient parsemés <strong>de</strong> gris et les ri<strong>de</strong>s sur son visage étaient plus<br />

profon<strong>de</strong>s. Il avait <strong>de</strong>s difficultés à croire que c'était il y a à peine quelques mois.<br />

"J'ai été tellement désolé d'apprendre la mort <strong>de</strong> Lucius Verus, Sire. Cela a été un vrai choc."<br />

"Pour nous tous. Il allait très bien à un moment et le suivant, il était étendu à terre, mort. Les chirurgiens<br />

pensent qu'il a eu une attaque. Il n'a absolument pas souffert."<br />

<strong>Maximus</strong> hésita puis dit lentement : "Est-ce convenable si je dis que vous m'avez manqué, Sire ?"<br />

"Non seulement c'est convenable mais c'est vraiment bienvenu. Tu m'as manqué aussi, <strong>Maximus</strong>." Marc-<br />

Aurèle regarda la foule <strong>de</strong> soldats qui les observait. "Ils t'ont accueilli comme un héros."<br />

"Je n'ai rien fait pour mériter ça, Sire."<br />

"Oh, je pense que tu l'as fait, je pense que tu l'as fait." Marc-Aurèle désigna Argento. "C'est un très beau<br />

cheval, parfait pour un général."<br />

"C'est un ca<strong>de</strong>au <strong>de</strong> mon beau-père."<br />

Le visage <strong>de</strong> l'empereur s'éclaira comme le soleil transperçant les nuages. "Tu es marié ?"<br />

"Oui, Sire. J'ai profité <strong>de</strong> mon... absence... pour trouver une femme."<br />

<strong>Maximus</strong> était toujours visiblement incertain <strong>de</strong>s sentiments <strong>de</strong> Marc-Aurèle concernant son départ nonapprouvé.<br />

"Eh bien, je ne pourrais pas être plus heureux. Je le pense vraiment. Je te faisais confiance pour utiliser<br />

ton temps libre avec clairvoyance. Maintenant, viens à l'intérieur avec moi. Nous avons beaucoup à<br />

discuter."<br />

Là-<strong>de</strong>ssus, <strong>Maximus</strong> sut que son brusque départ <strong>de</strong> l'armée ne ferait plus jamais surface dans la<br />

conversation.<br />

Il suivit César dans sa tente, bien que le mot "tente" n'était pas vraiment approprié pour décrire la<br />

construction. C'était luxueusement aménagé ainsi que très confortable avec <strong>de</strong>s chaises, <strong>de</strong>s divans, <strong>de</strong>s<br />

tables, <strong>de</strong>s statues, <strong>de</strong>s bustes, <strong>de</strong>s armures, <strong>de</strong>s draperies, <strong>de</strong>s tapis et le large bureau <strong>de</strong> Marc avec une<br />

gran<strong>de</strong> carte <strong>de</strong> l'empire <strong>de</strong>rrière. Le tout était doucement éclairé par <strong>de</strong>s douzaines <strong>de</strong> lampes.<br />

Marc-Aurèle fit signe à <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong> s'asseoir et prit une chaise. L'empereur <strong>de</strong>manda à boire et à manger<br />

pour eux <strong>de</strong>ux avant <strong>de</strong> parler affaires. Il raconta les évènements qui s'étaient produits durant les <strong>de</strong>rniers<br />

mois : la perte du général <strong>de</strong> Felix III, l'effet dévastateur <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> Lucius Verus sur l'armée entière, la<br />

montée en puissance <strong>de</strong>s tribus juste <strong>de</strong> l'autre côté du fleuve - et aussi tout le long du Danube.<br />

"Qui a remplacé le général Claudius, Sire ?"<br />

"Un autre tribun <strong>de</strong> cette légion nommé Fabius. Tu le connais probablement." <strong>Maximus</strong> acquiesça.<br />

"Penses-tu qu'il fera un bon lea<strong>de</strong>r ?" <strong>Maximus</strong> secoua la tête. "J'ai bien peur <strong>de</strong> ressentir la même chose.<br />

Il semble y avoir une pénurie <strong>de</strong> bons lea<strong>de</strong>rs en ce moment, <strong>Maximus</strong>, et c'est pourquoi ton rôle est plus<br />

important que jamais. Tu es le général <strong>de</strong>s généraux, <strong>Maximus</strong>. Bien que ton point d'attache sera cette<br />

légion, tu voyageras beaucoup d'une légion à l'autre pour être sûr que tout est en ordre, menant <strong>de</strong>s<br />

batailles là où cela sera nécessaire. Je te fais entièrement confiance. J'ai une confiance absolue en tes<br />

capacités et tu apportes un grand réconfort à un vieil empereur."<br />

"Merci, Sire. J'espère que je ne vous décevrais pas."<br />

"Tu ne l'as pas fait jusqu'ici. Pas <strong>de</strong>puis que tu es un petit garçon." Le sourire <strong>de</strong> Marc était chaleureux.<br />

"Tu dois être très fatigué."<br />

"Je commence juste à me rendre compte à quel point je suis fatigué."<br />

"Viens, laisse-moi te montrer tes quartiers qui sont très près <strong>de</strong>s miens. Je pense que tu les trouveras<br />

confortables."<br />

Marc-Aurèle conduit la marche à travers le praetorium et ouvrit le rabat d'une autre large tente, indiquant<br />

d'un geste <strong>de</strong> la main à <strong>Maximus</strong> qu'il le précè<strong>de</strong> à l'intérieur.<br />

"<strong>Maximus</strong>, je te présente Cicero, ton serviteur personnel. C'est un soldat qui a été gravement blessé et a<br />

choisi <strong>de</strong> servir l'armée en servant son général."<br />

Les blessures <strong>de</strong> Cicero étaient évi<strong>de</strong>ntes : <strong>de</strong> profon<strong>de</strong> cicatrices qui déparaient son visage.<br />

"Cicero" <strong>Maximus</strong> tendit la main et son serviteur la saisit fermement.<br />

"C'est un honneur, Monsieur", répondit-il avec un léger accent.<br />

"Tu <strong>de</strong>vras m'ai<strong>de</strong>r à comprendre ce que sont tes tâches, Cicero. Je n'ai jamais eu <strong>de</strong> serviteur dans<br />

l'armée auparavant. J'ai toujours tout fait par moi-même", sourit <strong>Maximus</strong>.<br />

"Vous ne <strong>de</strong>vez vous inquiéter <strong>de</strong> rien d'autre que du fonctionnement <strong>de</strong>s légions, Monsieur. Je<br />

m'occuperai <strong>de</strong> tous vos besoins quotidiens. Je pense que j'ai le travail le plus facile." Ils rirent tous.<br />

"Je vais te laisser t'installer, <strong>Maximus</strong>. Nous nous verrons à la première heure <strong>de</strong>main matin." <strong>Maximus</strong><br />

acquiesça. Marc-Aurèle se tourna pour partir puis s'arrêta : "Oh... et <strong>Maximus</strong>..."<br />

"Oui, Sire ?"<br />

58


"Je vais dormir beaucoup mieux à présent que tu es là."<br />

Chapitre 36 : Réformes<br />

Les quelques jours suivants à Felix III furent bien remplis pour <strong>Maximus</strong>. Il passa les troupes en revue et<br />

rencontra ses tribuns et ses centurions, en apprenant le plus possible sur eux.<br />

Marc-Aurèle ne voulait pas pousser <strong>Maximus</strong> à prendre <strong>de</strong>s décisions majeures avec trop <strong>de</strong> hâte et au<br />

lieu <strong>de</strong> cela, il l'encouragea à visiter les autres légions <strong>sous</strong> son comman<strong>de</strong>ment. Alors, le général passa<br />

les <strong>de</strong>ux mois suivants à voyager le long du Danube, rencontrant les commandants <strong>de</strong>s légions, discutant<br />

stratégie militaire et assoyant son autorité.<br />

<strong>Maximus</strong> était aussi responsable du moral <strong>de</strong>s 75 000 hommes <strong>de</strong>s 15 légions du Nord et il s'assura que<br />

leurs responsabilités militaires étaient contre-balancées par <strong>de</strong>s activités sociales. Il établit <strong>de</strong>s<br />

bibliothèques dans les camps pour encourager la lecture et désigna <strong>de</strong>s tuteurs pour ceux qui ne savaient<br />

pas lire mais désiraient apprendre. Des bains furent rapi<strong>de</strong>ment construits à l'extérieur <strong>de</strong>s camps qui n'en<br />

possédaient pas et les soldats eurent beaucoup <strong>de</strong> pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> détente pour les visiter ou simplement se<br />

reposer. L'organisation d'évènements sportifs fut encouragée pour s'amuser et pour gar<strong>de</strong>r les hommes en<br />

bonne condition physique.<br />

<strong>Maximus</strong> s'assura que les vêtements et les draps étaient régulièrement nettoyés, que la nourriture était<br />

abondante et <strong>de</strong> bonne qualité. Il ferma les yeux sur les prostituées qui fréquentaient les camps mais<br />

s'assura que les hommes étaient informés à propos <strong>de</strong>s maladies sexuellement transmissibles, et les<br />

soins médicaux en général furent améliorés.<br />

Le temps libre était abondant et <strong>Maximus</strong> encouragea les hommes à rendre souvent visite à leurs familles.<br />

Les armes usées furent remplacées et l'entraînement <strong>de</strong>vint plus rigoureux avec <strong>de</strong>s exercices et <strong>de</strong>s<br />

manuvres quotidiens. <strong>Maximus</strong> assista à ces manuvres et écrit un rapport critique au général <strong>de</strong> chaque<br />

légion. Il enseigna aux officiers comment être justes, comment maintenir l'ordre et inspirer l'obéissance<br />

sans menaces et mit fin, du mieux qu'il put, à la corruption pour <strong>de</strong>s faveurs spéciales. Il établit un système<br />

pour la reconnaissance <strong>de</strong>s tâches bien faites et présenta <strong>de</strong>s honneurs là où ils étaient mérités.<br />

<strong>Maximus</strong> rafistola ce qui était déjà bon dans l'armée et changea ce qui ne l'était pas. Il quitta chaque camp<br />

en en ayant fait un meilleur endroit qu'il n'était avant qu'il arrive. Il fit clairement comprendre qu'il attendait<br />

une obéissance absolue et <strong>de</strong> la loyauté <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> ses soldats et il les obtint - ainsi que leur total<br />

respect et leur admiration.<br />

Il apprécia spécialement son retour à Felix VII où il fut accueilli en héros et où il passa un peu <strong>de</strong> temps<br />

avec ses vieux amis.<br />

Quand il revint finalement à Felix III, Marc-Aurèle se plaignit gentiment que <strong>Maximus</strong> coûtait une fortune à<br />

l'empire et qu'il s'attendait à voir un gros retour d'investissement. <strong>Maximus</strong> lui assura que cela serait le cas.<br />

Le général se reposa le jour suivant et poursuivit sa correspondance avec sa femme. Il n'avait pas négligé<br />

<strong>de</strong> lui écrire malgré ses déplacements et ses lettres étaient longues et remplies <strong>de</strong> détails à propos <strong>de</strong> ses<br />

nouvelles responsabilités. En réponse, elle lui écrivait <strong>de</strong>s lettres le rassurant, lui disant qu'elle allait bien<br />

que la ferme tournait impeccablement. Ils se manquaient désespérément.<br />

Quand la brève pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> paix se termina seulement quelques jours plus tard, <strong>Maximus</strong> et les légions<br />

étaient plus que prêts. Les problèmes commencèrent à Lauriacum à l'Ouest <strong>de</strong> Vindobona et il se rendit<br />

immédiatement à ce camp. Chaque légion était constituée <strong>de</strong> 5 500 hommes mais une tribu germaine<br />

pouvait être cinq fois plus nombreuse que cela avec <strong>de</strong>s possibilités <strong>de</strong> remplacement qui semblaient<br />

inextinguibles. Les germains n'étaient pas très bien équipés ni bien entraînés ou nourris, cependant, et les<br />

escarmouches étaient toujours courtes avec la perte <strong>de</strong> peu <strong>de</strong> légionnaires. Mais Marc-Aurèle et <strong>Maximus</strong><br />

savaient que <strong>de</strong> petites batailles continuelles ne changeraient rien et ne permettraient jamais d'établir une<br />

frontière sûre. Une éventuelle guerre à gran<strong>de</strong> échelle était inévitable.<br />

<strong>Maximus</strong> remarqua le changement <strong>de</strong> saisons d'abord grâce à son odorat aiguisé. C'était la douce o<strong>de</strong>ur<br />

<strong>de</strong> la décomposition - <strong>de</strong>s feuilles mourant, séchant et tombant. Les verts <strong>de</strong> l'herbe et <strong>de</strong>s feuilles furent<br />

remplacés par les bruns, les jaunes, les ors et les pourpres. Bientôt, les branches seraient nues et le<br />

temps <strong>de</strong>viendrait froid et neigeux. Cela donnait un avantage distinct aux germains sur les soldats<br />

romains, nombre d'entre eux ayant grandi dans le Sud tout comme <strong>Maximus</strong>. Il changea les techniques<br />

d'entraînement pour les adapter au Nord et s'assura qu'aucun soldat romain n'aurait froid durant l'hiver<br />

long et sombre.<br />

Le passage du temps rappelait constamment à <strong>Maximus</strong> la naissance <strong>de</strong> son enfant qui se produirait<br />

environ au début <strong>de</strong> la nouvelle année, à la mort <strong>de</strong> l'hiver. <strong>Maximus</strong> était déterminé à retourner en<br />

Espagne et il savait qu'il <strong>de</strong>vait partir bientôt, avant que les routes ne <strong>de</strong>viennent impraticables. Il n'avait<br />

pas non plus encore dit à Marc-Aurèle qu'il comptait partir à nouveau.<br />

"Entre, entre, <strong>Maximus</strong>. Tu souhaitais me voir ? Là... Assieds-toi", dit Marc-Aurèle. "J'espère que ça n'est<br />

pas une requête <strong>de</strong> plus pour un financement." L'empereur sourit.<br />

"Non, Sire. C'est personnel. César, ma femme doit accoucher bientôt et je lui ai promis que je reviendrais à<br />

la maison avant que cela n'arrive. Une fois que les neiges abondantes seront là, cela ne sera peut être<br />

plus possible. Je me <strong>de</strong>mandais si..."<br />

"Si je te donnerais une permission pour revenir en Espagne ?"<br />

"Oui, Sire."<br />

"Penses-tu le mériter ?"<br />

<strong>Maximus</strong> était complètement abasourdi. "Eh bien... Oui, Sire."<br />

59


"Dis-moi pourquoi." <strong>Maximus</strong> regarda ses mains et se <strong>de</strong>manda ce que l'empereur souhaitait entendre.<br />

"Je pense que les armées peuvent fonctionner sans moi pendant un moment même si il y a une gran<strong>de</strong><br />

bataille, ce qui ne risque pas <strong>de</strong> se produire à cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'année."<br />

"Pourquoi peuvent-elles fonctionner sans toi ?"<br />

"Parce qu'elles ont été bien entraînées..."<br />

"Qui les a entraîné ?"<br />

"Moi, Sire." Où voulait en venir l'empereur ?<br />

"Oui, c'est toi. Depuis que je t'ai nommé responsable, <strong>Maximus</strong>, les armées du Nord n'ont jamais été aussi<br />

fortes... ou plus heureuses. C'est grâce à toi. Je ne suis pas sûr que tu réalises l'étendue <strong>de</strong> ton<br />

importance pour Rome, <strong>Maximus</strong>, ou à quel point tu sers bien Rome. Rome ne peut pas se passer <strong>de</strong> toi."<br />

Le coeur <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> se serra. Marc n'allait pas le laisser partir. Il étudia le tapis <strong>sous</strong> ses pieds.<br />

"Je comprends, Sire."<br />

"Non, je ne crois pas que tu comprennes. Tu as accompli un si bon travail que tu es remplaçable... pour<br />

une courte pério<strong>de</strong>. Retourne voir ta femme et ne reviens pas avant d'avoir tenu ton enfant dans tes bras."<br />

<strong>Maximus</strong> se leva si brusquement qu'il renversa son gobelet <strong>de</strong> vin. "Merci, Sire."<br />

"Prends six prétoriens avec toi pour ta protection... Non, j'insiste", dit Marc-Aurèle quand <strong>Maximus</strong><br />

commença à protester. "Rome ne peut pas se permettre <strong>de</strong> te perdre. Va maintenant et prépare-toi pour<br />

ton voyage. Je m'attends à ce que tu veuilles partir dans la semaine."<br />

"Oui, Sire. Merci."<br />

"Tu vas me manquer, mon garçon."<br />

"Vous allez me manquer aussi, César."<br />

"Marc."<br />

"Pardon ?"<br />

"Marc. Juste cette fois, <strong>Maximus</strong>, appelle-moi Marc."<br />

"Marc. Merci... Marc."<br />

Les hommes s'étreignirent puis <strong>Maximus</strong> s'en alla.<br />

Chapitre 37 : La Tempête<br />

Trois jours plus tard, <strong>Maximus</strong> était sur la route, accompagné <strong>de</strong> six prétoriens. A une époque différente <strong>de</strong><br />

l'année, il aurait peut être tenté <strong>de</strong> traverser les Alpes mais il choisit <strong>de</strong> contourner leurs sommets et <strong>de</strong><br />

s'en tenir aux collines basses - un chemin plus long mais plus facile. Il y avait beaucoup <strong>de</strong> chaînes <strong>de</strong><br />

montagne à passer avant qu'il n'arrive chez lui et il estimait que le voyage pourrait prendre un mois. Il avait<br />

envoyé un messager aussitôt que Marc-Aurèle lui avait donné la permission <strong>de</strong> partir alors Olivia serait<br />

avertie <strong>de</strong> son arrivée imminente une semaine avant celle-ci.<br />

Cicero aida <strong>Maximus</strong> à se préparer pour le voyage en s'assurant que beaucoup <strong>de</strong> nourriture nutritive était<br />

emportée et que son maître avait <strong>de</strong> nombreux vêtements chauds comprenant <strong>de</strong>s tuniques et <strong>de</strong>s<br />

pantalons <strong>de</strong> laine, d'épaisses capes à capuche, <strong>de</strong>s fourrures dans lesquelles s'envelopper la nuit et <strong>de</strong>s<br />

chaussettes <strong>de</strong> laine pour mettre dans ses bottes. Cicero fit lour<strong>de</strong>ment allusion au fait qu'il <strong>de</strong>vrait<br />

accompagner son maître dans son voyage mais <strong>Maximus</strong> ne voulut pas en entendre parler. Pourquoi<br />

déraciner plus d'hommes que nécessaire ?<br />

Argento était prêt aussi, avec <strong>de</strong>s couvertures épaisses pour lui tenir chaud. Hercule suivrait le cheval<br />

comme d'habitu<strong>de</strong> mais <strong>Maximus</strong> avait bricolé un sac en cuir spécial qu'il pouvait porter sur ses épaules et<br />

laisser reposer sur la croupe d'Argento au cas où Hercule se fatiguerait et aurait besoin d'être à cheval.<br />

Le matin où ils partirent, le ciel était gris avec <strong>de</strong>s nuages bas et <strong>de</strong>s flocons <strong>de</strong> neige occasionnels. Ils<br />

avancèrent vite ce jour-là et purent passer cette nuit et la suivante dans <strong>de</strong>s camps militaires mais ces<br />

camps disparurent bientôt quand ils s'éloignèrent <strong>de</strong> la frontière.<br />

Le voyage se déroula bien la semaine suivante. L'air était très froid mais vivifiant. Tous les matins, le sol<br />

était couvert d'une épaisse couche <strong>de</strong> verglas qui faisait glisser et ralentissait la progression mais ils<br />

trouvèrent <strong>de</strong>s auberges où passer la nuit dans <strong>de</strong>s petits villages.<br />

<strong>Maximus</strong> n'avait jamais froid quand il dormait car Hercule voulait toujours dormir avec lui, le plus souvent<br />

en boule à ses pieds mais parfois tout contre son estomac. Quand <strong>Maximus</strong> dormait sur le dos, Hercule<br />

posait sa grosse tête sur la poitrine <strong>de</strong> son maître et envoyait son haleine <strong>de</strong> chien vers son visage.<br />

<strong>Maximus</strong> appréciait la compagnie du chien mais <strong>de</strong>vait parfois secouer doucement l'animal quand il ronflait<br />

trop fort.<br />

Les <strong>de</strong>ux jours suivants, ils grimpèrent une chaîne <strong>de</strong> montagne et s'installèrent la secon<strong>de</strong> nuit dans une<br />

cabane <strong>de</strong> chasse en haute-altitu<strong>de</strong>. Il commença à pleuvoir aussitôt après qu'ils se soient endormis et<br />

cela continua toute la nuit, faisant ressembler la petite cabane à l'intérieur d'un tambour. <strong>Maximus</strong> dormit<br />

très peu et il se réveilla très tôt le matin suivant et s'habilla très vite car l'air était très, très froid. Quand il<br />

ouvrit la porte <strong>de</strong> la cabane et fit un pas dans le noir, son pied se déroba <strong>sous</strong> lui et il tomba lour<strong>de</strong>ment,<br />

glissant sur une certaine distance avant qu'il ne réussisse à saisir <strong>de</strong>s branches basses pour stopper sa<br />

glissa<strong>de</strong>. Il baissa la tête quand quelque chose <strong>de</strong> dur et <strong>de</strong> pointu tomba très <strong>de</strong> lui. Il entendit Hercule<br />

glisser dans sa direction, jappant <strong>de</strong> peur, et il tendit la main et attrapa le chien par une patte postérieure<br />

avant <strong>de</strong> le faire glisser vers lui. <strong>Maximus</strong> essaya <strong>de</strong> se remettre sur ses pieds avec précaution mais il<br />

glissa et tomba à nouveau. Ôtant ses gants, il tâta le sol. C'était aussi dur que <strong>de</strong> la roche. Aussi dur que...<br />

la glace.<br />

"Général ?" Le chef <strong>de</strong>s prétoriens, Licinius, était à la porte.<br />

"Ne viens pas ici ! Nous avons sûrement eu une tempête <strong>de</strong> grêle la nuit <strong>de</strong>rnière et il est impossible <strong>de</strong><br />

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marcher."<br />

"Allez-vous bien ?"<br />

"Oui, tant que je me tiens à cette branche. Je ne sais pas où je me trouve parce qu'il fait trop noir alors je<br />

vais rester ici."<br />

"J'ai entendu le chien..."<br />

"Je l'ai attrapé. Il va bien."<br />

Une autre voix se joignit à celle près <strong>de</strong> la porte. "Que se passe-t-il ?"<br />

"Tout est couvert <strong>de</strong> glace", répondit Licinius.<br />

"De la glace ? J'ai pensé qu'il pleuvait très fort la nuit <strong>de</strong>rnière. Ca <strong>de</strong>vait être <strong>de</strong> la grêle."<br />

<strong>Maximus</strong> cria à nouveau : "Ne sortez pas ! Je pourrais être au bord d'un précipice pour autant que je<br />

sache. Je ne vais pas bouger jusqu'à ce que je puisse voir où je suis."<br />

Aussi, pendant la <strong>de</strong>mi-heure qui suivit, il s'assit, caressant Hercule et écoutant les branches au-<strong>de</strong>ssus<br />

grincer et craquer <strong>sous</strong> le poids <strong>de</strong> la glace. Ses pensées allèrent vers Argento et les chevaux qui étaient<br />

attachés <strong>de</strong>rrière la cabane. Son cheval était couvert <strong>de</strong> couvertures épaisses <strong>de</strong> la tête à la queue mais la<br />

tempête avait été violente. <strong>Maximus</strong> baissa la tête quand le vent se leva, envoyant une pluie <strong>de</strong> glace<br />

s'écraser sur le sol autour <strong>de</strong> lui.<br />

Les premiers rayons roses du soleil révélèrent un spectacle que <strong>Maximus</strong> n'avait jamais vu et n'aurait<br />

jamais pu imaginer. Chaque brindille <strong>de</strong> chaque branche, chaque buisson et brin d'herbe, chaque rocher et<br />

toute la cabane étaient recouverts <strong>de</strong> glace épaisse, faisant ressembler le mon<strong>de</strong> à une boîte à bijoux<br />

remplie <strong>de</strong> diamants scintillants. Il s'assit avec son dos contre un arbre, complètement émerveillé et<br />

regarda simplement. Les arbres à feuilles persistantes étaient courbés <strong>sous</strong> le poids et beaucoup <strong>de</strong><br />

branches touchaient terre.<br />

"Général, nous allons vous envoyer une cor<strong>de</strong>."<br />

<strong>Maximus</strong> acquiesça et attacha la cor<strong>de</strong> autour <strong>de</strong> sa taille, tenant Hercule alors que les prétoriens lui<br />

faisaient remonter la pente. Il n'avait pas vraiment été en danger parce qu'un <strong>de</strong>nse fourré <strong>de</strong> buissons<br />

aurait arrêté sa chute, mais il aurait eu beaucoup <strong>de</strong> mal à remonter jusqu'à la cabane sans leur ai<strong>de</strong>. Une<br />

fois en sécurité à l'intérieur, ses premières pensées furent pour les chevaux. Comment allaient-ils se<br />

rendre à l'arrière <strong>de</strong> la cabane ?<br />

Le chef <strong>de</strong>s prétoriens, Licinius, entailla la glace <strong>de</strong>vant la porte avec sa pioche et réussit à en casser<br />

assez pour marcher à l'extérieur. Ensuite, il en cassa plus et put avancer d'avantage. A ce rythme, cela<br />

prendrait <strong>de</strong>s heures pour atteindre les chevaux car la glace était épaisse d'au moins cinq centimètres et<br />

les pâles rayons du soleil n'étaient pas près <strong>de</strong> la faire fondre.<br />

<strong>Maximus</strong> décida que lui et Licinius ramperaient sur leurs mains et leurs genoux, utilisant <strong>de</strong>s dagues dans<br />

chaque main comme <strong>de</strong>s pics. Derrière eux, travaillant à un rythme plus lent, les cinq autres prétoriens<br />

casseraient la glace avec <strong>de</strong>s pioches.<br />

La progression était lente car une dague <strong>de</strong>vait être toujours dans la glace pour éviter <strong>de</strong> glisser en bas <strong>de</strong><br />

la pente <strong>de</strong>puis la cabane. Une fois, les <strong>de</strong>ux genoux <strong>de</strong> Licinius glissèrent, le plaquant contre la glace et il<br />

glissa sur trois mètres avant <strong>de</strong> s'immobiliser avec ses dagues.<br />

<strong>Maximus</strong> atteignit les chevaux en premier. Les animaux s'étaient blottis le plus près possible <strong>de</strong> la cabane<br />

et avaient évité le pire <strong>de</strong> la grêle mais ils étaient toujours couverts <strong>de</strong> glace. Deux d'entre eux à l'extérieur<br />

tremblaient. Leurs corps avaient empêché la grêle <strong>de</strong> tomber sur le sol alors <strong>Maximus</strong> put se tenir <strong>de</strong>bout à<br />

côté d'eux et enleva la couverture couverte <strong>de</strong> glace <strong>de</strong> l'animal le plus proche, le tissu étant assez rai<strong>de</strong><br />

pour conserver la forme du cheval jusqu'à ce que la glace craque et casse quand <strong>Maximus</strong> le serra dans<br />

ses mains. Il secoua la couverture pour ôter les morceaux <strong>de</strong> glace puis la remit sur le cheval. Licinius le<br />

rejoignit et <strong>Maximus</strong> donna <strong>de</strong>s instructions. "Enlève toutes les couvertures et ôte la glace en les secouant<br />

puis remet-les sur les chevaux pour l'instant. Ils ont tous besoin d'être massés pour faire revenir leur<br />

circulation puis ils doivent être nourris."<br />

Il regarda les branches d'arbres à feuilles persistantes dont ils avaient pensé qu'elles protégeraient les<br />

chevaux. "Une fois que la glace alentour sera cassée, nous aurons besoin <strong>de</strong> déplacer les chevaux et <strong>de</strong><br />

faire tomber la glace <strong>de</strong>s arbres au-<strong>de</strong>ssus d'eux avant qu'elle tombe et ne les blesse."<br />

Les <strong>de</strong>ux hommes utilisèrent un ton <strong>de</strong> voix rassurant pour calmer les animaux effrayés alors qu'ils<br />

travaillaient et les autres soldats les eurent bientôt rejoint. Argento était le plus près <strong>de</strong> la cabane et s'en<br />

était bien sorti mais sa queue était collée en longues mèches glacées et ses oreilles étaient gelées.<br />

<strong>Maximus</strong> passa beaucoup <strong>de</strong> temps avec le jeune étalon, le calmant et vérifiant qu'il n'était pas blessé.<br />

Le temps qu'on s'occupe <strong>de</strong>s chevaux, c'était le début <strong>de</strong> l'après-midi et les hommes étaient affamés.<br />

Ils marchèrent pru<strong>de</strong>mment jusqu'à la cabane et piochèrent dans leurs rations.<br />

"Doucement," dit <strong>Maximus</strong>. "L'air est encore plus froid - pouvez-vous le sentir ? Qui sait combien <strong>de</strong> temps<br />

cela prendra avant que la glace ne fon<strong>de</strong> suffisamment pour que nous puissions partir d'ici."<br />

Il s'assit à l'entrée, fixant la terrible beauté du paysage et il se <strong>de</strong>manda <strong>de</strong> combien <strong>de</strong> jours leur voyage<br />

serait rallongé.<br />

Chapitre 38 : De Retour<br />

Après avoir passé plus d'une semaine dans la cabane exiguë avec six autres hommes, <strong>Maximus</strong> décida<br />

qu'il était temps d'agir. Les conditions n'avaient pas changé et il se disait qu'ils allaient rester là jusqu'au<br />

printemps.<br />

Il s'assoyait à l'entrée tous les jours, caressant Hercule et mémorisant le terrain autour <strong>de</strong> lui, en<br />

préparation <strong>de</strong> sa fuite. L'empereur avait ordonné aux prétoriens <strong>de</strong> le protéger alors <strong>Maximus</strong> savait que<br />

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ien <strong>de</strong> ce qu'il dirait ne les dissua<strong>de</strong>rait <strong>de</strong> le faire - par la force si nécessaire - alors il <strong>de</strong>vait les laisser<br />

<strong>de</strong>rrière lui. Il estimait que cela lui prendrait au moins quatre jours pour sortir <strong>de</strong> la montagne et il espérait<br />

qu'en <strong>de</strong>scendant, la glace disparaîtrait. Quatre jours. Cela lui ferait <strong>de</strong>ux semaines <strong>de</strong> retard. Olivia allait<br />

être folle.<br />

Cet après-midi là, alors que les prétoriens s'occupaient <strong>de</strong>s chevaux, il remplit son sac avec juste assez <strong>de</strong><br />

nourriture pour 5 jours si il mangeait léger. Il ne pouvait cependant se passer <strong>de</strong> chaleur et il bourra le sac<br />

<strong>de</strong> tous ses vêtements. Il cacha le sac <strong>de</strong>rrière la cabane en début <strong>de</strong> soirée, avec <strong>de</strong>s provisions pour<br />

Argento et Hercule, ne gardant que ce dont il avait besoin pour cette nuit.<br />

Tous les jours <strong>de</strong> la semaine passée, <strong>Maximus</strong> avait enlevé <strong>de</strong> la terre <strong>de</strong> <strong>de</strong>s<strong>sous</strong> la cabane là où cela<br />

n'était pas gelé. D'énormes quantités <strong>de</strong> la terre caillouteuse enveloppées dans <strong>de</strong>s sacs faits <strong>de</strong><br />

vêtements étaient à présent cachées dans les cavités laissées après qu'il eut creusé.<br />

Cette nuit-là, il attendit jusqu'à ce qu'il enten<strong>de</strong> la respiration profon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s six hommes, puis il roula ses<br />

fourrures et marcha sur la pointe <strong>de</strong>s pieds jusqu'à la porte, Hercule à ses talons. Il se crispa quand<br />

Hercule se secoua pour réveiller son corps engourdi par le sommeil, son collier tintant et ses babines<br />

claquant.<br />

"Général ?" C'était Licinius.<br />

"Rendors-toi", murmura <strong>Maximus</strong>. "Ce chien embêtant a juste besoin <strong>de</strong> sortir. Je reviens bientôt."<br />

La porte grinça légèrement quand il l'ouvrit puis la referma <strong>de</strong>rrière lui.<br />

La nuit était très noire et Hercule resta tout près <strong>de</strong> lui quand il fila vers l'arrière <strong>de</strong> la cabane, récupéra ses<br />

provisions et les attacha sur le cheval surpris. Il attacha un sac <strong>de</strong> terre à sa propre taille. <strong>Maximus</strong> mit un<br />

Hercule mécontent dans son sac <strong>de</strong> cuir spécial et l'attacha également au cheval. Puis il fit tourner Argento<br />

en le prenant par la bri<strong>de</strong> et fixa la nuit noire. Était-il fou <strong>de</strong> faire cela ? Ne serait-il pas mieux qu'il arrive<br />

chez lui très en retard plutôt que <strong>de</strong> risquer <strong>de</strong> tomber dans un ravin et <strong>de</strong> ne jamais arriver ? Penser à la<br />

perspective <strong>de</strong> rester dans cette cabane lugubre un jour <strong>de</strong> plus lui fit prendre sa décision. Il partait.<br />

<strong>Maximus</strong> longea la cabane et quand il sentit que le sol commençait à <strong>de</strong>scendre, il plongea sa main dans<br />

le sac autour <strong>de</strong> sa taille et répandit le gravier <strong>de</strong>vant lui en un large geste circulaire. Puis il testa la glace<br />

avec son pied et s'aperçut que la terre rendait sa progression très sûre. Il commença à <strong>de</strong>scendre<br />

lentement la pente, plaçant chaque pas avec soin puis encourageant Argento à le suivre. Bien qu'il ne<br />

voyait rien <strong>de</strong> plus que les formes indistinctes <strong>de</strong>s rochers et <strong>de</strong> la végétation, il savait exactement où allait<br />

le chemin et connaissait l'emplacement <strong>de</strong> chaque buisson et arbre qu'on pouvait voir <strong>de</strong>puis la cabane. Il<br />

resta près <strong>de</strong>s arbrisseaux couverts <strong>de</strong> glace. Ils arrêteraient la chute du cheval si le pire se produisait. Il<br />

s'inquiétait beaucoup plus pour Argento que pour lui-même parce qu'il fallait très peu <strong>de</strong> choses pour<br />

casser la jambe d'un cheval.<br />

<strong>Maximus</strong> se força à être patient et il fallut <strong>de</strong>ux heures pour être finalement assez loin <strong>de</strong> la cabane et qu'il<br />

puisse se détendre un peu. Il était cependant encore assez près pour entendre la porte s'ouvrir et Licinius<br />

appeler. "Général ? Général, où êtes-vous ? Allez-vous bien, Monsieur ?" Silence. Il y avait une touche <strong>de</strong><br />

panique dans sa voix à présent. "Général ?!", brailla-t-il. "Avez-vous besoin d'ai<strong>de</strong> Monsieur ?!"<br />

Hercule gémit et <strong>Maximus</strong> lui attrapa la gueule pour le faire taire. Un mélange indistinct d'autres voix<br />

excitées lui parvint.<br />

"Que se passe-t-il ?"<br />

"Le général est parti."<br />

"Que veux-tu dire par "parti" ?"<br />

"Je pense qu'il s'est sauvé."<br />

"Pourquoi, au nom <strong>de</strong>s Dieux, ferait-il cela ?"<br />

"Si quelque chose lui arrive, l'empereur aura nos têtes."<br />

"Il ne peut pas être bien loin."<br />

"Que veux-tu dire ? Que nous <strong>de</strong>vrions aller à sa poursuite ? Je n'y vois rien <strong>de</strong>hors."<br />

"Nous partirons aux premières lueurs."<br />

"Sur la glace ?!"<br />

"Eh bien, il l'a fait, d'une façon ou d'une autre. Priez pour que nous ne retrouvions pas son corps au bas<br />

d'un ravin."<br />

La porte se referma. <strong>Maximus</strong> attendit une minute pour être sûr qu'ils ne faisaient pas cela pour qu'il révèle<br />

sa position, puis il recommença à avancer très lentement sur la pente glissante. C'était une tâche<br />

minutieuse et épuisante. Quand il vit le ciel commencer à s'éclaircir à l'est, il était assez loin au sud <strong>de</strong> la<br />

cabane pour sentir un peu <strong>de</strong> la tension quitter ses épaules et il continua, répandant le gravier et marchant<br />

précautionneusement sur le sol gelé.<br />

Cette nuit-là, il s'emmitoufla dans ses fourrures avec Hercule et dormit par intermittence, écoutant le<br />

hurlement <strong>de</strong>s loups au loin et faisant taire le chien quand il commençait à japper pour répondre.<br />

Les jours suivants ressemblèrent beaucoup au premier et il progressa régulièrement vers le pied <strong>de</strong> la<br />

montagne.<br />

Le troisième jour, ses pieds brisaient la glace et ses pas étaient plus sûrs. Le quatrième, la glace était juste<br />

dans les zones ombragées par les buissons et il put se mouvoir rapi<strong>de</strong>ment. A la moitié <strong>de</strong> la journée, il<br />

chevaucha Argento jusqu'au bas <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnière pentes faibles et put voir les terres herbeuses <strong>de</strong>vant lui.<br />

Une merveilleuse sensation <strong>de</strong> liberté remplit son cur. Il était en route pour rejoindre Olivia.<br />

Olivia était assise sur un banc permettant <strong>de</strong> voir la colline et le chemin en <strong>de</strong>s<strong>sous</strong>. Elle avait été sur ce<br />

banc tous les jours, toute la journée <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux semaines, désirant ar<strong>de</strong>mment apercevoir son mari.<br />

Les serviteurs lui apportaient <strong>de</strong> la nourriture car elle refusait <strong>de</strong> rentrer à l'intérieur pour manger. Ses<br />

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elle-surs lui lisaient <strong>de</strong>s histoires, espérant la distraire <strong>de</strong> ses terribles craintes pour la sécurité <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong>.<br />

Les mains d'Olivia caressaient continuellement son ventre rond comme pour essayer <strong>de</strong> réconforter le<br />

bébé à l'intérieur. Les coups <strong>de</strong> pieds étaient rassurants et le bébé était <strong>de</strong>scendu vraiment bas, un signe<br />

certain que la naissance était imminente d'après Flora et Augusta, et Titus était toujours près à aller<br />

prévenir la sage-femme sur le champ.<br />

Olivia changea difficilement <strong>de</strong> position pour diminuer la douleur dans le bas <strong>de</strong> son dos mais garda les<br />

yeux rivés sur la route. Le vent glacial s'enroula autour <strong>de</strong> ses chevilles et elle drapa son châle <strong>de</strong> laine<br />

épaisse autour <strong>de</strong> son ventre d'un geste protecteur. Soudain, Olivia se redressa, la douleur dans son dos<br />

oubliée. Elle pouvait voir <strong>de</strong> la poussière au loin. Flora suivit son regard. "N'espère pas trop, Olivia. Ca ne<br />

peut être qu'un seul cavalier et je doute que <strong>Maximus</strong> ne soit pas accompagné."<br />

Olivia pensa aux prétoriens qui étaient venus le chercher et ses espoirs retombèrent, mais elle garda<br />

malgré tout les yeux rivés sur l'horizon.<br />

Comme Flora l'avait prédit, un cavalier solitaire apparut bientôt au sommet <strong>de</strong> la colline, encore trop loin<br />

pour être i<strong>de</strong>ntifiable. Quand il se rapprocha, Olivia distingua la silhouette sombre d'un cheval et d'un<br />

cavalier avec une cape volant <strong>de</strong>rrière lui. Puis elle vit l'amure briller sur sa poitrine. Elle se leva et son<br />

châle tomba <strong>de</strong> ses épaules. Une silhouette plus petite courait auprès du cheval. Olivia poussa un cri<br />

perçant. "<strong>Maximus</strong> ! C'est <strong>Maximus</strong> !"<br />

En dépit <strong>de</strong> sa grossesse avancée, elle <strong>de</strong>scendit les marches d'un bond et courut vers le chemin.<br />

<strong>Maximus</strong> franchit l'entrée <strong>de</strong> domaine à plein galop et stoppa Argento si brusquement que le cheval se<br />

cabra <strong>de</strong> surprise. Aussitôt que ses pieds eurent touché le sol, Olivia était dans ses bras, se pressant<br />

contre lui autant qu'elle le pouvait, murmurant son nom encore et encore.<br />

Ils restèrent comme cela un long moment, se serrant dans les bras l'un <strong>de</strong> l'autre, échangeant <strong>de</strong>s baisers<br />

et se murmurant <strong>de</strong>s paroles d'amour, <strong>Maximus</strong> passant gentiment sa main sur le ventre énorme <strong>de</strong> sa<br />

femme et sentant son bébé donner <strong>de</strong>s coups. Finalement, Olivia réussit à rire à travers ses larmes.<br />

"<strong>Maximus</strong>, tu as une tête pas possible. Regar<strong>de</strong>-toi ! Le voyage a dû être terrible."<br />

"Il l'était. Il y avait <strong>de</strong>s tempêtes <strong>de</strong> grêle dans les montagnes, <strong>de</strong> la pluie et <strong>de</strong> la boue dans les zones plus<br />

basses. Je suis épuisé, affamé... et sale. J'ai mis plein <strong>de</strong> terre sur toi. J'étais tellement inquiet <strong>de</strong> ne pas<br />

arriver ici à temps."<br />

Olivia rit à travers ses larmes. "Juste à temps, je pense. Notre bébé va naître bientôt. Viens à l'intérieur,<br />

chéri, et nous te ferons prendre un bain chaud." Olivia regarda alentour. "Tu es seul ?"<br />

"Je ne l'étais pas quand je suis parti. Six prétoriens très en colère <strong>de</strong>vraient arriver tôt ou tard. Ils peuvent<br />

rester avec ton père et nous laisser tranquilles."<br />

<strong>Maximus</strong> embrassa le front <strong>de</strong> sa femme et son cou alors que ses mains glissaient <strong>de</strong> sa taille ample pour<br />

<strong>de</strong>scendre le long <strong>de</strong> ses bras. "Tu as froid. Allons à l'intérieur."<br />

En peu <strong>de</strong> temps, <strong>Maximus</strong> était allongé dans la baignoire <strong>de</strong> marbre avec sa femme agenouillée sur <strong>de</strong>s<br />

coussins sur le côté, passant du savon dans ses cheveux. "Regar<strong>de</strong>-moi cette barbe", dit-elle. "Elle est<br />

encore plus hirsute que lorsque je t'ai rencontré."<br />

"Hmmm", était le seul son que <strong>Maximus</strong> put émettre comme les doigts d'Olivia massaient son cuir chevelu<br />

et <strong>de</strong>scendaient le long <strong>de</strong> son cou vers ses épaules. Soudain, ses mains s'immobilisèrent et <strong>Maximus</strong><br />

sortit <strong>de</strong> sa rêverie pour voir les yeux étonnés <strong>de</strong> sa femme, puis suivit son regard sur le sol <strong>sous</strong> ses<br />

genoux et la flaque <strong>de</strong> liqui<strong>de</strong> qui se répandait rapi<strong>de</strong>ment.<br />

"Détends-toi, <strong>Maximus</strong>, ça va bien se passer", dit Titus.<br />

"C'est facile à dire pour toi", grommela <strong>Maximus</strong> en marchant <strong>de</strong> long en large dans l'atrium <strong>de</strong> sa maison.<br />

Il tressaillait à chaque fois qu'il entendait Olivia gémir fort ou crier. "Il n'est pas juste qu'une femme ait à<br />

souffrir autant."<br />

"Non, je pense que non, mais c'est comme cela et personne ne peut rien y changer."<br />

Olivia cria encore.<br />

"Peut être puis-je la réconforter", dit <strong>Maximus</strong> en se dirigeant vers leur chambre. Titus s'interposa et saisit<br />

son bras. "Tu ne ferais que gêner la sage-femme. Il y a plein <strong>de</strong> femmes avec elle là-<strong>de</strong>dans, mon ami.<br />

Viens, allons jouer aux dames."<br />

<strong>Maximus</strong> le regarda comme si il était fou et recommença à tourner en rond. Il marcha et marcha. Les<br />

heures passèrent. "Combien <strong>de</strong> temps cela prend-il, Titus ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong> avec colère.<br />

"Ca ne fait pas si longtemps et ça pourrait encore durer un certain temps, j'en ai bien peur."<br />

"Ca fait <strong>de</strong>s heures."<br />

"Ca prend <strong>de</strong>s heures."<br />

Les <strong>de</strong>ux hommes se retournèrent quand le père d'Olivia arriva par la porte principale. "Rien encore ?"<br />

<strong>de</strong>manda-t-il. <strong>Maximus</strong> secoua la tête d'un air misérable et s'assit sur une chaise, son front dans les mains.<br />

"On voit que c'est ton premier, mon garçon", plaisanta Marcus. "C'est plus facile à chaque fois après."<br />

"Pour qui ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong>. Il allait répriman<strong>de</strong>r son beau-père pour sa remarque quand un cri à vous<br />

glacer le sang lui mit le cur dans la gorge. Il écouta. Tout était silencieux. Les mains <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong><br />

commencèrent à trembler et il fixa la porte <strong>de</strong> la chambre, plus effrayé qu'il ne l'avait jamais été <strong>de</strong> toute sa<br />

vie. Pas une âme dans la maison ne bougea alors que chaque oreille attendait le prochain son. Soudain,<br />

un faible cri aigu leur parvint. Le cri <strong>de</strong>vint <strong>de</strong> plus en plus fort jusqu'à <strong>de</strong>venir un vagissement. <strong>Maximus</strong><br />

courut dans l'atrium et fit irruption dans la chambre, ce qui lui valut un regard menaçant <strong>de</strong> la sage-femme.<br />

"Nous ne sommes pas encore prêts", dit-elle.<br />

"Olivia ?"<br />

63


"Je vais bien, <strong>Maximus</strong>." Sa voix était faible. "Nous avons un fils."<br />

Seulement à ce moment, il tourna la tête dans la direction du paquet vagissant et la sage-femme lui mit<br />

l'enfant pleurant dans les mains. Il contempla le petit visage fripé et la tignasse <strong>de</strong> cheveux épais et noirs<br />

et leva le bébé haut en l'air, revendiquant l'enfant comme le sien. Puis il serra le paquet contre lui et<br />

s'approcha <strong>de</strong> sa femme, <strong>de</strong>s larmes brillant dans ses yeux. "Merci, mon amour. Merci."<br />

Il plaça l'enfant dans les bras d'Olivia et elle contempla le visage <strong>de</strong> l'enfant pour la première fois.<br />

"Il te ressemble", dit-elle.<br />

"Non, il te ressemble. Regar<strong>de</strong> ses beaux yeux noirs. Comme sa mère."<br />

Deux visages apparurent à la porte. "Eh bien ?" <strong>de</strong>manda Titus.<br />

<strong>Maximus</strong> prit le bébé dans ses bras et alla voir son beau-père fièrement. "Vous avez un autre petit-fils,<br />

Marcus."<br />

Marcus pinça les lèvres et fit <strong>de</strong>s gazouillis au bébé. "Sais-tu qui est ton papa, mon petit ? C'est un célèbre<br />

général, tu as <strong>de</strong> la chance."<br />

"Son nom est Marcus. Marcus Decimus Meridius."<br />

Marcus fronça les sourcils. "Il doit avoir ton nom, <strong>Maximus</strong>."<br />

"Olivia et moi en avons décidé autrement. Il porte le nom <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux hommes qui sont très importants pour<br />

moi."<br />

Le bébé s'arrêta <strong>de</strong> pleurer et saisit le doigt <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, calmé par la voix profon<strong>de</strong> <strong>de</strong> son père. La sagefemme<br />

s'agita et enleva l'enfant <strong>de</strong> ses bras. "Nous avons encore du travail à faire. Partez maintenant et<br />

laissez-nous." Comme <strong>Maximus</strong> semblait ne pas vouloir partir, elle le foudroya du regard. Il alla voir Olivia,<br />

l'embrassa sur les lèvres et elle serra sa main pour le rassurer, puis il rejoignit Titus et Marcus à l'extérieur<br />

à contrecoeur. La porte leurs fut rapi<strong>de</strong>ment fermée au nez comme les femmes continuaient leurs tâches<br />

avec le bébé et sa mère.<br />

Chapitre 39 : Marcus<br />

Olivia se réveilla lentement pour trouver son époux déjà vêtu d'une simple tunique, assis à ses côtés sur le<br />

lit et souriant gentiment en les contemplant elle et le bébé. Marcus était blotti dans ses bras et commençait<br />

à s'éveiller. <strong>Maximus</strong> sourit en voyant le bébé serrer les poings, son visage <strong>de</strong>venant rouge alors qu'il allait<br />

crier pour être nourri avant même d'être pleinement conscient.<br />

Olivia mit l'enfant à son sein et il s'y accrocha rapi<strong>de</strong>ment, tétant avi<strong>de</strong>ment. <strong>Maximus</strong> chatouilla un petit<br />

poing avec son auriculaire et fut récompensé quand les petits doigts du bébé s'enroulèrent autour du sien.<br />

Tout en caressant la petite main avec son pouce, <strong>Maximus</strong> s'avança et embrassa les cheveux d'Olivia,<br />

puis son front, son nez et sa bouche. "Bonjour," dit-il. Elle répondit par un sourire, le visage rayonnant.<br />

<strong>Maximus</strong> baissa sa main libre vers le sol et chercha le paquet qu'il avait mis là. C'était petit et carré et<br />

enveloppé d'un joli papier. "Pour toi," dit-il en tendant la boîte à Olivia. Olivia plaça le bébé dans le creux<br />

<strong>de</strong> son bras et ouvrit lentement la boîte, voulant arrêter le temps et faire que chaque jour avec son époux<br />

dure autant que dix. Elle eut le souffle coupé quand elle souleva le couvercle. Dans la boîte, il y avait un<br />

large bracelet en or et <strong>de</strong>s boucles d'oreille. "Oh. <strong>Maximus</strong>. C'est magnifique." Elle mit le bracelet à son<br />

poignet et leva son bras dans la lumière, le soleil se reflétant sur le métal précieux. "Je n'ai jamais rien eu<br />

d'aussi beau."<br />

"Tu mérites beaucoup plus mais je n'ai pas le temps <strong>de</strong> faire ce que je voudrais vraiment faire pour toi. Je<br />

veux t'envelopper d'or et <strong>de</strong> diamants et <strong>de</strong> rubis et d'émerau<strong>de</strong>s et..." Olivia l'arrêta en riant. "Je ne veux<br />

rien <strong>de</strong> tout cela. Juste toi et notre enfant. C'est tout ce que je veux." Le visage <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> s'assombrit.<br />

"Quand dois-tu partir ?" <strong>de</strong>manda-t-elle.<br />

Il se tourna pour regar<strong>de</strong>r les collines lointaines par la fenêtre. "Demain. Les prétoriens sont arrivés hier et<br />

ordonnent que nous repartions."<br />

"N'es-tu pas leur supérieur ?"<br />

<strong>Maximus</strong> rit. "De beaucoup, mais Marc-Aurèle leur a dit <strong>de</strong> me protéger et je les ai déjà eu dans la<br />

montagne. J'ai bien peur qu'ils ne soient pas <strong>de</strong> très bonne humeur." Il <strong>de</strong>vint sérieux. "Cela prendra au<br />

moins un mois pour revenir sur le front du nord à cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'année si nous allons aussi vite que<br />

nous pouvons et si nous avons du beau temps. Je ne peux pas me permettre d'être absent d'avantage."<br />

Olivia fit un sourire aussi brave qu'elle put. "Je comprends. Tu es un homme très important et je dois te<br />

partager avec Rome. Je le savais quand je t'ai épousé, <strong>Maximus</strong>."<br />

"Il n'y a rien au mon<strong>de</strong> que je ne veule plus que rester avec toi et Marcus. Le voir grandir. Crois-moi, s'il te<br />

plaît."<br />

"Je te crois. Je suis désolée pour moi-même que tu doives partir mais je suis surtout désolée pour toi."<br />

Marcus commença à s'agiter et elle le changea <strong>de</strong> sein. "Nous avons encore une nuit ensembles."<br />

"Oui, mais j'ai <strong>de</strong>s choses concernant la ferme à faire tout <strong>de</strong> suite. Je serais <strong>de</strong> retour tôt ce soir."<br />

<strong>Maximus</strong> embrassa à nouveau sa femme et caressa la tête <strong>de</strong> son enfant puis partit. Une terrible angoisse<br />

s'empara d'Olivia.<br />

Aucun d'entre eux ne dormit beaucoup cette nuit-là. Ils étaient allongés dans les bras l'un <strong>de</strong> l'autre, le<br />

bébé blotti entre eux <strong>de</strong>ux et <strong>Maximus</strong> essayait <strong>de</strong> mémoriser son enfant - son petit corps, son o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong><br />

bébé, ses gazouillements, même ses pleurs. Sa peau était tellement douce comparée à celle <strong>de</strong>s mains <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong> rendues calleuses par les batailles. L'intensité <strong>de</strong> l'amour qu'il sentit dans son cur pour sa femme<br />

et enfant le surpris et l'effraya. Comment pourrait-il vivre sans eux ? Il pensa brièvement à les emmener<br />

avec lui mais rejeta cette idée car elle était égoïste.<br />

C'était comme si Olivia avait lu ses pensées. "Comment est-ce en Germanie ?" Elle voulait entendre<br />

64


<strong>Maximus</strong> parler et se perdre dans sa voix profon<strong>de</strong> et apaisante. Quand il n'était pas là, elle pouvait se<br />

rappeler son visage mais il était si difficile <strong>de</strong> se souvenir <strong>de</strong> ces intonations riches qui grondaient dans sa<br />

poitrine.<br />

"C'est... sombre. Particulièrement à cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'année. Les jours sont très courts et les nuits longues<br />

et froi<strong>de</strong>s et noires. Les camps sont gérés efficacement mais <strong>de</strong>s petits villages apparaissent à l'extérieur<br />

<strong>de</strong>s camps et les fermiers locaux et les artisans peuvent vendre leurs produits aux soldats. Les gens vivent<br />

dans <strong>de</strong>s... taudis. Il n'y a pas d'autre façon <strong>de</strong> les décrire. Les enfants sont sales. Ils portent <strong>de</strong>s guenilles.<br />

Ils ont si peu <strong>de</strong> choses. Les o<strong>de</strong>urs peuvent être épouvantables. Les animaux sont à moitié affamés. Et<br />

c'est <strong>de</strong> notre côté <strong>de</strong> la frontière. Je ne peux même pas imaginer ce que c'est <strong>de</strong> l'autre côté du fleuve."<br />

"Les soldats ont-ils <strong>de</strong>s familles là-bas ?"<br />

<strong>Maximus</strong> étudia soigneusement sa réponse. "Beaucoup en ont, mais ce sont <strong>de</strong>s femmes indigènes... <strong>de</strong>s<br />

femmes qui ont toujours vécu là-bas et qui y sont habituées. Celles qui essaient <strong>de</strong> suivre leurs maris<br />

<strong>de</strong>puis le sud ne tiennent pas longtemps et sont misérables pendant qu'elles sont là."<br />

<strong>Maximus</strong> appuya sa tête sur sa main et regarda le profil <strong>de</strong> sa femme dans la douce lumière nocturne.<br />

"C'est une vie difficile, difficile pour une femme et c'est dangereux à cause <strong>de</strong>s barbares juste <strong>de</strong> l'autre<br />

côté du fleuve." <strong>Maximus</strong> resta silencieux pendant un moment. "C'est terrible ce que font les armées<br />

conquérantes aux femmes et aux enfants. Si jamais nous perdions une bataille importante..." Sa voix<br />

mourut. "Olivia, je ne pourrais pas fonctionner... Je ne pourrais pas faire correctement mon travail si je<br />

<strong>de</strong>vais m'inquiéter pour la sécurité <strong>de</strong> ma famille. C'est tellement important pour moi <strong>de</strong> savoir que vous<br />

êtes ici près <strong>de</strong> gens que vous aimez, <strong>de</strong> personnes qui peuvent veiller sur vous en mon absence."<br />

Olivia tourna son visage vers lui. "Peu importe, j'irais si tu me le <strong>de</strong>mandais. J'ai juste besoin que tu le<br />

comprennes."<br />

"Je comprends, mais j'ai besoin <strong>de</strong> toi ici, en Espagne, où Marcus peut grandir en sécurité, <strong>de</strong>venir fort et<br />

en bonne santé. Où il peut jouer avec ses cousins et apprendre à monter à cheval et à s'occuper <strong>de</strong> la<br />

terre. Et avec <strong>de</strong> la chance, il aura bientôt <strong>de</strong>s frères et surs pour jouer avec eux aussi."<br />

"Nous serons toujours là à attendre, <strong>Maximus</strong>. Quelque soit le moment où tu viendras nous voir." Olivia<br />

sourit. "Et tu ferais bien <strong>de</strong> revenir bientôt si nous <strong>de</strong>vons donner <strong>de</strong>s frères et surs à Marcus."<br />

"Je le ferais. Je reviendrais bientôt." <strong>Maximus</strong> n'avait pas idée à quel point cette affirmation se révèlerait<br />

fausse.<br />

Le matin suivant, Olivia se tenait sur les marches <strong>de</strong> sa maison, son bébé blotti dans ses bras et elle<br />

regardait son époux bien-aimé s'éloigner d'elle à cheval, accompagné par six gar<strong>de</strong>s lour<strong>de</strong>ment armés.<br />

Elle portait le bracelet et les boucles d'oreille qu'il lui avait offert et elle tenait sa tête bien droite, les yeux<br />

secs, la gorge serrée à lui faire mal. <strong>Maximus</strong> avait pleuré ce matin quand il avait tenu son bébé dans ses<br />

bras et elle ne voulait pas rendre son <strong>de</strong>rnier au-revoir encore plus difficile que cela ne l'était déjà pour lui.<br />

Elle regarda les hommes <strong>de</strong>scendre le long du chemin et tourner vers la route et elle garda les yeux sur<br />

eux alors qu'ils <strong>de</strong>vinrent <strong>de</strong> plus en plus petits, puis disparurent finalement après le sommet <strong>de</strong> la colline.<br />

Puis elle rentra dans sa maison, les larmes qu'elle avait retenu finissant par couler le long <strong>de</strong> ses joues.<br />

<strong>Maximus</strong> mena les prétoriens à travers les vallées cette fois, évitant même les collines. Il était évi<strong>de</strong>nt<br />

d'après leur attitu<strong>de</strong> qu'ils lui en voulaient toujours mais il appréciait le silence car il n'était pas d'humeur<br />

pour ne serait-ce qu'une conversation banale. Il ne leur parlait que pour leur donner <strong>de</strong>s instructions ou<br />

<strong>de</strong>s ordres.<br />

La météo se maintint et ils avançaient vite avec <strong>Maximus</strong> qui les poussaient à la limite <strong>de</strong> leur endurance.<br />

Toutes les nuits, il s'effondrait dans ses fourrures, vidé <strong>de</strong> toute énergie et émotion... la seule façon qui lui<br />

permettait <strong>de</strong> trouver le sommeil.<br />

Après <strong>de</strong>ux semaines sur la route, ils approchèrent d'un village et trouvèrent une écurie où ils purent<br />

mettre les chevaux pour la nuit. Les écuries avaient l'air plus propres que l'auberge alors les soldats<br />

s'installèrent là également, s'enroulant dans leurs fourrures dans les stalles. <strong>Maximus</strong> s'installa pour la nuit<br />

avec Hercule près <strong>de</strong> lui. Pour la première fois <strong>de</strong>puis qu'il avait quitté l'Espagne, il fouilla dans son<br />

paquetage à la recherche du petit sac <strong>de</strong> cuir et <strong>de</strong>s figurines qu'Olivia avait fait pour lui après leur<br />

mariage. Blotti dans les fourrures, il ouvrit ce sac et sorti la figurine d'Olivia mais ses doigts rencontrèrent<br />

quelque chose d'autre également. Il sorti une autre figurine - une plus petite - et il la leva dans la lumière<br />

<strong>de</strong> la lune qui filtrait à travers une fenêtre haut dans le mur <strong>de</strong> pierre. C'était un enfant. Un petit garçon.<br />

<strong>Maximus</strong> suffoqua et roula rapi<strong>de</strong>ment pour enfouir son visage dans la fourrure d'Hercule et étouffer les<br />

sanglots qui le terrassaient.<br />

Chapitre 41 : Rumeur<br />

<strong>Maximus</strong> défit précautionneusement les ban<strong>de</strong>s <strong>de</strong> cuir <strong>de</strong>stinées à protéger ses mains et ses poignets,<br />

laissant le sang couler librement sur ses jointures et goûter en larmes pourpres <strong>de</strong>puis l'extrémité <strong>de</strong> son<br />

in<strong>de</strong>x droit.<br />

"Ici monsieur," dit Cicero en se préparant à nettoyer la plaie profon<strong>de</strong> sur le bras du général. "Laissez-moi<br />

m'occuper <strong>de</strong> cela."<br />

<strong>Maximus</strong> était trop faible pour répondre.<br />

"Un chirurgien <strong>de</strong>vrait regar<strong>de</strong>r ça. Laissez-moi aller en chercher un."<br />

"Les chirurgiens sont occupés avec <strong>de</strong>s soldats qui ont <strong>de</strong>s blessures bien pires que celle-là, Cicero. Ne<br />

les interrompt pas."<br />

Cicero acquiesça mais <strong>Maximus</strong> savait à ses lèvres serrées qu'il n'était pas content.<br />

<strong>Maximus</strong> s'installa sur sa chaise et posa son bras blessé sur la table, un linge épais en <strong>de</strong>s<strong>sous</strong> pour<br />

65


absorber le sang. Cicero approcha la lampe et se renfrogna en examinant l'entaille béante qui partait <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s<strong>sous</strong> le cou<strong>de</strong> et s'arrêtait juste au-<strong>de</strong>ssus du poignet.<br />

"Comment est-ce arrivé ?" <strong>de</strong>manda-t-il.<br />

"J'ai été inattentif."<br />

Cicero croisa brièvement le regard <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> puis il retourna à sa tâche. "J'en doute."<br />

<strong>Maximus</strong> soupira. "Deux assaillants sont venus sur moi en même temps. L'un d'eux m'a ôté mon épée et<br />

l'autre m'a poursuivi. J'ai réussi à éviter les coups les pires mais mon bras en a pris un." <strong>Maximus</strong> resta<br />

silencieux pendant un moment ; il inclina sa tête en arrière et ferma les yeux. "Au moins, j'ai toujours un<br />

bras," ajouta-t-il tranquillement.<br />

"Les blessures <strong>de</strong>s soldats sont si graves que cela ?"<br />

"Terribles. Les germains étaient bien armés et bien préparés à nous combattre."<br />

"Mais nous avons gagné."<br />

"Oui... Nous avons gagné, mais nous l'avons payé cher."<br />

"Est-ce que tous les germains sont morts ?" <strong>de</strong>manda Cicero. Puis il ajouta : "Désolé, monsieur" quand<br />

<strong>Maximus</strong> tressaillit légèrement.<br />

"Le fleuve est rouge <strong>de</strong> leur sang. Les quelques survivants ont été capturés et sont retenus juste à<br />

l'extérieur du camp."<br />

"Que va-t-il leur arriver ?"<br />

"Esclaves. Ils seront envoyés à Rome comme esclaves. Pauvres bougres. Ils feraient mieux d'être morts."<br />

<strong>Maximus</strong> plia le bras pour tester le bandage et remercia Cicero d'un signe <strong>de</strong> tête en se levant <strong>de</strong> son<br />

siège.<br />

"J'ai été très occupé pendant un moment. Qu'est-il arrivé ces <strong>de</strong>rniers jours que je <strong>de</strong>vrais savoir ?"<br />

"Pourquoi ne pas vous reposer à présent, monsieur ?"<br />

"Cicero... Qu'est-ce qui réclame mon attention ?"<br />

Cicero lui tendit un paquet à contrecur. "C'est arrivé pour vous il y a quelques jours. Le messager a dit que<br />

c'était important."<br />

<strong>Maximus</strong> regarda son serviteur avec un sourcil levé. Cicero haussa les épaules. "Vous étiez occupé,<br />

monsieur."<br />

Cicero sut qu'il était congédié quand <strong>Maximus</strong> tourna le dos pour ouvrir le paquet, alors il rassembla les<br />

fournitures médicales puis se dirigea vers l'armoire <strong>de</strong> l'autre côté <strong>de</strong> la tente. Quand il se retourna, il vit<br />

<strong>Maximus</strong>, le visage aussi gris que la cendre, serrant la missive dans sa main et regardant dans le néant.<br />

"Général ? Allez-vous bien ?" <strong>Maximus</strong> ne répondit pas. "Monsieur ? Monsieur, êtes-vous bien ?" Cicero<br />

s'approcha <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, ne sachant que faire. "Dois-je appeler le chirurgien ?"<br />

<strong>Maximus</strong> tourna <strong>de</strong>s yeux vitreux sur son serviteur et murmura "Trouve rapi<strong>de</strong>ment Quintus et amène-le<br />

moi."<br />

Sans un mot, Cicero tourna les talons et quitta la tente. Le mouvement <strong>de</strong> son serviteur tira <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong><br />

son hébétu<strong>de</strong> et il parcourut à nouveau la lettre.<br />

Il entendit vaguement un bruit <strong>de</strong> course quelques instants avant que Quintus ne fasse irruption, suivi <strong>de</strong><br />

près par Cicero. <strong>Maximus</strong> croisa le regard d'un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux hommes, puis <strong>de</strong> l'autre, et il s'adressa en<br />

premier à son serviteur. "Cicero, emballe toute mon armure et mes armes et assez <strong>de</strong> provisions pour au<br />

moins <strong>de</strong>ux semaines et prépare Scarto et Argento pour un voyage."<br />

"<strong>Maximus</strong>, où vas-tu ?" <strong>de</strong>manda un Quintus inquiet et intrigué. "Qu'est-il arrivé ?"<br />

<strong>Maximus</strong> inspira profondément. "Tu te souviens du général Avidius Cassius, le commandant <strong>de</strong>s légions<br />

<strong>de</strong> l'Est ?" Quintus acquiesça. "Il s'est déclaré empereur."<br />

"Quoi ?!" s'exclama Quintus, visiblement choqué. "Marc-Aurèle..."<br />

"Est vivant, apparemment. Il est quelque part dans le Sud, probablement en Egypte, mais il semble que<br />

Cassius ait entendu une rumeur qui le disait mort et il s'est couronné empereur même si il est loin <strong>de</strong><br />

Rome, où les choses sont confuses. Cassius est un homme puissant, Quintus, et il se peut qu'il essaie <strong>de</strong><br />

prendre le contrôle <strong>de</strong> l'empire, même quand il apprendra la vérité à propos <strong>de</strong> Marc-Aurèle. Il a peut être<br />

lui-même répandu la rumeur pour s'en servir comme prétexte. Mar a besoin <strong>de</strong> soutien et je dois l'ai<strong>de</strong>r."<br />

"Qui t'a envoyé la lettre ?"<br />

<strong>Maximus</strong> hésita légèrement. "Sa fille."<br />

"Elle sait où il est ?"<br />

"Non, pas exactement, mais elle sait qu'il est vivant. Je ne sais pas trop comment. La lettre manque <strong>de</strong><br />

détails, Quintus. Lucilla <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que je stabilise l'armée et que je donne à Marc le soutien moral et<br />

militaire dont il a besoin pour maintenir le contrôle <strong>de</strong> l'empire."<br />

"Je viens avec toi, <strong>Maximus</strong>. Tu ne peux pas faire cela tout seul."<br />

"Non, Quintus, tu es mon second et j'ai besoin que tu restes ici pour t'occuper <strong>de</strong> tout pendant mon<br />

absence. J'enverrai <strong>de</strong>s messages aux généraux <strong>sous</strong> mon comman<strong>de</strong>ment pour leur expliquer la<br />

situation. Essaie juste d'empêcher tout conflit jusqu'à mon retour et arrange-toi pour que les tribus ne<br />

s'aperçoivent pas <strong>de</strong> mon départ. Maintenant, j'ai besoin que tu fasses mettre la cavalerie en armure. J'ai<br />

besoin qu'elle m'accompagne. Ne dis pas où nous allons ou pourquoi. Je le leur dirai en route."<br />

"Si Marc-Aurèle a un besoin urgent d'ai<strong>de</strong>, il y a certainement quelqu'un <strong>de</strong> physiquement plus proche <strong>de</strong><br />

lui qui peut lui porter assistance ? Cela pourrait te prendre <strong>de</strong>s semaines pour arriver là-bas..."<br />

"Il me fait confiance, Quintus. A un moment où il ne sait pas sur qui compter, il sait qu'il peut me faire<br />

confiance."<br />

Quintus acquiesça et posa sa main sur l'épaule <strong>de</strong> son ami. "Je suis désolé que ça se produise<br />

66


maintenant, <strong>Maximus</strong>. Je sais que tu prévoyais d'aller voir ta famille."<br />

<strong>Maximus</strong> fixa le sol et hocha la tête.<br />

"Quel âge a le petit Marcus à présent ?"<br />

"Il a <strong>de</strong>ux ans." Un bref sourire illumina le visage <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. "Olivia dit qu'il marche et qu'il est très<br />

bavard." Le sourire disparut. "Je ne l'ai pas vu <strong>de</strong>puis qu'il était bébé." <strong>Maximus</strong> passa les mains dans ses<br />

cheveux courts. "Marc-Aurèle et l'empire passent avant tout."<br />

Quintus ne savait pas si il avait perçu un soupçon d'amertume dans ces mots.<br />

A l'aube, <strong>Maximus</strong> partit avec toute la cavalerie <strong>de</strong> Felix III et accéléra l'allure vers le Sud-Est. D'après<br />

Lucilla, Cassius rassemblait ses forces à Moesia près <strong>de</strong> la Mer Noire et <strong>Maximus</strong> l'affronterait là-bas en<br />

espérant donner à Marc-Aurèle le temps dont il avait besoin pour revenir à Rome et organiser les<br />

prétoriens.<br />

La météo fut favorable et les routes dans le Sud-Est étaient larges et soli<strong>de</strong>s, alors après moins <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />

semaines, <strong>Maximus</strong> et sa cavalerie approchaient le camp du général Cassius avec le drapeau <strong>de</strong> Felix III<br />

et l'étendard à l'aigle doré <strong>de</strong> Rome. Malgré la chaleur, <strong>Maximus</strong> portait son uniforme complet <strong>de</strong> général<br />

avec les <strong>de</strong>ux peaux <strong>de</strong> loup sur ses épaules et la cuirasse sculptée d'une tête <strong>de</strong> loup.<br />

Il s'approcha <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s à l'entrée et utilisa sa voix la plus profon<strong>de</strong> et la plus autoritaire. "Dites au général<br />

Cassius que le général <strong>Maximus</strong>, commandant <strong>de</strong>s légions du Nord, est ici pour le voir."<br />

Un gar<strong>de</strong> déguerpit immédiatement pour faire ce qu'on lui <strong>de</strong>mandait pendant que les <strong>de</strong>ux autres<br />

restaient bouche bée <strong>de</strong>vant <strong>Maximus</strong> et l'armée en armure <strong>de</strong>rrière lui. Quelques soldats curieux se<br />

rassemblèrent à l'intérieur du camp et <strong>Maximus</strong> entendit répéter son nom. Scarto s'ébroua et frappa la<br />

terre <strong>de</strong> son sabot comme pour répondre.<br />

Le gar<strong>de</strong> revint et s'adressa à <strong>Maximus</strong>. "Vous pouvez entrer général, mais vos hommes doivent rester<br />

<strong>de</strong>hors."<br />

"Mes hommes restent avec moi."<br />

"L'empereur ne le permettra pas, Monsieur."<br />

"L'empereur ?" Les mots <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> tombèrent avec sarcasme. "Dis au général Cassius <strong>de</strong> venir à<br />

l'extérieur, alors, et <strong>de</strong> me parler ici."<br />

"Il ne le fera pas, général."<br />

"Eh bien... Il semble que nous ayons un problème dans ce cas... n'est-ce pas ?" répondit <strong>Maximus</strong> en<br />

posant le cou<strong>de</strong> sur un <strong>de</strong> ses genoux, s'inclinant vers le gar<strong>de</strong>, fixant son visage. Sa voix <strong>de</strong>vint un sourd<br />

gron<strong>de</strong>ment. "Deman<strong>de</strong> à ton général si il veut déclencher une guerre civile. Mes hommes sont beaucoup<br />

plus nombreux que les siens et je peux avoir mes légions ici en quelques jours."<br />

Le gar<strong>de</strong> déglutit bruyamment et disparut à nouveau sans un mot. <strong>Maximus</strong> se redressa dans sa selle et<br />

regarda droit <strong>de</strong>vant lui, les rênes dans sa main gauche, son bras bandé reposant sur son genou. Il parla<br />

doucement à Scarto et l'étalon <strong>de</strong>vint aussi immobile qu'une statue. Des têtes apparaissaient par-<strong>de</strong>ssus<br />

l'enceinte du camp pour le regar<strong>de</strong>r mais il les ignora.<br />

Le gar<strong>de</strong> réapparut. "Vous et vos hommes pouvez entrer, général."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête et franchit l'entrée, sa cavalerie juste <strong>de</strong>rrière lui. Un regard rapi<strong>de</strong> lui apprit que le<br />

camp était très bien fortifié. Cassius était préparé pour - et attendait même peut être - <strong>de</strong>s problèmes.<br />

Et les problèmes venaient juste d'arriver sur le dos d'un étalon noir étincelant.<br />

Chapitre 42 : Cassius<br />

Cassius essaya d'adopter un air désinvolte. "Entrez, général," dit-il, tendant la main pour indiquer l'entrée<br />

<strong>de</strong> ses quartiers.<br />

Bien que méfiant, <strong>Maximus</strong> ne sentit pas <strong>de</strong> danger immédiat et franchit la porte en précédant Cassius,<br />

après avoir rapi<strong>de</strong>ment évalué l'homme. Ils avaient à peu près la même taille mais Cassius était maigre, ce<br />

qui était surprenant pour un soldat. <strong>Maximus</strong> jugea qu'il <strong>de</strong>vait avoir environ 45 ans car ses cheveux bruns<br />

étaient parsemés <strong>de</strong> gris et son visage était ridé par les années passées au soleil. Il était rasé <strong>de</strong> près et<br />

ses yeux bruns étaient circonspects <strong>sous</strong> <strong>de</strong>s sourcils broussailleux qui semblaient déplacés sur son<br />

visage mince. Il n'avait pas eu le temps <strong>de</strong> se préparer à la visite <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et avait enfilé à la hâte une<br />

cuirasse <strong>de</strong> cuir ornée <strong>de</strong> dorures par-<strong>de</strong>ssus ce qui semblait être une tunique <strong>de</strong> soie. Une étrange<br />

association, c'était le moins que l'on puisse dire. Ses jambes maigres étaient nues et il portait <strong>de</strong>s<br />

sandales.<br />

Cassius se mit à rire. "Cela se voit que nous sommes <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux parties différentes du mon<strong>de</strong>, général. Il fait<br />

sacrément chaud ici l'été, et humi<strong>de</strong>. Il y a beaucoup <strong>de</strong> soleil mais nous le payons avec la chaleur<br />

épouvantable. Ca doit être plus frais là où"<br />

<strong>Maximus</strong> l'interrompit. "Je ne suis pas venu ici pour parler du climat général."<br />

"Non, non, je suis sûr que non. J'ai beaucoup entendu parler <strong>de</strong> vous, <strong>Maximus</strong>. J'espère que cela ne vous<br />

dérange pas que je vous appelle ainsi."<br />

"Je préférerais que vous ne le fassiez pas."<br />

"Oh Bien Général Voulez-vous vous asseoir ?"<br />

Cassius était quelque peu paniqué à présent, ce qui surpris <strong>Maximus</strong>. Etait-ce le choc <strong>de</strong> la visite imprévue<br />

ou l'attitu<strong>de</strong> très froi<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> qui le déconcertait ?<br />

"Avant que je ne le fasse, général Cassius, laissez-moi éclaircir une chose. Je sers Marc-Aurèle,<br />

l'empereur <strong>de</strong> Rome."<br />

"Marc-Aurèle est mort, général."<br />

"C'est faux."<br />

67


"Oh ? Et l'avez-vous vu récemment ?" Cassius avait repris <strong>de</strong> l'assurance.<br />

"Non, pas <strong>de</strong> mes propres yeux, mais j'ai l'assurance qu'il est vivant et en bonne santé."<br />

"J'ai entendu exactement le contraire, général, et quelqu'un doit prendre le contrôle pour éviter le chaos à<br />

une pério<strong>de</strong> comme celle-ci. Puisque je suis le commandant le plus âgé <strong>de</strong> l'armée, j'ai pensé qu'il était<br />

approprié"<br />

"Vous avez mal pensé. Ca n'est pas du tout approprié."<br />

La confiance <strong>de</strong> Cassius se changea en colère. "Je pensais qu'un militaire comme vous comprendrait une<br />

telle décision, général. Le contrôle <strong>de</strong> Rome ne doit pas tomber entre les mains <strong>de</strong> son jeune fils,<br />

Commo<strong>de</strong>."<br />

"Je suis d'accord, général," dit <strong>Maximus</strong>. "Mais il y a <strong>de</strong>s façons convenables ou non d'effectuer un<br />

transfert <strong>de</strong> pouvoir et la première chose que l'on doit faire est d'obtenir la preuve absolue que le<br />

précé<strong>de</strong>nt dirigeant est mort et non pas s'appuyer sur une rumeur."<br />

"Et pendant ce temps, n'importe quel idiot <strong>de</strong> Rome s'est emparé du pouvoir."<br />

"Si cela arrive, alors l'armée doit réagir à ce moment. Pas avant."<br />

Cassius regarda <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong> haut en bas avec une lenteur délibérée, un léger mépris sur le visage.<br />

"Vous êtes très jeune, n'est-ce pas ?"<br />

Il tourna autour <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et toucha les luxueuses fourrures. "Sont-elles supposées m'<br />

impressionner ?"<br />

<strong>Maximus</strong> ne répondit pas. Cassius lui fit à nouveau face. "Un ca<strong>de</strong>au <strong>de</strong> Marc-Aurèle ?" Les <strong>de</strong>ux hommes<br />

se regardèrent dans le blanc <strong>de</strong> l'il. "Vous êtes celui qu'il a choisi, n'est-ce pas, <strong>Maximus</strong> ? Un espagnol<br />

promu bien au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> son statut social."<br />

<strong>Maximus</strong> sourit légèrement. "Avez-vous peur <strong>de</strong> moi, général ?"<br />

"Pas du tout."<br />

<strong>Maximus</strong> s'avança si près que leurs nez se touchaient presque et il gronda lentement : "Et bien, vous<br />

<strong>de</strong>vriez."<br />

"Est-ce une menace ?"<br />

"Prenez-le comme vous voulez."<br />

"Vous êtes un imbécile, général, si vous pensez que vous pouvez venir dans mon campement et me<br />

menacer. Qui va vous protéger, d'après vous ? Votre cavalerie ? Ils ne sont pas assez nombreux. Je dirais<br />

que ça rend votre position précaire, très précaire, en fait."<br />

"Si vous me touchez, général, les légions du Nord vont fondre vers le Sud et vont vous massacrer comme<br />

<strong>de</strong>s moutons vous et vos partisans. Pensez à cela avant <strong>de</strong> faire quelque chose d'inconsidéré."<br />

"Et comment sauront-ils que vous êtes mort ? Qui ira le leur annoncer quand tout vos hommes seront<br />

morts également ?"<br />

Un lent sourire fendit le visage <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. "Ils le sauront, général. Ils le sauront."<br />

<strong>Maximus</strong> rejeta la tête en arrière et regarda Cassius avec un air menaçant, les mains sur ses hanches, ses<br />

jambes robustes écartées. "Si vous comptez mener vos légions jusqu'à Rome pour prendre le contrôle <strong>de</strong><br />

la cité, réfléchissez-y à <strong>de</strong>ux fois. Mes légions vous arrêteront, et mes hommes sont beaucoup plus<br />

nombreux que les vôtres."<br />

Cassius rit brutalement. "Vous avez une gran<strong>de</strong> confiance en la loyauté <strong>de</strong> vos hommes, général. D'après<br />

mon expérience, les soldats changent leur allégeance comme l'éclair pour aller vers ceux qui ont le<br />

pouvoir. Ils veulent simplement être payés et ils se moquent <strong>de</strong> l'empereur qui les paie."<br />

"Je pense que vous <strong>sous</strong>-estimez gravement l'intégrité <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> l'armée romaine, général."<br />

Le visage <strong>de</strong> Cassius s'emplit <strong>de</strong> fureur. "Comment osez-vous me parler <strong>de</strong> l'armée, l'Espagnol ! Je suis<br />

né et j'ai grandi à Rome Je suis un vrai citoyen romain. J'ai servi Rome <strong>de</strong>puis bien avant votre naissance."<br />

Il lutta pour reprendre le contrôle <strong>de</strong> sa colère. "Oh, j'ai entendu parler <strong>de</strong> vos métho<strong>de</strong>s pour acheter la<br />

loyauté, l'Espagnol. Toutes ces améliorations que vous avez faites dans vos camps. Et bien, laissez-moi<br />

vous dire, l'Espagnol, que vos hommes se retourneraient contre vous sans hésitation si quelqu'un leur<br />

faisait une meilleure offre. Il n'y a qu'une façon <strong>de</strong> maintenir la loyauté dans l'armée."<br />

"Voulez-vous m'éclairer, général ?"<br />

"La crainte ! La peur !" hurla Cassius, le visage distordu et hi<strong>de</strong>ux. "Les châtiments !"<br />

"Et qui administre les châtiments, Cassius ?" <strong>Maximus</strong> cracha le nom comme une injure.<br />

"Mes partisans, bien sûr !" Cassius était un peu perdu.<br />

"Et comment conservez-vous le soutien <strong>de</strong> vos partisans, Cassius ?"<br />

Cassius resta silencieux.<br />

"Vous les achetez, bien sûr, avec <strong>de</strong> l'argent ou du pouvoir." Le sourire <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> n'atteignit pas ses<br />

yeux. "Un système certainement défectueux, Cassius. Parce que ­ pour reprendre vos paroles ­ tout ce qui<br />

leur faut pour partir est une meilleure offre. Mes hommes me soutiennent parce que je suis juste et que je<br />

me préoccupe <strong>de</strong> leur sort. Je comman<strong>de</strong> par l'exemple et je suis loyal à Rome et à son véritable<br />

empereur, Marc-Aurèle, pas à un général qui a soif <strong>de</strong> pouvoir. Mes hommes pensent comme moi. Vous<br />

pourriez leur offrir toute les richesses et le pouvoir <strong>de</strong> Rome et vous ne les corrompriez pas."<br />

"Comme c'est noble <strong>de</strong> leur part. Très, très noble."<br />

Cassius s'assit dans un siège délicatement sculpté et mit les pieds sur une table pour paraître décontracté.<br />

"Et qu'en est-il <strong>de</strong> vous, l'Espagnol ? Vous êtes ambitieux, autrement un homme <strong>de</strong> votre basse extraction<br />

ne serait jamais là où vous êtes aujourd'hui. Pouvez-vous me regar<strong>de</strong>r dans les yeux et me dire que vous<br />

n'avez jamais pensé à votre futur en tant que lea<strong>de</strong>r politique si l'opportunité se présentait ?" dit<br />

sarcastiquement Cassius. "Vous êtes juste fâché parce que j'ai été plus rapi<strong>de</strong> que vous."<br />

68


"Ma seule ambition, Cassius, est <strong>de</strong> retourner en Espagne auprès <strong>de</strong> ma femme et <strong>de</strong> mon fils, dans ma<br />

ferme. D'ici là, j'utiliserai tout ce que j'ai pour servir Rome du mieux que je peux."<br />

Cassius se servit un verre <strong>de</strong> vin mais n'en offrit pas à <strong>Maximus</strong> qui restait <strong>de</strong>bout.<br />

"C'est très humble, l'Espagnol." Cassius bu un peu du vin d'un trait et s'en versa un peu plus. "Est-ce pour<br />

cela que vos hommes vous aiment tant ? A cause <strong>de</strong> votre humilité ?"<br />

"'Aiment' ? 'Respectent' serait plus juste, Cassius, et c'est un respect mutuel. Je reconnais qu'ils ont les<br />

mêmes désirs et les mêmes peurs que moi. Je suis l'un d'entre eux. Marc-Aurèle sait qui je suis ­ ce que je<br />

suis. Il a été assez avisé pour voir <strong>de</strong>s choses en moi dont je n'étais pas conscient."<br />

"Oh et qu'avait vu le défunt empereur en vous, l'Espagnol ?"<br />

"Tous les traits qu'il admire le plus chez un homme. L'honnêteté, la persévérance, la tempérance, la<br />

justice, la loyauté. Il n'a pas vu l'ambition en moi, Cassius, parce qu'elle n'y est pas." <strong>Maximus</strong> appuya sa<br />

hanche contre la table, près <strong>de</strong>s pieds <strong>de</strong> Cassius, et croisa les bras sur sa poitrine. "Mais, tout ce que je<br />

vois en vous, c'est l'ambition. Rien <strong>de</strong> plus. Marc-Aurèle ne vous choisirait jamais pour être son<br />

successeur, Cassius."<br />

<strong>Maximus</strong> décroisa les bras et s'inclina au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la table, regardant directement dans les yeux <strong>de</strong><br />

Cassius. "Devenir un lea<strong>de</strong>r politique ne m'intéresse pas, général, mais j'entends m'assurer qu'un homme<br />

tel que vous ­ qui n'a aucune <strong>de</strong>s caractéristiques que l'empereur admire ­ n'ait pas le contrôle du pouvoir.<br />

Je préférerais voir Commo<strong>de</strong> nommé empereur plutôt que vous."<br />

Le visage <strong>de</strong> Cassius était blanc <strong>de</strong> fureur, ses lèvres serrées en une mince ligne horizontale. "J'aurais pu<br />

vous faire tuer immédiatement."<br />

"Vous auriez pu mais vous ne le ferez pas. Vous êtes trop intelligent pour cela." <strong>Maximus</strong> se redressa et<br />

rit. "Dites-moi, Cassius, quelle loyauté est la plus forte, selon vous ? Celle obtenue par le respect mutuel et<br />

l'admiration ou celle gagnée par la promesse <strong>de</strong> richesses ?" Sa voix <strong>de</strong>vint mortellement sérieuse. "Je<br />

vous mets en gar<strong>de</strong>, général. Ne me <strong>sous</strong>-estimez pas."<br />

<strong>Maximus</strong> s'étira et bailla. "A présent, général, je suis très fatigué et je voudrais qu'on me montre mes<br />

quartiers. Je veux que l'on s'occupe <strong>de</strong> mes hommes et <strong>de</strong> mes chevaux également. Et" <strong>Maximus</strong> désigna<br />

<strong>de</strong> la tête un mur fait d'une tenture. "Vous pouvez dire à vos gar<strong>de</strong>s qu'ils peuvent se montrer, à présent.<br />

Vous êtes sauf pour l'instant."<br />

Chapitre 43 : Claudius<br />

"Pssst, général ?"<br />

<strong>Maximus</strong> se retourna dans son lit, se <strong>de</strong>mandant quel bruit l'avait réveillé. Il s'assit et fixa la noirceur,<br />

écoutant attentivement. Les mots murmurés et pressants parvinrent à nouveau à ses oreilles. "Général<br />

<strong>Maximus</strong>. Réveillez-vous, monsieur."<br />

<strong>Maximus</strong> regarda en direction <strong>de</strong> la paroi arrière <strong>de</strong> sa tente, puis il jeta un il à la porte où il put voir les<br />

silhouettes <strong>de</strong> quatre gar<strong>de</strong>s armés <strong>sous</strong> le clair <strong>de</strong> lune. Il se glissa hors <strong>de</strong> son lit, rampa sur le sol, puis<br />

s'assit en tailleur près <strong>de</strong> la paroi et attendit que la voix se manifeste à nouveau.<br />

"Pssst Général, s'il vous pl"<br />

"Je suis là," murmura <strong>Maximus</strong>. "Qui êtes vous ?"<br />

"Oh." La voix étouffée sembla soulagée. "Je suis Claudius Silvanus, monsieur. J'ai servi à Felix VI pendant<br />

8 ans et je sais qui vous êtes."<br />

"Et ?"<br />

"Monsieur, Marc-Aurèle est-il vraiment mort ?"<br />

"Non il est vivant," répondit pru<strong>de</strong>mment <strong>Maximus</strong>. Cet homme avait-il été envoyé pour le piéger ?<br />

"Etes-vous ici pour arrêter Cassius, monsieur ?" <strong>Maximus</strong> resta silencieux. "Monsieur ?"<br />

"Comment puis-je savoir que je peux vous faire confiance ? Comme puis-je être sûr que vous êtes bien qui<br />

vous préten<strong>de</strong>z être ?"<br />

"Je m'attendais à votre incrédulité, monsieur, alors j'ai apporté une preuve. J'ai reçu une médaille du<br />

courage dans une bataille contre les germains à Casta Regina. Je vais la pousser <strong>sous</strong> la toile <strong>de</strong> tente."<br />

<strong>Maximus</strong> sentit qu'on tirait sur la toile et il tâtonna dans le noir jusqu'à ce qu'il saisisse le rond et froid<br />

morceau <strong>de</strong> métal. Il n'avait pas besoin <strong>de</strong> le voir. Ses doigts parcoururent la forme familière et il sut que<br />

c'était authentique. Il murmura "Félicitations, Claudius. Qu'avez-vous fait pour la recevoir ?"<br />

"J'ai sauvé le général Avitus en prenant un coup d'épée qui lui était <strong>de</strong>stiné. Après que je me sois remis, le<br />

froid m'indisposait terriblement - j'avais mal dans les os ­ alors j'ai été transféré ici. Cela n'est pas pareil ici,<br />

monsieur. Je déteste. Le général Cassius ne traite pas ses hommes comme vous le faites. Nous faisons<br />

juste partie du matériel pour lui. Il ne se préoccupe pas <strong>de</strong> nous comme vous le faisiez, général."<br />

<strong>Maximus</strong> jeta à nouveau un il à l'entrée. Les gar<strong>de</strong>s n'avaient pas bougé. "Vous êtes <strong>de</strong> taille et <strong>de</strong><br />

corpulence moyenne avec les cheveux blonds et une cicatrice sur la joue gauche. Exact ?"<br />

Claudius sursauta. "Vous vous souvenez <strong>de</strong> moi, général ? Vous ne m'avez rencontré qu'une fois et très<br />

brièvement."<br />

"Chut, Claudius, parlez moins fort. J'ai la mémoire <strong>de</strong>s détails. C'est parfois un avantage, et parfois ça ne<br />

l'est pas. Pourquoi risquez-vous votre vie pour me parler, soldat ?'<br />

"Je suis ici pour vous offrir mes services, monsieur. Je n'arrivais pas y croire quand je vous ai vu arriver<br />

aujourd'hui et j'ai su que vous aviez été envoyé par les dieux pour nous sauver. Je ferais tout ce que je<br />

peux pour vous ai<strong>de</strong>r."<br />

"Vous sauver ? Vous sauver <strong>de</strong> quoi ?"<br />

"Cassius. La vie n'a jamais été agréable ici, monsieur. Pas comme elle l'était avec vous. Mais <strong>de</strong>puis qu'il<br />

69


s'est déclaré empereur, c'est <strong>de</strong>venu bien, bien pire."<br />

"Que voulez-vous dire ?"<br />

"La légion <strong>de</strong> l'intéresse plus, et même plus l'armée. Tout ce qu'il fait à présent c'est rassembler ses<br />

partisans et tuer ceux qui s'opposent à lui. Si vous êtes ici pour essayer <strong>de</strong> l'arrêter, monsieur, votre vie est<br />

en grand danger. Des douzaines <strong>de</strong> soldats ont disparues et il y a trois semaines, il a crucifié <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> ses<br />

meilleurs centurions parce qu'ils avaient osé être ouvertement en désaccord avec lui. Il a laissé leur corps<br />

sur les croix jusqu'à ce qu'il pourrissent au soleil en guise d'avertissement pour tout le mon<strong>de</strong>. La plupart<br />

d'entre nous ici soutiennent Marc-Aurèle si il est toujours vivant mais nous avions beaucoup trop peur pour<br />

faire quoi que soit avant que vous n'arriviez."<br />

"Combien d'autres sont comme vous, Claudius ?"<br />

"Beaucoup, monsieur. Il savent déjà tout sur vous car je leur ai dit combien ma vie était mieux avec vous<br />

dans le Nord. Nous vous soutiendrons général, quoi que vous décidiez <strong>de</strong> faire."<br />

"Y a t-il <strong>de</strong>s officiers <strong>de</strong> haut gra<strong>de</strong> qui pensent comme vous ? Quelqu'un proche <strong>de</strong> lui ? Quelqu'un à qui il<br />

fasse confiance ? Comme vous pouvez le voir, chacun <strong>de</strong> mes mouvements est épié."<br />

"J'en connais un peut être."<br />

"J'ai besoin d'entrer en communication avec lui sans élever les soupçons. Pensez-vous que vous pouvez<br />

m'ai<strong>de</strong>r à faire cela ?"<br />

"Je peux essayer, général."<br />

"Claudius, écoutez-moi. Si vous êtes pris, ça sera la mort pour vous, moi et tout mes hommes. Vous<br />

comprenez ?"<br />

"Oui, monsieur, parfaitement."<br />

"Maintenant, écoutez-moi attentivement. Je me joins à Cassius, les tribuns et les centurions pour dîner ce<br />

soir. Cet homme sera probablement présent et <strong>de</strong>vra me faire un signe si il désire m'ai<strong>de</strong>r à bouleverser<br />

les projets <strong>de</strong> Cassius."<br />

"Quelle sorte <strong>de</strong> signe, monsieur ?"<br />

<strong>Maximus</strong> réfléchit un instant. "Dites-lui <strong>de</strong> croiser le majeur <strong>de</strong> sa main droite par-<strong>de</strong>ssus son in<strong>de</strong>x, et <strong>de</strong><br />

ne pas le faire trop ostensiblement. Je le verrai. Claudius, ne vous approchez pas <strong>de</strong> personnes dont vous<br />

n'êtes pas totalement sûr. Ceci ne doit pas parvenir aux oreilles <strong>de</strong> Cassius."<br />

"Je comprends, monsieur."<br />

"Revenez me voir ce soir à la nuit tombée. Et Claudius"<br />

"Monsieur ?"<br />

"Merci."<br />

"C'est un honneur, monsieur. Croyez-moi. Désolé <strong>de</strong> vous avoir réveillé."<br />

<strong>Maximus</strong> sourit dans la pénombre et se glissa à nouveau dans son lit, s'étirant juste avant qu'un gar<strong>de</strong> ne<br />

passe la tête à la porte pour voir ce qui avait causé le léger craquement. Satisfait <strong>de</strong> constater que tout<br />

allait bien, le gar<strong>de</strong> reprit sa position à l'extérieur <strong>de</strong> la tente.<br />

<strong>Maximus</strong> inspira profondément et croisa les bras <strong>sous</strong> sa tête, planifiant ce qu'il allait faire.<br />

Chapitre 44 : Julia<br />

L'o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la nourriture et <strong>de</strong>s sons <strong>de</strong> rires et <strong>de</strong> musique parvinrent jusqu'à <strong>Maximus</strong> et ses gar<strong>de</strong>s avant<br />

même qu'ils aient pénétré dans le praetorium.<br />

Il avait accepté l'invitation à dîner dans l'espoir <strong>de</strong> prendre contact avec un homme proche <strong>de</strong> Cassius qui<br />

le soutiendrait dans son intention <strong>de</strong> contrarier ses ambitions traîtresses.<br />

Quand <strong>Maximus</strong> écarta la tenture <strong>de</strong> l'entrée <strong>de</strong> la tente <strong>de</strong> Cassius, il s'arrêta brusquement, et les quatre<br />

hommes distraits <strong>de</strong>rrière lui se cognèrent les uns dans les autres, murmurant <strong>de</strong>s protestations à propos<br />

<strong>de</strong> talons et d'orteils meurtris. Exaspéré, <strong>Maximus</strong> se retourna. "Je n'ai pas encore vraiment compris qui<br />

vous protégez mais je vous assure que je n'ai rien à craindre <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> Cassius ce soir et il n'a rien à<br />

redouter <strong>de</strong> moi. Restez <strong>de</strong>hors !"<br />

<strong>Maximus</strong> entra et laissa la lour<strong>de</strong> tenture retomber <strong>de</strong>rrière lui. Il fut immédiatement submergé par une<br />

cacophonie <strong>de</strong> sons et une association d'o<strong>de</strong>urs qui ne ressemblaient en rien à ce qu'il avait pu rencontrer<br />

dans un camp militaire.<br />

Tout ses sens se mirent en alerte. Les o<strong>de</strong>urs ressortirent en premier. L'air épais et humi<strong>de</strong> était rempli<br />

d'o<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> nourriture épicée et <strong>de</strong> vin ainsi que <strong>de</strong>s parfums entêtants <strong>de</strong> jasmin et d'eau <strong>de</strong> rose. A sa<br />

gauche, il y avait <strong>de</strong>s tables couvertes <strong>de</strong> nourriture et <strong>de</strong> boissons. Derrière elles, séparés du reste <strong>de</strong> la<br />

pièce par un ri<strong>de</strong>au opaque, <strong>de</strong>s musiciens jouaient d'instruments en bois, créant un fond <strong>de</strong> douce<br />

mélodie aux conversations animées qui étaient ponctuées <strong>de</strong> rires, d'éructations et <strong>de</strong> petits cris.<br />

A travers une tenture transluci<strong>de</strong> à sa droite, il pouvait apercevoir <strong>de</strong>s formes humaines indistinctes et elles<br />

n'étaient apparemment pas toutes masculines. Il fit un pas en avant et écarta le ri<strong>de</strong>au diaphane qui flotta<br />

un instant avant <strong>de</strong> revenir en place <strong>de</strong>rrière lui.<br />

Il s'arrêta à nouveau pour permettre à son cerveau d'absorber ce que ses yeux voyaient. Ainsi c'était<br />

comme cela, pensa-t-il. C'était ainsi que Cassius achetait la loyauté.<br />

Partout où il regardait, il y avait <strong>de</strong>s hommes et <strong>de</strong>s femmes plus ou moins dévêtus et engagés dans <strong>de</strong>s<br />

activités sexuelles <strong>de</strong> toutes les sortes, sans aucune inhibition et aucunement gênés par le manque<br />

d'intimité. Des corps se contorsionnaient sur les douces couvertures et les coussins confortables aussi<br />

bien que sur les couches sans dossier pour une intimité plus facile. Il regarda une femme se mettre à<br />

genoux et donner du plaisir à un tribun qui continua à converser avec un homme allongé sur la couche d'à<br />

côté, mangeant la nourriture qui lui était donnée bouchée par bouchée par une femme complètement nue.<br />

70


Entre chaque bouchée et fragments <strong>de</strong> conversation, le couple échangeait <strong>de</strong>s baisers mouillés et gras.<br />

Quelques hommes ignoraient les activités charnelles, préférant déguster la nourriture ou simplement<br />

bavar<strong>de</strong>r avec leurs amis officiers. Des serviteurs avec <strong>de</strong> la nourriture et <strong>de</strong>s boissons se déplaçaient<br />

librement parmi les invités, apparemment oublieux <strong>de</strong>s activités autour d'eux.<br />

<strong>Maximus</strong> estima qu'il y avait environ quinze hommes dans la pièce et au moins vingt femmes. Et quelles<br />

femmes. Elles étaient éblouissantes ­ chacune d'entre elles ­ assurément pas <strong>de</strong>s prostituées <strong>de</strong>s villages<br />

voisins. Elles étaient toutes gran<strong>de</strong>s et minces mais plantureuses avec <strong>de</strong>s cheveux longs et soyeux qui<br />

cascadaient librement dans leurs dos et jusqu'à leurs hanches.<br />

En dépit <strong>de</strong>s distractions irrésistibles, <strong>Maximus</strong> était déterminé à accomplir sa mission pour le soir : trouver<br />

un officier avec les doigts croisés.<br />

Il se dirigea vers la sécurité du coin <strong>de</strong>s victuailles où il pouvait s'attar<strong>de</strong>r sans attirer les soupçons<br />

pendant qu'il inspectait la pièce.<br />

Trois gran<strong>de</strong>s tables grinçaient <strong>sous</strong> le poids <strong>de</strong>s plats <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> légumes, <strong>de</strong> fruits, fromages, pains,<br />

poissons ­ un festin qu'il n'avait pas vu <strong>de</strong>puis le jour <strong>de</strong> son mariage.<br />

Des douzaines <strong>de</strong> bouteilles <strong>de</strong> vin avaient été ouvertes et consommées et <strong>de</strong>s douzaines attendaient leur<br />

tour.<br />

Un serviteur lui donna une assiette comme il s'approchait <strong>de</strong> la table et <strong>Maximus</strong> le remercia d'un sourire. Il<br />

fit ensuite toute une mise en scène en examinant l'assortiment, choisissant attentivement les plats les plus<br />

appétissants et saluant chaque homme non loin <strong>de</strong> lui avec un hochement <strong>de</strong> tête en baissant les yeux<br />

pour jeter un coup d'il discret à ses mains. Il fit le tour <strong>de</strong> chaque table au moins <strong>de</strong>ux fois et réalisa qu'il<br />

était resté trop longtemps lorsque la nourriture commença à tomber <strong>de</strong> son assiette surchargée.<br />

"Affamé, général ?" C'était Cassius.<br />

<strong>Maximus</strong> leva la tête si rapi<strong>de</strong>ment que l'assiette s'inclina dans sa main, et la vian<strong>de</strong> et les légumes<br />

tombèrent en casca<strong>de</strong> sur le sol, en un tas poisseux au bout <strong>de</strong> sa botte. La belle femme blon<strong>de</strong> au bras<br />

<strong>de</strong> Cassius fit rapi<strong>de</strong>ment un pas en avant et saisit le bord <strong>de</strong> l'assiette jusqu'à ce que <strong>Maximus</strong> reprenne<br />

son équilibre. Il hocha la tête en guise <strong>de</strong> remerciement et elle montra toutes ses <strong>de</strong>nts parfaites en un<br />

sourire éblouissant avant <strong>de</strong> regagner sa position précédante.<br />

"Général," le ton <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était quelque peu sarcastique, "vous ne m'aviez pas dit que j'étais supposé<br />

amener une amie."<br />

Cassius rit. "Oh, pas besoin ici. Je prends soin <strong>de</strong> mes amis. Je suis attentif à tous leurs besoins," dit<br />

Cassius en versant du vin dans un gobelet ornementé qu'il mit dans la main libre <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

"Je vois." <strong>Maximus</strong> jeta à nouveau un il aux couples mais fut immédiatement distrait par <strong>de</strong>ux femmes qui<br />

s'approchèrent <strong>de</strong> lui en ondulant <strong>de</strong>s hanches, leurs longues jambes révélées par les plis libres <strong>de</strong> leurs<br />

tuniques diaphanes, leur poitrine avantageuse poussant contre le tissu pour exposer un décolleté profond<br />

et leur mamelons rouges. L'une d'entre elles saisit ses bras, faisant se renverser le vin sur sa main et<br />

faisant tomber une cuisse <strong>de</strong> din<strong>de</strong> par terre.<br />

"Ohhh Général !" s'écria l'autre en tâtant ses biceps. "N'êtes-vous pas la plus belle chose que j'ai vu <strong>de</strong>puis<br />

longtemps !" Elle baissa la tête et leva les yeux vers lui, battant <strong>de</strong>s cils. "Mais vous portez beaucoup trop<br />

<strong>de</strong> vêtements." Ses mains cherchèrent les boucles sur les côtés <strong>de</strong> son armure <strong>de</strong> cuir.<br />

Le visage <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> fut immédiatement attiré dans la direction opposée par une main sur sa joue et une<br />

voix haletante. "Affamé, général pour quoi que ce soit ?"<br />

Il regarda dans ses yeux verts soulignés <strong>de</strong> noir.<br />

"Merci, mesdames, mais je peux très bien me débrouiller tout seul."<br />

Il fit pivoter ses épaules, répandant encore plus <strong>de</strong> vin et <strong>de</strong> nourriture en se libérant <strong>de</strong> leur étreinte.<br />

"Pas intéressé par les femmes, général ?" Avec un mouvement <strong>de</strong> la tête, Cassius ordonna aux femmes<br />

déçues <strong>de</strong> partir. "Cela me surprend assez."<br />

"A cet instant, je suis juste affamé <strong>de</strong> nourriture," répondit <strong>Maximus</strong> d'une manière qu'il espérait<br />

convaincante. "Quelles femmes, cependant. Sont-elles d'ici ?"<br />

"Oh la, non. Ce sont <strong>de</strong>s esclaves. Les plus belles <strong>de</strong> l'empire, chacune sélectionnée ou élevée par moi."<br />

"Elevée ?" <strong>Maximus</strong> composa son visage pour cacher son choc.<br />

"Oui. C'est une vraie science ­ un peu comme élever <strong>de</strong>s chevaux. Si j'étais vous, général, je profiterais <strong>de</strong><br />

la situation. Elles sont entraînées pour donner du plaisir aux hommes et elles feront tout ce que vous<br />

voulez tout."<br />

Cassius recula et tapa sur l'épaule <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, faisant tomber un peu plus <strong>de</strong> nourriture sur le tas déjà<br />

présent par terre et faisant glousser son compagnon.<br />

"Mangez, général, puis joignez-vous à la fête. Prenez celle que vous voulez, même si elle est avec un<br />

autre homme. Vous êtes l'invité d'honneur, ici !"<br />

Cassius força la jeune femme à ses côtés à ouvrir la bouche et enfonça sa langue jusque dans sa gorge.<br />

<strong>Maximus</strong> vit les muscles <strong>de</strong> son cou se contracter alors qu'elle avait un léger haut-le-cur avant <strong>de</strong> se<br />

ressaisir et <strong>de</strong> répondre au baiser. Les mains <strong>de</strong> Cassius caressèrent ses fesses, serrant sa chair pâle<br />

alors qu'il la pressait contre ses hanches. Le temps que Cassius interrompt son étreinte, <strong>Maximus</strong> était<br />

retourné à la table où il tendit son assiette à un serviteur, son appétit complètement coupé. La tête<br />

baissée, il jeta un il à Cassius par <strong>de</strong>ssus ses sourcils et fut satisfait <strong>de</strong> voir le visage <strong>de</strong> l'homme se tordre<br />

d'agacement car son invité n'était pas resté tout le temps <strong>de</strong> sa démonstration.<br />

<strong>Maximus</strong> avala une gorgée <strong>de</strong> vin et réfléchit à ce qu'il venait d'apprendre. Cassius achetait et éduquait<br />

ces beautés pour une vie d'esclavage sexuel. Quelque part à Rome, il avait probablement une réserve <strong>de</strong><br />

petites filles qui étaient déjà conditionnées pour prendre la place <strong>de</strong> ces femmes quand elles <strong>de</strong>viendraient<br />

71


trop vieilles ou seraient enceintes ou mala<strong>de</strong>s. <strong>Maximus</strong> frissonna <strong>de</strong> dégoût malgré la chaleur. Il regarda<br />

droit <strong>de</strong>vant lui, ses yeux dans le vague essayant d'effacer les corps mêlés à la périphérie <strong>de</strong> son champ<br />

<strong>de</strong> vision.<br />

Rempli <strong>de</strong> dégoût et <strong>de</strong> répulsion, il fourra son gobelet <strong>de</strong> vin dans les mains d'un serviteur et se dirigea<br />

vers la sortie. Il partait.<br />

Il avait presque atteint le ri<strong>de</strong>au transparent à l'entrée quand une voix féminine <strong>de</strong>rrière lui l'appela :<br />

"Général ? Vous n'appréciez pas la fête ?"<br />

<strong>Maximus</strong> se retourna et se retrouva face à face avec une rousse appétissante qui avait été emprisonnée<br />

dans les bras d'un tribun aux cheveux gris quelques instants plus tôt.<br />

"Non," dit-il simplement en commençant à s'en retourner. Elle lui saisit le bras et le ramena vers elle avec<br />

une force surprenante, puis pressa sa poitrine contre sa cuirasse, sa main encerclant sa nuque et ses<br />

lèvres effleurant son oreille.<br />

"J'ai <strong>de</strong>s messages pour vous, monsieur."<br />

Elle recula et sourit en voyant la surprise sur le visage <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, ses lèvres douces couleur corail et ses<br />

yeux bleus brillants <strong>sous</strong> <strong>de</strong>s cils épais. Sa peau parfaite était laiteuse et ses cheveux d'or cuivré<br />

cascadaient en vagues épaisses jusqu'à ses hanches. Sa tunique était en soie blanche où <strong>de</strong>s fils d'or se<br />

mêlaient, scintillant à la lumière <strong>de</strong>s lampes. Elle révélait la naissance <strong>de</strong> ses seins généreux et était très<br />

ajustée autour <strong>de</strong> sa taille fine avec une ceinture d'or tressé. Le tissu soyeux moulait ses hanches<br />

voluptueuses, ouvert sur le <strong>de</strong>vant pour laisser voir ses longues jambes galbées. <strong>Maximus</strong> ne pouvait<br />

qu'admirer.<br />

La femme était juste quelque centimètres plus petite que <strong>Maximus</strong> et elle soutenait facilement son regard.<br />

Sa voix était légèrement rauque quand elle murmura : "Venez vous asseoir, général. J'ai remarqué que<br />

vous n'aviez rien mangé." Elle sourit. "Nous pourrons être plus intimes plus tard."<br />

Il refusa <strong>de</strong> bouger. "Quel est votre nom ?"<br />

"Julia."<br />

"Julia," répéta <strong>Maximus</strong>, mais il ne sut pas pourquoi.<br />

"Oui," dit Julia en se serrant à nouveau contre lui. Elle maintint son visage avec une main tout en lui<br />

léchant l'oreille et en mordillant le lobe avant <strong>de</strong> murmurer : "Général <strong>Maximus</strong>, coopérez, s'il vous plaît.<br />

C'est dangereux pour nous <strong>de</strong>ux. J'ai <strong>de</strong>s messages <strong>de</strong> la part du tribun Marcellus."<br />

<strong>Maximus</strong> enveloppa sa taille <strong>de</strong> son bras et posa sa main sur sa hanche, la maintenant contre lui. Il<br />

caressa son cou <strong>de</strong> ses lèvres et <strong>de</strong>manda : "Lequel est-ce ?"<br />

"Grand, mince, cheveux gris et barbe, environ au milieu <strong>de</strong> la table <strong>de</strong> victuailles."<br />

<strong>Maximus</strong> jeta un il à la table à travers les mèches rousses <strong>de</strong> ses cheveux parfumés. L'homme qui<br />

correspondait à la <strong>de</strong>scription frotta le majeur <strong>de</strong> sa main droite sur son in<strong>de</strong>x comme si il se grattait puis il<br />

se retourna. C'était suffisant.<br />

"D'accord Julia, j'écouterai ce que vous avez à dire."<br />

Elle fit glisser ses lèvres le long <strong>de</strong> son cou et sur sa joue barbue pour l'embrasser rapi<strong>de</strong>ment avant <strong>de</strong><br />

mordiller sa lèvre inférieure et passer sa langue <strong>de</strong>ssus.<br />

"Nous ne <strong>de</strong>vons pas avoir l'air <strong>de</strong> nous parler, général, ou nous finirons tous les <strong>de</strong>ux cloués sur <strong>de</strong>s<br />

croix," souffla-t-elle contre sa bouche. Elle le pris par la main pour l'emmener loin <strong>de</strong> la sortie mais<br />

<strong>Maximus</strong> la repris dans ses bras et l'embrassa passionnément sur la bouche puis murmura : "Quel est le<br />

nom <strong>de</strong> l'homme qui a contacté Marcellus ?"<br />

La voix <strong>de</strong> Julia était légèrement haletante. "Claudius."<br />

<strong>Maximus</strong> passa ses doigts dans ses longs cheveux et embrassa son front puis ses yeux, ses joues et ses<br />

lèvres.<br />

"Gui<strong>de</strong>z-moi Julia. Je me sens à nouveau affamé, tout à coup."<br />

Ses larges mains entourèrent le visage <strong>de</strong> Julia alors qu'il lui souriait, <strong>de</strong>ux paires d'yeux bleus se<br />

rencontrant. Les mains <strong>de</strong> Julia serrèrent ses avant-bras musclés.<br />

Elle était trop fascinée pour bouger. Marcellus ne lui avait pas dit que le général <strong>Maximus</strong> serait comme<br />

cela. Il était beaucoup plus jeune et bien plus séduisant et fort que ce à quoi elle s'était attendu. Ses<br />

craintes à propos <strong>de</strong> son rôle dans ce complot diminuèrent considérablement. Elle se sentait en sécurité<br />

avec cet homme. Elle lui rendit son sourire avec un <strong>de</strong>s siens, très sincère.<br />

Main dans la main, ils s'approchèrent <strong>de</strong>s tables.<br />

"Il ne reste plus grand-chose à présent, général, mais je sais ce qui est bon et ce qui ne l'est pas. Cela<br />

vous dérangerait-il que je vous prépare une assiette ?"<br />

"Pas du tout, merci." <strong>Maximus</strong> recula d'un pas et se cogna dans Marcellus.<br />

"Excusez-moi, je <strong>de</strong>vrais regar<strong>de</strong>r où je vais."<br />

"Ca n'est pas grave, général."<br />

Marcellus lui tendit la main et <strong>Maximus</strong> la saisit. "Je suis Marcellus, tribun <strong>de</strong> l'empereur Cassius."<br />

"Et très loyal, à ce que je vois. Il se trouve que je crois que Marc-Aurèle est vivant et en bonne santé et<br />

<strong>de</strong>meure le véritable empereur <strong>de</strong> Rome."<br />

<strong>Maximus</strong> pouvait voir Cassius observer leur conversation avec intérêt <strong>de</strong>puis l'autre côté <strong>de</strong> la pièce. Il<br />

était aussi conscient qu'un autre officier s'était glissé très près d'eux en faisant mine d'examiner la<br />

nourriture sur la table.<br />

"Et bien, j'espère que nous pourrons vous persua<strong>de</strong>r <strong>de</strong> changer d'avis, général. Un homme avec vos<br />

capacités légendaires serait très utile à un empereur qui vous apprécie vraiment." Marcellus le regarda <strong>de</strong><br />

haut en bas. "Vous pourriez même être à la tête <strong>de</strong>s prétoriens à Rome. Cela vous plairait-il ? Plus <strong>de</strong><br />

72


camps militaires dans <strong>de</strong> misérables postes avancés."<br />

"Je sers Rome <strong>de</strong> la façon dont mon empereur juge qu'il me convient <strong>de</strong> faire, tribun Marcellus, et je le<br />

ferais toujours."<br />

"Bien Je vois que je ne vais pas réussir à vous convaincre <strong>de</strong> ma façon <strong>de</strong> penser ce soir, général. Ah Je<br />

vois que Julia s'occupe <strong>de</strong> vous. Vous avez bon goût général. Je vous ai vu refuser les autres femmes,<br />

attendant que la meilleure <strong>de</strong>vienne disponible. "Marcellus rit. "Passez une bonne soirée, monsieur. Oh A<br />

propos si vous préférez un peu d'intimité, il y a <strong>de</strong>s pièces entourées <strong>de</strong> tentures au fond avec <strong>de</strong>s<br />

couches et <strong>de</strong>s coussins ­ très confortable."<br />

<strong>Maximus</strong> suivit le regard <strong>de</strong> Marcellus et il vit plusieurs petites zones séparées du reste <strong>de</strong> la pièce par un<br />

tissu épais et drapé.<br />

"Vous comprendrez que ça n'est pas très insonorisé, mais certains hommes ne préfèrent autant pas se<br />

donner en spectacle." Marcellus rit et <strong>Maximus</strong> hocha la tête pour marquer sa compréhension.<br />

"Voilà, général, un petit peu <strong>de</strong> tout ce qui est bon. Le cuisinier personnel <strong>de</strong> l'empereur est excellent," dit<br />

Julia.<br />

"Bon appétit, général." Marcellus s'inclina légèrement alors que Julia prenait à nouveau la main <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong> et l'emmenait dans un coin <strong>de</strong> la pièce principale où elle avait repéré une couche libre.<br />

Elle posa l'assiette sur la petite table à côté d'une lampe à huile légèrement fumante, et elle réunit<br />

quelques coussins, les entassant pour que <strong>Maximus</strong> puisse reposer contre eux. Il commença à s'asseoir<br />

mais elle l'arrêta. "Général, ce cuir à l'air tellement chaud et inconfortable. Pourquoi ne me laissez-vous<br />

pas vous ai<strong>de</strong>r à l'enlever."<br />

Il leva docilement les bras, et elle défit adroitement les attaches. La cuirasse fut bientôt par terre à côté <strong>de</strong><br />

la table.<br />

"Voilà qui est mieux."<br />

Julia recula pour l'admirer. <strong>Maximus</strong> portait à présent une simple tunique lie-<strong>de</strong>-vin en laine qui recouvrait à<br />

peine ses larges épaules et lui arrivait à mi cuisses, puis était serrée à sa taille par une large ceinture <strong>de</strong><br />

cuir. Ses jambes musclées étaient nues, sauf pour les bottes lacées qui couvraient ses mollets.<br />

"Il fait très chaud ici, général. Ne seriez-vous pas plus à l'aise avec <strong>de</strong>s sandales ? Je pourrais trouver"<br />

"J'ai l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s bottes. Ca va très bien."<br />

"Comme vous voulez."<br />

Julia se rendait très bien compte que beaucoup <strong>de</strong> femmes dans la pièce la regardaient avec envie, même<br />

alors qu'elles s'occupaient d'autres hommes. Elle n'avait aucune intention <strong>de</strong> les laisser mettre la main sur<br />

celui-ci et elle déplaça son corps pour leur bloquer la vue sur <strong>Maximus</strong> une fois qu'il fut assis.<br />

<strong>Maximus</strong> se sentait un peu idiot, incliné sur la couche pendant qu'une femme le faisait manger mais il était<br />

décidé à ne pas risquer la vie <strong>de</strong> Julia en étant peu coopératif. Il jouait avec sa chevelure pendant qu'elle<br />

choisissait <strong>de</strong> petits morceaux <strong>de</strong> nourriture et les portait à sa bouche. Il embrassa ses doigts avant qu'elle<br />

ne les éloigne. Il passa ses mains sur la peau satinée <strong>de</strong> ses bras, la faisant frissonner et sourire.<br />

<strong>Maximus</strong> avala une bouchée et <strong>de</strong>manda : "D'où venez-vous, Julia ?"<br />

Elle s'arrêta, sa main à mi-chemin entre l'assiette et sa bouche. "Je suis née à Rome."<br />

"Vous êtes une esclave ?"<br />

Elle acquiesça.<br />

"Comment est-ce arrivé ?"<br />

"Je suis née esclave, monsieur. Je ne sais pas qui sont mes parents." Elle s'approcha et l'embrassa<br />

longuement. Avant <strong>de</strong> reprendre sa position initiale, elle murmura : "Vous posez beaucoup trop <strong>de</strong><br />

questions."<br />

Il persista : "Quel âge avez-vous ?"<br />

"Je ne suis pas sûre. Environ dix huit ans, je pense."<br />

<strong>Maximus</strong> but son vin en l'observant. Elle était vraiment la plus belle femme qu'il ait jamais vu ou imaginé et<br />

ça le rendait mala<strong>de</strong> <strong>de</strong> penser à elle comme le jouet <strong>de</strong> Cassius ou <strong>de</strong> tout officier qui la voulait. Il soupira<br />

profondément en pensant aux choses qu'elle avait probablement été obligée <strong>de</strong> faire dans sa jeune<br />

existence.<br />

Julia s'inquiéta : "Je ne vous rends pas heureux."<br />

Elle remonta sa main le long <strong>de</strong> sa cuisse et <strong>sous</strong> sa tunique avant qu'il ne lui saisisse le poignet pour la<br />

stopper.<br />

"S'il vous plaît, général. Ils sauront que quelque chose ne va pas," murmura-t-elle précipitamment. "Je suis<br />

douée d'habitu<strong>de</strong> pour satisfaire les hommes."<br />

Il relâcha sa prise sur son poignet mais ne la libéra pas. "Je suis marié," dit-il doucement.<br />

"Comme la moitié <strong>de</strong>s hommes ici. Cassius est marié." Ses yeux le supplièrent.<br />

Il soupira à nouveau. "Venez ici," dit-il en amenant le corps <strong>de</strong> Julia sur le sien, ses jambes <strong>de</strong> chaque côté<br />

<strong>de</strong> ses hanches, ses seins pressés contre sa poitrine. Une main caressa le dos <strong>de</strong> la jeune fille, puis ses<br />

fesses alors que l'autre tourna son visage vers son cou. Il murmura à son oreille : "Julia, je n'ai pas<br />

l'intention <strong>de</strong> risquer votre vie. Mais comprenez ceci : j'ai promis à ma femme que je resterais fidèle et je<br />

tiendrai cette promesse, peut importe si c'est difficile pour moi, peu importe à quel point je vous veux.<br />

Maintenant, embrassez-moi, puis nous irons dans l'une <strong>de</strong> ces pièces à l'arrière où la conversation est<br />

moins risquée."<br />

Il tourna son visage sur le côté et s'empara <strong>de</strong> ses lèvres pour un baiser qui fit tourner la tête <strong>de</strong> Julia, sa<br />

langue explorant sa bouche. Quand il essaya d'interrompre le baiser, elle ne le laissa pas faire et souda sa<br />

bouche à la sienne.<br />

73


Elle savait qu'il était excité mais elle l'était aussi ­ et cela la choquait. Elle retira finalement sa langue <strong>de</strong> la<br />

bouche <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et embrassa doucement ses yeux fermés alors qu'il luttait pour calmer sa respiration.<br />

"<strong>Maximus</strong>," murmura-t-elle.<br />

Ses yeux s'ouvrirent brusquement. "Ne m'appelez pas comme ça," grogna-t-il.<br />

Elle aimait sa voix profon<strong>de</strong>. "Pourquoi ?"<br />

"C'est trop trop intime."<br />

"<strong>Maximus</strong>, je suis allongée sur vous, il n'y a presque rien qui sépare nos corps et vous pensez que vous<br />

appeler par votre prénom est trop intime ?" Elle rit et l'embrassa à nouveau.<br />

Il ne put trouver une réplique à ce commentaire et elle profita <strong>de</strong> son silence pour se pelotonner contre sa<br />

poitrine, heureuse d'entendre son cur battre aussi fort que le sien. Ses bras puissants l'enveloppèrent et la<br />

serrèrent très fort.<br />

"<strong>Maximus</strong>," soupira-t-elle contre lui. "Ce nom vous va bien. Si fort." Elle resta immobile quelques instants<br />

avant <strong>de</strong> s'appuyer sur ses cou<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r son visage, ses doigts ébouriffant ses cheveux épais.<br />

"Mais tellement gentil." Son ton était légèrement incrédule. "Les hommes ne sont pas souvent gentils avec<br />

moi, <strong>Maximus</strong>. Je ne me souviens même pas avoir été serrée dans les bras <strong>de</strong> quelqu'un avant."<br />

A l'étonnement <strong>de</strong> Julia, <strong>Maximus</strong> gronda : "Vous êtes une <strong>de</strong>s choses que j'entends faire payer très cher<br />

à Cassius."<br />

Sur ces mots, <strong>Maximus</strong> fit rouler Julia sur le côté et l'attrapa avant qu'elle ne tombe <strong>de</strong> la couche, avec un<br />

bras <strong>sous</strong> ses genoux et l'autre <strong>sous</strong> ses bras. Il la hissa contre lui comme si elle ne pesait rien et la serra<br />

contre sa poitrine en se dirigeant vers une petite pièce entourée <strong>de</strong> tentures, enjambant ou écartant du<br />

pied tout ce qui était sur son chemin.<br />

Chapitre 45 : Le Plan<br />

A l'intérieur <strong>de</strong> la pièce privée, <strong>Maximus</strong> laissa <strong>de</strong>scendre Julia <strong>de</strong> ses bras et tira le ri<strong>de</strong>au, assombrissant<br />

considérablement le petit espace. Une seule lampe brûlait sur la table mais sa faible lumière n'atteignait<br />

même pas les coins <strong>de</strong> la pièce.<br />

<strong>Maximus</strong> attendit un instant que ses yeux s'habituent à la pénombre puis inspecta l'endroit qui était<br />

délimité par <strong>de</strong>s ri<strong>de</strong>aux sombres et épais sur les quatre côtés. <strong>Maximus</strong> tâta le tissu et découvrit que les<br />

panneaux étaient cousus ensembles, protégeant efficacement la pièce <strong>de</strong>s yeux indiscrets mais c'était loin<br />

d'être insonorisé comme l'avait prévenu Marcellus. Il y avait d'autres pièces <strong>de</strong> chaque côté <strong>de</strong> celle-ci et<br />

les ri<strong>de</strong>aux n'atteignaient pas le plafond <strong>de</strong> la tente.<br />

"<strong>Maximus</strong>"<br />

Il intima le silence à Julia avec un doigt sur ses lèvres et resta immobile, écoutant, la tête légèrement<br />

penchée sur le côté.<br />

Après quelques instants, <strong>Maximus</strong> se détendit visiblement et pris la main <strong>de</strong> Julia pour l'amener contre lui,<br />

ses seins effleurant son torse.<br />

"Maintenant, dites-moi très doucement ce que vous savez."<br />

Julia se sentit soudainement timi<strong>de</strong> et se tint maladroitement avec les mains <strong>de</strong> chaque côté <strong>de</strong> son corps,<br />

craignant <strong>de</strong> toucher <strong>Maximus</strong>.<br />

<strong>Maximus</strong> l'encouragea à nouveau : "Julia, dites-moi ce que Marcellus vous a dit."<br />

"Il m'a averti que Cassius" <strong>Maximus</strong> mit soudainement le visage <strong>de</strong> Julia contre son épaule pour atténuer<br />

le son <strong>de</strong> sa voix et elle saisit ses bras pour se soutenir.<br />

"Ne parlez pas trop fort," murmura-t-il à son oreille.<br />

Le cur battant, elle se <strong>de</strong>manda ce qu'il avait entendu, puis elle l'entendit aussi : le son d'un ri<strong>de</strong>au tiré pour<br />

être fermé dans la pièce à la droite <strong>de</strong> la leur. Puis, tout fut à nouveau silencieux, mis à part le bruit <strong>de</strong> son<br />

cur cognant dans sa poitrine et sa respiration rapi<strong>de</strong> et superficielle contre le cou <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

<strong>Maximus</strong> fixa le ri<strong>de</strong>au commun aux <strong>de</strong>ux pièces, cherchant tout signe <strong>de</strong> mouvement. Le ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong>meura<br />

immobile. Mais quelqu'un était là. Quelqu'un était dans la pièce d'à côté, prêtant une oreille silencieuse à<br />

leur conversation ou à <strong>de</strong>s bruits d'activité sexuelle.<br />

<strong>Maximus</strong> expira lentement et lui souffla : "Rapi<strong>de</strong>ment. Dites-moi ce que Marcellus vous a dit."<br />

"<strong>Maximus</strong>, vous courez un grave danger. Cassius prévoit <strong>de</strong> vous faire assassiner et <strong>de</strong> faire passer ça<br />

pour un acci<strong>de</strong>nt. Il pense que vous êtes bien trop puissant et que l'armée vous soutiendrait contre lui ­<br />

que même ses propres hommes le feraient."<br />

"Quand ?"<br />

"Je ne sais pas. Bientôt."<br />

"Continuez."<br />

"Marcellus croit que la seule façon d'arrêter Cassius est <strong>de</strong> le tuer. Il s'en chargerait si vous le protégiez et<br />

lui offriez l'immunité."<br />

"Comment compte-t-il le tuer ?"<br />

"Cassius ne soupçonne pas que Marcellus est contre lui. Il laisse Marcellus s'approcher très près <strong>de</strong> lui"<br />

"Chuuuutt"<br />

<strong>Maximus</strong> avait remarqué un léger mouvement du ri<strong>de</strong>au et un petit rayon <strong>de</strong> lumière apparut sur le sol. La<br />

personne qui était dans l'autre pièce <strong>de</strong>venait curieuse ou impatiente.<br />

La lumière disparut.<br />

"Julia, nous <strong>de</strong>vrons faire du bruit. Des sons passionnés."<br />

En dépit <strong>de</strong> leur situation dangereuse, Julia ne put s'empêcher <strong>de</strong> le taquiner un peu. "Alors vous allez<br />

<strong>de</strong>voir me faire l'amour, <strong>Maximus</strong>."<br />

74


"Non, je vous ai dit"<br />

"Oui, oui, je plaisantais. Ne vous inquiétez pas, je peux faire semblant. C'est quelque chose que je fais<br />

souvent, croyez-moi."<br />

Julia mit sa tête sur son épaule et ferma les yeux, rendant sa respiration plus profon<strong>de</strong>.<br />

"Pouvez-vous m'écoutez pendant que vous faites ça ?"<br />

Elle hocha la tête et ponctua ses respirations <strong>de</strong> quelques soupirs.<br />

<strong>Maximus</strong> poursuivit "Dites à Marcellus que j'avais prévu <strong>de</strong> gagner du temps avec Cassius jusqu'à ce que<br />

Marc-Aurèle arrive ici mais je n'ai aucune idée <strong>de</strong> quand cela sera alors le projet <strong>de</strong> tuer Cassius est le<br />

seul qui soit logique."<br />

Julia acquiesça et émit un grognement rauque dans sa gorge.<br />

La respiration <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> commença à s'accélérer et Julia sourit <strong>de</strong> satisfaction quand elle le sentit. "Oh,<br />

général," murmura-t-elle. "Oh, faites ça encore."<br />

Elle bougea ses hanches contre lui et il saisit ses fesses, l'immobilisant, puis il retira rapi<strong>de</strong>ment ses mains<br />

comme si il avait été brûlé. Julia embrassa doucement la barbe rugueuse dans son cou avant d'intensifier<br />

sa respiration. Elle était parfaitement conscience que sa passion allait bien au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> la simulation. Tout<br />

contre <strong>Maximus</strong>, il était très facile d'imaginer ses bras musclés la soulever et la déposer sur ses hanches<br />

alors qu'il<br />

"Julia, dites à Marcellus qu'il poursuive son plan et que je lui fournirai l'ai<strong>de</strong> dont il a besoin. Pour cela,<br />

cependant, j'ai besoin d'être présent quand il accomplira sa tâche. C'est très important qu'il le fasse lui<br />

même ­ c'est un <strong>de</strong>s proches <strong>de</strong> Cassius ­ pour montrer aux autres Julia ? Julia ? M'avez-vous compris ?"<br />

Murmura précipitamment <strong>Maximus</strong>.<br />

"Oui" Le mot parut évasif et ses hanches se pressèrent contre lui mais <strong>Maximus</strong> savait que ses actes<br />

échappaient à présent à son contrôle. Elle était remplie <strong>de</strong> désir et il avait bien peur qu'elle ne soit plus<br />

concentrée. Il la secoua légèrement.<br />

"Julia, écoutez. Je suis surveillé <strong>de</strong> près. Cela me sera difficile d'échapper à mes gar<strong>de</strong>s mais je peux peut<br />

être m'échapper la nuit avec l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> Claudius."<br />

<strong>Maximus</strong> regarda à nouveau le ri<strong>de</strong>au et le vit bouger rapi<strong>de</strong>ment d'avant en arrière comme si quelqu'un<br />

se tenait tout contre et respirait très fort. La petite comédie <strong>de</strong> Julia excitait apparemment quelqu'un d'autre<br />

qu'elle ­ et que lui.<br />

<strong>Maximus</strong> inspira profondément plusieurs fois, luttant pour contrôler ses émotions, puis en un mouvement<br />

rapi<strong>de</strong>, il pris Julia dans ses bras et l'allongea sur la couche, les pieds en bois du meuble protestant avec<br />

un léger craquement. <strong>Maximus</strong> resta à côté du divan en face <strong>de</strong> Julia, en équilibre sur une jambe, et il<br />

plaça gentiment son autre genou haut entre ses cuisses écartées. Elle tendit les bras pour l'attirer à elle<br />

mais il secoua la tête et saisit ses mains pour les repousser. Après seulement un peu <strong>de</strong> pression, Julia<br />

s'arqua et convulsa, criant son nom. Quelques instants plus tard, un grognement profond se fit entendre <strong>de</strong><br />

l'autre côté du ri<strong>de</strong>au. <strong>Maximus</strong> grinça <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts, frustré, le seul du trio à ne pas être satisfait.<br />

Il tressaillit légèrement en enlevant son genoux <strong>de</strong> la couche et alla silencieusement jusqu'au ri<strong>de</strong>au qui<br />

servait <strong>de</strong> porte à la pièce, l'écartant légèrement et jetant un il juste à temps pour voir filer un tribun<br />

dégarni, sans aucun doute pour rapporter à Cassius tous les détails <strong>de</strong> ce qu'il venait d'entendre. <strong>Maximus</strong><br />

espérait vraiment que ce rapport ne comporterait rien d'autre que <strong>de</strong>s soupirs et <strong>de</strong>s gémissements. Il jeta<br />

un il à la petite pièce <strong>de</strong> l'autre côté <strong>de</strong> la leur et vit qu'elle était aussi inoccupée. Il laissa retomber le<br />

ri<strong>de</strong>au et se tourna vers Julia quand il l'entendit parler doucement.<br />

"Vous êtes un homme étrange."<br />

<strong>Maximus</strong> croisa les bras et laissa son corps se détendre un peu. Il était soudain extrêmement fatigué.<br />

"Vraiment ? Comment cela ?" <strong>de</strong>manda-t-il à voix basse.<br />

Julia roula sur son flanc et ajusta ses vêtements pour couvrir ses jambes avant d'expliquer : "Vous êtes le<br />

seul homme que j'ai jamais rencontré qui ne se préoccupe pas uniquement <strong>de</strong> son seul plaisir." Elle sourit<br />

malicieusement. "Vous allez le payer, vous savez."<br />

Il passa sa main sur ses yeux puis sur sa nuque. "Je sais. J'espère juste que je n'aurais pas à monter à<br />

cheval <strong>de</strong>main."<br />

Julia rit puis son ton <strong>de</strong>vint très sérieux. "J'envie votre femme. Elle a beaucoup <strong>de</strong> chance."<br />

<strong>Maximus</strong> sourit. "J'aime croire que c'est le cas."<br />

"J'espère qu'elle en vaut la peine."<br />

"Oui. Je lui ai promis" ses mots s'éteignirent.<br />

"Avez-vous <strong>de</strong>s enfants ?"<br />

"Un fils <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans. Son nom est Marcus."<br />

"Comme l'empereur ?"<br />

"Oui."<br />

Julia se leva du divan et s'approcha <strong>de</strong> lui, s'arrêtant juste avant qu'elle ne soit assez près pour le toucher.<br />

"Vous <strong>de</strong>vez penser beaucoup <strong>de</strong> bien <strong>de</strong> l'empereur."<br />

"Oui. Il est comme un père pour moi. J'ai perdu mon père quand j'étais jeune."<br />

Julia soupira profondément et <strong>Maximus</strong> put voir les larmes briller dans ses yeux. Ses mots furent hésitants.<br />

"Ce que vous m'avez fait Etait-ce seulement parce que vous étiez obligé <strong>de</strong> le faire ?"<br />

<strong>Maximus</strong> ne répondit pas parce qu'il ne connaissait vraiment pas la réponse. "Julia, vous trouverez<br />

quelqu'un un jour. Quelqu'un <strong>de</strong> très spécial," dit-il.<br />

"<strong>Maximus</strong>, je suis une esclave." Ses mots étaient légèrement étranglés car les larmes retenues serraient<br />

sa gorge.<br />

75


"Quand Cassius sera parti, vous aurez votre liberté. Vous l'avez mérité, et les autres femmes aussi."<br />

"Mais il n'y a qu'un seul vous. Et vous être pris."<br />

"Julia, je n'ai pas vu ma femme <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux ans. Etre marié à un homme dans ma position comporte<br />

d'énormes inconvénients. Olivia fait <strong>de</strong>s sacrifices incroyables"<br />

"Olivia ?"<br />

<strong>Maximus</strong> regarda la jeune beauté se tenant <strong>de</strong>vant lui et réorienta rapi<strong>de</strong>ment la conversation sur l'affaire<br />

en cours. "Julia Vous souvenez-vous <strong>de</strong> ce que je vous ai <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> dire à Marcellus ?"<br />

"Oui."<br />

"Quoi ?"<br />

"Que vous l'ai<strong>de</strong>rez et que vous <strong>de</strong>vez être là quand cela se fera mais que vous êtes très bien surveillé. Je<br />

suppose que vous voulez qu'il vous dise quand, où et comment cela se produira."<br />

"Oui. Et ça doit se faire très vite."<br />

"Doit-il faire passer le message par Claudius ?"<br />

"Cela serait le moyen le plus sûr."<br />

"<strong>Maximus</strong>, soyez pru<strong>de</strong>nt, je vous en prie. Votre vie est en grand danger. Souvenez-vous en," supplia<br />

Julia, ses mains se tendant un instant vers lui avant <strong>de</strong> retomber le long <strong>de</strong> son corps.<br />

Il hocha la tête. "Je dois partir. Vous vous êtes bien débrouillée, Julia. Marcellus a été avisé <strong>de</strong> vous<br />

choisir."<br />

Désireux <strong>de</strong> mettre fin à leur conversation difficile, il écarta rapi<strong>de</strong>ment le ri<strong>de</strong>au et le laissa retomber<br />

<strong>de</strong>rrière lui quand il retourna dans la gran<strong>de</strong> pièce principale, uniquement pour constater que <strong>de</strong> nombreux<br />

officiers étaient déjà partis et que ceux qui restaient étaient affalés sur les couches, ivres morts ou<br />

endormis. Leurs ronflements se mêlèrent aux sanglots étouffés qu'il entendait et qui venaient <strong>de</strong> la pièce<br />

qu'il venait <strong>de</strong> quitter.<br />

Il avait réussi sa mission <strong>de</strong> cette nuit mais il était troublé ­ vi<strong>de</strong>.<br />

Il trouva son amure là où il l'avait laissée et la remit, retournant aux tables <strong>de</strong> victuailles pour prendre un<br />

morceau <strong>de</strong> pain, ce qui lui permit <strong>de</strong> glisser un couteau aiguisé <strong>sous</strong> sa cuirasse avant <strong>de</strong> se diriger vers<br />

la sortie.<br />

Il sortit <strong>de</strong> la tente <strong>de</strong> Cassius et inspira l'air frais et pur puis fut immédiatement suivi par ses quatre<br />

gar<strong>de</strong>s. Il les ignora et se dirigea vers sa tente mais la peau sur sa nuque frissonna. Ces hommes<br />

seraient-ils ses assassins ?<br />

Chapitre 46 : Supercherie<br />

"Pssst, général."<br />

Cette fois, <strong>Maximus</strong> fut réveillé en un instant, poignard à la main, et il fut sur le sol <strong>de</strong> sa tente peu <strong>de</strong><br />

temps après, se sentant légèrement désorienté. Quelle heure était-il ? Il avait l'impression qu'il venait juste<br />

<strong>de</strong> s'endormir.<br />

"Je suis là," murmura-t-il.<br />

"N'allez pas faire du cheval aujourd'hui, monsieur."<br />

<strong>Maximus</strong> pensa avec ironie à sa conversation avec Julia. "Je n'y comptais pas."<br />

"Cassius a l'intention <strong>de</strong> vous emmener voir les alentours. Il prévoit <strong>de</strong> vous faire tomber <strong>de</strong> cheval quand<br />

vous serez sur un pont étroit et <strong>de</strong> vous laisser tomber dans la rivière pour que vous vous y noyiez. Si vous<br />

survivez, ses hommes vous maintiendront <strong>sous</strong> l'eau jusqu'à ce que cela se produise."<br />

<strong>Maximus</strong> rit presque. "Et c'est supposé avoir l'air d'un acci<strong>de</strong>nt ? Pas un seul homme dans l'armée<br />

romaine ne croira que j'ai simplement pu tomber <strong>de</strong> mon cheval."<br />

Claudius eut l'air légèrement offensé. "Je vous répète juste ce que j'ai entendu, monsieur."<br />

"Pardon, Claudius. Je suis très fatigué et tout me semble risible à cet instant."<br />

<strong>Maximus</strong> secoua la tête avec incrédulité en entendant la suite. "Ils vont couper une partie <strong>de</strong> la sangle<br />

<strong>sous</strong>-ventrière"<br />

"Et comment vont-ils faire pour que la sangle lâche au moment où je serais sur le pont ?"<br />

Tout le plan semblait délirant ­ suffisamment pour que <strong>Maximus</strong> se réveille complètement et <strong>de</strong>vienne<br />

méfiant. Etait-il sage <strong>de</strong> faire confiance à Claudius, après tout ?<br />

Il se mit <strong>de</strong>bout aussi souplement et silencieusement qu'un chat et alla vers l'arrière <strong>de</strong> la tente où il inséra<br />

son poignard dans la couture et le fit remonter, coupant les fils puis agrandissant le trou avec ses doigts. Il<br />

retourna tout aussi silencieusement à sa place sur le sol.<br />

" <strong>de</strong>vez me faire confiance.." fut tout ce que <strong>Maximus</strong> entendit <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière phrase <strong>de</strong> Claudius.<br />

"Je vous fait confiance et je serais très pru<strong>de</strong>nt. Merci <strong>de</strong> m'avoir prévenu, Claudius. Avez-vous parlé au<br />

tribun après le dîner ?" Il ne voulait pas prononcer le nom <strong>de</strong> Marcellus.<br />

"Je n'en ai pas encore eu l'occasion, monsieur. J'ai pensé que je <strong>de</strong>vais venir vous mettre en gar<strong>de</strong> avant."<br />

"J'apprécie, Claudius, et je serais très pru<strong>de</strong>nt."<br />

"Je vais vous laisser vous rendormir, monsieur."<br />

Claudius se redressa et se dirigea vers l'arrière <strong>de</strong> la tente comme il l'avait fait auparavant. <strong>Maximus</strong> le<br />

suivit à l'intérieur <strong>de</strong> la tente et jeta un il par l'ouverture qu'il avait faite à l'homme qui s'en allait <strong>de</strong> dos et<br />

qui était chauve. La même tête chauve qu'il avait vu quitter la pièce à côté <strong>de</strong> celle qu'il avait partagée<br />

avec Julia.<br />

<strong>Maximus</strong> s'assit lentement sur le sol. Il savait que ses souvenirs <strong>de</strong> Claudius étaient exacts. L'homme qui<br />

avait reçu la médaille du courage en Germanie avait d'épais cheveux blonds. Il en aurait parié sa tête.<br />

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Avaient-ils tué Claudius pour donner son i<strong>de</strong>ntité à cet homme chauve pour lui donner l'impression qu'il<br />

était en sécurité ? Que se passait-il ? Marcellus et Julia faisaient-ils également partie du complot ?<br />

Marcellus sûrement mais Julia ? La fureur lui brûla les veines.<br />

Après plusieurs respirations profon<strong>de</strong>s et calmantes, <strong>Maximus</strong> se précipita à l'entrée <strong>de</strong> sa tente, faisant<br />

sursauter ses gar<strong>de</strong>s somnolents.<br />

Il sourit d'un air complice : "J'ai une démangeaison qui ne veut pas se calmer. Cette esclave rousse Julia<br />

amenez-la moi."<br />

Les gar<strong>de</strong>s se regardèrent avec un air affolé et l'un dit : "Elle appartient à Cassius, monsieur."<br />

"Cassius l'a partagée volontiers tout à l'heure. Je suis sûr que cela ne le dérangerait pas <strong>de</strong> le faire à<br />

nouveau." Les gar<strong>de</strong>s ne bougèrent pas. "Je suis son invité, après tout."<br />

Après un instant <strong>de</strong> réflexion, le gar<strong>de</strong> le plus âgé fit un mouvement <strong>de</strong> tête et un <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s fila en<br />

direction du praetorium.<br />

Moins d'un quart d'heure après, il revint, traînant après lui une Julia visiblement effrayée qui tenait son<br />

peignoir fermé au niveau <strong>de</strong> sa poitrine.<br />

Ses yeux s'agrandirent quand elle vit <strong>Maximus</strong> et elle fut jetée dans ses bras avec ru<strong>de</strong>sse. Il remercia les<br />

gar<strong>de</strong>s avec un hochement <strong>de</strong> tête et il la souleva du sol avec un bras <strong>sous</strong> ses seins, la portant <strong>de</strong><br />

l'entrée jusqu'à son lit avant <strong>de</strong> la laisser re<strong>de</strong>scendre, tout en la tenant toujours fermement.<br />

Son visage montrait <strong>de</strong> la peur et <strong>de</strong> la confusion. "<strong>Maximus</strong>" Ses mots s'étranglèrent dans sa gorge quand<br />

elle sentit l'extrémité aiguisée d'un poignard <strong>de</strong>rrière son oreille. Le son <strong>de</strong> la voix <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> fut encore<br />

plus effrayant quand il se mit à gron<strong>de</strong>r dans son oreille.<br />

"Belle performance ce soir, Julia."<br />

"<strong>Maximus</strong>, je ne comprends pas." Tout son corps tremblait.<br />

"Parle moins fort ou je tranche ta jolie gorge."<br />

Julia essaya désespérément d'améliorer son humeur. "Je savais que vous seriez frustré mais là"<br />

"Tiens-toi tranquille et fais ce que je te dis. Décris-moi Claudius."<br />

"Je ne l'ai jamais vu."<br />

Un <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s écarta légèrement la lour<strong>de</strong> tenture pour jeter un il. "Va t'en !!" aboya <strong>Maximus</strong>, faisant<br />

sursauter Julia comme si elle avait été frappée. La tenture retomba en place et <strong>Maximus</strong> poursuivit son<br />

interrogatoire.<br />

"Qui a arrangé notre entrevue <strong>de</strong> ce soir ?"<br />

"Marcellus."<br />

"Marcellus. Est-ce un vrai tribun, Julia ?"<br />

Elle geignit un peu, terrifiée par la soudaine brutalité <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. "Oui, oui. C'est un <strong>de</strong>s conseillers les<br />

plus proches <strong>de</strong> Cassius."<br />

"Et il t'a dit ce que tu <strong>de</strong>vais dire ?"<br />

"Je vous ai juste répété exactement ce qu'il m'a dit <strong>de</strong> vous dire. Général, qu'est-ce qui ne va pas ?"<br />

Le torse <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> se soulevait <strong>de</strong> colère et son souffle était court dans son oreille. Il gronda : "Claudius<br />

n'est pas Claudius."<br />

"Quoi ?"<br />

"J'ai connu Claudius en Germanie et l'homme qui prétend être lui ne lui ressemble en rien. Claudius est...<br />

était... <strong>de</strong> corpulence moyenne et blond. Cet homme est très costaud et dégarni."<br />

"C'est Balbinus. C'est un tribun et un ami proche <strong>de</strong> Marcellus. <strong>Maximus</strong> que se passe-t-il ?"<br />

"Je ne sais pas. Mais tu en fais partie."<br />

"Je vous en prie Je n'ai fait que délivrer le message, <strong>Maximus</strong>. Je ne fais partie d'aucun complot contre<br />

vous." Julia pleurait silencieusement à présent. "Vous croyez que je pourrais vous faire cela ?"<br />

"Je crois que vous pouvez faire tout ce que vous voulez. C'est une jolie comédie que vous avez jouée pour<br />

moi, ce soir."<br />

Julia posa une main tremblante sur la main qui tenait le poignard contre sa gorge. "Ca n'était pas <strong>de</strong> la<br />

comédie, <strong>Maximus</strong>."<br />

<strong>Maximus</strong> la laissa éloigner le couteau <strong>de</strong> sa gorge puis Julia recula et se tourna pour lui faire face,<br />

s'entourant <strong>de</strong> ses propres bras et essayant <strong>de</strong> réprimer les sanglots qui s'entendaient à travers le ri<strong>de</strong>au<br />

<strong>de</strong> cheveux cuivrés qui cachaient son visage baissé.<br />

"Je ne ferais je n'ai rien je" bégaya-t-elle entre <strong>de</strong>ux hoquets.<br />

<strong>Maximus</strong> soupira impatiemment puis remis le poignard <strong>de</strong>rrière sa ceinture, et tenta <strong>de</strong> prendre Julia dans<br />

ses bras. Elle résista et essaya <strong>de</strong> se mettre en boule loin <strong>de</strong> lui mais il persista et elle se laissa aller peu à<br />

peu contre lui, laissant ses larmes couler librement, mouillant la tunique <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

Il murmura à son oreille d'un ton navré : "Je suis désolé. Je vous ai fait beaucoup pleurer, ce soir. Je ne<br />

sais pas à qui je peux faire confiance, Julia, ou qui essaie <strong>de</strong> m'entraîner dans un piège. Et je ne sais pas<br />

ce que vous faites dans ce scénario."<br />

"Personne ne se confie à moi, <strong>Maximus</strong>. On m'utilise simplement ­ comme messagère, comme source <strong>de</strong><br />

plaisir. Je me plie juste aux besoins <strong>de</strong>s hommes. Rien <strong>de</strong> plus." Elle se recula pour regar<strong>de</strong>r dans ses<br />

yeux. "Si je pensais que j'ai fait quelque chose qui puisse vous faire du mal - même involontairement ­ je<br />

ne pourrais jamais vivre avec ça."<br />

"Vous n'avez rien fait. Venez ici et asseyez-vous."<br />

Elle suivit <strong>Maximus</strong> jusqu'au lit où ils s'assirent côte à côte, l'un près <strong>de</strong> l'autre mais sans se toucher.<br />

"Je ne vous aurais jamais blessée avec ce poignard," essaya-t-il gentiment <strong>de</strong> la rassurer.<br />

"Vous aviez l'air très convaincant. Vous pouvez être très effrayant quand vous le voulez."<br />

77


"Je sais. Cela peut ai<strong>de</strong>r, parfois." Il baissa le ton jusqu'à un murmure. "Julia, j'ai besoin <strong>de</strong> votre ai<strong>de</strong>."<br />

"Comment puis-je vous ai<strong>de</strong>r ?"<br />

"Je dois tuer Cassius et faire croire que c'est un <strong>de</strong> ses hommes qui l'a fait."<br />

"Pourquoi un <strong>de</strong> ses hommes ?"<br />

"Parce que si je le tue, je ne sortirais jamais d'ici vivant et mes hommes non plus. Mais si les soldats <strong>de</strong> sa<br />

légion pensent que l'un d'entre eux l'a tué, ça les plongera dans la confusion et les alliés <strong>de</strong> Marc-Aurèle<br />

auront le temps que rassembler les forces dont ils ont besoin pour prendre le contrôle ­ avec mon ai<strong>de</strong>,<br />

bien entendu." Il la laissa digérer l'in<strong>format</strong>ion puis ajouta "M'ai<strong>de</strong>rez-vous ?"<br />

Elle hocha la tête. "Vous savez que oui." Elle se tut un instant puis dit "Me ferez-vous confiance ?"<br />

"Oui."<br />

"En êtes-vous sûr ? Je ne veux pas être à nouveau traînée ici avec un poignard sur la gorge."<br />

<strong>Maximus</strong> sourit à son ton <strong>de</strong> plaisanterie. "Je ne vous en blâme pas."<br />

"Et qu'advient-il du complot pour vous tuer ? Vous êtes aussi en danger, vous vous souvenez ?"<br />

"Balbinus m'a déconseillé d'aller faire un tour à cheval à l'extérieur du camp aujourd'hui. Peut être que<br />

Cassius a l'intention <strong>de</strong> quitter le camp après m'avoir suffisamment rendu craintif pour que je reste sur<br />

place, où je serais mort quand il sera revenu, comme cela, ses mains resteront propres."<br />

Julia frissonna.<br />

"Je vais <strong>de</strong>voir déjouer ce qu'il a en tête, "dit tranquillement <strong>Maximus</strong> en posa la large main sur celle <strong>de</strong><br />

Julia, la recouvrant complètement. "Connaissez-vous les occupations quotidiennes <strong>de</strong> Cassius ?"<br />

Julia acquiesça. "Trop bien."<br />

"Décrivez-les moi pour que je puisse déci<strong>de</strong>r quand et où faire cela."<br />

Ils étaient tous les <strong>de</strong>ux assis sur le lit <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, conversant tranquillement. De temps en temps,<br />

<strong>Maximus</strong> repoussait une mèche <strong>de</strong>s cheveux <strong>de</strong> Julia et, pour tout observateur, ils avaient l'air d'amants<br />

échangeant <strong>de</strong>s mots et <strong>de</strong>s gestes d'affection.<br />

Chapitre 47 : Le sort <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s<br />

Quand le soleil fut haut dans le ciel le matin suivant et que le général <strong>Maximus</strong> n'avait toujours pas fait son<br />

apparition, les gar<strong>de</strong>s ne furent pas inquiets. Après tout, il avait eu une nuit plutôt active et même lui avait<br />

besoin <strong>de</strong> sommeil.<br />

Mais quand il ne se fut toujours pas montré au milieu <strong>de</strong> la matinée, ils décidèrent <strong>de</strong> le réveiller. Tout ce<br />

qu'ils trouvèrent fut une couture <strong>de</strong> tente coupée et un lit vi<strong>de</strong>.<br />

Les quatre gar<strong>de</strong>s s'immobilisèrent un moment, paniqués. Cassius les avait chargé <strong>de</strong> suivre la trace du<br />

général <strong>Maximus</strong> chaque minute <strong>de</strong> chaque jour et à présent, ils n'avaient aucune idée <strong>de</strong> l'endroit où il se<br />

trouvait. La vision fulgurante <strong>de</strong> centurions pourrissants sur <strong>de</strong>s croix traversa leurs esprits au même<br />

instant, retournant leurs estomacs et rendant leurs jambes faibles. Avec une discussion courte et<br />

fiévreuse, <strong>de</strong>ux d'entre eux partirent en courant interroger les hommes <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et les <strong>de</strong>ux autres s'en<br />

allèrent interroger Julia.<br />

Les hommes <strong>de</strong> la cavalerie <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> étaient occupés à prendre soin <strong>de</strong> leurs chevaux ou étaient assis<br />

par petits groupes, en train <strong>de</strong> converser, quand les gar<strong>de</strong>s leurs sautèrent <strong>de</strong>ssus, brandissant <strong>de</strong>s armes<br />

et proférant <strong>de</strong>s menaces. Nullement impressionnés, les soldats <strong>de</strong> Felix III s'interrompirent pour les<br />

regar<strong>de</strong>r avec curiosité puis reprirent leurs tâches , ignorant ostensiblement l'agitation.<br />

Ils s'écartèrent quand leurs quartiers furent mis sans <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s<strong>sous</strong> mais ne levèrent pas le petit doigt<br />

pour ai<strong>de</strong>r. Au lieu <strong>de</strong> cela, ils échangèrent <strong>de</strong>s regards entendus : alors comme ça, <strong>Maximus</strong> avait<br />

disparu, n'est ce pas ? Cela signifiait que leur général avait décidé que c'était le moment d'agir.<br />

Après une heure <strong>de</strong> recherche, les gar<strong>de</strong>s immensément frustrés et effrayés firent une énorme erreur. L'un<br />

d'eux saisit les cheveux d'un soldat qui était tranquillement assis en leur tournant le dos et ils tirèrent sa<br />

tête vers l'arrière, plaçant une lame <strong>sous</strong> son menton et lui <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong>s réponses. Tout les hommes<br />

furent immédiatement <strong>de</strong>bout, armes à la main, près à défendre leur ami.<br />

Le porte-parole <strong>de</strong> la cavalerie, Gallienus, dit calmement : "Vous avez fouillé cet endroit avec soin et<br />

n'avez trouvé aucune trace du général <strong>Maximus</strong>. Nous ne savons pas où il se trouve, et cet homme,"<br />

Gallienus désigna le soldat en fâcheuse posture, "ne sait rien <strong>de</strong> plus que nous. Si vous le blessez, vous<br />

mourrez. Si vous blessez le général <strong>Maximus</strong>, pas un d'entre nous n'aura <strong>de</strong> repos avant <strong>de</strong> vous voir<br />

morts. Comme vous le voyez, vous êtes dans une situation assez précaire. Laissez tomber votre épée<br />

immédiatement et relâchez-le."<br />

La main du gar<strong>de</strong> se relâcha et l'épée tomba. Immédiatement, Gallienus lui sauta <strong>de</strong>ssus et le mit KO avec<br />

un coup porté sur la gorge. L'autre gar<strong>de</strong> subit le même sort alors qu'il essayait <strong>de</strong> s'enfuir.<br />

Les hommes <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> traînèrent les gar<strong>de</strong>s dans une pièce à l'arrière et les déshabillèrent, puis <strong>de</strong>ux<br />

soldats <strong>de</strong> la cavalerie revêtirent leurs uniformes et allèrent à la tente vi<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> pour monter la<br />

gar<strong>de</strong> comme si tout était normal.<br />

Julia sut que les gar<strong>de</strong>s étaient là lorsqu'elle entendit les cris <strong>de</strong>s autres esclaves qui couvraient d'insultes<br />

les hommes qui semblaient décidés à détruire leur quartiers.<br />

De là où elle était, elle pouvait entendre les lits être retournés et les placards être écartés du mur et jetés<br />

sur le sol, faisant éclater leur bois. Elle se crispa et s'accroupit plus bas dans la gran<strong>de</strong> baignoire, les<br />

genoux repliés sur sa poitrine, déplaçant quelques unes <strong>de</strong>s pétales <strong>de</strong> rose qui flottaient sur l'eau<br />

abondamment parfumée, et qui assombrissaient la surface réfléchissante.<br />

Les gar<strong>de</strong>s firent irruption par la porte, zigzaguant pour éviter d'être attrapés par les femmes en colère qui<br />

les poursuivaient et qui griffaient leurs visages, tiraient sur leurs vêtements et leurs cheveux et leur<br />

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donnaient <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> pieds dans les tibias.<br />

Quand l'un <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s s'approcha <strong>de</strong> Julia, elle couvrit ses seins <strong>de</strong> ses mains et <strong>de</strong>manda : "Sortez <strong>de</strong> là<br />

espèce <strong>de</strong> rustre ! Vous ne voyez pas que je prends mon bain ?"<br />

"Où est-il ?!" cria le gar<strong>de</strong>.<br />

"Où est qui ?" <strong>de</strong>manda froi<strong>de</strong>ment Julia.<br />

"Le général <strong>Maximus</strong> ! Il était avec toi l'autre nuit et maintenant il est parti !"<br />

"Idiot ! Vous m'avez escorté vous-même ici la nuit <strong>de</strong>rnière et il n'était visiblement pas avec moi !"<br />

Il se jeta sur Julia, saisissant son bras et la tirant hors <strong>de</strong> l'eau. Des filets d'eau coulèrent le long <strong>de</strong> son<br />

corps et <strong>de</strong>s pétales restèrent collés sur sa peau luisante.<br />

Les autres femmes allèrent immédiatement se placer entre Julia et la baignoire, enveloppant la jeune<br />

femme dans une gran<strong>de</strong> et douce serviette d'un geste protecteur, tout en jetant <strong>de</strong>s regards menaçants<br />

aux gar<strong>de</strong>s.<br />

"Bien, vous m'avez fait sortir <strong>de</strong> mon bain. Et maintenant ? Voulez-vous que je vous montre à nouveau nos<br />

quartiers ? Pour vous prouver encore que le général <strong>Maximus</strong> n'est pas ici ?"<br />

Le gar<strong>de</strong> resta planté là, complètement incertain <strong>de</strong> ce qu'il fallait faire ensuite, alors Julia saisit son bras et<br />

le poussa en direction <strong>de</strong>s dortoirs.<br />

"Pas si vite," dit-il en balayant la petite pièce <strong>de</strong>s yeux. Il n'y avait ici aucun endroit où un homme puisse se<br />

cacher, mais il déplaça tout <strong>de</strong> même <strong>de</strong>s ri<strong>de</strong>aux et <strong>de</strong>s piles <strong>de</strong> serviettes avant <strong>de</strong> suivre Julia et<br />

beaucoup <strong>de</strong> ses amies jusqu'aux chambres, où elles regardèrent impatiemment l'endroit être <strong>de</strong> nouveau<br />

mis à sac.<br />

Les quelques femmes qui étaient restées dans la salle d'eau fermèrent silencieusement la porte et se<br />

précipitèrent vers l'eau du bain recouverte <strong>de</strong> pétales, y plongeant les mains pour attraper <strong>Maximus</strong> par les<br />

cheveux et le tirer au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la surface.<br />

Il remonta en toussant et en essayant <strong>de</strong> respirer, la bouche gran<strong>de</strong> ouverte et les yeux fermés. Ses<br />

poumons brûlaient à force d'avoir retenu l'air si longtemps et il frotta ses yeux avec ses mains, essayant<br />

d'ôter les huiles parfumées qui les irritaient.<br />

Les poumons toujours douloureux, il s'assit dans la baignoire et mit ses mains sur le rebord, reposant sa<br />

tête sur les jointures <strong>de</strong> ses mains.<br />

Eugenia et Honora mirent une serviette sur ses cheveux dégoulinant et en drapèrent une autre autour <strong>de</strong><br />

ses épaules, tout en prêtant une oreille attentive au bruit dans l'autre pièce, prêtes à le repousser <strong>sous</strong><br />

l'eau si besoin était.<br />

Le bruit cessa brusquement et Julia revint bientôt dans la salle d'eau, accourant près <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et<br />

s'accroupissant à ses côtés. Elle enleva la serviette et caressa sa tête, lui murmurant quelques mots.<br />

Maintenant vêtue d'un peignoir, elle se leva et mit ses mains <strong>sous</strong> les bras <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, l'aidant alors qu'il<br />

se mettait <strong>de</strong>bout, l'eau dégoulinant abondamment <strong>de</strong> sa tunique détrempée et formant une flaque sur le<br />

sol <strong>de</strong> pavés rouges. Une douzaine <strong>de</strong> mains féminines se tendirent vers lui et une jeune femme lui donna<br />

un gant imbibé d'eau claire qu'il pressa avec reconnaissance sur ses yeux, ayant <strong>de</strong> l'eau jusqu'aux<br />

genoux dans la baignoire, sa tunique moulée sur son corps musclé.<br />

Sentant la laine mouillée et les roses, il ouvrit finalement ses yeux rougis et passa par <strong>de</strong>ssus le rebord <strong>de</strong><br />

la baignoire en faisant attention <strong>de</strong> ne pas glisser sur le sol trempé.<br />

Il regarda Julia et sourit "Grand merci, m'dame, pour m'avoir laissé partager votre bain mais la prochaine<br />

fois, ayez la main plus légère sur les huiles parfumées. Elles piquent affreusement les<br />

yeux !"<br />

Julia lui sourit en réponse et ses compagnes étouffèrent <strong>de</strong>s gloussements tout en en admirant sa<br />

silhouette masculine.<br />

"Ils sont partis ?" <strong>de</strong>manda-t-il.<br />

Plus d'une douzaine <strong>de</strong> tête hocha la réponse.<br />

"Merci mesdames. Vous serez bientôt <strong>de</strong>s femmes libres. Julia, habillez-vous et venez avec moi ­ mettez<br />

quelque chose d'attrayant."<br />

Pendant que Julia enfilait rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s vêtements, <strong>Maximus</strong> essora toute l'eau qu'il put <strong>de</strong> sa tunique et<br />

remit ses bottes qui avaient été cachées <strong>sous</strong> les robes épaisses <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s femmes. Une autre lui rendit<br />

son épée, encore chau<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa cachette près <strong>de</strong> sa peau.<br />

L'esclave blon<strong>de</strong> qui avait été aux côtés <strong>de</strong> Cassius à la fête fit irruption dans la pièce en riant. "J'ai<br />

regardé les gar<strong>de</strong>s partir," dit-elle. "Ils sont aussi blancs qu'un linge et savez-vous où ils sont allés ?"<br />

"Où ?" s'enquit presque une douzaine <strong>de</strong> voix en même temps.<br />

"Directement en <strong>de</strong>hors du camp. Je le jure ! Ils sont sortis par la porte et ont commencé à courir vers la<br />

forêt <strong>de</strong> l'autre côté. Je les ai vu !"<br />

<strong>Maximus</strong> ne put retenir un petit sourire triomphant. Tout se déroulait bien.<br />

Chapitre 48 : Aux comman<strong>de</strong>s<br />

Cassius était assis <strong>de</strong>rrière son grand bureau ornementé et écrivait dans son journal lorsque Julia pénétra<br />

dans sa tente sans y avoir été annoncée. Sans lever les yeux, il dit "Que veux-tu ?"<br />

"Je veux juste te voir. Tu me manques quand tu travailles trop dur."<br />

Sa robe presque transparente flottant autour d'elle, elle contourna vivement le bureau et passa ses longs<br />

doigts sur la main <strong>de</strong> Cassius, remonta ensuite le long <strong>de</strong> son bras et jusqu'à son épaule où elle utilisa ses<br />

<strong>de</strong>ux mains pour masser les muscles crispés <strong>de</strong> son cou. Après quelques instants, elle remarqua que sa<br />

vitesse d'écriture diminuait considérablement, puis il s'arrêta complètement quand il ferma les yeux et<br />

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succomba aux soins <strong>de</strong> Julia.<br />

"Ah, Julia," soupira-t-il. "Tu es la meilleure que j'ai jamais élevée."<br />

Julia réussit à conserver la régularité <strong>de</strong>s mouvements <strong>de</strong> ses doigts.<br />

"J'ai <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> tes petites surs, tu sais ­ prêtes à suivre ton exemple. Quand nous irons à Rome, je te<br />

chargerais <strong>de</strong> leur éducation. Je pense qu'elles constitueront d'inestimables présents aux hommes dont je<br />

nécessite l'allégeance."<br />

<strong>Maximus</strong> ne cacha pas son dégoût en entendant les paroles cruelles <strong>de</strong> Cassius et se concentra pour<br />

conserver sa respiration calme et inaudible dans sa cachette qui se trouvait <strong>de</strong>rrière une épaisse tenture<br />

près <strong>de</strong> la porte. Le gar<strong>de</strong> dont il portait l'uniforme était inconscient, ligoté et tassé à l'intérieur d'un placard.<br />

<strong>Maximus</strong> pria pour que Julia ne réagisse pas à la cruauté <strong>de</strong> Cassius.<br />

"Je ferais tout ce qui vous plaira, Sire," dit Julia, la voix aussi sûre que ses doigts.<br />

Elle avait cependant une conscience accrue du poignard caché <strong>sous</strong> sa tunique ­ un poignard dont même<br />

<strong>Maximus</strong> ignorait l'existence.<br />

Quand Cassius se détendit, son menton tomba sur sa poitrine et elle bougea une main pour saisir la gar<strong>de</strong><br />

en argent, la sortant lentement <strong>de</strong> sa cachette.<br />

Elle sursauta violemment, faisant presque tomber le poignard, quand Marcellus fit irruption dans la pièce.<br />

"Cassius!" cria-t-il. "Quelque chose ne tourne pas rond. Deux <strong>de</strong>s hommes qui surveillaient <strong>Maximus</strong> se<br />

sont enfuis du camp ce soir" Il s'arrêta brusquement quand il vit Julia. "Et bien, et bien voilà peut être<br />

quelqu'un qui peut nous dire ce qui se passe. Il semble que <strong>Maximus</strong> n'ait pas encore été vu aujourd'hui et<br />

j'ai entendu dire que tu étais avec lui dans sa tente la nuit <strong>de</strong>rnière."<br />

Cassius fit un mouvement pour se tourner vers elle mais elle fut plus rapi<strong>de</strong> et elle plongea le couteau<br />

jusqu'à la gar<strong>de</strong> dans sa jugulaire. Du sang jaillit en une large giclée et mouilla les papiers <strong>sous</strong> ses mains<br />

avant que sa tête ne retombe sur le bureau avec un bruit sourd écurant.<br />

Marcellus fut trop surpris pour faire un geste et le seul mot qu'il essaya <strong>de</strong> prononcer fut perdu quand sa<br />

tête fut tournée et sa nuque brisée par un gar<strong>de</strong> vêtu <strong>de</strong> noir.<br />

<strong>Maximus</strong> laissa le corps glisser lentement jusqu'au sol, ses yeux bleus fixés sur Julia qui était toujours<br />

<strong>de</strong>rrière le bureau et qui retourna calmement le regard <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

"Il est mort," dit-elle simplement.<br />

"Je le vois," dit-il en passant par <strong>de</strong>ssus Marcellus et en se dirigeant lentement vers elle. "Ca ne s'est pas<br />

exactement passé comme prévu."<br />

"Je <strong>de</strong>vais le faire."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête. "Je comprends. Mais nous avons un problème maintenant. Nous <strong>de</strong>vons faire<br />

croire que c'est Marcellus qui l'a fait."<br />

"Vous pouvez partir, <strong>Maximus</strong>. Je dirais que j'ai vu Marcellus tuer Cassius et que j'ai alors tué Marcellus."<br />

<strong>Maximus</strong> regarda le corps contorsionné du tribun gisant à ses pieds.<br />

"Je ne pense pas que l'on croira que vous avez pu briser le cou d'un homme, Julia." Il la vit vaciller<br />

légèrement. "Ne me laissez pas tomber maintenant, Julia. Nous <strong>de</strong>vons finir ça. Soyez forte."<br />

Elle déglutit et acquiesça.<br />

"Maintenant, venez jusqu'ici en prenant soin d'éviter le sang par terre. Il ne faut pas que vous en ayez sur<br />

vos pieds ou votre tunique."<br />

Elle fit comme il avait dit, n'osant pas regar<strong>de</strong>r le corps étalé sur le bureau, son sang recouvrant le bois et<br />

imprégnant le tapis en <strong>de</strong>s<strong>sous</strong>.<br />

"Asseyez-vous dans cette chaise pendant que je crée la scène du meurtre."<br />

<strong>Maximus</strong> se servit <strong>de</strong> son manteau pour essuyer doucement le sang sur ses doigts et ses bras tout en la<br />

guidant vers le siège <strong>de</strong> l'autre côté <strong>de</strong> la pièce. Puis il se mit au travail.<br />

Il leva le corps sans vie <strong>de</strong> Marcellus puis le hissa sur son épaule, allant avec précaution jusqu'au bureau.<br />

Là, <strong>Maximus</strong> saisit la main inerte du tribun et l'utilisa pour ôter le poignard du cou <strong>de</strong> Cassius, faisant en<br />

sorte que les doigts et le bras <strong>de</strong> Marcellus soient couverts <strong>de</strong> sang.<br />

Le poignard ressortit avec un son <strong>de</strong> gargouillis quand l'air pénétra dans la plaie béante. <strong>Maximus</strong> regarda<br />

le visage <strong>de</strong> Julia, aussi blanc que <strong>de</strong> la craie. "Penchez-vous, mettez votre tête entre vos genoux et<br />

respirez par la bouche. Respirez lentement et profondément. Ne vous évanouissez pas maintenant."<br />

Julia obéit et ses cheveux roux s'étalèrent sur le sol autour d'elle en une imitation glaçante <strong>de</strong> l'image <strong>de</strong><br />

l'homme qu'elle venait <strong>de</strong> tuer.<br />

<strong>Maximus</strong> laissa tomber le poignard <strong>de</strong> Julia sur le sol et se servit <strong>de</strong> la main <strong>de</strong> Marcellus pour prendre le<br />

coupe papier sur le bureau et l'insérer dans la plaie débarrassée <strong>de</strong> l'arme du crime. Il laissa ensuite<br />

Marcellus retomber par terre dans le sang poisseux et poussa un peu le corps avec son pied pour être sûr<br />

que son torse était couvert du liqui<strong>de</strong> cramoisi.<br />

Un rapi<strong>de</strong> coup d'il assura <strong>Maximus</strong> que Julia était toujours consciente. Elle était à nouveau assise<br />

normalement, ses cils faisant comme <strong>de</strong>s tâches noires sur son visage pâle. Il savait ce qu'elle ressentait ­<br />

ce que cela faisait <strong>de</strong> prendre la vie d'un homme pour la première fois. C'était choquant <strong>de</strong> voir combien<br />

c'était facile à faire.<br />

<strong>Maximus</strong> enleva rapi<strong>de</strong>ment l'uniforme du gar<strong>de</strong> pour laisser apparaître sa tunique trempée et chiffonnée<br />

en <strong>de</strong>s<strong>sous</strong>. Il sortit le gar<strong>de</strong> toujours inconscient du placard et murmura <strong>de</strong>s jurons en remettant<br />

difficilement l'uniforme sur l'homme. Puis <strong>Maximus</strong> se servit <strong>de</strong> l'épée du gar<strong>de</strong> pour faire une profon<strong>de</strong><br />

blessure dans le cou <strong>de</strong> Marcellus tout en sachant que son cur inerte ne pomperait pas la quantité<br />

nécessaire <strong>de</strong> sang pour rendre la blessure plausible lors d'un examen attentif.<br />

80


<strong>Maximus</strong> grogna en signe <strong>de</strong> révulsion en pensant à ce qu'il <strong>de</strong>vait faire ensuite. "Au moins, tu auras une<br />

mort <strong>de</strong> héros," murmura-t-il d'un ton <strong>de</strong> regret en plongeant l'épée du gar<strong>de</strong> dans son propre estomac,<br />

puis il laissa l'homme retomber sur Marcellus, l'épée coincée entre eux. Les mains pleines <strong>de</strong> sang et <strong>de</strong>s<br />

tâches rouges sur sa tunique, <strong>Maximus</strong> recula et observa la scène. Cela n'était pas très convaincant mais<br />

il faudrait faire avec.<br />

Il alla récupérer le poignard <strong>de</strong> Julia et le glissa dans sa ceinture, puis il prit un lourd manteau appartenant<br />

à Cassius et l'enveloppa autour <strong>de</strong> lui. Il s'accroupit <strong>de</strong>vant Julia et prit ses mains glacées dans les<br />

siennes.<br />

"Julia, écoutez-moi. Je dois partir ôter ce sang et mettre une tunique propre. Atten<strong>de</strong>z que je revienne<br />

avant <strong>de</strong> donner l'alerte, mais si quelqu'un vient entre temps, vous <strong>de</strong>vrez prétendre que vous avez<br />

découvert la scène du crime et que vous vous êtes évanouie avant <strong>de</strong> retrouver suffisamment d'énergie<br />

pour vous asseoir dans cette chaise. N'expliquez rien à personne, vous comprenez ?"<br />

Julia hocha la tête, <strong>de</strong>s couleurs revenant sur ses joues, et elle suivit <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong>s yeux quand il se dirigea<br />

vers la porte et disparût dans la nuit.<br />

Moins d'une <strong>de</strong>mi-heure plus tard, les cris <strong>de</strong> Julia firent venir en courant les gar<strong>de</strong>s et les tribuns.<br />

Le général <strong>Maximus</strong> et les <strong>de</strong>ux gar<strong>de</strong>s qui lui restaient étaient justement en route pour aller rendre visite à<br />

Cassius et ils arrivèrent juste après eux.<br />

Dans le chaos qui suivit, le général <strong>Maximus</strong> prit rapi<strong>de</strong>ment le contrôle, exerçant son autorité sans<br />

interrogations. Ses <strong>de</strong>ux gar<strong>de</strong>s enlevèrent rapi<strong>de</strong>ment le corps du général Cassius du lieu du crime et le<br />

portèrent jusqu'à son lit pour rendre à l'homme le respect auquel son rang lui donnait droit.<br />

<strong>Maximus</strong> sépara ensuite les <strong>de</strong>ux autres corps lui-même, expliquant avec emphase que Marcellus avait<br />

apparemment assassiné Cassius et que le gar<strong>de</strong> courageux était mort en essayant <strong>de</strong> l'arrêter. Il refusa<br />

que Julia soit interrogée ­ après tout, pouvait-on accor<strong>de</strong>r foi au témoignage d'une femme hystérique ? ­ et<br />

il la plaça <strong>sous</strong> sa protection personnelle.<br />

La cavalerie <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> ramena rapi<strong>de</strong>ment l'ordre dans tout le camp secoué par la nouvelle, proclamant<br />

que <strong>Maximus</strong> était le nouveau général <strong>de</strong> la légion.<br />

A minuit, les tribuns et les centurions <strong>de</strong> Cassius étaient enfermés, attendant qu'on détermine qui avait<br />

trahi Marc-Aurèle et qui était resté loyal.<br />

Aux premières lueurs du jour, <strong>de</strong>s messagers furent envoyés vers les autres légions <strong>de</strong> l'Est pour faire<br />

savoir que le général <strong>Maximus</strong> était aux comman<strong>de</strong>s, qu'il agissait au nom <strong>de</strong> Marc-Aurèle et que ceux qui<br />

s'opposeraient à lui seraient accusés <strong>de</strong> trahison et exécutés sur le champ.<br />

Quatre autres messagers se mirent en route pour Rome pour apprendre à Lucilla et à sa famille que<br />

l'empire était hors <strong>de</strong> danger et que <strong>Maximus</strong> aurait le comman<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> tout l'armée romaine jusqu'à ce<br />

que Marc-Aurèle en personne arrive à Moesia.<br />

Chapitre 49 : Le retour <strong>de</strong> Marc-Aurèle<br />

Marc-Aurèle fit son apparition bien plus tôt que <strong>Maximus</strong> ne l'avait prévu.<br />

Cinq jours après les meurtres, les cors annoncèrent l'arrivée <strong>de</strong> l'empereur et <strong>de</strong> ses prétoriens ainsi que<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux légions <strong>de</strong> soldats lour<strong>de</strong>ment armés.<br />

<strong>Maximus</strong> eut à peine le temps <strong>de</strong> mettre la légion en ordre pour accueillir convenablement l'empereur<br />

avant que Marc n'ait franchi l'entrée, ne soit <strong>de</strong>scendu <strong>de</strong> cheval et se soit dirigé aussitôt vers <strong>Maximus</strong> qui<br />

se mit sur un genou en signe <strong>de</strong> respect. Marc-Aurèle ne s'en préoccupa pas et remit le général sur ses<br />

pieds, l'enveloppant dans une étroite accola<strong>de</strong> <strong>de</strong>vant 15 000 hommes souriant et les acclamant.<br />

Serrant toujours le jeune homme contre sa poitrine, Marc murmura : "Qui d'autre que toi pouvait accomplir<br />

un tel exploit, <strong>Maximus</strong> ? Qui d'autre que toi. Je m'attendais à me retrouver impliqué dans une guerre civile<br />

meurtrière mais tu as évité ce massacre. Je ne sais pas comment je pourrais te remercier suffisamment."<br />

L'empereur recula et saisit la main <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, la levant haut dans le ciel en signe d'appréciation. Les<br />

acclamations étaient assourdissantes.<br />

"Nous <strong>de</strong>vons préparer un festin en votre honneur, Sire, mais je ne suis pas sûr que nous allons pouvoir<br />

nourrir tout ces hommes."<br />

<strong>Maximus</strong> regarda avec ahurissement l'étendue d'armures grises recouvrant chaque recoin du campement<br />

et les collines au-<strong>de</strong>ssus.<br />

Marc laissa retomber leurs mains et reposa la sienne sur l'avant-bras <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> alors qu'ils fendaient la<br />

foule pour aller dans le praetorium.<br />

"Je suis sûr qu'ils vont trouver un moyen <strong>de</strong> s'occuper d'eux-mêmes maintenant qu'ils n'ont plus à s'entre<br />

tuer," rit Marc-Aurèle.<br />

<strong>Maximus</strong> <strong>de</strong>vint soudainement très sérieux. "César, pourquoi Cassius a-t-il pensé qu'il s'en tirerait aussi<br />

facilement ?"<br />

"J'étais en Egypte, j'avais fait un tour d'inspection <strong>de</strong> l'Afrique du Nord et j'étais suffisamment loin <strong>de</strong> Rome<br />

et absent assez longtemps pour que Cassius pense que les gens croiraient les rumeurs concernant mon<br />

décès ­ rumeurs qu'il a lancées, bien sûr. J'aurais dû être plus conscient <strong>de</strong> son ambition." Marc serra le<br />

bras <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. "Il t'a certainement mésestimé, cependant. Réalises-tu, <strong>Maximus</strong>, que tu comman<strong>de</strong>s la<br />

loyauté <strong>de</strong> toute l'armée romaine à présent, et pas seulement <strong>de</strong>s légions du Nord ?"<br />

Les mots <strong>de</strong> l'empereur firent courir un frisson le long <strong>de</strong> l'épine dorsale <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. C'était une<br />

responsabilité énorme.<br />

"Je n'étais pas au courant <strong>de</strong> ce complot jusqu'à ce que je revienne à Rome et que Lucilla m'apprenne<br />

81


qu'elle t'avait <strong>de</strong>mandé ton ai<strong>de</strong>. Elle te fais entièrement confiance, <strong>Maximus</strong>, et moi aussi.<br />

Complètement."<br />

Plus tard ce soir là, les <strong>de</strong>ux hommes se retirèrent dans les quartiers réservés à l'empereur où Marc-<br />

Aurèle se relaxa sur un divan avec un gobelet <strong>de</strong> vin et <strong>Maximus</strong> assit près <strong>de</strong> lui sur une chaise<br />

confortable.<br />

Trois bouteilles <strong>de</strong> vin ouvertes ­ dont <strong>de</strong>ux déjà vi<strong>de</strong>s ­ délièrent la langue <strong>de</strong> l'empereur. Marc soupira<br />

bruyamment. "Je n'aurais jamais dû laisser le sénateur Licinius t'adopter ­ j'aurais du le faire moi-même." Il<br />

regarda tendrement <strong>Maximus</strong> à travers ses yeux injectés <strong>de</strong> sang. "Tu aurais été tellement bien pour ma<br />

famille. Commo<strong>de</strong> a besoin d'un frère comme toi et Lucilla, eh bien, Lucilla ne t'a jamais oublié, tu sais."<br />

"Lucilla ?" s'enquit pru<strong>de</strong>mment <strong>Maximus</strong>.<br />

"Ah oui Lucilla t'aimait avant d'épouser Lucius et elle t'aime toujours. Je le sais."<br />

Marc s'arrêta pour boire une longue gorgée <strong>de</strong> son vin puis agita son gobelet en direction <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>,<br />

pour attirer l'attention <strong>de</strong> son général qui contemplait pensivement le liqui<strong>de</strong> rouge foncé dans son verre.<br />

"Et si tu te mar"<br />

"Je suis déjà marié, Sire," le coupa rapi<strong>de</strong>ment <strong>Maximus</strong>, craignant d'entendre ce que l'empereur allait<br />

dire.<br />

"Ah oui. Une autre erreur. J'aurais du te faire épouser quelqu'un <strong>de</strong> ma famille."<br />

<strong>Maximus</strong> s'irrita. "Marc, s'il vous plaît, n'appelez pas mon mariage une erreur."<br />

La tête <strong>de</strong> l'empereur se tourna rapi<strong>de</strong>ment vers <strong>Maximus</strong> à l'usage <strong>de</strong> son prénom. "Pardonne-moi, fils.<br />

Pardonne-moi. Je pensais juste à voix haute, c'est tout. C'est une chose terrible que j'ai dite là."<br />

<strong>Maximus</strong> accepta l'excuse avec un rapi<strong>de</strong> hochement <strong>de</strong> tête. "Sire, j'ai une requête."<br />

"Ce que tu veux, <strong>Maximus</strong>. Tout ce que tu veux."<br />

"Je veux retourner chez moi pour voir ma famille. Cela fait plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans"<br />

"Bien sûr. Bien sûr tu peux partir mais pas pour trop longtemps. L'empire pourrait s'écrouler sans toi."<br />

Marc-Aurèle parlait sur un ton <strong>de</strong> plaisanterie mais il pensait chaque mot qu'il avait prononcé.<br />

"Combien <strong>de</strong> temps, Sire ?"<br />

"Hmmm ?" Marc commençait à somnoler.<br />

"Combien <strong>de</strong> temps puis-je rester en Espagne avec ma famille ?"<br />

"Oh, quelques mois, je pense. Je suis sûr que l'empire peut survivre quelques mois sans toi."<br />

"Merci, Sire."<br />

"J'enverrais les prétoriens en lesquels j'ai le plus confiance avec toi."<br />

"Sire"<br />

"Non, <strong>Maximus</strong>. Je ne te laisserais pas partir seul. La discussion est close."<br />

Il y eut un long silence confortable entre les <strong>de</strong>ux hommes assis avant que Marc-Aurèle ne fasse sursauter<br />

<strong>Maximus</strong> en levant un sourcil et en disant d'un air suspicieux : "Alors comme ça, Marcellus a tué Cassius<br />

et un gar<strong>de</strong> a tué Marcellus."<br />

<strong>Maximus</strong> garda le silence.<br />

Marc l'observa <strong>de</strong> près puis sourit. "Maintenant dis-moi ce qui c'est réellement passé."<br />

<strong>Maximus</strong> raconta toute l'histoire en détail et Marc-Aurèle écouta attentivement jusqu'à ce qu'il ait terminé.<br />

"Cette jeune femme Comment as-tu dis qu'elle s'appelait ?"<br />

"Julia."<br />

"Oui Julia. Elle est très courageuse."<br />

"Oui, elle l'est, Sire. Elle et les autres femmes ont été terriblement mal traitées par Cassius et cela doit être<br />

réparé."<br />

"Que suggères-tu ?"<br />

"Elles <strong>de</strong>vraient retourner à Rome <strong>sous</strong> votre protection et <strong>de</strong>vraient recevoir chacune une somme d'argent<br />

substantielle pour commencer une nouvelle vie."<br />

Marc acquiesça. "Continue."<br />

<strong>Maximus</strong> soupira. "Je ne sais pas si c'est vrai ou non mais Cassius se vantait <strong>de</strong> dresser ces jeunes<br />

esclaves pour être <strong>de</strong>s esclaves sexuelles et il disait qu'il avait d'autres filles ­ certaines très jeunes ­<br />

cachées quelque part à Rome. Je veux que cela soit vérifié, Sire."<br />

"Dresser ?" Marc était incrédule.<br />

"Sire, les esclaves sont dressés tout le temps. C'est déplaisant, mais vrai. Cela semble juste pire quand ils<br />

sont dressés pour servir <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> cette façon."<br />

"Toute la question <strong>de</strong> l'esclavagisme te dérange, n'est pas <strong>Maximus</strong> ?"<br />

"Oui, Sire."<br />

"Moi aussi." Marc se pinça le haut du nez comme si il avait mal à la tête. "Mais c'est tellement enraciné et<br />

répandu dans la société romaine que l'empire s'écroulerait sans cela ­ financièrement et socialement."<br />

"Il pourrait être supprimé progressivement."<br />

"Cela prendrait <strong>de</strong>s générations."<br />

"Peut être, mais cela doit bien commencer un jour."<br />

Marc-Aurèle changea soudainement <strong>de</strong> sujet. "<strong>Maximus</strong>, j'ai sérieusement pensé à faire à nouveau <strong>de</strong><br />

Rome une république après ma mort." Il leva une main quand il vit le choc sur le visage du jeune homme.<br />

"Non, je ne suis pas mourant mais je ne suis plus un jeune homme et je dois penser sérieusement à ce<br />

genre <strong>de</strong> choses."<br />

"Commo<strong>de</strong>"<br />

La voix <strong>de</strong> Marc était empreinte <strong>de</strong> colère. "Commo<strong>de</strong>, Commo<strong>de</strong>. Commo<strong>de</strong> aurait du arrêter la mutinerie<br />

82


<strong>de</strong> Cassius en mon absence. Au lieu <strong>de</strong> cela, il passe ses journées dans le Colisée, jouant à être un<br />

gladiateur. Tu as accompli ce qu'il aurait du faire. Tu a maintenu la cohésion <strong>de</strong> l'empire. Cela me donne<br />

sûrement matière à réfléchir," ajouta mystérieusement Marc-Aurèle. "Mais, assez parlé pour ce soir. Je<br />

suis épuisé ­ et saoul ­ et je suis certain que sauver l'empire est également une tâche fatiguante. Demain<br />

matin, j'enverrai toutes les femmes à Rome escortées par une <strong>de</strong>s légions. J'aimerais que tu passes une<br />

journée <strong>de</strong> plus avec moi puis tu pourras partir pour l'Espagne."<br />

Marc se pencha vers <strong>Maximus</strong> et mit sa main sur son épaule. "Mais soit sûr que si j'ai besoin <strong>de</strong> toi, je te<br />

ferais rappeler immédiatement."<br />

"Et bien, il faut espérer que vous n'aurez pas besoin <strong>de</strong> moi, Sire. Bonne nuit."<br />

Julia regarda <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong>puis son perchoir sur le cheval qui allait la transporter à Rome.<br />

"Vous reverrai-je ?" <strong>de</strong>manda-t-elle.<br />

"Non," fut la simple réponse, mais la voix <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était douce et gentille.<br />

Elle lui sourit. "Je ne le pensais pas non plus."<br />

Il lui rendit son sourire. "Vous serez occupée à commencer votre nouvelle vie." Il toucha son pied. "Vous<br />

êtes sûre que vous ne préférez pas voyagez dans le wagon ?"<br />

Elle secoua la tête, ses boucles rousses <strong>de</strong> la même couleur que le soleil levant. "Non, c'est trop confiné et<br />

j'ai été assez confinée."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête en signe <strong>de</strong> compréhension.<br />

Julia hésita puis dit "Vous n'avez pas à vous inquiéter, <strong>Maximus</strong>. Je ne dirais à personne que je connais<br />

personnellement le grand général romain."<br />

Il fronça les sourcils. "Pourquoi cela <strong>de</strong>vrait m'inquiéter ?"<br />

Julia fixa un point à l'extérieur du camp. "Je ne veux pas vous embarrasser."<br />

"Julia." <strong>Maximus</strong> secoua son pied. "Julia, regar<strong>de</strong>z-moi."<br />

Elle le fit à contrecur et il vit <strong>de</strong>s larmes briller dans ses yeux.<br />

"Je suis fier <strong>de</strong> connaître une femme qui a du caractère, <strong>de</strong> la force et <strong>de</strong> l'intelligence. Ce que Cassius<br />

vous a fait échappait à votre contrôle. Si vous lui aviez résisté il vous aurait tuée. Vous le savez."<br />

Elle hocha la tête et inspira <strong>de</strong> façon hachée puis regarda à nouveau au loin. "Je vous souhaite une vie<br />

longue et heureuse avec votre famille, <strong>Maximus</strong>."<br />

"Merci."<br />

<strong>Maximus</strong> fit signe au centurion qui était au gar<strong>de</strong> à vous près d'eux et il cria l'ordre <strong>de</strong> se mettre en route.<br />

<strong>Maximus</strong> recula quand le cheval <strong>de</strong> Julia commença à avancer et elle ne le regarda pas. Il salua quelques<br />

autres femmes qui étaient aussi à cheval puis rit et répondit au salut <strong>de</strong>s mains qui sortaient <strong>de</strong>s<br />

ouvertures du wagon.<br />

Le matin suivant, il menait huit prétoriens sur la même route pour retourner en Espagne.<br />

Chapitre 50 : La Rencontre<br />

<strong>Maximus</strong> s'accroupit <strong>sous</strong> le grand peuplier le plus proche <strong>de</strong>s marches <strong>de</strong> sa maison, son corps se<br />

confondant dans l'ombre <strong>de</strong>nse quand il s'appuya contre le tronc. Ses yeux ne quittaient pas la femme et<br />

le jeune enfant qui jouaient sur les marches non loin <strong>de</strong> là où il se dissimulait.<br />

Olivia ne s'attendait pas à son arrivé et, ne voulant pas l'alarmer, il avait laissé son étalon au pied <strong>de</strong> la<br />

colline après avoir laissé les prétoriens dans le <strong>de</strong>rnier village qu'ils avaient traversé. Quand il s'était<br />

approché <strong>de</strong> la maison à pied, la voix douce <strong>de</strong> sa femme lui était parvenue, portée par le vent, le rire se<br />

mêlant à <strong>de</strong>s chansons.<br />

Olivia s'assit sur la plus haute marche, sa main tendue pour gui<strong>de</strong>r l'enfant alors qu'il <strong>de</strong>scendait les<br />

marches sur ses mains et ses pieds, gazouillant joyeusement et appelant sa mère pour être sûr qu'elle<br />

admirait ses efforts.<br />

La <strong>de</strong>rnière fois que <strong>Maximus</strong> avait vu son fils, c'était un bébé, mais il était <strong>de</strong>venu un petit garçon avec<br />

<strong>de</strong>s cheveux noirs <strong>de</strong> jais qui bouclaient dans son cou et <strong>de</strong>s jambes potelées qui dépassaient d'une<br />

courte tunique blanche.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda dans un silence surpris l'enfant atteindre la <strong>de</strong>rnière marche puis se retourner et<br />

regar<strong>de</strong>r dans sa direction, son attention attirée par un papillon bariolé. <strong>Maximus</strong> inspira <strong>de</strong> façon hachée.<br />

L'enfant était beau ­ le portrait <strong>de</strong> sa mère avec <strong>de</strong> grands yeux noirs. Il dévoila quelques petites <strong>de</strong>nts<br />

blanches quand il rit <strong>de</strong> joie.<br />

Olivia applaudit puis encouragea l'enfant à remonter les marches avec sa main et sa voix.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda son fils progresser puis il se joignit au chant d'Olivia, sa voix grave s'entendant <strong>de</strong>puis sa<br />

cachette. Surprise, elle regarda rapi<strong>de</strong>ment autour d'elle puis se leva et prit son enfant dans ses bras. Elle<br />

mit sa main au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> ses yeux et regarda dans sa direction.<br />

"<strong>Maximus</strong> ?" <strong>de</strong>manda-t-elle avec hésitation.<br />

Il se leva <strong>de</strong> sa cachette et sourit, ses yeux bleus allant sans cesse <strong>de</strong> la mère à l'enfant.<br />

"<strong>Maximus</strong> !" cria Olivia. Le garçon dans ses bras sursauta à son cri puis enfonça un petit poing dans sa<br />

bouche et commença à pleurer. Olivia le fit sauter doucement dans ses bras et le calma avec sa voix<br />

douce, les yeux rivés sur le visage <strong>de</strong> son époux. Le visage adoré et fatigué <strong>de</strong> son époux.<br />

Des serviteurs inquiets regardèrent par les fenêtres puis sourirent avant <strong>de</strong> disparaître rapi<strong>de</strong>ment. Le<br />

maître était à la maison.<br />

<strong>Maximus</strong> monta lentement les marches que son fils venait <strong>de</strong> gravir, l'attention <strong>de</strong> l'enfant fixée à présent<br />

sur l'homme étrangement vêtu qui s'approchait <strong>de</strong> lui. <strong>Maximus</strong> entendit Olivia dire "papa" au garçon,<br />

encore et encore, et elle le tint contre sa poitrine, le berçant doucement.<br />

83


<strong>Maximus</strong> s'arrêta à la secon<strong>de</strong> marche quand il vit la lèvre inférieure <strong>de</strong> l'enfant commencer à trembler <strong>de</strong><br />

nouveau et la panique grandissante dans les jeunes yeux. Il ne savait pas quoi faire et regarda Olivia.<br />

Elle essuya ses larmes puis lui dit "Ca va, <strong>Maximus</strong>. Il est effrayé par ton uniforme, c'est tout. Approche toi<br />

lentement, mon chéri."<br />

Elle reporta son attention sur l'enfant et lui murmura <strong>de</strong>s paroles rassurantes. Mais <strong>Maximus</strong> ne bougea<br />

pas. Le grand général romain qui venait juste <strong>de</strong> sauver l'empire <strong>de</strong> la guerre civile ne savait pas comment<br />

approcher cet enfant méfiant. Son enfant. Son fils.<br />

Des serviteurs souriants se rassemblèrent <strong>de</strong>rrière Olivia mais elle n'avait pas conscience <strong>de</strong> leur<br />

présence.<br />

"<strong>Maximus</strong>, reste ici et je vais venir vers toi. Cela pourrait être mieux comme ça."<br />

Elle murmura continuellement le mot "papa" en <strong>de</strong>scendant lentement les marches, s'arrêtant à chacune<br />

d'elle pour évaluer la crainte du garçon. Pendant ce temps, <strong>Maximus</strong> défit sa cuirasse et la jeta sur le sol<br />

par <strong>de</strong>ssus sa cape et ses fourrures. Il était à présent vêtu d'une simple tunique, les mains <strong>de</strong> chaque côté<br />

<strong>de</strong> son corps, ses doigts triturant nerveusement le tissu.<br />

Olivia se tenait à seulement <strong>de</strong>ux marches au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> lui et elle tendit la main pour caresser son visage.<br />

"<strong>Maximus</strong>," murmura-t-elle. "Je n'arrive pas à croire que tu sois vraiment <strong>de</strong> retour."<br />

Son époux leva lentement sa main et dirigea celle d'Olivia à ses lèvres où il l'embrassa encore et encore,<br />

les yeux fermés, submergé par l'émotion.<br />

Marcus ne quitta pas le visage <strong>de</strong> l'étranger <strong>de</strong>s yeux tout en se pressant contre sa mère pour éviter tout<br />

contact avec l'homme.<br />

<strong>Maximus</strong> tourna son regard vers le garçon et tendit lentement une main vers le genou potelé <strong>de</strong> l'enfant. Il<br />

effleura la peau soyeuse avec ses doigts et murmura "Bonjour, mon fils. Bonjour, Marcus."<br />

Les yeux du garçon allèrent se poser sur son genou où les larges doigts brunis par le soleil touchaient sa<br />

peau pâle puis il regarda à nouveau le visage barbu avant <strong>de</strong> mettre ses bras autour du cou <strong>de</strong> sa mère,<br />

cachant son visage dans le creux <strong>de</strong> son épaule.<br />

Le visage d'Olivia reflétait la peine <strong>de</strong> son époux. "<strong>Maximus</strong>, je suis désolée. Je lui parle tout le temps <strong>de</strong><br />

toi. Je pense que ça doit être différent <strong>de</strong> te voir en personne. Ca lui passera très vite."<br />

"Ca va. Je comprends." <strong>Maximus</strong> se força à avoir une voix joyeuse en dépit <strong>de</strong> son cur lourd. Il n'avait pas<br />

imaginé son accueil <strong>de</strong> cette façon.<br />

Olivia tendit Marcus à l'une <strong>de</strong>s servantes et l'enfant alla vers elle <strong>de</strong> bonne grâce, écartant ses petits bras<br />

pour l'embrasser. Une jalousie irraisonnée envahit <strong>Maximus</strong> quand il vit son fils se blottir dans ses bras<br />

avant qu'il ne soit emporté dans la maison et hors <strong>de</strong> sa vue.<br />

Olivia attira <strong>Maximus</strong> à elle et mis son visage dans le creux <strong>de</strong> son épaule comme si il était un enfant ayant<br />

besoin d'être consolé.<br />

Elle l'embrassa dans le cou et murmura à son oreille : ""Ca n'est rien, <strong>Maximus</strong>. Il ne te connaît pas, c'est<br />

tout. Ca changera vite."<br />

Elle <strong>de</strong>scendit pour être à côté <strong>de</strong> son mari et le prit longuement dans ses bras. "Je t'aime," murmura-telle.<br />

"Je t'aime tellement. Je remercie les dieux que tu sois à la maison."<br />

<strong>Maximus</strong> lui rendit ses mots <strong>de</strong> tendresse et caressa les cheveux <strong>de</strong> sa femme et son dos alors qu'il la<br />

serrait dans ses bras.<br />

"La guerre en Germanie est-elle finie ?" <strong>de</strong>manda Olivia.<br />

"Pour un moment. J'étais dans l'Est, cependant, résolvant quelques problèmes là bas."<br />

"L'Est ? Qu'est-ce?" Olivia se reprit. "Viens à l'intérieur, mon chéri, à l'abri <strong>de</strong> la chaleur. Tu dois être<br />

épuisé et affamé. Nous parlerons plus tard."<br />

Elle caressa la joue <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et regarda dans ses yeux, son cur se serrant en voyant le mélange <strong>de</strong><br />

fatigue et <strong>de</strong> déception qu'il y avait là. "A cet instant, tu as besoin <strong>de</strong> nourriture, d'un bain et <strong>de</strong> repos. Le<br />

reste peu attendre."<br />

Chapitre 51 : Faisons connaissance<br />

<strong>Maximus</strong> s'agenouilla et posa ses bras croisés sur le bord du berceau bas <strong>de</strong> son fils, regardant le visage<br />

endormi et angélique <strong>de</strong> l'enfant. Olivia était assise en tailleur sur le sol près <strong>de</strong> son mari, les yeux posés<br />

sur son visage alors qu'il caressait la joue <strong>de</strong> Marcus avec un doigt hésitant. Profondément endormi,<br />

l'enfant ne sursauta pas et le soupir <strong>de</strong> soulagement <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> fit apparaître un sourire sur les lèvres<br />

douces <strong>de</strong> sa femme.<br />

Olivia passa la paume <strong>de</strong> sa main lentement le long <strong>de</strong> l'épine dorsale <strong>de</strong> son époux et sur ses épaules, se<br />

réhabituant à la robustesse <strong>de</strong> son corps. Elle se mit à genoux et mis ses bras autour <strong>de</strong> son cou puis<br />

murmura à son oreille : "Il est courageux comme son papa et curieux <strong>de</strong> tout." Olivia posa son menton sur<br />

l'épaule <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et embrassa son cou juste <strong>sous</strong> l'oreille. "Je suis sûre qu'il n'aurait pas réagi en te<br />

voyant <strong>de</strong> la façon dont il a réagi si je n'avais pas crié quand je t'ai vu. Il avait peur parce qu'il a cru que<br />

j'étais effrayée. Quand il verra à quel point je t'aime, son attitu<strong>de</strong> changera, tu verras." Elle l'embrassa sur<br />

la joue. "Viens te coucher, <strong>Maximus</strong>," suggéra-t-elle.<br />

"Prépare toi. Je viendrais bientôt te rejoindre." Ses yeux ne quittèrent pas le visage <strong>de</strong> son fils.<br />

Olivia embrassa <strong>Maximus</strong> une fois <strong>de</strong> plus puis alla dans leur chambre voisine où elle réfléchit brièvement,<br />

puis abandonna ses vêtements <strong>de</strong> nuit habituels pour une somptueuse chemise <strong>de</strong> nuit en soie crème<br />

gansée d'or. Elle la passa par <strong>de</strong>ssus sa tête et examina objectivement sa silhouette dans le long miroir<br />

qui était dans le coin. Avait-elle beaucoup changé <strong>de</strong>puis la <strong>de</strong>rnière fois que <strong>Maximus</strong> l'avait vue ?<br />

84


Elle était toujours mince où il fallait et voluptueuse aux bons endroits. Sa chevelure noire brillait toujours et<br />

ses mèches cascadaient par <strong>de</strong>ssus ses épaules et jusqu'à sa taille. Elle secoua la tête, faisant danser<br />

l'épaisse masse autour <strong>de</strong> ses épaules et tira la langue à son reflet, essayant <strong>de</strong> calmer les nerfs qui<br />

faisaient palpiter son estomac.<br />

Cela faisait si longtemps qu'ils ne s'étaient pas vus que c'était presque comme leur première nuit<br />

ensembles et Olivia voulait vraiment que tout soit parfait. Elle mit du parfum entre ses seins et à la base <strong>de</strong><br />

son cou puis passa ses doigts dans ses boucles avant <strong>de</strong> se coucher. Elle l'allongea sur le côté gauche<br />

comme elle le faisait toujours, même quand <strong>Maximus</strong> n'était pas là, sa place lui étant toujours réservée.<br />

Olivia se réveilla brusquement et s'assit, désorientée. La place à côté d'elle dans le lit était vi<strong>de</strong>, les draps<br />

non défaits. Combien <strong>de</strong> temps avait-elle dormi ? Elle se leva et se dirigea pieds nus vers la chambre <strong>de</strong><br />

son fils. Soudain, elle s'arrêta et écouta, la tête penchée quand la voix grave et résonnante <strong>de</strong> son époux<br />

parvint à ses oreilles. On ne distinguait pas ses mots mais elle savait qu'il s'adressait à son fils endormi.<br />

Ses lèvres formèrent un léger sourire et elle retourna se coucher. <strong>Maximus</strong> viendrait quand il serait prêt.<br />

Quand elle se réveilla la fois suivante, elle était blottie <strong>sous</strong> le bras gauche <strong>de</strong> son mari, sa joue sur sa<br />

poitrine, le cur <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> battant lentement <strong>sous</strong> son oreille. Olivia leva un peu la tête et elle vit <strong>Maximus</strong><br />

profondément endormi, complètement détendu avec une main jetée au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa tête, les doigts<br />

repliés comme un enfant. Comment un homme aussi fort et viril, un homme avec autant <strong>de</strong><br />

responsabilités, un guerrier, pouvait-il avoir l'air si doux, enfantin et vulnérable ?<br />

"Maman ?" appela une petite voix <strong>de</strong>puis l'autre pièce.<br />

Olivia se glissa hors <strong>de</strong> l'étreinte <strong>de</strong> son époux épuisé et alla jusqu'à la porte, jetant un regard en arrière<br />

pour d'assurer qu'elle n'avait pas réveillé <strong>Maximus</strong>.<br />

Après avoir ouvert lentement la porte, elle donna congé à la nourrice <strong>de</strong> Marcus d'un hochement <strong>de</strong> tête<br />

puis pris l'enfant dans ses bras et le serra. Marcus rit quand Olivia le chatouilla alors qu'elle le changeait.<br />

Puis, murmurant <strong>de</strong>s paroles réconfortantes, elle retourna dans sa chambre et s'assit sur le bord du lit,<br />

avec Marcus dans ses bras.<br />

L'enfant observa l'homme endormi avec agitation. Il n'y avait jamais eu personne d'autre dans le lit <strong>de</strong><br />

maman à part lui et il n'était pas sûr qu'il aimait ça.<br />

Olivia le berça doucement et lui expliqua dans un murmure que l'homme était "papa". Puis elle se<br />

rallongea à côté <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, appuyée contre <strong>de</strong>s oreillers et assit Marcus sur son giron. Son époux ne se<br />

réveilla pas.<br />

L'enfant mit quatre doigts dans sa bouche et fixa l'homme du regard pendant un moment avant<br />

d'approcher pru<strong>de</strong>mment un pied pour effleurer le bras musculeux avec un petit orteil. <strong>Maximus</strong> ne bougea<br />

pas mais le garçon retira précipitamment son pied comme si le bras <strong>de</strong> l'homme l'avait brûlé. Olivia sourit à<br />

Marcus et lui murmura <strong>de</strong>s mots d'encouragement. Il approcha à nouveau son pied lentement puis hésita<br />

et regarda sa maman qui hocha la tête et sourit. Cette fois, il fit bouger ses orteils contre le bras très<br />

musclé puis s'écarta rapi<strong>de</strong>ment quand <strong>Maximus</strong> bougea son bras droit pour gratter l'endroit qui avait été<br />

chatouillé. Les yeux <strong>de</strong> Marcus s'agrandirent et il regarda les muscles jouer <strong>sous</strong> la peau avant qu'ils ne<br />

soient à nouveau au repos. L'enfant gloussa puis plaqua ses <strong>de</strong>ux petites mains contre sa bouche pour<br />

étouffer son rire alors qu'Olivia luttait pour dissimuler sa propre gaieté.<br />

Marcus chatouilla à nouveau le bras <strong>de</strong> son père et observa avec joie la même réaction qu'auparavant,<br />

mais Olivia sut que le jeu avait changé quand elle vit les paupières <strong>de</strong> son époux s'entrouvrir brièvement<br />

puis se refermer alors il jaugeait rapi<strong>de</strong>ment la situation et décidait <strong>de</strong> faire semblant <strong>de</strong> dormir. Sa<br />

respiration <strong>de</strong>meura calme et profon<strong>de</strong> et son visage reposé, sa main droite à présent posée sur son avant<br />

bras, prêt pour le prochain geste <strong>de</strong> son fils. Il n'eut pas longtemps à attendre. <strong>Maximus</strong> sentit les petits<br />

orteils toucher sa peau et il bougea ses doigts en réponse. Il entendit le hoquet <strong>de</strong> surprise, puis le rire,<br />

puis sentit à nouveau le doux contact. Cette fois, l'enfant laissa son pied contre le bras <strong>de</strong> son père et<br />

<strong>Maximus</strong> le caressa gentiment, s'attendant à ce que Marcus brise le contact. Il ne le fit pas.<br />

<strong>Maximus</strong>, les yeux fermés, attendit patiemment <strong>de</strong> voir ce que le garçon allait faire ensuite. Il sentit bientôt<br />

<strong>de</strong>ux petits pieds contre son bras et il retint un sourire quand il fit avancer rapi<strong>de</strong>ment ses doigts sur eux,<br />

faisant crier Marcus d'excitation. <strong>Maximus</strong> ne put contenir sa joie plus longtemps et éclata <strong>de</strong> rire en<br />

roulant sur son flanc, faisant face à sa femme et à son fils. Marcus sourit timi<strong>de</strong>ment et Olivia soupira <strong>de</strong><br />

soulagement en regardant les <strong>de</strong>ux personnes les plus importantes <strong>de</strong> sa vie partager un moment <strong>de</strong> joie<br />

et <strong>de</strong> confiance.<br />

Au cours <strong>de</strong> la semaine suivante, cette confiance grandit petit à petit jusqu'à ce que <strong>Maximus</strong> et Marcus<br />

<strong>de</strong>viennent aussi proches que si le père avait fait tout le temps partie <strong>de</strong> la vie du fils.<br />

Ensembles, ils examinèrent chaque recoin <strong>de</strong> la ferme, l'enfant sur les épaules <strong>de</strong> son papa, <strong>Maximus</strong><br />

sifflant un air joyeux. Ils se promenèrent à travers champs, leurs mains traînant dans les récoltes,<br />

savourant leur texture et leur o<strong>de</strong>ur.<br />

Ils regardèrent <strong>de</strong> près les olives qui mûrissaient au chaud soleil. Ils observèrent <strong>de</strong>s ouvriers écraser <strong>de</strong>s<br />

grappes pourpres parfumées pour la préparation <strong>de</strong> la vinification, leurs pieds et leurs jambes tâchés <strong>de</strong><br />

rouge foncé.<br />

De bonne heure le matin, quand le brouillard s'attardait encore dans les vallées, ils plongeaient une ligne<br />

dans l'étang et s'asseyaient parmi les joncs, attendant patiemment que ça mor<strong>de</strong>.<br />

Un jour qu'ils prenaient <strong>de</strong>s fruits laissés à sécher dans la remise, leurs oreilles détectèrent <strong>de</strong>s<br />

miaulements et ils trouvèrent quatre chatons minuscules blottis les uns contre les autres <strong>sous</strong> une<br />

charrette, leur mère à côté, les observant. <strong>Maximus</strong> montra à Marcus comment prendre les animaux<br />

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fragiles et ils s'assirent l'un près <strong>de</strong> l'autre et les regardèrent jouer, puis se nourrir, puis s'endormir en un<br />

tas.<br />

Mais l'activité préférée <strong>de</strong> Marcus était <strong>de</strong> chevaucher Scarto, blotti dans le berceau créé par les cuisses et<br />

les bras <strong>de</strong> son père. Le petit garçon tombait souvent profondément endormi dans cette position, la tête<br />

appuyée sur le torse <strong>de</strong> son père.<br />

Olivia les observaient au loin, désireuse <strong>de</strong> leur laisser passer du temps ensembles, un sentiment <strong>de</strong> paix<br />

s'installant dans son esprit. C'était là que <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong>vait être. Elle vit la tension s'envoler <strong>de</strong> ses épaules<br />

et les plis d'inquiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> son front disparaître. Ses cheveux <strong>de</strong>vinrent plus longs et plus épais et se<br />

soulevaient <strong>de</strong> son front dans la brise quand il était assis sur le grand étalon, ses yeux se plissant à la<br />

lumière du soleil alors qu'il parcourait sa terre du regard. Il revenait à la maison tous les soirs avec les<br />

mains et les vêtements sales et une expression <strong>de</strong> satisfaction totale sur le visage.<br />

Cependant, une crainte persistante restait à la lisière <strong>de</strong> la conscience d'Olivia et elle avait beau essayer,<br />

elle ne parvenait pas à la supprimer.<br />

<strong>Maximus</strong> lui avait tranquillement parlé <strong>de</strong> l'inci<strong>de</strong>nt avec Cassius, faisant comme si c'était un événement<br />

insignifiant, mais Olivia avait compris le danger auquel il avait été exposé et savait que son époux était<br />

totalement indispensable à Marc-Aurèle et à Rome. Sa visite à sa famille était juste cela : une visite, pas<br />

quelque chose <strong>de</strong> permanent.<br />

Chaque matin, Olivia vérifiait la route malgré elle, cherchant les signes <strong>de</strong>s prétoriens qui trotteraient<br />

bientôt à travers la colline dans un nuage <strong>de</strong> poussière avec <strong>de</strong>s ordres <strong>de</strong> l'Empereur disant que <strong>Maximus</strong><br />

<strong>de</strong>vait retourner en Germanie ou se présenter dans quelque autre partie <strong>de</strong> l'empire où on avait besoin <strong>de</strong><br />

lui. Marc-Aurèle ne laisserait jamais <strong>Maximus</strong> être absent pour très longtemps. Elle et son fils avaient<br />

besoin <strong>de</strong> lui aussi, mais l'empereur avait beaucoup plus d'influence quand il s'agissait du <strong>de</strong>stin <strong>de</strong> son<br />

mari.<br />

Olivia avait décidé <strong>de</strong> rendre le séjour <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> le plus heureux possible, peut importe sa durée. Elle<br />

surveilla la préparation <strong>de</strong> repas délicieux et invita souvent sa famille à les rejoindre pour <strong>de</strong>s dîners<br />

animés qui se prolongeaient tard dans la soirée.<br />

<strong>Maximus</strong> se plaignit qu'il était en danger <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir gros et Olivia lui dit en plaisantant que c'était peut être<br />

son plan : le rendre trop gros pour qu'il ne soit plus d'aucune utilité à Marc-Aurèle en tant que soldat pour<br />

qu'elle puisse le gar<strong>de</strong>r à la ferme.<br />

En vérité, il était plus en forme que jamais, travaillant avec les ouvriers <strong>de</strong> la ferme pour creuser, planter,<br />

moissonner et débroussailler les récoltes aussi bien que réparer les clôtures et les charrettes. La terre<br />

semblait le vivifier. Il se couchait tard et se levait tôt en dépit du temps qu'il prenait pour faire l'amour à sa<br />

femme reconnaissante pendant <strong>de</strong> longues heures.<br />

Il souriait souvent et riait beaucoup, et se relaxait <strong>sous</strong> les peupliers le soir avec du vin épicé à la main et<br />

l'o<strong>de</strong>ur du jasmin à ses narines.<br />

"Je ne veux jamais repartir," avoua-t-il une nuit. "Je veux juste rester ici avec toi et Marcus et avoir un tas<br />

d'autres enfants. Je veux sentir la terre <strong>sous</strong> mes ongles et regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s choses pousser, pas mourir."<br />

Olivia ne répondit pas. Elle savait que <strong>Maximus</strong> exprimait un rêve impossible. La seule partie qui pouvait<br />

peut être <strong>de</strong>venir réalité était l'agrandissement <strong>de</strong> leur petite famille et Olivia pria pour qu'elle soit à<br />

nouveau enceinte avant que <strong>Maximus</strong> ne soit rappelé.<br />

Chapitre 52 : La visite <strong>de</strong> Cicéro<br />

Cicéro appuya son poing contre le bas <strong>de</strong> son dos et grogna quand il se cambra et qu'il entendit les os<br />

craquer quand ils se remirent en place.<br />

Le vieux cheval <strong>de</strong> l'armée qu'il montait convenait à son niveau <strong>de</strong> cavalier avec son train lent et laborieux,<br />

mais son pas était irrégulier et Cicéro avait presque atteint la limite <strong>de</strong> son endurance après cinq semaines<br />

sur la route. Il <strong>de</strong>vait sans cesse se rappeler que le voyage était son idée et que c'était lui qui avait créé la<br />

douleur qu'il subissait.<br />

Il changea à nouveau <strong>de</strong> position sur la selle et se <strong>de</strong>manda, une fois encore, où le maudit animal pouvait<br />

bien être.<br />

"Un chien," ricana Cicéro.<br />

C'était comme ça que <strong>Maximus</strong> l'appelait, mais en vérité, l'animal était beaucoup plus un loup qu'un chien.<br />

Il plaça une main au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> ses yeux et regarda les prés sur la gauche mais il n'y avait pas <strong>de</strong> queue<br />

grise sautillant au milieu <strong>de</strong> l'herbe haute. Et bien, où qu'il soit, il se ferait remarquer assez tôt.<br />

Même si l'animal le dérangeait, Cicéro <strong>de</strong>vait admettre qu'Hercule était <strong>de</strong> bonne compagnie la nuit, le<br />

protégeait et lui fournissait régulièrement <strong>de</strong>s lapins.<br />

En dépit <strong>de</strong> ses sombres pensées concernant son compagnon à quatre pattes, l'humeur <strong>de</strong> Cicéro s'était<br />

considérablement améliorée le matin même car il avait réalisé que son voyage touchait à sa fin. Un vieux<br />

panneau en bois cloué sur un pieu l'avait informé qu'il avait franchi la frontière espagnole. Il serait bientôt<br />

là où il <strong>de</strong>vait être : avec le général <strong>Maximus</strong>.<br />

Soudain, Hercule passa en trombe <strong>sous</strong> le ventre du cheval puis entre ses jambes et se retourna sur la<br />

route pour faire face à l'homme et au cheval, tout son corps se tortillant alors qu'il agitait sa longue queue,<br />

une petite boule <strong>de</strong> fourrure coincée dans son énorme mâchoire.<br />

Cicéro tira sur les rênes et le cheval surpris s'arrêta brusquement, faisant claquer les <strong>de</strong>nts <strong>de</strong> Cicéro les<br />

unes contre les autres, et il se mordit presque la langue.<br />

Hercule laissa tomber son trophée sur la route et attendit les félicitations. Cicéro vit qu'il s'agissait encore<br />

d'un lapin et soupira. Ils avaient mangé du lapin tous les soirs <strong>de</strong>puis trois semaines mais au moins, leurs<br />

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estomacs étaient pleins.<br />

"Bien Hercule, bien mon garçon," dit-il sans enthousiasme en mettant pied à terre et en ramassant la<br />

carcasse sanglante et flasque entre son in<strong>de</strong>x et son pouce, la tenant loin <strong>de</strong> lui.<br />

Un peu désorienté par le manque d'enthousiasme <strong>de</strong> l'homme, Hercule s'assit et gémit légèrement, la tête<br />

inclinée sur le côté.<br />

"Oui, d'accord," dit Cicéro en tapotant la tête du chien. "J'apprécie vraiment. Je serais probablement mort<br />

<strong>de</strong> faim <strong>de</strong>puis longtemps si tu n'avais pas été là. Tu es un bon chien."<br />

Heureux à présent, Hercule s'allongea sur la route et attendit que son compagnon dépèce son ca<strong>de</strong>au.<br />

"Pas maintenant, le chien. Nous avons encore du chemin à parcourir aujourd'hui puis nous <strong>de</strong>vons trouver<br />

un abri pour la nuit. Viens, mon garçon. Encore quelques jours et nous le retrouverons."<br />

Des aboiements firent sortir Olivia par la porte principale <strong>de</strong> la maison ­ <strong>de</strong>s aboiement graves et<br />

frénétiques qui étaient quelque peu familiers. Elle observa la route en essuyant ses mains mouillées sur le<br />

tablier qui protégeait sa tunique et vit un grand chien gris, les oreilles couchées et la queue droite,<br />

remontant le chemin à toute vitesse. C'était Hercule, aucun doute.<br />

Elle alla rapi<strong>de</strong>ment vers l'herbe et s'abaissa sur un genoux juste à temps pour attraper le chien alors qu'il<br />

se jetait sur elle avant <strong>de</strong> la faire tomber à la renverse. L'énorme animal était sur Olivia, couvrant son<br />

visage <strong>de</strong> baisers collants. Elle rit puis grimaça alors qu'elle luttait pour maîtriser le chien. Le saisissant par<br />

la peau du cou, elle usa <strong>de</strong> toute sa force pour le pousser et elle se releva, faisant face au chemin désert.<br />

Le moment qu'elle redoutait était venu. Bientôt, <strong>de</strong>s soldats apparaîtraient au sommet <strong>de</strong> la colline pour<br />

emporter <strong>Maximus</strong>. Elle se redressa, ôta <strong>de</strong>s brins d'herbe <strong>de</strong> sa jupe et étouffa les sanglots qui<br />

menaçaient d'éclater, se préparant à accueillir les prétoriens avec l'attitu<strong>de</strong> qui convenait à une femme <strong>de</strong><br />

général.<br />

Quelques minutes plus tard, la poussière annonça l'arrivée <strong>de</strong>s visiteurs. Mais c'était une petite bouffée <strong>de</strong><br />

poussière au lieu <strong>de</strong>s énormes et épais nuages bruns habituellement soulevés par une gar<strong>de</strong> prétorienne,<br />

et Olivia réalisa vite qu'elle ne regardait qu'un seul cavalier.<br />

Le cavalier approcha, sautillant maladroitement sur le dos du cheval qui trottait et s'arrêta à quelques<br />

mètres d'Olivia. Elle l'entendit gémir quand il <strong>de</strong>scendit <strong>de</strong> cheval et le vit trébucher légèrement. Elle<br />

s'avança instinctivement et lui offrit sa main pour l'ai<strong>de</strong>r mais il vit un signe <strong>de</strong> refus, ses épais cheveux<br />

bruns cachant momentanément ses yeux. Il repoussa ses cheveux et dit : "Je cherche la maison du<br />

général <strong>Maximus</strong>. Suis-je au bon endroit ?"<br />

Olivia fut surprise un instant par les cicatrices profon<strong>de</strong>s qui traversaient le visage séduisant <strong>de</strong> l'homme,<br />

mais elle se maîtrisa rapi<strong>de</strong>ment et répondit : ""Vous êtes au bon endroit, Monsieur. Je suis la femme du<br />

général <strong>Maximus</strong>."<br />

Le visiteur sourit. "Le général n'a pas exagéré votre beauté, ma Dame."<br />

"Qui êtes-vous, Monsieur ?"<br />

"Excusez-moi, ma Dame. Je suis Cicéro, le serviteur du général. Je suis venu <strong>de</strong> Germanie pour être avec<br />

lui."<br />

Olivia regarda à nouveau la route. "Y-a-t-il d'autres personnes avec vous ?"<br />

"Pas d'autres humains, ma Dame. Juste ce vieux cheval et une créature grise que le général appelle un<br />

chien. Il s'est enfui il y a un moment."<br />

"Hercule est ici." Olivia regarda alentour et s'aperçut que l'animal avait disparu. "Je pense qu'il est parti à la<br />

recherche <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>." Elle hésita puis <strong>de</strong>manda bravement. "Êtes-vous venu avec <strong>de</strong>s ordres pour le<br />

retour <strong>de</strong> mon mari ?"<br />

"Non, ma Dame"<br />

Olivia soupira <strong>de</strong> soulagement, ses épaules tombant.<br />

"Je sers le général <strong>Maximus</strong> et je <strong>de</strong>vrais être là où il se trouve. Je suis venu pour cette raison, bien que je<br />

sois porteur <strong>de</strong> lettres du légat Quintus qui fait fonction <strong>de</strong> chef en son absence."<br />

Un sourire radieux illumina le visage d'Olivia. "Alors vous êtes le bienvenu, Cicéro. Pardonnez mes<br />

manières et venez à l'intérieur. Des serviteurs vont s'occuper <strong>de</strong> votre cheval. Vous <strong>de</strong>vez être très fatigué<br />

et affamé."<br />

"Oui, ma Dame, j'avoue que c'est le cas," dit Cicéro en montant les marches <strong>de</strong>rrière elle et en pénétrant<br />

dans l'ombre agréable <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> maison <strong>de</strong> pierre.<br />

Olivia lui montra où nettoyer la poussière <strong>de</strong> son visage et <strong>de</strong> ses mains puis l'accompagna au triclinium où<br />

elle lui servit du vin avant <strong>de</strong> le laisser pour prévenir les cuisiniers qu'il y aurait un invité pour le dîner.<br />

Cicéro était assis dans la salle <strong>de</strong>puis seulement quelques minutes quand il entendit les pas <strong>de</strong> quelqu'un<br />

qui courait dans l'atrium suivi par les griffes d'un chien qui avait du mal à rester stable sur le sol pavé <strong>de</strong><br />

mosaïque. Quelques secon<strong>de</strong>s plus tard, <strong>Maximus</strong> jeta un il par la porte <strong>de</strong> la salle alors qu'il passait<br />

rapi<strong>de</strong>ment, puis Cicéro entendit ses sandales glisser quand il s'arrêta brutalement. Le chien s'en tira<br />

nettement moins bien, ses griffes essayant <strong>de</strong> s'accrocher en vain sur le pavé alors qu'il essayait <strong>de</strong><br />

changer brusquement <strong>de</strong> direction, et Cicéro grimaça quand il entendit le gros animal heurter un mur avec<br />

un bruit sourd.<br />

<strong>Maximus</strong> fit irruption par la porte, les yeux agrandis <strong>de</strong> surprise. "Cicéro !" s'exclama-t-il. "Cicéro que fais-tu<br />

ici ? Es-tu accompagné ? Où sont les autres ?"<br />

Cicéro se leva pour saluer convenablement son général. "Il n'y a personne d'autre, monsieur, et je suis ici<br />

pour vous servir. Ca ne sert à rien que je reste en Germanie si vous êtes en Espagne. De plus," il haussa<br />

les épaules, "J'avais besoin <strong>de</strong> m'éloigner un peu <strong>de</strong> Felix III."<br />

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<strong>Maximus</strong> sourit et saisit la main <strong>de</strong> Cicéro puis le prit brièvement dans ses bras.<br />

"Tu as une sacré allure," rit-il. "C'était un long voyage, n'est ce pas ?"<br />

"Je ne sais pas comment vous faites, monsieur traverser tout l'empire à cheval. Mon dos ne s'en remettra<br />

peut être jamais, et je ne parlerais pas <strong>de</strong> mon <strong>de</strong>rrière."<br />

"Un bain chaud plus tard vous fera du bien," dit Olivia en entrant dans la pièce, suivie par <strong>de</strong>s serviteurs<br />

qui portaient <strong>de</strong>s plateaux <strong>de</strong> nourriture et <strong>de</strong> boissons.<br />

"Tu as fait connaissance avec ma femme ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong> en regardant tendrement Olivia.<br />

Cicéro acquiesça. "Oui, en effet, monsieur, et votre <strong>de</strong>scription d'elle était vraiment exacte."<br />

"Et mon fils as-tu vu mon fils ?"<br />

Quand Cicéro secoua négativement la tête, <strong>Maximus</strong> se dirigea vers la porte mais fut stoppé par Olivia qui<br />

bloqua l'encadrement avec son corps.<br />

"<strong>Maximus</strong>, Marcus dort. Si tu le réveilles maintenant, il sera ronchon toute la nuit. Cicéro pourra le voir<br />

quand il se réveillera et ça nous donnera une chance <strong>de</strong> dîner en paix."<br />

"Bien sûr. Tu as raison." <strong>Maximus</strong> regarda Cicéro avec un air un peu honteux. "J'ai tendance à oublier<br />

combien il est jeune et je le veux tout le temps avec moi."<br />

Asseyez-vous ici, Cicéro," dit Olivia en guidant son invité vers un divan au bout <strong>de</strong> la pièce.<br />

<strong>Maximus</strong> tira un Hercule résistant hors du triclinium et lui ordonna <strong>de</strong> rester là où il était puis il rejoignit<br />

Olivia sur le divan faisant face à la porte.<br />

La conversation s'interrompit brièvement quand les premiers plats furent servis puis elle reprit alors qu'ils<br />

grignotaient les sala<strong>de</strong>s et les crevettes.<br />

Hercule s'étendit sur le sol juste à l'extérieur <strong>de</strong> la porte, <strong>de</strong>vant l'encadrement, la truffe sur ses pattes,<br />

forçant les serviteurs méfiants à l'enjamber.<br />

"Etes-vous un soldat, Cicéro ?" <strong>de</strong>manda Olivia, toujours consciente <strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>s cicatrices sur son<br />

visage.<br />

"Je l'étais, ma Dame. J'étais dans l'infanterie." Cicéro hésita et jeta un il à <strong>Maximus</strong> qui hocha la tête pour<br />

qu'il poursuive. "J'ai été capturé par une tribu barbare en Germanie il y a cinq ans et blessé."<br />

"Il a été torturé," dit simplement <strong>Maximus</strong>, et il tapota la main d'Olivia quand elle pâlit visiblement.<br />

"Quand les soldats romains m'ont secouru, j'étais presque mort et il s'est passé <strong>de</strong>s mois avant que l'on<br />

soit sûr que je vivrais." Cicéro but une gorgée <strong>de</strong> son vin. "Quand je me suis remis, j'ai découvert que je<br />

revivais cette expérience à chaque fois que je me préparais à nouveau à aller me battre et je ne pouvais<br />

plus le faire. J'ai essayé si fort Je savais que je serais rapi<strong>de</strong>ment mis à la retraite et que je n'aurais peut<br />

être pas <strong>de</strong> pension. Je n'avais pas <strong>de</strong> famille ­ toute ma vie est dans l'armée." Cicéro regarda <strong>Maximus</strong>.<br />

"J'ai été choisi pour servir <strong>Maximus</strong> quand il est <strong>de</strong>venu général, et je l'ai servi avec fierté <strong>de</strong>puis ce jour."<br />

"Je trouverais la vie très difficile sans toi à présent, Cicéro." Les mots suivants <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> étaient<br />

adressés à sa femme. "C'est un homme très discret qui ne répète aucun <strong>de</strong>s secrets militaires qu'il peut<br />

entendre. Je lui fait entièrement confiance. Il semble aussi savoir <strong>de</strong> quoi j'ai besoin avant même que je ne<br />

le sache." Son regard revint sur Cicéro. "Je t'aurais emmené partout avec moi, Cicéro, si j'avais su que tu<br />

était un cavalier expérimenté."<br />

Cicéro grogna en voyant la lueur dans les yeux <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. "Je pense que je préférerais retourner à pied<br />

en Germanie plutôt qu'à cheval. Non, monsieur, je ne ferais que vous ralentir. Je ne suis pas un cavalier<br />

comme vous l'êtes."<br />

"Tu aurais dû monter Argento. Il t'aurait amené ici en <strong>de</strong>ux fois moins <strong>de</strong> temps que cela ne t'a pris avec ce<br />

vieux cheval."<br />

"Je ne toucherai pas ce démon. Si j'avais essayé <strong>de</strong> le monter, il m'aurait jeté au bas d'un ravin, pour sûr.<br />

Où avez-vous eu <strong>de</strong>s chevaux comme ceux-ci <strong>de</strong> toute façon ?"<br />

Olivia et <strong>Maximus</strong> rirent.<br />

"Ils étaient un ca<strong>de</strong>au <strong>de</strong> ma merveilleuse femme. Son père élève les meilleurs chevaux <strong>de</strong> combat <strong>de</strong> tout<br />

l'empire."<br />

Cicéro rougit. "Pardonnez-moi, ma Dame. Je suis sûr que ce sont <strong>de</strong>s animaux fantastiques pas comme<br />

ce loup que vous possé<strong>de</strong>z, <strong>Maximus</strong>." Cicéro désigna l'énorme chien qui l'ignora. "Voilà un animal<br />

vraiment diabolique" Cicéro hésita quand il vit Olivia arborer un grand sourire. <strong>Maximus</strong> cacha son sourire<br />

dans son gobelet <strong>de</strong> vin.<br />

Cicéro regarda <strong>Maximus</strong>. "Lui aussi ?" <strong>de</strong>manda-t-il faiblement.<br />

<strong>Maximus</strong> acquiesça et se pencha vers leur invité, un sourcil relevé. "Un autre présent <strong>de</strong> mon adorable<br />

épouse," expliqua-t-il en murmurant assez fort.<br />

"Et bien.. et bien vous avez certainement un goût excellent en ce qui concerne les animaux, ma Dame.<br />

Vous savez sûrement quels animaux conviennent à votre époux. Ils sont intelligents et puissants, et<br />

courageux. tout comme lui, et"<br />

Olivia éclata <strong>de</strong> rire. "Je ne suis pas vexée, Cicéro, et veuillez ignorer <strong>Maximus</strong>. Il vous taquine. Il est<br />

terriblement taquin ces <strong>de</strong>rniers temps."<br />

Elle soupira, faisant semblant d'être exaspérée.<br />

Cicéro observa attentivement <strong>Maximus</strong>.<br />

"Vous avez l'air différent, monsieur. Beaucoup plus détendu. Presque plus jeune." <strong>Maximus</strong> regarda son<br />

serviteur avec un air interrogateur. Cicéro continua : "Peut être que se sont vos cheveux. Je ne savais pas<br />

que vos cheveux bouclaient."<br />

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<strong>Maximus</strong> passa une main dans ses épaisses boucles brillantes et sourit. "C'est plus facile <strong>de</strong> les gar<strong>de</strong>r<br />

propres ici qu'au front alors ça ne me dérange pas qu'ils soient plus longs."<br />

"Et je les aime comme ça," ajouta Olivia.<br />

Cicéro remarqua le regard chaleureux qu'elle lança à son mari et le regard affectueux <strong>de</strong> celui-ci en retour.<br />

Ils se touchaient souvent, avait remarqué Cicéro : une caresse sur la joue, une main serrée, une main sur<br />

un bras ou sur le bas du dos. Ils s'aimaient vraiment.<br />

Se sentant comme un intrus, Cicéro changea <strong>de</strong> sujet. "Hercule m'a été d'une gran<strong>de</strong> ai<strong>de</strong> pendant mon<br />

voyage. J'étais nerveux à l'idée <strong>de</strong> voyager seul mais aucun voleur ne m'a dérangé quand il était là. Les<br />

seules fois où il me laissait seul, c'était pour aller chasser <strong>de</strong>s lapins. Toujours <strong>de</strong>s lapins ! J'ai mangé<br />

correctement, mais j'en ai vraiment assez du lapin."<br />

<strong>Maximus</strong> eut l'air alarmé. "Oh, et bien alors Je ferais mieux <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r aux cuisiniers <strong>de</strong> trouver autre<br />

chose à servir pour le dîner. Ils ont travaillé toute la journée à préparer un plat spécial avec du lapin."<br />

"<strong>Maximus</strong>," murmura Olivia pour le mettre en gar<strong>de</strong>.<br />

Son époux continua, apparemment inconscient <strong>de</strong> la gêne <strong>de</strong> Cicéro. "Ca ne leur posera aucun problème,<br />

j'en suis sûr. Ils peuvent trouver autre chose"<br />

"Non, non, le lapin sera très bien. Je suis sûr que ça aura un tout autre goût accommodé par vos<br />

cuisiniers."<br />

"<strong>Maximus</strong>, arrête !" Olivia lui donna une tape sur le bras. "Cicéro, nous avons <strong>de</strong> la venaison pour le dîner.<br />

<strong>Maximus</strong> vous taquine. Ignorez-le."<br />

"Oh."<br />

Cicéro était vraiment intrigué par le changement <strong>de</strong> son général. <strong>Maximus</strong> avait toujours été si sérieux en<br />

Germanie ­ presque sinistre. Cicéro ne l'avait jamais vu d'humeur légère et la trans<strong>format</strong>ion était<br />

surprenante. Etait-ce cela qui le faisait paraître plus jeune <strong>de</strong> plusieurs années ? Pour un temps, l'énorme<br />

far<strong>de</strong>au <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir prendre <strong>de</strong>s décisions avait été levé <strong>de</strong> ses épaules. Pour un temps, il n'avait pas à<br />

envoyer <strong>de</strong>s hommes vers leurs morts. Il n'avait pas à élaborer <strong>de</strong>s stratégies pour la guerre, et ça faisait<br />

<strong>de</strong> lui un homme différent ­ un homme que Cicéro était très content <strong>de</strong> découvrir.<br />

Il s'inclina en avant et leva son gobelet en direction <strong>de</strong> son général.<br />

"A vous, monsieur."<br />

Le geste surprit <strong>Maximus</strong>. "A moi ? Que veux-tu dire ?"<br />

"Je ne veux rien dire <strong>de</strong> particulier. Ne puis-je honorer mon général si ça me fait plaisir ?"<br />

Olivia saisit aussi son gobelet et le leva très haut. "A <strong>Maximus</strong>," dit-elle avec un sourire.<br />

<strong>Maximus</strong> les regarda tour à tour, cherchant un indice quant à ce qu'ils voulaient dire. Pour finir, il haussa<br />

les épaules et leva également son gobelet, inclinant la tête en signe <strong>de</strong> remerciement.<br />

"Je n'ai aucune idée <strong>de</strong> la raison pour laquelle vous faites cela mais je <strong>de</strong>vine que j'ai intérêt à l'accepter<br />

<strong>de</strong> bonne grâce." Puis il sourit <strong>de</strong> façon espiègle avant <strong>de</strong> renverser la tête en arrière et <strong>de</strong> vi<strong>de</strong>r son<br />

gobelet d'un seul trait.<br />

"A propos," dit-il à Cicéro, essuyant sa bouche avec le revers <strong>de</strong> sa main, ce qui n'était pas son habitu<strong>de</strong>,<br />

"J'ai beaucoup plus <strong>de</strong> personnes qu'il n'en faut pour s'occuper <strong>de</strong> moi ici. Considère-toi en congés, mon<br />

ami."<br />

Chapitre 53 : La conversation dans le jardin<br />

<strong>Maximus</strong> était assis, regardant dans son gobelet <strong>de</strong> vin qu'il tournait entre ses mains, perdu dans ses<br />

pensées. La pleine lune se reflétait sur la surface du liqui<strong>de</strong> rouge foncé.<br />

Cicéro était assis tout près, observant attentivement le général. Il en avait appris plus sur cet homme<br />

durant les quelques jours où il avait été à la ferme que pendant toutes les années où il l'avait connu à<br />

l'armée.<br />

Il ne savait pas ce que contenaient les lettres qu'il avait amenées <strong>de</strong> Germanie, mais leur teneur perturbait<br />

visiblement <strong>Maximus</strong>.<br />

<strong>Maximus</strong> soupira et leva les yeux pour croiser le regard <strong>de</strong> Cicéro. "Les tribus construisent un fort à<br />

Cologne ?"<br />

"Oui, monsieur. C'est ce que j'ai entendu dire."<br />

"Pourquoi laissons-nous cela se produire ? Si leur fort est à quelques kilomètres du fleuve, cela donnerait<br />

aux Germains une soli<strong>de</strong> base pour lancer <strong>de</strong>s attaques."<br />

"Oui, monsieur."<br />

"Alors je le <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à nouveau : pourquoi les laissons-nous faire ? J'ai laissé Quintus avec le pouvoir<br />

d'agir contre <strong>de</strong> telles agressions."<br />

Cicéro bougea sur son siège et jeta un il à l'atrium plongé dans le noir. "Puis-je parler franchement,<br />

monsieur ?"<br />

"Bien sûr."<br />

"Quintus est incapable <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s décisions. Il est doué pour faire exécuter <strong>de</strong>s ordres donnés par un<br />

supérieur ­ vous ou l'empereur, par exemple ­ mais quand il est seul pour évaluer les situations et prendre<br />

<strong>de</strong>s décisions, il n'arrive pas à le faire. La plus importante décision qu'il ait prise a été <strong>de</strong> déplacer les<br />

légions à Cologne pour faire démonstration <strong>de</strong> leur puissance mais rien ne s'est passé <strong>de</strong>puis."<br />

"Alors, qu'a-t-il fait pendant les mois où je suis parti ?"<br />

"Construit plus <strong>de</strong> routes et réparé d'autres routes. Renforcé nos fortifications C'est à peut près tout. Il a<br />

essayé d'ignorer ce qui se passait <strong>de</strong> l'autre côté du fleuve. En vérité, monsieur, je pense que votre<br />

absence a été bénéfique pour lui. Ca lui a montré qu'il n'est pas vraiment le lea<strong>de</strong>r qu'il croyait être."<br />

89


"Et bien" commença <strong>Maximus</strong>, puis il s'interrompit quand Olivia vint dans le jardin avec un Marcus<br />

somnolent sur la hanche.<br />

"Il s'est réveillé et il voulait son papa," dit-elle.<br />

De petits bras se tendirent vers <strong>de</strong> beaucoup plus grands et <strong>Maximus</strong> installa son fils sur ses genoux.<br />

Olivia cueillit quelques fleurs du rosier à côté du siège <strong>de</strong> son mari puis disparût silencieusement dans<br />

l'atrium. Le parfum <strong>de</strong>s fleurs embaumait encore l'atmosphère.<br />

"Marcus, voici Cicéro, un <strong>de</strong> mes amis."<br />

L'enfant était encore visiblement encore ensommeillé et il regarda à peine Cicéro avant <strong>de</strong> se retourner<br />

pour se blottir contre la poitrine <strong>de</strong> son père, son pouce dans la bouche et ses paupières se refermant.<br />

<strong>Maximus</strong> déposa un baiser sur les cheveux noirs <strong>de</strong> l'enfant et les repoussa <strong>de</strong> sur son front avant <strong>de</strong><br />

sourire à Cicéro. "Mes raisons <strong>de</strong> vivre," dit-il. "Marcus et Olivia."<br />

"Je le vois, monsieur. Je vous envie."<br />

"Le temps que je passe avec eux est si court."<br />

"Vous êtes un homme vraiment différent quand vous êtes avec eux."<br />

"Un homme meilleur."<br />

"Non, pas meilleur. Juste différent."<br />

"Tu sais, ça n'est pas humain <strong>de</strong> passer la meilleure partie <strong>de</strong> sa vie à faire la guerre si loin <strong>de</strong>s gens que<br />

l'on aime. De se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r chaque jour si on sera encore en vie pour voir son fils grandir. Une vie <strong>de</strong><br />

soldat est anormale."<br />

"Ca pourrait être pire."<br />

"Je suppose."<br />

"Vous pourriez être un esclave et votre existence dépendrait entièrement <strong>de</strong>s caprices d'un autre."<br />

<strong>Maximus</strong> sourit. "Tu as raison, bien sûr. Je m'apitoie juste sur mon sort quand je n'ai pas <strong>de</strong> raison <strong>de</strong> le<br />

faire. Je suis tout <strong>de</strong> même un homme chanceux d'avoir une famille si merveilleuse. Je n'ai pas <strong>de</strong> soucis<br />

financiers." Il fit un grand sourire à Cicéro. "Je donne les ordres plutôt que d'avoir à y obéir."<br />

"La plupart <strong>de</strong>s hommes trouvent que c'est beaucoup plus facile d'obéir. Il n'y a pas <strong>de</strong> responsabilité."<br />

"Fais-tu encore référence à Quintus ?"<br />

"Oui. Je déteste dire cela alors que vous êtes assis dans ce beau jardin avec votre bébé sur vos genoux,<br />

mais les hommes veulent que vous reveniez. Même si Quintus arrivait à prendre une décision, je ne suis<br />

pas certain que les hommes lui obéiraient. Ils n'ont pas confiance en son jugement. Ils vous font<br />

entièrement confiance."<br />

"Les soldats doivent obéir à leurs supérieurs."<br />

"Je n'ai pas à vous dire qu'il y a toutes sortes <strong>de</strong> moyens qu'ils peuvent utiliser pour ne pas avoir à le faire<br />

sans désobéissance totale."<br />

"Quels moyens ? Non, je ne veux pas le sav"<br />

"Ils pourraient saboter l'équipement afin qu'il ne soit pas prêt pour la guerre, par exemple," coupa Cicéro<br />

qui voulait parler. "Les gran<strong>de</strong>s armes pourraient avoir <strong>de</strong>s problèmes opérationnels. Le camp pourrait être<br />

frappé par une mystérieuse maladie"<br />

"Mes hommes ne feraient jamais cela."<br />

"Pas avec vous aux comman<strong>de</strong>s, monsieur. Avec Quintus, je ne sais pas"<br />

<strong>Maximus</strong> mit son nez dans les cheveux <strong>de</strong> son fils endormi et senti le cur <strong>de</strong> l'enfant battre contre le sien. Il<br />

savait que ce que Cicéro venait <strong>de</strong> dire était vrai mais il avait évité d'y penser pour mieux profiter <strong>de</strong> son<br />

séjour avec sa famille sans culpabilité.<br />

"Il y a quelqu'un que vous aimez autant que votre femme et votre enfant," dit Cicéro.<br />

<strong>Maximus</strong> leva les sourcils avec un air interrogatif.<br />

"Marc-Aurèle et tout ce pour quoi il se bat. Vous l'aimez et vous aimez Rome ­ passionnément."<br />

<strong>Maximus</strong> acquiesça et soupira. "Tu es très perspicace, Cicéro. Je ne m'étais pas rendu compte que tu me<br />

comprenais si bien. Dis-moi franchement, as-tu été envoyé ici pour essayer <strong>de</strong> me convaincre <strong>de</strong> revenir<br />

en Germanie ?"<br />

"Non, <strong>Maximus</strong>," dit Cicéro avec une familiarité décontractée. "Je suis venu parce que vous êtes le seul<br />

homme que je servirai. Je perds mon temps en Germanie si vous n'y êtes pas."<br />

"Merci <strong>de</strong> ta loyauté, Cicéro."<br />

"Ca n'est pas une chose que j'accor<strong>de</strong> à la légère, monsieur."<br />

<strong>Maximus</strong> joua avec une touffe d'herbe avec le bout <strong>de</strong> sa sandale. "Je dois reconnaître que quelques fois,<br />

je me sens vraiment coupé du mon<strong>de</strong> réel quand je suis ici. Quand je me trouve en Espagne, il est facile<br />

d'imaginer que la Germanie n'existe même pas, et Rome non plus, d'ailleurs. C'est quelque peu<br />

déconcertant."<br />

"Vous êtes habitué à savoir aussitôt tout ce qui se passe dans l'empire, d'être un homme qui prend <strong>de</strong>s<br />

décisions qui affectent la vie <strong>de</strong> millions <strong>de</strong> gens. Aussi fort que vous aimiez cet endroit, ça ne sera jamais<br />

suffisant pour vous.<br />

"Je ne sais pas"<br />

"Je le sais," dit Cicéro avec conviction. "Vous êtes trop jeune pour vous retirer définitivement ici."<br />

"Je veux voir mon garçon grandir. Je veux d'autres enfants <strong>de</strong>s petits enfants."<br />

"Vous pouvez tout avoir. Si il y a un homme qui peut tout avoir dans l'empire, c'est vous. Ca n'est pas à<br />

moi <strong>de</strong> vous dire comment mener votre vie, monsieur, mais si vous m'autorisez à le dire Vous êtes un<br />

soldat né, un lea<strong>de</strong>r né mais je vois bien que vous avez aussi besoin <strong>de</strong> votre famille. Pourquoi ne<br />

pourriez-vous pas tout avoir ?<br />

90


"Quand je suis ici, mes soldats et l'armée me manquent. J'ai envie <strong>de</strong> parler à Marc-Aurèle. Quand je suis<br />

avec l'armée, ma famille me manque. Peut être suis-je <strong>de</strong>stiné à ne jamais être satisfait avec ma vie."<br />

<strong>Maximus</strong> rit. "Quelle triste pensée, en fait."<br />

Marcus s'agita sur ses genoux avant <strong>de</strong> se réinstaller et, juste à ce moment, Olivia fit son apparition pour<br />

remettre l'enfant au lit.<br />

<strong>Maximus</strong> le rendit avec réticence et Cicéro remarqua un échange <strong>de</strong> regards intimes entre le mari et la<br />

femme. Il se leva et s'étira, les bras vers les étoiles au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> lui. "Si cela ne vous dérange pas,<br />

monsieur, je pense que je vais me retirer. Je suis encore très fatigué par mon voyage."<br />

"Bien sûr, Cicéro. Bonne nuit."<br />

Il se leva pour partir.<br />

"Cicéro ?"<br />

"Oui, monsieur ?"<br />

"J'ai aimé notre conversation. Merci d'avoir fait le difficile voyage jusqu'en Espagne."<br />

Cicéro acquiesça puis se retourna pour partir, manquant <strong>de</strong> tomber en butant presque contre Hercule qui<br />

était étalé <strong>de</strong> tout son long <strong>de</strong>rrière son siège. Le chien leva la tête et regarda l'homme avec dédain avant<br />

<strong>de</strong> replonger dans sa sieste.<br />

"Il y a une chose que je ne comprends pas à votre sujet, monsieur." <strong>Maximus</strong> leva les sourcils mais il<br />

savait ce qui allait suivre. "Cet animal. Pourquoi ne pouvez-vous pas avoir un gentil petit chien comme tout<br />

le mon<strong>de</strong> ?"<br />

"Il convient à ma personnalité," se mit à rire <strong>Maximus</strong> alors qu'il se levait à son tour pour aller se coucher.<br />

Chapitre 54 : La foire<br />

Ils entendirent et sentirent la foire avant <strong>de</strong> pouvoir la voir.<br />

L'excitation <strong>de</strong> Marcus augmentait à chaque tournant <strong>de</strong> la route allant <strong>de</strong> la ferme à Emerita Augusta et,<br />

quand la charrette s'arrêta à l'extérieur <strong>de</strong> la foire, il tremblait presque.<br />

La journée était chau<strong>de</strong> et ensoleillée et <strong>Maximus</strong> portait <strong>de</strong>s sandales lacées à ses chevilles et une simple<br />

tunique <strong>de</strong> lin lui arrivant aux genoux.<br />

Il sauta en bas <strong>de</strong> la charrette puis aida Olivia à faire <strong>de</strong> même, laissant Cicéro se débrouiller.<br />

Puis, <strong>Maximus</strong> mit Marcus sur ses épaules, le tenant par les chevilles et Marcus enfouit ses doigts dans<br />

les cheveux <strong>de</strong> son papa pour plus <strong>de</strong> sécurité. Olivia mis sa main autour du cou<strong>de</strong> plié <strong>de</strong> son époux et ils<br />

se dirigèrent vers la rue principale animée <strong>de</strong> la ville qui avait été aménagée en champ <strong>de</strong> foire pour la<br />

journée.<br />

La population d'Emerita Augusta avait plus que triplé car <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong>s fermes environnantes s'étaient<br />

joints aux festivités.<br />

Des jongleurs, <strong>de</strong>s cracheurs <strong>de</strong> feu et <strong>de</strong>s acrobates sur <strong>de</strong>s échasses se mêlaient à la foule nombreuse,<br />

et le vin mielleux et les gâteaux remplissaient l'air d'o<strong>de</strong>urs succulentes.<br />

Des marchands locaux vendaient à la criée <strong>de</strong>s rubans multicolores, <strong>de</strong> la verrerie et <strong>de</strong>s jouets en bois<br />

dans <strong>de</strong> petits boxes en se battant pour les pièces <strong>de</strong>s personnes présentes.<br />

Des acteurs aux costumes colorés jouaient <strong>de</strong> courtes pièces et saynètes sur <strong>de</strong>s scènes faites <strong>de</strong> bric et<br />

<strong>de</strong> broc, pour le plaisir <strong>de</strong>s spectateurs.<br />

Des autruches, <strong>de</strong>s lions, <strong>de</strong>s hyènes et <strong>de</strong>s tigres se languissaient dans <strong>de</strong>s cages, ennuyés et<br />

ensommeillés <strong>sous</strong> le chaud soleil, ne prêtant pas attention aux regards curieux <strong>de</strong>s passants.<br />

Les yeux <strong>de</strong> Marcus étaient ronds comme <strong>de</strong>s billes, ne sachant pas où regar<strong>de</strong>r. Il cria <strong>de</strong> joie en voyant<br />

un jongleur qui gardaient six balles en l'air en même temps, et sa bouche s'ouvrit tout grand quand le<br />

cracheur <strong>de</strong> feu dirigea ses flammes dans sa direction. Olivia rit et tapota son <strong>de</strong>rrière pour le rassurer puis<br />

<strong>de</strong>scendit sa main sur le bas du dos <strong>de</strong> son mari quand le couple échangea <strong>de</strong>s sourires.<strong>Maximus</strong> acheta<br />

<strong>de</strong>s douceurs et <strong>de</strong>s boissons pour tout le mon<strong>de</strong>, qu'ils consommèrent en errant parmi la foule agitée,<br />

s'arrêtant à tout ce qui attirait l'attention <strong>de</strong> Marcus.<br />

Cicéro observait l'interaction entre la petite famille <strong>de</strong>puis sa position légèrement <strong>de</strong>rrière eux, et ressentit<br />

un élan <strong>de</strong> pitié pour <strong>Maximus</strong> qui pouvait être arraché d'eux à tout instant. Jusqu'à ce qu'il vienne en<br />

Espagne, il n'avait pas réalisé que le général était si dévoué à sa famille.<br />

Depuis sa position, Cicéro remarqua <strong>de</strong>s gens qui s'arrêtaient pour regar<strong>de</strong>r l'homme séduisant avec<br />

l'enfant perché sur ses larges épaules.<br />

Aussi bien les villageois que les fermiers montraient <strong>Maximus</strong> du doigt quand ils le reconnaissaient et<br />

murmuraient entre eux, surpris et excités <strong>de</strong> le voir parmi eux.<br />

Il avait atteint un statut que peu d'espagnols avaient et ils étaient fascinés par ce grand homme.<br />

<strong>Maximus</strong> ne remarqua rien mais Cicéro leur jeta <strong>de</strong>s regards noirs et il se rapprocha <strong>de</strong> son général,<br />

déterminé à ne pas laisser <strong>de</strong>s badauds curieux gâcher sa journée.<br />

Au grand déplaisir <strong>de</strong> Cicéro, un petit groupe <strong>de</strong> curieux commença à les suivre, leur regards rivés sur<br />

<strong>Maximus</strong>.<br />

Finalement, <strong>de</strong>s citoyens plus courageux arrêtèrent le général pour le saluer et lui dirent leur admiration.<br />

Quelque uns avaient connu <strong>Maximus</strong> quand ils étaient enfants et il était vraiment content <strong>de</strong> revoir ses<br />

vieux amis.<br />

Il pris son temps pour chacun d'entre eux, souriant, serrant <strong>de</strong>s mains et échangeant <strong>de</strong>s souvenirs.<br />

Olivia rayonnait <strong>de</strong> fierté mais Marcus, impatient, agitait ses jambes sur la poitrine <strong>de</strong> son père.<br />

91


Rapi<strong>de</strong>ment, une foule les entoura, assaillant <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong> questions à propos <strong>de</strong> l'empereur et <strong>de</strong>mandant<br />

<strong>de</strong>s in<strong>format</strong>ions sur la guerre en Germanie et également sur ses récentes aventures dans l'est.<br />

<strong>Maximus</strong> dérouta habilement les questions avec humour car il n'avait pas l'intention <strong>de</strong> parler <strong>de</strong><br />

problèmes d'état avec <strong>de</strong>s civils.<br />

Marcus s'agita et allait se plaindre quand Olivia le récupéra et l'installa sur sa hanche. Elle dit quelques<br />

mots à son mari puis se dirigea vers le spectacle <strong>de</strong> marionnettes le plus proche, installé <strong>sous</strong> une petite<br />

tente rayée, jetant un il en arrière pour être sûre que Cicéro restait avec <strong>Maximus</strong>.<br />

Olivia était <strong>de</strong>bout <strong>de</strong>rrière l'enfant assis sur le sol mais ses yeux restaient fixés sur la foule encerclant son<br />

époux qui augmentait et commençait à chahuter. Des femmes et <strong>de</strong>s enfants étaient bousculés par <strong>de</strong>s<br />

jeunes gens turbulents qui voulaient s'approcher du célèbre guerrier.<br />

Olivia poussa un petit cri quand elle vit un petit enfant tomber et hurler <strong>de</strong> terreur avant que sa mère ne<br />

puisse le <strong>sous</strong>traire du piétinement à temps. Bientôt, <strong>Maximus</strong> et Cicéro disparurent au milieu <strong>de</strong> la foule<br />

grandissante.<br />

Au milieu du chaos, Cicéro joua <strong>de</strong>s cou<strong>de</strong>s pour créer une voie <strong>de</strong> retraite qui referma rapi<strong>de</strong>ment.<br />

Comme les gens sur l'extérieur poussaient pour se rapprocher <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, ceux à l'intérieur étaient<br />

écrasés contre lui.<br />

Quand <strong>Maximus</strong> vit un autre enfant effrayé tomber, il prit une profon<strong>de</strong> inspiration et fit appel à son ton<br />

militaire le plus convaincant. "C'en est assez ! Poussez-vous et laissez-moi passer !"<br />

L'autorité <strong>de</strong> ces mots eut l'effet escompté : ceux à l'extérieur du rassemblement s'éloignèrent, permettant<br />

aux gens <strong>de</strong> se disperser un peu et à <strong>Maximus</strong> d'émerger <strong>de</strong> la foule.<br />

Il se dirigea tout droit vers sa femme avec <strong>de</strong> longues et sûres enjambées, ses bras bougeant avec ses<br />

pas, sa tête baissée et ses yeux rivés droit <strong>de</strong>vant. Il avait l'air furieux mais, même à cette distance, Olivia<br />

pouvait voir ses yeux pétiller.<br />

Soudain, <strong>Maximus</strong> pivota et fit face à la foule assagie. "Merci mesdames et messieurs. Je suis ici<br />

aujourd'hui avec ma femme et mon fils et j'aimerais passer le restant <strong>de</strong> la journée avec eux en paix. Je<br />

suis sûr que vous comprenez."<br />

Il s'inclina légèrement vers les gens puis pris Marcus et le remit sur ses épaules, tournant son visage vers<br />

les marionnettes et montrant son dos à ses admirateurs.<br />

Après un tonnerre d'applaudissements, la foule commença à se disperser lentement.<br />

Les amuseurs se firent concurrence pour récupérer leurs spectateurs et les cris <strong>de</strong>s rabatteurs remplirent<br />

à nouveau l'air.<br />

<strong>Maximus</strong> jeta un regard <strong>de</strong> côté à sa femme. "Alors, comment étaient-ils au courant pour Cassius et ce qui<br />

s'est passé dans l'est ?"<br />

"Je ne sais pas. Je n'ai jamais dit <strong>de</strong> ce que tu fais à aucun d'entre eux."<br />

"A personne ?"<br />

"Bien sûr que non !" dit Olivia, un peu irritée qu'il puisse douter d'elle. "Personne à l'extérieur <strong>de</strong> la famille<br />

n'est au courant." Elle ferma les yeux. "Oh, non. Titus. Mon frère est au courant. Tu lui as dit toi-même au<br />

dîner la semaine <strong>de</strong>rnière, je pense que j'ai mentionné moi-même une ou <strong>de</strong>ux choses. Je n'avais pas idée<br />

qu'il le répéterait à tout le mon<strong>de</strong>, <strong>Maximus</strong>." Olivia avait l'air démontée. "Je suis tellement désolée."<br />

"Il n'y a pas <strong>de</strong> mal. C'est mieux, cependant, <strong>de</strong> laisser Marc-Aurèle déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> ce que les gens doivent<br />

savoir."<br />

"Oui, je comprends. J'en parlerai à Titus."<br />

"Ca n'est pas nécessaire. J'en ferai mention à" <strong>Maximus</strong> grimaça soudainement car Marcus lui tira les<br />

cheveux en poussant un cri <strong>de</strong> joie.<br />

"Regar<strong>de</strong> papa, regar<strong>de</strong> ! Les marionnettes dansent. Regar<strong>de</strong> !"<br />

<strong>Maximus</strong> rit en voyant la joie <strong>de</strong> son fils. "Je les vois, Marcus," dit-il en faisant virevolter son fils dans une<br />

danse improvisée. L'expression <strong>de</strong> son visage changea soudainement et il s'arrêta brusquement, fixant du<br />

regard un véhicule qui avançait lentement, faisant s'écarter les gens <strong>de</strong> son chemin. Marcus continua à rire<br />

et tordit son petit corps pour continuer à regar<strong>de</strong>r le spectacle, inconscient du changement d'attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

son père.<br />

"Qu'est-ce, monsieur ?" <strong>de</strong>manda Cicéro en suivant le wagon <strong>de</strong>s yeux.<br />

"Des prisonniers."<br />

Ils regardèrent jusqu'à ce que le wagon s'arrête à moins <strong>de</strong> 300 mètres d'eux. Il était complètement<br />

entouré d'une cage en bois épais. Des mains sales et calleuses pendaient mollement entre les barres,<br />

indiquant le désespoir <strong>de</strong>s hommes à l'intérieur.<br />

"Pourquoi amener <strong>de</strong>s prisonniers à une foire ?" <strong>de</strong>manda Cicéro.<br />

"Il y a une gran<strong>de</strong> arène dans cette cité, comme il y en a dans la plupart <strong>de</strong>s villes romaines," dit <strong>Maximus</strong><br />

sur un ton glacial. "Je pense que ces hommes sont <strong>de</strong>s esclaves amenés ici pour amuser la foule en<br />

mourant <strong>de</strong> façon horrible pendant que leurs propriétaires ramassent les bénéfices."<br />

"Des gladiateurs ? Ici ?" s'enquit Olivia en frissonnant.<br />

"Il y en a dans tout l'empire ­ partout où les foules se rassemblent pour se distraire." <strong>Maximus</strong> se tourna<br />

vers sa femme. "Emmène Marcus, veux-tu ? Je ne veux pas qu'il voit ça."<br />

Sans son fils, le général s'approcha plus près du wagon, suivi <strong>de</strong> son serviteur. La lour<strong>de</strong> porte en fer<br />

grinça misérablement quand elle fut gran<strong>de</strong> ouverte par un gar<strong>de</strong> armé et les hommes sortirent lentement,<br />

enchaînés ensembles aux poignets et aux chevilles. Ils chancelèrent quand leurs pieds touchèrent le sol.<br />

Ils étaient tous sales et étaient vêtus <strong>de</strong> haillons. Des cheveux longs et emmêlés et <strong>de</strong>s barbes cachaient<br />

presque leurs visages mais ne pouvait masquer la peur et le dégoût dans leurs regards.<br />

92


La foule se rassembla à nouveau, cette fois pour conspuer les esclaves et quelques jeunes gens leur<br />

lancèrent <strong>de</strong>s pierres. Seul un gigantesque prisonnier resta <strong>de</strong>bout et jeta <strong>de</strong>s regards <strong>de</strong> défiance à ses<br />

bourreaux. Il ne broncha pas quand <strong>de</strong>s pierres coupantes le frappèrent. Il resta immobile, ses yeux seuls<br />

bougeant alors qu'il observait la foule.<br />

<strong>Maximus</strong> poussa un juron, une expression sinistre sur le visage.<br />

"Qu'y-a-t-il ?" <strong>de</strong>manda Cicéro avec inquiétu<strong>de</strong>.<br />

"Je connais cet homme. Il était le chef d'une tribu que nous avons vaincu près <strong>de</strong> Vindobona et il a été fait<br />

prisonnier." <strong>Maximus</strong> jeta un bref coup d'il à son compagnon avant <strong>de</strong> reporter son attention sur le<br />

germain. "C'est un homme très courageux, Cicéro, et il a combattu honorablement." <strong>Maximus</strong> jura à<br />

nouveau. Il ne méritait pas cela. Il ne méritait pas <strong>de</strong> mourir pour l'amusement. "Ca aurait été plus humain<br />

si nous l'avions tué sur le champ <strong>de</strong> bataille."<br />

"Ne pouvez-vous faire cesser cela ?"<br />

"Non," dit <strong>Maximus</strong> avec amertume. ""Tout cela est parfaitement légal. Cet homme est un esclave et son<br />

propriétaire peut faire <strong>de</strong> lui tout ce qu'il veut. Ecoute tous ces gens. Ils sont impatients <strong>de</strong> voir le sang<br />

couler. Pour eux, la mort est un jeu. Ils ne voient pas ce que les soldats connaissent." <strong>Maximus</strong> frissonna<br />

en dépit <strong>de</strong> la chaleur. "Viens, Cicéro. Eloignons-nous <strong>de</strong> cet endroit <strong>de</strong> mort."<br />

Alors qu'il se dirigeait à nouveau vers le spectacle <strong>de</strong> marionnettes, un petit sourire éclaira son visage<br />

sévère quand il entendit Marcus s'écrier : "Papa, papa, viens vite. Regar<strong>de</strong> !"<br />

Olivia se retourna pour sourire à son époux et <strong>Maximus</strong> lui retourna son accueil mais s'arrêta brusquement<br />

quand il vit la joie et les couleurs quitter son visage, ses yeux fixés sur quelque chose <strong>de</strong>rrière lui.<br />

Ses instincts <strong>de</strong> combattant prenant immédiatement le <strong>de</strong>ssus, <strong>Maximus</strong> voulu saisir son épée mais sa<br />

main ne rencontra que du tissu alors qu'il pivotait en s'accroupissant, près à affronter tout ennemi, un rictus<br />

sur ses lèvres. Il s'attendait vraiment à se retrouver face à face avec le guerrier germain qui avait réussi à<br />

échapper à la surveillance on ne sait comment et voulait se venger. Au lieu <strong>de</strong> cela, ses yeux se trouvèrent<br />

directement <strong>de</strong>vant une cuirasse <strong>de</strong> cuir noir ornée d'or, <strong>de</strong> celles que portaient les prétoriens <strong>de</strong><br />

l'empereur. Il se redressa lentement et inspira profondément, se forçant à décontracter ses épaules pour<br />

montrer une indifférence qu'il ne ressentait pas.<br />

"Général <strong>Maximus</strong>, nous vous avons cherché, monsieur. Nous avons un message urgent <strong>de</strong> l'empereur."<br />

"Regar<strong>de</strong>, regar<strong>de</strong>, papa !" Derrière lui, Marcus criait <strong>de</strong> joie et <strong>Maximus</strong> réussi à lui faire un pâle sourire<br />

pour son bien, pour le bien d'un petit garçon qu'il ne reverrait peut être pas encore pendant <strong>de</strong>s années.<br />

Chapitre 55 : Etat <strong>de</strong> Siège<br />

<strong>Maximus</strong> montait Scarto, détendu en dépit <strong>de</strong> la multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> flèches qui ressortaient <strong>de</strong> la terre à moitié<br />

gelée à moins <strong>de</strong> six mètres <strong>de</strong> lui, ressemblant aux piquants d'un porc-épic.<br />

Ses yeux parcouraient sans cesse le paysage, attentifs au moindre changement.<br />

Il frissonna légèrement quand le vent glacé fouetta l'herbe morte <strong>sous</strong> les sabots <strong>de</strong> son cheval, faisant<br />

<strong>de</strong>s spirales brunes, puis tourbillonna jusque <strong>sous</strong> sa cape <strong>de</strong> laine. "La neige," pensa-t-il. Il pouvait neiger<br />

très prochainement et rien n'était encore tout à fait prêt. Les hommes n'auraient pas <strong>de</strong> repos.<br />

<strong>Maximus</strong> était au somment d'une colline surplombant une zone <strong>de</strong> la forêt germanique tout juste<br />

débroussaillée. A l'extrémité nord <strong>de</strong> la clairière, on distinguait une imposante structure <strong>de</strong> pierre ­ une<br />

forteresse construite en secret par les germains dans les profon<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> la forêt <strong>de</strong>nse pendant que<br />

<strong>Maximus</strong> était allé dans l'Est, puis en Espagne. Pendant <strong>de</strong>s mois, la forteresse s'était lentement mais<br />

régulièrement élevée, pierre par pierre, à l'insu <strong>de</strong> l'armée romaine <strong>de</strong> l'autre côté du Rhin, qui avait été<br />

occupée à réparer <strong>de</strong>s routes et à renforcer ses propres fortifications.<br />

Il y eut un vent <strong>de</strong> panique lorsqu'une patrouille romaine découvrit la forteresse bien cachée et Quintus<br />

réagit en faisant déplacer rapi<strong>de</strong>ment plusieurs légions à Cologne. Mais, une fois là-bas, ils attendirent<br />

pendant que Quintus réfléchissait à la manière d'abor<strong>de</strong>r la situation. Des semaines plus tard, il était<br />

toujours dans l'indécision alors que les légions faisaient <strong>de</strong>s manuvres, et elles émirent le vu que le<br />

général revienne. <strong>Maximus</strong> saurait quoi faire, pensaient-ils.<br />

Le général <strong>Maximus</strong> arriva enfin à Cologne quand les nuits étaient plus longues et plus froi<strong>de</strong>s. Son<br />

arrivée n'avait pas été annoncée mais la nouvelle se répandit rapi<strong>de</strong>ment dans les camps et cette nuit là,<br />

les soldats dormirent plus tranquillement en sachant que tout était à présent en ordre.<br />

Tôt le matin suivant, <strong>Maximus</strong> traversa le fleuve et examina la forteresse <strong>de</strong>puis la forêt, où il était protégé.<br />

Il donna immédiatement <strong>de</strong>s ordres importants en revenant au camp et les soldats appréciateurs se mirent<br />

aussitôt en action.<br />

En une semaine, un soli<strong>de</strong> pont en bois enjambait le Rhin et les légions avaient abattu les arbres <strong>de</strong> la<br />

forêt au sud <strong>de</strong> la forteresse, laissant le terrain acci<strong>de</strong>nté couvert <strong>de</strong> souches.<br />

Aussi vite que les arbres tombaient, ils étaient débarrassés <strong>de</strong> leurs branches et <strong>de</strong> leur écorce, puis<br />

coupés dans <strong>de</strong>s longueurs appropriées pour les énormes catapultes, les balistes et les arbalètes qu'ils<br />

étaient en train <strong>de</strong> fabriquer. Les hommes travaillaient <strong>sous</strong> <strong>de</strong>s abris construits à la hâte avec du bois<br />

abattu pour les protéger <strong>de</strong>s flèches et <strong>de</strong>s lances ennemies qui étaient lancées <strong>de</strong>puis la forteresse au<br />

<strong>de</strong>ssus.<br />

Dans la forêt, entourées par la végétation et loin <strong>de</strong>s yeux <strong>de</strong>s germains, les bases <strong>de</strong> trois grosses tours<br />

d'assaut commençaient à être construites. Elles seraient déplacées dans la clairière sur d'énormes roues<br />

en bois, tirées par <strong>de</strong>s équipages <strong>de</strong> chevaux, où leur construction se poursuivrait jusqu'à ce qu'elles<br />

soient aussi hautes que la forteresse. Un chemin serait débarrassé <strong>de</strong>s souches juste avant que les tours<br />

ne soient sorties <strong>de</strong> leur cachette.<br />

93


Les soldats étaient heureux <strong>de</strong> se préparer pour la guerre après <strong>de</strong>s mois <strong>de</strong> paix. Ces hommes très<br />

entraînés s'épanouissaient dans cette ambiance et riaient et plaisantaient même, alors que leurs muscles<br />

étaient sollicités par la construction ininterrompue. Quand ils étaient fatigués, ils regardaient en haut <strong>de</strong> la<br />

colline la silhouette toujours présente sur l'étalon noir, qui était assise aussi immobile et droite qu'une<br />

statue, et ils retrouvaient <strong>de</strong>s forces et <strong>de</strong> l'énergie. <strong>Maximus</strong> observait. <strong>Maximus</strong> donnait <strong>de</strong>s ordres. Tout<br />

irait bien.<br />

Scarto s'agita, rendu impatient par l'inactivité et <strong>Maximus</strong> calma son étalon avec quelques mots. Il<br />

compatissait avec son cheval, cependant, car son propre corps se fatiguait après être resté assis, avoir<br />

observé et donné <strong>de</strong>s ordres jour après jour. Cela serait mieux pour tous quand le temps <strong>de</strong> se battre<br />

finirait par arriver.<br />

Soudain, les rênes se tendirent d'un coup sec dans les mains <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> lorsque Scarto, surpris, réagit<br />

aux cris terrifiés qui venaient d'en bas.<br />

Une flèche enflammée qui venait <strong>de</strong> la forteresse avait atteint le toit d'un <strong>de</strong>s abris et il avait<br />

immédiatement pris feu.<br />

Des soldats crièrent quand leurs vêtements s'enflammèrent et ils trébuchèrent vers l'extérieur où leurs<br />

compagnons les firent rapi<strong>de</strong>ment rouler sur le sol pour étouffer les flammes.<br />

<strong>Maximus</strong> cria un avertissement au moment où une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> flèches était lancée <strong>de</strong>puis les murs <strong>de</strong> la<br />

forteresse, frappant les soldats qui n'étaient plus protégés à l'intérieur <strong>de</strong> l'abri. Deux furent tués sur le<br />

coup et les autres battirent en retraite, emportant les hommes blessés avec eux, les flèches ressortant <strong>de</strong><br />

leurs membres.<br />

<strong>Maximus</strong> s'adressa à Quintus la mâchoire serrée. "Rappelle aux hommes <strong>de</strong> mouiller constamment ces<br />

abris. On ne doit absolument pas les laisser sécher."<br />

Quintus acquiesça et transmit l'ordre <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> à ses subordonnés qui les répétèrent plus bas. Quintus<br />

jeta ensuite un il à <strong>Maximus</strong>, mais ce <strong>de</strong>rnier était perdu dans ses pensées et n'avait apparemment rien<br />

d'autre à dire.<br />

Les relations entre les <strong>de</strong>ux amis <strong>de</strong> longue date avaient été ternies <strong>de</strong>puis le retour <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. Le<br />

général n'avait pas besoin d'utiliser <strong>de</strong>s mots pour faire comprendre qu'il était déçu par la performance <strong>de</strong><br />

son légat.<br />

Mais les pensées <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> n'était plus avec les soldats <strong>sous</strong> ses ordres. Les cris l'avaient ramené en<br />

Espagne quelques mois plus tôt quand les cris d'un petit garçon avaient transpercé son cur et meurtri son<br />

âme.<br />

Marcus avait compris que quelque chose n'allait pas. Sa mère pleurait, les employés étaient tristes.<br />

Quelque chose <strong>de</strong> mal se passait ­ il en était sûr. Mais il fut quand même choqué ce matin là lorsque son<br />

papa le réveilla pour lui dire au revoir. Il enroula ses bras autour du cou <strong>de</strong> son papa et pleura malgré les<br />

mots et les caresses réconfortantes, puis hurla <strong>de</strong> terreur quand ses doigts furent détachés et que son<br />

papa se détourna <strong>de</strong> lui.<br />

Les cris <strong>de</strong> son fils résonnèrent dans sa tête durant tout le voyage <strong>de</strong> retour en Germanie, et ils le<br />

hantaient toujours.<br />

Une humidité soudaine brouilla la vue <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et il regarda vers le ciel, clignant rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s yeux<br />

pour les sécher. Ca n'était pas le moment d'être faible.<br />

Il respira profondément et redressa le dos, retournant son attention sur les activités <strong>de</strong> ses hommes après<br />

un rapi<strong>de</strong> coup d'il à Quintus.<br />

Quand <strong>Maximus</strong> avait laissé Quintus s'occuper <strong>de</strong>s légions, cela avait été en quelque sorte un test, pour<br />

déterminer l'habilité à comman<strong>de</strong>r du légat ­ et il avait échoué misérablement.<br />

Quintus voulait désespérément être promu général d'une <strong>de</strong>s légions mais <strong>Maximus</strong> ne pouvait faire cette<br />

recommandation à Marc-Aurèle en toute bonne conscience. Quintus était allé aussi loin dans l'armée<br />

romaine qu'il n'irait jamais, et la prochaine fois qu'il interrogerait <strong>Maximus</strong> à propos <strong>de</strong> son statut, il <strong>de</strong>vrait<br />

lui dire cela. Ca n'était pas un jour que <strong>Maximus</strong> avait hâte <strong>de</strong> voir arriver.<br />

Chapitre 56 : Etat <strong>de</strong> Siège, Deuxième Partie<br />

<strong>Maximus</strong> s'accroupit, sa cape <strong>de</strong> laine s'étalant sur le sol autour <strong>de</strong> lui, et il plongea les doigts <strong>de</strong> sa main<br />

droite dans la terre froi<strong>de</strong> et humi<strong>de</strong>.<br />

Ses soldats attendirent et regardèrent, reconnaissant le rituel étrange qui signalait que tout était prêt et que<br />

la bataille allait commencer.<br />

Il frotta pensivement la terre entre ses mains alors qu'Hercule était assis non loin, tremblant d'excitation.<br />

<strong>Maximus</strong> leva les mains à son nez et renifla, ses yeux se fermant brièvement comme si il sentait un riche<br />

parfum. Puis il se leva et essuya ses mains pleines <strong>de</strong> terre sur ses culottes, ne prêtant pas attention à la<br />

terre qui maculait à présent le riche tissu lie <strong>de</strong> vin.<br />

Son assistant l'aida à monter Argento et il resta assis immobile pendant un moment, observant les<br />

centaines d'hommes qui se rassemblaient tout près, et au pied <strong>de</strong> la colline en une foule dispersée plutôt<br />

qu'en formant les lignes habituelles.<br />

"Nous agirons avec précaution," dit <strong>Maximus</strong> à ses officiers. "Suivez mes ordres à la lettre." Les officiers<br />

acquiescèrent.<br />

<strong>Maximus</strong> éleva ensuite la voix pour que tout les hommes puissent l'entendre et sa voix porta dans l'air<br />

glacé aussi claire que du cristal. "Force et honneur !" fut tout ce qu'il dit, mais ça voulait dire beaucoup<br />

pour ceux qui écoutaient.<br />

94


<strong>Maximus</strong> était très conscient que <strong>de</strong>s centaines ­ peut être <strong>de</strong>s milliers ­ d'autres hommes avaient aussi<br />

entendu ses mots <strong>de</strong>puis leurs cachettes en haut <strong>de</strong>s murs <strong>de</strong> la forteresse. Même si ils n'avaient pas<br />

compris les paroles, ils reconnaîtraient leur signification par leur ton.<br />

Pendant que les soldats se dirigeaient vers leurs positions, <strong>Maximus</strong> regarda la forteresse une fois <strong>de</strong> plus.<br />

Il était évi<strong>de</strong>nt qu'elle avait été rapi<strong>de</strong>ment construite et c'était un sujet <strong>de</strong> plaisanterie parmi les artisans et<br />

les ingénieurs romains, mais elle était aussi soli<strong>de</strong> que le buf dont elle rappelait la forme avec ses bosses<br />

et sa forme irrégulière. Elle était haute <strong>de</strong> presque quinze mètres et assez large pour accueillir un petit<br />

village. Sa seule entrée visible était une porte basse et épaisse en bois, presque cachée par <strong>de</strong>s buissons<br />

et elle était soli<strong>de</strong>ment barrée à l'intérieur. La structure était habilement dissimulée par <strong>de</strong>s arbres<br />

enracinés parmi les gros rochers qui composaient les angles extérieurs <strong>de</strong>s murs.<br />

Comme les romains, les germains avaient inlassablement maintenu les arbres mouillés jusqu'à ce que<br />

<strong>Maximus</strong> donne l'ordre d'obstruer la source qui passait <strong>sous</strong> les murs <strong>de</strong> la forteresse. Mais il savait qu'ils<br />

avaient à présent d'autres sources d'eau.<br />

Le temps était <strong>de</strong>venu épouvantable avec <strong>de</strong> la neige fondue qui tombait dès les premières heures grises<br />

du jour pour se transformer en neige à la nuit tombée. L'armée romaine avait raté l'occasion d'attaquer<br />

<strong>sous</strong> le ciel bleu clair <strong>de</strong> l'automne.<br />

<strong>Maximus</strong> n'avait jamais conduit un siège auparavant et c'était vraiment différent <strong>de</strong> mener <strong>de</strong>s rangées<br />

d'hommes contre l'ennemi dans une guerre ouverte.<br />

Une stratégie différente était nécessaire et il n'était pas pressé <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s décisions hâtives qu'il<br />

pourrait regretter plus tard. En dépit du froid et <strong>de</strong> l'humidité, ses hommes étaient chau<strong>de</strong>ment vêtus et<br />

bien nourris, et ils pouvaient facilement supporter une bataille méthodique et soigneusement orchestrée<br />

alors qu'ils avaient envie <strong>de</strong> faire avancer les choses. Cela pourrait littéralement prendre <strong>de</strong>s semaines.<br />

La fin la plus facile à cette impasse serait la reddition <strong>de</strong>s germains mais <strong>Maximus</strong> connaissait<br />

suffisamment bien son ennemi pour douter que cela puisse arriver. Mais, il leur laisserait l'option <strong>de</strong> mettre<br />

fin à cela sans trop <strong>de</strong> sang versé avant qu'il fasse quoique ce soit d'autre.<br />

Il s'adressa calmement à Quintus. "A mon comman<strong>de</strong>ment, nous ferons <strong>de</strong>s tirs <strong>de</strong>puis les balistes <strong>de</strong>ux,<br />

quatre et six."<br />

"Nous allons les incendier ?" s'enquit Quintus. "Trois balistes ne feront pas beaucoup <strong>de</strong> dégâts. Si nous<br />

utilisions toutes les balistes en même temps, nous aurions plus <strong>de</strong> chances."<br />

"Non," répondit <strong>Maximus</strong>. "Nous n'allons pas les faire brûler. Nous allons écouter."<br />

Incapable <strong>de</strong> comprendre ce qu'il voulait dire, Quintus hésita à relayer l'ordre jusqu'à ce qu'un regard <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong> le pousse à le faire.<br />

Après quelques minutes, <strong>de</strong>s projectiles enflammés étaient chargés dans les balistes choisies, qui avaient<br />

été déplacées juste au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> la portée <strong>de</strong>s flèches ennemies qui étaient moins efficaces, et les hommes<br />

se tenaient à côté, attendant l'ordre <strong>de</strong> tirer.<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête et un archer tira une flèche enflammée par <strong>de</strong>ssus la tête <strong>de</strong>s hommes.<br />

Immédiatement, les gran<strong>de</strong>s machines <strong>de</strong> guerre crachèrent leurs charges brûlantes par <strong>de</strong>ssus le mur <strong>de</strong><br />

la forteresse où elles disparurent <strong>de</strong>rrière la masse <strong>de</strong> pierre. En quelques instants, <strong>de</strong>s cris et <strong>de</strong>s<br />

hurlements se firent entendre <strong>de</strong>puis l'intérieur alors que les occupants se précipitaient pour éteindre les<br />

flammes.<br />

"C'est ce que je craignais," dit <strong>Maximus</strong> en écoutant toujours le vacarme s'élevant au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s murs. "Il<br />

y a <strong>de</strong>s femmes là <strong>de</strong>dans et probablement <strong>de</strong>s enfants aussi."<br />

"C'est leur choix d'être ici," dit Quintus.<br />

"J'en doute," répondit sinistrement le général.<br />

"<strong>Maximus</strong>, tu réagis exactement comme ils veulent que tu réagisse. Si ces femmes sont ici contre leur<br />

volonté, c'est précisément pour éviter qu'on mette le feu. Tu est en train <strong>de</strong> jouer leur jeu."<br />

"N'as-tu aucune conscience, Quintus ?" La voix <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était pleine <strong>de</strong> colère contrôlée. "Pourrais-tu<br />

être responsable <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> femmes et d'enfants brûlés vifs ?"<br />

"Cela arrive en temps <strong>de</strong> guerre."<br />

"Pas dans une guerre <strong>sous</strong> mes ordres, non."<br />

"Si nous laissons traîner les choses, nous risquons <strong>de</strong> perdre d'avantage <strong>de</strong> nos propres hommes."<br />

Quintus était aussi en colère.<br />

"Nos homme sont bien protégés. La seule chose que nous risquons <strong>de</strong> perdre est notre humanité."<br />

Soudain, <strong>Maximus</strong> sourit et son ton s'adoucit. "Ecoute mon ami, tu me connais assez bien pour savoir que<br />

je resterais intraitable à ce sujet." Il rit doucement. "Après tout, avons nous quelque chose <strong>de</strong> mieux à faire<br />

pour passer le temps ?"<br />

Quintus ignora la tentative <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> pour dissiper leur désaccord. "Et si c'était un stratagème pour nous<br />

distraire pendant <strong>de</strong>s mois pour que plus <strong>de</strong> tribus puissent attaquer d'autres endroits le long du fleuve ?"<br />

"Il y a d'autres légions postées tout le long du fleuve et tu le sais. Elles sont capables <strong>de</strong> régler les<br />

problèmes qui peuvent surgir, et si elles ne peuvent pas, elles me préviendront. Et nous sommes bien<br />

protégés <strong>de</strong>s attaques surprises par les légions qui sont stationnées tout autour <strong>de</strong> nous. Rien ne presse."<br />

"Mais"<br />

"Quintus, c'est mon <strong>de</strong>rnier mot à ce sujet."<br />

Le légat reporta son attention sur la forteresse et les nuages <strong>de</strong> fumée venant <strong>de</strong> l'intérieur.<br />

La rai<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> sa posture en disait long sur son mécontentement à propos <strong>de</strong> la décision <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

Il ne voyait pas l'ironie dans le fait d'insister pour une attaque hâtive après qu'il ait lui même attendu<br />

pendant <strong>de</strong>s semaines d'indécision pendant que les légions était <strong>sous</strong> son comman<strong>de</strong>ment. Il comprenait<br />

95


une chose, cependant. Le général ne pouvait pas être détourné d'une ligne <strong>de</strong> conduite quand il était<br />

persuadé qu'elle était juste.<br />

Un mouvement soudain près du pied du mur épais attira l'attention <strong>de</strong> quelques soldats qui vérifiaient les<br />

armes et ils crièrent pour prévenir leur général, désignant ce qu'ils voulaient qu'il regar<strong>de</strong>.<br />

"Qu'est-ce que c'est ?" s'enquit Quintus.<br />

"Je ne sais pas. On dirait" <strong>Maximus</strong> leva la main pour faire <strong>de</strong> l'ombre à ses yeux malgré l'absence <strong>de</strong><br />

soleil. "On dirait une personne. Une femme. Et elle porte quelque chose. C'est un enfant, Quintus. Elle<br />

essaie <strong>de</strong> s'enfuir dans les bois." Les <strong>de</strong>ux hommes se regardèrent. "Comment est-elle sortie ?" se<br />

<strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong> à voix haute. "Dis aux hommes <strong>de</strong> ne pas tirer. Laissons-la s'enfuir."<br />

Vue <strong>de</strong> loin, la femme avait l'air d'une masse brune <strong>de</strong> cheveux et <strong>de</strong> vêtements, noircie par la fumée et<br />

salie pas la boue. L'enfant qu'elle serrait contre son sein était jeune, pas plus d'un an au mieux. Elle lançait<br />

<strong>de</strong>s regards <strong>de</strong>rrière elle, visiblement effrayée, et <strong>Maximus</strong> comprit rapi<strong>de</strong>ment pourquoi. Elle était<br />

poursuivie par un germain qui restait près du mur mais qui fut capable <strong>de</strong> l'attraper par une cheville, la<br />

plaquant contre le sol avec un cri. Quand il commença à la tirer en arrière, <strong>Maximus</strong> émit un ordre bref à<br />

son meilleur archer qui n'était pas loin. "Tue-le," fut tout ce qu'il dit.<br />

L'archer leva son arme et libéra la longue flèche. En quelques secon<strong>de</strong>s, le germain gisait sur le sol,<br />

mortellement blessé. Des acclamations jaillirent <strong>de</strong>s soldats romains et la femme disparut rapi<strong>de</strong>ment dans<br />

la forêt avec son enfant.<br />

"Comment est-elle sortie ?" se <strong>de</strong>manda à nouveau <strong>Maximus</strong>. "Quintus, je veux parler à notre ingénieur en<br />

chef, Jovinus. Trouve le pour moi."<br />

<strong>Maximus</strong> mit pied à terre, voulant marcher un peu pour éliminer la rai<strong>de</strong>ur dans ses genoux. Il joignit ses<br />

mains <strong>de</strong>rrière son dos et marcha le long du sommet <strong>de</strong> la colline, s'éloignant <strong>de</strong> son groupe <strong>de</strong><br />

conseillers, perdu dans ses pensées.<br />

"Vous m'avez fait <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r, monsieur ?"<br />

<strong>Maximus</strong> se retourna brusquement, surpris. "Oui, Jovinus. Vous avez vu ce qui vient <strong>de</strong> se passer."<br />

"Oui, général."<br />

"Comment la femme est-elle sortie ? Je pensais que la seule issue était la porte en bois."<br />

"Il n'y a sûrement pas d'autres issues visibles, monsieur, mais je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rais à mes hommes <strong>de</strong> vérifier à<br />

nouveau. Le problème est que, si nous nous approchons trop près, les germains nous tirent <strong>de</strong>ssus."<br />

Jovinus était un homme d'une quarantaine d'années, pas très grand et carré comme un lutteur, mais c'était<br />

un ingénieur très bien entraîné <strong>de</strong> Rome. Fatigué <strong>de</strong> construire <strong>de</strong>s édifices publics, il avait été attiré par<br />

l'ingénierie associée à l'art <strong>de</strong> la guerre et aimait les décisions rapi<strong>de</strong>s et les improvisations qui faisaient<br />

partie <strong>de</strong> son travail.<br />

"Il pourrait y avoir une sorte d'ouverture <strong>sous</strong> un mur qui serait cachée par <strong>de</strong>s buissons. Si on en juge par<br />

l'état <strong>de</strong> cette femme, elle pourrait avoir rampé <strong>sous</strong> les rochers jusqu'à l'extérieur."<br />

"Est-il possible que ces murs énormes n'aient pas <strong>de</strong> fondations ? Que les rochers soient simplement<br />

posés sur le sol ?"<br />

"Ca se pourrait. La forteresse a été construite dans un délai relativement court, alors c'est possible."<br />

"Alors on pourrait les faire s'écrouler."<br />

"Cela dépend <strong>de</strong> l'épaisseur <strong>de</strong>s murs et nous ne pouvons le savoir à moins d'observer la forteresse par le<br />

<strong>de</strong>ssus. Il est possible qu'ils aient creusé <strong>de</strong>s trous et les aient remplis <strong>de</strong> rochers, laissant <strong>de</strong>s ouvertures<br />

à certains endroits qu'ils ont dissimulées et cette femme peut être sortie en passant par une <strong>de</strong> ces<br />

ouvertures."<br />

"Nous <strong>de</strong>vons savoir, Jovinus, pour que je puisse avoir une idée précise <strong>de</strong> nos options. Voyez ce que<br />

vous pouvez découvrir, mais ne risquez pas <strong>de</strong>s vies inutilement."<br />

"Oui, monsieur. Tout <strong>de</strong> suite." L'ingénieur commença à partir en courant, puis s'arrêta. "A propos, général,<br />

c'est bon <strong>de</strong> vous avoir à nouveau, monsieur."<br />

"Merci, Jovinus."<br />

"Je vais peut être dépasser la limite en disant cela, mais j'espère que vous ne partirez pas encore.<br />

L'autorité faiblit en quelque sorte lorsque vous n'êtes pas là."<br />

"Je comprends, Jovinus." <strong>Maximus</strong> sourit à l'ingénieur et les <strong>de</strong>ux hommes échangèrent une poignée <strong>de</strong><br />

mains avant que Jovinus ne parte accomplir sa mission <strong>de</strong> reconnaissance, et <strong>Maximus</strong> retourna auprès<br />

<strong>de</strong> son cheval, à son point d'observation au sommet <strong>de</strong> la colline.<br />

Il put voir que les feux avaient été éteints et tout était calme dans la forteresse.<br />

Quintus se tourna vers lui. "Dois-je dire aux hommes <strong>de</strong> charger à nouveau les balistes ?"<br />

"Non. Non nous avons causé assez <strong>de</strong> dommages à l'intérieur et nous n'allons pas risquer <strong>de</strong> tuer<br />

d'avantage <strong>de</strong> femmes et d'enfants parmi ceux qui sont encore là."<br />

"Qu'allons-nous faire, alors ?"<br />

<strong>Maximus</strong> sourit à Quintus. "Nous allons arrêter pour la nuit et pour me laisser réfléchir un peu. De toute<br />

façon, il fait <strong>de</strong> plus en plus sombre et froid. Les hommes méritent leur souper."<br />

<strong>Maximus</strong> tira sur les rênes et Argento répondit, balançant sa queu, et il commença à avancer aussitôt,<br />

sentant qu'il allait retourner au camp pour manger et être bouchonné.<br />

Cicéro aida <strong>Maximus</strong> à ôter sa cuirasse et le général se frotta les yeux, épuisé. Quand il les rouvrit, son<br />

serviteur lui tendit un gobelet <strong>de</strong> vin chaud et épicé, ainsi qu'un paquet.<br />

"Une lettre d'Espagne, monsieur. Le messager a dit qu'il <strong>de</strong>vait être payé d'avantage si il vous l'apportait<br />

en <strong>de</strong>ux semaines. Ca doit être urgent."<br />

96


Les mains <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> commencèrent à trembler et il se tourna vers la lanterne pour défaire la ficelle qui<br />

liait le parchemin. Urgent ? Marcus. Quelque chose était-il arrivé à Marcus ?<br />

L'enveloppe tomba à ses pieds et il parcourut rapi<strong>de</strong>ment les mots écrits par sa femme. Soudain, il rejeta<br />

la tête en arrière, les yeux fermés, ses mains serrant la missive contre sa poitrine.<br />

Cicéro tendit la main, ne sachant trop quoi faire. "Monsieur ?" s'enquit-il timi<strong>de</strong>ment.<br />

"Donne au messager le double <strong>de</strong> ce qu'on lui avait promis, Cicéro. Non ­ le triple."<br />

<strong>Maximus</strong> eut un immense sourire qui fit disparaître la fatigue <strong>de</strong> son visage. "Je vais être père à nouveau,<br />

Cicéro. Ma femme attend un enfant."<br />

Chapitre 57 : Préparations<br />

<strong>Maximus</strong> réalisa qu'il était en train <strong>de</strong> fredonner seulement quand Quintus lui jeta un regard très étrange.<br />

"Est-ce que tout va bien, <strong>Maximus</strong> ?"<br />

"Très bien, Quintus," répondit-il et sa main toucha brièvement l'endroit <strong>de</strong> sa cuirasse qui recouvrait la<br />

lettre pressée sur son cur. "La pluie a finalement cessé et le soleil va peut être même se montrer."<br />

<strong>Maximus</strong> plissa les yeux vers le ciel. "Cela nous réchaufferait un peu, n'est-ce pas ?"<br />

"Je suppose que oui."<br />

Quintus continua à le fixer du regard mais <strong>Maximus</strong> se contenta <strong>de</strong> sourire légèrement et conserva son<br />

secret, ses yeux observant attentivement le terrain plus bas.<br />

Tous les soldats romains évitaient volontairement <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r dans la direction d'un soli<strong>de</strong> chêne à l'ouest<br />

<strong>de</strong> la forteresse qui servirait bientôt <strong>de</strong> perchoir à un jeune soldat qui grimperait en utilisant ses branches,<br />

pour examiner l'épaisseur <strong>de</strong>s murs, les structures à l'intérieur ­ et ses habitants.<br />

A un signal du général, le jeune homme commencerait son ascension au moment précis où les balistes et<br />

les onagres bombar<strong>de</strong>raient les murs avec <strong>de</strong> lourds projectiles, en espérant ébranler la structure et<br />

distraire les germains, les empêchant <strong>de</strong> remarquer le jeune homme haut dans les branches sans feuilles<br />

du chêne.<br />

C'était presque un amusement pour les hommes ­ un entraînement au tir, vraiment ­ avec très peu <strong>de</strong><br />

risque qu'un soldat ne soit blessé. Les balistes étaient hors <strong>de</strong> portée <strong>de</strong>s flèches adverses et les hommes<br />

armant les onagres étaient protégés <strong>sous</strong> <strong>de</strong>s abris en bois épais. Ils ne seraient vulnérables que pendant<br />

le court instant qu'il leur faudrait pour charger et lancer.<br />

Des centaines d'archers se tenaient prêts à éliminer les germains qui feraient l'erreur fatale <strong>de</strong> se montrer<br />

au sommet <strong>de</strong>s murs <strong>de</strong> la forteresse.<br />

Quand tout fut prêt, <strong>Maximus</strong> hocha la tête une fois et le maître archer tira une flèche qui déclencha une<br />

activité frénétique en bas. Après quelques secon<strong>de</strong>s, un grand fracas claqua dans l'air quand la pierre<br />

rencontra la pierre, l'impact faisant trembler le sol.<br />

Des flèches volèrent dans tous les sens, plus pour une démonstration <strong>de</strong> puissance que pour vraiment<br />

tuer.<br />

Le bombar<strong>de</strong>ment dura jusqu'à ce que le jeune soldat fut à nouveau sur la terre ferme et en train <strong>de</strong> courir<br />

pour se réfugier <strong>de</strong>rrière les balistes.<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête une fois <strong>de</strong> plus et les armes s'immobilisèrent en quelques instants, les épaules<br />

<strong>de</strong>s soldats qui les armaient se courbant après l'effort d'avoir hissé charge après charge <strong>de</strong> pierres lour<strong>de</strong>.<br />

Le calme soudain était saisissant. Rien ne bougeait excepté <strong>de</strong>s morceaux <strong>de</strong> pierre grise qui avaient été<br />

délogés par les armes romaines et qui s'écroulaient, glissant le long <strong>de</strong>s murs blessés pour atterrir sur la<br />

pile <strong>de</strong> débris à leur pied.<br />

Tous les passages qui auraient pu être là étaient maintenant soigneusement bouchés ­ au moins <strong>de</strong> ce<br />

côté <strong>de</strong> la forteresse.<br />

Quand la poussière retomba, <strong>Maximus</strong> examina les murs <strong>de</strong> loin pendant qu'il attendait le rapport <strong>de</strong><br />

l'ingénieur.<br />

Les murs avaient sûrement subi <strong>de</strong>s dommages considérables mais <strong>de</strong>rrière la pierre mutilée, il y avait<br />

encore <strong>de</strong> la pierre et la structure semblait plus sûre que jamais.<br />

Il n'avait pas besoin <strong>de</strong> l'ingénieur pour savoir que cette approche n'allait pas fonctionner.<br />

Il examina les soldats sur le terrain en contrebas. Quelques un avaient été blessés mais aucun n'avait été<br />

tué. Environ une douzaine <strong>de</strong> germains étaient morts, leurs corps brisés presque enterrés <strong>sous</strong> les<br />

monceaux <strong>de</strong> pierre.<br />

"Les hommes <strong>de</strong>vraient se reposer pendant que je consulte Jovinus," dit <strong>Maximus</strong> à Quintus.<br />

"Qu'allons-nous faire ensuite ?" <strong>de</strong>manda le tribun.<br />

"Cela va dépendre <strong>de</strong> ce que le grimpeur a vu," répondit <strong>Maximus</strong>, en faisant faire <strong>de</strong>mi-tour à Scarto pour<br />

faire face à l'ingénieur qui se précipitait dans sa direction.<br />

"Et bien ?" s'enquit <strong>Maximus</strong>.<br />

"Monsieur, les murs sont épais d'au moins trois mètres sur tout le périmètre et il y a <strong>de</strong>s tas <strong>de</strong> pierres à<br />

l'intérieur, prêts pour renforcer la structure si nécessaire. Les lieux d'habitation sont presque entièrement<br />

brûlés parce qu'ils avaient <strong>de</strong>s toits en bois, mais les murs sont toujours <strong>de</strong>bout et ils sont entrain <strong>de</strong> les<br />

recouvrir à nouveau d'une protection."<br />

"Combien d'hommes à l'intérieur ?"<br />

"L'endroit est rempli, monsieur. Notre soldat a eu du mal à juger, mais la forteresse est extrêmement bien<br />

organisée."<br />

"Des enfants ?"<br />

97


"Oui monsieur. Beaucoup, <strong>de</strong> tous âges."<br />

"De quoi ont l'air leurs provisions ?"<br />

"Il semble qu'il y ait un grenier à grain qui a été partiellement endommagé par l'incendie, mais ils ont<br />

également <strong>de</strong>s poules, <strong>de</strong>s chèvres, <strong>de</strong>s moutons et <strong>de</strong>s bufs. Les bufs les ont sûrement aidé à construire<br />

l'endroit mais ils peuvent les manger si ils veulent."<br />

"Des armes ?"<br />

"Partout ?"<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête puis soupira et fixa du regard l'épaisse forêt où les fondations <strong>de</strong>s trois tours<br />

d'assaut étaient cachées.<br />

Il s'adressa à Jovinus et à Quintus en même temps. "Sortez-les et commencez à construire. Nous <strong>de</strong>vrons<br />

passer par <strong>de</strong>ssus les murs. Ils perdront beaucoup d'hommes ­ mais nous aussi. Il n'y a pas d'autre façon."<br />

<strong>Maximus</strong> regarda Jovinus et dit "Remercie le jeune homme qui a grimpé dans l'arbre. Il a été courageux et<br />

a fait un bon travail. Quel est son nom ?"<br />

"Jovinus, monsieur," répondit l'ingénieur, radieux.<br />

"Votre fils ?" s'enquit <strong>Maximus</strong>, ne voulant pas croire que le grand soldat pouvait être le fils <strong>de</strong> cet homme<br />

trapu.<br />

"Oui, en effet, monsieur."<br />

"Vous <strong>de</strong>vez être très fier."<br />

"Il n'y a rien <strong>de</strong> mieux que d'avoir son fils à ses côtés dans l'armée romaine, monsieur. Vous aurez peut<br />

être ce plaisir, un jour. Les enfants grandissent très vite, vous savez."<br />

Les mots étaient fait pour réconforter <strong>Maximus</strong> mais ils eurent l'effet inverse. Marcus ? Marcus dans cet<br />

endroit risquant la mort par une flèche barbare ?<br />

Son cur se serra dans sa poitrine et il respira profondément pour dissiper l'inconfort <strong>de</strong> cette soudaine<br />

pensée noire. Il jeta un il vers le ciel et murmura, "Si les dieux le veulent, Marcus ne connaîtra jamais la<br />

guerre."<br />

"Quoi ?" s'enquit Quintus quand Jovinus partit pour organiser la construction <strong>de</strong>s tours.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda son vieil ami pendant un moment. "Tu n'as pas <strong>de</strong> famille, Quintus."<br />

"Tu sais bien que non." Quintus était mal à l'aise <strong>de</strong> ce soudain intérêt pour lui.<br />

"Quand ce siège sera fini, tu <strong>de</strong>vrais penser à prendre un peu <strong>de</strong> temps pour toi. Retourner à Rome.<br />

Trouver une jeune femme <strong>de</strong> ton rang"<br />

"Ma vie est dans l'armée," l'interrompit Quintus.<br />

"Je sais cela, et la mienne aussi. Mais une famille, c'est tellement important. Tu ne seras pas toujours un<br />

soldat, Quintus, et un homme a besoin <strong>de</strong> plus dans sa vie que juste la guerre ­ et la compagnie constante<br />

d'autres hommes." <strong>Maximus</strong> sourit.<br />

"J'ai aussi <strong>de</strong>s ambitions, <strong>Maximus</strong>, et je pense que la place d'un général est dans l'armée." Quintus<br />

s'enhardit. "Il ne <strong>de</strong>vrait pas se précipiter vers sa famille chaque fois"<br />

"Quintus, n'en dis pas plus." La voix <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était remplie d'une soudaine fureur.<br />

Le tribun soupira <strong>de</strong> frustration. "<strong>Maximus</strong>, n'as-tu jamais pensé à les amener ici ?"<br />

"Non," fut la réponse sèche.<br />

"Pourquoi pas ? D'autres hommes ont <strong>de</strong>s familles ici. Tu pourrais les voir tout le temps."<br />

<strong>Maximus</strong> observa le paysage dévasté atour <strong>de</strong> lui. "Ils se faneraient et mourraient ici après le soleil et la<br />

chaleur d'Espagne. Il n'y a rien d'autre ici que la saleté et la maladie." Il regarda son tribun. "Tu sais,<br />

Marcus est trop jeune pour comprendre ce que je fais." Après un moment, un sourire adoucit son visage.<br />

"Nous sommes allés à une foire quand j'étais en Espagne et j'ai été presque étouffé par <strong>de</strong>s gens avec<br />

lesquels j'avais grandi et qui me reconnaissaient en tant que général <strong>Maximus</strong> , mais Marcus était<br />

seulement préoccupé par un spectacle <strong>de</strong> marionnettes. Je ne veux pas qu'il soit déjà exposé à cette vie. Il<br />

est beaucoup trop jeune pour avoir peur que son père se fasse tuer à la guerre ou pour s'inquiéter <strong>de</strong> sa<br />

propre sécurité ou <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> sa mère."<br />

"Beaucoup <strong>de</strong> gens dans le mon<strong>de</strong> vivent comme cela."<br />

<strong>Maximus</strong> observa ses hommes enlever les souches d'arbres, se préparant à tirer les tours d'assaut dans la<br />

clairière. Le bruit <strong>de</strong>s haches cognant le bois résonna <strong>de</strong>puis la forêt quand les soldats commencèrent à<br />

faire tomber les centaines d'arbres dont on aurait besoin pour la construction <strong>de</strong>s tours.<br />

"Je sais cela," répondit <strong>Maximus</strong>. "Mais je peux protéger mes enfants <strong>de</strong> la mort et <strong>de</strong> la <strong>de</strong>struction ­ et je<br />

le ferais."<br />

Quintus regarda également les hommes enlever les souches, puis la réalisation se peignit sur son visage.<br />

"Enfants ?"<br />

<strong>Maximus</strong> sourit largement et ne put retenir la fierté dans sa voix. "Oui. J'aurais un autre enfant à la fin du<br />

printemps."<br />

"Et bien, mes félicitations , mon ami," dit Quintus en tendant la main.<br />

<strong>Maximus</strong> la saisit avec chaleur. "Merci, Quintus. Et je pensais ce que j'ai dit à propos <strong>de</strong> ton besoin <strong>de</strong><br />

temps libre pour toi-même. Dis un mot et tu l'auras."<br />

Quintus hocha la tête puis reporta son attention sur les soldats. Il ne pourrait jamais retourner dans sa<br />

famille en tant que simple légat. Ca n'était pas assez bon. Il <strong>de</strong>vait être général avant <strong>de</strong> remettre les pieds<br />

à Rome. <strong>Maximus</strong> ne comprenait pas ce que c'était que d'être le fils d'un romain <strong>de</strong> haute naissance. Le<br />

succès et le statut étaient tout, et tout autre chose ­ même une famille à soit ­ était bien moins importante.<br />

98


"Nous ferions bien <strong>de</strong> retourner au camp et <strong>de</strong> laisser les hommes à leur travail," dit <strong>Maximus</strong>. "Il se<br />

passera <strong>de</strong>s semaines avant que les tours ne soient prêtes. Pour l'instant, nous pouvons laisser ce<br />

problème entres les mains capables <strong>de</strong> nos centurions."<br />

Ce soir-là, <strong>Maximus</strong> écrivit une autre longue missive à sa femme, lui disant combien elle et Marcus lui<br />

manquaient et lui <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> ne pas travailler trop dur. Il avait déjà écrit à Titus, lui <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong><br />

recruter plus <strong>de</strong> serviteurs pour qu'Olivia n'ait pas à lever le petit doigt et puisse consacrer tout son temps<br />

à Marcus et à l'enfant à naître. <strong>Maximus</strong> lui dit qu'il avait envie d'une fille, mais lui assura qu'un autre fils<br />

ferait <strong>de</strong> lui l'homme le plus fier <strong>de</strong> tout l'empire. Il lui parla en termes vagues <strong>de</strong> l'assaut <strong>de</strong> la forteresse,<br />

lui <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> ne pas divulguer l'in<strong>format</strong>ion à qui que se soit, Titus inclus.<br />

Les lettres d'Olivia étaient longues et pleines <strong>de</strong> détails sur la ferme et ses habitants ­ humains et autres.<br />

Mais ce que <strong>Maximus</strong> chérissait le plus, c'étaient les <strong>de</strong>ssins qu'elle faisait <strong>de</strong> leur fils. Sa talentueuse<br />

femme capturait parfaitement le physique <strong>de</strong> l'enfant et sa personnalité, et <strong>Maximus</strong> pouvait voir qu'il avait<br />

déjà beaucoup grandi ces <strong>de</strong>rniers mois.<br />

<strong>Maximus</strong> s'étira, frottant ses yeux pour ôter la fumée <strong>de</strong> l'huile <strong>de</strong>s lampes.<br />

Hercule était couché à ses pieds, sa large tête reposant sur les orteils <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. Ce <strong>de</strong>rnier se pencha<br />

et lui ébouriffa les oreilles, déclenchant un énorme bâillement en retour. Les soirs comme celui-ci étaient<br />

longs et noirs et il haïssait l'inactivité.<br />

Les hommes du camp <strong>de</strong>vaient être entrain <strong>de</strong> jouer aux dés, ou à d'autres jeux, et assis en train <strong>de</strong><br />

discuter <strong>de</strong>s événements <strong>de</strong> la journée.<br />

Cela semblait il y a si peu <strong>de</strong> temps lorsqu'il était l'un d'entre eux et qu'il passait ses soirées avec Darius.<br />

Darius il n'avait pas pensé à son vieil ami et mentor <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s lustres, mais il était sûr que Darius pouvait<br />

voir tout ce qu'il faisait et il espérait que le centurion était fier <strong>de</strong> lui.<br />

Les souvenirs <strong>de</strong> son propre père étaient moins précis dans sa mémoire.<br />

<strong>Maximus</strong> reposa la plume d'oie et repoussa gentiment Hercule <strong>de</strong> son pied avant d'aller vers une feuille <strong>de</strong><br />

métal très poli qui était sur un coffre <strong>de</strong> bois ornementé. Il fixa son reflet assombri et vit un homme avec<br />

d'étonnants yeux bleus et <strong>de</strong>s cheveux noirs <strong>de</strong>nses ­ <strong>de</strong>ux traits hérités <strong>de</strong> son père. Mais il ne se<br />

souvenait pas avoir jamais vu son père ayant l'air aussi fatigué et pale que le visage reflété dans le miroir.<br />

Durant les mois qui avaient suivi son retour d'Espagne, sa peau avait perdu son éclat sain et les ri<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />

soucis étaient réapparues autour <strong>de</strong> ses yeux.<br />

Les traits séduisants <strong>de</strong> sa jeunesse avaient été remplacés par une force <strong>de</strong> caractère qui était attirante<br />

d'une manière complètement différente.<br />

Il toucha les fines ri<strong>de</strong>s sur son front, puis à côté <strong>de</strong> sa bouche, sentant la barbe à cet endroit. Son visage<br />

restait remarquablement exempt <strong>de</strong> cicatrices comparé aux autres soldats <strong>de</strong> son âge, et cela n'était<br />

certainement pas parce qu'il était resté en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s batailles.<br />

Il pencha son visage et continua à chercher <strong>de</strong>s ressemblances avec son père mais en trouva peu.<br />

Son père avait été un homme bien plus simple, seulement préoccupé par le bien être <strong>de</strong> sa famille, pas<br />

par le sort d'un empire. Serait-il fier <strong>de</strong> son fils, se <strong>de</strong>manda-t-il soudainement, et il tomba à genoux pour<br />

faire quelque chose qu'il n'avait pas fait <strong>de</strong>puis une éternité ­ <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r la bénédiction <strong>de</strong> son père et lui<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> veiller sur sa famille pendant qu'il ne pouvait pas le faire lui même.<br />

Chapitre 58 : L'Assaut<br />

A la mi-décembre, les tours d'assaut étaient presque terminées. L'une avait atteint la hauteur étourdissante<br />

<strong>de</strong> plus <strong>de</strong> vingt <strong>de</strong>ux mètres car les artisans concentraient leurs efforts pour la faire monter très haut afin<br />

<strong>de</strong> contrecarrer la résolution <strong>de</strong>s germains à augmenter la hauteur du mur nord <strong>de</strong> leur forteresse.<br />

C'était une course qui aurait était presque comique si la victoire n'avait pas été un avantage si capital une<br />

fois que le combat reprendrait.<br />

Frustré par le retard, <strong>Maximus</strong> ordonna aux soldats d'ôter les parties les plus récentes et les moins stables<br />

du mur <strong>de</strong> pierre avec les balistes, et ils le firent sans efforts, faisant s'écrouler les pierres à l'intérieur <strong>de</strong> la<br />

forteresse et écrasant toute personne assez stupi<strong>de</strong> pour être là.<br />

Il faisait très froid, à présent, et la neige recouvrait le sol. Les soldats tapaient <strong>de</strong>s pieds et frappaient <strong>de</strong>s<br />

mains pour maintenir la circulation du sang, et allaient s'accroupir autour <strong>de</strong>s feux <strong>de</strong> camp quand ils<br />

étaient relevés <strong>de</strong> leurs postes. <strong>Maximus</strong> faisait en sorte que les rotations soient courtes et augmenta les<br />

rations <strong>de</strong> tous les hommes pour qu'ils conservent leurs forces, leur énergie et leur moral.<br />

Chaque jour, il se tenait en haut <strong>de</strong> la colline assis sur un <strong>de</strong> ses étalons jusqu'à ce que, lui aussi, il sente<br />

l'engourdissement envahir ses orteils et ses doigts. Son souffle gelait autour <strong>de</strong> sa bouche, bordant sa<br />

barbe <strong>de</strong> glace blanche, lui valant quelques surnoms amusants.<br />

Il portait souvent son casque à présent, pour gar<strong>de</strong>r sa tête au chaud, et ses fourrures aussi.<br />

Si lui et ses hommes étaient gelés, il pouvait difficilement imaginer comment cela <strong>de</strong>vait être pour les gens<br />

emprisonnés à l'intérieur <strong>de</strong> la forteresse, spécialement pour les plus jeunes.<br />

Quand la construction fut terminée pour la journée et que la lune fut haute et brillante, <strong>Maximus</strong> avança<br />

péniblement dans la neige pour retourner à sa place au sommet <strong>de</strong> la colline, juste pour écouter. Tout était<br />

silencieux, à part le hurlement du vent glacé autour <strong>de</strong>s poutres <strong>de</strong>s tours qui ressemblaient à <strong>de</strong><br />

gigantesques monstres <strong>sous</strong> le clair <strong>de</strong> lune.<br />

Les soldats les gardant pour éviter que les barbares ne les brûlent le saluèrent et il leur rendit le salut, puis<br />

attendit, écoutant toujours. Bientôt, il l'entendit ­ le son familier <strong>de</strong>s enfants pleurant dans la nuit, <strong>de</strong> faim<br />

ou <strong>de</strong> froid, ou <strong>de</strong> peur. Il savait que les soldats pouvaient entendre les pleurs et il espérait que cela leur<br />

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appellerait leur propres enfants, tout comme lui, et qu'ils se souviendraient que leur combat était contre<br />

les pères, pas contre les enfants.<br />

<strong>Maximus</strong> retourna vers le camp, ses pieds écrasant la neige alors qu'il repassait dans ses pas, sa longue<br />

ombre bleutée bougeant <strong>de</strong>vant lui, et le clair <strong>de</strong> lune faisant briller quelques flocons épars qui tombaient. Il<br />

s'arrêta, sa cape virevoltant autour <strong>de</strong> lui, et regarda les milliers d'étoiles au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> lui. La nuit glaciale<br />

était aussi terrifiante que belle, avec le pouvoir <strong>de</strong> tuer quiconque laissé sans refuge trop longtemps. Mais<br />

la terreur <strong>de</strong> la nature n'était rien comparée à l'horreur que <strong>de</strong>s hommes feraient fondre sur d'autres<br />

hommes le len<strong>de</strong>main, et sur tout ce qui serait en travers du chemin.<br />

Lorsque le soleil du matin atteignit le sommet <strong>de</strong>s collines lointaines, donnant <strong>de</strong>s couleurs or et roses au<br />

paysage gelé, les soldats étaient à leurs postes, boucliers et épées à la main.<br />

Tout barbare ayant jeté un il par <strong>de</strong>ssus les murs <strong>de</strong> la forteresse avait du trembler <strong>de</strong> peur en voyant ce<br />

qui était apparu ce matin-là. L'énorme tour principale était prête à être déplacée par <strong>de</strong>s équipages <strong>de</strong><br />

chevaux en armures qui piaffaient d'impatience, frappant la neige <strong>de</strong> leurs sabots.<br />

Une fois que la tour serait en place, un pont-levis serait abaissé pour que <strong>de</strong>s soldats armés puissent<br />

passer par <strong>de</strong>ssus le mur <strong>de</strong> la forteresse, défendus par d'autres soldats sur la tour qui seraient protégés<br />

par d'épais boucliers en bois qui bordaient le sommet <strong>de</strong> la structure. Fermée sur trois côtés, la tour<br />

comportait <strong>de</strong>s marches et <strong>de</strong>s rampes qui permettraient aux soldats <strong>de</strong> monter rapi<strong>de</strong>ment dans la tour<br />

pour rejoindre leur compagnons sur le rempart.<br />

Derrière la tour, il y avait un détachement d'hommes armés prêts à faire l'ascension rapi<strong>de</strong>. Des centaines<br />

<strong>de</strong> soldats étaient aussi prêts à courir <strong>sous</strong> les abris qui allaient jusqu'au pied du mur où ils tireraient <strong>de</strong>s<br />

flèches aux germains qui essaieraient <strong>de</strong> tuer les romains sortant <strong>de</strong> la tour.<br />

Derrière tout cela, il y avaient les puissantes balistes, prêtes à tirer <strong>de</strong>s projectiles à l'intérieur <strong>de</strong> la<br />

forteresse. Et <strong>de</strong>vant les balistes, il y avaient d'énormes arbalètes capables <strong>de</strong> tirer <strong>de</strong> longues flèches à<br />

<strong>de</strong>s intervalles très courts avec une précision remarquable.<br />

Non loin se tenaient <strong>de</strong>ux autres tours qui pouvaient être prêtes en quelques jours, si nécessaire, et<br />

encore <strong>de</strong>s centaines d'hommes qui pouvaient se joindre au combat si leur général l'ordonnait.<br />

<strong>Maximus</strong> était à cheval sur Scarto au pied <strong>de</strong> la colline, juste <strong>de</strong>vant les balistes, un soldat avec un cor à<br />

ses côtés, pour relayer ses ordres aux centurions qui étaient avec leurs hommes.<br />

Il mourrait d'envie d'être au sommet <strong>de</strong> cette tour et d'être le premier à franchir le pont-levis, mais cela<br />

serait <strong>de</strong> la folie et il le savait. Il avait besoin d'assez <strong>de</strong> recul pour avoir une vue d'ensemble <strong>de</strong> toute la<br />

bataille afin <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong> rapi<strong>de</strong>s décisions <strong>de</strong> tactique.<br />

La bannière <strong>de</strong> Rome avec l'aigle doré claquait dans le vent glacé <strong>de</strong>rrière <strong>Maximus</strong>, donnant <strong>de</strong> la force et<br />

<strong>de</strong> la détermination aux soldats. Mis à part ce son, il y avait un silence inquiétant car tous les hommes,<br />

romains et germains, attendaient le signal du joueur <strong>de</strong> cor.<br />

<strong>Maximus</strong> observa l'ensemble et décida que tout était prêt. Il fit un signe <strong>de</strong> la tête au héraut et quelques<br />

notes courtes transpercèrent l'air glacé.<br />

Lentement, la gran<strong>de</strong> tour commença à rouler sur le sol enneigé avec les hommes armés juste <strong>de</strong>rrière<br />

elle.<br />

<strong>Maximus</strong> se sentait étrangement détendu à présent que la bataille allait commencer. C'était l'attente que<br />

lui ­ et tous les soldats ­ détestaient.<br />

Les grosses roues en bois <strong>de</strong> la tour grincèrent et les chevaux luttèrent quand la construction massive<br />

commença à se diriger vers son but. Des flèches s'abattirent sur les chevaux et les hommes qui les<br />

guidaient, mais elles rebondirent sur les lour<strong>de</strong>s armures métalliques sans faire <strong>de</strong> dégâts. Les archers<br />

romains répliquèrent avec beaucoup plus d'efficacité et <strong>de</strong>s germains morts basculèrent dans la<br />

forteresse, disparaissant <strong>de</strong> la vue <strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong>.<br />

Quand la tour fut enfin à son emplacement, d'autres sonneries transmirent l'ordre <strong>de</strong> baisser le pont-levis<br />

et il le fut avec un claquement assourdissant.<br />

Sans hésitation, <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> romains avec <strong>de</strong>s boucliers et <strong>de</strong>s épées se déversèrent <strong>de</strong> la tour en<br />

courant, <strong>de</strong>s cris <strong>de</strong> guerre sortant <strong>de</strong> leurs gorges. Les soldats au sol escaladèrent les rampes et les<br />

marches pour les rejoindre en haut <strong>de</strong>s murs.<br />

Le bruit familier du métal frappant le métal remplit l'air quand les germains commencèrent à défendre leur<br />

forteresse contre les envahisseurs.<br />

Des flèches rencontrèrent leur cibles avec une précision mortelle, pénétrant les boucliers avec un bruit<br />

sourd et transperçant la peau tendre <strong>de</strong>s corps.<br />

Des cris angoissés s'arrêtaient brusquement lorsque <strong>de</strong>s hommes tombaient <strong>de</strong>s murs et plongeaient vers<br />

leur mort sur les rochers en <strong>de</strong>s<strong>sous</strong>. Des têtes décapitées roulaient et bondissaient au pied <strong>de</strong>s murs <strong>de</strong><br />

pierre, laissant <strong>de</strong>s traînées <strong>de</strong> sang, et les corps sans têtes tombaient à leur suite.<br />

<strong>Maximus</strong> savait que les pertes seraient importantes dans les <strong>de</strong>ux camps et il était décidé à arrêter le<br />

combat le plus vite possible. Il donna un nouvel ordre et le cor sonna à nouveau.<br />

Cette fois-ci, les balistes déchaînèrent leur fureur, lançant d'énormes projectiles contre la forteresse à un<br />

rythme régulier et soutenu.<br />

<strong>Maximus</strong> repéra <strong>de</strong>ux détachements <strong>de</strong> germains filant le long du rempart <strong>de</strong>puis l'arrière et donna un<br />

ordre bref. En quelques minutes, les arbalètes les massacrèrent et du sang, <strong>de</strong> la chair et <strong>de</strong>s os<br />

éclaboussèrent ceux qui étaient en bas dans la forteresse.<br />

Finalement, le flot continu <strong>de</strong> romains traversant le pont-levis rencontra <strong>de</strong> moins en moins <strong>de</strong> résistance<br />

jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'opposition du tout.<br />

Les hommes sur la tour levèrent leurs armes vers le ciel et crièrent leur victoire.<br />

100


"Ordonne-leur d'être vigilants," cria <strong>Maximus</strong> à son héraut et les notes portèrent jusqu'aux hommes<br />

étonnés sur la tour. Mais, ils savaient qu'il ne fallait pas douter <strong>de</strong> leur général et ils tinrent leurs armes en<br />

position <strong>de</strong> combat en dépit <strong>de</strong> ce qui semblait être une victoire évi<strong>de</strong>nte. <strong>Maximus</strong> ne pouvait voir ce qu'ils<br />

voyaient, se disaient-ils. Il ne pouvait pas voir les corps empilés et l'absence <strong>de</strong> mouvement à l'intérieur <strong>de</strong><br />

la forteresse.<br />

Quintus arriva au galop. "Qu'est-ce qui ne va pas, <strong>Maximus</strong> ? Les hommes sur le rempart signalent une<br />

victoire."<br />

"C'est trop tôt. Je ne peux pas croire qu'une bataille pour défendre une forteresse puisse se terminer si<br />

vite."<br />

"La plupart <strong>de</strong>s germains son morts et ceux qui ne le sont pas se sont rendus." Quintus désigna une<br />

rangée <strong>de</strong> germains à genoux dans la neige, leurs mains <strong>de</strong>rrière leurs cous.<br />

"Quelque chose ne va pas," persista <strong>Maximus</strong>. "Nous ne <strong>de</strong>vons pas baisser notre gar<strong>de</strong>. Ordonne à<br />

l'infanterie <strong>de</strong> se tenir prête." Les seuls bruits étaient les gémissements <strong>de</strong>s hommes blessés. "Reste avec<br />

l'infanterie," dit-il à Quintus, puis il fit avancer Scarto, chevauchant délibérément à la portée <strong>de</strong>s flèches<br />

ennemies pouvant venir <strong>de</strong> la forteresse. Il faisait une belle cible et il le savait mais sa présence, sans<br />

protection, ferait sûrement réagir les barbares qu'il pouvait rester.<br />

Les soldats en haut <strong>de</strong> la tour pointaient leurs armes dans toutes les directions, désireux <strong>de</strong> protéger leur<br />

général <strong>de</strong> tout germain qui pourrait tenter <strong>de</strong> mourir en héros.<br />

<strong>Maximus</strong> chevauchait lentement, ses yeux et ses oreilles attentifs à tout changement. Il remarqua<br />

quelques hommes en haut du rempart qui commençaient à baisser leurs armes et il leur aboya l'ordre <strong>de</strong><br />

maintenir leur position.<br />

Après quelques minutes, tout était toujours aussi calme et <strong>Maximus</strong> se <strong>de</strong>manda si il ne faisait pas<br />

finalement preuve <strong>de</strong> trop <strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nce. Il arriva à la tour et monta les escaliers quatre à quatre malgré sa<br />

lour<strong>de</strong> armure, ses bottes faisant un bruit sourd sur le bois, et il avait le souffle coupé quand il atteignit le<br />

sommet. Il dit à nouveau aux hommes <strong>de</strong> rester vigilants.<br />

Il pouvait voir Quintus en bas avec l'infanterie, restant en position comme il l'avait ordonné.<br />

Un centurion s'approcha <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> alors qu'il contemplait la terrible <strong>de</strong>struction que la forteresse avait<br />

subi à l'intérieur. Des corps étaient empilés sur d'autres corps, aussi bien <strong>de</strong>s germains que <strong>de</strong>s romains,<br />

et le sang tâchait la neige d'un rouge vif.<br />

"On dirait que nous avons réussi, général," dit le centurion.<br />

"Où sont les autres ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong>.<br />

"Quels autres ?"<br />

"Ils ne peuvent pas être tous là. Il y a plein d'hommes morts en bas, mais ça ne peut pas être tout. Cet<br />

éclaireur nous a dit que l'endroit était littéralement rempli d'hommes. Où sont-ils ?"<br />

Alors que le centurion cherchait une réponse, <strong>Maximus</strong> marcha sur le rempart jusqu'au coin sud-ouest, le<br />

centurion et <strong>de</strong> nombreux archers juste <strong>de</strong>rrière lui.<br />

Il observa à nouveau l'infanterie en contre bas avant <strong>de</strong> diriger son regard vers la forêt. Le soleil était haut,<br />

à présent, projetant une ombre d'un bleu profond sur le sol là où la lumière ne pouvait pas passer à travers<br />

les branches couvertes <strong>de</strong> neige. Tout était tranquille, mais au moment où il se détournait, une volée<br />

d'oiseaux prit soudainement son envol avec <strong>de</strong>s cris <strong>de</strong> frayeur. <strong>Maximus</strong> se retourna à nouveau, ses yeux<br />

parcourant les arbres une nouvelle fois juste au moment où une flèche tirée <strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> la forêt<br />

siffla près <strong>de</strong> son oreille et se ficha profondément dans la poitrine <strong>de</strong> l'homme <strong>de</strong>rrière lui. La forêt se mit<br />

en mouvement quand au moins un millier <strong>de</strong> barbares cachés <strong>sous</strong> <strong>de</strong>s peaux recouvertes <strong>de</strong> neige en<br />

sortirent en courant, <strong>de</strong>s arcs, <strong>de</strong>s épées et <strong>de</strong>s lances bien hauts dans leurs mains.<br />

<strong>Maximus</strong> cria l'ordre <strong>de</strong> tirer et les hommes sur le rempart tirèrent une volée <strong>de</strong> flèches sur les barbares,<br />

en faisant tomber beaucoup avant même qu'ils ne soient sortis <strong>de</strong> l'ombre <strong>de</strong>s arbres, mais beaucoup se<br />

dirigèrent directement vers la base <strong>de</strong> la tour en poussant <strong>de</strong>s cris <strong>de</strong> défi.<br />

Quintus, surpris, fit charger l'infanterie, mais pas avant qu'une centaine <strong>de</strong> germains déterminés n'ait<br />

réussi à atteindre la tour.<br />

"Le pont-levis !" cria <strong>Maximus</strong>. "Brulez-le ! Ils ne doivent pas reprendre le contrôle du fort !"<br />

Pendant que les hommes se précipitaient pour exécuter l'ordre, <strong>Maximus</strong> prit un arc et <strong>de</strong>s flèches à un<br />

soldat mort. Prenant à peine le temps <strong>de</strong> viser, il décocha flèche après flèche sur <strong>de</strong>s germains qui<br />

grimpaient à l'extérieur <strong>de</strong> la tour alors que d'autres se servaient <strong>de</strong>s escaliers, et il remarqua avec<br />

satisfaction que ses tirs faisaient très souvent mouche.<br />

Mais le pont-levis ne brûlait pas car le bois vert utilisé pour le construire était encore humi<strong>de</strong> et également<br />

trempé par la neige.<br />

"Tuez-les comme ils viennent," cria-t-il, puis il ordonna à Quintus en <strong>de</strong>s<strong>sous</strong> "Ne les laisse pas prendre le<br />

contrôle <strong>de</strong> la tour !"<br />

Les germains étaient préparés à combattre l'infanterie, mais le vrai but étaient la tour et le rempart <strong>de</strong> la<br />

forteresse ­ et le général <strong>Maximus</strong>.<br />

Des douzaines <strong>de</strong> germains étaient à présent rassemblés en haut <strong>de</strong> la tour, se préparant à attaquer. Ils<br />

étaient rejoint par un flux permanent d'hommes habillés <strong>de</strong> peaux épaisses <strong>de</strong>s pieds à la tête.<br />

Pas étonnant qu'ils aient enduré la nuit <strong>sous</strong> la neige, pensa <strong>Maximus</strong>.<br />

Bien que largement dépassés par le nombre <strong>de</strong>s germains, les romains sur le rempart étaient bien mieux<br />

équipés et entraînés.<br />

<strong>Maximus</strong> rallia ses hommes au sommet du mur. "Retenez-les ici jusqu'à ce que la bataille au sol soit<br />

gagnée. A ce moment, il pourrait y avoir <strong>de</strong>s centaines d'hommes en plus dans la tour et nous <strong>de</strong>vons les<br />

101


piéger <strong>de</strong>dans. Nous <strong>de</strong>vons les tenir jusqu'à ce que le combat au sol soit fini pour que nous puissions<br />

attaquer du sommet et en bas. Vous comprenez ? Restez <strong>de</strong>rrière vos boucliers. Nous ne pouvons pas<br />

nous permettre <strong>de</strong> perdre ne serait-ce qu'un homme." Les soldats hochèrent la tête et <strong>Maximus</strong> regarda<br />

sur le côté les corps jonchant le sol imbibé <strong>de</strong> sang ­ beaucoup plus portant <strong>de</strong>s fourrures que <strong>de</strong>s<br />

armures. "Ca ne sera pas long," prédit <strong>Maximus</strong>.<br />

Chaque fois qu'un germain faisait signe <strong>de</strong> mettre un pied sur le pont-levis, il était accueilli par une volée<br />

<strong>de</strong> flèches. "N'en utilisez pas plus que nécessaire. Nous ne <strong>de</strong>vons pas en manquer," prévint <strong>Maximus</strong>, et<br />

il tressaillit quand <strong>de</strong>s flèches frappèrent son bouclier.<br />

Une fois encore, un mouvement attira son regard ­ cette fois à l'intérieur <strong>de</strong> la forteresse. Un soldat<br />

mortellement blessé fit reculer un bras tremblant et décocha une flèche droit sur lui. <strong>Maximus</strong> se retourna<br />

en un éclair et tira, faisant tomber l'homme avec une flèche à travers sa gorge. Mais le mouvement <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong> l'avait laissé sans protection frontale et les germains en haut <strong>de</strong> la tour ne purent croire à leur<br />

bonne fortune quand ils virent le chef romain si vulnérable. Ils tirèrent cinq flèches les unes après les<br />

autres. Une effleura la cuirasse <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, <strong>de</strong>ux se fichèrent dans son bouclier sans dommage mais<br />

<strong>de</strong>ux autres rencontrèrent leur cible. <strong>Maximus</strong> bascula en arrière dans la forteresse, les flèches dépassant<br />

<strong>de</strong> son corps et une giclée <strong>de</strong> sang éclaboussant les soldats pétrifiés qui regardèrent, horrifiés, leur chef<br />

tomber.<br />

Chapitre 59 : Dans la forteresse<br />

<strong>Maximus</strong> lutta pour ouvrir les yeux et les rayons <strong>de</strong> lumière qui pénétrèrent ses paupières entre ouvertes<br />

déclenchèrent une souffrance qui secoua son corps et expulsa l'air <strong>de</strong> ses poumons. Il resta allongé,<br />

immobile, et repoussa la panique qui menaçait <strong>de</strong> le submerger. Etait-il gravement blessé ? Avait-il <strong>de</strong>s os<br />

cassés ? Où les flèches l'avaient-elles atteintes ?<br />

Lentement, il fit l'inventaire <strong>de</strong>s blessures, bougeant doucement une partie <strong>de</strong> son corps à la fois avec les<br />

yeux fermés pour se concentrer sur sa tâche. La douleur fusa dans sa jambe gauche. Etait-ce cassé ou<br />

perforé ­ ou les <strong>de</strong>ux ? Son bras droit était dans le même état. Son dos et son cou étaient endoloris et sa<br />

tête lui faisait horriblement mal mais il était presque sûr qu'il n'avait que <strong>de</strong>s bleus à ces endroits.<br />

Lentement, son cerveau reçu <strong>de</strong>s bruits <strong>de</strong> bataille étouffés puis <strong>de</strong>s voix lointaines criant frénétiquement<br />

"Général ! Général ? Général, êtes-vous vivant, monsieur ?"<br />

<strong>Maximus</strong> grogna mais il savait que le son ne pouvait être entendu par les hommes inquiets sur le rempart<br />

juste au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> lui.<br />

"Nous <strong>de</strong>scendons pour vous chercher, monsieur !"<br />

<strong>Maximus</strong> serra les <strong>de</strong>nts et se força à se soulever en s'appuyant sur son cou<strong>de</strong> gauche. "Non." Sa voix<br />

n'était pas plus forte qu'un murmure. Il inspira profondément et recommença. "Non !", cria-t-il, la douleur<br />

éclatant dans sa tête, "Non ! Restez à vos postes. Défen<strong>de</strong>z le rempart."<br />

"Mais"<br />

"C'est un ordre ! Ne laissez pas les germains prendre le contrôle du rempart !"<br />

"Oui, monsieur !" cria le centurion, l'inquiétu<strong>de</strong> inscrite sur son visage alors qu'il se détournait.<br />

Le menton <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> retomba sur sa poitrine, ses yeux fermés comme si il essayait <strong>de</strong> faire disparaître<br />

la torture. Quand il finit par les ouvrir, il vit la raison <strong>de</strong> sa survie. Sa chute avait été amortie par <strong>de</strong>s corps ­<br />

un tas <strong>de</strong> corps, <strong>de</strong> cinq à six corps d'épaisseur. Des romains et <strong>de</strong>s germains. Des corps avec <strong>de</strong>s<br />

visages dont les hurlements étaient figés en un masque mortuaire.<br />

<strong>Maximus</strong> frissonna et se mit sur le côté, gémissant car il avait involontairement enfoncé plus profondément<br />

la flèche dans sa jambe.<br />

Il se laissa rouler sur le sol, se rétablissant sur ses pieds dans la neige avant que ses jambes ne cè<strong>de</strong>nt<br />

<strong>sous</strong> lui et qu'il tombe à genoux. Il resta immobile, respirant profondément pour diminuer la nausée qui<br />

montait dans sa gorge et le feu dans ses membres. Il observa ce qui l'entourait avec <strong>de</strong>s yeux troubles.<br />

Son armée avait sûrement fait un travail consciencieux. Il y avait <strong>de</strong>s dépouilles d'hommes et d'animaux<br />

partout, la plupart horriblement mutilés. Rien <strong>de</strong> bougeait. L'homme qui avait essayé <strong>de</strong> le tuer avait dû<br />

être le <strong>de</strong>rnier survivant.<br />

<strong>Maximus</strong> se mit <strong>de</strong>bout en chancelant et prit la flèche ressortant <strong>de</strong> la cuisse droite avec ses <strong>de</strong>ux mains,<br />

pliant le bois jusqu'à ce qu'il casse à quelques centimètres <strong>de</strong> sa peau. Il déchira un morceau <strong>de</strong> tissu sur<br />

un corps non loin <strong>de</strong> lui et le noua très étroitement au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la plaie dans sa jambe pour ralentir le<br />

saignement abondant. Il ne pouvait pas briser la flèche dans son bras avec une seule main et il pensa<br />

brièvement à l'enlever mais il savait que cela ferait encore plus <strong>de</strong> dommages, alors il noua un morceau <strong>de</strong><br />

tissu au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> cette blessure en s'aidant <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>nts, laissant la flèche dépasser <strong>de</strong> son bras.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda l'épais mur <strong>de</strong> pierre, si épais qu'il étouffait presque les bruits <strong>de</strong> la bataille faisant rage à<br />

l'extérieur, créant un silence inquiétant à l'intérieur <strong>de</strong> la forteresse.<br />

Un visage romain apparut en haut du mur pour jeter un il et <strong>Maximus</strong> leva sa main gauche en réponse,<br />

faisant voir au soldat qu'il était bien toujours en vie.<br />

"Général, nous allons vous lancer une cor<strong>de</strong> !"<br />

"Non ! Nous <strong>de</strong>vons utiliser tous les hommes dans la bataille ! Vous <strong>de</strong>vez gar<strong>de</strong>r le rempart ! Les<br />

germains ne doivent pas reprendre le contrôle <strong>de</strong> cette forteresse !" <strong>Maximus</strong> réussit à sourire un peu à<br />

l'homme haut au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> lui "En plus, je ne pourrais pas grimper <strong>de</strong> toute façon. Je trouverai un autre<br />

moyen <strong>de</strong> sortir."<br />

L'homme hocha la tête pour dire qu'il avait compris et disparût à nouveau.<br />

102


<strong>Maximus</strong> chercha une arme parmi les corps et trouva une épée romaine couverte <strong>de</strong> sang. Le poids<br />

familier dans sa main était réconfortant bien que rien ne paraissait vivre à l'intérieur du fort. Cependant,<br />

l'endroit était immense avec suffisamment <strong>de</strong> bâtiments endommagés où l'ennemi pouvait se cacher.<br />

Il <strong>de</strong>vait sortir d'ici. Il repensa à la femme avec son bébé et boitilla jusqu'au mur d'où elle était sortie à l'est,<br />

passa sa main le long <strong>de</strong> la pierre tout en inspectant la base. Ca n'était pas bon. La neige s'était<br />

accumulée le long du mur et bouchait tout passage éventuel vers l'extérieur.<br />

Il frissonna, gelé malgré la chaleur poisseuse se répandant sur sa jambe et son bras. Les nuages<br />

cachaient à présent le soleil et la neige avait commencé à tomber.<br />

<strong>Maximus</strong> se dirigea en boitant vers le nord <strong>de</strong> la forteresse, trébuchant plusieurs fois sur quelques<br />

obstacles dissimulés. Environ un millier <strong>de</strong> germains s'étaient glissé hors <strong>de</strong> cet endroit la nuit <strong>de</strong>rnière<br />

sans être détectés par les gar<strong>de</strong>s romains alors il <strong>de</strong>vait y avoir un certain nombre d'issues dans le mur du<br />

fond qui donnait sur la forêt profon<strong>de</strong>.<br />

Dans la lumière qui diminuait, <strong>Maximus</strong> fit péniblement l'aller et retour le long du mur qui était très grand,<br />

mais ne trouva aucune ouverture évi<strong>de</strong>nte. Les passages avaient sûrement été bouchés par les hommes<br />

qui étaient restés dans la forteresse et qui avaient probablement fait rouler <strong>de</strong> lourds rochers <strong>de</strong>vant les<br />

issues. Tous ces hommes <strong>de</strong>vaient être morts à présent, mais qu'était-il arrivé aux femmes et aux enfants<br />

? Où étaient-ils ? S'étaient-ils envolés ?<br />

<strong>Maximus</strong> regarda vers le sud <strong>de</strong>rrière lui et se redressa brusquement quand il vit une épaisse colonne <strong>de</strong><br />

fumée qui venait <strong>de</strong> l'extérieur <strong>de</strong> la forteresse. Il renifla et senti le feu. Qu'est-ce qui brûlait ? La bataille<br />

était-elle finie ? Il regarda à nouveau la fumée mais réalisa que ce qu'il sentait n'était pas le feu terrifiant <strong>de</strong><br />

la <strong>de</strong>struction mais le feu accueillant <strong>de</strong> la vie et <strong>de</strong> la chaleur. Cette o<strong>de</strong>ur réconfortante ajoutée à la nuit<br />

qui arrivait, ses <strong>de</strong>nts qui claquaient et ses membres endoloris lui rappela que si il ne s'abritait pas bientôt,<br />

il ne survivrait probablement pas à la nuit.<br />

Il utilisa son odorat et avança sur un petit chemin tracé par les bâtiments détruits jusqu'à ce qu'il atteigne<br />

une petite construction intacte, une <strong>de</strong>s seules qui restaient dans le fort. Il boita jusqu'à la porte et écouta,<br />

serrant les <strong>de</strong>nts pour les empêcher <strong>de</strong> claquer et serrant son épée dans sa main. De la lumière jaune<br />

filtrait en <strong>de</strong>s<strong>sous</strong> <strong>de</strong> la porte et il mit son il contre une fissure dans le bois.<br />

Deux femmes étaient accroupies autour d'un feu. L'une d'entre elles remuait une marmite <strong>de</strong> ce qui sentait<br />

le ragoût. <strong>Maximus</strong> changea un peu <strong>de</strong> position. A la droite <strong>de</strong>s femmes, <strong>de</strong>ux enfants dormaient près du<br />

feu, blottis l'un contre l'autre <strong>sous</strong> <strong>de</strong>s fourrures. Etaient-ils les seuls personnes restant dans la forteresse,<br />

et si c'était le cas, pourquoi étaient-ils encore ici ?<br />

<strong>Maximus</strong> mourrait d'envie <strong>de</strong> passer la porte et <strong>de</strong> leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> partager leur nourriture et leur<br />

chaleur avec lui, mais au lieu <strong>de</strong> cela, il recula en titubant dans la neige qui s'épaississait. Il portait une<br />

cuirasse romaine, il avait une arme romaine et saignait du sang romain. Il les aurait terrifiés.<br />

La neige tombait plus vite et plus abondante à présent, fondant sur son cou qui n'était pas protégé et<br />

dégoulinant dans son armure, mouillant sa tunique <strong>de</strong> laine et ses <strong>sous</strong>-vêtements. Il était frigorifié. Il mit<br />

ses mains en coupe et souffla <strong>de</strong>ssus, essayant <strong>de</strong> les réchauffer. Il <strong>de</strong>vrait trouver son propre refuge,<br />

mais il avait besoin <strong>de</strong> rester près <strong>de</strong> la lumière dorée rassurante et <strong>de</strong> l'o<strong>de</strong>ur réconfortante.<br />

Le bâtiment sur la gauche était noir et semblait très peu endommagé, alors il glissa sa lame entre la porte<br />

et l'encadrement et l'ouvrit lentement. Il se figea quand les charnières en bois émirent un craquement<br />

sinistre et jeta un il à l'autre habitation. Avaient-ils entendu ? <strong>Maximus</strong> attendit quelques minutes puis tira<br />

encore sur la porte, l'ouvrant suffisamment pour se glisser dans l'ouverture. Il faisait nuit noire à l'intérieur<br />

et aussi glacé qu'à l'extérieur. Il ne survivrait jamais ici.<br />

Quand il sortit à nouveau, son regard fut attiré par une clarté orange au <strong>de</strong>ssus du mur sud <strong>de</strong> la<br />

forteresse. Quelque chose <strong>de</strong> très grand était en train <strong>de</strong> brûler et ça ne pouvait être que la tour. Comme<br />

<strong>Maximus</strong> réfléchissait aux implications <strong>de</strong> cette nouvelle in<strong>format</strong>ion, il ne remarqua pas la lumière jaune<br />

éclaboussant le bas <strong>de</strong> ses jambes ou l'ombre s'étalant sur la neige <strong>de</strong>rrière lui.<br />

Ce fut l'instinct plus qu'autre chose qui le poussa à se retourner juste avant que la pierre frappant son<br />

crâne ne le plonge dans le noir.<br />

Quand il reprit conscience, il ressentit d'abord la douleur dans sa tête, puis la souffrance familière dans<br />

son bras et sa cuisse. Son cerveau enregistra ensuite la chaleur sur son corps et les murmures proches. Il<br />

tourna la tête et gémit misérablement quand ses paupières s'ouvrirent. Quand ses yeux réussirent<br />

finalement à faire le point, il se trouva en train <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r droit dans les yeux curieux d'un bel enfant blond<br />

aux yeux bleus. Une fille. Il ouvrit la bouche pour parler mais gémit juste une fois encore. L'enfant fut ôtée<br />

<strong>de</strong> sa vue et son doux visage remplacé par un autre beaucoup plus âgé, arborant une expression <strong>de</strong><br />

colère. Sa grand-mère ? Le visage <strong>de</strong> la vieille sorcière était profondément ridé et ses cheveux étaient gris<br />

et filasses. La femme le réprimanda avec un ton coléreux et <strong>de</strong>s mots qu'il ne pouvait pas comprendre.<br />

Alors qu'il essayait <strong>de</strong> se concentrer sur son visage, une main se glissa <strong>sous</strong> sa tête, la souleva, et un bol<br />

grossier fut poussé contre ses lèvres. Son instinct <strong>de</strong> guerrier lui dit <strong>de</strong> ne faire confiance à personne et il<br />

refusa obstinément d'ouvrir la bouche. La main quitta sa tête et elle retomba sur le sol avec un bruit sourd.<br />

Il vit littéralement <strong>de</strong>s étoiles cette fois-ci et il aspira <strong>de</strong>s bouffées d'air pour éliminer la nausée qui en<br />

résulta.<br />

On le frappa sur la joue pour obtenir son attention et il vit cette fois une femme qui <strong>de</strong>vait être la mère <strong>de</strong> la<br />

petite fille. Elle n'avait pas plus <strong>de</strong> 18 ans, avec les mêmes cheveux blonds et yeux bleus. Elle porta le bol<br />

à ses propre lèvres et bu une longue gorgée puis leva le bol pour qu'il le voit, ses sourcils levés en signe<br />

d'interrogation. Il hocha la tête et elle se mit à nouveau <strong>de</strong>rrière lui pour tenir sa tête pendant qu'il buvait.<br />

Cette fois, quand elle retira sa main, sa tête retomba sur un oreiller fait <strong>de</strong> fourrures.<br />

103


"Merci," coassa-t-il, et la petite fille gloussa <strong>de</strong> rire. <strong>Maximus</strong> réussit à lui sourire puis regarda <strong>de</strong>rrière elle<br />

l'enfant qui était toujours <strong>sous</strong> les fourrures, presque caché par elles. <strong>Maximus</strong> n'était pas sûr <strong>de</strong> son sexe<br />

mais les courtes boucles ébouriffées lui firent penser que l'enfant était un garçon.<br />

L'enfant s'éveilla, puis geignit et se mit à pleurer. Sa mère alla rapi<strong>de</strong>ment le consoler, caressant ses<br />

cheveux en lui murmurant <strong>de</strong> douces paroles. Quand les pleurs se transformèrent en vagissements, elle le<br />

prit dans ses bras et l'assis sur ses genoux, le berçant gentiment. Elle ajusta la couverture <strong>de</strong> l'enfant et<br />

<strong>Maximus</strong> sursauta lorsqu'il entre aperçut les jambes du petit garçon. Une <strong>de</strong>s jambes n'était plus qu'un<br />

moignon, soigneusement enveloppé dans <strong>de</strong>s chiffons ensanglantés.<br />

La vieille femme retourna sa colère sur <strong>Maximus</strong>, levant la main comme pour le frapper. Ses mains<br />

bougèrent en un geste <strong>de</strong> défense instinctif mais elles n'allèrent pas bien loin. Il avait été si hébété et<br />

distrait qu'il n'avait pas réalisé jusqu'à présent qu'il était attaché. Ses poignets étaient liés ensembles avec<br />

<strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>s <strong>de</strong> tissu réunies en une cor<strong>de</strong> qui était soli<strong>de</strong>ment enroulée autour <strong>de</strong> sa taille. Il essaya <strong>de</strong><br />

remuer sa jambe qui était intacte et découvrit que ses chevilles étaient également attachées ensembles. Il<br />

était clair qu'il n'allait nulle part.<br />

La jeune mère souffla quelques mots secs à la vieille femme et elle baissa le poing et alla passer sa colère<br />

sur le feu, le remuant violemment avec un bâton.<br />

Il se <strong>de</strong>manda si elles savaient qui il était. Savaient-elles qu'il était l'homme responsable <strong>de</strong> la <strong>de</strong>struction<br />

<strong>de</strong> leur foyers et <strong>de</strong> la morts <strong>de</strong> leur hommes ­ et <strong>de</strong> la terrible blessure <strong>de</strong> l'enfant ? Il n'était pas vêtu<br />

comme un soldat ordinaire et elles <strong>de</strong>vaient l'avoir remarqué. Pourquoi ne l'avaient-elles pas tué<br />

lorsqu'elles en avaient eu l'occasion ? Avaient-elles l'intention <strong>de</strong> le retenir prisonnier pour une rançon ?<br />

<strong>Maximus</strong> rejeta cette pensée absur<strong>de</strong>. Quel bien pouvait leur faire l'or romain ?<br />

Le garçon. Etait-ce pourquoi elles ne s'étaient pas enfuies avec les autres ? Parce que l'enfant était trop<br />

gravement blessé pour se déplacer ?<br />

Ses propres blessures paraissaient quelque peu insignifiantes à présent et il souleva la tête avec<br />

beaucoup <strong>de</strong> difficulté pour regar<strong>de</strong>r son corps. Il n'y avait pas <strong>de</strong> flèche ressortant <strong>de</strong> son bras et une<br />

o<strong>de</strong>ur, quelque chose comme <strong>de</strong> la sève <strong>de</strong> pin, lui parvint. Ses blessures étaient bandées. La femme dit<br />

quelques phrases comme pour répondre à son regard interrogatif, mais il ne peut que la fixer du regard en<br />

retour. Elle roula <strong>de</strong>s yeux et secoua légèrement la tête comme pour dire "Qu'il est bête" avant <strong>de</strong> déposer<br />

doucement l'enfant endormi sur un matelas <strong>de</strong> fourrures et <strong>de</strong> le couvrir à nouveau. Elle dit quelques mots<br />

à la vieille femme qui la remplaça au chevet <strong>de</strong> l'enfant, puis elle alla à la marmite sur le feu et versa une<br />

louche <strong>de</strong> ragoût fumant dans un bol. L'estomac <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> gronda et elle sourit légèrement.<br />

Une fois encore, elle souleva sa tête et lui donna la vian<strong>de</strong> chau<strong>de</strong> à manger jusqu'à ce que le bol soit<br />

vi<strong>de</strong>. <strong>Maximus</strong> ne savait pas trop quel animal avait fourni la vian<strong>de</strong> mais la nourriture était satisfaisante et<br />

frugale. Elle remonta les fourrures sur lui et fit un peu <strong>de</strong> vaisselle, nettoyant les bols avec <strong>de</strong> la neige<br />

fondue. Elle bailla en travaillant et <strong>Maximus</strong> l'observa, essayant d'imaginer comment elle parvenait à<br />

soutenir sa famille dans <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie aussi terribles. Son mari gisait-il mort quelque part dans la<br />

forteresse ? Ses frères étaient-il là aussi, et peut être son père ?<br />

"Merci," murmura <strong>Maximus</strong> et elle tourna la tête pour le regar<strong>de</strong>r. Il n'y avait pas <strong>de</strong> haine dans ses yeux,<br />

ou <strong>de</strong> peur ­ juste <strong>de</strong> la résignation. Il avait besoin d'ai<strong>de</strong> et elle prenait soin <strong>de</strong> lui. Cela semblait aussi<br />

simple que cela.<br />

Chapitre 61 : Le Visiteur<br />

<strong>Maximus</strong> jeta un coup d'il autour <strong>de</strong> l'arête sud-ouest <strong>de</strong> la forteresse, prenant soin <strong>de</strong> se cacher. Il était<br />

enveloppé dans la fourrure brune usée dont il n'avait aucune intention <strong>de</strong> se débarrasser, et on pouvait<br />

aisément le prendre pour un germain <strong>sous</strong> le ciel étoilé.<br />

Le champ <strong>de</strong> bataille paraissait désert et il n'y avait même pas <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>s romains postés là. Les <strong>de</strong>ux<br />

tours inachevées étaient là où il les avaient vues pour la <strong>de</strong>rnière fois, mais la tour d'assaut principale<br />

n'était plus qu'un tas <strong>de</strong> décombres fumantes, comme il l'avait soupçonné. Que s'était il passé ici ?<br />

<strong>Maximus</strong> boita péniblement le long du mur, s'appuyant sur la pierre. La blessure dans sa jambe le lançait<br />

encore, mais la majorité <strong>de</strong> la douleur venait maintenant <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux genoux meurtris et il savait qu'il<br />

saignait beaucoup.<br />

Quand il s'approcha <strong>de</strong>s ruines calcinées, il eut l'impression <strong>de</strong> détecter l'o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la vian<strong>de</strong> cuite et il eut<br />

un peu la nausée en dépit <strong>de</strong> sa faim. L'o<strong>de</strong>ur du repas du camp pouvait-elle arriver jusqu'ici avec la brise<br />

froi<strong>de</strong> ?<br />

Il pensait que l'heure du souper était passée <strong>de</strong>puis longtemps, mais il n'était même pas sûr du jour qu'il<br />

était, et encore moins <strong>de</strong> l'heure. Il n'était plus sûr <strong>de</strong> rien du tout et ce sentiment était très déconcertant.<br />

Si le camp était toujours <strong>sous</strong> le contrôle romain, pourquoi les soldats n'avaient-ils pas fait <strong>de</strong>s recherches<br />

jusqu'à ce qu'ils le trouvent ?<br />

La marche <strong>de</strong> retour jusqu'au camp allait être difficile, mais il n'avait pas d'autre choix que <strong>de</strong> se mettre en<br />

route. Il aurait donné n'importe quoi pour sentir l'échine soli<strong>de</strong> <strong>de</strong> Scarto <strong>sous</strong> lui à cet instant.<br />

Le ciel s'était éclairci à l'est lorsque <strong>Maximus</strong> se tint caché <strong>de</strong>rrière un arbre, sur la colline qui dominait le<br />

campement. Tout semblait normal. Les gar<strong>de</strong>s étaient à l'entrée ­ <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s romains.<br />

Il était un peu étourdi par la douleur, la fatigue et la perte <strong>de</strong> sang, et son esprit n'était pas aussi aiguisé<br />

que d'habitu<strong>de</strong>, mais il savait avec certitu<strong>de</strong> que quelque chose dans le camp était différent. Simplement, il<br />

ne parvenait pas à voir quoi.<br />

104


<strong>Maximus</strong> resta caché, blotti <strong>sous</strong> sa fourrure, quand l'aube éclaira le ciel à l'est que les soldats<br />

commencèrent à vaquer dans le camp. La gar<strong>de</strong> du matin vint prendre la relève et celle <strong>de</strong> nuit partit<br />

manger et dormir.<br />

L'o<strong>de</strong>ur du déjeuner qui cuisait lui parvint, mais ça n'était pas la même o<strong>de</strong>ur qu'il avait perçue sur le<br />

champ <strong>de</strong> bataille. La clé du mystère était là-bas et <strong>Maximus</strong> savait qu'il <strong>de</strong>vait y retourner maintenant qu'il<br />

faisait suffisamment jour pour y voir clair.<br />

Son esprit se rebella à la pensée d'une punition supplémentaire mais il se força à se mettre <strong>de</strong>bout et<br />

retourna péniblement sur ses pas.<br />

Le pré était parsemé <strong>de</strong> monticules neigeux ­ les corps gelés <strong>de</strong> germains morts qui resteraient ici jusqu'au<br />

printemps où ils seraient dévorés par les animaux affamés. <strong>Maximus</strong> supposa qu'environ <strong>de</strong>ux cent<br />

hommes étaient enfouis <strong>sous</strong> la neige mais ça n'était certainement pas le nombre total <strong>de</strong>s germains qu'il<br />

avait vu charger <strong>de</strong>puis la forêt vers la tour. Avaient-ils été tous faits prisonniers ? Il contempla à nouveau<br />

les ruines <strong>de</strong> la tour d'assaut, la crainte se glissant dans son esprit.<br />

Les ruines dégageaient encore une chaleur considérable, mais le pourtour était suffisamment froid pour y<br />

regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> plus près, alors il se débarrassa <strong>de</strong> son manteau <strong>de</strong> fourrure et il fit un pas dans<br />

l'amoncellement.<br />

Des nuages <strong>de</strong> suie grise s'élevèrent autour <strong>de</strong> lui et il s'étouffa et toussa jusqu'à ce qu'il place sa main<br />

recouverte <strong>de</strong> peau <strong>de</strong> mouton sur son nez avant <strong>de</strong> continuer à fouiller du bout du pied dans les<br />

décombres.<br />

Un souvenir remplit soudainement sa mémoire ­ il était un enfant en Espagne fouillant dans les décombres<br />

consumés <strong>de</strong> sa maison, recherchant les restes <strong>de</strong> ses parents et <strong>de</strong> son frère ­ et soudain, il sut ce qu'il<br />

recherchait.<br />

Il trouva très vite : <strong>de</strong>s morceaux non i<strong>de</strong>ntifiables <strong>de</strong> chair calcinée, <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts et <strong>de</strong>s morceaux d'os<br />

blancs.<br />

Les hommes dans la tour avaient été brûlés vifs.<br />

<strong>Maximus</strong> tomba à genoux et eut un violent haut-le-cur. Il n'aurait jamais ordonné une chose pareille.<br />

Qu'avait-il pris à ses hommes <strong>de</strong> le faire ? Qui avait donné l'ordre ?<br />

"Général ?" dit une voix hésitante <strong>de</strong>rrière lui. "Général, c'est vous ?"<br />

<strong>Maximus</strong> reconnut la voix d'un <strong>de</strong> ses jeunes gar<strong>de</strong>s, mais il ne pouvait lui répondre. Il ne contrôlait plus<br />

ses émotions ­ un mélange <strong>de</strong> chagrin et <strong>de</strong> fureur ­ et il <strong>de</strong>vait se maîtriser avant <strong>de</strong> pouvoir donner une<br />

réponse au soldat.<br />

Il massa ses tempes alors qu'il entendit le jeune homme partir au grand galop.<br />

Quand Quintus arriva à cheval, suivit par <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> soldats qui couraient, <strong>Maximus</strong> était <strong>de</strong>bout,<br />

prêt à leur faire face.<br />

Il n'avait pas pensé à son apparence, mais il sut d'après le regard <strong>de</strong> Quintus qu'il avait l'air terrifiant. Ou<br />

bien était-ce l'expression d'un homme qui avait crû qu'il était à présent le commandant ?<br />

"<strong>Maximus</strong> <strong>Maximus</strong> Je", bégaya Quintus. "Nous pensions que tu étais mort."<br />

"Il est évi<strong>de</strong>nt que non," grogna <strong>Maximus</strong>.<br />

"Nous t'avons cherché."<br />

"Pas suffisamment."<br />

"Nous avons fouillé chaque construction"<br />

"L'escoua<strong>de</strong> <strong>de</strong> recherche s'est promenée dans la forteresse en criant mon nom, rien <strong>de</strong> plus. Si ils avaient<br />

cherché dans les bâtiments, ils m'auraient trouvé."<br />

"Nous avons essayé"<br />

"Qui a donné l'ordre du massacre ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong>.<br />

Quintus pâlit et <strong>de</strong>s centaines d'yeux le fixèrent. Il soutint le regard accusateur <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> pendant un<br />

instant puis baissa les yeux. "Moi," dit-il calmement.<br />

<strong>Maximus</strong> chercha les mots pour exprimer sa pensée mais put seulement murmurer "Pourquoi ?"<br />

"Je suivais juste les ordres."<br />

<strong>Maximus</strong> était incrédule. "Les ordres <strong>de</strong> qui ? Je ne donnerais jamais un tel ordre et tu le sais !"<br />

"L'ordre était le mien," dit une voix familière <strong>de</strong>rrière Quintus.<br />

Un frisson parcourut l'échine <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et il déplaça son regard, remarquant le jeune homme à cheval<br />

pour la première fois.<br />

"Commo<strong>de</strong>," dit-il avec une voix sour<strong>de</strong> qui indiquait qu'il venait <strong>de</strong> tout comprendre.<br />

"Tu as une allure épouvantable, <strong>Maximus</strong>. Je suis sûr <strong>de</strong> parler au nom <strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong> si je dis que je<br />

suis heureux que tu"<br />

"Vous avez ordonné que ces hommes soient brûlés vifs." Le ton <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était implacable.<br />

"Oui, je l'ai fait," répondit Commo<strong>de</strong>, sur la défensive. "Mais nous les avons tués avant. Tout homme<br />

pouvant faire un bon esclave a été sorti <strong>de</strong> la tour et est maintenant prisonnier. Nous avons seulement tué<br />

les hommes blessés, trop faibles ou trop vieux."<br />

"Vous n'aviez aucun droit <strong>de</strong> donner cet ordre."<br />

"Bien sûr que je l'avais. Je te croyais mort alors j'ai pris le comman<strong>de</strong>ment. Je représente mon père,<br />

l'empereur."<br />

En dépit <strong>de</strong> sa souffrance, <strong>Maximus</strong> s'avança lentement avec un air menaçant vers Commo<strong>de</strong> qui était<br />

toujours sur son étalon blanc.<br />

"Votre père est un homme compatissant. Il n'aurait jamais ordonné que <strong>de</strong>s prisonniers soient brûlés vifs,<br />

peu importe qu'ils soient vieux ou blessés."<br />

105


"Oui, mon père n'est pas sans avoir <strong>de</strong> faiblesses et la compassion est certainement l'une d'elles. Savaistu<br />

qu'il avait interdit les jeux du cirque dans la gran<strong>de</strong> arène <strong>de</strong> Rome ? Nos prisonniers les plus costauds<br />

<strong>de</strong>vront être envoyés dans nos provinces à la place."<br />

En dépit <strong>de</strong> sa brava<strong>de</strong>, le jeune homme était <strong>de</strong> plus en plus troublé au fur et à mesure que le général<br />

s'approchait <strong>de</strong> son cheval. Il hocha une fois la tête, brièvement, et <strong>de</strong>s hommes vêtus <strong>de</strong> capes et <strong>de</strong><br />

casques noirs, tenant <strong>de</strong>s lances et <strong>de</strong>s boucliers, se mirent rapi<strong>de</strong>ment en position <strong>de</strong>vant lui, créant une<br />

barrière entre lui et <strong>Maximus</strong>.<br />

<strong>Maximus</strong> rit sèchement, un sourire <strong>de</strong> mépris sur son visage sale et couvert <strong>de</strong> sang. "Sont-ce les hommes<br />

qui m'ont recherché, Quintus ?" Il s'adressa au tribun sans le regar<strong>de</strong>r.<br />

"Oui," fut la réponse calme <strong>de</strong> Quintus.<br />

<strong>Maximus</strong> s'adressa à nouveau à Commo<strong>de</strong>. "Bien, maintenant je comprends vraiment tout. Excepté une<br />

chose"<br />

"Et qu'est-ce ?"<br />

"Que faites-vous ici, à <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> kilomètres du confort <strong>de</strong> Rome ?"<br />

Commo<strong>de</strong> ne répondit pas à l'insulte implicite.<br />

La fatigue et la douleur rendait <strong>Maximus</strong> téméraire, et il avança jusqu'à être nez à nez avec un <strong>de</strong>s<br />

prétoriens, espérant que l'état dans lequel il était ferait reculer l'homme. Ca ne fonctionna pas. Il leva les<br />

yeux vers Commo<strong>de</strong>. "Vous êtes peut être le fils <strong>de</strong> l'empereur, mais l'armée est <strong>sous</strong> mon<br />

comman<strong>de</strong>ment par la volonté <strong>de</strong> l'empereur." Ses mots tombèrent avec dédain. "Jusqu'à ce que Marc-<br />

Aurèle me dise directement le contraire il en sera ainsi. Vous feriez bien <strong>de</strong> vous souvenir <strong>de</strong> ça votre<br />

Majesté."<br />

Fixant toujours Commo<strong>de</strong> <strong>de</strong>s yeux, <strong>Maximus</strong> dit "Quintus, donne-moi ton cheval."<br />

Le légat mis rapi<strong>de</strong>ment pied à terre et <strong>de</strong> nombreux hommes se précipitèrent pour ai<strong>de</strong>r leur général<br />

blessé à monter à cheval. Quand il l'eut fait, ses soldats se rassemblèrent autour <strong>de</strong> lui en un mouvement<br />

protecteur et <strong>Maximus</strong> redressa le dos en revenant lentement jusqu'au camp, entouré par <strong>de</strong>s centaines<br />

<strong>de</strong> légionnaires souriants avec leurs poings levés bien haut en signe <strong>de</strong> célébration et <strong>de</strong> défi.<br />

Commo<strong>de</strong> les regarda partir, toujours entouré <strong>de</strong> ses prétoriens, Quintus <strong>de</strong>bout dans la neige à côté<br />

d'eux.<br />

Chapitre 62 - Réponses<br />

"Ne bougez pas."<br />

<strong>Maximus</strong> essaya <strong>de</strong> s'asseoir dans son lit.<br />

"Vous avez entendu. Ne bougez pas."<br />

Le chirurgien posa sa main au milieu <strong>de</strong> la poitrine <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et le fit facilement retomber sur le lit.<br />

"Marcianus ?"<br />

"Bien sûr."<br />

"Quel jour sommes-nous ?"<br />

"Mardi."<br />

"Euh Quel mardi ?"<br />

Marcianus sourit et s'assit sur le bord du lit <strong>de</strong> son général avec une familiarité naturelle. "Vous avez dormi<br />

pendant <strong>de</strong>ux jours avec un peu d'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> ma part."<br />

"Deux jours !" <strong>Maximus</strong> essaya encore <strong>de</strong> se lever et le chirurgien le repoussa puis se pencha au-<strong>de</strong>ssus<br />

<strong>de</strong> l'homme blessé et plaça ses bras <strong>de</strong> chaque côté du lit pour empêcher d'autres tentatives <strong>de</strong><br />

désobéissance.<br />

"Vous savez <strong>Maximus</strong>, je vous ai déjà débarrassé <strong>de</strong> pas mal <strong>de</strong> flèches ces <strong>de</strong>rnières années, mais vous<br />

êtes dans un sacré état cette fois-ci. Voulez-vous que je vous parle <strong>de</strong> vos blessures ?"<br />

"Non."<br />

"Commençons par votre tête."<br />

"Non," dit <strong>Maximus</strong> avec un air borné, tournant son visage vers le mur.<br />

"Vous avez <strong>de</strong> nombreuses coupures et <strong>de</strong>s contusions dues au choc que vous avez reçu en vous<br />

cognant la tête sur le rocher dans ce maudit tunnel."<br />

<strong>Maximus</strong> regarda immédiatement son ami <strong>de</strong> longue date. "Comment savez-vous cela ?"<br />

"Vous me l'avez dit."<br />

"Quand ?"<br />

"Juste avant que vous ne vous évanouissiez et que vous tombiez du cheval <strong>de</strong> Quintus. Vous ne vous<br />

souvenez pas ?"<br />

<strong>Maximus</strong> secoua la tête. "Marcianus, il a une famille dans la forteresse avec un garçon gravement blessé"<br />

"Je sais. Vous m'avez <strong>de</strong>mandé d'aller dans la forteresse et j'y suis allé ­ par ce maudit tunnel."<br />

"Qu'est-ce que"<br />

Le chirurgien leva la main pour le faire taire. "Dans une minute. Nous sommes en train <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> vous.<br />

Où en étions-nous ? Ah oui votre tête. C'est une bonne chose qu'elle soit aussi dure que ces rochers." Il<br />

sourit brièvement et plaça ses longs cheveux gris <strong>de</strong>rrière ses oreilles avant <strong>de</strong> poursuivre. "J'ai ôté les<br />

flèches et il n'y avait pas trop <strong>de</strong> dégâts. Vous avez <strong>de</strong> la chance qu'il fasse si froid parce que cela a<br />

empêché toute infection. Vous avez un peu <strong>de</strong> fièvre mais les blessures dues aux flèches <strong>de</strong>vraient guérir<br />

facilement. Vos mains, vos pieds et vos oreilles ont souffert <strong>de</strong> légères engelures, mais cela <strong>de</strong>vrait guérir<br />

aussi. Je pense que vous vous êtes peut être cassé quelques côtes quand vous être tombé <strong>de</strong> cheval.<br />

106


Personne ne vous avait jamais vu tomber <strong>de</strong> cheval avant alors ils n'ont pas réagi à temps pour vous<br />

rattraper et vous être tombé assez lour<strong>de</strong>ment sur le sol. En fait, vous avez plein <strong>de</strong> bleus partout."<br />

"Que s'est-il passé dans la"<br />

"Je n'ai pas encore fini." Le chirurgien regarda l'homme allongé près <strong>de</strong> lui avec beaucoup d'affection. "Ce<br />

sont vos genoux, <strong>Maximus</strong>. Je ne sais pas ce que vous leur avez fait, mais la chair est partie jusqu'à l'os à<br />

certains endroits, et l'os est même râpé. J'ai enlevé <strong>de</strong>s morceaux <strong>de</strong> pierre, <strong>de</strong> laine et <strong>de</strong> suie mais ils<br />

vont mettre longtemps à guérir. Vous n'allez pas pouvoir plier les genoux pendant environ une semaine<br />

parce qu'en le faisant, vous rouvririez la peau en train <strong>de</strong> cicatriser."<br />

"Vous n'êtes pas sérieux."<br />

"Je suis on ne peut plus sérieux. Essayer <strong>de</strong> bouger vos jambes."<br />

<strong>Maximus</strong> essaya sans succès. Elles semblaient être maintenues à plat et attachées."<br />

"Que m'avez-vous fait ?"<br />

"Des attelles. On vous a posé <strong>de</strong>s attelles et vous <strong>de</strong>vrez rester comme ça jusqu'à ce que je déci<strong>de</strong> du<br />

contraire, que vous soyez général ou pas."<br />

"Marcianus, si je ne suis pas capable <strong>de</strong> faire mon travail, je ne vais pas rester général longtemps."<br />

Il y avait une pointe <strong>de</strong> désespoir dans la voix <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

"Mmmm vous voulez parler <strong>de</strong> notre visiteur surprise. Je ne m'inquiéterais pas trop à son propos si j'étais<br />

vous. Je ne pense pas qu'il va rester très longtemps <strong>sous</strong> ce climat."<br />

"Il peut faire beaucoup <strong>de</strong> dégâts mais si il est ici pour très peu <strong>de</strong> temps."<br />

"Pas <strong>de</strong> dommages permanents. Les soldats vous sont entièrement dévoués et ils ne lui obéiront jamais<br />

tant que vous serez en vie."<br />

"Pas <strong>de</strong> dommages permanents ? Dites ça aux femmes et aux enfants <strong>de</strong>s hommes qui ont brûlés vifs."<br />

<strong>Maximus</strong> pensa à Helga et se <strong>de</strong>manda si les cendres <strong>de</strong> son mari étaient parmi celles <strong>de</strong> la tour<br />

incendiée.<br />

Marcianus soupira. "Oui, ce fut très malheureux. Commo<strong>de</strong> a persuadé les soldats que vous étiez mort et<br />

que les barbares avaient découpé votre corps en petits morceaux pour les jeter aux loups. Il a dit que c'est<br />

pour cette raison qu'ils ne pouvaient pas trouver votre cadavre." Marcianus ajusta la couverture sur les<br />

jambes <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. "Je n'ai jamais vu les hommes aussi bouleversés et cet endroit était plongé dans le<br />

<strong>de</strong>uil." Le chirurgien se mit à sourire. "Le pauvre garçon qui vous a aperçu sur le champ <strong>de</strong> bataille était<br />

persuadé qu'il avait vu votre fantôme."<br />

"Pensiez-vous que j'étais mort ?"<br />

"J'ai J'ai prié Dieu pour que vous reveniez sain et sauf."<br />

<strong>Maximus</strong> sourit et dit avec désinvolture "Quel dieu ?"<br />

"Le seul Dieu dont je crois en l'existence. Mon Dieu est un Dieu miséricordieux, <strong>Maximus</strong>, et il répond à<br />

mes prières. Il sait combien Rome a besoin <strong>de</strong> vous."<br />

<strong>Maximus</strong> était abasourdit et chercha ses mots. "Vous faites partie <strong>de</strong> cette secte religieuse ? Celle qui"<br />

"Oui."<br />

<strong>Maximus</strong> jeta à il à la porte puis regarda son ami. "Quelqu'un d'autre que moi est-il au courant ?"<br />

"Non. Vous êtes le seul à qui je l'ai confié."<br />

"Et bien, pour le salut <strong>de</strong> votre Dieu ­ et le votre ­ gar<strong>de</strong>z cela pour vous. Vous <strong>de</strong>vez savoir que les<br />

Chrétiens sont persécutés et massacrés dans tout l'empire."<br />

"J'en suis conscient."<br />

<strong>Maximus</strong> fixa avec inquiétu<strong>de</strong> l'homme qu'il connaissait <strong>de</strong>puis qu'il était enfant. "Je ne sais pas quoi dire."<br />

"Vous n'avez pas à dire quoique se soit. <strong>Maximus</strong>, la vie que vous menez est celle d'un Chrétien<br />

exemplaire que vous en soyez conscient ou non."<br />

"Un général Chrétien commandant l'armée romaine ?" <strong>Maximus</strong> rit. "Je ne pense pas."<br />

"Non, bien sûr que non. Cela serait impossible. Mais le fait que vous soyez vous fait que c'est plus facile<br />

pour moi d'être moi. Vous comprenez ?"<br />

<strong>Maximus</strong> saisit la main <strong>de</strong> son ami. "Oui," dit-il, "Je comprends. Merci."<br />

Une ombre se <strong>de</strong>ssina dans l'encadrement <strong>de</strong> la porte ouverte et <strong>Maximus</strong> changea rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> sujet.<br />

"Où est Cicéro ?" <strong>de</strong>manda-t-il.<br />

"Je l'ai éloigné. Le pauvre garçon était rongé par l'inquiétu<strong>de</strong> à votre sujet et il a pris continuellement soin<br />

<strong>de</strong> vous <strong>de</strong>puis votre retour."<br />

"Marcianus Je me rends compte que vous essayer d'éviter <strong>de</strong> me dire ce que je veux savoir à propos <strong>de</strong> la<br />

famille dans la forteresse et cela me rend très nerveux."<br />

Le chirurgien soupira. "J'ai trouvé le tunnel là où vous aviez dit qu'il était et je suis entré dans la forteresse<br />

avec <strong>de</strong>ux autres chirurgiens et quelques gar<strong>de</strong>s. Nous avions du matériel médical, <strong>de</strong> la nourriture et <strong>de</strong>s<br />

vêtements avec nous comme vous l'aviez <strong>de</strong>mandé. Cela nous a pris du temps, mais nous avons trouvé la<br />

maison où vous aviez été retenu."<br />

"Et ?"<br />

"Il n'y avait personne là bas."<br />

"Quoi ?"<br />

"Et nous les avons cherchés dans toute la forteresse. Ils étaient partis."<br />

<strong>Maximus</strong> digéra cette in<strong>format</strong>ion et dit d'une voix étouffée. "Peut être ne me faisait-elle pas confiance,<br />

après tout."<br />

"Je doute que cela ait quelque chose à voir avec la confiance. C'était probablement l'instinct maternel. Elle<br />

a vu une occasion <strong>de</strong> s'enfuir et elle l'a saisi."<br />

107


"Mais elle aurait pu s'envoler avec les autres auparavant et elle ne l'a pas fait. Elle est restée en arrière à<br />

cause <strong>de</strong> l'enfant. Il était dans un sale état, Marcianus. Je n'arrive pas à croire qu'elle ait pris le risque <strong>de</strong><br />

se déplacer avec lui."<br />

Marcianus haussa les épaules et se pencha pour caresser le gros chien couché au pied du lit <strong>de</strong> son<br />

maître, pour que le général ne puisse voir son visage. Oh oui, il avait trouvé le garçon. Il l'avait trouvé ­<br />

enseveli dans une tombe peu profon<strong>de</strong> creusée dans le sol <strong>de</strong> la cabane, amoureusement enveloppé dans<br />

<strong>de</strong>s fourrures. Il avait enlevé le bandage sur le moignon et ce qui avait tué le garçon était évi<strong>de</strong>nt. Même si<br />

il était arrivé plusieurs jours avant, il n'aurait pas pu le sauver. <strong>Maximus</strong> n'avait pas besoin <strong>de</strong> savoir cela.<br />

"Il avait environ le même âge que mon fils."<br />

Marcianus se redressa et s'étira avec ostentation. "<strong>Maximus</strong>, il y a beaucoup <strong>de</strong> personnes qui désirent<br />

vous voir, mais je vais tenir éloignées la plupart d'entre elles jusqu'à ce que vous soyez plus en forme. Ce<br />

camp fonctionne parfaitement bien grâce à vous mais, si vous le voulez, vous pouvez faire passer <strong>de</strong>s<br />

ordres par le biais <strong>de</strong> Quintus"<br />

"Non, pas Quintus."<br />

"Quintus est un homme correct, <strong>Maximus</strong>. C'est votre second."<br />

"Je sais, Marcianus, mais je suis inquiet <strong>de</strong> son amitié avec Commo<strong>de</strong>, et par quelques unes <strong>de</strong> ses<br />

décisions récentes."<br />

Le chirurgien jeta un il à porte avant <strong>de</strong> s'asseoir à nouveau près <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et il mit sa bouche tout près<br />

<strong>de</strong> l'oreille du général.<br />

"Amitié est peut être un mot un peu fort mais Quintus semble vraiment captivé par les prétoriens et,<br />

franchement, je n'ai jamais rien vu qui leur ressemble. C'est un groupe <strong>de</strong> jeunes brutes arrogantes que<br />

Commo<strong>de</strong> a l'air d'avoir choisi en se basant sur leur absence <strong>de</strong> conscience et leur ambition dévorante."<br />

"Hmmm, il a réussi à trouver <strong>de</strong>s hommes qui lui ressemblent," dit <strong>Maximus</strong> pensivement. "Marcianus, en<br />

dépit <strong>de</strong> sa jeunesse et <strong>de</strong> la bonne santé <strong>de</strong> son père, j'ai l'impression que Commo<strong>de</strong> se prépare pour<br />

son futur rôle d'empereur et qu'il rassemble <strong>de</strong>s alliés potentiels. Il recherche <strong>de</strong>s hommes qui lui obéiront<br />

aveuglément, peu importe que ses ordres soient abominables, en échange <strong>de</strong> quoi ? Du prestige ? De la<br />

richesse ? Du pouvoir ?"<br />

"Et bien, je suppose que ça vous laisse hors du tableau," répondit Marcianus et les <strong>de</strong>ux hommes<br />

sourirent.<br />

"Il ne m'aime pas <strong>de</strong>puis que Lucil" <strong>Maximus</strong> s'arrêta brusquement.<br />

"Lucilla ?" finit Marcianus.<br />

"Nous étions bons amis et Commo<strong>de</strong> ne l'a pas apprécié."<br />

"Oui, je sais."<br />

"Vous ne savez pas," dit <strong>Maximus</strong> catégoriquement.<br />

Marcianus se mit à rire. "Mon cher général, l'armée entière sait que la fille <strong>de</strong> l'empereur était plus qu'une<br />

amie. Rien ne reste longtemps un secret dans l'armée. Trop d'yeux et trop d'oreilles. En parlant d'yeux, les<br />

vôtres sont en train <strong>de</strong> se fermer tout seuls. Je vais vous laisser vous reposer. Si vous avez besoin <strong>de</strong><br />

quelque chose contre la douleur ou pour dormir, envoyez-moi Cicéro. Je ne serais pas loin. Comme tous<br />

les soldats, il est <strong>de</strong> mon intérêt personnel <strong>de</strong> vous remettre sur pied le plus vite possible et ça veut dire<br />

que vous <strong>de</strong>vez rester allongé pour au moins une semaine."<br />

"Marcianus Encore une chose. Quand Commo<strong>de</strong> est-il arrivé ?"<br />

"Juste avant que la bataille ne commence, je crois, mais <strong>de</strong>s soldats disent qu'il est resté invisible jusqu'à<br />

que ce soit terminé pour qu'il ne risque pas <strong>de</strong> salir son uniforme. Quand la rumeur que vous aviez disparu<br />

dans la forteresse s'est répandue, il est arrivé à cheval comme un héros, prêt à prendre le contrôle d'une<br />

armée sans lea<strong>de</strong>r. Je dois vous dire que beaucoup <strong>de</strong> vos hommes ont essayé <strong>de</strong> se glisser dans la<br />

forteresse pour voir par eux-mêmes après que Commo<strong>de</strong> ait prétendu que vous étiez mort, mais ses<br />

prétoriens gardaient efficacement l'endroit."<br />

"Commo<strong>de</strong> <strong>de</strong>vait savoir que j'étais encore en vie. Ses hommes n'avaient pas trouvé mon corps."<br />

Marcianus passa pensivement sa main dans sa barbe grise. "Qui peut savoir ce qui se passe dans l'esprit<br />

<strong>de</strong> ce garçon."<br />

"Il n'est pas stupi<strong>de</strong>. Il me voulait mort."<br />

"Peut être, mais il semble vous <strong>sous</strong>-estimer en permanence, n'est-ce pas ?". Le chirurgien sourit.<br />

<strong>Maximus</strong> lui rendit son sourire. "J'ai apprécié notre conversation."<br />

"Moi aussi. Moi aussi. Dormez bien, <strong>Maximus</strong>."<br />

Le chirurgien éteignit quelques bougies en sortant, assombrissant la pièce pour que <strong>Maximus</strong> puisse<br />

dormir.<br />

Mais <strong>Maximus</strong> savait que le sommeil ne viendrait pas avant un moment car une profon<strong>de</strong> tristesse l'avait<br />

envahi. Marcianus n'avait pas dit grand chose à propos d'Helga mais il savait qu'elle n'aurait jamais essayé<br />

<strong>de</strong> partir avec son fils grièvement blessé. Si elle était partie, cela signifiait que le garçon était mort. Son ami<br />

avait simplement voulu lui épargner la peine <strong>de</strong> savoir cela.<br />

<strong>Maximus</strong> finit par s'endormir, les plis sur son front s'adoucissant quand ses pensées au sujet <strong>de</strong> la petite<br />

famille dans la forteresse se tournèrent vers sa propre famille à l'abri en Espagne.<br />

Chapitre 63 - Le Visiteur<br />

Durant les jours suivants, <strong>Maximus</strong> suivit les instructions <strong>de</strong> Marcianus et essaya <strong>de</strong> se reposer mais il<br />

<strong>de</strong>vint <strong>de</strong> plus en plus impatient. Il était habitué à l'activité physique et l'inaction lui portait sur les nerfs, en<br />

dépit du flot ininterrompu <strong>de</strong> visiteurs qui tentaient <strong>de</strong> le distraire.<br />

108


Tous les centurions passèrent pour lui dire combien ils étaient heureux qu'il soit sauf et qu'il <strong>de</strong>vait se<br />

reposer jusqu'à ce qu'il soit complètement rétabli.<br />

Le soir, un brave centurion subit l'humiliation d'être massacré aux échecs car <strong>Maximus</strong>, son dos reposant<br />

contre <strong>de</strong>s oreillers, avait utilisé toute son énergie créatrice et ses instincts <strong>de</strong> stratège dans le jeu.<br />

Chaque officier lui rendit visite, sauf Quintus, qui était soit trop embarrassé, soit trop occupé à distraire le<br />

fils <strong>de</strong> l'empereur pour venir.<br />

Marcianus vint au moins <strong>de</strong>ux fois par jour pour examiner son patient préféré.<br />

Le jeudi, il déclara que <strong>Maximus</strong> était dans une forme raisonnable, sauf en ce qui concernait ses genoux<br />

qui allaient mettre beaucoup <strong>de</strong> temps pour guérir complètement. Il enleva les attelles <strong>de</strong>s jambes du<br />

général et massa les genoux avec <strong>de</strong> l'onguent puis plia doucement les jambes pour étirer graduellement<br />

la peau.<br />

"Si nous continuons à faire cela, vos genoux <strong>de</strong>vraient guérir complètement, sans cicatrices," dit<br />

Marcianus à <strong>Maximus</strong>.<br />

"Comme si je me préoccupe <strong>de</strong>s cicatrices," railla son patient, un sourcil levé alors qu'il regardait le<br />

chirurgien.<br />

"Vous ne vous préoccupez peut être pas <strong>de</strong> vos jolies jambes, mais je suis sûr que c'est le cas pour votre<br />

femme."<br />

<strong>Maximus</strong> se mit à rire d'un seul coup puis reprit rapi<strong>de</strong>ment son sérieux. "Que fait-il à présent ?"<br />

Tous les <strong>de</strong>ux savaient <strong>de</strong> qui <strong>Maximus</strong> parlait.<br />

"Il se pavane dans le camp comme si il était l'empereur en personne, toujours suivit <strong>de</strong> près par ses chiens<br />

noirs. Il s'arrête pour parler à <strong>de</strong>s soldats qui lui plaisent ­ essayant sans aucun doute <strong>de</strong> les recruter ­<br />

mais aucun d'eux ne semble intéressé. Ils se méfient beaucoup <strong>de</strong> lui et le blâment <strong>de</strong> votre état. Vous<br />

n'avez pas à vous inquiéter."<br />

"Et Quintus ?"<br />

"Il traîne <strong>de</strong>rrière les prétoriens, mais Commo<strong>de</strong> l'ignore la plupart du temps. Contrairement à vous,<br />

l'ambitieux Quintus est assez facile à contrôler mais <strong>de</strong>puis votre retour du royaume <strong>de</strong>s morts, il n'est plus<br />

très utile à Commo<strong>de</strong>."<br />

"C'est dur <strong>de</strong> comprendre pourquoi le fils <strong>de</strong> Marc-Aurèle soit si différent <strong>de</strong> lui."<br />

"Oui, et bien"<br />

"Et bien quoi ?"<br />

"Je suis sûr que vous avez entendu les rumeurs."<br />

"Oui, je les ai entendues, mais je n'y crois pas."<br />

"Des gens pensent que c'est la vraie raison pour laquelle l'empereur a fini par interdire les jeux du cirque à<br />

Rome ­ pour que sa femme ne puisse plus frayer avec ses favoris. Commo<strong>de</strong> se figure qu'il est un peu<br />

gladiateur, vous savez. Tous les matins, peu importe qu'il fasse très froid ou non, lui et quatre <strong>de</strong> ses<br />

prétoriens se mettent torses nus et s'entraînent au maniement <strong>de</strong> l'épée. Pas besoin <strong>de</strong> dire qu'il attire<br />

beaucoup l'attention, ce qu'il aime, d'ailleurs."<br />

"Est-il bon ?"<br />

"Il semble, oui. Je pense qu'il n'y a pas grand-chose d'autre à faire pour un futur empereur en attente."<br />

<strong>Maximus</strong> eut un rire sardonique. "Oui, je suis sûr que Rome est très ennuyeuse." Il re<strong>de</strong>vint pensif. "Je me<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> pourquoi Marc l'a envoyé ici à cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'année."<br />

"Commo<strong>de</strong> aime peut être manier l'épée, mais il est loin d'être endurci, <strong>Maximus</strong>. J'ai l'impression que<br />

l'empereur espérait que Commo<strong>de</strong> pourrait peut être assister à une vraie bataille et voir ce que souffrir<br />

signifiait vraiment, et aussi pour <strong>de</strong>venir plus conscient <strong>de</strong> la vie dans les confins <strong>de</strong> l'empire."<br />

"Vous pensez sérieusement que Marc-Aurèle espère que Commo<strong>de</strong> puisse développer <strong>de</strong> la compassion<br />

?" <strong>Maximus</strong> ricana. "Brûler <strong>de</strong>s hommes vifs, est-ce <strong>de</strong> la compassion ? Poignar<strong>de</strong>r un chien" Sa voix<br />

faiblit alors que ses pensées revenaient à un moment douloureux <strong>de</strong> nombreuses années auparavant.<br />

"Hum, il semble que ce soit plutôt un espoir ténu, alors, n'est-ce pas ?"<br />

Marcianus replaça la jambe gauche du général sur le lit et tira les couvertures sur lui. En voyant le regard<br />

interrogateur <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, il répondit "Je crois que vous n'avez plus besoin <strong>de</strong>s attelles si vous promettez<br />

d'y aller doucement. Vous pouvez marcher un peu, mais lentement, et ne vous assoyez pas sans tendre<br />

vos jambes avant."<br />

<strong>Maximus</strong> acquiesça. "Merci, Marcianus. Maintenant vous pouvez prendre soin <strong>de</strong>s hommes qui ont<br />

vraiment besoin <strong>de</strong> vous."<br />

"Les autres chirurgiens s'occupent bien <strong>de</strong>s soldats."<br />

"Dans quel état sont les prisonniers ?"<br />

"Plutôt bon, parce que Commo<strong>de</strong> a tué tout homme qui n'était pas"<br />

A cet instant, Cicéro entra en trombe dans la pièce, essoufflé et bouleversé. "Monsieur, Commo<strong>de</strong> est en<br />

train <strong>de</strong> tuer les prisonniers."<br />

<strong>Maximus</strong> fut hors <strong>de</strong> son lit en un éclair, attrapant ses bottes en se dirigeant vers la porte en courant,<br />

clopinant sur un pied puis sur l'autre alors qu'il les enfilait. Marcianus saisit sa courte tunique, espérant le<br />

ralentir, mais <strong>Maximus</strong> se débarrassa <strong>de</strong> lui d'un mouvement d'épaules.<br />

"<strong>Maximus</strong> !" cria-t-il quand le général disparût <strong>de</strong>hors, "Vous n'avez même pas <strong>de</strong> pantalon !"<br />

Prenant la lour<strong>de</strong> cape du général, il se lança à la suite <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> avec Cicéro <strong>de</strong>rrière lui.<br />

Une foule importante, mais étrangement silencieuse, était rassemblée dans la neige à l'extérieur <strong>de</strong> la<br />

prison du camp et <strong>Maximus</strong> joua <strong>de</strong>s cou<strong>de</strong>s pour s'y frayer un chemin jusqu'à ce qu'il soit <strong>de</strong>vant tout le<br />

mon<strong>de</strong>.<br />

109


Dans l'espace <strong>de</strong>vant lui, il vit <strong>de</strong>ux prisonniers morts sur le sol, l'un décapité et l'autre à qui il manquait un<br />

bras qui gisait dans la neige écarlate près du corps. Un troisième germain, vivant mais grièvement blessé<br />

et n'ayant qu'un bâton en bois pour seule arme, était entouré par Commo<strong>de</strong> et trois <strong>de</strong> ses hommes qui<br />

avaient <strong>de</strong>s épées. Ils ricanaient en poussant et en piquant l'homme aux yeux écarquillés, le harcelant<br />

pour essayer <strong>de</strong> le pousser à les attaquer.<br />

"Que se passe-t-il ici ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong>, sa voix profon<strong>de</strong> retentissant avec autorité alors qu'il<br />

s'approchait du groupe.<br />

Commo<strong>de</strong> l'accueillit avec gaieté : "<strong>Maximus</strong>, cela fait plaisir <strong>de</strong> vous voir." "Vous arrivez juste à temps<br />

pour voir comment les prisonniers qui tentent <strong>de</strong> s'échapper <strong>de</strong>vraient être punis."<br />

Il taillada férocement le germain, laissant une blessure dans son bras avant <strong>de</strong> sauter en arrière, riant <strong>de</strong><br />

façon presque hystérique. "J'avais tord quand j'ai dit qu'ils feraient <strong>de</strong> bons gladiateurs, <strong>Maximus</strong>. Ils n'ont<br />

aucun courage."<br />

"Je pense que l'homme comprend la situation et sait que si il fait un mouvement, il hâtera sa fin. Les avezvous<br />

pris en train <strong>de</strong> s'enfuir ?"<br />

"Pas personnellement, mais je l'ai appris par Quintus. Il me l'a dit parce que cela fait <strong>de</strong>s jours que vous<br />

gar<strong>de</strong>z le lit."<br />

"Et bien, je ne suis pas dans mon lit maintenant, comme vous pouvez le voir, et le sort <strong>de</strong>s prisonniers me<br />

concerne, Majesté."<br />

<strong>Maximus</strong> appela trois <strong>de</strong> ses gar<strong>de</strong>s qui se tenaient tout près et leur ordonna <strong>de</strong> ramener l'homme blessé<br />

à sa cellule. Avant qu'ils n'aient pu faire un mouvement, Commo<strong>de</strong> se jeta en avant et enfonça sa lame<br />

dans l'estomac du prisonnier, puis la retira lentement et le regarda s'écrouler.<br />

Commo<strong>de</strong> se tourna vers <strong>Maximus</strong> avec une gran<strong>de</strong> satisfaction . "Et voilà, vous n'avez plus à vous<br />

occuper <strong>de</strong> lui à présent, général."<br />

A côté <strong>de</strong> lui, Hercule gronda du plus profond <strong>de</strong> sa gorge et <strong>Maximus</strong> vit les yeux <strong>de</strong> Commo<strong>de</strong> se poser<br />

sur le gros chien. <strong>Maximus</strong> saisit la gueule du chien pour le faire taire alors que Marcianus, <strong>de</strong>rrière lui,<br />

drapait sa cape sur ses épaules. <strong>Maximus</strong> réussit à lui faire un sourire tendu.<br />

"Nous n'avons pas eu l'occasion <strong>de</strong> nous entretenir <strong>de</strong>puis votre arrivée, Majesté, et je ne suis pas<br />

vraiment vêtu pour rester à l'extérieur. Pourquoi ne m'accompagneriez-vous pas dans ma tente pour<br />

prendre un rafraîchissement."<br />

"Ce serait avec plaisir, mon ami. Je viendrais dès que je serais changé. Comme vous pouvez le voir, mes<br />

vêtements sont pleins <strong>de</strong> sang."<br />

<strong>Maximus</strong> tendit la main pour indiquer que Commo<strong>de</strong> allait passer <strong>de</strong>vant lui, et il inclina légèrement la tête<br />

quand le jeune homme passa. La tête toujours baissée, il leva les yeux sur Quintus qui secoua<br />

frénétiquement la tête en signe <strong>de</strong> dénégation. <strong>Maximus</strong> hocha la tête une fois puis ordonna aux soldats<br />

<strong>de</strong> se disperser avant qu'il retourne à sa tente avec Hercule à ses côtés et Cicéro juste <strong>de</strong>rrière lui.<br />

Il allait se changer aussi. Il avait l'intention d'avoir l'air d'un général et non d'un invali<strong>de</strong> quand Commo<strong>de</strong><br />

viendrait le voir.<br />

"Votre père se porte-t-il bien ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong> pendant que Cicéro leur servait du vin chaud épicé.<br />

<strong>Maximus</strong> portait sa tunique et ses pantalons lie-<strong>de</strong>-vin, et son armure en cuir.<br />

"Je suppose que oui. Il vieillit, vous savez. Il passe ses journées le nez dans <strong>de</strong>s manuscrits et à griffonner<br />

dans son journal plutôt que <strong>de</strong> s'occuper <strong>de</strong>s affaires <strong>de</strong> l'empire."<br />

<strong>Maximus</strong> réprima son irritation et resta silencieux, décidant <strong>de</strong> laisser Commo<strong>de</strong> parler plutôt que <strong>de</strong> le<br />

contredire.<br />

"Il a autorisé le sénat à gagner du pouvoir. Certains <strong>de</strong> ces sénateurs ­ Gracchus par exemple ­ ont plus<br />

d'influence qu'ils ne le <strong>de</strong>vraient. L'empire <strong>de</strong>vrait être dirigé par l'empereur. Il <strong>de</strong>vrait avoir le pouvoir<br />

absolu. C'est ce qui permettra <strong>de</strong> rendre à Rome la gloire qu'elle a autrefois connu."<br />

"C'est bon <strong>de</strong> vous voir visiter les parties les plus éloignées <strong>de</strong> l'empire," dit <strong>Maximus</strong>. "Quand vous<br />

<strong>de</strong>viendrez empereur, vous aurez besoin <strong>de</strong> comprendre tous les sujets <strong>de</strong> Rome."<br />

Il prit une gorgée <strong>de</strong> son vin et étendit ses jambes, ses genoux douloureux lui rappelant les instructions <strong>de</strong><br />

Marcianus. "Votre père vous a-t-il envoyé ?"<br />

"C'était entièrement mon idée."<br />

<strong>Maximus</strong> sut qu'il mentait.<br />

"Je vous admire, Majesté. Il est difficile et dangereux <strong>de</strong> voyager dans cette partie du mon<strong>de</strong> en hiver."<br />

"Ca l'est, n'est-ce pas ? La Germanie est un endroit sauvage. Je comprends pourquoi personne n'y vit à<br />

part les barbares et les soldats. Pourquoi mon père se préoccupe-t-il d'un endroit pareil, cela dépasse mon<br />

enten<strong>de</strong>ment."<br />

"Je pense qu'il préfère installer la paix par <strong>de</strong>s traités plutôt qu'en faisant la guerre mais il est difficile <strong>de</strong><br />

convaincre les germains <strong>de</strong> cela. Ils voient notre présence comme une menace à leur façon <strong>de</strong> vivre."<br />

"Leur façon <strong>de</strong> vivre ?" Commo<strong>de</strong> ricana. "Ils ont l'air d'animaux, ils sentent comme <strong>de</strong>s animaux et ils<br />

vivent comme <strong>de</strong>s animaux. Quel genre <strong>de</strong> vie est-ce là ?"<br />

<strong>Maximus</strong> pensa à Helga. "Il y a peut être plus <strong>de</strong> similitu<strong>de</strong>s que nous ne le réalisez entre nos <strong>de</strong>ux<br />

peuples." <strong>Maximus</strong> avait du mal à ne pas réfuter ce jeune homme qui ne connaissait pratiquement rien sur<br />

le mon<strong>de</strong>.<br />

"Et bien, ils n'ont rien <strong>de</strong> commun avec moi, je vous l'assure." Commo<strong>de</strong> étudia <strong>Maximus</strong>. "Vous êtes ici<br />

<strong>de</strong>puis trop longtemps, mon ami, si vous pensez cela. N'avez-vous pas envie <strong>de</strong> retourner chez vous ?"<br />

"Chaque minute <strong>de</strong> chaque jour, Majesté."<br />

"Alors pourquoi ne le faites-vous pas ?"<br />

110


<strong>Maximus</strong> répondit sans hésitation. "Je sers Rome et votre père a besoin <strong>de</strong> moi ici."<br />

"Votre loyauté est appréciée, <strong>Maximus</strong>. Je suis sûr que vous en êtes conscient." Commo<strong>de</strong> se tut pendant<br />

une minute avant d'ajouter avec une once <strong>de</strong> soupçon : "Ou bien votre loyauté ne serait-elle pas plus<br />

envers mon père qu'envers Rome, <strong>Maximus</strong> ?"<br />

<strong>Maximus</strong> hésita avant <strong>de</strong> répondre. "Votre père est le seul empereur que j'ai jamais connu, à part Lucius<br />

Verus, et pour moi, il *est* Rome."<br />

"Rome a eu <strong>de</strong> nombreux empereurs, <strong>Maximus</strong>. Etes-vous en train <strong>de</strong> me dire que vous ne serviriez pas<br />

un autre empereur ?"<br />

"Bien sûr que non, Majesté. Un empereur représente Rome et je sers Rome."<br />

"Bien dit, mon ami," rit Commo<strong>de</strong>. "Rome a besoin d'hommes comme vous. De puissants chefs qui<br />

soutiennent leur empereur." Il ajouta lentement : "La façon dont vos hommes vous sont dévoués me<br />

stupéfie. Pourquoi pensez-vous qu'il en soit ainsi ? Ont-ils peur <strong>de</strong> vous ?"<br />

"Non, Majesté, ils ne me craignent pas."<br />

"Vraiment ? Alors vous <strong>de</strong>vez me dire votre secret, <strong>Maximus</strong>, parce que je trouve que la peur est un très<br />

bon moyen d'inspirer la loyauté."<br />

<strong>Maximus</strong> songea aux prétoriens <strong>de</strong> Commo<strong>de</strong>. "Mes hommes me respectent, Majesté."<br />

"Bien sûr. Vous êtes un général."<br />

"Etre général ne signifie pas forcément que vous obtiendrez automatiquement le respect. L'obéissance,<br />

peut être, mais pas le respect."<br />

Commo<strong>de</strong> s'inclina vers <strong>Maximus</strong> dans un geste <strong>de</strong> défi, ses avant-bras posés sur ses genoux." Alors<br />

dites-moi quel est votre secret," siffla-t-il.<br />

"Je n'ai pas <strong>de</strong> secret, je prend simplement soin <strong>de</strong>s hommes <strong>sous</strong> mon comman<strong>de</strong>ment. Je les vois en<br />

tant qu'hommes et pas seulement en tant que combattants. Je reconnais qu'ils puissent avoir <strong>de</strong>s besoins<br />

et j'essaie d'y pouvoir. C'est aussi simple que cela."<br />

Commo<strong>de</strong> rit en se redressant. "Alors Ils vous aiment ?"<br />

Aimer ? Est-ce qu'ils l'aimaient, se <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong>. "Aimer est peut être un mot un peu fort, Majesté."<br />

"L'amour est tout, <strong>Maximus</strong>. Tous les hommes ont besoin d'affection. Quand je serais empereur, je <strong>de</strong>vrais<br />

faire en sorte que le peuple m'aime, contrairement à mon père qui est trop occupé pour aimer qui que se<br />

soit."<br />

"Votre père vous aime, Majesté."<br />

"Et comment le savez-vous, <strong>Maximus</strong> ?"<br />

"Vous êtes son fils."<br />

Commo<strong>de</strong> le fixa durement. "Mon père vous aime beaucoup. Il parle <strong>de</strong> vous tout le temps."<br />

<strong>Maximus</strong> savait que la conversation entrait sur un terrain glissant.<br />

Commo<strong>de</strong> se leva et commença à marcher dans la tente, touchant <strong>de</strong>s statues et <strong>de</strong>s babioles. Il prit les<br />

figurines qu'Olivia avait fait pour lui et <strong>Maximus</strong> serra les bras <strong>de</strong> son siège pour s'empêcher <strong>de</strong> bondir et<br />

<strong>de</strong> les lui arracher. "Lucilla m'aime."<br />

"Oui, Majesté."<br />

"Je suis le seul homme qu'elle ait jamais aimé, le savez-vous, <strong>Maximus</strong> ?"<br />

Il ne répondit pas.<br />

"Elle n'aimait pas son époux. Elle avait été forcée <strong>de</strong> l'épouser." Commo<strong>de</strong> foudroya son hôte du regard.<br />

"Je sais que vous pensez qu'elle vous a aimé, mais c'est faux. Elle n'aime que moi. Elle a dit qu'elle a failli<br />

faire la plus gran<strong>de</strong> erreur <strong>de</strong> sa vie avec vous, mais qu'elle a réalisé à temps que vous n'étiez qu'un<br />

simple soldat et très loin <strong>de</strong> son statut social. Elle dit qu'elle frissonne rétrospectivement quand elle pense<br />

à vous à présent. Elle vous trouve grossier."<br />

<strong>Maximus</strong> ne pouvait détacher son regard <strong>de</strong>s figurines dans la main <strong>de</strong> Commo<strong>de</strong>. Cependant, il lui revint<br />

en mémoire un Marc-Aurèle légèrement ivre dans sa tente près <strong>de</strong> la Mer Noire qui lui disait : "Lucilla Et<br />

bien, Lucilla n'a jamais pu t'oublier, tu sais."<br />

"Elle a un fils, le saviez-vous ?" <strong>de</strong>manda Commo<strong>de</strong>.<br />

L'attention <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> retourna vers le jeune homme perturbé. "Oui."<br />

"Il est <strong>de</strong> sang royal, comme moi."<br />

Commo<strong>de</strong> tint en l'air la figurine du garçon pour l'étudier dans la lumière vacillante <strong>de</strong> la lampe. "Un jour, je<br />

<strong>de</strong>vrais aussi avoir un fils," dit-il d'un air presque absent. "La royauté doit engendrer la royauté. Il ne peut y<br />

avoir d'autre moyen."<br />

Commo<strong>de</strong> sourit et jeta négligemment les figurines sur une table où elles rebondirent puis roulèrent sur le<br />

sol. Il rit en se tournant vers <strong>Maximus</strong> qui fixait le sol, son visage blanc comme <strong>de</strong> la craie.<br />

"Alors, où est votre horrible chien ? N'en aviez-vous pas un exactement comme lui autrefois ?"<br />

"C'était le chien du général Patroclus et oui, il était semblable."<br />

"Vous aimiez ce chien, n'est-ce pas, <strong>Maximus</strong> ? Quel était son nom ?" se <strong>de</strong>manda Commo<strong>de</strong>, un doigt<br />

sur sa tempe, faisant semblant <strong>de</strong> réfléchir.<br />

"Hercule."<br />

"Oui Hercule."<br />

"Et comment s'appelle votre nouveau chien ?"<br />

<strong>Maximus</strong> ne répondit pas.<br />

"<strong>Maximus</strong> ?"<br />

"Hercule ?"<br />

"Ah, comme c'est touchant. Tant <strong>de</strong> sentimentalité."<br />

111


Commo<strong>de</strong> s'appuya contre la table, croisa les bras et sourit à <strong>Maximus</strong>. Ses yeux étaient dans l'ombre,<br />

donnant à son visage une allure <strong>de</strong> masque diabolique.<br />

<strong>Maximus</strong> leva le menton. "J'ai entendu que vous comptiez partir bientôt, Majesté."<br />

Commo<strong>de</strong> leva les sourcils. "Vraiment ? Qui vous l'a dit ?"<br />

"Il y a <strong>de</strong> la neige sur le sol maintenant, mais son épaisseur ne va faire qu'augmenter dans les semaines à<br />

venir. A un moment, il sera impossible <strong>de</strong> parcourir les routes, même à dos <strong>de</strong> cheval. Alors, si vous n'avez<br />

pas prévu <strong>de</strong> rester jusqu'au printemps, peut être <strong>de</strong>vriez-vous songer à vous mettre en route."<br />

"Cela donne presque l'impression que vous ne voulez pas <strong>de</strong> moi ici, <strong>Maximus</strong>."<br />

"Je pense uniquement à votre sécurité, Majesté."<br />

<strong>Maximus</strong> réussit à avoir l'air affable.<br />

"Bien sûr. Et bien, je projetais en fait <strong>de</strong> partir pour Rome après <strong>de</strong>main. J'ai eu assez <strong>de</strong> cet horrible<br />

temps. Et ma mère ne se porte pas bien. Le saviez-vous ?"<br />

"Je suis navré <strong>de</strong> l'entendre, Majesté. J'espère que ça n'est rien <strong>de</strong> grave. Mais c'est encore une raison <strong>de</strong><br />

plus pour retourner à Rome, n'est-ce pas ?"<br />

<strong>Maximus</strong> se leva, signalant la fin <strong>de</strong> leur conversation. "Je ferais préparer <strong>de</strong>s provisions par les cuisiniers<br />

pour vous et vos hommes."<br />

Commo<strong>de</strong> hocha brièvement la tête. "Dormez bien, mon ami," dit-il en se détournant, et quelque chose<br />

émit un fort bruit <strong>de</strong> craquement <strong>sous</strong> sa botte alors qu'il se dirigeait vers la porte.<br />

A la secon<strong>de</strong> où il eu disparût, <strong>Maximus</strong> tomba à genoux, ignorant la douleur alors qu'il tâtonnait pour<br />

retrouver les <strong>de</strong>ux figurines, le cur dans la gorge.<br />

Ses doigts en trouvèrent une, puis une autre, et il s'assit sur le sol avec son dos contre le lit pour les<br />

examiner. La figurine du garçon était intacte mais salie par la boue <strong>de</strong> la botte <strong>de</strong> Commo<strong>de</strong> sur le visage<br />

et la poitrine. <strong>Maximus</strong> la frotta avec son pouce, réussissant à éliminer beaucoup <strong>de</strong> la saleté, mais la<br />

sculpture avait clairement subi quelques dommages.<br />

<strong>Maximus</strong> porta son attention sur la figurine d'Olivia qui avait souffert le plus du piétinement. Il y avait une<br />

petite fissure dans la jupe et un morceau manquait dans le bas.<br />

Il les tint ensembles contre son cur et maudit silencieusement Commo<strong>de</strong> en se <strong>de</strong>mandant comment il<br />

pourrait servir un tel homme si jamais l'impensable arrivait et que Marc-Aurèle décédait.<br />

Chapitre 64 - Honneur<br />

Deux jours plus tard, <strong>Maximus</strong> se tenait près <strong>de</strong> la porte du camp et observait Commo<strong>de</strong> et ses prétoriens<br />

qui se préparaient à partir. Non loin, il y avait une file <strong>de</strong> prisonniers germains enchaînés ensembles aux<br />

poignets et aux chevilles avec <strong>de</strong> lour<strong>de</strong>s chaînes qui traînaient dans la neige et qui leur entamaient la<br />

peau.<br />

<strong>Maximus</strong> avait soutenu que les prisonniers ne feraient que ralentir Commo<strong>de</strong> et qu'ils allongeraient la<br />

durée <strong>de</strong> son voyage vers <strong>de</strong>s climats plus chauds, mais Commo<strong>de</strong> avait insisté pour que les captifs les<br />

plus résistants l'accompagnent à Rome. <strong>Maximus</strong> doutait sérieusement qu'aucun <strong>de</strong>s germains vivrait<br />

assez longtemps pour voir la cité.<br />

Près <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, Quintus se tenait silencieux, la tête légèrement inclinée, ses doigts crispés. Lui et<br />

<strong>Maximus</strong> n'avaient toujours pas parlé en privé et <strong>Maximus</strong> avait décidé qu'ils le feraient une fois que serait<br />

parti l'homme qui avait mis une distance entre eux, testant leur amitié et la loyauté <strong>de</strong> Quintus envers son<br />

général.<br />

Le cheval <strong>de</strong> Commo<strong>de</strong> caracola et hennit, la vapeur sortant <strong>de</strong> ses naseaux dans l'air glacial du matin,<br />

mais le fils <strong>de</strong> l'empereur contrôlait sa monture avec aisance, l'assurance visible dans son port droit et<br />

l'inclinaison <strong>de</strong> son menton.<br />

"Et bien, <strong>Maximus</strong>, il semble que nous <strong>de</strong>vions nous séparer à nouveau." Ses yeux noirs parcoururent<br />

lentement le camp. "Je ne peux pas dire que je sois navré <strong>de</strong> partir, cependant." Son regard revint sur<br />

<strong>Maximus</strong>. "J'admire un homme tel que vous, général, qui se satisfait <strong>de</strong> conditions <strong>de</strong> vie primaires, du<br />

manque <strong>de</strong> culture et <strong>de</strong> courtoisie. Quand le temps viendra, mes généraux <strong>de</strong>vront être <strong>de</strong>s hommes<br />

simples, comme vous, pour qu'ils puissent être facilement contentés."<br />

<strong>Maximus</strong> n'était pas près <strong>de</strong> mordre à l'hameçon. "Je vous souhaite un bon voyage, Majesté," fut tout ce<br />

qu'il dit. Vit-il le sourire suffisant du jeune homme tomber un peu ?<br />

Commo<strong>de</strong> éperonna son cheval pour qu'il avance et la longue procession franchit la porte, passant <strong>de</strong>vant<br />

les soldats à la tête inclinée.<br />

Son cheval venait juste <strong>de</strong> franchir le passage lorsque Commo<strong>de</strong> se retourna dans sa selle et cria en<br />

arrière "Saluez votre famille <strong>de</strong> ma part, <strong>Maximus</strong>, la prochaine fois que vous les verrez. Vous êtes un<br />

homme chanceux entouré parce tout ce que vous aimez"<br />

<strong>Maximus</strong> se sentit mal à l'aise.<br />

"vos soldats, vos amis, vos chevaux votre chien." Commo<strong>de</strong> eu un sourire diabolique et se détourna,<br />

mettant son cheval au galop, son rire se répercutant sur les plus hautes branches <strong>de</strong>s arbres couverts <strong>de</strong><br />

neige.<br />

<strong>Maximus</strong> se força à rester calme jusqu'à ce que le restant <strong>de</strong> l'expédition soit parti et que les lour<strong>de</strong>s<br />

portes <strong>de</strong> bois soient fermées, puis il mit ses doigts dans sa bouche et émit un sifflement long et aigu. Il<br />

attendit tranquillement la réponse habituelle, ses soldats le regardant avec un air interrogateur. Hercule ne<br />

vint pas.<br />

<strong>Maximus</strong> inspira profondément et siffla encore. Il n'y eut aucun aboiement, aucun chien remuant la queue<br />

avec les oreilles dressées ne vint en bondissant vers lui.<br />

112


Un tribun se tenant non loin regarda les traits tirés <strong>de</strong> son général avec inquiétu<strong>de</strong>, ne sachant pas<br />

pourquoi l'absence <strong>de</strong> son chien pourrait lui causer une telle angoisse. "Voulez-vous que nous le<br />

cherchions, monsieur ? Il est probablement en train <strong>de</strong> chasser <strong>de</strong>s lapins," ajouta-t-il d'une manière<br />

rassurante.<br />

<strong>Maximus</strong> hocha simplement la tête, les yeux fermés, son corps engourdi.<br />

Le tribun cria <strong>de</strong>s ordres aux hommes et ils coururent dans toutes les directions, prêts à vérifier chaque<br />

recoin du camp. "Si nous ne le trouvons pas, monsieur, nous chercherons hors <strong>de</strong>s murs. Pourquoi n'allezvous<br />

pas prendre un petit déjeuner, nous vous le ramènerons bientôt."<br />

Quintus savait très bien pourquoi <strong>Maximus</strong> était si bouleversé mais il ne pouvait croire que Commo<strong>de</strong> ferait<br />

à nouveau une telle chose.<br />

"Quand l'as-tu vu pour la <strong>de</strong>rnière fois, <strong>Maximus</strong> ?" <strong>de</strong>manda-t-il, et le général reconnu enfin sa présence.<br />

"Il était à côté <strong>de</strong> mon lit quand je me suis levé, comme d'habitu<strong>de</strong>. Je ne l'ai pas vu <strong>de</strong>puis," répondit<br />

<strong>Maximus</strong>, <strong>de</strong> la tension dans sa voix grave.<br />

"C'était il y a peu <strong>de</strong> temps. Il ne peut probablement pas t'entendre, tout simplement. Je t'ai<strong>de</strong>rai à<br />

chercher dans le praetorium." Les yeux et la voix <strong>de</strong> Quintus étaient conciliants.<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête et ils se précipitèrent vers ses quartiers, le nom du chien résonnant dans tout le<br />

camp <strong>de</strong>rrière eux car <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> soldats cherchaient l'animal.<br />

Le chien n'avait toujours pas été retrouvé au crépuscule et l'inquiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> se transforma en<br />

désespoir. Il était assis sur son lit, la tête dans ses mains quand Quintus entra dans la tente et se racla la<br />

gorge pour signaler sa présence.<br />

"<strong>Maximus</strong>, Hercule n'a pas été retrouvé et il fait trop sombre pour continuer à chercher aujourd'hui. Nous<br />

recommencerons à l'aube, je te le promet."<br />

"Ont-ils fouillé la forêt ?"<br />

"Trois cohortes d'hommes sont restées là bas toute la journée. Ils ne l'ont pas trouvé."<br />

<strong>Maximus</strong> leva les yeux sur Quintus et fit un sourire peu convaincant. "Tu dois penser que je dois être idiot<br />

pour être bouleversé à ce point à cause d'un chien."<br />

"Non, pas du tout."<br />

Quintus désigna la place sur le lit <strong>de</strong> camp à côté <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et <strong>de</strong>manda "Puis-je ?" Le général<br />

acquiesça et Quintus s'assit. "Je sais ce que tu penses qu'il est arrivé au chien, <strong>Maximus</strong>, mais je suis sûr<br />

que tu te trompes. Je ne peux pas imaginer Commo<strong>de</strong> faisant quelque chose d'aussi malveillant<br />

maintenant qu'il est adulte."<br />

<strong>Maximus</strong> rit amèrement et secoua la tête. "Quintus, Quintus tu ne le connais pas autant que moi. On ne<br />

peut lui faire confiance. Regar<strong>de</strong> ce qu'il a fait le peu <strong>de</strong> temps qu'il est resté ici ­ la supercherie, les morts<br />

injustifiés, ma tentative d'assassinat ­ pourquoi ne peux-tu voir tout cela ?"<br />

"<strong>Maximus</strong>, il est juste un peu trop zélé, c'est tout. Il essaie <strong>de</strong> faire ses preuves."<br />

"Faire ses preuves ? Prouver quoi à qui ?"<br />

Quintus haussa les épaules et contempla ses mains. "Prouver son habileté et sa bravoure, je suppose.<br />

Prouver qu'il est capable <strong>de</strong> prendre le comman<strong>de</strong>ment et <strong>de</strong> donner <strong>de</strong>s ordres qui sont obéis. Prouver<br />

qu'il fera un bon empereur."<br />

"A qui, Quintus ? Aux soldats ? A son père ?"<br />

"A tout le mon<strong>de</strong>, je présume. Et peut être plus que tout à lui-même."<br />

"Et bien, je n'ai pas eu le sentiment que les soldats étaient impressionnés, et ses actes vont révolter son<br />

père." <strong>Maximus</strong> jeta un regard <strong>de</strong> côté à son légat. "Tu es le seul qui ait semblé impressionné, Quintus." Il<br />

y eut un long moment <strong>de</strong> silence avant qu'il n'ajoute "Pourquoi ?"<br />

Le légat soupira. "Il va être empereur un jour, <strong>Maximus</strong>. Je pense qu'il est sage d'avoir <strong>de</strong> bons rapports<br />

avec un futur empereur, c'est tout."<br />

"Il ne <strong>de</strong>viendra peut être pas empereur, Quintus."<br />

"Bien sûr que si. C'est le fils <strong>de</strong> l'empereur."<br />

"Marc-Aurèle peut désigner l'homme qu'il veut. Il n'est pas nécessaire que cela soit son fils et Commo<strong>de</strong> le<br />

sait. Je pense qu'il est effrayé et que sa peur lui fait accomplir <strong>de</strong>s actes irrationnels." <strong>Maximus</strong> soupira<br />

profondément. "Pourrais-tu vraiment servir un tel homme ?"<br />

"Tu ne le pourrais pas ?"<br />

<strong>Maximus</strong> sourit tristement. "Je te l'ai <strong>de</strong>mandé le premier."<br />

"Je servirai Rome, tout comme toi, <strong>Maximus</strong>," dit sérieusement Quintus. "Et quand Commo<strong>de</strong> <strong>de</strong>viendra<br />

empereur ­ oui, je le servirai. C'est son droit du sang."<br />

"Même si tu sais que ses décisions sont dictées par un esprit névrosé ?"<br />

"Il est juste jeune"<br />

"Quand espères-tu le voir changer, Quintus ? C'est un homme à présent mais il n'est pas différent <strong>de</strong><br />

l'époque où il était encore un garçon. Sa personnalité ne changera pas."<br />

"Elle pourrait." Et Quintus ajouta calmement "La tienne a certainement changé."<br />

<strong>Maximus</strong> se redressa, complètement pris au dépourvu. "Non, ça n'est pas vrai," protesta-t-il.<br />

"Oh si, elle a changé. Tu étais effronté et impétueux autrefois." Quintus toucha brièvement son front et<br />

sourit. "Tu avais aussi un sacré tempérament Et j'ai <strong>de</strong>s cicatrices qui le prouvent."<br />

"Es-tu en train <strong>de</strong> me dire que j'étais comme Commo<strong>de</strong> ?"<br />

L'étonnement <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était teinté d'irritation.<br />

"Non, je ne dis pas cela. Je dis juste que les gens peuvent changer."<br />

<strong>Maximus</strong> pinça les lèvres et croisa ses doigts. "Et comment je suis maintenant ?"<br />

113


"Plus calme. introspectif." Quintus donna un petit coup d'épaule à son général comme pour atténuer la<br />

force <strong>de</strong>s mots qu'il allait dire. "Quelque peu distant."<br />

Distant. Les yeux <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> se dirigèrent vers le sol et il eut l'impression que sa mâchoire y tombait.<br />

"Certaines choses n'ont pas changé, cependant. Tu es toujours aussi têtu, courageux"<br />

"Distant," répéta <strong>Maximus</strong>. Le mot était blessant.<br />

"<strong>Maximus</strong>, tu as gardé beaucoup <strong>de</strong> choses pour toi ces <strong>de</strong>rnières années. Tu passes tes soirées tout<br />

seul. Tu étais si différent autrefois. Tu es tellement accaparé par ton propre mon<strong>de</strong> à présent. Autrefois, je<br />

savais exactement ce que tu ressentais, si tu étais malheureux à cause <strong>de</strong> quelque chose ou content. Je<br />

ne peux plus rien <strong>de</strong>viner maintenant à moins que tu ne sois vraiment furieux et là, c'est très évi<strong>de</strong>nt."<br />

"Je porte un lourd far<strong>de</strong>au, Quintus. Je suis avec les hommes toute la journée mais le soir, quand ils<br />

bavar<strong>de</strong>nt entre eux, j'ai <strong>de</strong>s rapports à remplir, <strong>de</strong> la correspondance avec les généraux <strong>de</strong>s autres<br />

légions et avec Marc-Aurèle, <strong>de</strong>s décisions à prendre, un budget à considérer, <strong>de</strong>s marchandises à<br />

surveiller Et j'ai besoin <strong>de</strong> temps pour penser à ma famille pour être avec eux."<br />

"Je sais que tu as un lourd far<strong>de</strong>au, <strong>Maximus</strong>, et j'aimerais que tu me laisses t'ai<strong>de</strong>r d'avantage."<br />

"Je t'ai <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> m'ai<strong>de</strong>r ­ <strong>de</strong> me représenter.<br />

Les <strong>de</strong>ux hommes ne dirent rien pendant un long moment, fixant les flammes fumantes qui remplissaient<br />

la tente d'une lumière tamisée orangée.<br />

"Quand je l'ai fait, tes décisions m'ont quelque peu troublé et inquiété."<br />

"<strong>Maximus</strong>, tu m'as donné le pouvoir d'agir en ton absence mais honnêtement, je n'étais pas sûr que cela te<br />

convenait vraiment, que tu me faisais confiance. Je sentais que si je prenais une décision importante et si<br />

ça n'était pas une décision que toi tu aurais prise, tu me jugerais incompétent ou pire."<br />

<strong>Maximus</strong> regarda Quintus. "Est-ce pour cela que tu n'as pas attaqué la forteresse pendant que j'étais en<br />

Espagne ?"<br />

La réponse <strong>de</strong> Quintus fut un haussement d'épaules.<br />

"Je suis désolé, mon ami. Je ne savais pas que je donnais l'impression <strong>de</strong> ressentir le contraire <strong>de</strong> ce que<br />

je disais. Je te faisais vraiment confiance. Je ne t'aurais pas choisi autrement."<br />

"Tu es un homme avec lequel il est difficile <strong>de</strong> rivaliser, tu sais."<br />

<strong>Maximus</strong> passa ses mains dans ses cheveux courts puis les remis sur ses genoux.<br />

"Nos approches et nos solutions pour toutes les situations ont souvent tendance à être contraires."<br />

"Oui, mais cela veut-il dire que j'ai tort parce que je n'agirais pas comme toi ? Tu me donnes parfois cette<br />

impression. Et les soldats me font ressentir ça aussi ­ ils hésitent à obéir à un ordre à moins qu'ils sachent<br />

qu'il vient <strong>de</strong> toi." Quintus se leva et marcha <strong>de</strong> long en large dans la tente avant <strong>de</strong> se tourner pour<br />

regar<strong>de</strong>r <strong>Maximus</strong>. "Je suis aussi bon qu'un tout autre commandant dans l'armée, <strong>Maximus</strong>. J'ai juste la<br />

malchance d'être constamment comparé à toi." Quintus fixa le plafond <strong>de</strong> la tente. "Ca a toujours été<br />

comme ça." Il regarda à nouveau <strong>Maximus</strong> qui étudiait attentivement le tapis <strong>sous</strong> ses pieds. "Et à présent,<br />

nous sommes en désaccord à propos <strong>de</strong> Commo<strong>de</strong> et <strong>de</strong> ses motivations, et, une fois encore, tu penses<br />

que tu as raison et que j'ai tort."<br />

"Mais je le connais tellement mieux que toi, Quintus. Le problème n'est pas que j'ai nécessairement raison<br />

­ dans ce cas, j'ai juste plus d'expérience sur laquelle je peux m'appuyer pour me former une opinion."<br />

"Cette fois, je pense que tu fais une grosse erreur ­ une erreur en ce qui concerne la façon dont tu te<br />

conduis face à Commo<strong>de</strong>. Tu te dois d'être loyal à l'empereur, peut importe l'homme qu'il est. C'est ta<br />

<strong>de</strong>stiné en tant que général <strong>de</strong> l'armée romaine."<br />

<strong>Maximus</strong> resta silencieux.<br />

Quintus l'observa <strong>de</strong> près. "Peux-tu vraiment me dire que tu ne serviras pas Commo<strong>de</strong> quand il <strong>de</strong>viendra<br />

empereur ?"<br />

"J'espère qu'il ne <strong>de</strong>viendra pas empereur."<br />

"Et si c'est le cas ?"<br />

"Ma tâche est <strong>de</strong> servir Rome, comme tu l'as dit, <strong>de</strong> la meilleure façon que je connaisse."<br />

Quintus essaya d'obtenir une réponse. "Commo<strong>de</strong> sera Rome."<br />

<strong>Maximus</strong> se mit <strong>de</strong>bout en un mouvement rapi<strong>de</strong> et alla se placer près <strong>de</strong> son légat, le regardant droit<br />

dans les yeux. "Quintus, ne comprends-tu pas à quel point nous sommes puissants ? Nous donnons <strong>de</strong>s<br />

ordres et <strong>de</strong>s milliers d'hommes ­ <strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong> milliers ­ obéissent. Que se passe-t-il si ces ordres sont<br />

basés sur une logique défaillante ou sont simplement injustes. Devons-nous les transmettre ?"<br />

"Oui. Ca n'est pas à nous <strong>de</strong> juger."<br />

<strong>Maximus</strong> secoua la tête.<br />

"Tu n'as pas répondu à ma question," dit Quintus, le défiant. "Serviras-tu Commo<strong>de</strong> quand il <strong>de</strong>viendra<br />

empereur ?"<br />

"Quand nous atteignons ce niveau <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>ment, Quintus, nous <strong>de</strong>vons nous servir <strong>de</strong> notre<br />

perspicacité et <strong>de</strong> la discrétion que nous avons acquis durant nos nombreuses années d'expérience quand<br />

nous évaluons les décisions ­ même celles <strong>de</strong> l'empereur. Cela n'est pas suffisant <strong>de</strong> suivre ses ordres.<br />

C'est notre tâche d'ai<strong>de</strong>r à gui<strong>de</strong>r ses décisions, d'être un conseiller pour l'empereur."<br />

"Un empereur est tout-puissant. Il n'est pas intéressé par ce que son général pense."<br />

<strong>Maximus</strong> jeta un il au buste <strong>de</strong> marbre blanc <strong>de</strong> l'empereur posé sur un pié<strong>de</strong>stal dans un coin <strong>de</strong> la tente.<br />

"Marc-Aurèle est intéressé. Il accor<strong>de</strong> <strong>de</strong> la valeur à mon jugement et à celui <strong>de</strong> ses autres généraux."<br />

"<strong>Maximus</strong>, tu prends bien trop <strong>de</strong> responsabilités sur tes épaules. Quand l'ennemi nous défie, nous le<br />

tuons. Quand la gloire <strong>de</strong> Rome est menacée, nous agissons en conséquence. C'est aussi simple que<br />

cela. Ca n'est pas à toi <strong>de</strong> prendre les décisions pour que tu puisses dormir avec la conscience tranquille."<br />

114


"Quintus, peux-tu transmettre l'ordre <strong>de</strong> brûler vifs <strong>de</strong>s centaines d'hommes et dormir tranquillement ?"<br />

"Oui. Ca n'était pas ma décision."<br />

"C'est là que nous sommes très différents, mon ami , parce que moi je ne le pourrais pas."<br />

Quintus commença à se mettre en colère. "Est-ce différent, <strong>Maximus</strong>, d'envoyer <strong>de</strong>s légions lour<strong>de</strong>ment<br />

armées pour combattre <strong>de</strong>s germains qui n'ont que <strong>de</strong>s armes primitives et pratiquement aucun<br />

entraînement ?"<br />

"Ces hommes étaient enfermés dans cette tour. Ils n'avaient absolument aucune chance <strong>de</strong> se défendre."<br />

"Est-ce différent d'envoyer <strong>de</strong>s légions dans les territoires ennemis et <strong>de</strong> tuer <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> personnes<br />

juste pour que Rome puisse repousser un peu plus ses frontières ? Et faire <strong>de</strong>s esclaves <strong>de</strong> ceux qui ne<br />

sont pas tués ?"<br />

"Nous sommes là pour défendre les frontières <strong>de</strong> Rome, Quintus, et pour essayer <strong>de</strong> faire la paix avec les<br />

tribus, pas pour obtenir plus <strong>de</strong> terres."<br />

"C'est peut être ce que nous faisons à présent, mais Rome a été l'agresseur pendant <strong>de</strong>s centaines<br />

d'années ­ pour agrandir ses possessions et avoir plus d'esclaves. Tu peux t'aveugler à penser le contraire<br />

si tu veux, <strong>Maximus</strong>." Quintus tendit une main hésitante vers <strong>Maximus</strong> comme pour essayer <strong>de</strong> lui faire<br />

comprendre en le touchant et sa voix <strong>de</strong>vint implorante. "Commo<strong>de</strong> m'aurait abattu si je n'avais pas<br />

transmis cet ordre puis il aurait simplement fait <strong>de</strong> même avec les autres officiers jusqu'à ce qu'il trouve<br />

quelqu'un qui le transmette."<br />

"Tu sauverais ta vie, Quintus, mais tu perdrais ton honneur ?"<br />

"J'ai agit honorablement, <strong>Maximus</strong>. Un supérieur m'a donné un ordre et j'y ai obéis. Dans l'armée, c'est <strong>de</strong><br />

l'honneur." Quintus croisa les bras, s'appuya contre une table soli<strong>de</strong> et regarda ses pieds. "Nous venons<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s différents, <strong>Maximus</strong>, et je pense que ton sens personnel <strong>de</strong> l'honneur est différent du<br />

mien. Pas meilleur, juste différent. Tes parents étaient <strong>de</strong>s fermiers. Le fait que tu t'élèves jusqu'à un poste<br />

<strong>de</strong> pouvoir immense au sein <strong>de</strong> l'armée était inattendu et, j'en suis sûr, une source <strong>de</strong> fierté pour ta<br />

famille." Quintus se rappela soudain que les parents <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> étaient morts. "Ou ça l'aurait été, tout du<br />

moins," murmura-t-il. Il inspira profondément. "C'est très différent en ce qui me concerne. Même à présent,<br />

je reçois <strong>de</strong>s lettres <strong>de</strong> mon père qui me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pourquoi je ne suis pas encore général alors que toi, un<br />

garçon <strong>de</strong>s provinces, tu l'es."<br />

"Toi et ta famille, vous <strong>de</strong>vriez être très fiers <strong>de</strong> ce que tu as accompli."<br />

"Nous '<strong>de</strong>vrions'."<br />

"Pourquoi ne réfléchis-tu pas sérieusement à ma proposition <strong>de</strong> permission, Quintus ? Les grosses chutes<br />

<strong>de</strong> neige n'ont pas encore commencé et tu as encore le temps <strong>de</strong> traverser les Alpes en sécurité. Rentre<br />

chez toi, Quintus. Montre à ta famille l'homme excellent que tu es <strong>de</strong>venu. Tu n'es pas allé chez toi <strong>de</strong>puis<br />

combien d'années ? Dix ?"<br />

"Au moins."<br />

"C'est beaucoup trop long." <strong>Maximus</strong> sourit. "Tu penses que je suis distant, mais Cicéro a vu un homme<br />

très différent, Quintus, quand il m'a rendu visite en Espagne. Plus détendu. Mon sens <strong>de</strong> l'humour revenu."<br />

<strong>Maximus</strong> sourit et secoua la tête, puis montra la porte. "C'est cet endroit. La menace constante <strong>de</strong><br />

l'attaque. Le froid. Le noir. Si je ne retournais pas chez moi <strong>de</strong> temps en temps, je serais plus que distant ­<br />

Je <strong>de</strong>viendrais fou. Ma famille me manque et la compagnie <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> ce camp ne peut pas la<br />

remplacer. Quintus Je donnerais presque n'importe quoi pour avoir un frère. Le tiens ne te manque-t-il pas<br />

?"<br />

Quintus se contenta <strong>de</strong> fixer la porte.<br />

"Faisons un marché. Je promets d'être moins 'distant' et <strong>de</strong> me confier plus à toi ­ comme je le faisais<br />

autrefois ­ si tu me promets que tu prendras une permission d'au moins trois mois. Tu pourras alors revenir<br />

à temps pour la campagne du printemps. Tout ce que tu manqueras c'est beaucoup d'ennui et<br />

d'entraînements, et <strong>de</strong> réparations <strong>de</strong> l'équipement les choses habituelles <strong>de</strong> l'hiver."<br />

"Et toi ? Je pensais que tu espérais retourner en Espagne pour la naissance <strong>de</strong> ton enfant. Nous ne<br />

pouvons pas être partis tous les <strong>de</strong>ux."<br />

"Mon enfant ne viendra pas au mon<strong>de</strong> avant le printemps et Marc-Aurèle a déjà envoyé un message<br />

annulant toutes les permissions quand le temps se sera amélioré. Je pense qu'il s'attend à un été très<br />

animé. Apparemment, les tribus barbares sont en train <strong>de</strong> former <strong>de</strong>s alliances et Marc pense qu'ils<br />

planifient une série d'attaques. Je n'irais nulle part."<br />

"Comment ta femme l'a pris ?"<br />

"Je ne lui ai pas encore dit. Cela ne lui plaira pas, mais elle comprendra."<br />

"Comment va-t-elle ?"<br />

"Elle va aussi bien qu'on puisse l'espérer. Elle me dit qu'elle n'a plus <strong>de</strong> nausées et que son ventre<br />

grossit."<br />

"Et ton fils ?"<br />

"Il va bien et il grandit très vite."<br />

<strong>Maximus</strong> se dirigea vers son bureau sculpté. Il fouilla pendant un moment avant <strong>de</strong> sortir quelques<br />

parchemins enveloppés dans du lin. Il sourit à Quintus en en développant un. "Ma femme sculpte et<br />

<strong>de</strong>ssine très bien, Quintus, et elle m'envoie <strong>de</strong>s images <strong>de</strong> mon fils et <strong>de</strong> ma ferme."<br />

Il saisit un parchemin par les <strong>de</strong>ux extrémités supérieures et le tint dans la lumière tremblotante <strong>de</strong>vant les<br />

yeux <strong>de</strong> Quintus. "Regar<strong>de</strong>. C'est mon fils. J'ai reçu ça la semaine <strong>de</strong>rnière."<br />

Quintus étudia le <strong>de</strong>ssin au fusain. C'était un petit garçon avec <strong>de</strong>s yeux noirs et un sourire malicieux,<br />

assis à côté d'un grand chien qui ressemblait à Hercule. Le garçon portait une tunique et <strong>de</strong>s sandales<br />

115


simples mais le détail dans le <strong>de</strong>ssin était remarquable. Olivia avait capturé l'expression <strong>de</strong> son visage,<br />

chaque pli <strong>de</strong> sa tunique, le lien défait à une <strong>de</strong>s sandales, et même ses genoux éraflés.<br />

La réaction <strong>de</strong> Quintus fit plaisir à <strong>Maximus</strong>. Il ré-enroula le parchemin avec soin et en ouvrit un autre. "Et<br />

voici ma ferme telle qu'on la voit <strong>de</strong>puis la route. Ca n'est pas très recherché mais c'est tout ce dont nous<br />

avons besoin." En enroulant le parchemin avec précaution, <strong>Maximus</strong> ajouta. "Olivia a dans l'idée <strong>de</strong><br />

peindre une fresque sur les murs <strong>de</strong> la chambre <strong>de</strong> mon fils. Cela représentera un certain général<br />

chevauchant son grand étalon noir. Je lui ai dit qu'elle <strong>de</strong>vrait attendre que je revienne à la maison pour<br />

poser pour elle, alors elle m'a envoyé ceci."<br />

<strong>Maximus</strong> déroula le <strong>de</strong>rnier rouleau et Quintus sursauta.<br />

"C'est exactement toi."<br />

"Ca l'est, n'est-ce pas. Ma femme voulait me prouver qu'elle se souvenait toujours <strong>de</strong> quoi j'ai l'air. Elle fait<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong> moi pour Marcus parce qu'il ne savait pas qui j'étais quand je suis rentré chez moi la<br />

<strong>de</strong>rnière fois."<br />

"Je t'envie."<br />

"Ne m'envie pas Quintus, agis. Rentre chez toi et trouve-toi une femme."<br />

Quintus regarda son vieil ami avec chaleur. "Je suis heureux que tu te sois sorti <strong>de</strong> cette forteresse. J'étais<br />

anéanti en pensant que tu était mort d'une telle façon, même si je n'en avait pas l'air." Il frappa l'épaule <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong> avec affection. "Comment vont tes genoux ?"<br />

"Presque guéris. Mais je n'aimerais pas avoir à récurer le sol en ce moment, cependant." <strong>Maximus</strong> sourit.<br />

"Vas-tu retourner à Vindobona ?"<br />

"Oui bientôt. Avant que les importantes chutes <strong>de</strong> neige n'arrivent. Je ne veux pas que les hommes<br />

passent le reste <strong>de</strong> l'hiver dans un endroit comme celui-ci. Tu pourras nous rejoindre là-bas quand tu<br />

reviendras <strong>de</strong> Rome."<br />

Quintus regarda son ami alors qu'il remettait soigneusement les <strong>de</strong>ssins dans leur enveloppe et les<br />

rangeait dans le bureau. <strong>Maximus</strong> était plus un frère pour lui que ses propres frères, en dépit <strong>de</strong> leur<br />

milieux d'origine très différents. Ils avaient traversé beaucoup <strong>de</strong> choses en ensembles.<br />

"Nous trouverons Hercule, <strong>Maximus</strong>. Ce chien est presque entièrement un loup et il en faudrait beaucoup<br />

pour le tuer tout comme son maître."<br />

Chapitre 65 : Le sauvetage<br />

<strong>Maximus</strong> roula sur le dos, les yeux toujours fermés, son esprit toujours embrumé par le sommeil. Il laissa<br />

tomber sa main sur le côté du lit pour saisir l'épaisse et chau<strong>de</strong> fourrure du chien et lui donner sa première<br />

caresse du matin. Quand ses doigts rencontrèrent le tapis, il redressa brusquement, se souvenant <strong>de</strong>s<br />

événements <strong>de</strong> la veille.<br />

Les bougies qui éclairaient la tente s'étaient presque entièrement consumées et aucun rayon <strong>de</strong> lumière<br />

ne se voyait à travers le contour <strong>de</strong> l'épaisse porte en toile. Cicéro n'avait pas encore fait son apparition.<br />

Il <strong>de</strong>vait être très tôt.<br />

Frissonnant dans le matin glacé, <strong>Maximus</strong> s'habilla rapi<strong>de</strong>ment, enfilant <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-vêtements, <strong>de</strong>ux<br />

tuniques en laine et <strong>de</strong>s pantalons, avec sa cuirasse par-<strong>de</strong>ssus. Il ajouta l'épaisse cape avant <strong>de</strong> se<br />

pencher pour lacer ses bottes. Enfin, il enveloppa ses mains dans <strong>de</strong>s lanières <strong>de</strong> cuir, espérant les<br />

protéger du froid.<br />

Un Cicéro encore ensommeillé apparut à la porte.<br />

"Je pensais bien vous avoir entendu bouger. Tout va bien ?"<br />

"Sais-tu quelle heure il est ?"<br />

"A peu près une heure avant l'aube, je crois."<br />

"Retourne te coucher, Cicéro, et reste au chaud."<br />

"Vous sortez ?"<br />

"Oui."<br />

"Laissez-moi vous donner un petit-déjeuner avant."<br />

"Retourne au lit. Je mangerai à mon retour."<br />

"Puis-je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r où vous allez, monsieur ?"<br />

"A la forteresse," dit <strong>Maximus</strong> en prenant son épée et en sortant dans l'air froid <strong>de</strong> la nuit.<br />

La lumière <strong>de</strong> la pleine lune lui facilita le chemin jusqu'à l'écurie où il ouvrit lentement la porte en bois,<br />

espérant faire le moins <strong>de</strong> bruit possible. Ayant fait cela <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> fois, il n'eut pas besoin<br />

d'éclairage pour aller jusqu'aux box <strong>de</strong> ses étalons, ou pour jeter une couverture et une selle sur un Scarto<br />

surpris.<br />

"Désolé <strong>de</strong> te réveiller," murmura-t-il au cheval en serrant la sangle, "Mais j'ai besoin <strong>de</strong> ton ai<strong>de</strong><br />

aujourd'hui."<br />

"Hé ! Qu'est-ce que vous faites !" cria le garçon d'écurie en sortant <strong>de</strong> ses quartiers au-<strong>de</strong>ssus, sa torche<br />

projetant une ombre énorme et menaçante <strong>de</strong> l'homme et du cheval sur le mur.<br />

"Oh. désolé, général. Je ne savais pas que c'était vous," bégaya le garçon après s'être remis <strong>de</strong> sa<br />

frayeur.<br />

"C'est bon <strong>de</strong> te voir au travail <strong>de</strong> bonne heure, Atticus. Prépare <strong>de</strong>s rations en plus pour Scarto car il en<br />

aura besoin quand nous reviendrons."<br />

Le garçon hocha la tête puis eut juste le temps <strong>de</strong> se pousser quand <strong>Maximus</strong> sauta sur le cheval et sorti<br />

rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> l'écurie.<br />

Il avait à peine passé la porte qu'il mit Scarto au galop et les gar<strong>de</strong>s surpris se précipitèrent pour ouvrir les<br />

116


portes du camp lorsque l'animal fonça sur eux.<br />

Les épées pendantes dans leurs mains, ils ne purent que regar<strong>de</strong>r avec étonnement le cheval noir qui<br />

portait leur général armé disparaître dans l'obscurité du petit matin.<br />

Une fois sur le chemin <strong>de</strong> la forteresse, <strong>Maximus</strong> ralentit Scarto au pas, ne voulant pas risquer <strong>de</strong> blesser<br />

un animal pour en sauver un autre.<br />

Plus tôt ce matin, dans le flou qui existe entre le sommeil et l'éveil, l'esprit <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> s'était concentré sur<br />

le problème qui avait troublé son repos toute la nuit. Le chien n'était pas dans le camp ou dans la forêt. Il<br />

était dans la forteresse. Commo<strong>de</strong>, avec son sens <strong>de</strong> l'humour pervers, trouverait cela très spirituel ­ le<br />

chien prisonnier et mourant où son maître avait été supposé avoir péri.<br />

Quand le mur <strong>de</strong> pierre imposant apparut <strong>de</strong>vant <strong>Maximus</strong>, l'aube se levait et il pouvait distinguer les<br />

arbres du ciel, et les congères <strong>de</strong>s rochers.<br />

Quand il eut atteint le mur Nord <strong>de</strong> la forteresse, il pouvait voir assez précisément pour exécuter son plan.<br />

<strong>Maximus</strong> fut soulagé <strong>de</strong> découvrir que le tunnel était toujours dégagé <strong>de</strong> la neige, et quand il s'accroupit, il<br />

put voir la lumière à l'autre bout du passage noir.<br />

Il se mit immédiatement à genoux, qui protestèrent aussitôt, alors il se mit à plat ventre, décidant <strong>de</strong><br />

ramper dans le tunnel plutôt que <strong>de</strong> risquer <strong>de</strong> subir le courroux <strong>de</strong> Marcianus.<br />

Se concentrant sur la lumière <strong>de</strong>vant lui, il traversa rapi<strong>de</strong>ment et put enfin se tenir <strong>de</strong>bout.<br />

Ses yeux parcourent les ruines familières puis il se dirigea instinctivement vers le seul endroit à l'intérieur<br />

<strong>de</strong>s murs qui lui avait apporté un peu <strong>de</strong> réconfort.<br />

"Hercule ?" appela-t-il en marchant. "Hercule, où es-tu ?"<br />

Il s'arrêta tous les mètres pour écouter mais il n'y eut aucun aboiement en réponse.<br />

La porte <strong>de</strong> la cabane d'Helga était ouverte et la neige était tombée à l'intérieur créant <strong>de</strong>s petites<br />

congères à l'endroit exact où il avait dormi. La cabane était vi<strong>de</strong> à part la neige et un tas <strong>de</strong> charbon qui<br />

restait d'un feu ­ et un petit monticule <strong>de</strong> terre fraîchement retournée. <strong>Maximus</strong> s'agenouilla à cet endroit et<br />

caressa doucement la terre avec sa main.<br />

"Je suis tellement désolé," murmura-t-il.<br />

"<strong>Maximus</strong> ? <strong>Maximus</strong> !"<br />

<strong>Maximus</strong> alla jusqu'à la porte <strong>de</strong> la cabane et regarda en direction du tunnel. "Ici, Quintus !"<br />

Le légat courut dans le chemin, luttant pour gar<strong>de</strong>r son équilibre sur la neige. "Que fais-tu ici ?"<br />

"Comment as-tu su où je me trouvais ?"<br />

"Les gar<strong>de</strong>s m'ont réveillé parce qu'ils étaient inquiets après t'avoir vu partir seul dans la nuit. Je ne<br />

pouvais pas penser à un autre endroit où tu aurais pu aller."<br />

"Hercule est ici, quelque part."<br />

"Comment le sais-tu ?"<br />

"L'instinct."<br />

"As-tu essayé <strong>de</strong> l'appeler ?"<br />

"Bien sûr," répondit <strong>Maximus</strong> avec un peu d'impatience.<br />

"Il n'a pas répondu," dit Quintus, doutant clairement <strong>de</strong> la présence du chien dans la forteresse.<br />

"Il le ferait si il le pouvait."<br />

"Bien, divisons la forteresse en"<br />

"Non. Je vais chercher partout moi-même. Il n'y a que comme cela que je serais satisfait, Quintus." Il<br />

essaya d'adoucir ses mots en ajoutant "Je serais très content si tu m'aidais, cependant."<br />

Quintus renifla. "J'espère que cet affreux et gros animal puant en vaut la peine, mon ami."<br />

"Il ne pue pas," protesta <strong>Maximus</strong>.<br />

Quintus agita ses mains en l'air, faisant semblant d'être consterné. "Ne te souviens-tu pas <strong>de</strong> la fois où il a<br />

attrapé ce putois et l'a ramené au camp ?"<br />

<strong>Maximus</strong> haussa les épaules. "C'était juste une faille momentanée dans son jugement."<br />

Quintus sourit. "Allons <strong>Maximus</strong>, trouvons-le. Après nous pourrons rentrer au camp et manger."<br />

Il était midi passé et leurs estomacs grondaient <strong>de</strong> faim lorsqu'ils s'arrêtèrent pour se reposer. Ils ôtèrent la<br />

neige du <strong>de</strong>ssus d'un mur en pierre bas et s'y assirent.<br />

"Il n'y a plus grand chose à vérifier," dit Quintus en regardant les ruines.<br />

"Si nous ne le trouvons pas, nous chercherons à nouveau."<br />

La voix grave <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était un peu rauque à force <strong>de</strong> crier le nom du chien encore et encore.<br />

"As-tu jamais pensé que Commo<strong>de</strong> aurait pu emmener le chien avec lui ?"<br />

"Non. Il ne se serait pas embêté avec ça. Hercule est ici quelque part, mort ou vivant, et j'ai bien l'intention<br />

<strong>de</strong> le trouver."<br />

Une voix lointaine se fit entendre. "Général ! Général, où êtes-vous, monsieur ?"<br />

"Cicéro, nous sommes par là!"<br />

<strong>Maximus</strong> se mit <strong>de</strong>bout sur le mur et fit signe à son serviteur qui portait <strong>de</strong>s paquets enveloppés dans du<br />

tissu.<br />

"J'espère que c'est <strong>de</strong> la nourriture, Cicéro !"<br />

"Oui, ça en est, monsieur," répondit le jeune homme en s'approchant <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux hommes affamés.<br />

"Toujours rien ?"<br />

"Pas encore. Qu'as-tu apporté ?"<br />

"Euh" Cicéro souleva le tissu et jeta un il à l'intérieur comme si il essayait <strong>de</strong> se souvenir du contenu du<br />

paquet. "Du poulet et du chevreuil, du pain, du fromage et du vin qui était chaud quand j'ai quitté le camp.<br />

117


Et j'ai du lapin pour le chien si vous le trouvez. Je sais que c'est son met préféré."<br />

"Tu es gentil," dit doucement <strong>Maximus</strong>, vraiment reconnaissant <strong>de</strong> la considération <strong>de</strong> Cicéro.<br />

Il mangea rapi<strong>de</strong>ment, anxieux <strong>de</strong> continuer sa tâche.<br />

Quintus et Cicéro étaient occupés par leur repas, aussi leur fallut-il une bonne minute pour se rendre<br />

compte que <strong>Maximus</strong> n'était plus avec eux.<br />

"Où ?" commença Quintus mais Cicéro lui saisit la manche et montra quelque chose du doigt. <strong>Maximus</strong> se<br />

dirigeait lentement vers un mur bas et incurvé, sa nourriture oubliée dans sa main.<br />

Quand il compris ce que la structure était, il laissa tomber le morceau <strong>de</strong> chevreuil dans la neige et se<br />

servit <strong>de</strong> son bras pour essuyer la surface d'un épais couvercle en bois qui recouvrait un puits.<br />

"Ai<strong>de</strong>z-moi à enlever ça," <strong>de</strong>manda-t-il, et ses <strong>de</strong>ux compagnons furent rapi<strong>de</strong>ment à ses côtés, leur repas<br />

également oublié. "Ensembles," ordonna <strong>Maximus</strong>, et le couvercle bascula par-<strong>de</strong>ssus le mur pour atterrir<br />

sur la tranche et rouler pendant un court instant avec <strong>de</strong> tomber dans la neige.<br />

<strong>Maximus</strong> jeta un il à l'intérieur. "Hercule ?" s'enquit-il avec hésitation, sa voix se répercutant en un écho.<br />

Un gémissement qui finit en une plainte lui répondit.<br />

"Hercule !" cria <strong>Maximus</strong>. Il se tourna vers Quintus et Cicéro, le soulagement et l'inquiétu<strong>de</strong> inscrits sur son<br />

visage. "Nous l'avons trouvé, mais quelque chose ne va pas, sinon il aboierait."<br />

"Est-ce très profond ?" <strong>de</strong>manda Cicéro.<br />

"Je ne sais pas. Il fait trop noir pour y voir quoique se soit," répondit <strong>Maximus</strong>. "Tiens bon, Hercule. Nous<br />

allons te sortir <strong>de</strong> là."<br />

Quintus et Cicéro se regardèrent. Comment allaient-ils s'y prendre ?<br />

"De la cor<strong>de</strong>. Nous avons besoin <strong>de</strong> cor<strong>de</strong>," dit <strong>Maximus</strong>. "Je vais <strong>de</strong>scendre." Les <strong>de</strong>ux hommes restèrent<br />

à fixer leur général. "Trouvez <strong>de</strong> la cor<strong>de</strong>," cria <strong>Maximus</strong>, les faisant quitter l'endroit en courant.<br />

Quand ils revinrent avec la cor<strong>de</strong>, <strong>Maximus</strong> était si penché par-<strong>de</strong>ssus le mur du puits que Cicéro saisit le<br />

bas <strong>de</strong> sa cuirasse <strong>de</strong> peur qu'il ne tombe la tête la première.<br />

Le visage <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était écarlate.<br />

"Les parois du puits ont l'air d'être <strong>de</strong> la glace soli<strong>de</strong>. J'ai l'impression qu'il en est <strong>de</strong> même pour le fond. Je<br />

ne peux pas voir jusqu'en bas mais je pense que ça doit être profond d'environ sept mètres et que c'est<br />

très étroit, comme vous pouvez voir."<br />

<strong>Maximus</strong> jeta un il en bas du puits, puis sur ses amis. "Vous <strong>de</strong>vrez me laisser <strong>de</strong>scendre lentement et<br />

j'essaierais d'appuyer mes pieds contre le mur"<br />

"Quoi ? Tu ne <strong>de</strong>scendras pas là <strong>de</strong>dans," dit Quintus sur un ton catégorique.<br />

"Oh si."<br />

"Oh non."<br />

"Oh si," répondit <strong>Maximus</strong>, conscient qu'ils avaient l'air <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux enfants qui se chamaillaient.<br />

"Messieurs, messieurs," intervint Cicéro. "Je suis ici avec le plus important commandant <strong>de</strong> l'armée<br />

romaine et son second. Je suis un simple serviteur. Maintenant, dites-moi lequel d'entre nous <strong>de</strong>vrait<br />

<strong>de</strong>scendre là <strong>de</strong>dans."<br />

"Je ne peux pas te <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> faire ça, Cicéro. C'est mon chien."<br />

"Vous ne me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>z rien. C'est moi qui propose. De plus, j'ai appris à aimer l'animal lors <strong>de</strong> notre<br />

voyage en Espagne."<br />

"Laisse-le faire, <strong>Maximus</strong>. Je n'ai pas envie d'expliquer à Marc-Aurèle que son général préféré s'est<br />

fracassé la tête en tombant dans un puits en essayant <strong>de</strong> secourir son chien."<br />

"C'est mon chien," dit <strong>Maximus</strong> obstinément.<br />

"<strong>Maximus</strong>," Quintus se racla la gorge. "Je refuse d'obéir à cet ordre et <strong>de</strong> t'ai<strong>de</strong>r à <strong>de</strong>scendre dans ce puits<br />

parce que cet ordre ne repose pas sur un raisonnement soli<strong>de</strong>, mais sur l'émotion." Il y avait un soupçon<br />

<strong>de</strong> satisfaction dans la voix <strong>de</strong> Quintus. "Un général que j'admire énormément m'a dit un jour que je <strong>de</strong>vais<br />

remettre en question"<br />

<strong>Maximus</strong> leva les mains en un signe <strong>de</strong> reddition, essayant <strong>de</strong> faire taire Quintus. "Ca sera Cicéro."<br />

"Bonjour là en bas !!" Trois tribuns se tenaient sur le rempart Est, leur faisant <strong>de</strong>s signes. "L'avez-vous<br />

trouvé, général ?"<br />

"Oui, il est au fond <strong>de</strong> ce puits!" hurla <strong>Maximus</strong>.<br />

"Est-il vivant ?"<br />

"Oui, mais je suis sûr qu'il est blessé!"<br />

"Ne bougez pas, général ! Nous allons vous ai<strong>de</strong>r !"<br />

Ils coururent sur le rempart jusqu'à la face Sud puis disparurent.<br />

<strong>Maximus</strong> continua à parler à Hercule d'une voix rassurante pendant qu'ils attendaient que les secours<br />

arrivent. Hercule ne pouvait que répondre en gémissant.<br />

En une <strong>de</strong>mi-heure, les trois hommes dans la forteresse avaient été rejoints par au moins une douzaine <strong>de</strong><br />

camara<strong>de</strong>s, tous avec <strong>de</strong> la cor<strong>de</strong> et du bois, et l'un d'entre eux avec une nacelle en toile.<br />

Une tape sur l'épaule fit se retourner <strong>Maximus</strong> et il se retrouva face à face avec Jovinus. "Ecartez-vous,<br />

général. Je suis l'ingénieur ici et nous allons remonter votre chien en un rien <strong>de</strong> temps. Vous vous<br />

souvenez <strong>de</strong> mon fils, n'est-ce pas ? Le garçon qui a grimpé dans l'arbre."<br />

"Bien sûr."<br />

<strong>Maximus</strong> sourit et serra la main du grand et mince jeune homme.<br />

"C'est la personne dont nous avons besoin pour <strong>de</strong>scendre dans ce puits, pas d'un gaillard comme vous,<br />

monsieur. Vous allez vous asseoir là bas, si ça ne vous dérange pas, et vous nous laissez faire notre<br />

travail."<br />

118


Jovinus poussa un peu <strong>Maximus</strong> pour l'écarter du chemin, faisant se lever <strong>de</strong>s douzaines <strong>de</strong> sourcils.<br />

<strong>Maximus</strong>, cependant, savait quand lutter et quand battre en retraite et il se dirigea vers le muret pour<br />

s'asseoir.<br />

En quelques instants, Jovinus avait fait mesurer le puits et avait échafaudé un plan.<br />

Ses hommes avaient élevé une construction au-<strong>de</strong>ssus du puits qui permettrait <strong>de</strong> porter une nacelle<br />

soli<strong>de</strong> et <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>scendre le jeune Jovinus lentement dans la cavité. Jovinus installerait le chien dans la<br />

nacelle et il serait tiré vers la surface par une équipe <strong>de</strong> soldats costauds, puis le jeune homme serait<br />

ensuite remonté.<br />

<strong>Maximus</strong> était assis sur le mur d'à côté, rognant nerveusement l'ongle <strong>de</strong> son pouce pendant qu'il regardait<br />

les manoeuvres, qui étaient aussi observées par <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> soldats alignés sur les remparts. Ils<br />

savaient que si ils avaient <strong>de</strong>s problèmes, leur général emploierait également <strong>de</strong>s moyens extraordinaires<br />

pour les secourir. Voilà l'homme qu'il était.<br />

<strong>Maximus</strong> se leva quand le garçon disparût lentement dans le puits, et se <strong>de</strong>manda pourquoi il autorisait le<br />

jeune homme à risquer sa vie pour sauver un chien. Il fit quelques pas vers le puits mais fut stoppé par<br />

une voix familière.<br />

"Ne comprenez-vous pas ce qui se passe ici, <strong>Maximus</strong> ? <strong>de</strong>manda Marcianus, qui se tenait discrètement<br />

<strong>de</strong>rrière lui <strong>de</strong>puis un moment.<br />

<strong>Maximus</strong> était intrigué. "Que voulez-vous dire ?"<br />

Marcianus s'approcha <strong>de</strong> son ami et dit d'une voix basse "Toute la légion se sent terriblement coupable <strong>de</strong><br />

ne pas avoir défié Commo<strong>de</strong> pour vous sortir <strong>de</strong> cette forteresse, alors laissez-les au moins sauver votre<br />

chien en remplacement, d'accord ?" Il montra les remparts. "Jetez un il là haut." <strong>Maximus</strong> obéit et vit que<br />

chaque centimètre <strong>de</strong>s remparts était occupé par un soldat. "Asseyez-vous et laissez les hommes faire ça<br />

pour vous. C'est leur façon <strong>de</strong> s'excuser."<br />

Alors que <strong>Maximus</strong> retournait vers le mur, Marcianus dit avec une voix qui portait loin "J'ai mon matériel<br />

médical pour ai<strong>de</strong>r Hercule quand il sera ramené à la surface et si vous n'arrêtez pas <strong>de</strong> ronger cet ongle,<br />

général, je vais peut être être obligé <strong>de</strong> vous amputer le pouce."<br />

La tension dans l'atmosphère disparût, les soldats alentour se mirent à rire et, un peu embarrassé,<br />

<strong>Maximus</strong> coinça sa main entre ses genoux, ses yeux posés sur le puits et sur les hommes qui y<br />

travaillaient.<br />

Soudain un couinement perçant venant <strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>urs du puits fit bondir <strong>Maximus</strong> sur ses pieds mais il<br />

fut aussitôt tiré en arrière par Quintus qui avait attrapé les attaches <strong>de</strong>rrière sa cuirasse.<br />

"<strong>Maximus</strong>, reste assis jusqu'à ce qu'Hercule soit ramené à la surface. S'il te plaît. Il n'y a rien que tu<br />

puisses faire."<br />

"Je pourrais lui parler.<br />

<strong>Maximus</strong> se leva et se dirigea vers le puits, sa détermination se voyant dans chacun <strong>de</strong> ses pas. Personne<br />

n'osa l'arrêter cette fois. Il se fraya un chemin jusqu'aux côtés <strong>de</strong> Jovinus et regarda par-<strong>de</strong>ssus le bord du<br />

puits juste à temps pour voir la nacelle émerger <strong>de</strong> l'ombre avec son chargement à fourrure.<br />

Une même exclamation sortit d'une douzaine <strong>de</strong> gorges.<br />

Le chien était à peine conscient, mais ses oreilles se dressèrent en entendant la voix réconfortante <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong>. Il commença à s'agiter mais ses pattes avant et arrière étaient fermement attachées ensembles<br />

avec <strong>de</strong> la cor<strong>de</strong> fine qui avait entamé sa fourrure et sa peau. La même cor<strong>de</strong> maintenait sa mâchoire<br />

fermée et entaillait sa gueule. Du sang gelé suintait <strong>de</strong> ses babines.<br />

Tout en murmurant <strong>de</strong>s mots d'encouragement à Hercule, <strong>Maximus</strong> luttait contre la rage qui envahissait<br />

son cur. Il ne remarqua même pas que Marcianus était en train <strong>de</strong> couper la cor<strong>de</strong> qui liait les mâchoires<br />

du chien jusqu'à ce qu'une langue chau<strong>de</strong> lui lape les mains.<br />

<strong>Maximus</strong> maintint l'animal immobile pendant que le chirurgien coupait les liens autour <strong>de</strong> ses pattes et les<br />

bandait rapi<strong>de</strong>ment. Affaibli par la faim et la soif, Hercule semblait être content <strong>de</strong> rester dans la nacelle<br />

avec <strong>Maximus</strong> près <strong>de</strong> lui.<br />

"Et bien ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong> à Marcianus.<br />

"Je vais <strong>de</strong>voir l'examiner <strong>de</strong> plus près mais il se peut qu'il ait une patte cassée et probablement quelques<br />

côtes cassées. Avec la gueule attachée, il n'a rien pu boire, alors il est déshydraté."<br />

Incapable <strong>de</strong> voir ce qui se passait, un soldat sur le rempart cria "Est-ce que le chien va bien maintenant,<br />

monsieur ?"<br />

<strong>Maximus</strong> répondit avec un signe <strong>de</strong> la main et une puissante clameur se répercuta sur tous les murs <strong>de</strong> la<br />

forteresse.<br />

La joie s'évanouit rapi<strong>de</strong>ment, cependant, lorsque la nouvelle <strong>de</strong> l'état du chien se mit circuler sur les<br />

remparts et le nom <strong>de</strong> "Commo<strong>de</strong>" se répandit sur <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> lèvres comme un poison.<br />

Les soldats sur le rempart Sud avaient installé une sorte <strong>de</strong> palan pour hisser le chien en haut et <strong>Maximus</strong><br />

se dirigea vers l'endroit. Quintus se mit à marcher à côté <strong>de</strong> son général, mais <strong>Maximus</strong> lui jeta "Que<br />

penses-tu du fils <strong>de</strong> l'empereur à présent, Quintus ?"<br />

Le légat laissa <strong>Maximus</strong> avancer <strong>de</strong>vant lui <strong>de</strong> quelques pas, secoué par la colère <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et son<br />

propre manque <strong>de</strong> perspicacité en ce qui concernait les motivations <strong>de</strong> Commo<strong>de</strong>.<br />

Peut-être était-il temps pour une permission, pensa Quintus.<br />

Peut être qu'un certain temps loin <strong>de</strong> la légion l'ai<strong>de</strong>rait à tout remettre en perspective. Il commencerait à<br />

faire ses bagages le soir même.<br />

119


Chapitre 66 : Septimius<br />

<strong>Maximus</strong> désigna Horatius, un tribun expérimenté, pour être légat en l'absence <strong>de</strong> Quintus, et Horatius<br />

emmena Felix III à Vindobona pour l'hiver alors que <strong>Maximus</strong> se rendit dans l'Ouest pour rendre visite à<br />

ses autres légions le long du Danube et du Rhin. Bien que les chances soient minces pour une guerre en<br />

plein hiver, <strong>de</strong>s raids exécutés par les germains était tout à fait possibles et il voulait que les légions soient<br />

préparées et vigilantes.<br />

Emmitouflé dans la laine et les fourrures et accompagné par un contingent <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>s, <strong>Maximus</strong> fit son<br />

chemin <strong>de</strong> légion en légion, restant environ une semaine auprès <strong>de</strong> chacune, s'assurant que les routes le<br />

long du fleuve étaient maintenues en bon état pour permettre un rassemblement rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> troupes si<br />

c'était nécessaire.<br />

Tous les généraux avaient entendu parler du siège et ils étaient désireux d'en parler, tout autant que <strong>de</strong>s<br />

rumeurs <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> leur chef, qui était évi<strong>de</strong>mment fausses.<br />

Le soulagement se <strong>de</strong>ssinait sur les visages <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s soldats tout comme <strong>de</strong>s officiers lorsque<br />

<strong>Maximus</strong> se présentait en personne à leurs portes. Cela donnait à <strong>Maximus</strong> une excuse commo<strong>de</strong> pour<br />

discuter <strong>de</strong> stratégie avec les officiers <strong>de</strong> chaque légion, pour être certain que les généraux <strong>sous</strong> ses<br />

ordres accomplissaient toujours efficacement leur travail.<br />

La secon<strong>de</strong> mission <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était <strong>de</strong> renforcer les fortifications qui remplissaient le vi<strong>de</strong> entre le Rhin<br />

et le Danube. Des douves avaient été creusées <strong>de</strong>s années auparavant mais il ordonna la construction<br />

d'un mur <strong>de</strong> pierres le long du vi<strong>de</strong> en supplément, ainsi que la mise en place d'une patrouille permanente<br />

qui utiliserait les miradors qui seraient disposés sur toute la longueur du mur.<br />

Un raid germain couronné <strong>de</strong> succès n'apporterait pas seulement le prestige à la tribu qui l'effecturait, mais<br />

également un butin considérable. Et cela signifierait la mort <strong>de</strong> nombreux soldats et l'affaiblissement <strong>de</strong> la<br />

poigne romaine dans le Nord. Même la perspective <strong>de</strong> la vulnérabilité romaine ne pouvait être tolérée.<br />

<strong>Maximus</strong> espérait que les tribus se battraient entre elles, comme elles le faisait souvent. Mais, si un raid<br />

réussi contre l'empire se produisait, <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong>vait être prêt à <strong>de</strong>s représailles rapi<strong>de</strong>s en menant une<br />

colonne <strong>de</strong> troupes débarrassées <strong>de</strong> tout bagage superflu et transportant suffisamment <strong>de</strong> provisions pour<br />

seulement la durée <strong>de</strong> l'expédition punitive.<br />

<strong>Maximus</strong> était très conscient que, à bien <strong>de</strong>s égards, Rome était <strong>de</strong>venue partie prenante <strong>de</strong>s guerres<br />

tribales <strong>de</strong>s germains mais avec <strong>de</strong>s effets beaucoup plus dévastateurs, vu la puissance <strong>de</strong> son<br />

armement.<br />

<strong>Maximus</strong> avait une autre raison d'effectuer ce voyage : il avait besoin <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s centurions aguerris<br />

qui parlaient les langues tribales. Ces soldats pourraient être recrutés pour participer à <strong>de</strong>s réunions avec<br />

les tribus si Marc-Aurèle le décidait. L'empereur allait peut être tenter <strong>de</strong> dissiper la perspective <strong>de</strong>s<br />

batailles du printemps <strong>de</strong> cette manière, mais <strong>Maximus</strong> savait très bien que les hommes qui avaient<br />

participé à ces réunions dans le passé n'étaient pas toujours revenus vivants. On les renvoyaient attachés<br />

à leurs chevaux, décapités.<br />

En dépit <strong>de</strong> ce que certains pouvaient penser, l'hiver fut très occupé pour <strong>Maximus</strong>.<br />

Ayant atteint la plupart <strong>de</strong> ses objectifs, <strong>Maximus</strong> passa quelques jours à se détendre en compagnie du<br />

général Solinus, commandant <strong>de</strong> la légion Germanica II, campée près <strong>de</strong> Colonia.<br />

Le second soir, ils dégustaient leur quatrième gobelet <strong>de</strong> vin lorsque qu'ils furent interrompus par le<br />

serviteur <strong>de</strong> Solinus.<br />

"Pardonnez-moi, messieurs, mais il y a un tribun <strong>de</strong> Rome qui désire rencontrer le général <strong>Maximus</strong>, si il a<br />

le temps."<br />

<strong>Maximus</strong> regarda avec curiosité un Solinus à l'il vague. "Je ne connais personnellement aucun tribun à<br />

Rome, et vous ?"<br />

Quand Solinus secoua négativement la tête, <strong>Maximus</strong> dit : "Voyons ce qu'il veut." Il fit signe au serviteur.<br />

"Fait-le entrer."<br />

L'homme s'inclina et quitta la tente et fut rapi<strong>de</strong>ment remplacé par un homme <strong>de</strong> taille moyenne au teint<br />

foncé et aux cheveux noirs. Il s'inclina <strong>de</strong>vant les généraux. "Messieurs, je suis Septimius Severus, tribun<br />

du peuple à Rome et frère <strong>de</strong> Septimius Geta, légat <strong>de</strong> la légion I Italica.<br />

<strong>Maximus</strong> se leva et tendit sa main. "Bienvenue dans le Nord gelé, Septimius. Je suis le général <strong>Maximus</strong><br />

<strong>de</strong>s légions Felix et commandant <strong>de</strong>s armées du Nord. Et voici le général Solinus <strong>de</strong> Germanica II. Qu'estce<br />

qui vous a poussé à quitter la chaleur du Sud pour venir ici à cette époque <strong>de</strong> l'année ?"<br />

Septimius fixa <strong>Maximus</strong>, momentanément à court <strong>de</strong> mots. "Je Je suis en permission en ce moment,<br />

monsieur."<br />

"Et vous avez décidé <strong>de</strong> venir ici ?" <strong>Maximus</strong> lui fit signe <strong>de</strong> s'asseoir. "D'après votre accent, vous avez<br />

grandi en Afrique."<br />

"Vous avez une bonne oreille, monsieur. Je suis né dans la cité <strong>de</strong> Leptis Magna, près <strong>de</strong> Carthage."<br />

"Et qu'est-ce qui vous fait venir <strong>de</strong> si loin ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong> pendant que le serviteur donnait du vin à<br />

l'invité.<br />

"Je voulais vous rencontrer, monsieur."<br />

"Moi ?" dit <strong>Maximus</strong>, visiblement surpris. "Comment êtes-vous au courant <strong>de</strong> mon existence ?"<br />

"Votre réputation en tant que chef et combattant est très répandue, monsieur. Nous savons tous comment<br />

vous avez sauvé l'empire <strong>de</strong>s griffes <strong>de</strong> Cassius, et je viens d'entendre parler d'un siège et <strong>de</strong> votre<br />

victoire sur la mort. Il semble que votre légen<strong>de</strong> ne fasse que s'amplifier, monsieur."<br />

120


Solinus frappa gentiment la jambe <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> avec son pied. "Vous enten<strong>de</strong>z ça, <strong>Maximus</strong> ? Vous êtes<br />

une légen<strong>de</strong> !"<br />

Il était un peu ivre et s'amusait beaucoup <strong>de</strong> voir le tribun s'extasier <strong>de</strong>vant son général.<br />

<strong>Maximus</strong>, cependant, était mal à l'aise. "Je ne suis vraiment pas une légen<strong>de</strong>, soldat. Je suis simplement<br />

un homme qui sert Rome du mieux qu'il peut."<br />

"Peut être, monsieur, mais vous le faites mieux que n'importe qui."<br />

Solinus éructa et se leva en chancelant. "Si ça ne vous dérange pas, général tribun Septimius Je crois que<br />

je vais aller me coucher." Son serviteur vint le soutenir. "A <strong>de</strong>main, général ?"<br />

"Oui, nous nous reverrons <strong>de</strong>main." <strong>Maximus</strong> retint un sourire. "Pas trop tôt, si vous voulez bien, Solinus."<br />

"Si vous voulez dormir un peu plus longtemps <strong>de</strong>main, je comprends, général. 'nuit, monsieur."<br />

"Dormez bien, général."<br />

<strong>Maximus</strong> réprima un autre sourire et reporta son attention sur son invité.<br />

"Vous êtes venu jusqu'ici, avec ce temps, juste pour me voir ?"<br />

"Principalement, oui, monsieur. Je visite aussi l'ensemble <strong>de</strong> l'empire. J'espère en voir le plus possible et<br />

aussi essayer <strong>de</strong> comprendre les problèmes spécifiques à chaque région."<br />

"Puis-je voir vos documents d'i<strong>de</strong>ntification, s'il vous plaît ? Je suis sûr que les gar<strong>de</strong>s les ont<br />

soigneusement vérifiés, mais on est jamais trop pru<strong>de</strong>nt."<br />

Le tribun montra les documents <strong>de</strong> bonne grâce et <strong>Maximus</strong> les étudia avant <strong>de</strong> les rendre avec un sourire<br />

qui indiquait sa satisfaction.<br />

"Où êtes-vous allé avant ici, Septimius ?"<br />

"J'ai visité l'Espagne, puis voyagé à travers la Gaulle pour venir ici. J'ai aussi vu presque toute l'Italie et<br />

passé un peu <strong>de</strong> temps avec mon frère. J'espère retourner en Afrique en passant par la Macédoine et<br />

l'extrême Est, puis par l'Egypte pour voir les gran<strong>de</strong>s pyrami<strong>de</strong>s."<br />

"C'est très ambitieux. Vous aurez alors vu plus <strong>de</strong> parties <strong>de</strong> l'empire que moi-même. Je ne suis jamais<br />

allé en Afrique ou en Egypte."<br />

"Je serais ravi que vous me rendiez visite à Rome à n'importe quel moment, monsieur, ou que vous<br />

fassiez connaissance avec ma famille en Afrique."<br />

<strong>Maximus</strong> rit. "De la part d'un provincial à un autre, je vous remercie."<br />

"Vous venez d'Espagne, n'est-ce pas, monsieur ?"<br />

"Tout à fait."<br />

"Vivez-vous toujours là-bas ?­ quand vous n'êtes pas ici, bien sûr."<br />

"Oui. J'ai une ferme non loin d'Emerita Augusta, et une femme et un fils. J'espère retourner bientôt là-bas<br />

pour une visite et puis y prendre ma retraite pour travailler la terre une fois que les problèmes le long <strong>de</strong><br />

cette frontière seront réglés."<br />

"Pensez-vous que ça arrivera un jour, monsieur ?"<br />

<strong>Maximus</strong> haussa les épaules. "Espérons-le, Septimius."<br />

"Si vous me permettez d'abuser un peu plus <strong>de</strong> votre temps, pourriez-vous m'expliquer la situation dans<br />

cette région, monsieur ?"<br />

<strong>Maximus</strong> observa le jeune homme <strong>de</strong>vant lui. Septimius Severus avait environ le même âge que lui, la<br />

même stature soli<strong>de</strong> mais plus petit. Ils étaient aussi tous les <strong>de</strong>ux originaires <strong>de</strong> la province, mais là<br />

s'arrêtaient leurs similitu<strong>de</strong>s. Septimius semblait très ambitieux alors <strong>Maximus</strong> était seulement motivé par<br />

son désir <strong>de</strong> servir son empereur, et son besoin <strong>de</strong> retourner auprès <strong>de</strong> sa famille. Il prit une gorgée <strong>de</strong> vin<br />

et <strong>de</strong>manda : "Comme avez-vous réussi à me trouver, Septimius ? Je voyage <strong>de</strong>puis un certain temps."<br />

"Je sais cela, monsieur. Il m'a fallu <strong>de</strong>s semaines pour vous retrouver. Je ne vous ai manqué que <strong>de</strong><br />

quelques jours en arrivant dans certains camps ; à Gallica XVI, je ne vous ai raté que <strong>de</strong> quelques heures."<br />

"Vous êtes persévérant." <strong>Maximus</strong> sourit.<br />

Septimius lui sourit en retour. "On me l'a déjà dit." Il bougea légèrement sur son siège. "Puis-je dire<br />

quelque chose <strong>de</strong> personnel, monsieur ?"<br />

N'avait-il pas fait cela <strong>de</strong>puis le début ? <strong>Maximus</strong> tendit la main pour lui indiquer qu'il pouvait continuer.<br />

"Je ne sais pas pourquoi, mais je m'attendais à ce que vous soyez un géant, monsieur. Deux mètres <strong>de</strong><br />

haut avec <strong>de</strong>s épaules aussi larges que cette pièce." Il rit, écartant les bras. "C'est rassurant <strong>de</strong> voir que<br />

vous être un homme normal. Un homme mortel qui accompli <strong>de</strong>s choses immortelles. Cela permet à un<br />

homme comme moi d'aspirer à votre gran<strong>de</strong>ur."<br />

A son grand embarras, <strong>Maximus</strong> sentit qu'il rougissait et détourna la conversation sur un autre sujet que<br />

lui-même. "Et c'est ce que vous voulez faire, Septimius ?"<br />

La réponse fut très nette : "Oui, monsieur."<br />

"Et bien, il me semble que vous allez dans la bonne direction. Vous poursuivez activement vos rêves d'une<br />

manière très concrète." <strong>Maximus</strong> fixa son gobelet <strong>de</strong> vin pendant un moment et fit tournoyer le liqui<strong>de</strong><br />

rouge avant d'ajouter : "Qu'aimeriez-vous savoir sur la situation politique <strong>de</strong> cette partie <strong>de</strong> l'empire ?"<br />

Mais Septimius n'en avait pas encore fini avec les questions personnelles. "Vos hommes pensent tout le<br />

bien <strong>de</strong> vous. Ils donneraient leur vies pour vous avec fierté. Comment avez-vous accompli cela ?"<br />

<strong>Maximus</strong> cligna <strong>de</strong>s yeux plusieurs fois puis son regard se perdit alors qu'il réfléchissait à sa réponse.<br />

"Vous savez, on m'a <strong>de</strong>mandé cela <strong>de</strong> nombreuses fois, et honnêtement, je ne suis pas sûr <strong>de</strong> la réponse.<br />

Tout ce que je peux dire c'est que je m'occupe d'eux. Je les vois en tant qu'hommes, pas comme <strong>de</strong>s<br />

extensions <strong>de</strong>s armes qu'ils portent." <strong>Maximus</strong> posa son gobelet sur une table puis mis ses cou<strong>de</strong>s sur ses<br />

genoux et joignit ses mains, posant son menton <strong>de</strong>ssus. Il avait l'air très pensif et Septimius l'observait<br />

121


attentivement. "Je pense qu'en fait, c'est parce que je ne leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rais jamais <strong>de</strong> faire quelque chose<br />

que je ne ferais pas moi-même." Il regarda son invité. "Et ils le savent."<br />

Les <strong>de</strong>ux hommes s'observèrent en silence pendant un moment, puis <strong>Maximus</strong> reprit sa position initiale<br />

sur son siège, mis ses mains <strong>de</strong>rrière sa tête et étendit ses jambes, les croisant au niveau <strong>de</strong>s chevilles. "A<br />

présent, qu'aimeriez-vous savoir sur la vie dans cette partie du mon<strong>de</strong> ?"<br />

"Tout, monsieur." Septimius baissa les yeux lorsqu'il réalisa soudainement le temps que cela allait prendre<br />

au général.<br />

"Et bien, commençons par les tribus qui sont farouchement opposées à notre présence ici. Il est vraiment<br />

difficile <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r un il sur elles parce qu'elles sont très instables. Les chefs changent en permanence, cela<br />

dépend <strong>de</strong> quel homme à la plus grosse influence financière, ou la personnalité la plus dynamique sur le<br />

moment. Et ils refont constamment leurs alliances. Alors, une tribu peut être seule avec quelques<br />

centaines d'hommes une semaine et puis, ils s'assemblent et refont surface avec dix fois plus d'hommes et<br />

<strong>de</strong> puissance."<br />

"Arrivez-vous à suivre tout cela?"<br />

"Nous essayons <strong>de</strong> le faire. Si nous échouons, ou faisons une erreur, il en va <strong>de</strong> notre vie. Les régions<br />

montagneuses au-<strong>de</strong>là du Danube sont contrôlées par cinq tribus principales : les Samartiens, les<br />

Marcomanni, les Chatti, les Quadi et les Iazyges. Ils sont rusés, forts et déterminés et ils ne doivent jamais<br />

être <strong>sous</strong>-estimés. Ils nous voient comme une menace à leur mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie et craignent <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s<br />

esclaves ­ à juste raison. L'empire romain c'est comporté <strong>de</strong> cette manière plus d'une fois."<br />

<strong>Maximus</strong> se leva et mis ses mains <strong>de</strong>rrière son dos puis se mit à marcher lentement <strong>de</strong> long en large,<br />

ayant vraiment l'air d'un professeur donnant une leçon.<br />

"C'est Trajan, bien sûr, qui a poussé l'empire aussi loin dans le nord en combattant les Daciens qui étaient<br />

un peu plus à l'est d'ici. C'était une civilisation bien établie. Ils étaient très loin d'être les sauvages que les<br />

romains aiment penser qu'ils étaient. Ils avaient un gouvernement soli<strong>de</strong>, <strong>de</strong>s échanges commerciaux bien<br />

établis, <strong>de</strong>s ingénieurs et <strong>de</strong>s artisans habiles, et même un alphabet. Quelque chose d'aussi simple que<br />

les crampons en fer que nos soldats utilisent pour marcher dans la neige ou sur la glace nous vient d'eux."<br />

"Ces guerres sont commémorées par une gran<strong>de</strong> colonne à Rome."<br />

"C'est ce que j'ai entendu dire."<br />

"Vous voulez dire que vous ne l'avez jamais vue ?"<br />

"Je ne suis jamais allé à Rome. L'empereur me gar<strong>de</strong> très occupé ici et lorsque j'ai du temps libre, je<br />

retourne directement chez moi."<br />

"Vous <strong>de</strong>vriez la voir un jour, monsieur. C'est magnifique. Elle est si haute que vous <strong>de</strong>vez la regar<strong>de</strong>z<br />

<strong>de</strong>puis les fenêtres <strong>de</strong>s immeubles alentour si vous voulez la voir entièrement. C'est très coloré et les<br />

légionnaires ont même <strong>de</strong>s petites épées en bronze dans leurs mains. <strong>L'histoire</strong> <strong>de</strong>s bataille s'enroule<br />

autour <strong>de</strong> la colonne en ban<strong>de</strong>s." Il s'arrêta lorsqu'il réalisa que <strong>Maximus</strong> avait sa hanche appuyée contre<br />

un table et qu'il le regardait avec amusement, ses bras croisés. "Continuez, monsieur."<br />

"Hum ?"<br />

"Vous parliez <strong>de</strong>s Daciens."<br />

"Oh. Mon avis est qu'il est trop facile <strong>de</strong> rejeter nos ennemis en disant que ce sont <strong>de</strong>s sauvages qui<br />

méritent d'être sortis <strong>de</strong> leur misère par le grand empire romain."<br />

"On dirait que vous les admirez, monsieur."<br />

"Je les respecte. Il est toujours sage <strong>de</strong> respecter ses ennemis, Septimius."<br />

Le tribun hocha la tête, désireux d'entendre les paroles <strong>de</strong> sagesse <strong>de</strong> ce grand homme.<br />

"Est-ce que Marc-Aurèle a l'intention <strong>de</strong> s'avancer plus loin dans leur territoire, monsieur ?"<br />

Septimius sut qu'il avait fait un faux pas lorsque <strong>Maximus</strong> se redressa et que ses yeux se rétrécirent<br />

dangereusement. Sa voix grave <strong>de</strong>scendit à un niveau qui était presque un gron<strong>de</strong>ment.<br />

"C'est une in<strong>format</strong>ion secrète, Septimius. Je n'ai pas la liberté <strong>de</strong> révéler les plans <strong>de</strong> notre empereur."<br />

"Bien sûr, bien sûr que non, monsieur," bégaya le tribun. Il inspira profondément, étonné <strong>de</strong> voir à quel<br />

point ce général pouvait être épouvantablement intimidant, et il fut soulagé quand l'attitu<strong>de</strong> amicale <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong> revint.<br />

"Vous <strong>de</strong>vez savoir où poser les limites <strong>de</strong> votre curiosité, Septimius," dit légèrement <strong>Maximus</strong>.<br />

"Oui, monsieur, je sais. C'était impardonnable <strong>de</strong> ma part. Je suis désolé."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête pour accepter l'excuse et dit "Nous n'allons certainement pas renoncer à la terre<br />

que nous avons déjà."<br />

Il alla jusqu'à la porte, signifiant la fin <strong>de</strong> l'entretien et tendit une main que Septimius saisit volontiers.<br />

"Revenez <strong>de</strong>main matin et j'aurais une lettre qui vous garantira l'entrée <strong>de</strong>s camps <strong>de</strong> mes légions le long<br />

<strong>de</strong>s fleuves. Vous pouvez voir et apprendre tout ce que vous pouvez sur cette partie <strong>de</strong> l'empire pendant<br />

que vous être ici. Soyez assuré, cependant, que si nous sommes attaqués, je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rais<br />

immédiatement vos services."<br />

"Ce serait un honneur, monsieur ! Merci, monsieur. Merci <strong>de</strong> m'avoir autorisé à monopoliser votre temps.<br />

Vous ne m'avez certainement pas déçu, monsieur. J'ai hâte <strong>de</strong> dire"<br />

En voyant que <strong>Maximus</strong> souriait à <strong>de</strong>mi et qu'il secouait légèrement la tête, Septimius décida sagement <strong>de</strong><br />

ne pas en dire d'avantage et sortit rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la tente, excité d'avoir enfin rencontré son héros. Et il<br />

n'avait pas été déçu. Oh non, il n'avait pas été déçu du tout !<br />

122


Chapitre 67 : Début du printemps, 175 après J.C.<br />

Lorsque <strong>Maximus</strong> fut non loin <strong>de</strong> Vindobona, <strong>de</strong>ux mois après qu'il se soit séparé <strong>de</strong> Felix III, il était<br />

satisfait d'avoir accompli tout ce qu'il avait prévu <strong>de</strong> faire. Il savait que les légions <strong>sous</strong> son<br />

comman<strong>de</strong>ment étaient prêtes pour <strong>de</strong>s attaques <strong>de</strong>s tribus barbares mais il avait <strong>de</strong> tout façon ordonné<br />

aux soldats <strong>de</strong> continuer à entretenir les camps, les tours <strong>de</strong> guet, les murs et toutes les autres<br />

fortifications le long du Rhin et du Danube.<br />

Sa bonne humeur était aussi augmentée par l'o<strong>de</strong>ur aci<strong>de</strong> <strong>de</strong> la terre dans l'air et les petits bourgeons<br />

pourpres qui tachetaient les branches <strong>de</strong>s arbres au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> lui. Le ciel qu'on pouvait apercevoir à<br />

travers elles était à présent plus souvent bleu que gris et la lumière douce et dorée du soleil passait sur les<br />

visages <strong>de</strong>s soldats en faisant <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ssins arachnéens. Des petits groupes <strong>de</strong> fleurs jaunes et bleues sur<br />

<strong>de</strong>s tiges délicates sortaient du lit <strong>de</strong> feuilles brunes et sèches qui recouvrait les côtés <strong>de</strong> la route. Les<br />

plaques <strong>de</strong> neige à l'ombre <strong>de</strong>s arbres diminuaient <strong>de</strong> jour en jour, créant <strong>de</strong>s flaques d'eau et aussi <strong>de</strong><br />

petits filets d'eau qui coulaient le long du bas côté <strong>de</strong> la route seulement pour geler la nuit avant <strong>de</strong> fondre<br />

à nouveau <strong>sous</strong> le soleil du matin.<br />

Des écureuils observaient l'unité <strong>de</strong> soldats <strong>de</strong>puis les cimes <strong>de</strong>s grands chênes et <strong>Maximus</strong> aperçut une<br />

biche et un faon tacheté dans les bois, et arrêta la procession afin <strong>de</strong> pouvoir les observer jusqu'à ce qu'ils<br />

décampent, ne se préoccupant pas du fait que son action avait causé un peu d'amusement parmi les<br />

gar<strong>de</strong>s.<br />

<strong>Maximus</strong> aimait le printemps. C'était l'époque <strong>de</strong> l'année pour la naissance : les moutons, les chèvres, les<br />

veaux, les poulains, et son propre bébé. Il sourit en imaginant sa femme alors qu'elle attendait la<br />

naissance <strong>de</strong> leur <strong>de</strong>uxième enfant et il espérait qu'elle n'était pas trop mala<strong>de</strong>. Il se souvenait très<br />

clairement <strong>de</strong> l'arrivée <strong>de</strong> son fils et souhaitait désespérément être là bas pour déclarer le bébé comme le<br />

sien et donner un nom à l'enfant, mais cet honneur serait laissé à son beau-père qui agirait à la place <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong> à sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Il ne savait pas combien <strong>de</strong> temps passerait avant qu'il ne puisse tenir le précieux<br />

bébé dans ses bras.<br />

<strong>Maximus</strong> avait hâte <strong>de</strong> continuer sa correspondance avec sa femme. Avant <strong>de</strong> commencer son voyage le<br />

long <strong>de</strong>s fleuves, il lui avait envoyé une lettre lui disant qu'il ne pourrait pas recevoir ses lettres jusqu'à ce<br />

qu'il revienne, mais qu'il lui enverrait du courrier toutes les semaines, peu importe <strong>de</strong> quel camp il écrirait. Il<br />

avait hâte <strong>de</strong> passer quelques heures à apprendre toutes les nouvelles d'Espagne et il espérait qu'au<br />

moins un ou <strong>de</strong>ux paquets l'attendraient.<br />

Alors qu'il approchait <strong>de</strong> l'entrée du camp, il fut content <strong>de</strong> voir qu'un nouvel étage avait été ajouté, ce qui<br />

faisait quatre étages <strong>de</strong> haut à présent, avec <strong>de</strong> soli<strong>de</strong>s tours <strong>de</strong> guet en pierre à chaque bout. C'était une<br />

entrée impressionnante pour le camp qui ressemblait plus à une forteresse à présent.<br />

Il jeta un il aux défenses en passant ­ <strong>de</strong>s ouvertures bouchées qu'on appelait <strong>de</strong>s lis et qui tenaient <strong>de</strong>s<br />

lances acérées, aussi bien que <strong>de</strong>s trous en forme <strong>de</strong> V qui contenaient <strong>de</strong>s pointes placées à un angle<br />

fait pour empaler tout homme ou cheval qui essaierait <strong>de</strong> sauter par-<strong>de</strong>ssus. Les murs hauts étaient en<br />

pierre soli<strong>de</strong> avec <strong>de</strong>s miradors à chaque angle. Il était certain que le camp était sûr.<br />

Les gar<strong>de</strong>s dans les tours à l'entrée saluèrent leur général en criant et il répondit avec un geste <strong>de</strong> la main<br />

et un large sourire. C'était bon d'être <strong>de</strong> retour.<br />

Quand <strong>Maximus</strong> mit pied à terre, un groupe <strong>de</strong> centurions et <strong>de</strong> tribuns se rassembla autour <strong>de</strong> lui pour le<br />

saluer avec chaleur. Alors qu'il était en train <strong>de</strong> serrer chaque main, il tomba presque à genoux après un<br />

violent choc <strong>de</strong>rrière lui. Rattrapé par un soldat, il se tourna pour faire face à l'attaque frontale d'un museau<br />

et d'une langue trempée.<br />

"Herc" commença-t-il à dire, mais la langue pénétra dans sa bouche ouverte et <strong>Maximus</strong> grimaça,<br />

crachant et toussant tout en saisissant le chien par sa fourrure pour l'éloigner, le coinçant entre ses<br />

genoux.<br />

"Berk!" cracha-t-il en essuyant sa bouche avec le dos <strong>de</strong> sa main <strong>sous</strong> les rires gras <strong>de</strong>s soldats alentour.<br />

"Et bien, on dirait que tu es complètement guéri. Ca alors, qu'est-ce que tu as grossi !"<br />

<strong>Maximus</strong> s'accroupit et inspecta son chien qui continua à le lécher et à lui donner <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> patte. "Je<br />

n'arrive même pas à sentir tes côtes. Tu as drôlement besoin d'exercice, Hercule." Il se releva et plaisanta<br />

en baissant la voix et les sourcils "J'espère que le reste d'entre vous n'est pas <strong>de</strong>venu aussi gras pendant<br />

que j'étais au loin à travailler dur."<br />

"Non, général," se risqua un centurion. "Nous travaillions dur aussi."<br />

"Je peux voir ça. Les portes ont l'air très soli<strong>de</strong>s et sont impressionnantes. Très bien fait."<br />

Les soldats échangèrent <strong>de</strong>s sourires et <strong>de</strong>s regards. "Fatigué, général ?" <strong>de</strong>manda l'un d'entre eux.<br />

"Pas trop Fabius, mais j'aimerais bien me laver un peu, cela dit. Je réunirai les officiers après."<br />

<strong>Maximus</strong> se dirigea vers sa tente, Hercule et une troupe <strong>de</strong> soldats à ses talons. Il se retourna pour leur<br />

faire face, les mains sur ses hanches.<br />

"Y a-t-il quelque chose que je <strong>de</strong>vrais savoir ?"<br />

"Euh non, monsieur. Je ne crois pas, monsieur," dit un centurion avec un air sérieux, le seul dans le<br />

groupe semblant être capable <strong>de</strong> contenir sa joie.<br />

Que manigançaient-ils ?, se <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong>.<br />

Quand il tourna à un angle et que le praetorium fut en vue, il s'arrêta net et regarda. Il jeta rapi<strong>de</strong>ment un il<br />

alentour pour être sûr qu'il était au bon endroit puis fixa l'endroit où sa tente avait été plantée. Elle n'était<br />

plus là. A sa place se tenait une soli<strong>de</strong> structure en pierre grise avec un toit en ardoise. Jovinus se tenait<br />

dans l'entrée, un grand sourire aux lèvres.<br />

"Bienvenue chez vous, général."<br />

123


L'ingénieur s'inclina aussi bas que son estomac le permettait et tendit le bras, indiquant à <strong>Maximus</strong> qu'il<br />

<strong>de</strong>vait entrer en premier.<br />

"Qu'est-ce que tout cela, Jovinus ?"<br />

"C'est une maison, monsieur. Il nous restait un peu <strong>de</strong> pierres après avoir reconstruit les portes et nous<br />

étions d'humeur à construire, alors nous avons décidé <strong>de</strong> continuer."<br />

<strong>Maximus</strong>, sur le pas <strong>de</strong> la porte, fixait l'intérieur <strong>de</strong> la maison. "Une maison ?" dit-il, abasourdi.<br />

"Votre maison, général. Entrez, entrez !" Jovinus tira sur son bras avec enthousiasme. "C'est simple mais<br />

très confortable, vous allez voir."<br />

L'ingénieur poussa <strong>Maximus</strong> dans l'atrium ombragé et les soldats se rassemblèrent autour <strong>de</strong> la porte<br />

<strong>de</strong>rrière eux, tendant le cou pour voir la réaction du général à leur travail.<br />

Il se tenait juste après la porte et les mots lui manquaient. Hercule s'assit à côté <strong>de</strong> lui, sa longue queue<br />

balayant le sol.<br />

Jovinus n'était pas découragé par le silence <strong>de</strong> son général. "Elle a toutes les caractéristiques d'une bonne<br />

maison romaine, monsieur, même une cour ­ mais à une échelle plus petite, comme vous pouvez voir.<br />

Pourquoi ne jetez-vous pas un coup d'il."<br />

<strong>Maximus</strong> fit un pas dans l'espace ensoleillé et s'accroupit pour examiner les fleurs qui avaient été<br />

soigneusement plantées là ­ les même délicates fleurs sauvages qu'il avait admiré le long <strong>de</strong> la route. Un<br />

banc en pierre joliment sculpté et une table avaient été placés pour attraper les rayons du soleil et se<br />

reflétaient dans une petite pièce d'eau qui servait à collecter l'eau <strong>de</strong> pluie.<br />

<strong>Maximus</strong> saisit une fleur entre ses doigts, s'autorisant à maîtriser ses émotions avant <strong>de</strong> faire face à<br />

Jovinus. Quand il se releva, ses yeux étaient secs mais sa voix rauque trahit ses émotions.<br />

"Vous avez fait cela ?"<br />

"Je l'ai <strong>de</strong>ssiné, monsieur, mais les hommes là-bas ­ ils l'ont construit." Il montra l'entrée où les soldats<br />

bloquaient complètement la lumière dans leur volonté <strong>de</strong> voir et entendre la réponse <strong>de</strong> leur général.<br />

<strong>Maximus</strong> avala sa salive avec difficulté avant <strong>de</strong> leur faire face et <strong>de</strong> dire doucement "Je suis comblé.<br />

Absolument comblé."<br />

Jovinus leva ses <strong>de</strong>ux pouces pour les soldats et ils rirent et se tapèrent sur le dos pour se féliciter.<br />

<strong>Maximus</strong> commença à se diriger vers les légionnaires mais Jovinus lui saisit à nouveau le bras. "Nous<br />

n'avons pas encore fini, monsieur. Touchez le sol <strong>de</strong> l'atrium."<br />

"Le sol ?"<br />

"Oui. Touchez le."<br />

<strong>Maximus</strong> s'agenouilla et posa la main sur le sol <strong>de</strong> mosaïque. "C'est chaud !" s'exclama-t-il en regardant<br />

Jovinus.<br />

"C'est chauffé, monsieur. Toutes les pièces principales le sont ­ en <strong>sous</strong>-sol. Vous voyez, il y a un four<br />

<strong>sous</strong> votre chambre, monsieur, et <strong>de</strong>s espaces vi<strong>de</strong>s <strong>sous</strong> le sol qui répan<strong>de</strong>nt la chaleur dans toute la<br />

maison. Vous n'aurez plus jamais froid, monsieur. C'est juste dommage que nous n'ayons pas fait ça cet<br />

automne pour que vous puissiez en profiter tout l'hiver. Vous n'aurez pas besoin <strong>de</strong> bassines chauffantes<br />

pour votre lit à présent, monsieur. Suivez-moi, je vais vous montrer comment ça fonctionne."<br />

"Ne bouge pas," ordonna <strong>Maximus</strong> car Hercule semblait vouloir <strong>de</strong>scendre les escaliers escarpés avec<br />

eux.<br />

Jovinus rayonnait positivement en montrant son travail. "Les sols sont posés sur <strong>de</strong>s piliers en pierre vous<br />

voyez, monsieur ?" <strong>de</strong>manda Jovinus qui tenait une torche bien haut pour que <strong>Maximus</strong> puisse voir. "Le<br />

four est ici et marche au bois. Nous avons un sacré approvisionnement en bois dans ce coin, monsieur.<br />

Les sols se réchaufferont lentement mais une fois qu'ils seront chauds, ils le resteront pour longtemps." Il<br />

vit les gouttes <strong>de</strong> sueur se former sur le front <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. "Désolé, monsieur. Je sais qu'il fait très chaud<br />

là en bas, mais nous n'allons pas rester longtemps. Vous pouvez voir que la chaleur et les gaz du feu vont<br />

<strong>sous</strong> les sols et ensuite passent dans <strong>de</strong>s tuyaux en tuile dans les murs avant <strong>de</strong> s'échapper <strong>sous</strong> l'avanttoit.<br />

C'est un système appelé hypocauste et seules les plus belles maisons en sont équipées. Nous le<br />

mettrons en route pour vous les fins d'après-midi, monsieur, pour que la maison doit chau<strong>de</strong> la nuit, puis<br />

nous laisserons refroidir le matin pour éviter que vous ne rôtissiez la journée. Par ici, monsieur."<br />

La chaleur était oppressante et <strong>Maximus</strong> suivit rapi<strong>de</strong>ment l'ingénieur à l'étage supérieur, essuyant la<br />

sueur dans ses yeux avec sa manche.<br />

"Laissez-moi vous montrer votre chambre maintenant, monsieur. Il y en a une pour vous et une autre pour<br />

un invité, comme l'empereur, et Cicéro en a une petite pour qu'il puisse être tout près.<br />

Ils retournèrent dans la cour puis allèrent dans un couloir à colonnes à l'extérieur avant <strong>de</strong> passer une<br />

lour<strong>de</strong> porte en bois pour entrer dans la chambre. Jovinus ferma la porte <strong>de</strong>rrière eux pour montrer que la<br />

lumière pouvait entrer dans la pièce par une série <strong>de</strong> fenêtres grillagées en haut du mur. A la nuit, <strong>de</strong>s<br />

volets pouvaient être fermés pour gar<strong>de</strong>r la chaleur ou bien laissés ouverts pour la laisser s'échapper.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda autour <strong>de</strong> lui. La pièce était beaucoup plus gran<strong>de</strong> que toute sa tente ne l'avait été mais<br />

son lit, son divan, ses coffres, son bureau, ses sièges, son placard et les tapis avaient été mis là et<br />

soigneusement arrangés <strong>de</strong> la même façon qu'ils l'avaient été dans la tente.<br />

Tout cela grâce à Cicéro, sans aucun doute, qui était entrain <strong>de</strong> ranger <strong>de</strong>s draps dans le placard, le dos<br />

tourné aux visiteurs.<br />

"Cicéro, savais-tu que j'allais avoir une maison ?"<br />

"C'est bon que vous soyez <strong>de</strong> retour, monsieur. Non, je ne savais pas. Pas jusqu'à ce qu'ils viennent<br />

enlever la tente. J'ai eu très peu <strong>de</strong> temps pour réunir vos affaires et les sortir <strong>de</strong> là." Il jeta un regard<br />

moqueur à Jovinus qui l'ignora.<br />

124


"Je suis désolé pour le dérangement, Cicéro," dit <strong>Maximus</strong> "mais apparemment, tu vas aussi profiter <strong>de</strong>s<br />

sols chauffés."<br />

"Oui, c'est bien, mais ne vous atten<strong>de</strong>z pas à ce qu'Hercule dorme encore au pied <strong>de</strong> votre lit. Nous avons<br />

essayé la maison la nuit <strong>de</strong>rnière et je l'ai mis dans votre chambre pour qu'il s'y habitue. Au milieu <strong>de</strong> la<br />

nuit, je l'ai entendu gémir et gratter à la porte. Je l'ai fait sortir et il s'est dirigé tout droit dans la cour où il<br />

s'est jeté dans le bassin et l'a presque entièrement bu. Il a fini la nuit <strong>de</strong>hors."<br />

<strong>Maximus</strong> regarda le chien et remarqua qu'il avait déjà la langue pendante alors il le laissa sortir.<br />

<strong>Maximus</strong> haussa les épaules. "Il n'est pas habitué à tant <strong>de</strong> luxe, Jovinus." Il eut l'air embarrassé.<br />

"Franchement, je vais peut-être être un peu gêné en sachant que mes hommes sont gelés dans leur<br />

tentes alors que j'ai bien chaud ici. Un peu coupable, vous comprenez."<br />

"Monsieur, vous n'êtes pas un soldat ordinaire et vous ne <strong>de</strong>vriez pas être traité comme l'un d'entre eux.<br />

Soyez sûr que les officiers et les soldats ont débattu pour savoir si il fallait faire cette maison ou non et la<br />

réponse a été un "oui" retentissant. Les hommes qui l'ont construit l'ont fait volontairement sur leur temps<br />

libre tout comme celui qui l'a décorée."<br />

<strong>Maximus</strong> suivit du regard le doigt pointé <strong>de</strong> Jovinus et vit un magnifique aigle d'or avec les ailes déployées<br />

peint au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la porte <strong>de</strong> sa chambre.<br />

"Un jeune garçon appelé Polybius l'a fait," expliqua Jovinus. "Il a écrasé tous les pigments lui-même et il<br />

est extrêmement fier <strong>de</strong> ce qu'il a fait. Il a peint cet aigle quand les murs étaient encore humi<strong>de</strong>s alors ça<br />

<strong>de</strong>vrait tenir très longtemps. Il peindra le reste <strong>de</strong>s murs en plâtre pour vous quand vous déci<strong>de</strong>rez <strong>de</strong> ce<br />

que vous voulez <strong>de</strong>ssus, monsieur."<br />

Jovinus n'en avait cependant pas fini avec les surprises. Il ouvrit une autre porte dans la chambre et<br />

proclama fièrement "Et voici votre bain privé. Egalement chauffé."<br />

"Je ne sais pas comment vous remercier, Jovinus."<br />

"L'expression <strong>de</strong> votre visage la première fois que vous avez vu cette maison est tout le remerciement dont<br />

j'avais besoin, monsieur. J'espère que vous passerez <strong>de</strong>s moments calmes et reposants dans votre<br />

nouvelle maison-loin-<strong>de</strong>-la-maison."<br />

<strong>Maximus</strong> fit lentement le tour <strong>de</strong> la pièce et se tourna vers Jovinus et Cicéro avec une lueur dans les yeux.<br />

"Pourquoi ne faisons-nous pas un peu plus que chauffer les sols <strong>de</strong> cet endroit ? Jovinus, allez dire aux<br />

cuisiniers <strong>de</strong> préparer un festin et faisons une fête. Tous les hommes sont invités ­ bien que j'espère qu'ils<br />

ne viendront pas tous en même temps. Je ne vois pas d'autre façon <strong>de</strong> les remercier."<br />

Jovinus était enthousiaste. "C'est une idée merveilleuse, monsieur. Les hommes qui ont construit la<br />

maison aimeraient la montrer aux autres."<br />

"Vous me présenterez à ces hommes parce que je veux les remercier personnellement."<br />

"Bien sûr, monsieur", s'exclama un Jovinus exalté en se dirigeant vers les cuisines du camp.<br />

<strong>Maximus</strong> lui cria "Et dites aux cuisiniers <strong>de</strong> ne pas lésiner sur le vin !"<br />

Il s'assit ensuite sur son lit et siffla pour appeler Hercule. Quelques instants après, le gros chien passait la<br />

tête à l'encadrement <strong>de</strong> la porte mais semblait réticent à entrer dans la pièce.<br />

"Hercule, viens ici." <strong>Maximus</strong> montra un espace entre ses pieds et le chien mit sa queue entre ses jambes<br />

et trottina vers lui.<br />

<strong>Maximus</strong> sourit et gratta <strong>de</strong>rrière les oreilles du chien en s'adressant à Cicéro sur un ton accusateur. "Tu<br />

l'as laissé grossir."<br />

"Quoi ! Moi !" bégaya le serviteur. "Je vais vous dire, monsieur : ce chien est <strong>de</strong>venu obèse tout seul."<br />

<strong>Maximus</strong> leva les sourcils, attendant une explication.<br />

"Sa patte était guérie <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s semaines mais tous les jours, il allait <strong>de</strong> tente en tente pour avoir du<br />

réconfort et <strong>de</strong> la nourriture. Je l'ai observé un jour et savez-vous ce qu'il a fait ? Il marchait tout à fait<br />

normalement jusqu'à ce qu'il s'approche <strong>de</strong> l'entrée <strong>de</strong> la tente, puis il a commencé à boiter et à gémir.<br />

Quand les soldats sont sortis <strong>de</strong>hors, ils ont été aux petits soins pour le pauvre chien blessé et lui ont<br />

donné à manger. Il est allé <strong>de</strong> tente en tente en faisant la même chose. Quand je leur ai dit <strong>de</strong> ne pas<br />

nourrir le chien, ils ont répondu que j'étais mesquin !"<br />

<strong>Maximus</strong> rit et saisit Hercule par le menton mais le chien refusa <strong>de</strong> le regar<strong>de</strong>r. "Tes rations sont réduites à<br />

partir <strong>de</strong> maintenant, Hercule, et les tentes <strong>de</strong> soldats te sont interdites."<br />

Il ébouriffa la fourrure du chien puis le laisser retourner vers <strong>de</strong>s endroits plus frais.<br />

"As-tu mon courrier, Cicéro ?"<br />

"Oui, monsieur. Il n'y en a pas beaucoup cette fois."<br />

Cicéro remit <strong>de</strong>ux lettres à <strong>Maximus</strong>.<br />

"J'ai dit à Olivia que je ne serais pas ici" <strong>Maximus</strong> fronça les sourcils en inspectant une lettre d'Espagne<br />

qui n'était pas <strong>de</strong> l'écriture <strong>de</strong> sa femme. " pour recevoir mon courrier."<br />

Cicéro se détourna et se dirigea vers la sortie. "Pendant que vous faites ça, je vais juste"<br />

Mais <strong>Maximus</strong> n'entendit pas les <strong>de</strong>rniers mots <strong>de</strong> Cicéro parce qu'il parcourait la lettre <strong>de</strong> son beau-frère,<br />

Titus. Il se laissa tomber lentement sur le lit, ses jambes comme du liqui<strong>de</strong> et ses mains tremblant si fort<br />

qu'il arrivait à peine à déchiffrer les mots.<br />

Environ une heure plus tard, Cicéro frappa à la porte <strong>de</strong> la chambre <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. N'entendant aucune<br />

réponse, il la poussa <strong>de</strong> l'épaule, les bras chargés <strong>de</strong> draps qui <strong>de</strong>vaient être rangés dans l'armoire.<br />

Après avoir allumé quelques bougies, il fredonna en travaillant, rangeant les vêtements <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> en<br />

piles selon leur ordre d'utilisation.<br />

Ayant fini, il se retourna et sursauta violemment, sa main venant se poser sur son cur.<br />

125


<strong>Maximus</strong> était bien là, assis au même endroit où Cicéro l'avait laissé, son visage dans ses mains, son<br />

corps se balançant lentement d'avant en arrière.<br />

"<strong>Maximus</strong> ?" dit doucement Cicéro, craignant <strong>de</strong> le faire sursauter.<br />

Le balancement continua. Le sol aux pieds <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était jonché d'un tas <strong>de</strong> papyrus. "<strong>Maximus</strong>, êtesvous<br />

mala<strong>de</strong> ?"<br />

<strong>Maximus</strong> commença à hocher la tête puis finit par la secouer négativement, son visage toujours caché par<br />

ses mains.<br />

Cicéro se dirigea rapi<strong>de</strong>ment vers la porte. "Je vais chercher un chirurgien."<br />

"Non NON !" implora <strong>Maximus</strong>, faisant se retourner Cicéro qui s'approcha lentement <strong>de</strong> lui. Il eut le souffle<br />

coupé quand <strong>Maximus</strong> leva finalement la tête ­ ses joues marbrées et ses yeux rouges et gonflés<br />

indiquaient clairement qu'il avait pleuré.<br />

<strong>Maximus</strong> inspira profondément et murmura "Mon bébé est mort. Cicéro, ma fille est morte."<br />

Chapitre 68 : Deuil<br />

Marcianus étais assis sur un siège avec <strong>de</strong>s lanières en cuir et regardait <strong>Maximus</strong> marcher <strong>de</strong> long en<br />

large, essayant d'offrir le peu <strong>de</strong> réconfort qu'il pouvait.<br />

"Pourquoi, Marcianus ? Pourquoi est-ce arrivé ? Pourquoi ne pouvait-elle pas vivre ?"<br />

"<strong>Maximus</strong>, les lettres disent que votre fille est née bien <strong>de</strong>s semaines avant son terme"<br />

"Mais Titus a dit qu'elle avait l'air parfait, qu'elle n'avait pas <strong>de</strong> défauts."<br />

"A l'extérieur peut être, mais ses petits poumons n'étaient peut être pas complètement développés, ou bien<br />

son cur. Sa lettre dit qu'elle a vécu pendant quelques heures mais qu'elle n'était pas assez forte pour<br />

survivre toute seule hors <strong>de</strong> l'utérus."<br />

"Mais pourquoi est-elle née trop tôt ?" <strong>Maximus</strong> frappa son bureau <strong>de</strong> son poing dans un mélange <strong>de</strong><br />

douleur, <strong>de</strong> frustration et <strong>de</strong> colère.<br />

"Je ne sais pas. J'ai bien peur que cela se produise souvent. <strong>Maximus</strong>, vous et Olivia <strong>de</strong>vez comprendre<br />

que ça n'est la faute <strong>de</strong> personne. C'est juste arrivé comme ça."<br />

<strong>Maximus</strong> saisit une page <strong>de</strong> papyrus et la poussa vers son ami mais les yeux <strong>de</strong> Marcianus ne quittèrent<br />

jamais le visage marqué du général.<br />

"La secon<strong>de</strong> lettre est d'Olivia. Elle l'a écrite quelques jours après la mort <strong>de</strong> notre fille. Elle se rend<br />

responsable <strong>de</strong> ce qui s'est passé, Marcianus. Elle pense qu'elle a fait quelque chose qui a déclenché la<br />

naissance prématurée. Elle dit qu'elle pense qu'elle m'a trahi. Regar<strong>de</strong>z regar<strong>de</strong>z les traces <strong>de</strong> larmes<br />

<strong>de</strong>ssus."<br />

"Alors vous <strong>de</strong>vez lui écrire une lettre tout <strong>de</strong> suite pour lui assurer que ça n'est pas vrai."<br />

"Bien sûr que ça n'est pas vrai," gémit <strong>Maximus</strong>, "mais elle se sent coupable <strong>de</strong> toute façon. Et mon fils ne<br />

peut pas comprendre ce qui est arrivé à sa petite sur."<br />

"C'est difficile pour chacun <strong>de</strong> comprendre, et encore plus pour un enfant. Je sais que ça ne va pas vous<br />

ai<strong>de</strong>r beaucoup, <strong>Maximus</strong>, mais j'ai perdu <strong>de</strong>ux enfants, <strong>de</strong>ux garçons. Quand cela se produit, on a<br />

l'impression que le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>vrait s'arrêter, mais ça n'arrive pas. Le soleil continue <strong>de</strong> se lever. On<br />

continue à vivre."<br />

<strong>Maximus</strong> arrêta <strong>de</strong> marcher et regarda son ami. "Je suis vraiment désolé, Marcianus. Comment sont-ils<br />

morts ?"<br />

"Le premier était mort-né et le second était un peu dans la même situation que votre fille, mais il a vécu<br />

pendant quelques mois."<br />

"Etiez-vous là quand s'est arrivé ?"<br />

"Oui, les <strong>de</strong>ux fois. Je suis un chirurgien et pourtant, je n'ai pas pu les sauver. Vous n'auriez pas non plus<br />

pu sauver votre fille. Ne vous tourmentez pas."<br />

"Mon beau-père n'a même pas eu le temps <strong>de</strong> déclarer que Maxima était ma fille, tout est arrivé si vite.<br />

J'aurais pu au moins faire cela si j'avais été là. Elle est morte sans être reconnue comme étant ma fille."<br />

"C'est juste une formalité, <strong>Maximus</strong>."<br />

Marcianus connaissait <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong>puis que ce <strong>de</strong>rnier était adolescent et il sentait la peine <strong>de</strong> la perte <strong>de</strong><br />

l'enfant dans son propre cur.<br />

"Maxima. Qui lui a donné ce nom ?"<br />

"Olivia. Elle ne voulait pas que notre bébé meurt sans un nom. Elle est enterrée à l'un <strong>de</strong> mes endroits<br />

préférés <strong>de</strong> la ferme. Sous un arbre Un immense peuplier juste après l'entrée."<br />

"<strong>Maximus</strong>, quand un bébé meurt, c'est généralement pour une raison. Si elle avait vécu, elle aurait peut<br />

être souffert et vous n'auriez pas souhaité cela."<br />

Marcianus se leva et saisit <strong>Maximus</strong> par les épaules pour le forcer à rester immobile pendant un instant.<br />

"Pourquoi n'allez-vous pas rejoindre Olivia ? Vous avez besoin l'un <strong>de</strong> l'autre en ce moment."<br />

"Je ne peux pas, Marcianus."<br />

"Pourquoi pas ?"<br />

"L'empereur a interdit toutes les permissions."<br />

"Il fera une exception pour vous."<br />

"Trop d'exceptions ont déjà été faites pour moi. Avez-vous remarqué quelque d'autre ici avec sa propre<br />

maison ? Non. Non, je ne partirai pas."<br />

"Je pourrais vous donner une permission pour raisons médicales."<br />

"Non, Marcianus." <strong>Maximus</strong> se libéra <strong>de</strong> l'emprise du chirurgien. "J'apprécie votre inquiétu<strong>de</strong> mais je vais<br />

aller bien et Olivia aussi. Je ne peux pas partir maintenant. Peut être en automne quand les choses se<br />

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calmeront à nouveau." <strong>Maximus</strong> regarda la porte fermée <strong>de</strong> sa chambre et soupira lour<strong>de</strong>ment. "Les<br />

hommes savent-ils ?"<br />

"Oui. Quand la fête a été annulée, ils se sont <strong>de</strong>mandé pourquoi et nous avons pensé qu'il était mieux <strong>de</strong><br />

le leur dire. Ils ne savent pas tous les détails. <strong>Maximus</strong>, laissez-moi vous donner un conseil basé sur<br />

l'expérience. Prenez le temps <strong>de</strong> faire votre <strong>de</strong>uil et n'essayez pas <strong>de</strong> vous forcer à oublier la perte <strong>de</strong><br />

votre enfant trop tôt."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête. "Ils ne comprendront pas, n'est-ce pas ?"<br />

"Qui ?"<br />

"Mes hommes. Ils ne comprendront pas pourquoi je suis si bouleversé par la perte d'une petite fille."<br />

"Peut être pas. Peu d'hommes peuvent s'offrir le luxe d'avoir <strong>de</strong>s filles."<br />

"Comprenez-vous ?"<br />

"Oui. Rien ne la remplacera, <strong>Maximus</strong>, mais vous être jeune et vous aurez d'autres enfants <strong>de</strong>s fils et <strong>de</strong>s<br />

filles en bonne santé et ils vous donneront <strong>de</strong>s douzaines <strong>de</strong> petits-enfants et vous mourrez très, très vieux<br />

entouré par <strong>de</strong>s générations d'êtres aimés."<br />

Un sourire apparut brièvement sur le visage <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> avant <strong>de</strong> se dissiper, à nouveau remplacé par <strong>de</strong><br />

la tristesse teintée d'espoir. "Vous pensez ?"<br />

"Bien sûr. Je vais partir maintenant et vous laisser du temps pour être seul, et je vais dire à tout les autres<br />

<strong>de</strong> vous laisser tranquille jusqu'à ce que vous souhaitiez rechercher leur compagnie. Laissez-moi vous<br />

mettre en gar<strong>de</strong>, cependant : si je ne vous vois pas dans quelques jours, je viens ici vous chercher. Vous<br />

pouvez faire votre <strong>de</strong>uil sans vous isoler comme vous avez tendance à le faire."<br />

Les yeux <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> s'agrandirent momentanément, puis il fronça les sourcils. "Vous êtes la <strong>de</strong>uxième<br />

personne qui me dit cela."<br />

"C'est vrai."<br />

<strong>Maximus</strong> fit un geste <strong>de</strong> futilité avec ses mains. "Je ne le fais pas exprès."<br />

"Je sais. C'est juste le genre d'homme que vous êtes. Mais parfois, vous pensez trop."<br />

Marcianus sourit avec chaleur puis se dirigea vers la porte, ses yeux attirés par l'aigle doré au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong><br />

l'encadrement. "Veille sur ton général cette nuit", dit-il silencieusement au symbole <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong>ur et du<br />

pouvoir <strong>de</strong> Rome, avant <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r à nouveau <strong>Maximus</strong>. "Voulez-vous que je laisse entrer Hercule ?"<br />

<strong>Maximus</strong> se baissa et toucha le sol. "Pas la peine. C'est chaud alors il ne restera pas."<br />

"Vous savez où je me suis si vous avez besoin <strong>de</strong> quoi que ce soit. Bonne nuit, <strong>Maximus</strong>."<br />

"Merci, Marcianus."<br />

<strong>Maximus</strong> resta immobile pendant un moment avant d'aller finalement à son bureau où il réunit <strong>de</strong> l'encre et<br />

du papyrus. Comment son mon<strong>de</strong> pouvait-il sembler si vi<strong>de</strong> après avoir perdu un enfant qu'il n'avait jamais<br />

vu ? Et comment trouverait-il jamais les mots pour exprimer sa douleur à sa femme et lui offrir du réconfort<br />

en même temps ?<br />

Des griffes grattèrent à l'extérieur <strong>de</strong> la porte. <strong>Maximus</strong> l'ouvrit pour trouver Hercule assis, le regardant<br />

avec <strong>de</strong>s yeux bruns lumineux.<br />

"Tu veux entrer ? Je te préviens, il fait chaud là <strong>de</strong>dans."<br />

Hercule entra dans la pièce avec une dignité tranquille, ses griffes cliquetant sur le sol, puis il avança plus<br />

silencieusement lorsqu'il marcha sur le tapis en laine colorée à côté du bureau <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

Quand <strong>Maximus</strong> s'assit pour écrire, le gros chien posa sa tête sur le genoux <strong>de</strong> son maître, ne bougeant<br />

pas un muscle durant les heures qu'il fallut à <strong>Maximus</strong> pour écrire les mots les plus difficiles qu'il n'avait<br />

jamais eu à écrire.<br />

Chapitre 69 - Le retour <strong>de</strong> Quintus<br />

<strong>Maximus</strong> était monté sur Argento sur la colline directement au-<strong>de</strong>ssus du camp et il fixait la forêt <strong>de</strong> l'autre<br />

côté du Danube. Après avoir tiré plusieurs fois sur ses rênes, l'étalon obtint finalement le privilège <strong>de</strong><br />

baisser sa tête et <strong>de</strong> brouter les racines <strong>de</strong> nouvelles touffes d'herbe succulente. Des papillons jaunes<br />

voletaient autour <strong>de</strong>s naseaux du cheval et il hennit plusieurs fois pour les chasser, secouant<br />

occasionnellement sa crinière pour décourager les mouches piquantes du printemps qui bourdonnaient à<br />

ses oreilles.<br />

Un énorme bourdon vola lentement vers <strong>Maximus</strong> et il le regarda s'approcher, hypnotisé par le vol<br />

gracieux d'un insecte aussi gauche, jusqu'à ce qu'il soit si près que les yeux <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> se croisent en<br />

essayant <strong>de</strong> le suivre; et qu'il le chasse <strong>de</strong> son chemin. Le bourdon plongea ensuite vers une fleur jaune<br />

qui se balançait doucement au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la tête d'Hercule alors qu'il était allongé dans l'herbe. Les<br />

mâchoires du chien claquèrent sur le bourdon, manquant heureusement l'insecte qui s'en alla flâner<br />

ailleurs, laissant Hercule retourner à sa position originelle. Ses sourcils bougèrent quand il repéra <strong>de</strong>s<br />

terriers nouvellement creusés dans la terre et il attendit patiemment <strong>de</strong> pouvoir bondir sur quelque jeune<br />

lapin assez infortuné pour montrer sa tête.<br />

<strong>Maximus</strong> agita distraitement une main <strong>de</strong>vant son visage pour chasser les moustiques et les mouches<br />

noires qui cherchaient une proie plus facile que le cheval. Il se frappa le cou quand un moustique trouva la<br />

peau sensible <strong>de</strong>rrière son oreille. <strong>Maximus</strong> gratta l'endroit irrité puis passa sa main sur son cou chauffé<br />

par le soleil, résigné à accepter les inconvénients du printemps ainsi que ses plaisirs.<br />

L'homme sur le cheval avait l'air totalement détendu, même somnolent, mais ses yeux et son esprit étaient<br />

concentrés sur la forêt épaisse <strong>de</strong> l'autre côté du fleuve, où les feuilles rendaient à présent impossible <strong>de</strong><br />

détecter tout mouvement parmi les arbres. Jusqu'ici, tout était calme mais ses éclaireurs lui avaient dit que<br />

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les tribus les plus puissantes ­ les Marcomanni et les Quadi ­ tenaient <strong>de</strong>s réunions importantes et<br />

pouvaient avoir formé une alliance. Ca n'était pas une bonne nouvelle.<br />

"Je pensais bien te trouver ici."<br />

<strong>Maximus</strong> se tourna dans sa selle pour faire face à la voix familière.<br />

"Tu étais entrain <strong>de</strong> dormir <strong>sous</strong> le soleil, hein ? Les barbares adoreraient te trouver comme ça. C'est une<br />

bonne chose que tes gar<strong>de</strong>s surveillent à ta place". Quintus sourit en approchant son cheval <strong>de</strong> celui <strong>de</strong><br />

son général.<br />

<strong>Maximus</strong> saisit la main <strong>de</strong> son légat. "Quintus, c'est merveilleux que tu sois <strong>de</strong> retour. Comment vas-tu,<br />

mon ami ?"<br />

"Très bien, et heureux d'être <strong>de</strong> retour." Il jeta un il au fleuve. "C'est bien <strong>de</strong> voir que tout est calme."<br />

"J'ai bien peur que ça ne dure pas longtemps. Viens, allons nous asseoir à l'ombre. Je veux tout savoir sur<br />

ton voyage."<br />

<strong>Maximus</strong> mit pied à terre et se dirigea vers plusieurs rochers qui sortaient du flanc <strong>de</strong> la colline à côté d'un<br />

bosquet <strong>de</strong> jeunes chênes.<br />

"Tu as l'air d'aller bien."<br />

"Je vais bien," répondit Quintus en s'installant au milieu <strong>de</strong>s boutons-d'or, son dos contre un bloc <strong>de</strong> pierre.<br />

Il cueillit un brin d'herbe et mâchonna l'extrémité juteuse. <strong>Maximus</strong> s'assit à côté <strong>de</strong> lui sur un rocher plat,<br />

un genoux relevé pour soutenir son avant-bras droit, alors qu'Hercule continuait à tenter sa chance avec<br />

les terriers <strong>de</strong>s lapins.<br />

"Des nouvelles <strong>de</strong> Rome ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong> quand Quintus <strong>de</strong>meura silencieux.<br />

"Rien <strong>de</strong> politiquement excitant. Calpurnius Piso et Salvius Julianus ont été élus consuls peu avant que je<br />

ne parte. La nouvelle la plus importante c'est que l'impératrice est morte il y a un mois."<br />

"Annia Galeria Faustina est morte ? Commo<strong>de</strong> avait mentionné qu'elle n'allait pas très bien."<br />

<strong>Maximus</strong> avait rencontré l'impératrice qu'une seule fois et elle ne l'avait pas particulièrement impressionné,<br />

mais elle avait été l'épouse <strong>de</strong> son empereur et il n'aimait pas penser que Marc-Aurèle était bouleversé.<br />

"L'empereur est-il là bas ?"<br />

"Toute la famille était là quand je suis parti et Rome était officiellement en <strong>de</strong>uil."<br />

"Les as-tu vu ?"<br />

"Non, mais mon père m'a dit que Commo<strong>de</strong> était extrêmement bouleversé et que Lucilla réconfortait son<br />

frère et son père."<br />

"Je pense que cela veut dire que nous n'allons pas voir Marc ici pendant un moment. Espérons que les<br />

Germains vont se tenir tranquilles." <strong>Maximus</strong> changea ensuite d'humeur avec une vitesse à laquelle<br />

Quintus était habitué et orienta la conversation sur <strong>de</strong>s sujets plus personnels. "Et pour toi ?" Il sourit.<br />

"Comment était ton séjour ?"<br />

"Bien."<br />

<strong>Maximus</strong> leva un sourcil. "Marié ?" s'enquit-il.<br />

"Comme ordonné."<br />

"Quoi ?!" <strong>Maximus</strong> éclata <strong>de</strong> rire et Hercule arrêta momentanément sa chasse, ses oreilles attentives à la<br />

voix <strong>de</strong> son maître. "Quintus, tu es vraiment un soldat obéissant." Il donna un coup <strong>de</strong> cou<strong>de</strong> dans l'épaule<br />

<strong>de</strong> son compagnon. "Quel est son nom ?"<br />

"Antonia."<br />

"Antonia," répéta <strong>Maximus</strong>. "Où l'as-tu rencontrée ?"<br />

"A notre mariage."<br />

"Hum, un mariage arrangé. Quel romantisme."<br />

Quintus haussa les épaules. "Tu es celui qui aime la famille. Alors dis-moi, qu'est-ce que c'est, cette fois ?<br />

Un autre fils ?"<br />

<strong>Maximus</strong> tourna son visage et fixa les sommets au loin. "Une fille."<br />

Surpris par l'expression sérieuse <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, Quintus <strong>de</strong>manda "Cela te déplaît ?"<br />

"Elle est morte peu après sa naissance."<br />

Peu accoutumé à la sensiblerie, Quintus chercha ses mots pour exprimer sa sympathie. "Je suis désolé,"<br />

fut tout ce qu'il trouva.<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête.<br />

Ils restèrent silencieux pendant un moment, Quintus assez mal à l'aise. "J'ai entendu que cela se produit<br />

beaucoup les bébés qui meurent. Ca Ca n'est pas comme si tu l'avais vraiment vue"<br />

"Je l'ai vue, Quintus, dans mon esprit. Elle était exactement comme sa mère. Belle avec <strong>de</strong>s boucles<br />

noires et la peau claire. Elle avait un sourire doux et la voix comme une clochette."<br />

"Ne ressasse pas tout cela, <strong>Maximus</strong>. Ca ne <strong>de</strong>vait pas arriver."<br />

"Tu sais, Quintus, beaucoup <strong>de</strong> personnes m'ont dit cela ces <strong>de</strong>rniers temps et j'y ai beaucoup pensé,<br />

mais je ne comprends pas ceci : si je ne <strong>de</strong>vais pas avoir une fille alors pourquoi a-t-elle été conçue pour<br />

commencer ?"<br />

"Peut être <strong>de</strong>vais-tu perdre une fille."<br />

"Et pourquoi cela ?" le défia <strong>Maximus</strong>.<br />

"Peut être que cela fait <strong>de</strong> toi un homme plus fort. Peut être pour te faire apprécier d'avantage la vie.<br />

<strong>Maximus</strong>" La voix <strong>de</strong> Quintus était un peu exaspérée "tu poses trop <strong>de</strong> questions."<br />

Silence.<br />

Quintus jeta un il à la mâchoire serrée <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et chercha un moyen <strong>de</strong> rendre la conversation plus<br />

légère.<br />

128


"J'ai vu ta nouvelle maison. Tu te ramolli ? Des sols chauffés, une salle <strong>de</strong> bain bientôt tu auras l'air aussi<br />

rond que Jovinus, tu seras trop gâté."<br />

Les lèvres <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> tressautèrent. "Jaloux ?"<br />

"Complètement."<br />

"Et bien, les nuits froi<strong>de</strong>s et venteuses, tu pourras te joindre à moi pour une partie d'échecs avant <strong>de</strong><br />

retourner dans ta tente noire et glacée pour la nuit."<br />

"Tu est trop gentil."<br />

"Je dois admettre que je ne me suis jamais senti aussi en sécurité dans un camp. Même si les barbares<br />

franchissent la porte, ils auront beaucoup <strong>de</strong> mal à arriver jusqu'à moi, bien à l'abri dans ma propre petite<br />

forteresse."<br />

Cela donna à Quintus l'opportunité <strong>de</strong> faire revenir la conversation sur le travail. "Tu as dit que tu<br />

t'attendais bientôt à <strong>de</strong>s problèmes avec les tribus ?"<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête. "C'est trop calme. Il n'y a pas eu <strong>de</strong> signes <strong>de</strong> troubles <strong>de</strong> chaque côté du fleuve et<br />

tu sais combien c'est inhabituel à cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'année. Nos éclaireurs craignent que les tribus<br />

principales soient en train <strong>de</strong> former une alliance et ça pourrait vouloir dire <strong>de</strong> gros ennuis pour nous<br />

quand ils aurons trouvé un moyen <strong>de</strong> faire fonctionner l'association."<br />

"Alors ils doivent maintenir les hommes en état <strong>de</strong> combattre. Des entraînements tous les jours."<br />

Quintus était soulagé que la conversation ne soit plus personnelle. Ils étaient soldats. Les soldats ne<br />

s'attardaient pas sur les problèmes personnels.<br />

"Oui. L'autosatisfaction est un autre <strong>de</strong> nos ennemis."<br />

"Voudrais-tu que je m'en occupe ?"<br />

<strong>Maximus</strong> hocha à nouveau la tête. "Maintenant que tu es là, je me sens plus libre pour voyager le long <strong>de</strong><br />

la route du fleuve et <strong>de</strong> visiter les forts et les camps pour m'assurer que toutes les légions sont aussi<br />

prêtes que les nôtres."<br />

Quintus était content <strong>de</strong> se voir donner la responsabilité <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>r la légion une fois <strong>de</strong> plus. Cette<br />

fois, il ne ferait aucune erreur.<br />

Les <strong>de</strong>ux hommes se levèrent et montèrent à cheval. Ils continuèrent à discuter <strong>de</strong> leurs projets tout en<br />

retournant lentement au camp, Hercule en tête, courant pour effacer la frustration d'une journée<br />

infructueuse <strong>de</strong> chasse au lapin.<br />

Chapitre 70 : Colonia (1)<br />

Au début du mois <strong>de</strong> septembre, <strong>Maximus</strong> connaissait si bien la route du fleuve longue <strong>de</strong> 4000 kilomètres<br />

qu'il pensait qu'il aurait pu chevaucher en dormant ­ et il se <strong>de</strong>mandait si ça n'était pas parfois ce qu'il<br />

faisait. Cela faisait longtemps qu'il ne remarquait plus la beauté du paysage majestueux et qu'il regardait<br />

simplement droit <strong>de</strong>vant lui en chevauchant et en laissant son esprit vagabon<strong>de</strong>r et ses gar<strong>de</strong>s mener le<br />

groupe. C'était à présent le seul moment où il pouvait être seul avec ses pensées et il appréciait ces<br />

moments d'intimité où il n'avait pas à parler <strong>de</strong> stratégie militaire ou à prendre <strong>de</strong>s décisions impliquant les<br />

vies <strong>de</strong> milliers d'hommes. Le printemps s'était changé en été étouffant sans que <strong>Maximus</strong> ne le remarque<br />

vraiment, puis l'été était <strong>de</strong>venu l'automne avec le même manque d'attention <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

Après plus <strong>de</strong> trois mois <strong>de</strong> paix durant ce qui était habituellement la pério<strong>de</strong> la plus explosive <strong>de</strong> l'année, il<br />

<strong>de</strong>venait <strong>de</strong> plus en plus difficile <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r les esprits <strong>de</strong>s soldats sur leur travail quand ils ne voyaient pas<br />

<strong>de</strong> menace immédiate. Beaucoup pensaient que le temps passé sur les entraînements quotidiens aurait pu<br />

être utilisé d'une meilleure façon mais <strong>Maximus</strong> argumenta que la longue pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> paix était simplement<br />

entrain <strong>de</strong> préparer <strong>de</strong>s attaques encore plus violentes que d'ordinaire. Plus d'un homme du être<br />

sanctionné par son général pour insubordination, mais aucun à Felix III, heureusement, car Quintus<br />

réussissait très bien à gar<strong>de</strong>r les soldats concentrés sur leur tâche.<br />

<strong>Maximus</strong> avait très peu séjourné dans son propre camp ­ Vindobona était juste <strong>de</strong>venu un endroit où se<br />

reposer le long <strong>de</strong> sa route.<br />

<strong>Maximus</strong> pouvait sentir la fumée <strong>de</strong>s feux <strong>de</strong> cuisine dans le village près du camp et il fit pivoter sa tête<br />

pour soulager la rai<strong>de</strong>ur dans son cou et ses épaules. Son propre lit et ses affaires personnelles lui<br />

manquaient. Bien sûr, les petites figurines étaient toujours avec lui, mais il ne transportait rien d'autre <strong>de</strong> sa<br />

famille <strong>de</strong> peur que ça ne soit perdu ou endommagé. Les lettres et les <strong>de</strong>ssins d'Olivia étaient<br />

soigneusement rangés dans son coffre et il espérait que <strong>de</strong> nouveaux messages l'attendraient.<br />

Comme lui et ses gar<strong>de</strong>s passaient dans le village, il leva la main pour répondre à l'accueil amical <strong>de</strong>s<br />

habitants. Leur existence même dépendait du camp militaire et le général <strong>Maximus</strong> veillait à ce qu'ils<br />

soient bien payés pour leurs travaux et leurs produits.<br />

Les prostituées du village levèrent leurs jupes un peu plus haut quand il passa, et redressèrent le buste<br />

pour que leurs seins soient visibles à travers le tissu fin ­ mais <strong>Maximus</strong> les ignora, comme d'habitu<strong>de</strong>.<br />

Ces femmes avaient fait <strong>de</strong>s paris sur celle qui l'aurait la première, mais jusqu'à présent, personne n'avait<br />

gagné. Alors elles <strong>de</strong>vaient se rabattre sur les autres hommes et elles appelèrent les gar<strong>de</strong>s par leurs<br />

noms alors qu'ils passaient, à leur grand embarras <strong>de</strong>vant leur général.<br />

<strong>Maximus</strong> senti le stress quitter son corps lorsque les portes du camp se refermèrent <strong>de</strong>rrière lui et il mit<br />

pied à terre, donnant les rênes <strong>de</strong> Scarto à son ai<strong>de</strong>.<br />

Il répondit aux saluts <strong>de</strong> ses hommes mais ne perdit pas <strong>de</strong> temps à échanger <strong>de</strong>s plaisanteries en se<br />

dirigeant vers sa maison.<br />

Son pied avait à peine touché la première marche lorsqu'il hésita, cependant, son attention attirée par les<br />

portes du camp quand leur grincement indiqua qu'elles s'ouvraient à nouveau. Il se retourna et mit sa main<br />

129


au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> ses yeux pour observer plus clairement le cavalier échevelé qui galopait dans le camp à une<br />

vitesse inhabituellement frénétique, son cheval couvert d'écume essoufflé et cherchant sa respiration.<br />

L'homme se laissa glisser <strong>de</strong> l'animal affolé et saisit le premier soldat qui passait par les épaules, le<br />

secouant presque dans sa hâte <strong>de</strong> délivrer son message. <strong>Maximus</strong> regarda les yeux du soldat s'agrandir<br />

puis attendit sur la marche alors qu'il arrivait vers lui en courant.<br />

"Monsieur !"<br />

"Qu'y a-t-il, soldat ?"<br />

"Cet homme Il vient <strong>de</strong> Colonia. Il dit que le camp a été attaqué et que presque tout le mon<strong>de</strong> est mort."<br />

<strong>Maximus</strong> était méfiant. "C'est un soldat <strong>de</strong> Germanica II ?"<br />

"C'est ce qu'il dit, général. Il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à vous parler."<br />

"Donne-moi un peu <strong>de</strong> temps puis envoie-le moi ici. Fais attention à ce qu'il soit bien gardé. Nous ne<br />

savons pas vraiment qui il est."<br />

"Oui, monsieur."<br />

Mais <strong>Maximus</strong> n'avait même pas mis les pieds dans son atrium lorsqu'il entendit une voix affolée l'appeler<br />

<strong>de</strong>puis la porte. "Général ! Général ! Vous <strong>de</strong>vez venir vite ! Colonia. Colonia a été attaquée. !" La voix du<br />

messager se brisa par l'émotion. "Ils sont morts ils sont tous morts."<br />

Il fit un pas vers <strong>Maximus</strong> mais fut stoppé par les gar<strong>de</strong>s.<br />

"Où est Quintus ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong> au soldat.<br />

"Il est avec la patrouille, monsieur, à l'extérieur du camp."<br />

"Trouve-le et dit-lui que j'ai besoin <strong>de</strong> lui."<br />

"Oui, monsieur." <strong>Maximus</strong> commença à partir en courant. "Monsieur ?" ajouta le soldat.<br />

"Oui ?"<br />

"Soyez pru<strong>de</strong>nt, monsieur. Ca pourrait être un piège."<br />

Il baissa immédiatement les yeux, honteux d'avoir offert un conseil non sollicité à ce puissant général.<br />

"Merci, Claudius. Je serais pru<strong>de</strong>nt."<br />

<strong>Maximus</strong> le congédia avec un sourire puis se tourna vers son atrium ombré où son sourire disparût quand<br />

qu'il se frotta les yeux pour en éliminer la fatigue.<br />

"Quel est ton nom, soldat ?"<br />

"Paullus, général."<br />

"Paullus, es-tu un soldat <strong>de</strong> Germanica II, stationnée à Colonia ?"<br />

Le jeune homme acquiesça et leva ses yeux injectés <strong>de</strong> sang pour rencontrer le regard apaisant du<br />

général <strong>Maximus</strong>.<br />

"Je l'étais, monsieur. Il en reste peu. Massacrés. Tous massacrés."<br />

Il jeta un il aux <strong>de</strong>ux gar<strong>de</strong>s armés qui tenaient au gar<strong>de</strong> à vous à côté <strong>de</strong> sa chaise et son menton trembla<br />

avec l'émotion.<br />

"Quand l'attaque s'est-elle produite ?"<br />

"Il y a <strong>de</strong>ux semaines, monsieur. La nuit."<br />

"Qui a attaqué Colonia ?"<br />

"Les Marcomanni, monsieur. Il y en avait <strong>de</strong>s milliers ­ plus d'hommes qu'il y en avait dans toute notre<br />

légion ­ et ils ont attaqué la nuit pendant que nous dormions. Ils sont massacré <strong>de</strong>s hommes qui n'étaient<br />

pas armés" La phrase se termina par un sanglot étranglé.<br />

<strong>Maximus</strong> fit un signe <strong>de</strong> la tête à Cicéro qui donna du vin frais mélangé à <strong>de</strong> l'eau à l'homme angoissé, qui<br />

le vida d'un seul trait.<br />

<strong>Maximus</strong> se leva et marcha <strong>de</strong> long en large, les mains jointes <strong>de</strong>rrière son dos. "Qu'est-il arrivé à votre<br />

général ?"<br />

"Il est mort. Le général Solinus est mort. Je sais que vous ne me croyez pas forcément, monsieur, et je ne<br />

vous en blâme pas. Mais, je vous ai vu à Colonia il n'y a guère plus d'un mois. Vous avez ordonné que le<br />

mur nord soit rehaussé et qu'il y ait plus <strong>de</strong> patrouilles à l'extérieur <strong>de</strong> la porte. Vous êtes resté trois jours,<br />

je pense. Et la fois d'avant celle-ci, cet homme qui venait <strong>de</strong> Rome vous a rendu visite là-bas. Vous vous<br />

souvenez ?"<br />

<strong>Maximus</strong> soupira et se massa le cou pour essayer <strong>de</strong> juguler la douleur qui était entrain d'augmenter à cet<br />

endroit.<br />

"Il y a <strong>de</strong> nombreuses légions plus proches <strong>de</strong> Colonia que celle-ci. Les as-tu alerté en venant ici ?"<br />

"Oui, monsieur. Ils envoient <strong>de</strong>s hommes à Colonia mais le général Nonius m'a dit que continuer à<br />

chevaucher jusqu'à ce que je vous trouve."<br />

"Tu as fait ce qu'il fallait, Paullus. Je vais partir pour Colonia dans la matinée avec quelques membres <strong>de</strong><br />

ma cavalerie. Je ne peux pas laisser ce camp sans défenses." <strong>Maximus</strong> passa ses mains dans ses<br />

cheveux courts. "Tout ce que j'espère, c'est que nous n'allons pas trouver d'autres camps attaqués sur le<br />

chemin."<br />

"<strong>Maximus</strong> ? Il y a un problème ?" s'enquit Quintus <strong>de</strong>puis la porte d'entrée.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda son légat avec <strong>de</strong>s yeux las. "Cela vient <strong>de</strong> commencer, Quintus."<br />

L'o<strong>de</strong>ur putri<strong>de</strong> <strong>de</strong> la chair brûlée assaillit <strong>Maximus</strong> avant même qu'il n'aperçoive le camp. Un gar<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>rrière lui eut un haut-le-cur mais le général toussa, avala sa salive et poursuivit sa route. Il franchit le<br />

<strong>de</strong>rnier virage avant le camp au galop et fit stopper soudainement Argento, complètement désemparé par<br />

l'étendue <strong>de</strong> la dévastation qu'il voyait à travers l'entrée du camp où la porte manquait. A l'intérieur <strong>de</strong>s<br />

murs incendiés, le camp n'existait presque plus ­ ça n'était rien <strong>de</strong> plus qu'un tas <strong>de</strong> décombres brûlées.<br />

130


Les soldats qui étaient arrivés au camp avant lui avaient <strong>de</strong>s morceaux <strong>de</strong> tissu sur leurs nez et leurs<br />

bouches alors qu'ils brûlaient les restes <strong>de</strong>s soldats <strong>de</strong> Germanica II, <strong>de</strong> la cendre blanche volant autour<br />

d'eux. Quand ils virent <strong>Maximus</strong>, ils hochèrent la tête puis continuèrent leur tâche sinistre.<br />

Le légat <strong>de</strong> Primigenia XV s'approcha <strong>de</strong> lui. "Ce qui s'est passé ici est terrible, général. Il y a au moins<br />

3000 morts à l'intérieur du camp et environ un autre millier dans la forêt ­ massacrés alors qu'ils essayaient<br />

<strong>de</strong> s'échapper. Ils étaient éventrés, leurs têtes ouvertes en <strong>de</strong>ux terrible."<br />

"Y a-il <strong>de</strong>s survivants ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong> en observant les dégâts perché sur son cheval.<br />

"Quelques uns, monsieur, mais la plupart refusent <strong>de</strong> parler."<br />

"Pourquoi ?"<br />

"Ils ont trop honte, je pense. Ils ont honte <strong>de</strong> ne pas être morts avec les autres."<br />

"Je vais établir un campement avec mes hommes sur la colline qui domine cet endroit. Envoyez un<br />

rescapé pour me parler au coucher du soleil. Je veux jeter un il alentour."<br />

La préoccupation immédiate <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était <strong>de</strong> découvrir comment les germains avaient pris le camp si<br />

complètement par surprise qu'ils avaient pu y tuer presque tout le mon<strong>de</strong>. Cela ne <strong>de</strong>vait pas reproduire.<br />

Il sonda le sol autour <strong>de</strong> la base <strong>de</strong>s murs brûlés, soulevant <strong>de</strong> la terre et <strong>de</strong> la cendre blanche, mais il<br />

trouva <strong>de</strong>s traces <strong>de</strong> cor<strong>de</strong>, nouée pour former <strong>de</strong>s échelles. Les hommes avaient peut être pu escala<strong>de</strong>r<br />

les murs <strong>de</strong> cette manière. Une investigation plus poussée révéla <strong>de</strong>s portions <strong>de</strong> madriers en bois qui<br />

avaient apparemment recouvert les fossés avec leur pieux en bois qui entouraient l'extérieur <strong>de</strong>s murs.<br />

Mais les mettre en place avait du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> l'organisation et les gar<strong>de</strong>s auraient eu facilement le temps<br />

<strong>de</strong> prévenir les soldats <strong>de</strong> l'invasion. Evi<strong>de</strong>mment, les gar<strong>de</strong>s avaient été réduits au silence avant cela.<br />

Mais comment ? Il <strong>de</strong>vait y en avoir eu presque une trentaine à l'heure <strong>de</strong> l'attaque.<br />

Il <strong>de</strong>vait parler aux rescapés.<br />

<strong>Maximus</strong> sourit et offrit un siège à l'homme choqué avant <strong>de</strong> s'asseoir en face <strong>de</strong> lui.<br />

"Quel est ton nom, soldat ?"<br />

"Licinius, monsieur," dit l'homme avec une voix chevrotante en se voûtant inconfortablement dans son<br />

siège, ses bras croisés autour <strong>de</strong> sa taille.<br />

"Et d'où vient tu, Licinius ?"<br />

"D'Espagne, comme vous, monsieur."<br />

Licinius leva les yeux pour la première fois, comme si il suppliait un provincial, tout comme lui, <strong>de</strong> le<br />

comprendre.<br />

"Vraiment ? D'où, en Espagne ?"<br />

"Bilbilis, monsieur."<br />

"Ah J'y suis passé <strong>de</strong> nombreuses fois. C'est un bel endroit."<br />

Licinius gémit et hocha la tête.<br />

"Licinius, je suis sûr que tu as envie <strong>de</strong> rentrer chez toi ­ et tu mérites certainement une longue permission<br />

après ce que tu viens <strong>de</strong> vivre."<br />

"Je ne mérite pas"<br />

"Tu n'as rien fait <strong>de</strong> mal, Licinius," le coupa <strong>Maximus</strong>. "Tu as eu la chance <strong>de</strong> survivre."<br />

Les larmes coulèrent sur le visage <strong>de</strong> l'homme et il murmura <strong>de</strong>s mots que <strong>Maximus</strong> put à peine entendre.<br />

"Je me suis caché."<br />

<strong>Maximus</strong> soupira. "Et bien, dans d'autres circonstances, ça n'aurait peut être pas été judicieux, mais pas<br />

dans ce cas. J'ai compris que les soldats étaient piégés et vraiment en <strong>sous</strong> nombre."<br />

"Oui, monsieur."<br />

"Ce que je dois comprendre maintenant, c'est comment cela est arrivé pour m'assurer que d'autres camps<br />

ne sont pas aussi vulnérables. J'ai besoin <strong>de</strong> ton ai<strong>de</strong> pour cela. Tu comprends ?"<br />

Le soldat acquiesça.<br />

"Peux-tu me dire ce qui s'est passé ­ ce dont tu te rappelles ­ avec le plus <strong>de</strong> détails possibles ?"<br />

"Je me suis réveillé au milieu <strong>de</strong> la nuit ­ il faisait noir <strong>de</strong>hors ­ quand les gar<strong>de</strong>s ont commencé à crier.<br />

Nous avons couru <strong>de</strong>hors dans nos vêtements <strong>de</strong> nuit, moi et <strong>de</strong>s centaines d'autres, et nous avons vu la<br />

tente du général en feu. Les gar<strong>de</strong>s criaient et la montraient du doigt. Alors, nous avons couru chercher <strong>de</strong><br />

l'eau et faire tout ce que nous pouvions. Il y avait tellement <strong>de</strong> confusion"<br />

"As-tu vu le général ?"<br />

"Non, monsieur. Il n'est jamais sorti. Les flammes se sont vites répandues car il y avait du vent et tous les<br />

hommes sont sortis <strong>de</strong> leurs tentes en courant."<br />

"Visiblement sans leurs armes."<br />

"Non, monsieur. Les armes n'auraient pas servi à grand chose pour éteindre le feu."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête pour montrer son accord. "Sais-tu si les gar<strong>de</strong>s sont restés à leurs postes pendant<br />

les incendies ?"<br />

"Je pense que quelques uns l'ont fait, monsieur, mais j'en ai vu certains venir nous rejoindre ­ c'était la<br />

tente du général, monsieur, nous <strong>de</strong>vions essayer <strong>de</strong> le sauver."<br />

"Je comprends, Licinius. Je n'essaie pas <strong>de</strong> blâmer quelqu'un, juste <strong>de</strong> comprendre les événements <strong>de</strong><br />

cette nuit. Est-ce juste d'assumer que pendant que les soldats essayaient d'éteindre les feux, les germains<br />

ont franchi les murs ?"<br />

"Oui, monsieur. Tous les murs. Ils venaient <strong>de</strong> toutes les directions, hurlant et criant. Ils avaient <strong>de</strong>s armes<br />

effrayantes et ils tailladaient <strong>de</strong>s hommes à droite et à gauche. Nous n'avions aucune chance."<br />

"Peux-tu décrire les germains, ce qu'ils portaient ? Leur armes ?"<br />

"Ils avaient les cheveux très longs, monsieur. Quelques uns les avaient attachés sur le sommet <strong>de</strong> leur<br />

131


crâne comme une queue <strong>de</strong> cheval mais la plupart les avait autour <strong>de</strong> leurs visages. Les chefs portaient<br />

parfois <strong>de</strong>s casques ­ <strong>de</strong>s trucs pointus. Ils portaient <strong>de</strong>s tuniques avec <strong>de</strong>s manches longues, je pense.<br />

Quelques uns portaient <strong>de</strong>s capes ­ <strong>de</strong>s choses vraiment grossières."<br />

"Leur armes ?"<br />

"Des boucliers en bois ­ <strong>de</strong>s grands ovales et <strong>de</strong>s rectangulaires ­ et évidés comme un plat. Ils avaient <strong>de</strong>s<br />

haches et certains avaient <strong>de</strong>s épées. Ils avaient aussi <strong>de</strong>s lances et <strong>de</strong>s arcs."<br />

"Est-ce que certains portaient <strong>de</strong>s armures ?"<br />

"Je pense pas. Aucun que j'aie vu en portait en tout cas."<br />

<strong>Maximus</strong> digéra cette in<strong>format</strong>ion. "Qu'ont-ils volé ?"<br />

"Tout, monsieur. Les armes, les vêtements, les armures, les chevaux, les charrettes, les animaux, la<br />

nourriture tout. Ils se sont servi <strong>de</strong> nos propres armes contre nous. Je les ai vu mettre <strong>de</strong>s soldats dans<br />

<strong>de</strong>s tentes puis mettre feu aux tentes et brûler les hommes vifs. Ils en ont éventré et haché d'autres. C'était<br />

terrible" Licinius craqua et se mit à sangloter.<br />

<strong>Maximus</strong> se leva et posa une main sur son épaule. "Tu m'as dit ce que j'avais besoin <strong>de</strong> savoir, Licinius.<br />

Dès que tu seras remis, nous te renverrons chez toi. Va et repose-toi. Tu vas rester dans ce camp avec<br />

mes hommes."<br />

Licinius quitta la tente en hoquetant et reniflant, s'essuyant le nez avec sa manche.<br />

Dès qu'il fut parti, Cicéro entra dans la tente avec un paquet à la main.<br />

"Un messager vient juste d'apporter ceci, monsieur. Il y a le sceau <strong>de</strong> l'empereur."<br />

Le serviteur disparut dans l'ombre alors que <strong>Maximus</strong> brisait le sceau et lisait la missive, caressant<br />

inconsciemment sa barbe en le faisant.<br />

"Cicéro."<br />

"Oui, monsieur ?" répondit le serviteur du général en émergeant à nouveau dans la lumière tremblotante.<br />

"L'empereur est avec la légion Rapax XXI entre les fleuves et désire avoir un rapport sur le massacre.<br />

J'irais là-bas tôt <strong>de</strong>main matin. Tu ferais tout aussi bien <strong>de</strong> rester ici."<br />

Cicéro partit pour effectuer les préparations et <strong>Maximus</strong> resta un moment avec la lettre dans sa main,<br />

fixant le mur <strong>de</strong> la tente.<br />

Au lieu d'une toile blanche, une belle vision avec les yeux verts et <strong>de</strong>s boucles auburn dansait <strong>de</strong>vant ses<br />

yeux.<br />

Lucilla était avec son père. Lucilla était en Germanie.<br />

(1) Cologne<br />

Chapitre 71 : Retrouvailles<br />

"<strong>Maximus</strong>, <strong>Maximus</strong>, cela fait trop longtemps," dit Marc-Aurèle en serrant la main droite <strong>de</strong> l'homme plus<br />

jeune dans les siennes. "C'est bon <strong>de</strong> te revoir."<br />

"Et vous, César. Vous avez l'air bien."<br />

C'était un mensonge. L'empereur avait beaucoup vieilli <strong>de</strong>puis la <strong>de</strong>rnière fois que <strong>Maximus</strong> l'avait vu. Les<br />

ri<strong>de</strong>s <strong>de</strong> son visage s'étaient accentuées et ses cheveux étaient presque entièrement blancs. Ils flottaient<br />

autour <strong>de</strong> son visage en mèches maigres. Il semblait plus petit d'une certaine façon, légèrement voûté, et il<br />

se mouvait avec plus d'hésitation. L'empereur vieillissait et cela brisait le cur <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong> le voir.<br />

"Je suis désolé que nous nous rencontrions dans <strong>de</strong> telles circonstances, Majesté."<br />

"Assis-toi <strong>Maximus</strong>, assis-toi. J'étais en Gaule avec ma fille quand j'ai entendu parler <strong>de</strong> l'attaque. Je<br />

voulais renvoyer Lucilla à la maison mais tu sais combien elle peut être obstinée. Elle a refusé <strong>de</strong> me<br />

laisser et elle est dans ce camp à présent. Ma fille a tourné autour <strong>de</strong> moi comme une bonne d'enfants<br />

<strong>de</strong>puis la mort <strong>de</strong> ma femme."<br />

"J'ai été désolé d'apprendre la mort <strong>de</strong> l'impératrice, Majesté."<br />

"Oui, oui, mais elle était très mala<strong>de</strong> et c'est mieux qu'elle n'ait pas souffert."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête.<br />

"Et comment va le plus grand général <strong>de</strong> Rome."<br />

"Ah Je vais bien, Majesté, mais j'irais mieux si ce terrible événement ne s'était pas produit." <strong>Maximus</strong><br />

trouvait toujours les références à sa "gran<strong>de</strong>ur" dérangeantes.<br />

Marc hocha la tête alors qu'un serviteur versait du vin aux <strong>de</strong>ux hommes. <strong>Maximus</strong> but une gorgée d'un<br />

gobelet orné en or tout en regardant les coins sombres <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> tente. Elle n'était pas là.<br />

"Je suis sûre que tu as faim. Nous allons bientôt dîner et prendre un repos bien mérité cette nuit avant<br />

d'aller à Colonia <strong>de</strong>main. Combien <strong>de</strong> temps pour aller jusque là-bas ?"<br />

"Environ <strong>de</strong>ux jours, César." <strong>Maximus</strong> hésita. "Cela ne serait peut être pas sage d'emmener votre fille làbas,<br />

Majesté. La puanteur est envahissante et il y a le risque <strong>de</strong> maladies."<br />

"Ne t'inquiète pas, elle ne nous accompagne pas." Marc sourit. "Je peux faire ce que je veux quand je le<br />

veux, tu sais. Même avec elle."<br />

<strong>Maximus</strong> sourit brièvement, ne sachant pas si il était soulagé ou déçu.<br />

"Alors, parle moi <strong>de</strong>s malheureux événements à Colonia."<br />

<strong>Maximus</strong> narra ce qu'il avait vu et ce que Licinius lui avait dit. "Je pense qu'on a mis intentionnellement le<br />

feu à la tente du général Solinus pour distraire les gar<strong>de</strong>s et faire sortir les soldats <strong>de</strong> leurs quartiers."<br />

Marc se renfrogna. "Intentionnellement ?"<br />

"Oui, je"<br />

"Père ?"<br />

132


Leur <strong>de</strong>ux têtes se tournèrent vers l'entrée <strong>de</strong> la tente comme une seule.<br />

"Entre, ma chérie. <strong>Maximus</strong> est ici. Je sais que tu as envie <strong>de</strong> le revoir."<br />

<strong>Maximus</strong> se leva et se tourna pour faire face à la porte, la tête baissée, ne souhaitant pas rencontrer ses<br />

yeux tant que cela n'était pas nécessaire.<br />

"Une telle formalité n'est pas indispensable, <strong>Maximus</strong>. Ou bien <strong>de</strong>vrais-je vous appeler général <strong>Maximus</strong>,<br />

maintenant ?" <strong>de</strong>manda Lucilla en s'arrêtant juste après la porte.<br />

"Ma Dame, vous pouvez vous adresser à moi comme il vous plaît."<br />

<strong>Maximus</strong> se redressa finalement. Oh Elle était belle. Il avait oublié à quel point. Des boucles châtain<br />

cascadaient dans son dos et sur ses épaules, écartées <strong>de</strong> son visage et tenues par <strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>aux en or<br />

parsemés <strong>de</strong> pierres précieuses. Sa peau laiteuse était parfaite, ses yeux brillants d'un vert profond, et ses<br />

lèvres teintées <strong>de</strong> rose. Elle était plus élancée que jamais, ses courbes accentuées par les rubans en soie<br />

bleue qui entouraient son corps, tenant le drapé <strong>de</strong> sa tunique en fine laine.<br />

"Et bien, vous êtes sûrement tout ce qui peut ressembler à un général, mais je préfère penser à vous en<br />

tant qu'un ami, <strong>Maximus</strong>."<br />

"C'est ce que je suis, en fait, ma Dame."<br />

Marc rayonnait en les observant tous les <strong>de</strong>ux à chaque extrémités <strong>de</strong> la tente, leurs yeux rivés l'un sur<br />

l'autre.<br />

En fait, <strong>Maximus</strong> avait vraiment l'air magnifique dans son armure, sa cape et ses fourrures. Lucilla pouvait<br />

très bien l'imaginer dirigeant <strong>de</strong>s milliers d'hommes dans la bataille, tout comme elle l'imaginait souvent la<br />

tenant dans ses bras musclés.<br />

"Je n'ai jamais eu l'occasion <strong>de</strong> vous remercier personnellement pour avoir répondu si vite et si<br />

efficacement quand je vous ai <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> défendre Rome contre le complot <strong>de</strong> Cassius pour renverser<br />

mon père. Cela me soulage l'esprit <strong>de</strong> savoir que nous pouvons nous reposer sur un homme tel que vous."<br />

"C'était un honneur et mon <strong>de</strong>voir, ma Dame." <strong>Maximus</strong> s'inclina encore et garda la tête baissée en jetant<br />

un regard qui en disait long à l'empereur.<br />

Comprenant sa signification, Marc intervint. "<strong>Maximus</strong> était entrain <strong>de</strong> me raconter l'attaque <strong>de</strong> Colonia et<br />

ses soupçons sur les événements qui l'entourent."<br />

"Puis-je rester, père ?"<br />

"Si tu veux. Assis-toi là à côté <strong>de</strong> moi, ma chérie. <strong>Maximus</strong>, assis-toi et continue, s'il te plaît."<br />

"Oui, César."<br />

<strong>Maximus</strong> ne pouvait éviter Lucilla en aucune façon. Elle était installée juste à côté <strong>de</strong> son père et il pouvait<br />

la voir distinctement quand il regardait l'empereur. Il essaya <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r les yeux sur Marc mais ils<br />

s'égaraient sur sa fille qui brillait et scintillait dans la lumière dorée <strong>de</strong> la lampe.<br />

<strong>Maximus</strong> n'arriva pas à se souvenir <strong>de</strong> quoi il avait été entrain <strong>de</strong> parler.<br />

Marc sourit affectueusement à son général décontenancé et souffla : "Tu penses que quelqu'un a mis le<br />

feu à la tente <strong>de</strong> Solinus ? Pourquoi ?"<br />

<strong>Maximus</strong> s'éclaircit la gorge. "Cela serait une trop gran<strong>de</strong> coïnci<strong>de</strong>nce que la tente du général Solinus ait<br />

pris feu au moment exact où les Germains attendaient <strong>de</strong> pouvoir escala<strong>de</strong>r les murs. Ils avaient besoin<br />

d'une diversion et l'incendie l'a fournie."<br />

Marc hocha la tête. "Continue."<br />

"Il est possible qu'un Germain ait tiré une flèche enflammée par-<strong>de</strong>ssus le mur <strong>de</strong>puis un arbre mais c'est<br />

pratiquement impossible la nuit. Je pense que le feu a été allumé par un <strong>de</strong> nos propres soldats. Le<br />

général Solinus avait peut être même déjà été assassiné."<br />

"Un traître ?" <strong>de</strong>manda Lucilla, réellement choquée.<br />

<strong>Maximus</strong> la regarda directement. "Oui."<br />

"Mais qu'est-ce qu'un soldat aurait à gagner en faisant une chose aussi terrible?" continua-t-elle.<br />

"Une part substantielle du butin, une place d'honneur avec les Germains qu'il n'aurait pas eue dans<br />

l'armée." <strong>Maximus</strong> haussa les épaules. "Qui sait ? Dans chaque légion du Nord, il y a <strong>de</strong>s soldats qui<br />

parlent les langues germaniques et <strong>de</strong>s soldats qui font offices d'éclaireurs. L'un d'entre eux peut être<br />

<strong>de</strong>venu un traître pour <strong>de</strong>s raisons que lui seul connaît. Je ne suis pas sûr que les germains l'aient laissé<br />

vivre, cependant. Il a probablement été massacré avec les autres."<br />

Lucilla étudiait <strong>Maximus</strong> pendant qu'il exprimait ses pensées. C'était un homme mûr, à présent, et<br />

beaucoup plus sérieux qu'il l'avait été il y a plus <strong>de</strong> 10 ans quand elle l'avait vu pour la première fois. Elle<br />

avait envie <strong>de</strong> voir encore son sourire effronté, d'entendre son rire profond et <strong>de</strong> voir ses yeux bleus briller<br />

<strong>de</strong> joie. De le voir tel qu'il avait été avant que le <strong>de</strong>stin ne les envoie dans <strong>de</strong>s directions opposées et que<br />

chacun fasse son <strong>de</strong>voir pour l'empire <strong>de</strong> façons différentes. De le voir tel qu'il avait été quand ils s'étaient<br />

avoué leur amour l'un pour l'autre.<br />

Elle avait pensé que ses fantasmes à propos <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> mourraient quand elle reverrait l'homme réel,<br />

qu'il ne pourrait jamais être à la hauteur <strong>de</strong> ses rêves, mais les battements rapi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> son cur alors qu'elle<br />

le regardait parler à son père, faisant <strong>de</strong>s gestes avec ses gran<strong>de</strong>s mains expressives, lui affirmaient avec<br />

certitu<strong>de</strong> qu'elle l'aimait toujours. Il était plus magnifique que jamais alors qu'il portait la responsabilité <strong>de</strong> la<br />

région Nord <strong>de</strong> l'empire romain sur ses larges épaules. Sa présence était irrésistible. Elle remplissait la<br />

pièce. Lucilla jeta un il à son père. Il adorait aussi <strong>Maximus</strong>. Elle pouvait le voir dans ses yeux quand il<br />

regardait son général. Il ne regardait jamais Commo<strong>de</strong> avec autant d'affection. Lucilla fut brusquement<br />

sortie <strong>de</strong> sa rêverie quand sa conscience perçu le mot "punir".<br />

"Quoi ?" s'enquit-t-elle, perdue.<br />

133


"Es-tu fatiguée, ma chérie ?" lui <strong>de</strong>manda son père inquiet.<br />

"Non, non. Que viens-tu <strong>de</strong> dire à <strong>Maximus</strong> ?"<br />

"Que les germains <strong>de</strong>vaient être sévèrement punis pour ce qu'ils avaient fait. <strong>Maximus</strong> est d'accord pour<br />

mener une attaque dans le territoire ennemi pour punir les tribus indiquées."<br />

Lucilla se sentait comme si quelqu'un venait <strong>de</strong> lui donner un coup violent dans le dos, faisant partir<br />

douloureusement l'air <strong>de</strong> ses poumons. Le territoire ennemi ?<br />

"Pensez-vous que c'est sage, père ?" Elle s'adressait à son père mais ses yeux étaient posés sur<br />

<strong>Maximus</strong>. "Cela semble extrêmement dangereux." Elle tourna son regard inquiet vers son père. "J'espère<br />

que vous ne comptez pas vous joindre à lui."<br />

Marc rit. "Ma chérie, il est évi<strong>de</strong>nt que tu n'écoutais notre conversation qu'à moitié. <strong>Maximus</strong> a déjà dit<br />

clairement qu'il ne voulait pas être responsable <strong>de</strong> ma vieille carcasse pendant cette attaque. Je resterai<br />

au camp."<br />

C'était seulement la moitié <strong>de</strong> ce que Lucilla voulait entendre. "Père, pensez-vous qu'il soit sage <strong>de</strong> risquer<br />

la vie du meilleur général <strong>de</strong> Rome ? Cette attaque est-elle nécessaire ?"<br />

"C'est vraiment nécessaire et <strong>Maximus</strong> est le seul homme qui puisse mener l'attaque. C'est la fin <strong>de</strong> la<br />

discussion. Lucilla, va voir si notre repas est prêt, s'il te plaît."<br />

Elle jeta un regard choqué à <strong>Maximus</strong> qui l'observait avec curiosité. Pouvait-il lire ses pensées ? Savait-il<br />

ce qu'elle ressentait pour lui ?<br />

Elle se leva rapi<strong>de</strong>ment et sorti <strong>de</strong> la tente dans un tourbillon <strong>de</strong> soie, <strong>de</strong> laine et d'or avant qu'il ne puisse<br />

pénétrer plus avant son esprit.<br />

Les <strong>de</strong>ux hommes restèrent silencieux pendant un moment, chacun perdu dans ses pensées.<br />

<strong>Maximus</strong> fixait le liqui<strong>de</strong> rouge dans son gobelet, le faisant aller d'avant en arrière entre ses doigts.<br />

Marc le regardait s'agiter. "Elle tient encore beaucoup à toi, tu sais," tenta-t-il finalement. "Et Je peux me<br />

tromper mais je pense que tu as <strong>de</strong>s sentiments semblables pour elle."<br />

Tout mouvement cessa lorsque <strong>Maximus</strong> rencontra le regard <strong>de</strong> Marc-Aurèle.<br />

"Majesté, je suis marié."<br />

Marc agita la main avec irritation. "Oui, oui. Je sais cela. Mais <strong>de</strong>puis quand le mariage signifie pour un<br />

homme que toutes pensées à propos d'autres femmes sont effacées <strong>de</strong> son esprit ? Spécialement une<br />

femme qu'il a aimée et que peut être il aime encore ?"<br />

<strong>Maximus</strong> resta obstinément silencieux, ses yeux fixant à nouveau son vin, la mâchoire serrée.<br />

Marc soupira en étudiant le jeune homme qu'il voulait comme gendre plus que tout autre. Cela n'était pas<br />

la première fois qu'il regrettait d'avoir donné à <strong>Maximus</strong> la permission <strong>de</strong> se marier il y a <strong>de</strong>s années.<br />

"Ton mariage est-il toujours aussi heureux ?"<br />

"Oui, Majesté." <strong>Maximus</strong> n'avait pas l'intention d'aller dans les détails à propos <strong>de</strong> sa femme et <strong>de</strong> son fils<br />

et <strong>de</strong> sa défunte fille.<br />

Marc se leva et sourit en tendant sa main à <strong>Maximus</strong>, la posant sur l'épaule du jeune homme quand il se<br />

leva. "D'accord, d'accord. Je ne t'ennuierai pas d'avantage en développant cette pensée. Viens, allons<br />

manger et nous relaxer et parler d'autres choses pendant un moment."<br />

Cependant, le dîner avait été loin d'être détendu car <strong>Maximus</strong> était placé si près <strong>de</strong> Lucilla que leurs bras<br />

se frôlaient parfois alors qu'ils mangeaient. Il s'excusa à la première occasion, prétextant la fatigue, et se<br />

dirigea vers sa tente en traversant le praetorium.<br />

"<strong>Maximus</strong> ?" murmura une voix dans l'ombre <strong>de</strong>rrière lui.<br />

Il fit semblant <strong>de</strong> ne pas avoir entendu et continua d'avancer.<br />

"<strong>Maximus</strong> !" Lucilla s'assura qu'il l'entendrait cette fois.<br />

Il s'arrêta mais ne se retourna pas.<br />

"Viens ici, s'il te plaît."<br />

Devait-il lui obéir ? Elle était la fille <strong>de</strong> l'empereur <strong>de</strong> Rome mais cela voulait-il dire qu'il <strong>de</strong>vait lui obéir ? Il<br />

ne bougea pas.<br />

"Plus têtu que jamais à ce que je vois", dit Lucilla en avançant à découvert pour se tenir face à face avec<br />

lui, leurs torses se touchant presque. "Je voulais simplement te remercier d'avoir découragé mon père <strong>de</strong><br />

t'accompagner dans l'attaque."<br />

"Il ne peut plus le faire, ma Dame. Nous voyageons la nuit transportant le minimum <strong>de</strong> provisions. C'est<br />

difficile et dangereux."<br />

"Mais cela doit être fait ? Tu dois risquer ta vie pour l'honneur <strong>de</strong> Rome ?"<br />

"Oui."<br />

Sa voix grave lui donnait le frisson. Lucilla lui saisit la main droite. Il commença à se libérer mais elle<br />

attrapa son poignet et le tira vers elle, le forçant à déplier ses doigts quand il serra le poing. Son pouce<br />

caressa la paume <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et ses autres doigts, le <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa main. Elle fut satisfaite <strong>de</strong> sentir sa<br />

main se relaxer et <strong>de</strong> l'entendre prendre une inspiration saccadée.<br />

"Ta rancune dure longtemps, <strong>Maximus</strong>."<br />

"Je n'ai aucune rancune, ma Dame."<br />

"Appelle-moi Lucilla comme autrefois."<br />

Il essaya encore <strong>de</strong> se libérer mais l'autre main <strong>de</strong> Lucilla serrait son poignet comme dans un étau,<br />

continuant à caresser sa main jusqu'à ce que les doigts <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> enveloppent son pouce, la forçant à<br />

arrêter.<br />

Elle rit doucement. "<strong>Maximus</strong>, appelle-moi Lucilla."<br />

Il refusa.<br />

134


"S'il te plaît."<br />

Il resta muet.<br />

L'irritation rendit Lucilla téméraire. "Je te l'ordonne." Oh, cela ne se passait pas comme elle l'avait espéré.<br />

Elle se rapprocha <strong>de</strong> lui mais il recula puis il tira fortement sur son bras, libérant enfin sa main <strong>de</strong> l'emprise<br />

<strong>de</strong> Lucilla.<br />

"Lucilla," cracha-t-il avant <strong>de</strong> se retourner.<br />

"<strong>Maximus</strong>, si tu ne me parle pas ici et maintenant je ferais en sorte que <strong>de</strong>s prétoriens te traînent hors <strong>de</strong><br />

ta tente pour une entrevue avec moi. Je le ferai et tu le sais. Je te ferai enchaîner si je le dois."<br />

Il n'en doutais pas une secon<strong>de</strong>. Il redressa les épaules et se força à prendre un ton calme et courtois en<br />

lui faisant <strong>de</strong> nouveau face.<br />

"De quoi voulez-vous me parler <strong>de</strong> façon si urgente, ma Dame?"<br />

Il remarqua trois <strong>de</strong>s servantes <strong>de</strong> Lucilla qui étouffaient leurs rires en se cachant <strong>de</strong>rrière un ri<strong>de</strong>au qui<br />

servait <strong>de</strong> porte. Il espéra qu'elles appréciaient le divertissement.<br />

"Je Je voulais te remercier pour ta réponse immédiate à ma lettre concernant Cassius"<br />

<strong>Maximus</strong> redressa le menton et laissa le sarcasme teinter sa voix. "Vous m'avez déjà remercié pour cela."<br />

Elle l'ignora. "Je veux aussi te parler <strong>de</strong> mon frère."<br />

"Commo<strong>de</strong> ? Qu'est-ce qu'il trame ?"<br />

Lucilla se frotta les bras <strong>sous</strong> sa cape. "<strong>Maximus</strong>, il fait frais <strong>de</strong>hors. Ne vas-tu pas entrer ?" suggéra-t-elle.<br />

"Non," murmura-t-il fermement en secouant la tête.<br />

"La mort <strong>de</strong> ma mère a bouleversé Commo<strong>de</strong> plus que quiconque l'aurait imaginé. Il passe ses journées à<br />

traîner où à reporter sa douleur et sa fureur sur les esclaves. Je J'ai peur qu'il ne soit en train <strong>de</strong> sombrer<br />

dans la folie, <strong>Maximus</strong>. Il est très instable, mais mon père est trop occupé par ses lectures et son écriture<br />

et la guerre pour le voir. Une <strong>de</strong>s raisons pour lesquelles je suis ici est que j'avais besoin d'échapper à<br />

mon frère pour un temps. Il il," elle déglutit péniblement.<br />

Son ton découragé en révélait bien plus que ses mots et en dépit <strong>de</strong> ses efforts pour rester neutre,<br />

<strong>Maximus</strong> était inquiet pour elle.<br />

"En as-tu parlé avec ton père ?" <strong>de</strong>manda-t-il gentiment.<br />

"Oui, mais il n'est pas inquiet. Il pense que mes craintes sont infondées et frivoles."<br />

"Que puis-je faire ?"<br />

"Mon père t'écoute toujours. Si tu lui disais ce que je viens <strong>de</strong> te dire, il écouterait."<br />

"Il saura aussi que je n'ai pas vu Commo<strong>de</strong> récemment et que mes renseignements ne peuvent pas venir<br />

d'une observation personnelle."<br />

Lucilla s'approcha encore <strong>de</strong> lui et saisit ses bras juste en <strong>de</strong>s<strong>sous</strong> <strong>de</strong>s languettes aux épaules <strong>de</strong> sa<br />

cuirasse.<br />

"Alors viens à Rome voir par toi-même."<br />

<strong>Maximus</strong> lui sourit pour la première fois <strong>de</strong>puis qu'il était arrivé dans le camp <strong>de</strong> la légion Rapax, mais<br />

c'était un sourire ironique, pas le tendre qu'elle souhaitait voir.<br />

"J'ai trop <strong>de</strong> responsabilités ici, Lucilla, pour me rendre à Rome."<br />

"Laisse un autre homme mener l'attaque et retourne à Rome avec moi."<br />

Il sentit ses pouces caresser ses biceps en un mouvement torturant.<br />

Alors c'était cela. C'était une ruse pour le faire venir à Rome.<br />

"Comment puis-je savoir que tu dis la vérité ?"<br />

Les doigts <strong>de</strong> Lucilla se crispèrent sur ses bras, ses ongles griffant sa peau. "Tu ne me feras plus jamais<br />

confiance, n'est-ce pas ?"<br />

Des yeux bleus toisèrent les verts. "Non."<br />

Au lieu <strong>de</strong> reculer comme il s'y était attendu, Lucilla s'approcha encore plus et murmura contre sa bouche<br />

"J'ai fait ce que je <strong>de</strong>vais faire."<br />

Lorsque ses lèvres frôlèrent les siennes, <strong>Maximus</strong> tourna brusquement la tête sur le côté et le baiser <strong>de</strong><br />

Lucilla se perdit dans sa barbe douce.<br />

Aucunement découragée, Lucilla pressa ses seins contre sa cuirasse et chatouilla sa joue et son oreille<br />

avec sa langue, tout en s'accrochant toujours à ses bras, ses ongles acérés le gardant immobile. Elle était<br />

très consciente <strong>de</strong> la force dans ses bras ­ qu'il pouvait se libérer facilement si il le souhaitait ­ mais il<br />

semblait aussi pétrifié qu'elle par leurs émotions brûlantes.<br />

Lentement, il tourna son visage vers celui <strong>de</strong> Lucilla et trouva ses lèvres. Il saisit ses cheveux avec une<br />

main, d'abord douloureusement, puis doucement lorsque ses doigts explorèrent ses boucles pour<br />

finalement trouver sa tête. Son baiser refléta les mouvements <strong>de</strong> sa main : brusque, puis gentil lorsque sa<br />

langue caressa ses lèvres et invasif lorsqu'elle plongea profondément dans sa bouche ouverte, possessive<br />

et exploratrice.<br />

Son autre bras passa <strong>sous</strong> la cape <strong>de</strong> Lucilla et pressa fermement ses hanches contre les siennes, lui<br />

montrant clairement à quel point il la voulait.<br />

Lucilla gémit alors que <strong>de</strong>s années <strong>de</strong> désir se déversaient dans son bas-ventre et transformait ses jambes<br />

en guimauve. Sa main saisit les cheveux puis le cou <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, elle était frustrée que son dos soit<br />

recouvert d'une armure. Elle poussa sa main aussi loin qu'elle pouvait dans l'encolure <strong>de</strong> la cuirasse, son<br />

autre main remontant <strong>sous</strong> sa cape jusqu'à ce qu'elle trouve la peau nue et brûlante <strong>de</strong> sa taille.<br />

<strong>Maximus</strong> la fit reculer dans l'ombre jusqu'à ce que son dos soit contre un poteau soli<strong>de</strong>.<br />

"Est-ce ce que tu veux <strong>de</strong> moi ?" <strong>de</strong>manda-t-il avec colère. "Est-ce réellement pour ça que tu me veux à<br />

Rome ?"<br />

135


Sa main trouva un sein et il caressa le mamelon dressé, pinçant et tirant à travers le fin tissu pendant que<br />

sa bouche parcourait son cou.<br />

Lucilla sursauta, comprenant à peine ce qu'il venait <strong>de</strong> dire. "Non oui"<br />

Il l'embrassa à nouveau alors que ses mains saisissaient ses fesses. Ecartant ses jambes il se pressa<br />

contre elle presque douloureusement.<br />

"Tu as déjà fait cette proposition avant, tu ne t'en souviens pas ?"<br />

Elle se bagarrait avec les attaches sur les côtés <strong>de</strong> sa cuirasse, voulant désespérément sentir son corps<br />

entièrement serré contre le sien.<br />

Il l'a projeta durement contre le poteau. "Tu te souviens ?" <strong>de</strong>manda-t-il.<br />

"Je ne je ne"<br />

Elle avait suffisamment relâché les attaches pour glisser une main <strong>sous</strong> la cuirasse et étaler ses doigts sur<br />

sa poitrine juste au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> son cur battant follement quand ils furent surpris par quatre prétoriens qui<br />

passèrent à quelques mètres d'eux, parlant avec animation et ne remarquant pas le couple passionné<br />

parce que leurs yeux fixaient les jolies servantes <strong>de</strong> Lucilla.<br />

<strong>Maximus</strong> ôta les mains <strong>de</strong> Lucilla <strong>de</strong> son corps et saisit ses poignets dans une seule <strong>de</strong> ses mains, puis<br />

les leva au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa tête et les maintint contre le poteau.<br />

"Tu peux avoir les amants que tu veux. Je ne suis pas disponible."<br />

<strong>Maximus</strong> grogna et il la libéra si soudainement qu'elle faillit tomber. Se tenant au poteau, elle le regarda se<br />

retourner et partir, sa cape s'étalant comme les ailes d'une chauve souris avant <strong>de</strong> s'enrouler autour <strong>de</strong><br />

son corps puis <strong>de</strong> virevolter à sa place <strong>de</strong>rrière lui.<br />

"Mais je ne veux que toi," murmura-t-elle alors que ses servantes venaient l'entourer à la gran<strong>de</strong> confusion<br />

<strong>de</strong>s prétoriens qui regardèrent les femmes puis le général qui s'en allait rapi<strong>de</strong>ment.<br />

De bonne heure le len<strong>de</strong>main matin, Lucilla se tenait avec un air misérable <strong>sous</strong> la bruine glacée,<br />

soulagée que la pluie dissimule ses larmes alors que <strong>Maximus</strong> et son père était montés sur leur chevaux,<br />

prêts à partir pour Colonia.<br />

Des cors annoncèrent le départ et les lour<strong>de</strong>s portes s'ouvrirent. Elle regarda l'étendard avec l'aigle doré<br />

disparaître, suivie par les bannières pourpres et or <strong>de</strong> l'empereur. Elle observa les prétoriens vêtus <strong>de</strong> noir<br />

entourer son père et il se tourna dans sa selle pour lui faire un signe d'au revoir avec la main. Elle vit<br />

<strong>Maximus</strong> faire avancer son cheval puis lui jeter un bref regard, ses yeux pleins <strong>de</strong> regret avant qu'il ne<br />

regar<strong>de</strong> <strong>de</strong> nouveau <strong>de</strong>vant lui, le visage sinistre.<br />

Elle le regarda passer les portes et sortir <strong>de</strong> sa vie une fois <strong>de</strong> plus. Elle partirait peu après pour Rome.<br />

Ses fantasmes sur le général chevauchant son étalon noir seraient la seule chose à lui tenir chaud<br />

pendant son long voyage <strong>de</strong> retour.<br />

Chapitre 72 : La grotte<br />

<strong>Maximus</strong> était accroupi <strong>de</strong>rrière les épaisses broussailles enchevêtrées, son épée serrée dans sa main. Il<br />

portait une armure légère et il n'y avait aucune trace d'un général chez lui. Cependant, les <strong>de</strong>ux cent<br />

hommes <strong>de</strong>rrière lui savaient qui commandait.<br />

C'était la mi-janvier et il faisait à nouveau très froid. Le sol était gelé mais <strong>de</strong> la neige était tombée rendant<br />

les conditions pour l'attaque idéales. Ils ne laisseraient pas d'empreintes <strong>de</strong> pas.<br />

Ils étaient sur la rive ennemie du fleuve <strong>de</strong>puis trois jours, dormant dans <strong>de</strong>s grottes dans les montagnes<br />

pendant la journée et ne se déplaçant que la nuit.<br />

Ils avaient longé village après village, ne recherchant que ceux qui appartenaient aux guerriers<br />

Marcomanni. Attaquer <strong>de</strong>s innocents ne les intéressait pas. Le général avait rendu son opinion sur le sujet<br />

très claire avant même qu'ils n'aient traversé le fleuve. Ils étaient là pour se venger <strong>de</strong> ceux qui avaient tué<br />

leurs hommes, pas <strong>de</strong> leurs familles ou d'autres tribus. <strong>Maximus</strong> savait que <strong>de</strong>s innocents mourraient<br />

comme cela arrivait toujours dans ce genre d'opération, mais il avait formellement interdit la tuerie aveugle<br />

ou le viol comme instruments <strong>de</strong> vengeance en dépit <strong>de</strong> leur utilisation traditionnelle en tant que tels. La<br />

sanction pour les hommes qui lui désobéiraient serait rapi<strong>de</strong> et sévère.<br />

<strong>Maximus</strong> écarta légèrement les broussailles et jeta un il au village qui était dans la vallée en contrebas.<br />

Tout semblait très normal : les gens se déplaçaient autour <strong>de</strong>s feux <strong>de</strong> camp du soir, effectuant les tâches<br />

quotidiennes. Des enfants vêtus <strong>de</strong> plusieurs fourrures se couraient après entre les constructions en bois,<br />

leurs mères les disputaient.<br />

"Combien pensez-vous qu'il y en ait là en bas ?" <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong>manda à Julius, le légat <strong>de</strong> la légion<br />

Primigenia XV.<br />

"Hum peut être trois ou quatre cent au plus. Difficile <strong>de</strong> dire combien il y en a dans les maisons. Je ne vois<br />

pas beaucoup d'hommes."<br />

<strong>Maximus</strong> acquiesça. "Ceux que je vois sont âgés. Les guerriers sont évi<strong>de</strong>mment ailleurs pour l'instant<br />

alors nous allons <strong>de</strong>voir être patients et attendre leur retour."<br />

"Êtes-vous sûr que c'est le bon endroit, monsieur ?"<br />

<strong>Maximus</strong> hocha à nouveau la tête. "Regar<strong>de</strong>z au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la porte du temple à l'extrémité nord du<br />

village."<br />

Julius retint une exclamation. "L'étendard <strong>de</strong> Germanica II."<br />

"Tout à fait. Un joli trophée placé pour que tout le mon<strong>de</strong> le voit. C'est le bon endroit." Il jeta un il <strong>de</strong>rrière<br />

lui au flanc du coteau qui semblait dénué <strong>de</strong> toute présence humaine. "Dites aux hommes <strong>de</strong> retourner à la<br />

grotte par petits groupes à la fois puis envoyez-moi Jovinus."<br />

136


Quelques minutes plus tard, le fils <strong>de</strong> l'ingénieur était près <strong>de</strong> lui, excité à l'idée <strong>de</strong> rendre service à son<br />

général.<br />

"Jovinus, j'ai besoin que tu fasses un travail pour moi. Je vais retourner à la grotte avec la plupart <strong>de</strong>s<br />

hommes. J'ai besoin que toi et trois autres éclaireurs vous vous faufiliez plus près du village et me laissiez<br />

savoir quand les guerriers arriveront chez eux. Cela risque <strong>de</strong> prendre longtemps alors vous <strong>de</strong>vrez être<br />

patients et très, très pru<strong>de</strong>nts. Vous ne <strong>de</strong>vez pas, <strong>sous</strong> aucunes circonstances, les laissez vous voir. Si<br />

vous êtes capturés, nous ne pourrons peut être pas vous secourir."<br />

"Oui, monsieur. Je comprends."<br />

"Tiens, prends mon manteau." <strong>Maximus</strong> se débarrassa <strong>de</strong> la fourrure noire et la posa sur les épaules du<br />

jeune homme.<br />

"Je n'en ai pas besoin, monsieur."<br />

"Si. Cela <strong>de</strong>viendra plus froid quand tu auras été là <strong>de</strong>hors pendant un moment. Tu en a plus besoin que<br />

moi. Je serais installé <strong>de</strong>vant un bon feu dans la grotte." <strong>Maximus</strong> ébouriffa affectueusement les cheveux<br />

roux du jeune homme puis se glissa dans les ombres sans un bruit.<br />

Il y avait très peu <strong>de</strong> conversations dans la grotte. Tous les hommes avaient été spécialement choisis dans<br />

plusieurs légions pour cette attaque à cause <strong>de</strong> leurs compétences mais <strong>Maximus</strong> en connaissait<br />

personnellement quelques uns.<br />

Il les réunirait à nouveau avant que l'attaque ne commence, mais jusqu'à ce moment, la plupart dormait,<br />

leurs grognements et leur ronflements amplifiés par le volume <strong>de</strong> la caverne.<br />

<strong>Maximus</strong> fixait le feu et regardait les étincelles s'élever dans l'air avant d'étinceler une <strong>de</strong>rnière fois et<br />

d'être remplacées par d'autres. Il bougea pour essayer <strong>de</strong> mieux s'installer sur le sol dur mais renonça,<br />

résigné à avoir le dos rai<strong>de</strong> à cause du sol <strong>de</strong> pierre humi<strong>de</strong> <strong>de</strong> la grotte.<br />

Il s'allongea sur le côté avec sa tête reposant sur son avant-bras et laissa son esprit dériver où il voulait.<br />

Une tentatrice avec les cheveux châtains et les yeux verts envahit immédiatement ses pensées, son image<br />

indistincte et diaphane dansant <strong>de</strong>vant ses yeux, lui faisant signe. <strong>Maximus</strong> cligna rapi<strong>de</strong>ment les yeux,<br />

espérant chasser la vision, mais Lucilla le tourmentait toujours.<br />

Il se dégoûtait pour la façon dont il l'avait traitée cette nuit là il y a plusieurs semaines. Elle avait<br />

commencé à essayer <strong>de</strong> le séduire, c'était vrai, mais il n'avait pas vraiment essayé <strong>de</strong> l'arrêter et, en ne le<br />

faisant pas, l'avait encouragée. Il ne pouvait pas se mentir en pensant qu'il avait été autre chose qu'un<br />

participant très volontaire, prêt à lui faire l'amour en dépit <strong>de</strong> son irritation <strong>de</strong>vant ses manuvres pour le<br />

faire venir à Rome. Il y a dix ans, elle avait désespérément essayé <strong>de</strong> le convaincre <strong>de</strong> rejoindre les<br />

prétoriens et <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir son amant en secret, et elle semblait toujours le vouloir en dépit <strong>de</strong> son rang élevé<br />

dans l'armée ­ et <strong>de</strong> son mariage.<br />

<strong>Maximus</strong> s'assit et remua le feu avec un bâton, envoyant un nouveau jet d'étincelle briller dans le noir.<br />

Jusqu'où les choses seraient-elles allées si les prétoriens n'étaient pas passés dans le coin ? Aurait-il pris<br />

Lucilla dans le praetorium contre le poteau comme son corps l'ordonnait <strong>de</strong> le faire ou bien le bon sens<br />

l'aurait-il emporté ? Il ne connaissait pas la réponse et cela le déconcertait. Lucilla semblait être la seule<br />

personne au mon<strong>de</strong> qui pouvait abattre ses barrières morales et le faire aller là où il ne voulait pas.<br />

<strong>Maximus</strong> releva ses jambes et les entoura <strong>de</strong> ses bras pour converser sa chaleur corporelle, fixant<br />

toujours les flammes, comme hypnotisé. Devait-il lui écrire et lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r son pardon pour ce qu'il avait<br />

fait ­ ou pour ce qu'il n'avait pas fait ? Devait-il lui dire qu'il avait presque fait faire <strong>de</strong>mi-tour à son cheval et<br />

galopé vers elle en laissant son père voyager seul jusqu'à Colonia ? Devait-il lui confier que toutes les<br />

nuits <strong>de</strong>puis leurs retrouvailles, il s'était tourné et tourné dans son sommeil en rêvant d'elle, envahi par une<br />

intense et brutale frustration sexuelle ?<br />

Peut être <strong>de</strong>vait-il aller à Rome après que cette saison <strong>de</strong> guerre serait terminée. Il n'avait jamais vu Rome<br />

et il semblait que ce soit une chose convenable à faire pour un général <strong>de</strong> l'armée romaine. Et elle serait là<br />

bas à l'attendre<br />

Etait-il possible d'aimer une femme mais d'en désirer une autre à ce point ? Encore pire, était-il possible<br />

que Marc-Aurèle ait raison et que ce qu'il ressente pour Lucilla aille au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la simple attirance physique<br />

?<br />

En dépit <strong>de</strong> son amour pour Olivia, <strong>Maximus</strong> se <strong>de</strong>mandait parfois ce qu'aurait été sa vie si il avait accepté<br />

l'offre <strong>de</strong> Lucilla dix ans auparavant. Aurait-il été heureux à Rome ? Se serait-elle lassée <strong>de</strong> lui ou lui d'elle<br />

? Il ne pouvait pas s'imaginer content <strong>de</strong> vivre dans une cité ­ même Rome ­ mais il ne savait pas vraiment<br />

puisqu'il n'avait jamais vraiment essayé.<br />

Pourquoi commençait-il à s'interroger sur ses choix dans la vie ?<br />

<strong>Maximus</strong> fixa la nuit au <strong>de</strong>là du feu et se sentit seul comme jamais il ne l'avait été durant toute son<br />

existence. Il avait l'impression d'être la seule personne en vie, condamné à vivre dans le noir et la solitu<strong>de</strong><br />

pour toujours, et il luttait contre un profond mécontentement avec chaque aspect <strong>de</strong> sa vie. Il était général.<br />

Et alors ? Quelle joie cela lui apportait-il ? Il était marié mais sa famille était si loin rarement là quand il<br />

avait le plus besoin d'elle. Marc-Aurèle l'aimait comme un fils, mais il n'avait pas <strong>de</strong> vrai père. Il était l'ami<br />

<strong>de</strong> beaucoup mais le confi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> peu <strong>de</strong> personnes. Son rang <strong>de</strong> général l'écartait <strong>de</strong>s autres par la<br />

nature même <strong>de</strong>s décisions qu'il avait à prendre ­ <strong>de</strong>s décision <strong>de</strong> vie ou <strong>de</strong> mort.<br />

De nombreuses personnes l'admiraient mais il n'était pas sûr <strong>de</strong> comprendre pourquoi. Il se sentait comme<br />

un imposteur. Il n'était rien d'autre qu'un fermier <strong>de</strong> province né sans argent<br />

<strong>Maximus</strong> se leva rapi<strong>de</strong>ment et trouva son chemin en tâtonnant les murs froids et humi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la grotte<br />

jusqu'à l'entrée.<br />

137


Son mécontentement entraînait ses pensées dans <strong>de</strong>s endroits dangereux et il avait besoin <strong>de</strong> s'éclaircir<br />

l'esprit.<br />

Une fois <strong>de</strong>hors, il s'appuya contre les rochers bruts et respira profondément pour se calmer, son souffle<br />

créant un nuage <strong>de</strong> vapeur qui disparaissait rapi<strong>de</strong>ment pour être remplacé par un autre. Il regarda la<br />

nouvelle lune et se <strong>de</strong>manda si Olivia contemplait la même lune ou bien Lucilla. Il se <strong>de</strong>manda si les<br />

hommes et les femmes du village regardaient aussi la lune. Des hommes et <strong>de</strong>s femmes dont il s'apprêtait<br />

à détruire les vies.<br />

Il avait désespérément besoin <strong>de</strong> passer du temps loin <strong>de</strong> cet endroit. Peut être à Rome<br />

"Monsieur ! Ils sont <strong>de</strong> retour, monsieur."<br />

Surpris, <strong>Maximus</strong> fit <strong>de</strong>mi-tour pour faire face à Jovinus, l'expression angoissée sur son visage surprenant<br />

le garçon. <strong>Maximus</strong> la remplaça rapi<strong>de</strong>ment par un sourire qui n'atteignit pas ses yeux.<br />

"Bon travail. Combien penses-tu qu'il y en ait ?"<br />

"Beaucoup. Peut être cinq cent." Jovinus le regarda avec un air interrogatif. "Allez-vous bien, monsieur ?"<br />

"Oui. Sont-ils tous armés ?"<br />

"Lour<strong>de</strong>ment, et ils ont <strong>de</strong>s boucliers et <strong>de</strong>s épées romains."<br />

<strong>Maximus</strong> tapa l'épaule <strong>de</strong> Jovinus. "Très bon travail." Il aimait ce garçon ­ enfin, il n'était plus vraiment un<br />

garçon. Il <strong>de</strong>vait avoir vingt ans ou plus. "Va dormir un peu pendant que je réunis les autres."<br />

"J'aimerais venir avec vous, monsieur."<br />

<strong>Maximus</strong> secoua la tête. "Tu n'as pas encore assez d'expérience pour une mission comme celle-ci. De<br />

plus, tu as beaucoup <strong>de</strong> valeur en tant qu'éclaireur. Va te reposer."<br />

<strong>Maximus</strong> resta seul à fixer le noir, écoutant le vent froid souffler à travers les branches nues ­ le seul bruit<br />

dans cette nuit d'hiver. Un son triste qui semblait annoncer le bain <strong>de</strong> sang qui allait commencer dans<br />

plusieurs heures.<br />

Chapitre 73 : Après la bataille<br />

<strong>Maximus</strong> fixait le sang coulant le long <strong>de</strong> ses bras. Il suivit son flux <strong>de</strong>s yeux. Il gouttait d'entailles sur ses<br />

avant-bras, puis coulait sur ses mains et tombait <strong>de</strong> ses doigts, les gouttes atterrissant avec un "flac"<br />

étouffé sur le visage sans vie <strong>de</strong> l'homme gisant à ses pieds, se mélangeant à son sang avant que le flot<br />

combiné ne pénètre dans la terre, la teintant <strong>de</strong> rouge.<br />

Ne prêtant pas attention aux cris à l'intérieur et à l'extérieur <strong>de</strong>s constructions basses en bois, <strong>Maximus</strong><br />

resta immobile, récupérant ses forces après son combat avec le chef <strong>de</strong>s Marcomanni, qu'il avait surpris<br />

dans son sommeil. Bien que plus petit que son adversaire, <strong>Maximus</strong> avait eu l'avantage <strong>de</strong> la surprise, <strong>de</strong><br />

la vitesse et <strong>de</strong> la technique. L'homme s'était jeté sur une hache cachée <strong>sous</strong> son matelas en paille et<br />

l'avait fait pivoter avec toutes ses forces vers la tête <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> pendant que sa femme pleurait et<br />

appelait à l'ai<strong>de</strong>. Mais les autres hommes <strong>de</strong> la tribu se battaient pour leurs propres vies et ne pouvaient<br />

pas venir à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> leur chef.<br />

La violence du combat se voyait par les murs éclaboussés <strong>de</strong> sang et les vêtements <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux lea<strong>de</strong>rs, eux<br />

aussi tâchés <strong>de</strong> rouge, et par les épaules tombantes <strong>de</strong> l'homme encore <strong>de</strong>bout.<br />

Hystérique, la femme du Marcomanni hurla en se tapissant dans un coin, ses <strong>de</strong>ux enfants glissés <strong>de</strong>rrière<br />

elle pour les protéger. Elle pleura encore en cachant son visage dans ses mains puis regarda <strong>Maximus</strong> et<br />

tendit une main tremblante, suppliant le guerrier romain <strong>de</strong> les laisser vivre. <strong>Maximus</strong> leva ses <strong>de</strong>ux mains,<br />

indiquant qu'il ne ferait rien <strong>de</strong> plus. Il regarda à nouveau dans les yeux sans vie à ses pieds puis enjamba<br />

le corps, très conscient qu'il aurait pu tout aussi bien être l'homme gisant à terre. Avec un <strong>de</strong>rnier regard à<br />

la femme du germain, <strong>Maximus</strong> ouvrit la porte et sortit dans la nuit.<br />

Le sol était jonché <strong>de</strong> Marcomanni morts. Les soldats romains erraient dans le village, touchant les corps<br />

pour détecter les hommes qui feignaient d'être morts et achevant ceux qui étaient mortellement blessés.<br />

Des sanglots <strong>de</strong> femmes et d'enfants venaient du temple du village qui était gardé par <strong>de</strong>ux soldats, la<br />

porte barrée à l'extérieur. De petits feux en <strong>de</strong>s<strong>sous</strong> <strong>de</strong> nombreuses constructions en bois gagnaient<br />

rapi<strong>de</strong>ment en intensité, attisés par le vent froid. Les flocons qui avaient commencé à tomber ne seraient<br />

pas suffisants pour les éteindre.<br />

<strong>Maximus</strong> cria aux soldats les plus proches. "Eteignez les incendies !"<br />

"Monsieur ? Je pensais que nous allions brûler le village."<br />

"Non. Les femmes, les enfants et les personnes âgées ont encore besoin d'un endroit où vivre et <strong>de</strong><br />

nourriture à manger. Nous laissons le village <strong>de</strong>bout."<br />

"Mais général, ils ont détruit notre camp !"<br />

"Il n'y avait ni femmes ni enfants à l'intérieur <strong>de</strong> notre camp, soldat. Maintenant, exécutez mes ordres."<br />

Un certain nombre <strong>de</strong> soldats se regardèrent, n'en croyant pas leurs oreilles puis commencèrent à jeter <strong>de</strong><br />

la terre sur les flammes avec réticence. Julius s'approcha <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

"Ils n'aiment pas cette décision, monsieur," dit-il calmement.<br />

"Je m'en moque, Julius. Ils réagiraient autrement si c'était leurs familles dans ce temple. Ces gens auront<br />

déjà assez <strong>de</strong> mal à survivre à cette époque <strong>de</strong> l'année sans leurs hommes."<br />

Julius hocha la tête en regardant le carnage. "Nous avons fait du bon travail."<br />

"Oui. Combien <strong>de</strong> germains sont morts ?"<br />

"Nous en avons compté 539, monsieur."<br />

"Et nos hommes ?"<br />

"Jusqu'ici, 46 presque rien."<br />

"Que voulez-vous dire par "jusqu'ici" ?"<br />

138


"Trois sont portés manquants, monsieur."<br />

"Beaucoup sont gravement blessés ?"<br />

'"Quelque uns. Il semble que vous auriez besoin <strong>de</strong> soins aussi, général."<br />

"La plupart <strong>de</strong> ce sang n'est pas le mien. Combien <strong>de</strong> civils ont été tués ?"<br />

"Environ <strong>de</strong>ux douzaines. Quelques hommes âgées qui ont pensé qu'ils pouvaient ai<strong>de</strong>r, onze femmes qui<br />

ont pris les armes, quatre petits garçons, une petite fille."<br />

<strong>Maximus</strong> se frotta les yeux avec le dos <strong>de</strong> sa main, étalant encore plus le sang sur son visage. "Je vais<br />

jeter un il alentour, Julius, pendant que vous vous assurez que les feux soient éteints. Et puis rassemblez<br />

les hommes. Je ne veux pas me retrouver coincé <strong>de</strong> ce côté du fleuve quand la nouvelle <strong>de</strong> ce massacre<br />

sera connue."<br />

"Oui, général."<br />

<strong>Maximus</strong> pouvait voir presque tout l'espace principal du village <strong>de</strong> là où il se tenait alors il se dirigea<br />

<strong>de</strong>rrière les cabanes pour vérifier si certains <strong>de</strong> ses hommes avaient été blessés et oubliés. Il refusait <strong>de</strong><br />

partir avant que tout le mon<strong>de</strong> n'ait été retrouvé, mort ou vivant.<br />

Ayant toujours son épée, il chercha dans les tas <strong>de</strong> déchets et <strong>de</strong> feuilles, poussa quelques bûches <strong>de</strong>s<br />

tas <strong>de</strong> bois et fit fuir <strong>de</strong>s moutons et <strong>de</strong>s chèvres terrifiés en parcourant la basse-cour.<br />

Il avait parcouru la moitié du village lorsqu'il trouva les trois soldats disparus. Occupés, ils ne le virent pas.<br />

Il y avait une fille d'environ 12 ans aux cheveux blonds filasses étalée sur le sol, ses bras et ses jambes<br />

tenus écartés par <strong>de</strong>ux hommes pendant qu'un autre la violait férocement, crûment encouragé par ses<br />

<strong>de</strong>ux complices.<br />

L'enfant terrifiée avait cesser <strong>de</strong> lutter <strong>de</strong>puis longtemps, ses yeux fermés contre la douleur, sa bouche<br />

ouverte en un cri silencieux.<br />

Elle ne vit pas l'épée du général romain s'abaisser violemment vers le cou <strong>de</strong> l'homme à sa gauche ; elle<br />

ne vit pas sa tête rebondir et rouler ni son corps tomber en arrière, le sang jaillissant du cou entaillé. Elle<br />

ne vit pas l'homme à sa droite lever ses mains vers son visage pour les perdre avec sa tête par un autre<br />

coup sauvage <strong>de</strong> l'épée du général.<br />

Elle ne vit pas son assaillant se mettre à genoux, le sang coulant sur son penis aussi vite qu'il coulait sur<br />

son visage alors qu'il regardait son bourreau en une supplique silencieuse. Elle ouvrit seulement les yeux<br />

quand elle entendit l'homme crier, le son s'arrêtant brusquement lorsqu'un coup brusque <strong>de</strong> l'épée tailla<br />

dans sa colonne vertébrale en un bruit <strong>de</strong> craquement dégoûtant. L'homme sans vie tomba en arrière, son<br />

pantalon toujours autour <strong>de</strong>s chevilles.<br />

<strong>Maximus</strong> jeta son épée ensanglantée sur le côté puis se mit à genoux et prit l'enfant terrifiée dans ses<br />

bras, la serrant d'une façon protectrice en murmurant <strong>de</strong>s paroles sur un ton doux. Il savait qu'elle ne<br />

pouvait pas comprendre mais il espérait que le ton <strong>de</strong> sa voix lui montrerait qu'elle était sauve à présent. Il<br />

couvrit ses jambes nues et minces du mieux qu'il put puis se mit <strong>de</strong>bout, la pressant contre sa poitrine.<br />

Il fit un pas vers le temple du village puis s'arrêta brusquement. Julius se tenait à côté <strong>de</strong> la cabane, le<br />

visage blanc comme un linge alors qu'il regardait alternativement <strong>Maximus</strong> et les corps sur le sol.<br />

<strong>Maximus</strong> resta silencieux, refusant <strong>de</strong> justifier ses actions à qui que soit.<br />

"Ah nous nous avons rassemblé tous nos morts et nos blessés. Les hommes ne voulaient pas laisser les<br />

morts être mutilés par les femmes <strong>de</strong> la tribu."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête.<br />

Très secoué par les exécutions dont il venait d'être le témoin, Julius regarda à nouveau les corps à terre.<br />

"Laissez-les ici," gronda <strong>Maximus</strong>.<br />

"Mais"<br />

"Les femmes peuvent faire ce qu'elles veulent avec ces corps. Ils ne méritent pas d'être appelés <strong>de</strong>s<br />

romains."<br />

"Oui, général."<br />

La petite fille gémit et <strong>Maximus</strong> la serra plus fort contre lui. "Amenez-moi une <strong>de</strong>s femmes ici. Vite !"<br />

Julius trébucha légèrement dans sa hâte <strong>de</strong> quitter la terrible scène mais revint quelques instants après<br />

avec une femme escortée par <strong>de</strong>ux soldats.<br />

Son horreur en voyant les corps décapités fut remplacée par la confusion quand elle réalisa que les<br />

hommes morts étaient <strong>de</strong>s romains. Puis elle regarda <strong>Maximus</strong> et l'enfant dans ses bras.<br />

Il lui tendit la fille et fut soulagé <strong>de</strong> voir un éclair <strong>de</strong> compréhension dans les yeux <strong>de</strong> la femme. Elle ouvrit<br />

ses bras pour accepter l'enfant puis hocha la tête une fois pour <strong>Maximus</strong> et s'en alla précipitamment, les<br />

cheveux blonds <strong>de</strong> l'enfant flottants <strong>de</strong>rrière elles.<br />

<strong>Maximus</strong> resta <strong>de</strong> nombreuses minutes silencieuses à regar<strong>de</strong>r l'espace noir et vi<strong>de</strong> où elles avaient<br />

disparu, <strong>de</strong>venant vite invisible <strong>sous</strong> l'averse <strong>de</strong> neige qui s'épaississait.<br />

"Monsieur?" <strong>de</strong>manda finalement le légat.<br />

"Julius, menez les hommes vers le sud et traversez le fleuve à l'endroit le plus proche où vous pourrez le<br />

faire."<br />

"Qu'allez-vous faire?"<br />

"Je serais juste <strong>de</strong>rrière vous. Allez-y."<br />

Julius hésitait à le quitter. "Monsieur"<br />

"Allez," dit <strong>Maximus</strong> calmement.<br />

Seul à présent, <strong>Maximus</strong> chercha dans sa tunique et en sortit <strong>de</strong>ux petites figurines qui étaient toujours<br />

près <strong>de</strong> son cur. Il avait un besoin urgent <strong>de</strong> les tenir maintenant. Il porta la première puis l'autre à ses<br />

lèvres et les embrassa.<br />

139


<strong>Maximus</strong> resta à observer jusqu'à ce que le <strong>de</strong>rnier romain quitte le village puis monta les <strong>de</strong>ux marches<br />

jusqu'à la porte du temple. Sur la pointe <strong>de</strong>s pieds, il arracha l'étendard <strong>de</strong> Germanica II <strong>de</strong> sa place <strong>de</strong><br />

déshonneur, faisant éclater le bois gris quand l'enseigne en or lui vint dans la main. Puis, il enleva la barre<br />

<strong>de</strong> sur la porte et fit <strong>de</strong>mi-tour, se dirigeant lentement vers les portes du village, son épée se balançant à la<br />

hanche et l'étendard serré dans sa main droite. Dans sa gauche étaient nichées les figurines.<br />

La porte s'entrouvrit et les femmes jetèrent un il <strong>de</strong>hors. La neige tombait dru, annihilant presque la lumière<br />

<strong>de</strong> l'aube. Elle regardèrent la silhouette qui s'éloignait, échangeant <strong>de</strong>s paroles rapi<strong>de</strong>s. Quelques femmes<br />

commencèrent à <strong>de</strong>scendre les escaliers, rassemblant tout ce qui pouvait être utilisé comme une arme,<br />

criant <strong>de</strong>s menaces et <strong>de</strong>s obscénités au romain solitaire. Mais une femme se fraya un chemin en tête du<br />

groupe et fixa le romain du regard, le reconnaissant. Elle tendit les bras <strong>de</strong>vant la foule en colère et<br />

prononça quelques mots secs pour gagner du temps. Elle supplia silencieusement <strong>Maximus</strong> d'avancer<br />

plus vite mais il n'augmenta pas son pas régulier. Au lieu <strong>de</strong> cela, il s'arrêta et se retourna, ses yeux bleus<br />

perçants se concentrant sur le seul visage familier du groupe. Il hocha légèrement la tête et la femme lui<br />

retourna le salut. Puis il leva l'étendard en or au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa tête et se détourna, disparaissant comme un<br />

fantôme dans la neige blanche tourbillonnante.<br />

Chapitre 74 : Vindobona<br />

<strong>Maximus</strong> passa les portes <strong>de</strong> Vindobona sur son cheval, accueilli chaleureusement par ses hommes.<br />

"C'est bon que vous soyez <strong>de</strong> retour, général," cria un homme. "Vous êtes parti pendant <strong>de</strong>s mois,<br />

monsieur."<br />

"C'est bon <strong>de</strong> revenir, soldat," répondit sincèrement <strong>Maximus</strong>. Il parcourut du regard les visages familiers<br />

et se <strong>de</strong>manda comment il allait leur annoncer qu'il <strong>de</strong>vait repartir bientôt. Il était ici uniquement pour<br />

récupérer son courrier et dormir dans son propre lit pour quelques nuits avant <strong>de</strong> reprendre la route pour<br />

inspecter d'autres forts et <strong>de</strong> mener d'autres hommes dans <strong>de</strong> nouvelles batailles. Et quand les combats<br />

faibliraient enfin, il voulait retourner en Espagne. Il avait besoin <strong>de</strong> voir sa femme et son fils.<br />

Il se pencha <strong>de</strong> son cheval et serra les mains qui se tendaient vers lui. Des nouvelles <strong>de</strong> ses victoires<br />

décisives dans <strong>de</strong>s batailles en Germanie <strong>de</strong> l'est, déclenchées par l'attaque romaine du village Germain,<br />

étaient arrivées jusqu'à Vindobona et ses hommes étaient fiers <strong>de</strong> lui. Il était peut être le commandant <strong>de</strong><br />

toutes les légions du Nord, mais il était leur général avant tout.<br />

<strong>Maximus</strong> mit pied à terre et donna les rênes à un soldat qui attendait, ne perdant pas <strong>de</strong> temps pour se<br />

diriger vers sa maison, Hercule trottinant <strong>de</strong>rrière lui. Il jeta un il alentours en marchant, content <strong>de</strong> voir que<br />

tout était en ordre. Quintus avait fait du bon travail.<br />

Il ralentit le pas en apercevant un enfant au loin. Un petit garçon, semblait-il, jouant à la balle avec<br />

quelques soldats. C'était très inhabituel. Le camp n'était pas un endroit sûr pour les enfants et les soldats<br />

n'avaient pas la permission d'y amener leurs familles. <strong>Maximus</strong> espéra que Quintus n'avait pas assoupli la<br />

règle.<br />

Il décida <strong>de</strong> s'occuper du problème plus tard et continua <strong>de</strong> marcher en direction <strong>de</strong> sa maison. Hercule<br />

s'arrêta, cependant, et fixa le garçon, ses oreilles dressées par la curiosité.<br />

"Viens, mon garçon, je suis sûr que tu aimerais jouer avec lui mais tu ne ferait probablement que le<br />

terrifier."<br />

Après un autre instant d'hésitation, le grand chien suivit son maître mais il fut distrait à nouveau, cette fois<br />

par l'ingénieur Jovinus qui était juste à l'extérieur du praetorium. Il frappa ses genoux en appelant le chien<br />

vers lui.<br />

<strong>Maximus</strong> sourit à Jovinus en passant <strong>de</strong>vant lui. "Depuis quand vous et Hercule êtes <strong>de</strong> si bons amis ?"<br />

"J'ai toujours aimé ce chien, monsieur." Jovinus saisit le collier <strong>de</strong> l'animal pour l'empêcher <strong>de</strong> suivre<br />

<strong>Maximus</strong>. "C'est bon <strong>de</strong> vous voir <strong>de</strong> retour, monsieur, et merci d'avoir pris soin <strong>de</strong> mon garçon."<br />

<strong>Maximus</strong> fit un geste <strong>de</strong> la main en réponse tout en poursuivant sa route.<br />

Il jeta ses fourrures sur son lit et commença à défaire les liens <strong>de</strong> sa cape en regardant la couche dont il<br />

avait grand besoin ­ c'était la sienne, pour changer. Quelque chose était différent dans sa chambre et ses<br />

mains interrompirent leur tâche. C'était une o<strong>de</strong>ur étrange. Il renifla puis regarda en l'air. Il alluma<br />

hâtivement plusieurs lanternes pour augmenter la lueur <strong>de</strong> celle qui brûlait déjà.<br />

Il fixa le mur <strong>de</strong>rrière son lit pendant un moment puis tendit une main hésitante pour tracer les formes<br />

colorées avec ses doigts. Sa maison. Il était entrain <strong>de</strong> contempler sa maison en Espagne telle qu'on la<br />

voyait <strong>de</strong>puis la route; sa maison perchée sur une colline, entourée par <strong>de</strong>s arbres aux fruits mûrs et <strong>de</strong>s<br />

champs <strong>de</strong> blé prêts pour la moisson. Des poneys jouaient sur une colline lointaine. Un mur entourait la<br />

propriété avec <strong>de</strong> grands peupliers bordant la route qui menait à sa <strong>de</strong>meure. Un peuplier gigantesque se<br />

tenait fièrement à l'entrée, <strong>de</strong> délicates fleurs sauvages entourant son tronc; l'endroit où sa fille était<br />

enterrée. Le ciel était bleu avec <strong>de</strong>s nuages blancs étincelants et toute la scène baignait dans la lumière<br />

dorée du soleil. La peinture recouvrait entièrement le mur.<br />

Comment cela était-il possible ? Comment le jeune Polybius pouvait-il savoir <strong>de</strong> quoi avait l'air sa maison,<br />

à moins d'avoir fouillé dans ses affaires et d'avoir vu les <strong>de</strong>ssins d'Olivia ? Aurait-il osé faire une chose<br />

pareille ?<br />

Confus et irrité, <strong>Maximus</strong> se retourna et se dirigea vers la porte, uniquement pour stopper brusquement et<br />

fixer le mur sur sa gauche. Il était recouvert d'un portrait gran<strong>de</strong>ur nature, presque achevé, <strong>de</strong> lui sur un <strong>de</strong><br />

ses étalons noirs. Les détails <strong>de</strong> son uniforme étaient exactement reproduits : la cuirasse, la cape gonflée<br />

par le vent, les peaux <strong>de</strong> loup et la ressemblance avec lui était stupéfiante. Son port était fier et royal, mais<br />

un léger sourire aux lèvres et aussi dans le regard montraient l'homme qu'il était vraiment <strong>sous</strong> l'apparat du<br />

140


général. Derrière lui, il y avait le Danube bleu et les sommets pourpres <strong>de</strong> la montagne ainsi que les forêts<br />

verdoyantes <strong>de</strong> Germanie.<br />

"J'ai pensé qu'un mur <strong>de</strong>vait montrer où tu étais et l'autre mur où tu <strong>de</strong>vrais être." La voix venait <strong>de</strong><br />

l'encadrement <strong>de</strong> la porte.<br />

Le souffle <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> se coupa et le sang se retira <strong>de</strong> ses membres. Il commença à trembler et <strong>de</strong>s<br />

larmes brouillèrent sa vue, déformant la fresque <strong>de</strong>vant lui.<br />

"<strong>Maximus</strong> ?"<br />

Olivia se précipita vers lui et il la prit dans ses bras tremblants, enfouissant son visage dans ses cheveux<br />

alors qu'il pleurait sans honte. Sa femme lui murmura <strong>de</strong>s mots d'amour et embrassa sa joue, son oreille et<br />

son cou, ses yeux brillants aussi.<br />

La voix <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> n'était qu'un murmure rauque. "Comment savais-tu que j'avais besoin <strong>de</strong> toi ?"<br />

"Je le savais parce que j'avais autant besoin <strong>de</strong> toi. Oh <strong>Maximus</strong>, tu m'as tellement manqué."<br />

Ils ne remarquèrent pas Cicéro qui souriait en fermant doucement la porte <strong>de</strong> la chambre et n'entendirent<br />

pas Hercule gémir car Cicéro l'empêchait <strong>de</strong> se précipiter vers Olivia.<br />

"Quand" <strong>Maximus</strong> commença.<br />

"Je suis ici <strong>de</strong>puis 36 jours, morte d'inquiétu<strong>de</strong> pendant que tu étais parti mener tes batailles." Olivia prit<br />

son visage dans ses mains et effaça ses larmes avec ses lèvres. "Et ne me dit pas que je n'aurais pas du<br />

venir."<br />

"Tu n'aurais pas du, mais je ne le dirais pas."<br />

<strong>Maximus</strong> la serra dans ses bras et lutta pour maîtriser son tremblement dû à la fatigue intense et au choc<br />

<strong>de</strong> trouver sa femme en Germanie. "Les Dieux ont entendu mes prières." <strong>Maximus</strong> étudia son visage. "Tu<br />

es magnifique."<br />

"Tu as une tête épouvantable et tu sens le cheval," le taquina Olivia. "Je vais te faire couler un bain." Elle<br />

ne fit cependant aucun mouvement pour quitter ses bras.<br />

"Ca doit être Marcus que j'ai vu jouer avec les soldats. Je ne l'ai pas reconnu, il a tellement grandi."<br />

"Il aura cinq ans à son prochain anniversaire, tu sais. Ce n'est plus un bébé."<br />

"Non, en effet. J'ai manqué cette partie <strong>de</strong> sa vie, n'est-ce pas ?"<br />

"Tu peux te rattraper. Il est tellement excité à l'idée <strong>de</strong> te voir."<br />

"Va-t-il se souvenir <strong>de</strong> moi, cette fois ?"<br />

"<strong>Maximus</strong>, quand je peignais ton portrait sur le mur, il me corrigeait si jamais je faisais la moindre petite<br />

erreur. Il se rappelle très bien <strong>de</strong> toi."<br />

"Qui le surveille ?"<br />

"Son oncle Persius. J'ai persuadé mon petit frère <strong>de</strong> m'accompagner dans ce voyage malgré ses doutes. Il<br />

savait que je le ferais toute seule si il refusait."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha simplement la tête, sa joue contre les cheveux d'Olivia, ses yeux fermés. Il soupira<br />

profondément. "Veux-tu me faire une faveur ?"<br />

"Tout ce que tu veux."<br />

"Peins-toi <strong>de</strong>bout avec Marcus sur cette fresque <strong>de</strong> notre ferme, à côté du grand peuplier."<br />

"Bien sûr," murmura Olivia en lui caressant la joue. "Tu les aimes ?"<br />

"Plus que je ne pourrais le dire. Les fresques sont merveilleuses." <strong>Maximus</strong> la serra si fort dans ses bras<br />

que l'air quitta ses poumons.<br />

Quand Olivia put respirer à nouveau, elle dit "Ca a été une pério<strong>de</strong> difficile pour toi, n'est-ce pas ?"<br />

Son mari se raidit puis murmura "Oui. Il y a <strong>de</strong>s fois où j'ai l'impression qu'on s'attend à ce que je sois un<br />

dieu plutôt qu'un homme."<br />

"Un homme qui est divin ?" s'enquit Olivia.<br />

"Je suis juste un homme qui a désespérément besoin <strong>de</strong> sa famille. Rien <strong>de</strong> plus."<br />

"Et bien, ta famille est là pour toi, mon amour, et nous serons là aussi longtemps que tu auras besoin <strong>de</strong><br />

nous."<br />

"Non, vous ne pouvez pas rester aussi longtemps."<br />

Olivia était perplexe. "Combien <strong>de</strong> temps voudrais-tu?"<br />

"Toujours."<br />

Le gloussement d'Olivia fut étouffé par le baiser <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, un baiser profond qui sembla durer<br />

éternellement<br />

<strong>Maximus</strong> plaça un doigt <strong>de</strong>vant ses lèvres en s'approchant du groupe jouant à la balle, indiquant son<br />

souhait d'observer son fils pendant un moment sans que ce <strong>de</strong>rnier s'en aperçoive.<br />

Son enfant avait tellement grandi. Il n'était plus le bébé qu'il avait quitté mais un soli<strong>de</strong> petit garçon qui<br />

pouvait courir et sauter et frapper la balle avec grâce et force.<br />

Il sourit à ses hommes car ils corrigeaient leurs habituelles exclamations quand ils manquaient la balle en<br />

honneur du jeune fils du général et <strong>de</strong> sa belle femme aux cheveux noirs. Tous les <strong>de</strong>ux avaient réussi à<br />

charmer presque chaque soldat du camp pendant qu'ils avaient attendu avec anxiété le retour <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong>.<br />

Persius envoya la balle vers Marcus mais visa délibérément <strong>de</strong>rrière le garçon et la balle bondit vers<br />

<strong>Maximus</strong> qui l'arrêta avec son pied botté. Les yeux sur la balle, Marcus se tourna pour intercepter le<br />

prochain envoi et fut surpris quand l'homme ne fit rien. Lentement, il leva la tête pour regar<strong>de</strong>r le corps<br />

attaché au pied ­ la longue cape avec <strong>de</strong>s fourrures, la cuirasse <strong>de</strong> cuivre et la tunique lie-<strong>de</strong>-vin. L'homme<br />

s'accroupit et son visage barbu familier apparut.<br />

141


"Papa ?" s'enquit Marcus, n'étant pas sûr <strong>de</strong> voir son vrai père ou juste une personnification <strong>de</strong> ses<br />

souhaits et <strong>de</strong> ses rêves.<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête et sourit, écartant les bras pour envelopper le garçon qui courut vers lui sans<br />

hésitation.<br />

Plus d'un homme dut soudain se retourner pour se moucher alors que son général serrait son fils contre<br />

son cur, sa gran<strong>de</strong> main cachant presque entièrement la tête <strong>de</strong> l'enfant. Après quelques instants tendres<br />

et calmes, <strong>Maximus</strong> s'essuya les yeux puis installa son fils sur ses épaules et tendit la main à son beaufrère.<br />

"Persius."<br />

Le soulagement se peignit sur le visage du jeune homme. "Je suis content <strong>de</strong> te revoir, <strong>Maximus</strong>. Je suis<br />

aussi content <strong>de</strong> voir que tu n'es pas en colère."<br />

"Je <strong>de</strong>vrais. C'était un voyage très dangereux pour mon épouse et mon fils, mais je suis heureux qu'ils<br />

soient ici. Bien plus heureux que tu ne le sauras jamais. Merci <strong>de</strong> les avoir accompagnés."<br />

"Et bien, si je ne l'avais pas fait, Olivia y serait allée toute seule, tu sais."<br />

"Je sais."<br />

Tous les <strong>de</strong>ux connaissaient très bien la détermination <strong>de</strong> la jeune femme.<br />

"En fait, Titus et les autres ne savaient rien <strong>de</strong> notre départ. Je leur ai envoyé une lettre dès que nous<br />

sommes arrivés ici et j'en ai reçu une en réponse euh très agressive."<br />

"J'écrirai à Titus pour lui expliquer que tout va bien."<br />

"Merci." Persius mit ses mains sur ses hanches et jeta un il autour du camp. "C'est un bon endroit que tu<br />

as ici. Tout le mon<strong>de</strong> nous traite très bien. Je suppose que ça ai<strong>de</strong> lorsqu'on est <strong>de</strong> la famille du général."<br />

<strong>Maximus</strong> rit. "Je présume."<br />

C'était tellement bon <strong>de</strong> rire à nouveau. Il jeta un il à son fils au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> lui et Marcus posa son menton<br />

sur la tête <strong>de</strong> son père et lui sourit. Les soldats qui les observaient ne purent que remarquer la<br />

ressemblance du garçon avec son père quand il souriait, même si il avait l'apparence générale <strong>de</strong> sa<br />

mère.<br />

"Viens Marcus. Allons retrouver maman."<br />

<strong>Maximus</strong> saisit les chevilles <strong>de</strong> son fils et se dirigea vers le praetorium où Olivia les attendait.<br />

"Où est ton cheval ?" <strong>de</strong>manda le garçon.<br />

"Il est à l'écurie."<br />

"Je peux le voir ?"<br />

"Maintenant ?"<br />

Marcus hocha la tête.<br />

"Il vient juste d'avoir une longue et dure journée et il est très fatigué."<br />

"Maman l'a peint sur le mur."<br />

"Je l'ai vu."<br />

"Elle t'a peint sur lui."<br />

"J'ai vu ça aussi. Maman peint très bien, n'est-ce pas ?"<br />

Marcus acquiesça, et sa conversation avec son père se poursuivit alors que <strong>Maximus</strong> se dirigeait vers les<br />

écuries avec <strong>de</strong> longues enjambées.<br />

Cicéro se tenait à côté d'Olivia à l'entrée du praetorium. "Vous voyez," lui dit-il. "Je vous avais dit qu'il n'y<br />

avait pas <strong>de</strong> quoi s'inquiéter."<br />

Olivia regarda le serviteur avec un sourire. "Cela aurait dévasté <strong>Maximus</strong> si Marcus avait hésité à aller vers<br />

lui." Elle soupira avec soulagement. "Allons préparer ce bain, Cicéro. Je n'ai pas l'intention <strong>de</strong> dormir cette<br />

nuit avec un homme qui sent le cheval."<br />

Chapitre 75 : Le bain<br />

Marcus essaya <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r le casque à plume <strong>de</strong> son père en équilibre sur sa tête mais il renonça quand il<br />

s'avéra que le poids était trop important pour lui et le casque tomba et roula sur le sol en mosaïque avec<br />

un bruit fracassant.<br />

"Marcus, qu'est-ce que tu fais ?" cria sa mère <strong>de</strong>puis la salle <strong>de</strong> bain.<br />

"Rien," fut la réponse peu convaincante.<br />

Olivia et <strong>Maximus</strong> se regardèrent et Olivia roula ses yeux avant <strong>de</strong> se lever pour quitter la place qu'elle<br />

occupait à côté <strong>de</strong> son époux qui se relaxait <strong>de</strong> son bain. Elle s'essuya les mains sur sa robe en se<br />

dirigeant vers la chambre pour découvrir quelle bêtise son garçon était en train <strong>de</strong> faire.<br />

<strong>Maximus</strong> but une gorgée <strong>de</strong> son vin et sourit quand il entendit le rire <strong>de</strong> sa femme. Elle revint rapi<strong>de</strong>ment<br />

suivie par leur fils, drapé dans la cape et les lour<strong>de</strong>s peaux <strong>de</strong> loup <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. La longue cape lie-<strong>de</strong>-vin<br />

faisait comme une traîne sur le sol et les peaux traînaient <strong>de</strong>rrière lui sur les pavés mouillés. Marcus était<br />

suivi <strong>de</strong> près par Hercule qui marchait sans arrêt sur la cape, la tirant presque <strong>de</strong>s épaules minces <strong>de</strong><br />

l'enfant.<br />

"Le sol est mouillé. Fait attention avec les vêtements," gronda Olivia.<br />

"Ca n'est pas grave. Ils souffrent déjà pas mal parce que je les porte par tous les temps et dans les<br />

batailles. Je dors même parfois <strong>de</strong>dans, ça dépend <strong>de</strong>s circonstances. Il ne peut pas les endommager<br />

d'avantage." <strong>Maximus</strong> sourit à son fils qui se mit à défiler autour <strong>de</strong> la baignoire avec la tête haute et les<br />

genoux levés comme il imaginait qu'un général le ferait.<br />

"Où est ton épée, papa ?"<br />

"Mon épée ? Mon épée n'est pas un jouet, fils. C'est très dangereux."<br />

"Mais j'ai besoin d'une épée pour être un général."<br />

142


<strong>Maximus</strong> regarda l'enfant avec une gran<strong>de</strong> affection pendant qu'Olivia lui massait les épaules et la nuque.<br />

Il soupira profondément et ferma les yeux. "Je vais te dire, Marcus : <strong>de</strong>main, je verrais ce que l'on peut<br />

faire pour que tu aies un uniforme à toi."<br />

"Promis ?" dit l'enfant fou <strong>de</strong> joie.<br />

"Je te le promet."<br />

<strong>Maximus</strong> soupira à nouveau quand sa femme découvrit <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> tension dans ses muscles et<br />

commença à les masser profondément. Il grogna légèrement quand elle tomba sur un point<br />

particulièrement sensible.<br />

"Ca fait mal ?" <strong>de</strong>manda-t-elle, inquiète.<br />

"Non ça fait du bien."<br />

Olivia embrassa la joue <strong>de</strong> son mari et chatouilla son oreille avec sa langue. "Je ne vois pas trop <strong>de</strong><br />

nouvelles cicatrices <strong>de</strong>puis la <strong>de</strong>rnière fois que je t'ai vu."<br />

"J'ai bien peur que mes cicatrices soit dans <strong>de</strong>s endroits que personne ne peut voir."<br />

Olivia s'interrogeait sur cette réponse quand Marcus s'exclama :<br />

"Papa, regar<strong>de</strong>. Regar<strong>de</strong>-moi !" Le garçon avait trouvé un coussin et le serrait entre ses genoux comme si<br />

il était monté sur un cheval en essayant <strong>de</strong> galoper autour <strong>de</strong> la baignoire, tentant <strong>de</strong> jongler en même<br />

temps avec le coussin, la cape et les peaux. Au moins, il n'avait pas essayé <strong>de</strong> grimper sur Hercule. Pas<br />

encore.<br />

"Aimerais-tu faire un tour à cheval <strong>de</strong>main, Marcus ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong>.<br />

"Oui ! Oui !"<br />

"Nous ferons un tour dans le camp sur Scarto. Ca te plaît ?"<br />

"Yeeeahhhh !" cria Marcus en retournant dans la chambre au galop.<br />

"Il est tellement fier <strong>de</strong> toi," dit Olivia en appliquant du savon sur les cheveux <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, lui massant le<br />

cuir chevelu. "Pendant notre voyage, à chaque fois qu'il voyait un soldat, il annonçait à qui voulait<br />

l'entendre que son père est un général. Il veut être comme toi."<br />

"Ma vie doit sembler très romantique et très excitante pour lui." <strong>Maximus</strong> tendit sa main à l'arrière pour<br />

caresser les longs cheveux noirs <strong>de</strong> sa femme.<br />

"Oui."<br />

"Elle ne l'est pas. C'est dur et terrifiant et solitaire. Je ne veux pas l'encourager à <strong>de</strong>venir un soldat."<br />

"<strong>Maximus</strong>, s'il te plaît, ne détruit pas ses illusions sur toi. Il découvrira assez tôt à quoi ressemble vraiment<br />

ta vie."<br />

"Il tremblerait d'horreur si il savait vraiment. Et toi aussi."<br />

"<strong>Maximus</strong>, laisse-le vivre ses fantaisies encore quelques années. Il dort la nuit en rêvant d'un homme dans<br />

un uniforme magnifique sur un grand étalon noir, menant <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> soldats."<br />

"Je veux être réel pour lui, Olivia. Pas un rêve qui prend vie."<br />

"Tu es réel pour lui. A la ferme, je lui montre les arbres ordinaires que tu as planté, les charrettes<br />

ordinaires que tu as construites, le lit ordinaire dans lequel tu dors, les vêtements ordinaires que tu portes.<br />

Il connaît cet aspect <strong>de</strong> toi. Mais il ne comprends pas celui-ci." Olivia fit un geste vers les murs <strong>de</strong> la salle<br />

<strong>de</strong> bain, indiquant le camp à l'extérieur. "Il ne comprends pas son père, le général. Alors il invente <strong>de</strong>s<br />

histoires rassurantes sur cette partie <strong>de</strong> ta vie pour ne pas avoir peur quand tu parts pour <strong>de</strong> longues<br />

pério<strong>de</strong>s. Tu comprends ?"<br />

<strong>Maximus</strong> acquiesça lentement.<br />

"Laisse-le avoir ces fantaisies. Sinon Il tremblera et pleurera dans son lit la nuit."<br />

<strong>Maximus</strong> se retourna pour faire face à sa femme et vit l'émotion dans ses yeux. "Comme tu le fais ?"<br />

"Oui. Je ne peux pas prétendre ne serait-ce qu'essayer <strong>de</strong> comprendre ce que c'est d'être un général,<strong>de</strong><br />

combattre les barbares <strong>de</strong> tuer <strong>de</strong>s gens et <strong>de</strong> mener ses propres hommes vers une mort possible. Je prie<br />

toutes les nuits pour que tu survives à tout cela et pour qu'un jour tu reviennes à la maison pour <strong>de</strong> bon,<br />

physiquement intact, mentalement équilibré et prêt à vivre avec ta famille."<br />

"Je suis prêt pour cela maintenant. Cependant c'est juste impossible." <strong>Maximus</strong> baisa les mains <strong>de</strong> sa<br />

femme. "Olivia, je suis désolé <strong>de</strong> te faire traverser cela."<br />

"Je savais qui tu étais et ce que tu étais quand je t'ai épousé, <strong>Maximus</strong>. Je comprenais la situation et je l'ai<br />

acceptée pour pouvoir t'aimer. C'est difficile mais je m'en sort. Tu vaux chaque minute d'angoisse que j'ai<br />

pu endurer. Et maintenant ferme les yeux pendant que je rince le savon."<br />

Ses cheveux et son corps impeccablement propres, <strong>Maximus</strong> se réinstalla dans la baignoire et Olivia<br />

enroula ses bras autour <strong>de</strong> ses épaules puis glissa ses mains <strong>sous</strong> ses bras musclés. Elle lui mordilla la<br />

nuque. "L'eau est en train <strong>de</strong> refroidir," murmura-t-elle.<br />

<strong>Maximus</strong> ferma les yeux, appréciant la sensation <strong>de</strong>s seins pressés contre son dos. "Ca va. C'est mieux<br />

que <strong>de</strong> se baigner dans une crique froi<strong>de</strong>."<br />

Elle posa sa joue contre la sienne ." Tu sais ce qui me fait le plus peur ?"<br />

"Quoi ?"<br />

"Que tu sois tellement habitué au rythme frénétique et aux importantes responsabilités <strong>de</strong> ta vie <strong>de</strong> général<br />

que tu trouve la vie d'un fermier ennuyeuse et terne en comparaison."<br />

<strong>Maximus</strong> commença à protester mais elle l'arrêta. "Je sais que tu désire rentrer à la maison, <strong>Maximus</strong>,<br />

mais combien d'années passeront avant que tu ne commence à avoir envie <strong>de</strong> bouger. Tu es un homme<br />

habitué à prendre <strong>de</strong>s décisions <strong>de</strong> vie et <strong>de</strong> mort et pas seulement à déci<strong>de</strong>r quand récolter telle<br />

production ou quand les olives sont mûres. Tu es un homme admiré par <strong>de</strong>s milliers ­ peut être <strong>de</strong>s<br />

millions ­ <strong>de</strong> gens, pas seulement par sa famille. Tu es un homme qui fréquente les empereurs et les<br />

143


grands responsables et pas seulement les artisans locaux et les fermiers. Tu t'es habitué à certain <strong>de</strong>gré<br />

<strong>de</strong> tension et d'excitation dans ta vie et j'ai peur que tu en aies besoin, que tu le réalises ou non. Je ne suis<br />

pas sûre que tu pourrais être totalement heureux sans tout cela. Aujourd'hui, ta maison en Espagne est un<br />

répit pour toi, mais comment te sentiras-tu quand il n'y aura plus rien d'autre que cela ?"<br />

<strong>Maximus</strong> fut silencieux pendant un long moment avant <strong>de</strong> dire "J'ai épousé une femme intelligente. Quand<br />

je suis ici, je me languit <strong>de</strong> l'Espagne. Mais quand je suis en Espagne, le camp et les soldats commencent<br />

à me manquer après un moment. Suis-je <strong>de</strong>stiné à être homme jamais tout à fait satisfait <strong>de</strong> l'endroit où il<br />

est et <strong>de</strong> ce qu'il a ?"<br />

Olivia tourna sa tête sur le côté et l'embrassa tendrement sur les lèvres. "Nous <strong>de</strong>vrons simplement avoir<br />

tellement d'enfants qu'ils te gar<strong>de</strong>ront occupé et satisfait."<br />

"J'ai envie <strong>de</strong> cela," murmura <strong>Maximus</strong>. "Où dort Marcus cette nuit, à propos ?"<br />

"Dans l'autre chambre avec Persius. J'ai dormi dans ton lit et Marcus était avec Persius. Je voulais qu'il<br />

s'habitue à cet arrangement avant que tu n'arrives ici. Nous serons vraiment tout seuls cette nuit."<br />

Elle aspira sa lèvre inférieure entre les siennes et la mordilla. "Et Hercule peut dormir là bas aussi."<br />

<strong>Maximus</strong> lui retourna son baiser. "Tu es maligne. En parlant <strong>de</strong> Marcus c'est drôlement calme dans la<br />

chambre, tu ne crois pas ?"<br />

Olivia se leva et partit en un éclair. <strong>Maximus</strong> sortit <strong>de</strong> la baignoire et enveloppa une serviette autour <strong>de</strong> ses<br />

hanches et en utilisa une autre pour s'essuyer les cheveux. Il gloussa quand il entendit la voix <strong>de</strong> sa<br />

femme dans l'autre pièce.<br />

"Marcus, qu'as-tu fait ? Tu sais que tu ne dois pas toucher aux affaires <strong>de</strong> ton papa"<br />

<strong>Maximus</strong> se mit à rire en s'essuyant un pied puis l'autre puis alla pieds nus jusqu'à la chambre pour<br />

rejoindre sa femme et son espiègle fils.<br />

Chapitre 76 : Intimité<br />

Les étoiles luisaient à travers les persiennes <strong>de</strong>s volets <strong>de</strong>s fenêtres <strong>de</strong> la chambre, ignorées par le couple<br />

sur le lit alors qu'Olivia et <strong>Maximus</strong> donnait libre court à leur passion pour la troisième fois cette nuit là,<br />

finissant ce que leurs doigts et leur bouches avaient commencé. Elle le chevauchait cette fois, ses jambes<br />

<strong>de</strong> chaque côté <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, ses hanches tournant en cercles sensuels, guidées par les mains <strong>de</strong> son<br />

mari, ses longs cheveux caressant la poitrine <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> qui se soulevait et retombait <strong>de</strong> plus en plus vite<br />

alors que son ar<strong>de</strong>ur s'intensifiait. Les mains <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> glissèrent le long du corps d'Olivia et saisirent<br />

ses seins lourds, ses pouces caressant ses mamelons roses qui étaient dressés par le désir. Leurs longs<br />

mois d'abstinence rendaient leur accouplement d'autant plus doux, en faisant un acte rare et aussi<br />

précieux qu'un diamant étincelant, difficile à trouver mais valant amplement la recherche.<br />

Les mains <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> se nouèrent dans les cheveux d'Olivia et il amena ses lèvres sur les siennes,<br />

écrasant ses seins contre sa poitrine alors que leurs langues s'enroulaient. Il inversa leurs positions et,<br />

pour la secon<strong>de</strong> fois cette nuit là, ils tombèrent du lit étroit pour atterrir sur le tapis en laine juste à côté,<br />

<strong>Maximus</strong> absorbant l'impact avec son épaule et sa hanche. "Fichu lit," grogna-t-il en plaçant Olivia <strong>sous</strong> lui<br />

et en répartissant son poids sur ses cou<strong>de</strong>s et ses genoux.<br />

Elle enroula ses jambes autour <strong>de</strong> sa taille et murmura "Ce lit n'est évi<strong>de</strong>mment pas conçu pour faire<br />

l'amour. Je trouve ça rassurant."<br />

<strong>Maximus</strong> essaya <strong>de</strong> prolonger le moment en ralentissant le rythme mais ils avaient tous les <strong>de</strong>ux franchi la<br />

limite où cela aurait été efficace. "Tu n'as pas à t'inquiéter. Mes hommes pensent que je suis fou <strong>de</strong> refuser<br />

ce qui m'est offert."<br />

"Mon séduisant mari attire les dames ?"<br />

"C'est l'uniforme," grogna <strong>Maximus</strong> quand il sentit le corps d'Olivia convulser et se contracter autour <strong>de</strong> lui.<br />

Le rire d'Olivia <strong>de</strong>vint rapi<strong>de</strong>ment un cri fiévreux et elle mordit l'épaule <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, étouffant le cri mais<br />

faisant perdre tout contrôle à son époux. Elle lui saisit les fesses pour le presser encore plus en elle et il<br />

gémit, ses hanches secouées par <strong>de</strong>s spasmes incontrôlables, puis ses bras cédèrent <strong>sous</strong> lui et il<br />

s'écroula avec à peine la force d'empêcher son poids d'écraser Olivia.<br />

Elle le tint dans ses bras, caressant ses cheveux et son cou trempés jusqu'à ce que sa respiration se<br />

ralentisse, puis elle se glissa <strong>de</strong> <strong>de</strong>s<strong>sous</strong> lui, lui permettant <strong>de</strong> s'écrouler <strong>de</strong> fatigue sur le sol chaud, sa<br />

joue reposant sur le tapis et ses yeux fermés.<br />

Malgré sa fatigue, elle s'assit avec son dos appuyé contre le lit et admira son corps nu avec le cur d'une<br />

femme et les yeux d'une artiste. Il était beau. Avec ses yeux, elle parcourut les courbes et les vallées <strong>de</strong><br />

son dos qui se soulevait et retombait à un rythme régulier. Son regard vagabonda sur chaque muscle<br />

sculpté <strong>de</strong>s larges épaules jusqu'à sa taille. Elle aimait l'endroit où son épine dorsale disparaissait entre<br />

ses fesses ron<strong>de</strong>s et fermes, et les <strong>de</strong>ux fossettes profon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> chaque côté du bas <strong>de</strong> son dos. Elle<br />

rassembla ses cheveux dans une <strong>de</strong> ses mains, se pencha et effleura les fossettes avec ses lèvres. Son<br />

époux ne bougea pas. Elle étudia ensuite ses membres. Les jambes droites et soli<strong>de</strong>s, aussi parfaites que<br />

celles <strong>de</strong>s statues d'athlètes Grecs. Elle embrassa le <strong>de</strong>rrière <strong>de</strong> ses genoux. Ses bras étaient aussi<br />

parfaits que ses jambes, très musclés et épouvantablement forts après <strong>de</strong>s années et <strong>de</strong>s années <strong>de</strong><br />

maniement <strong>de</strong> l'épée et du bouclier. Elle embrassa les empreintes <strong>de</strong> <strong>de</strong>nts qu'elle avait laissé là.<br />

Olivia prit une couverture <strong>de</strong> sur le lit <strong>de</strong>rrière elle puis les couvrit tous les <strong>de</strong>ux avec en se serrant contre<br />

<strong>Maximus</strong>, son doigt traçant lentement <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ssins imaginaires sur son dos. Il tourna sa tête pour lui faire<br />

face et elle lui sourit. "Je croyais que tu dormais."<br />

"Presque. J'ai pensé que je <strong>de</strong>vais rester éveillé pour savoir où tu allais m'embrasser ensuite."<br />

144


Olivia rit. "Je t'aime."<br />

"Je t'aime aussi."<br />

Olivia adora le gron<strong>de</strong>ment profond <strong>de</strong> sa voix. "Es-tu désolé que je sois venue ici ?" <strong>de</strong>manda-t-elle.<br />

<strong>Maximus</strong> fut lent à répondre. "Pas encore," dit-il.<br />

Olivia fut surprise par sa réponse. "Que veux-tu dire par "pas encore" ? Tu vas te fatiguer <strong>de</strong> moi ?"<br />

"Jamais. Non, ce que je veux dire c'est que les troupes germaines augmentent leurs attaques sur le<br />

territoire romain. Les attaques sont sporadiques mais une constante est en train d'émerger et elles se<br />

dirigent certainement vers l'est."<br />

"Vers nous."<br />

"Oui. C'est très probable que Vindobona soit attaqué dans les mois ou les semaines qui viennent."<br />

Olivia haussa les épaules. "Nous serons en sécurité."<br />

"Personne ne l'est." <strong>Maximus</strong> se mit sur son dos et la prit dans ses bras. "J'ai vu <strong>de</strong>s choses terribles,<br />

Olivia. J'ai fait <strong>de</strong>s choses terrible, au nom <strong>de</strong> l'empereur et pour la gloire <strong>de</strong> Rome. Ca n'est pas que je<br />

crois que ce que j'ai fait soit mal, ou que l'empereur a tort <strong>de</strong> me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> le faire. C'est juste que<br />

tellement <strong>de</strong> gens innocents meurent. Je pense que c'est important <strong>de</strong> défendre les territoires que nous<br />

avons déjà mais Marc-Aurèle veut plus. Il veut pousser plus au Nord une fois que nous aurons stabilisé les<br />

choses à la frontière. Il a les yeux sur <strong>de</strong>s mines riches en minéraux et en pierres précieuses. Combien <strong>de</strong><br />

vies cela vaut-il ? Est-ce que cela vaut qu'une femme <strong>de</strong> Germanie enterre sont fils innocent à cause d'une<br />

blessure reçue pendant un siège ?"<br />

Olivia se souleva sur un cou<strong>de</strong> et regarda son époux. "Oh, <strong>Maximus</strong>, j'aimerais tellement pouvoir alléger<br />

ce poids qui pèse sur tes épaules. Je n'ai jamais voulu rendre ton far<strong>de</strong>au plus lourd en venant ici."<br />

"En étant ici, tu rends le far<strong>de</strong>au à la fois plus léger et plus pesant."<br />

"Bien, alors cela s'annule."<br />

<strong>Maximus</strong> sourit mais re<strong>de</strong>vint rapi<strong>de</strong>ment sérieux. "Je ne peux pas rester pendant beaucoup <strong>de</strong> jours. Je<br />

pense que les Germains vont attaquer la zone <strong>de</strong> Castra Regina en prochain et je dois aller là bas. Les<br />

endroits où les camps et les villages sont près l'un <strong>de</strong> l'autre sont particulièrement vulnérables."<br />

"Je comprends."<br />

Elle s'étendit à nouveau avec sa tête sur l'épaule <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

"Vraiment ? Comprends-tu vraiment à quel point cela sera plus difficile pour toi <strong>de</strong> savoir que je suis au<br />

combat ­ que quand je vais te quitter, ça sera pour aller faire la guerre ? Quand tu étais loin en Espagne, tu<br />

pouvais m'imaginer en sécurité. Mais à présent, tu sauras que ça n'est pas le cas."<br />

Olivia ne répondit pas.<br />

"Sais-tu pourquoi le sol est si chaud ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong>.<br />

Olivia fut intriguée par le brusque changement <strong>de</strong> conversation. "Oui, ton ingénieur en chef, Jovinus, s'est<br />

fait un plaisir <strong>de</strong> me montrer tout le système. Il est très intelligent."<br />

"Il l'est. Mais ce qu'il ne réalise pas, c'est qu'il a créé sans le savoir la seule cachette sûre <strong>de</strong> tout le camp.<br />

Je vais faire éteindre le feu ­ alors si nous tombons encore par terre, le sol sera froid." <strong>Maximus</strong> sourit<br />

brièvement. "Je vais aussi faire en sorte qu'un endroit <strong>sous</strong> le sol soit stocké avec <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nrées non<br />

périssables et <strong>de</strong> l'eau ainsi que <strong>de</strong>s couvertures. Au premier signe <strong>de</strong> problèmes, je veux que toi et<br />

Marcus vous alliez là et que vous y restiez jusqu'à ce que moi, ou un <strong>de</strong> mes hommes, vous fasse sortir.<br />

Je vais donner ces instructions à Quintus et je veux que tu y obéisse sans questions. Ta vie et celle <strong>de</strong><br />

Marcus peuvent en dépendre."<br />

"Et Persius ?"<br />

"Je ne sais pas encore. Peut être sera-t-il avec vous ou bien peut être aurais-je besoin <strong>de</strong> lui pour d'autres<br />

choses. Je n'ai pas encore décidé."<br />

"Il n'est pas un soldat. Il n'a aucun entraînement."<br />

"Je le sais, mais il connaît les chevaux et nous aurons peut être besoin <strong>de</strong> lui à cause <strong>de</strong> cela." <strong>Maximus</strong><br />

embrassa le front <strong>de</strong> sa femme. "Si quelque chose arrive à toi ou à Marcus, ma vie sera finie. Je n'avais<br />

pas réalisé combien il était douloureux <strong>de</strong> perdre un enfant jusqu'à ce que cela se produise. Je ne<br />

survivrais jamais à la perte d'un autre, et sûrement pas à la perte <strong>de</strong> ma femme bien aimée."<br />

Olivia leva la tête et regarda dans les yeux <strong>de</strong> son mari. "Penses-tu toujours à Maxima ?"<br />

"Elle n'est jamais loin <strong>de</strong> mes pensées."<br />

"Et <strong>de</strong>s miennes. Il est facile <strong>de</strong> dire que nous aurons d'autres enfants mais nous ne la remplacerons<br />

jamais."<br />

"Non, elle sera toujours perdue pour nous."<br />

Olivia caressa son visage, faisant courir ses doigts sur son front puis vers sa joue et sa barbe qu'elle<br />

caressa doucement. "La plupart <strong>de</strong>s hommes ne seraient pas touchés, tu sais ­ par la perte d'une fille.<br />

Spécialement une qu'ils n'ont jamais vue."<br />

"Je ne suis pas la plupart <strong>de</strong>s hommes."<br />

"Non non, tu ne l'es certainement pas."<br />

Olivia blottit son visage dans le creux <strong>de</strong> son épaule. Quelques minutes après, elle murmura "Je suis la<br />

femme la plus chanceuse qui existe."<br />

Il ne répondit pas et Olivia réalisa que sa respiration était plus profon<strong>de</strong> et plus régulière. Il s'était<br />

finalement endormi.<br />

<strong>Maximus</strong> remua, les signaux <strong>de</strong> plaisir finissant par atteindre son cerveau, mais pas suffisamment pour le<br />

réveiller complètement. Sa tête roula sur la gauche, puis sur la droite, ses yeux fermés. Son bras bougea<br />

pour toucher sa femme mais il retomba sur sa poitrine, ne saisissant que <strong>de</strong> l'air. Il retomba dans un<br />

145


sommeil profond puis remua à nouveau et gémit légèrement, son cerveau pas encore tout à fait alerte pour<br />

interpréter les signaux que lui envoyaient ses sens. Ses paupières finirent par battre et ses jambes<br />

bougèrent mais quelque chose les empêcha <strong>de</strong> glisser plus loin. Un gémissement lui échappa et soudain,<br />

il fut pleinement conscient <strong>de</strong> mains chau<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> lèvres et d'une langue alors qu'Olivia explorait et<br />

caressait le bas <strong>de</strong> son corps. Déjà épuisé par son long voyage et après avoir fait l'amour trois fois, il<br />

n'avait pas assez d'énergie pour répondre, à part à un niveau purement primaire et sa main retomba près<br />

<strong>de</strong> son flanc quand il essaya d'atteindre sa femme. Ses lèvres s'entrouvrirent pour amener plus d'air dans<br />

ses poumons quand sa respiration s'intensifia, chaque respiration <strong>de</strong>venant un soupir <strong>de</strong> plaisir pur. Ses<br />

orteils remuaient et ses jambes bougeaient sans cesse, ses cuisses le brûlaient. Ses soupirs <strong>de</strong>vinrent <strong>de</strong>s<br />

gémissements rauques alors que ses fesses se contractaient inconsciemment et que ses hanches se<br />

soulevaient du sol. Il sentit une main glisser <strong>sous</strong> lui, encourageant sa passion mais le maintenant dans sa<br />

position. Il voulut toucher Olivia mais ses bras refusèrent d'obéir et retombèrent <strong>de</strong>rrière sa tête où ses<br />

doigts trouvèrent le tapis, le saisirent et le tordirent. Sa tête était rejetée en arrière, les tendons <strong>de</strong> son cou<br />

saillant par la tension. Son corps n'était plus à lui mais <strong>sous</strong> le contrôle <strong>de</strong> la femme à ses hanches et elle<br />

le poussait sans pitié vers la libération dont son corps et son esprit avaient besoin, son grognement<br />

prolongé <strong>de</strong> satisfaction ressemblant à un cri <strong>de</strong> douleur.<br />

<strong>Maximus</strong> s'affaissa sur le sol, complètement vidé, la respiration entrecoupée et les membres tremblants. Il<br />

était plus qu'épuisé. Si les germains attaquaient Vindobona maintenant, ils trouveraient le général aussi<br />

faible et sans défense qu'un bébé. Totalement vulnérable. Lorsque ses sens se calmèrent et que les<br />

battements <strong>de</strong> son cur ralentirent, ses pensées confuses disparurent dans le néant et il plongea dans un<br />

profond sommeil sans rêves proche <strong>de</strong> l'inconscience.<br />

Olivia caressa son visage jusqu'à ce qu'elle soit sûre qu'il dormait profondément, puis le recouvrit avec la<br />

couverture. Elle embrassa doucement ses lèvres entrouvertes puis murmura "Ca n'est pas l'uniforme, mon<br />

amour. Crois-moi, ça n'est pas l'uniforme," avant <strong>de</strong> s'allonger à côté <strong>de</strong> lui et <strong>de</strong> le rejoindre dans le<br />

sommeil.<br />

Chapitre 77 : Le tour du camp<br />

<strong>Maximus</strong> serra ses paupières et leva la main pour bloquer la clarté qui le dérangeait. Qui était entrain <strong>de</strong><br />

lui mettre la lumière <strong>de</strong> la lanterne dans les yeux ? Il tourna la tête sur le côté puis entrouvrit un il, se<br />

préparant à répriman<strong>de</strong>r Cicéro pour le déranger si tôt.<br />

La chambre était illuminée par <strong>de</strong>s rayons <strong>de</strong> soleil qui traversaient les volets et ils frappaient le couple<br />

gisant sur le sol à un angle qui fit réaliser à <strong>Maximus</strong> avec un choc qu'il <strong>de</strong>vait être bien après midi.<br />

"Oh, mer<strong>de</strong> !" murmura-t-il en prenant sa femme endormie dans ses bras et en la déposant doucement sur<br />

le lit. Elle ne s'éveilla pas. Il avait dormi pendant qu'il aurait du avoir une réunion avec Quintus et ses<br />

officiers, et il n'avait pas tenu sa promesse à Marcus à propos <strong>de</strong> l'uniforme et du tour du camp à cheval.<br />

Il chercha une tunique propre dans sa gar<strong>de</strong>-robe puis se vêtit en hâte, passant ses doigts dans ses<br />

cheveux pour les discipliner. Il était entrain <strong>de</strong> lacer sa <strong>de</strong>uxième botte lorsqu'il entendit son fils parler à<br />

Persius <strong>de</strong> l'autre côté <strong>de</strong> la porte.<br />

"Mais, où est-il ?"<br />

"Il dort encore, Marcus. Il t'emmènera faire un tour lorsqu'il sera réveillé."<br />

"Quand ?"<br />

"Bientôt."<br />

"Tu as dit ça tout à l'heure. Je veux lui montrer mon" <strong>Maximus</strong> ouvrit la porte, les faisant sursauter.<br />

Il lissa sa tunique un peu timi<strong>de</strong>ment et ignora le sourire impertinent <strong>de</strong> son beau-frère. Cicéro se tenait à<br />

côté <strong>de</strong> la porte <strong>de</strong> sa chambre, souriant également. <strong>Maximus</strong> se levait normalement à l'aube. Il n'allait<br />

jamais s'en sortir comme cela.<br />

Persius frappa le premier. "<strong>Maximus</strong>, vous avez l'air un peu désinvolte ce mat oh, excusez-moi cet aprèsmidi."<br />

"Papa. Regar<strong>de</strong> ce que j'ai. Regar<strong>de</strong> ce que j'ai !"<br />

Ignorant Persius, <strong>Maximus</strong> s'accroupit pour examiner la tenue <strong>de</strong> son fils. C'était une imitation vite faite<br />

mais respectable <strong>de</strong> son propre uniforme <strong>de</strong> général. La cuirasse était un morceau <strong>de</strong> bois fin et peint pour<br />

ressembler à la cuirasse <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. Elle était attachée par <strong>de</strong>s rubans. Il vit que le tissu <strong>de</strong> la cape<br />

venait d'une <strong>de</strong>s siennes qui était déchirée et dont il s'était débarrassé récemment mais que Cicéro avait<br />

apparemment conservée. Le cordonnier avait fait rapi<strong>de</strong>ment une paire <strong>de</strong> bottes pour Marcus et une<br />

petite épée en bois se balançait sur une cor<strong>de</strong> à son côté. Des ban<strong>de</strong>s <strong>de</strong> peaux un peu rustres tombaient<br />

<strong>de</strong> ses épaules, venant d'un infortuné animal. Hercule les toucha du museau et les renifla, aussi<br />

interrogatif que <strong>Maximus</strong> sur leur origine.<br />

"Où as-tu eu cela ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong>, impressionné par la vitesse à laquelle l'uniforme avait été<br />

confectionné.<br />

"Cicéro !" s'exclama Marcus. "Et oncle Persius a aidé aussi."<br />

"Et bien, nous <strong>de</strong>vions faire quelque chose pour gar<strong>de</strong>r le garçon occupé pendant qu'il a attendu que son<br />

papa se réveille pendant" Persius fit semblant <strong>de</strong> compter, "les sept <strong>de</strong>rnières heures."<br />

"Tu ne portes pas ton uniforme," dit Marcus, la déception claire dans sa voix lorsqu'il vit la simple tunique<br />

brune <strong>de</strong> son père.<br />

"Je le mettrai bientôt, Marcus. Papa était très fatigué ce matin et il a dormi un peu plus longtemps.."<br />

"C'est un euphémisme," ricana Persius.<br />

146


<strong>Maximus</strong> lui lança son meilleur regard froid <strong>de</strong> général mais le jeune homme refusa <strong>de</strong> se laisser intimi<strong>de</strong>r<br />

à présent que son apparemment infaillible beau-père avait finalement montré une faille dans son armure.<br />

"Marcus, je sais que je t'ai promis un tour à cheval et nous le ferons bientôt. Je dois juste m'entretenir avec<br />

quelques hommes avant. Je dois faire cela en premier," répéta-t-il, espérant que le garçon comprendrait.<br />

Le visage <strong>de</strong> son fils se décomposa.<br />

<strong>Maximus</strong> jeta un regard à Persius mais le jeune homme secoua légèrement la tête comme pour dire "Vous<br />

êtes seul sur ce coup là, général".<br />

"D'accord tu peux grimper sur mes épaules pendant que je vais retrouver Quintus."<br />

"Est-ce que Quintus est l'homme avec les cicatrices entre ses yeux ?" <strong>de</strong>manda innocemment Persius.<br />

"Oui. Pourquoi ?"<br />

"Il est parti <strong>de</strong>puis longtemps."<br />

"Quoi ?"<br />

"Il était ici il y a environ cinq heures mais Cicéro n'a pas voulu qu'il vous dérange. Il revenu quatre fois<br />

avant <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r qu'il avait mieux à faire. Il a dit qu'il vous verrait ce soir si vous étiez réveillé."<br />

<strong>Maximus</strong> se caressa la barbe avec exaspération.<br />

"Marcus, reste avec oncle Persius pendant que je mets mon uniforme. Maman dort toujours et je ne veux<br />

pas la réveiller. Reste ici, d'accord ? Je ne serais pas long." <strong>Maximus</strong> regarda Persius. "Occupe-toi <strong>de</strong> lui<br />

pendant quelques minutes," et comme Persius ne semblait pas enclin à coopérer, il ajouta "et ceci est un<br />

ordre."<br />

Persius s'inclina irrévérencieusement puis pris la main du petit garçon. "Viens, Marcus. Ton papa nous<br />

retrouvera à l'écurie. Allons seller Scarto !"<br />

<strong>Maximus</strong> les regarda partir puis jeta un regard à Cicéro qui était appuyé contre sa porte. "Merci Cicéro, <strong>de</strong><br />

t'être occupé <strong>de</strong> l'uniforme <strong>de</strong> Marcus et <strong>de</strong> m'avoir laissé dormir, bien que j'ai l'impression que je vais<br />

payer cher ce petit luxe."<br />

"C'est bien <strong>de</strong> voir que vous être finalement <strong>de</strong>bout, général ! Nous nous <strong>de</strong>mandions si nous <strong>de</strong>vions<br />

venir vous secourir, monsieur."<br />

"Vous avez l'air un peu fatigué aujourd'hui, général. Beaucoup <strong>de</strong> <strong>de</strong>voirs à accomplir la nuit <strong>de</strong>rnière ?"<br />

<strong>Maximus</strong> essaya d'ignorer les taquineries <strong>de</strong> ses hommes alors qu'il chevauchait lentement Scarto autour<br />

du camp, Marcus perché fièrement entre ses jambes comme une version miniature <strong>de</strong> lui-même.<br />

Il avait espéré que son uniforme formel <strong>de</strong> général dissua<strong>de</strong>rait quelque peu les hommes mais cet espoir<br />

fut vite dissipé. <strong>Maximus</strong> semblait toujours si parfait dans tout ce qu'il faisait que la plupart <strong>de</strong>s hommes<br />

trouvaient très réconfortant <strong>de</strong> savoir que leur général pouvait succomber aux besoins et aux désirs<br />

primaires ­ tout comme eux ­ et ils avaient l'intention <strong>de</strong> bien profiter <strong>de</strong> la situation parce qu'elle pouvait<br />

bien ne jamais se reproduire.<br />

Le général décrit chaque partie du camp à son fils dans <strong>de</strong>s termes simples et répondit à toutes les<br />

questions du garçon tout en souriant avec résignation et en hochant la tête et en acceptant tous les<br />

commentaires spirituels ou les clins d'il ou les grands sourires entendus <strong>de</strong> ses hommes.<br />

<strong>Maximus</strong> aperçut bientôt Quintus qui marchait au loin et mit Scarto au trot pour le rattraper.<br />

"Et bien général <strong>Maximus</strong>," dit Quintus, "et général Marcus." Quintus salua le petit garçon et Marcus<br />

gloussa quand son papa lui montra comment rendre le salut. "C'est agréable <strong>de</strong> voir que tu fais une<br />

apparition pendant qu'il fait encore jour."<br />

"Ne t'y met pas toi aussi."<br />

"Oh est-ce que les hommes te donnent du mal cet après-midi ?" <strong>de</strong>manda Quintus en insistant bien sur les<br />

<strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers mots.<br />

"Durant l'heure qui vient <strong>de</strong> s'écouler, j'ai du me prêter à ces plaisanteries. Et chaque homme semble<br />

penser qu'il est le premier à dire une chose aussi intelligente."<br />

"Et bien" Quintus s'approcha du genou <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> pendant que Marcus était distrait pour le moment, et il<br />

parla <strong>de</strong>rrière sa main. "Les hommes pensent que tu ne t'envoies pas assez en l'air et que la nuit <strong>de</strong>rnière<br />

n'était que justice."<br />

<strong>Maximus</strong> le foudroya du regard du haut <strong>de</strong> son étalon noir. "Merci <strong>de</strong> proférer l'évi<strong>de</strong>nce."<br />

Quintus sourit. "Avons-nous toujours cette réunion ?"<br />

"Oui, j'ai <strong>de</strong>s in<strong>format</strong>ions importantes. Rassemble les officiers dans le praetorium juste après le dîner,<br />

veux-tu ?"<br />

"Nous serons là."<br />

"Le camp est très bien entretenu, Quintus. Les hommes sont en gran<strong>de</strong> forme et ont le moral. Tu as fait un<br />

excellent travail."<br />

"Merci," répondit le légat, appréciant réellement le compliment.<br />

<strong>Maximus</strong> fit pivoter Scarto et commença à se diriger vers la porte du camp.<br />

"<strong>Maximus</strong> ?" appela Quintus.<br />

Il stoppa l'étalon et regarda par-<strong>de</strong>ssus son épaule. "Oui ?"<br />

"Ils le font uniquement parce qu'ils t'aiment. Sinon, ils t'ignoreraient. Prends ça comme un compliment."<br />

<strong>Maximus</strong> réfléchit à cela pendant un instant puis sourit et hocha légèrement la tête. "Merci, Quintus."<br />

Il mit à nouveau Scarto en marche et commença à expliquer l'importance <strong>de</strong> la porte d'entrée du camp et<br />

<strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s à un petit garçon qui buvait chacun <strong>de</strong> ses mots. <strong>Maximus</strong> soupira et se prépara à entendre <strong>de</strong><br />

nouvelles plaisanteries quand les hommes gardant la porte virent qu'il s'approchait et que leurs visages se<br />

fendirent d'un large sourire.<br />

147


<strong>Maximus</strong> accueillit ses tribuns et ses centurions en levant la main pour faire silence lorsqu'il entra dans la<br />

pièce.<br />

"Messieurs, j'ai subit plus <strong>de</strong> moqueries aujourd'hui que dans ma vie entière. Alors, si vous voulez lancer<br />

vos piques maintenant, faites-le, et nous pourrons nous occuper <strong>de</strong>s affaires en cours."<br />

Il fixa chaque homme du regard et vit leurs sourires en coin disparaître.<br />

"Bien," dit-il en s'asseyant et en se préparant à commencer le briefing. "La fréquence <strong>de</strong>s attaques <strong>de</strong>s<br />

camps romains augmente sans cesse, ainsi que leur intensité. Jusqu'ici nous n'avons perdu aucune<br />

bataille mais nous avons perdu beaucoup d'hommes, y comprit <strong>de</strong>s officiers car ils semblent être <strong>de</strong>s<br />

cibles <strong>de</strong> choix. Les germains espèrent affaiblir l'armée en la laissant sans dirigeants." Un murmure emplit<br />

la pièce et <strong>Maximus</strong> attendit qu'il se dissipe. "J'ai remarqué une constante dans les attaques. Ils semblent<br />

éviter les camps qui sont isolés et attaquer ceux qui sont étroitement liés aux villages, comme nous le<br />

sommes. Ils attaquent les villages la nuit, et quand les soldats sortent du camp pour défendre les citoyens<br />

romains, les germains se placent entre les soldats et leur camp. Ils ont réussi à voler <strong>de</strong> nombreux<br />

uniformes romains et <strong>de</strong>s armes. Les tribus se dirigent également tout le temps vers l'est et je soupçonne<br />

que Castra Regina sera la prochaine cible. Je me rends là bas après <strong>de</strong>main."<br />

"Allez-vous prendre les centuries avec vous, <strong>Maximus</strong> ?"<br />

"Non. Ca n'est pas que je n'aie pas besoin <strong>de</strong> leur ai<strong>de</strong>, mais je ne peux pas me permettre d'affaiblir ce<br />

camp. Je pense que Vindobona est peut être le trophée suprême pour eux. C'est le camp le plus grand et il<br />

est attaché au village le plus prospère. Quand je serais parti, je veux que le nombre <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s sur les<br />

murs soit doublé et qu'une unité patrouille le long du fleuve. L'ennui est que c'est un long fleuve et qu'ils<br />

pourraient traverser n'importe où. Chaque homme <strong>de</strong>vra être en alerte permanente. L'attaque pourrait se<br />

produire dans quelques semaines ; mais elle peut très bien ne pas être déclenchée avant <strong>de</strong>s mois."<br />

<strong>Maximus</strong> regarda Quintus. "Je veux que le four <strong>sous</strong> ma maison soit éteint et que le <strong>sous</strong> sol soit rempli <strong>de</strong><br />

toutes les choses dont ma femme et mon fils auront besoin pour y passer environ <strong>de</strong>ux semaines. Au<br />

premier signe <strong>de</strong> problèmes, c'est là qu'ils <strong>de</strong>vront se réfugier et ils ne <strong>de</strong>vront pas sortir avant que la<br />

situation soit re<strong>de</strong>venue absolument sûre."<br />

Quintus hocha la tête. "Nous prendrons grand soin d'eux, <strong>Maximus</strong>. Tu n'as pas à t'inquiéter pour cela."<br />

"Je laisse Cicéro ici pour s'occuper <strong>de</strong> tout cela," dit <strong>Maximus</strong> à Quintus, avant <strong>de</strong> s'adresser à nouveau au<br />

groupe: "Ce camp est prêt comme jamais pour la guerre. Nous sommes en pleine forme grâce à vous tous<br />

et cela me soulage considérablement l'esprit. Castra Regina est seulement à un jour et <strong>de</strong>mi d'ici alors je<br />

resterais quotidiennement en contact avec vous par les messagers. Des questions ?"<br />

Les hommes secouèrent négativement la tête puis une fois lança: "Juste une, Monsieur."<br />

"Collatinus ?" <strong>Maximus</strong> invita le centurion à parler.<br />

"C'est en fait une suggestion, Monsieur. Peut être que vous et votre femme <strong>de</strong>vriez faire chambre à part<br />

dès maintenant pour que vous soyez suffisamment réveillé pour mener la légion quand l'attaque se<br />

produira."<br />

Les murs résonnèrent <strong>de</strong> rires masculins.<br />

"Vous ne pouviez pas y résister, n'est-ce pas?" dit <strong>Maximus</strong>, avant d'éclater <strong>de</strong> rire à son tour.<br />

Des heures plus tard, <strong>Maximus</strong> se préparait à rejoindre sa femme dans leur chambre quand il s'arrêta pour<br />

examiner une note clouée à sa porte. L'écriture large <strong>de</strong> Persius disait :<br />

NE PAS DERANGER AVANT LE MILIEU DE L'APRES-MIDI PAR ORDRE DU GENERAL MAXIMUS<br />

<strong>Maximus</strong> soupira en arrachant le message <strong>de</strong> la porte et il le chiffonna entre ses mains. "Cicéro !" cria-t-il.<br />

Cicéro passa sa tête dans l'ouverture <strong>de</strong> sa porte. "Y-a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous,<br />

Général ?"<br />

"Oui. Tu peux me tirer du lit à l'aube <strong>de</strong>main matin, peut importe combien je suis fatigué ou combien je<br />

résiste. Est-ce clair ?"<br />

"Oui, ça l'est, monsieur." Cicéro ne put résister à un <strong>de</strong>rnier sourire. "Bonne nuit, <strong>Maximus</strong>."<br />

Chapitre 78 : Lettres <strong>de</strong> Rome<br />

<strong>Maximus</strong> était parti <strong>de</strong>puis huit jours et Olivia n'était toujours pas parvenue à s'installer dans quelque<br />

routine que ce soit. Il était difficile <strong>de</strong> le faire au camp où son existence était presque uniquement<br />

cantonnée dans le praetorium.<br />

Elle jouait avec Marcus mais il préférait la compagnie <strong>de</strong> son oncle Persius qui pouvait se déplacer dans le<br />

camp avec beaucoup plus <strong>de</strong> liberté qu'elle. Agitée, elle commençait une activité pour l'abandonner et en<br />

chercher une autre, accomplissant peu <strong>de</strong> choses.<br />

Quand Cicéro vint pour inspecter les vêtements <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> afin <strong>de</strong> les réparer, elle s'empara <strong>de</strong> ce<br />

travail, heureuse d'avoir une activité qui lui permettait <strong>de</strong> s'asseoir dans le calme et <strong>de</strong> penser à son<br />

époux. Elle toucha la laine <strong>de</strong> ses tuniques et <strong>de</strong>s capes, et le lin <strong>de</strong> ses <strong>sous</strong>-vêtements, trouvant<br />

réconfortant <strong>de</strong> toucher quelque chose qui avait été en contact avec lui.<br />

La lumière était si forte le jour suivant qu'elle rassembla assez d'énergie et <strong>de</strong> motivation pour travailler sur<br />

les fresques inachevées, voulant les avoir finies pour le retour <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

Elle mélangea ses peintures et s'ajouta soigneusement avec Marcus sur la fresque représentant la ferme,<br />

elle et son fils se tenant près <strong>de</strong> grand peuplier comme son mari le lui avait <strong>de</strong>mandé.<br />

Puis elle travailla sur la gran<strong>de</strong> fresque représentant <strong>Maximus</strong>, la regarda avec beaucoup <strong>de</strong> fierté ­ plus<br />

<strong>de</strong> fierté pour son mari que pour son travail d'artiste. Elle voulait que la fresque dure toujours pour les<br />

générations futures <strong>de</strong> soldats puissent la contempler et comprendre le grand homme <strong>sous</strong> l'uniforme.<br />

148


Une nuit, après avoir peint presque toute la journée, elle mit Marcus au lit et <strong>de</strong>manda à Cicéro <strong>de</strong> le<br />

surveiller, puis elle sortit <strong>de</strong> la maison pour aller dans le praetorium. La journée avait été étonnement<br />

chau<strong>de</strong> pour la saison et la chambre étouffante. Elle souleva ses cheveux et laissa la brise nocturne<br />

rafraîchir son cou. En laissant ses cheveux glisser entre ses doigts, elle regarda la nouvelle lune et se<br />

<strong>de</strong>manda si son mari la contemplait aussi.<br />

L'air <strong>de</strong> la nuit était rafraîchissant alors elle s'assit à côté <strong>de</strong> la porte <strong>de</strong> la maison, étira ses jambes et<br />

bailla. Le camp était un endroit solitaire sans <strong>Maximus</strong>. Le praetorium était un endroit du camp plutôt petit -<br />

- une zone regroupant la maison du général et les tentes <strong>de</strong>s officiers importants ­ elle s'y était rapi<strong>de</strong>ment<br />

ennuyée. Elle était habitué à vagabon<strong>de</strong>r dans <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s fermes, d'aller où elle le souhaitait avec une<br />

liberté totale et les restrictions du camp la lassaient. Elle avait envie <strong>de</strong> parler à quelqu'un.<br />

Les femmes du camp n'était pas le genre à fréquenter la femme du général et les officiers avaient<br />

tendance à la traiter avec un respect distant. Les hommes s'adressaient à elle en l'appelant "Domina" et<br />

hochaient poliment la tête quand ils la croisaient, mais ils ne s'arrêtaient jamais pour lui parler. Même le<br />

meilleur ami <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, Quintus, gardait ses distances. Elle avait essayé plusieurs fois d'engager la<br />

conversation avec lui mais sans aucun succès. Il préférait rester seul et il semblait timi<strong>de</strong> et peu sûr <strong>de</strong> lui<br />

lorsqu'il était avec elle.<br />

L'entrée <strong>de</strong> sa tente était en face <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. En étant assise sur les marches, Olivia<br />

pouvait voir la lumière <strong>de</strong> la lampe trembler <strong>de</strong>rrière le tissu <strong>de</strong> la tente.<br />

Quintus. Il était le meilleur ami <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, mais Olivia ne savait pratiquement rien <strong>de</strong> lui. En cherchant<br />

dans ses souvenirs <strong>de</strong>s conversations qu'elle avait eues avec son époux, elle se souvint qu'il s'était marié<br />

il y a peu, et qu'il avait passé le <strong>de</strong>rnier hiver chez lui à Rome, mais à part cela, elle ne savait presque rien.<br />

Une silhouette passa <strong>de</strong>vant la lumière, formant une gran<strong>de</strong> ombre sur la paroi <strong>de</strong> la tente et Olivia se<br />

<strong>de</strong>manda si Quintus était à l'intérieur ou si il s'agissait simplement d'un serviteur rangeant la pièce.<br />

Elle n'eut pas à se poser la question longtemps. Le légat souleva le rabat <strong>de</strong> l'entrée et tripota ses<br />

vêtements. Essayant <strong>de</strong> distinguer dans la nuit, Olivia ne put <strong>de</strong>viner ce qu'il faisait jusqu'à ce qu'elle<br />

enten<strong>de</strong> le son reconnaissable <strong>de</strong> quelqu'un urinant sur le gravier. Il vacilla légèrement, éclaboussant le<br />

côté <strong>de</strong> sa tente avec son urine.<br />

Un juron étouffé.<br />

Etait-il saoul ? Le rire soudain d'Olivia choqua tellement Quintus que son urine cessa <strong>de</strong> couler. Il se<br />

retourna pour la fixer bêtement, sa tunique encore retroussée autour <strong>de</strong> sa taille, sa bouche ouverte. Oui il<br />

était saoul.<br />

"Ne vous en faites pas, Quintus," cria-t-elle. "J'ai été élevée avec quatre frères. Rien <strong>de</strong> ce qu'un homme<br />

peut faire ne me choque." Elle rit à nouveau.<br />

Il fallut un moment à l'esprit embrumé <strong>de</strong> Quintus pour comprendre ce qu'elle avait dit et cela lui donna le<br />

temps <strong>de</strong> s'approcher <strong>de</strong> lui. Il réajusta ses vêtements en vitesse et s'inclina, saisissant le côté <strong>de</strong> sa tente<br />

pour s'y appuyer.<br />

"Mille pardons, Domina," dit-il d'une voix incertaine, "J'ai oublié que vous étiez ici."<br />

"Oui," répondit Olivia, "il semble que la plupart <strong>de</strong>s gens ait oublié que je suis ici." Elle leva la tête pour<br />

regar<strong>de</strong>r les étoiles puis soupira. "Quintus, je m'ennuie et c'est une belle nuit. Venez me parler s'il vous<br />

plaît. Nous pourrions nous asseoir sur les marches <strong>de</strong> la maison."<br />

"Je suis désolé, Domina" il tâtonna <strong>de</strong>rrière lui pour trouver le pieux <strong>de</strong> la tente, ne saisissant d'abord que<br />

<strong>de</strong> l'air, et trébuchant légèrement, " mais je dois"<br />

Olivia n'était pas au-<strong>de</strong>ssus du chantage. "Quintus, je suis surprise <strong>de</strong> vous voir si instable. Je pensais que<br />

le camp était en alerte maximale et que vous en étiez responsable." Elle ne menaça pas verbalement<br />

qu'elle le dirait à <strong>Maximus</strong>, mais elle lui jeta un regard suffisamment clair.<br />

Quintus soutint brièvement son regard, calculant ses options. Un nuage sembla passer sur son visage.<br />

"<strong>Maximus</strong> n'agirait jamais comme cela, n'est-ce pas ?" Il se parlait à lui-même et il y avait plus qu'une<br />

pointe <strong>de</strong> sarcasme dans sa voix.<br />

Olivia en fut surprise. "Quintus ? Quelque chose ne va pas ? Etes-vous en colère contre <strong>Maximus</strong> ?" Pas<br />

<strong>de</strong> réponse. "Quintus ?"<br />

Elle soupira <strong>de</strong>vant son entêtement et décida d'essayer une autre tactique. "Parlez-moi <strong>de</strong> votre vie. Cela<br />

semble si étrange que vous connaissiez <strong>Maximus</strong> si bien mais que nous soyons <strong>de</strong>s étrangers l'un pour<br />

l'autre. Il parle souvent <strong>de</strong> vous, vous savez.." Elle sourit. "Des compliments !" ajouta-t-elle rapi<strong>de</strong>ment<br />

lorsque Quintus fronça les sourcils. "Il m'a dit que vous aviez passé l'hiver <strong>de</strong>rnier à Rome et que vous<br />

étiez marié. Parlez-moi <strong>de</strong> votre femme. Comment s'appelle-t-elle ?"<br />

Au lieu <strong>de</strong> se détendre, Quintus sembla d'humeur encore plus sombre. "Elle s'appelait Antonia," dit-il d'un<br />

voix blanche.<br />

"S'appelait ?" Olivia pencha la tête, plissant le front.<br />

Quintus enfonça le bout <strong>de</strong> sa botte dans le gravier, creusant une petite tranchée dans les pierres, puis il<br />

se détourna et disparût dans sa tente. Olivia émit un grognement exaspéré et allait partir lorsqu'il réapparut<br />

à l'entrée. Il avait une lettre dans la main et un pichet <strong>de</strong> vin dans l'autre. Il renversa la tête et laissa encore<br />

plus <strong>de</strong> liqui<strong>de</strong> couler dans sa gorge.<br />

"Quintus, qu'est-il arrivé ?" Olivia fit un pas en avant, les yeux fixés sur la lettre. "Avez-vous reçu <strong>de</strong><br />

mauvaises nouvelles ?"<br />

"Ma femme est morte, Domina. Elle est morte il y a <strong>de</strong>s mois. Je viens <strong>de</strong> l'apprendre aujourd'hui."<br />

149


Olivia retint une exclamation et fit un pas en avant, essayant <strong>de</strong> toucher Quintus mais il recula dans la<br />

tente. Nullement découragée, elle le suivit à l'intérieur, ne se préoccupant pas du fait que son action<br />

pourrait être mal interprétée. Elle s'arrêta juste après l'entrée.<br />

Les affaires dans la tente avaient été retournées dans tous les sens. Une commo<strong>de</strong> était éclatée sur le sol,<br />

les vêtements étaient étalés partout et <strong>de</strong>s lettres étaient empilées sur la couche étroite, leur cachets <strong>de</strong><br />

cire tâchant les draps blancs comme du sang.<br />

Olivia absorba la scène puis se tourna vers l'homme, n'étant pas très sûre <strong>de</strong> ce qu'elle <strong>de</strong>vait faire ou dire.<br />

"Quintus, je suis tellement désolée," commença-t-elle avec gêne, très consciente <strong>de</strong> l'inadéquation <strong>de</strong> ses<br />

mots. "Ca doit être terrible <strong>de</strong> perdre son épouse"<br />

Quintus haussa les épaules et prit une autre gorgée <strong>de</strong> vin, le visage fermé.<br />

Olivia fut perturbée par sa réaction. Etait-il en état <strong>de</strong> choc ? Etait-il tellement saoul qu'il ne ressentait plus<br />

rien ?<br />

Elle poussa quelques unes <strong>de</strong>s lettres et essaya <strong>de</strong> faire asseoir Quintus sur le bord du lit. "Parlez-moi <strong>de</strong>"<br />

Quintus fixa les lettres en répondant. "Nous nous sommes mariés. Elle est tombée enceinte. Je suis<br />

revenu ici. Elle a eu le bébé. Elle est morte." Un sourire fou se figea sur son visage quelques secon<strong>de</strong>s<br />

puis il s'effaça. "Il n'y a rien d'autre à dire."<br />

"Est-ce qu'elle est-ce qu'Antonia est morte en enfantant ?"<br />

Quintus acquiesça, faisant courir ses doigts sur le bord du pichet <strong>de</strong> vin. "Ils ont du l'ouvrir."<br />

"Pour sauver le bébé ?"<br />

"Une fille."<br />

Olivia fixa ses mains du regard. " Je suis tellement désolée, Quintus. Ca doit être terrible <strong>de</strong> perdre<br />

quelqu'un avec qui on a passé si peu <strong>de</strong> temps."<br />

"Ne soyez pas désolée pour moi, Domina. Je ne le suis pas. J'ai rencontré ma femme le jour <strong>de</strong> notre<br />

mariage." Sa voix <strong>de</strong>vint plus douce. "Je ne la connaissais même pas." Quintus regarda directement Olivia,<br />

s'exprimant à nouveau avec vigueur. "C'est comme cela que ça se passe normalement, vous savez. Les<br />

gens ne se marient pas par amour ­ excepté <strong>Maximus</strong>, bien sûr." L'amertume s'entendait.<br />

Olivia l'observa attentivement alors qu'il finissait son pichet et qu'il en cherchait ensuite un second <strong>sous</strong><br />

son lit, ôtant le bouchon avec ses <strong>de</strong>nts.<br />

"Mais, vous avez un enfant"<br />

"Une fille." Sa mâchoire se contracta. "<strong>Maximus</strong> a un fils, bien sûr."<br />

Olivia prit une inspiration tremblante, <strong>de</strong>s souvenirs <strong>de</strong> Maxima lui revenant immédiatement en mémoire.<br />

Ses petits doigts parfaits la courbe douce <strong>de</strong> son menton le rire léger qu'Olivia avait entendu uniquement<br />

dans son cur. La déception <strong>de</strong> Quintus sur le sexe <strong>de</strong> son enfant était comme une gifle en plein visage<br />

pour elle. Comment pouvait-il dire une telle chose ? Il savait que <strong>Maximus</strong> avait perdu une fille, qu'il la<br />

pleurait toujours. Comme pouvait-il oser dire une chose aussi dure ?<br />

"Votre fille est vivante, Quintus," dit-elle sombrement, se levant du lit.<br />

"Domina, asseyez-vous."<br />

"Non. Je n'ai plus envie <strong>de</strong> vous parler."<br />

"S'il vous plaît"<br />

Olivia continua à avancer, essayant <strong>de</strong> contenir ses larmes quand elle repoussa le rabat <strong>de</strong> la tente.<br />

"Domina" la voix <strong>de</strong> Quintus l'appela quand elle fit un pas dans la nuit. Elle essaya <strong>de</strong> ne pas entendre en<br />

pressant le pas vers les marches <strong>de</strong> la maison.<br />

"Je l'ai tuée," murmura-t-il d'une voix rauque.<br />

Olivia finit par se retourner, surprise <strong>de</strong> découvrir que Quintus se tenait à l'entrée <strong>de</strong> sa tente et qu'il la<br />

regardait. Son visage était tendu, hanté, comme si tout l'alcool qu'il avait absorbé ne pouvait plus lui<br />

permettre <strong>de</strong> contrôler ses émotions. Olivia réalisa qu'il se sentait seul. Effrayé. Coupable.<br />

Les mots qu'il avait prononcé étaient encore dans son esprit, mais Olivia essaya <strong>de</strong> mettre sa colère <strong>de</strong><br />

côté et retourna vers la tente avec hésitation. Elle trouva un siège près <strong>de</strong> l'entrée et s'assit, le dos rai<strong>de</strong>,<br />

alors que Quintus commençait à parler.<br />

"Elle avait dix-sept ans", dit-il, tordant la lettre dans sa main, "et elle était belle. Un jour, Clara c'est le nom<br />

du bébé, bien sûr" dit-il en voyant le regard d'Olivia. "Un jour Clara voudra que je lui parle d'elle et c'est<br />

tout ce que j'aurais à lui dire. Dix sept ans et elle a perdu tout son sang sur une couche pour avoir mon<br />

bébé."<br />

Quintus commença à lever le pichet mais s'arrêta juste avant <strong>de</strong> le porter à ses lèvres et il le posa<br />

lour<strong>de</strong>ment sur le sol, tendant plutôt la main pour prendre une <strong>de</strong>s lettres qui étaient sur son lit. Olivia les<br />

étudia pour la première fois, réalisant que l'écriture sur chacune d'entre elles était i<strong>de</strong>ntique et qu'elles<br />

venaient donc <strong>de</strong> la même personne.<br />

"Je ne l'aimais pas." Les mots étaient pleins <strong>de</strong> reproche. "J'aurais du, je pense. Je Je ne sais pas, Olivia.<br />

<strong>Maximus</strong>" au lieu d'être noir, son regard était troublé, cette fois, "<strong>Maximus</strong> fait tout si facilement la force<br />

l'honneur l'amour"<br />

"Vous vous trompez," dit doucement Olivia, repensant à Maxima. "Il souffre aussi."<br />

"L'amour. Je ne pense pas que je sache ce que cela signifie La confiance ? A quel point est-ce différent <strong>de</strong><br />

ce je partage avec les hommes ? La compagnie ? Je ne suis jamais à la maison. Le sexe ?" Il eut un rire<br />

amer. "Je peux avoir ça avec les putains." Il jeta un nouveau regard sur les parchemins. "Elle a dit qu'elle<br />

m'aimait"<br />

Olivia comprit immédiatement que les lettres venaient d'Antonia. Seulement quelques cachets <strong>de</strong> cire<br />

avaient été brisés.<br />

150


"Je ne les ai jamais lues." Quintus semblait suivre le cours <strong>de</strong>s pensées d'Olivia. "Je ne les ai jamais lu<br />

jusqu'à ce soir. J'étais occupé." Il prit une profon<strong>de</strong> inspiration et croisa le regard d'Olivia. Pour la première<br />

fois, elle pensa voir <strong>de</strong>s larmes <strong>de</strong>rrière son regard dur. "Pourquoi ?" La question était empreinte <strong>de</strong><br />

souffrance, mais aussi <strong>de</strong> colère.<br />

"Pourquoi ?" répéta Olivia.<br />

"Pourquoi une personne m'aimerait-elle ? Je ne le lui avais pas <strong>de</strong>mandé." Une larme coula le long <strong>de</strong> sa<br />

joue et il l'essuya rapi<strong>de</strong>ment, essayant <strong>de</strong> masquer le geste en faisant semblant <strong>de</strong> chasser un insecte.<br />

"Je ne voulais pas qu'elle le fasse. Pourquoi cela ne pouvait-il pas rester simple normal ?"<br />

"C'est naturel <strong>de</strong> vouloir être heureux." La voix d'Olivia était très douce. Elle pensa aux lettres qu'elle avait<br />

envoyées si souvent à <strong>Maximus</strong> les <strong>de</strong>ssins. C'était terrible <strong>de</strong> penser qu'il aurait pu ne pas les lire. Elle<br />

commença à ressentir <strong>de</strong> la sympathie pour cette pauvre fille morte qu'elle n'avait jamais connue.<br />

"Spécialement pour quelqu'un d'aussi jeune."<br />

La culpabilité était inscrite sur le visage <strong>de</strong> Quintus. Ses yeux supplièrent Olivia <strong>de</strong> le rassurer. Elle se<br />

<strong>de</strong>manda vainement si ils avaient jamais eu une chance d'être heureux. Elle et <strong>Maximus</strong> avaient <strong>de</strong> la<br />

chance. La joie était si rare et si brève.<br />

"Elle a du vous aimer," dit Olivia après une longue pause. Le visage <strong>de</strong> Quintus se détendit légèrement.<br />

"Et vous n'étiez pas mécontent d'elle ?"<br />

"J'aimais être au lit avec elle," dit platement Quintus. "C'est pour cela qu'elle est morte."<br />

"Cela aurait pu arriver à n'importe qui, Quintus. Cela serait arrivé à n'importe qui d'autre. Si ça n'avait pas<br />

été vous"<br />

"Mais c'était moi," dit il doucement. "C'était moi" Il avait à nouveau le regard fixe, les yeux aussi ternes que<br />

le pichet <strong>de</strong> vin posé sur le sol.<br />

Olivia sentit que la conversation était finie. Quintus ne s'en souviendrait probablement pas le matin suivant<br />

et ce serait peut être aussi bien comme cela.<br />

Bougeant silencieusement, Olivia reboucha le vin et éteignit la petite lampe.<br />

"Vous avez besoin <strong>de</strong> dormir, Quintus," dit-elle doucement. Elle posa sa main sur son épaule, le poussant<br />

à s'allonger sur le lit.<br />

Il obéit. Soupirant <strong>de</strong> soulagement, Olivia se dirigea vers la sortie.<br />

"Dix-sept ans." Le murmure <strong>de</strong> Quintus porta <strong>de</strong> façon inquiétante dans la nuit. "Morte."<br />

Chapitre 79 : Souvenirs<br />

<strong>Maximus</strong> tournait et retournait la lettre dans ses mains, se <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> qui elle pouvait bien venir. Elle lui<br />

était parvenue <strong>de</strong>puis Rome en passant par Vindobona et il avait failli ne pas la remarquer parmi le tas<br />

habituel <strong>de</strong> messages militaires et la lettre quotidienne d'Olivia.<br />

C'était le début <strong>de</strong> la soirée et Cicéro s'affairait dans la tente, allumant <strong>de</strong>s lanternes et essayant <strong>de</strong> rendre<br />

les quartiers austères aussi confortables que possible pour le général. Habile à anticiper les moindres<br />

besoins <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, il fit glisser une lanterne sur le bureau afin <strong>de</strong> mieux éclairer la lettre pendant que<br />

<strong>Maximus</strong> s'asseyait, l'expression <strong>de</strong> son visage reflétant sa curiosité. Sans lever les yeux, le général tendit<br />

la main et Cicéro y plaça immédiatement un gobelet rempli <strong>de</strong> vin épicé.<br />

"Tout va bien, monsieur ?"<br />

<strong>Maximus</strong> regarda Cicéro, surpris. "Oui. Pourquoi ?"<br />

"Vous froncez les sourcils en regardant cette lettre."<br />

Le visage du général s'adoucit et il sourit. "Je ne me suis pas rendu compte que je fronçais les sourcils. Je<br />

n'arrive pas à <strong>de</strong>viner qui à Rome pourrait bien m'envoyer une lettre personnelle. Le cachet m'est<br />

inconnu."<br />

"Il n'y a qu'un moyen <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong> qui il s'agit," dit Cicéro, regardant le papyrus avec signification. "Y a t-il<br />

autre chose que je puisse faire pour vous, monsieur ?"<br />

"Non Cicéro, merci." <strong>Maximus</strong> était à nouveau préoccupé par la lettre. "Je vais lire mon courrier et je<br />

dînerai plus tard."<br />

Cicéro quitta la tente silencieusement alors que <strong>Maximus</strong> passait l'ongle <strong>de</strong> son pouce <strong>sous</strong> la cire, brisant<br />

le cachet, et s'installait confortablement dans son siège après avoir posé ses pieds sur le bureau en une<br />

posture décontractée qui n'était pas dans ses habitu<strong>de</strong>s.<br />

Il bailla longuement et passa une main dans ses cheveux, un geste habituel qu'il faisait lorsqu'il était<br />

fatigué. L'attente permanente <strong>de</strong> la bataille jouait sur ses nerfs et il commençait à se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si il avait<br />

eu raison d'affirmer que Castra Regina serait la prochaine cible <strong>de</strong> la colère <strong>de</strong>s germains.<br />

Cherchant une distraction à ses pensées, <strong>Maximus</strong> déroula le papyrus et le pencha pour le mettre <strong>sous</strong> la<br />

lumière, les coins <strong>de</strong> sa bouche se levant en un petit sourire quand il lut.<br />

Julia Servilia pour le Général <strong>Maximus</strong> Decimus Meridius, Commandant <strong>de</strong> l'Armée du Nord ­ Salutations !<br />

Avant tout, je prie pour votre bonne santé et votre sécurité, puissent les dieux vous protéger du danger et<br />

vous donner la force <strong>de</strong> remplir vos nombreux <strong>de</strong>voirs.<br />

Je suis arrivée à Rome après un long voyage tranquille, la légion <strong>de</strong> l'Empereur étant plus que suffisante<br />

pour nous protéger <strong>de</strong>s dangers <strong>de</strong> la route. Nous avons eu mauvais temps peu après vous avoir quitté et<br />

nous avons eu du retard, mais je suis arrivée dans la cité en bonne santé ainsi que les autres femmes.<br />

Après une absence <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans, j'ai trouvé Rome différente <strong>de</strong> ce dont je me souvenais, encore plus<br />

vivante et colorée qu'avant. La pension versée par l'Empereur était plus que généreuse, que les dieux le<br />

bénissent et lui donnent une longue vie, et je me suis installée dans un appartement au voisinage calme.<br />

Les autres femmes ont préféré rester plus proches du forum mais c'était mon souhait <strong>de</strong> vivre dans un<br />

151


endroit plus retiré. A cause <strong>de</strong> cela, nous nous sommes perdues <strong>de</strong> vue et bien qu'il fut étrange au début<br />

d'être seule pour la première fois <strong>de</strong> ma vie, je ne me plains pas <strong>de</strong> ma solitu<strong>de</strong> d'alors. Les dieux m'en<br />

sont témoins, j'avais besoin d'être seule. Ma vie fut très calme durant ma première année <strong>de</strong> femme libre<br />

et je préférais qu'il en soit ainsi.<br />

Pendant cette première année, j'ai passé la plupart <strong>de</strong> mon temps seule dans mon appartement et je<br />

sortais <strong>de</strong> temps en temps pour acheter ce dont j'avais besoin dans les marchés locaux ou pour aller aux<br />

bains. Je ne suis jamais allée au théâtre ou aux jeux, préférant calmer mon esprit avec l'apprentissage, la<br />

beauté et les livres que j'avais toujours voulu lire sans le pouvoir, car comme vous le savez, Général<br />

<strong>Maximus</strong>, j'avais été éduquée pour d'autres choses et mon éducation était incomplète.<br />

J'ai refusé d'acheter un esclave grec pour être mon tuteur, j'étais incapable d'infliger aux autres ce que<br />

j'avais du endurer <strong>de</strong>puis ma naissance et ce que j'aurais toujours à endurer si les dieux n'avaient pas eu<br />

pitié <strong>de</strong> moi et que nos routes ne se soient pas croisées.<br />

Au lieu d'un esclave, j'ai donc engagé un homme libre et habile, Apollinarius, pour me donner <strong>de</strong>s leçons<br />

et lorsque mon esprit a été soulagé et guéri, j'ai aussi engagé une servante pour prendre soin <strong>de</strong> moi et<br />

s'occuper <strong>de</strong> l'appartement. C'est elle qui a amené un autre changement dans ma vie. Elle et son mari<br />

étaient les gardiens d'un <strong>de</strong>s appartements <strong>de</strong> mon voisin, un riche constructeur <strong>de</strong> bateaux qui passait la<br />

plupart <strong>de</strong> son temps sur les chantiers navals et dans les ports <strong>de</strong> l'empire. Cet homme, Marius Servilius<br />

Tibullus, revint à Rome peu <strong>de</strong> temps après et je l'ai rencontré par chance en allant au marché avec Nicia,<br />

ma servante. Il resta dans la cité pendant trois mois et commença bientôt à me courtiser. Avant <strong>de</strong><br />

retourner sur ses chantiers ­ qu'il avait négligés en restant trop longtemps à Rome ­ il me <strong>de</strong>manda en<br />

mariage. Je n'avais jamais pensé que je pourrais être un jour une femme mariée, Général <strong>Maximus</strong>, mais<br />

vous m'avez dit autrefois, lorsque tout allait si mal, qu'un jour je trouverais quelqu'un <strong>de</strong> spécial. A ce<br />

moment, je n'étais pas encline à vous croire mais vous avez prouvé que vous étiez le plus sage <strong>de</strong> nous<br />

<strong>de</strong>ux.<br />

Voulant être honnête avec Marius Servilius Tibullus, je lui dit que j'étais née esclave, ayant été libérée<br />

récemment grâce à la bonté d'un grand général romain et <strong>de</strong> l'empereur, les dieux vous bénissent tous les<br />

<strong>de</strong>ux. Marius Servilius Tibullus m'accepta malgré tout et je <strong>de</strong>vint son épouse peu <strong>de</strong> temps après, allant<br />

vivre avec lui et <strong>de</strong>venant la maîtresse <strong>de</strong> sa propriété. Comme ca<strong>de</strong>au <strong>de</strong> mariage, mon époux a respecté<br />

mon vu <strong>de</strong> n'avoir aucun esclave dans la maison et il a libéré ceux qu'il possédait, utilisant <strong>de</strong>s esclaves<br />

seulement sur ses chantiers.<br />

Grâce aux leçons d'Apollinarius, j'ai été capable <strong>de</strong> remplir mes nouveaux <strong>de</strong>voirs et <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir une<br />

épouse convenable pour mon mari. M'occuper <strong>de</strong>s biens et <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong> mon mari me prend la<br />

majorité <strong>de</strong> mon temps mais j'en ai toujours un peu pour lire et écrire et apprécier les belles choses<br />

comme Apollinarius me l'a si patiemment enseigné. Peut être que je ferais <strong>de</strong>s voyages dans le futur bien<br />

que le souvenir <strong>de</strong> mon <strong>de</strong>rnier déplacement ne soit pas agréable.<br />

Ma vie est très différente <strong>de</strong> ce qu'elle était lorsque nos chemins se sont croisés, Général <strong>Maximus</strong>, une<br />

vie dont je n'avais jamais rêvé et que je n'aurais jamais eue si je ne vous avais pas rencontré. Je vois dois<br />

ma liberté et ma vie, puissent les dieux vous récompenser car je ne pourrais jamais le faire suffisamment,<br />

même si je <strong>de</strong>vais vivre très longtemps. Je fais une prière pour vous tous les jours et je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aux<br />

dieux <strong>de</strong> vous gar<strong>de</strong>r en bonne santé et <strong>de</strong> vous donner une vie longue et heureuse.<br />

Remettre à Vindobona au Général <strong>Maximus</strong> Decimus Meridius, Commandant <strong>de</strong>s Armées du Nord. Porter<br />

au camp <strong>de</strong> la légion Felix III.<br />

<strong>Maximus</strong> relut la lettre puis laissa retomber ses mains sur ses genoux, un étrange kaléidoscope<br />

d'émotions jouant sur son visage. Il passa pensivement sa main dans sa barbe alors qu'il tirait une image<br />

<strong>de</strong> Julia <strong>de</strong> sa mémoire. Il pouvait la voir aussi distinctement que si elle s'était tenue <strong>de</strong>vant lui. Gran<strong>de</strong>,<br />

mince avec <strong>de</strong> généreuses courbes, un long et épais ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> cheveux roux, la peau claire et<br />

d'étourdissants yeux bleus. Elle était magnifique.<br />

<strong>Maximus</strong> avait fait <strong>de</strong>s recherches sur Julia par un agent à Rome environ six mois après qu'elle ait été<br />

libérée <strong>de</strong> l'esclavage. Il avait été inquiet à son propos, vu qu'elle était seule pour la première fois <strong>de</strong> son<br />

existence, et il avait été curieux <strong>de</strong> voir quel chemin sa vie avait pris. Il avait espéré <strong>de</strong> tout son cur qu'elle<br />

n'avait pas eu à se vendre et avait été prêt à fournir toute ai<strong>de</strong> financière et morale dont elle aurait eu<br />

besoin pour éviter cela. Mais, elle avait tout bonnement disparu l'agent avait été incapable <strong>de</strong> la retrouver<br />

et cette lettre expliquait pourquoi.<br />

La beauté <strong>de</strong> Julia avait été surpassée seulement par sa gran<strong>de</strong> intelligence et son courage, et <strong>Maximus</strong><br />

se <strong>de</strong>manda quelle sorte d'homme l'avait convaincue <strong>de</strong> se marier. Ca n'était pas un mariage arrangé<br />

alors elle avait été une épouse consentante. Julia ne décrivait pas son époux dans la lettre, sauf pour dire<br />

qu'il était riche donc peut être était-ce son motif pour l'épouser.<br />

Il était probablement également jeune et très séduisant<br />

<strong>Maximus</strong> mit la lettre <strong>de</strong> côté et se changea les idées avec les autres messages, essayant <strong>de</strong> circonvenir<br />

l'émotion qui dévorait son estomac. Même si il avait envoyé Julia à Rome en sachant qu'il ne la reverrait<br />

jamais, il avait secrètement espéré que cela se produirait un jour. Cela semblait impossible maintenant<br />

qu'ils étaient mariés tous les <strong>de</strong>ux.<br />

Troublé, il se leva et tourna le dos à son bureau. Après quelques minutes passées à trier et re-trier son<br />

courrier mais sans le lire, il le reposa sur le bureau et toucha la lettre <strong>de</strong> Julia. Pourquoi l'avait-elle envoyée<br />

? La lettre était convenablement formelle et courtoise, s'adressant à lui par son titre et son rang, mais il y<br />

avait aussi une note <strong>de</strong> familiarité quand elle lui rappelait plus d'une fois leur peu <strong>de</strong> temps passé<br />

ensembles près <strong>de</strong> la Mer Noire où ils avaient partagé l'intrigue et l'intimité.<br />

152


"Général ? Vous n'appréciez pas la fête ?"<br />

<strong>Maximus</strong> se retourna et se retrouva face à face avec une rousse appétissante qui avait été emprisonnée<br />

dans les bras d'un tribun aux cheveux gris quelques instants plus tôt.<br />

"Non," dit-il simplement en commençant à s'en retourner. Elle lui saisit le bras et le ramena vers elle avec<br />

une force surprenante, puis pressa sa poitrine contre sa cuirasse, sa main encerclant sa nuque et ses<br />

lèvres effleurant son oreille.<br />

"J'ai <strong>de</strong>s messages pour vous, monsieur."<br />

Elle recula et sourit en voyant la surprise sur le visage <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, ses lèvres douces couleur corail et ses<br />

yeux bleus brillants <strong>sous</strong> <strong>de</strong>s cils épais. Sa peau parfaite était laiteuse et ses cheveux d'or cuivré<br />

cascadaient en vagues épaisses jusqu'à ses hanches. Sa tunique était en soie blanche où <strong>de</strong>s fils d'or se<br />

mêlaient, scintillant à la lumière <strong>de</strong>s lampes. Elle révélait la naissance <strong>de</strong> ses seins généreux et était très<br />

ajustée autour <strong>de</strong> sa taille fine avec une ceinture d'or tressé. Le tissu soyeux moulait ses hanches<br />

voluptueuses, ouvert sur le <strong>de</strong>vant pour laisser voir ses longues jambes galbées. <strong>Maximus</strong> ne pouvait<br />

qu'admirer.<br />

La femme était juste quelque centimètres plus petite que <strong>Maximus</strong> et elle soutenait facilement son regard.<br />

Sa voix était légèrement rauque quand elle murmura : "Venez vous asseoir, général. J'ai remarqué que<br />

vous n'aviez rien mangé." Elle sourit. "Nous pourrons être plus intimes plus tard."<br />

Il refusa <strong>de</strong> bouger. "Quel est votre nom ?"<br />

"Julia."<br />

"Julia," répéta <strong>Maximus</strong>, mais il ne sut pas pourquoi.<br />

Elle ne parlait pas d'enfants dans la lettre. Avait-elle un enfant ? <strong>Maximus</strong> porta le papyrus à son visage et<br />

le renifla. Qu'est-ce qui l'avait poussé à faire cela ?<br />

"Général, ce cuir à l'air tellement chaud et inconfortable. Pourquoi ne me laissez-vous pas vous ai<strong>de</strong>r à<br />

l'enlever."<br />

Il leva docilement les bras, et elle défit adroitement les attaches. La cuirasse fut bientôt par terre à côté <strong>de</strong><br />

la table.<br />

"Voilà qui est mieux."<br />

Julia recula pour l'admirer. <strong>Maximus</strong> portait à présent une simple tunique lie-<strong>de</strong>-vin en laine qui recouvrait à<br />

peine ses larges épaules et lui arrivait à mi cuisses, puis était serrée à sa taille par une large ceinture <strong>de</strong><br />

cuir. Ses jambes musclées étaient nues, sauf pour les bottes lacées qui couvraient ses mollets.<br />

"Il fait très chaud ici, général. Ne seriez-vous pas plus à l'aise avec <strong>de</strong>s sandales ? Je pourrais trouver"<br />

"J'ai l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s bottes. Ca va très bien."<br />

"Comme vous voulez."<br />

Julia se rendait très bien compte que beaucoup <strong>de</strong> femmes dans la pièce la regardaient avec envie, même<br />

alors qu'elles s'occupaient d'autres hommes. Elle n'avait aucune intention <strong>de</strong> les laisser mettre la main sur<br />

celui-ci et elle déplaça son corps pour leur bloquer la vue sur <strong>Maximus</strong> une fois qu'il fut assis.<br />

<strong>Maximus</strong> se sentait un peu idiot, incliné sur la couche pendant qu'une femme le faisait manger mais il était<br />

décidé à ne pas risquer la vie <strong>de</strong> Julia en étant peu coopératif. Il jouait avec sa chevelure pendant qu'elle<br />

choisissait <strong>de</strong> petits morceaux <strong>de</strong> nourriture et les portait à sa bouche. Il embrassa ses doigts avant qu'elle<br />

ne les éloigne. Il passa ses mains sur la peau satinée <strong>de</strong> ses bras, la faisant frissonner et sourire.<br />

<strong>Maximus</strong> avala une bouchée et <strong>de</strong>manda : "D'où venez-vous, Julia ?"<br />

Elle s'arrêta, sa main à mi-chemin entre l'assiette et sa bouche. "Je suis née à Rome."<br />

"Vous êtes une esclave ?"<br />

Elle acquiesça.<br />

"Comment est-ce arrivé ?"<br />

"Je suis née esclave, monsieur. Je ne sais pas qui sont mes parents." Elle s'approcha et l'embrassa<br />

longuement. Avant <strong>de</strong> reprendre sa position initiale, elle murmura : "Vous posez beaucoup trop <strong>de</strong><br />

questions."<br />

Il persista : "Quel âge avez-vous ?"<br />

"Je ne suis pas sûre. Environ dix huit ans, je pense."<br />

<strong>Maximus</strong> but son vin en l'observant. Elle était vraiment la plus belle femme qu'il ait jamais vu ou imaginé et<br />

ça le rendait mala<strong>de</strong> <strong>de</strong> penser à elle comme le jouet <strong>de</strong> Cassius ou <strong>de</strong> tout officier qui la voulait. Il soupira<br />

profondément en pensant aux choses qu'elle avait probablement été obligée <strong>de</strong> faire dans sa jeune<br />

existence.<br />

Julia s'inquiéta : "Je ne vous rends pas heureux."<br />

Elle remonta sa main le long <strong>de</strong> sa cuisse et <strong>sous</strong> sa tunique avant qu'il ne lui saisisse le poignet pour la<br />

stopper.<br />

"S'il vous plaît, général. Ils sauront que quelque chose ne va pas," murmura-t-elle précipitamment. "Je suis<br />

douée d'habitu<strong>de</strong> pour satisfaire les hommes."<br />

Il relâcha sa prise sur son poignet mais ne la libéra pas. "Je suis marié," dit-il doucement.<br />

"Comme la moitié <strong>de</strong>s hommes ici. Cassius est marié." Ses yeux le supplièrent.<br />

Il soupira à nouveau. "Venez ici," dit-il en amenant le corps <strong>de</strong> Julia sur le sien, ses jambes <strong>de</strong> chaque côté<br />

<strong>de</strong> ses hanches, ses seins pressés contre sa poitrine. Une main caressa le dos <strong>de</strong> la jeune fille, puis ses<br />

fesses alors que l'autre tourna son visage vers son cou. Il murmura à son oreille : "Julia, je n'ai pas<br />

l'intention <strong>de</strong> risquer votre vie. Mais comprenez ceci : j'ai promis à ma femme que je resterais fidèle et je<br />

tiendrai cette promesse, peut importe si c'est difficile pour moi, peu importe à quel point je vous veux.<br />

Maintenant, embrassez-moi, puis nous irons dans l'une <strong>de</strong> ces pièces à l'arrière où la conversation est<br />

153


moins risquée."<br />

Il tourna son visage sur le côté et s'empara <strong>de</strong> ses lèvres pour un baiser qui fit tourner la tête <strong>de</strong> Julia, sa<br />

langue explorant sa bouche. Quand il essaya d'interrompre le baiser, elle ne le laissa pas faire et souda sa<br />

bouche à la sienne.<br />

Elle savait qu'il était excité mais elle l'était aussi ­ et cela la choquait. Elle retira finalement sa langue <strong>de</strong> la<br />

bouche <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et embrassa doucement ses yeux fermés alors qu'il luttait pour calmer sa respiration.<br />

"<strong>Maximus</strong>," murmura-t-elle.<br />

Ses yeux s'ouvrirent brusquement. "Ne m'appelez pas comme ça," grogna-t-il.<br />

Elle aimait sa voix profon<strong>de</strong>. "Pourquoi ?"<br />

"C'est trop trop intime."<br />

"<strong>Maximus</strong>, je suis allongée sur vous, il n'y a presque rien qui sépare nos corps et vous pensez que vous<br />

appeler par votre prénom est trop intime ?" Elle rit et l'embrassa à nouveau.<br />

Il ne put trouver une réplique à ce commentaire et elle profita <strong>de</strong> son silence pour se pelotonner contre sa<br />

poitrine, heureuse d'entendre son cur battre aussi fort que le sien. Ses bras puissants l'enveloppèrent et la<br />

serrèrent très fort.<br />

"<strong>Maximus</strong>," soupira-t-elle contre lui. "Ce nom vous va bien. Si fort." Elle resta immobile quelques instants<br />

avant <strong>de</strong> s'appuyer sur ses cou<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r son visage, ses doigts ébouriffant ses cheveux épais.<br />

"Mais tellement gentil." Son ton était légèrement incrédule. "Les hommes ne sont pas souvent gentils avec<br />

moi, <strong>Maximus</strong>. Je ne me souviens même pas avoir été serrée dans les bras <strong>de</strong> quelqu'un avant."<br />

A l'étonnement <strong>de</strong> Julia, <strong>Maximus</strong> gronda : "Vous êtes une <strong>de</strong>s choses que j'entends faire payer très cher<br />

à Cassius."<br />

Sur ces mots, <strong>Maximus</strong> fit rouler Julia sur le côté et l'attrapa avant qu'elle ne tombe <strong>de</strong> la couche, avec un<br />

bras <strong>sous</strong> ses genoux et l'autre <strong>sous</strong> ses bras. Il la hissa contre lui comme si elle ne pesait rien et la serra<br />

contre sa poitrine en se dirigeant vers une petite pièce entourée <strong>de</strong> tentures, enjambant ou écartant du<br />

pied tout ce qui était sur son chemin.<br />

<strong>Maximus</strong> fixa le mur <strong>de</strong> toile <strong>de</strong> la tente avec un regard vi<strong>de</strong>, les souvenirs <strong>de</strong> Julia inondant son esprit. Il<br />

pouvait presque la sentir dans ses bras, l'entendre, sentir son o<strong>de</strong>ur<br />

"Chuuuutt"<br />

<strong>Maximus</strong> avait remarqué un léger mouvement du ri<strong>de</strong>au et un petit rayon <strong>de</strong> lumière apparut sur le sol. La<br />

personne qui était dans l'autre pièce <strong>de</strong>venait curieuse ou impatiente.<br />

La lumière disparut.<br />

"Julia, nous <strong>de</strong>vrons faire du bruit. Des sons passionnés."<br />

En dépit <strong>de</strong> leur situation dangereuse, Julia ne put s'empêcher <strong>de</strong> le taquiner un peu. "Alors vous allez<br />

<strong>de</strong>voir me faire l'amour, <strong>Maximus</strong>."<br />

"Non, je vous ai dit"<br />

"Oui, oui, je plaisantais. Ne vous inquiétez pas, je peux faire semblant. C'est quelque chose que je fais<br />

souvent, croyez-moi."<br />

Julia mit sa tête sur son épaule et ferma les yeux, rendant sa respiration plus profon<strong>de</strong>.<br />

"Pouvez-vous m'écoutez pendant que vous faites ça ?"<br />

Elle hocha la tête et ponctua ses respirations <strong>de</strong> quelques soupirs.<br />

<strong>Maximus</strong> poursuivit "Dites à Marcellus que j'avais prévu <strong>de</strong> gagner du temps avec Cassius jusqu'à ce que<br />

Marc-Aurèle arrive ici mais je n'ai aucune idée <strong>de</strong> quand cela sera alors le projet <strong>de</strong> tuer Cassius est le<br />

seul qui soit logique."<br />

Julia acquiesça et émit un grognement rauque dans sa gorge.<br />

La respiration <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> commença à s'accélérer et Julia sourit <strong>de</strong> satisfaction quand elle le sentit. "Oh,<br />

général," murmura-t-elle. "Oh, faites ça encore."<br />

Elle bougea ses hanches contre lui et il saisit ses fesses, l'immobilisant, puis il retira rapi<strong>de</strong>ment ses mains<br />

comme si il avait été brûlé. Julia embrassa doucement la barbe rugueuse dans son cou avant d'intensifier<br />

sa respiration. Elle était parfaitement conscience que sa passion allait bien au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> la simulation. Tout<br />

contre <strong>Maximus</strong>, il était très facile d'imaginer ses bras musclés la soulever et la déposer sur ses hanches<br />

alors qu'il<br />

"Julia, dites à Marcellus qu'il poursuive son plan et que je lui fournirai l'ai<strong>de</strong> dont il a besoin. Pour cela,<br />

cependant, j'ai besoin d'être présent quand il accomplira sa tâche. C'est très important qu'il le fasse lui<br />

même ­ c'est un <strong>de</strong>s proches <strong>de</strong> Cassius ­ pour montrer aux autres Julia ? Julia ? M'avez-vous compris ?"<br />

Murmura précipitamment <strong>Maximus</strong>.<br />

"Oui" Le mot parut évasif et ses hanches se pressèrent contre lui mais <strong>Maximus</strong> savait que ses actes<br />

échappaient à présent à son contrôle. Elle était remplie <strong>de</strong> désir et il avait bien peur qu'elle ne soit plus<br />

concentrée. Il la secoua légèrement.<br />

"Julia, écoutez. Je suis surveillé <strong>de</strong> près. Cela me sera difficile d'échapper à mes gar<strong>de</strong>s mais je peux peut<br />

être m'échapper la nuit avec l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> Claudius."<br />

<strong>Maximus</strong> regarda à nouveau le ri<strong>de</strong>au et le vit bouger rapi<strong>de</strong>ment d'avant en arrière comme si quelqu'un<br />

se tenait tout contre et respirait très fort. La petite comédie <strong>de</strong> Julia excitait apparemment quelqu'un d'autre<br />

qu'elle ­ et que lui.<br />

<strong>Maximus</strong> inspira profondément plusieurs fois, luttant pour contrôler ses émotions, puis en un mouvement<br />

rapi<strong>de</strong>, il pris Julia dans ses bras et l'allongea sur la couche, les pieds en bois du meuble protestant avec<br />

un léger craquement. <strong>Maximus</strong> resta à côté du divan en face <strong>de</strong> Julia, en équilibre sur une jambe, et il<br />

plaça gentiment son autre genou haut entre ses cuisses écartées. Elle tendit les bras pour l'attirer à elle<br />

154


mais il secoua la tête et saisit ses mains pour les repousser. Après seulement un peu <strong>de</strong> pression, Julia<br />

s'arqua et convulsa, criant son nom. Quelques instants plus tard, un grognement profond se fit entendre <strong>de</strong><br />

l'autre côté du ri<strong>de</strong>au. <strong>Maximus</strong> grinça <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts, frustré, le seul du trio à ne pas être satisfait.<br />

Il ne se souvenait pas avoir voulu une femme aussi fort qu'il avait voulu Julia cette nuit là même pas sa<br />

femme ni Lucilla. Il avait désiré Julia. Mais, il s'était servi d'elle comme les autres hommes, bien que d'une<br />

façon différente et pour <strong>de</strong>s raisons différentes. <strong>Maximus</strong> regarda la lettre qui était serrée dans sa main.<br />

Devait-il répondre ? Qu'espérait-elle lire ? Que <strong>de</strong>vait-il lui dire ? Que voulait-il vraiment lui dire ?<br />

Julia soupira profondément et <strong>Maximus</strong> put voir les larmes briller dans ses yeux. Ses mots furent hésitants.<br />

"Ce que vous m'avez fait Etait-ce seulement parce que vous étiez obligé <strong>de</strong> le faire ?"<br />

<strong>Maximus</strong> ne répondit pas parce qu'il ne connaissait vraiment pas la réponse. "Julia, vous trouverez<br />

quelqu'un un jour. Quelqu'un <strong>de</strong> très spécial," dit-il.<br />

"<strong>Maximus</strong>, je suis une esclave." Ses mots étaient légèrement étranglés car les larmes retenues serraient<br />

sa gorge.<br />

"Quand Cassius sera parti, vous aurez votre liberté. Vous l'avez mérité, et les autres femmes aussi."<br />

"Mais il n'y a qu'un seul vous. Et vous être pris."<br />

<strong>Maximus</strong> s'assit <strong>de</strong>vant son bureau et sortit un morceau <strong>de</strong> papyrus puis trempa sa plume dans l'encre. Il<br />

commença à écrire:<br />

Général <strong>Maximus</strong> Decimus Meridius, Commandant <strong>de</strong>s Armées du Nord, à Julia Servilia, salutations en<br />

retour !<br />

L'introduction écrite, <strong>Maximus</strong> ne trouva pas quoi dire ensuite. Il fixa à nouveau la paroi <strong>de</strong> la tente, son<br />

esprit retournant près <strong>de</strong> la Mer Noire.<br />

Julia regarda <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong>puis son perchoir sur le cheval qui allait la transporter à Rome.<br />

"Vous reverrai-je ?" <strong>de</strong>manda-t-elle.<br />

"Non," fut la simple réponse, mais la voix <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était douce et gentille.<br />

Elle lui sourit. "Je ne le pensais pas non plus."<br />

Il lui rendit son sourire. "Vous serez occupée à commencer votre nouvelle vie." Il toucha son pied. "Vous<br />

êtes sûre que vous ne préférez pas voyagez dans le wagon ?"<br />

Elle secoua la tête, ses boucles rousses <strong>de</strong> la même couleur que le soleil levant. "Non, c'est trop confiné et<br />

j'ai été assez confinée."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête en signe <strong>de</strong> compréhension.<br />

Julia hésita puis dit "Vous n'avez pas à vous inquiéter, <strong>Maximus</strong>. Je ne dirais à personne que je connais<br />

personnellement le grand général romain."<br />

Il fronça les sourcils. "Pourquoi cela <strong>de</strong>vrait m'inquiéter ?"<br />

Julia fixa un point à l'extérieur du camp. "Je ne veux pas vous embarrasser."<br />

"Julia." <strong>Maximus</strong> secoua son pied. "Julia, regar<strong>de</strong>z-moi."<br />

Elle le fit à contrecur et il vit <strong>de</strong>s larmes briller dans ses yeux.<br />

"Je suis fier <strong>de</strong> connaître une femme qui a du caractère, <strong>de</strong> la force et <strong>de</strong> l'intelligence. Ce que Cassius<br />

vous a fait échappait à votre contrôle. Si vous lui aviez résisté il vous aurait tuée. Vous le savez."<br />

Elle hocha la tête et inspira <strong>de</strong> façon hachée puis regarda à nouveau au loin. "Je vous souhaite une vie<br />

longue et heureuse avec votre famille, <strong>Maximus</strong>."<br />

"Général ?"<br />

"Général <strong>Maximus</strong> ?"<br />

"Général !"<br />

Surpris, <strong>Maximus</strong> pivota la tête pour regar<strong>de</strong>r Cicéro. "Quoi ?" <strong>de</strong>manda-t-il bêtement, son esprit répugnant<br />

à rejoindre le présent.<br />

"Monsieur, un éclaireur vient <strong>de</strong> rapporter que les barbares ont traversé le fleuve à environ cinq kilomètres<br />

à l'Est et qu'ils se dirigent vers nous !"<br />

<strong>Maximus</strong> laissa tomber la plume qui cracha <strong>de</strong> l'encre sur le bois du bureau et sur la lettre <strong>de</strong> Julia.<br />

Il se leva rapi<strong>de</strong>ment, son genou heurtant le bureau et renversant le pot d'encre dans sa hâte d'enfiler son<br />

uniforme. Le liqui<strong>de</strong> noir imbiba sa lettre inachevée, effaçant les quelques mots écrits.<br />

Quelques instants plus tard, l'épée à la main, il leva le rabat <strong>de</strong> la tente, faisant entrer une bouffée d'air<br />

froid du soir qui tournoya dans l'espace restreint. L'air leva le coin <strong>de</strong> la lettre <strong>de</strong> Julia puis se glissa en<br />

<strong>de</strong>s<strong>sous</strong> pour la soulever et la faire flotter au <strong>de</strong>ssus du bureau d'où elle dériva lentement dans un coin<br />

sombre avant d'aller se loger <strong>sous</strong> un pli <strong>de</strong> tissu où la tente rencontrait le sol, presque complètement<br />

cachée par les ombres profon<strong>de</strong>s.<br />

Chapitre 80 : La cave<br />

"Monsieur ! Monsieur !" cria le messager en se précipitant dans le praetorium, glissant lorsqu'il courut sur<br />

le gravier et posant une main à terre pour ne pas tomber.<br />

Il était suivi par quatre gar<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la légion aux visages sinistres.<br />

L'agitation et le bruit attirèrent Quintus et trois tribuns qui venaient juste <strong>de</strong> s'asseoir pour prendre leur<br />

repas du midi, ainsi qu'Olivia et Persius qui se précipitèrent à leurs portes, le cur d'Olivia dans sa gorge et<br />

son fils sur sa hanche. Cela ne pouvait être que <strong>de</strong>s nouvelles <strong>de</strong> la part <strong>Maximus</strong> ­ ou parlant <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong>.<br />

"Papa est revenu ?" <strong>de</strong>manda un Marcus ensommeillé qui venait d'être arraché à sa sieste.<br />

Olivia repoussa les cheveux humi<strong>de</strong>s du petit garçon <strong>de</strong> son front. "Non, pas encore, mon chéri,<br />

maintenant, chut nous <strong>de</strong>vons écouter."<br />

155


Se dispensant <strong>de</strong> toute formalité, le messager saisit le bras <strong>de</strong> Quintus, concentrant instantanément toute<br />

l'attention du légat sur lui, puis il délivra son message d'une voix essoufflée.<br />

"Monsieur, j'apporte <strong>de</strong>s ordres directement du Général <strong>Maximus</strong>. L'attaque à Castra Regina était plus<br />

petite que prévue. Le général pense que c'était une diversion et qu'au moins six mille germains se dirigent<br />

par ici. Il dit qu'ils sont déjà <strong>de</strong> ce côté-ci du fleuve. Il veut que le village soit immédiatement évacué et que<br />

les gens soient emmenés dans les cavernes à l'est d'ici. Il a dit <strong>de</strong> confier cette tâche à la cavalerie parce<br />

qu'il veut que les cavaliers, ainsi que tous les chevaux, soient hors du camp. Ils doivent le retrouver à la<br />

croisée <strong>de</strong>s routes au sud du village. Il veut aussi que toutes les tentes soient démontées, roulées et<br />

cachées <strong>sous</strong> <strong>de</strong>s tas <strong>de</strong> pierres pour que les barbares ne puissent pas tirer <strong>de</strong>ssus par-<strong>de</strong>ssus le mur et<br />

les incendier. Il veut que tout ce qui est en bois soit arrosé. Il a ordonné que tout l'équipement et le matériel<br />

<strong>de</strong> l'infirmerie soit transporté dans sa maison." L'homme reprit sa respiration mais ne lâcha pas le bras <strong>de</strong><br />

Quintus. "Le général veut que tous les autres soldats se postent sur l'enceinte du camp car les barbares<br />

doivent être à tout prix maintenus hors du camp. Il a un détachement <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux légions et ils se dirigent déjà<br />

par ici pour s'approcher <strong>de</strong> Vindobona par le sud. Il espère piéger les barbares entre nous et lui." Il jeta un<br />

regard à Olivia, blanche comme un linge. "Il ordonne que sa femme et son fils soient immédiatement<br />

cachés, monsieur."<br />

Epuisé, l'homme relâcha finalement le bras <strong>de</strong> Quintus et recula, ses épaules s'affaissant.<br />

Quintus fit un signe <strong>de</strong> la tête aux tribuns qui avaient également entendu les ordres <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, et ils se<br />

hâtèrent pour transmettre les instructions aux centurions qui allaient préparer leurs hommes pour la<br />

bataille à venir. Il reporta ensuite son attention sur Olivia. "Domina" commença-t-il, pour être<br />

immédiatement interrompu par la femme <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

"Vous avez beaucoup à faire, Quintus. Soyez sûr que Marcus et moi allons faire ce que <strong>Maximus</strong> a<br />

ordonné. Vous <strong>de</strong>vez aller voir les villageois."<br />

Sans attendre <strong>de</strong> réponse, elle passa <strong>de</strong>vant Persius et se dirigea vers sa chambre pour essayer <strong>de</strong><br />

calmer Marcus qui était paniqué car si il n'avait pas compris tout ce qu'avait dit le messager, il avait<br />

sûrement perçu la tension ambiante.<br />

Elle installa son fils sur le lit, lui parlant d'une voix rassurante pendant qu'elle s'affairait dans la chambre.<br />

"Tu te souviens <strong>de</strong> la cachette que papa nous a montré, Marcus ?"<br />

Il hocha la tête avec hésitation, ses doigts dans la bouche, tout en regardant sa mère rassembler leurs<br />

vêtements. Persius entra dans la pièce avec <strong>de</strong>s couvertures dans les bras.<br />

"Il y en a déjà plein en bas," dit Olivia à son frère, légèrement exaspérée.<br />

"Tu peux toujours en avoir besoin. J'ai aussi les jouets <strong>de</strong> Marcus."<br />

"Tu dois prendre tes vêtements aussi, Persius."<br />

Il regarda sa sur et redressa le menton avec défi. "Je ne viens pas avec toi."<br />

"Persius"<br />

"Non, Olivia. Je peux être plus utile en haut. Je viendrais te voir souvent pour être sûr que tu n'as besoin<br />

<strong>de</strong> rien."<br />

"Persius, tu n'es pas entraîné au combat."<br />

"Non, mais je peux déménager le matériel <strong>de</strong> l'infirmerie dans la maison comme <strong>Maximus</strong> l'a ordonné. Je<br />

peux être utile."<br />

Olivia sentit son estomac se serrer. Elle avait entraîné Persius dans cette odyssée et à présent, il risquait<br />

d'être blessé ou pire encore. Cependant, elle pouvait dire en voyant l'expression <strong>de</strong> son visage qu'il n'allait<br />

pas capituler. Olivia hocha la tête à regret.<br />

Marcus ôta ses doigts <strong>de</strong> sa bouche. "Je veux rester avec oncle Persius," dit-il très fermement, d'une voix<br />

un peu plaintive.<br />

Olivia s'accroupit <strong>de</strong>vant son fils et put clairement voir la panique dans ses grands yeux noirs. Elle ne le<br />

toucha pas <strong>de</strong> peur qu'il sente le tremblement dans ses bras. "Marcus, papa veut que nous allions dans la<br />

cachette et c'est ce que nous <strong>de</strong>vons faire. Nous serons très bien protégés là-bas et"<br />

"Protégé <strong>de</strong> quoi ?" <strong>de</strong>manda-t-il, <strong>de</strong>s larmes brillant dans ses yeux et les coins <strong>de</strong> sa bouche commençant<br />

à s'affaisser.<br />

Olivia chercha les mots pour expliquer l'urgence <strong>de</strong> la situation sans effrayer d'avantage le garçon ­ elle<br />

pouvait déjà entendre <strong>de</strong>s hommes amenant <strong>de</strong>s fournitures médicales dans l'atrium ­ mais Jovinus choisit<br />

cet instant pour apparaître à l'entrée <strong>de</strong> la chambre.<br />

"Et bien, et bien," dit-il avec un rire sonore. Il se tenait avec les mains sur ses hanches et regarda Marcus<br />

avec la tête penchée et les yeux brillants. "T'ai-je déjà montré ma cachette secrète, mon garçon ?"<br />

Marcus hocha gravement la tête. Il n'était pas d'humeur pour la légèreté <strong>de</strong> l'ingénieur à ce moment précis.<br />

"Non, pas cette cachette. Mon autre cachette. Oh, elle est aussi en bas, Marcus, mais c'est un endroit que<br />

moi seul connaît." Il entra dans la pièce et s'approcha <strong>de</strong> l'enfant. "Parfois, les dieux y laissent <strong>de</strong>s choses<br />

très intéressantes voudrais-tu la voir ?"<br />

"Quelles choses ?"<br />

La curiosité du garçon avait été piquée et Olivia toucha l'épaule <strong>de</strong> Jovinus pour le remercier avant <strong>de</strong><br />

continuer sa tâche.<br />

Jovinus s'accroupit <strong>de</strong>vant le fils <strong>de</strong> son général. "Toutes sortes <strong>de</strong> choses. Une fois, j'ai trouvé une pierre<br />

étincelante !"<br />

Marcus n'eut pas l'air impressionné.<br />

"Une autre fois, j'ai trouvé une épée magnifique que les dieux ont laissé rien que pour moi."<br />

"Une épée ? Comme celle <strong>de</strong> papa ?"<br />

156


C'était sûrement le cas.<br />

Jovinus acquiesça. "Mais sais-tu qu'elle était la meilleure chose que j'ai trouvée ?"<br />

"Quoi ?"<br />

"Un chaton. Un petit chaton gris et blanc rien que pour moi."<br />

"Un chaton ?" Le visage <strong>de</strong> Marcus s'éclaira alors qu'il réfléchissait à cette nouvelle in<strong>format</strong>ion.<br />

"Oui, et tu sais quoi ? La nuit <strong>de</strong>rnière j'ai <strong>de</strong>mandé un autre chaton aux dieux ­ pour toi Mais je n'ai pas<br />

encore eu le temps d'aller en bas pour vérifier si il était là. Voudrais-tu m'ai<strong>de</strong>r à chercher ?"<br />

Marcus sourit et hocha la tête tout en tournant <strong>de</strong>s yeux suppliants vers sa mère pour obtenir sa<br />

permission.<br />

Le sourire d'Olivia était plein <strong>de</strong> soulagement. "Va avec Jovinus, Marcus, et je te rejoindrai bientôt."<br />

Jovinus prit le garçon dans ses bras, et avec un clin d'il à Olivia, il se dirigea vers la chambre <strong>de</strong> Cicéro, où<br />

la trappe était cachée <strong>sous</strong> le lit.<br />

*******<br />

La lour<strong>de</strong> trappe en bois se referma avec un bruit sourd, plongeant Olivia dans le noir. Elle se tenait sur la<br />

marche du milieu <strong>de</strong> l'escalier rai<strong>de</strong> et elle grimaça au son perçant que fit Persius en remettant le lit <strong>de</strong><br />

Cicéro en place.<br />

Elle avait l'impression d'avoir été enterrée vivante. Vindobona survivrait-elle à l'attaque ? Avait-elle vu son<br />

mari en vie pour la <strong>de</strong>rnière fois ?<br />

Elle s'assit sur la marche et se frotta les yeux d'un geste las. Elle n'avait pas pensé au tour que prendraient<br />

les événements lorsqu'elle avait prévu <strong>de</strong> rejoindre son époux en Germanie. Elle avait pensé qu'elle<br />

comprenait les périls qu'il affrontait ici, mais elle n'avait rien compris du tout, en fait. Rien du tout. Elle<br />

n'avait jamais rien imaginé <strong>de</strong> pareil.<br />

"Ma Dame ?" s'enquit doucement Jovinus en bas <strong>de</strong>s marches.<br />

Olivia ouvrit les yeux pour découvrir qu'elle pouvait voir clairement maintenant qu'ils s'étaient ajustés à la<br />

pénombre. Se sentant faible et idiote, elle s'essuya les yeux et se leva.<br />

"C'est normal d'avoir peur, ma Dame. Tout le mon<strong>de</strong> a peur. Même le soldat le plus endurci sent la tenaille<br />

<strong>de</strong> la peur dans son estomac avant une bataille."<br />

"Même <strong>Maximus</strong> ?" murmura-t-elle.<br />

"Oh, oui, il la contient seulement pour que ses hommes soient inspirés par sa bravoure."<br />

Jovinus tendit la main et aida Olivia à <strong>de</strong>scendre les <strong>de</strong>rnières marches. "Venez vous asseoir. J'ai passé<br />

pas mal <strong>de</strong> temps à préparer cet endroit pour la femme <strong>de</strong> mon général et je pense que vous allez le<br />

trouver très confortable."<br />

"Merci, Jovinus."<br />

"<strong>Maximus</strong> m'a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> rester avec vous."<br />

"Je suis sûre que vous vous plairiez mieux avec les soldats."<br />

"Non, ma Dame. Si je peux faire quelque chose pour soulager l'esprit <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, même juste un peu,<br />

alors c'est une tâche très importante dans <strong>de</strong>s moments comme celui-ci." Jovinus sourit en versant du vin<br />

au miel à Olivia. "Je serais votre hôte et votre protecteur pendant que <strong>Maximus</strong> ne peut pas le faire."<br />

Ils restèrent silencieux pendant un certain temps, regardant Marcus câliner un chaton gris et blanc qui<br />

miaulait. Un petit feu craquait dans le four, réchauffant la pièce et l'éclairant avec une douce lumière dorée.<br />

Le silence était presque angoissant ­ le sol était si épais qu'aucun bruit venant du <strong>de</strong>ssus ne leur<br />

parvenait.<br />

"Jovinus reverrais-je jamais <strong>Maximus</strong> en vie ?"<br />

"C'est difficile à dire, ma Dame."<br />

"Il vous a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> prendre soin <strong>de</strong> sa famille au cas où il" la voix d'Olivia s'évanouit.<br />

"Oui, ma Dame." Jovinus jeta un regard circulaire dans la cave. "Ca n'est pas un endroit où l'on<br />

souhaiterait être, mais c'est chauffé et sûr. Il y a suffisamment <strong>de</strong> nourriture et d'eau. Votre époux a assuré<br />

votre sécurité. Malheureusement, il ne peut assurer la sienne. Il est important que vous le sachiez. C'est<br />

un guerrier."<br />

"Je le sais."<br />

"Vous n'aviez pas prévu que quelque chose comme ça se produirait lorsque vous avez pris la décision <strong>de</strong><br />

rejoindre <strong>Maximus</strong> ici, cependant."<br />

Elle secoua la tête misérablement.<br />

"Bien sûr que non. Aucune mère n'exposerait délibérément son fils à un tel risque," dit gentiment Jovinus.<br />

"Je pense parfois que <strong>de</strong> jeunes hommes comme votre frère croient que <strong>Maximus</strong> vit une vie d'aventures<br />

palpitantes. C'est tout sauf cela. Il occupe un <strong>de</strong>s postes les plus difficiles <strong>de</strong> l'empire mais Marc-Aurèle a<br />

bien choisit lorsqu'il a promu votre époux à ce poste. Malheureusement, cela lui laisse peu <strong>de</strong> temps pour<br />

se relaxer et absolument aucune marge d'erreur dans son jugement."<br />

"Etes-vous en train <strong>de</strong> dire que je n'aurais pas du venir ici ? Que je le distrait ?"<br />

"Non, ma Dame, pas du tout. Votre présence lui a énormément remonté le moral. C'est juste que<br />

maintenant, vous allez comprendre pourquoi <strong>Maximus</strong> ne peut pas vous rejoindre en Espagne pour ce qui<br />

est parfois <strong>de</strong>s années."<br />

Olivia prit une profon<strong>de</strong> inspiration. "<strong>Maximus</strong> ira bien. Rien ne va lui arriver," dit-elle avec une résolution<br />

peu convaincante.<br />

Jovinus réfléchit soigneusement à ce qu'il allait dire. "Ma Dame, savez-vous pourquoi les généraux portent<br />

<strong>de</strong>s vêtements lie-<strong>de</strong>-vin ?"<br />

"C'est c'est la couleur du comman<strong>de</strong>ment dans l'armée."<br />

157


"C'est vrai, mais ça l'est <strong>de</strong>venu parce que cette couleur <strong>de</strong> laisse pas apparaître le sang du général et ne<br />

démoralise pas ses hommes. Un général pourrait saigner à mort et on ne le verrait pas sur ses<br />

vêtements."<br />

"Jovinus est-ce supposé me rassurer cette conversation sur mon époux qui perd son sang ?"<br />

"Ma Dame, je pense qu'il est important que vous compreniez ce que votre mari et ses hommes vont<br />

affronter dans peu <strong>de</strong> temps." Jovinus étudia le joli visage <strong>de</strong> l'épouse <strong>de</strong> son général. "Savez-vous que<br />

<strong>Maximus</strong> a l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> frotter <strong>de</strong> la terre entre ses mains avant chaque bataille, et <strong>de</strong> la sentir ?"<br />

"Il le fait toujours ? Je l'ai vu faire cela la première fois à sa ferme lorsqu'il y est revenu <strong>de</strong>s années après<br />

être <strong>de</strong>venu un soldat."<br />

"Savez-vous pourquoi il le fait ?"<br />

"C'est un fermier"<br />

"Oui, mais c'est plus que cela. Je lui en ai parlé une fois et il a semblé presque embarrassé mais j'ai réussi<br />

à obtenir une réponse après pas mal <strong>de</strong> gobelets <strong>de</strong> vin. Il a besoin <strong>de</strong> sentir la terre qui absorbera peut<br />

être son sang et qui enveloppera son corps. Il fait cela avant chaque bataille. Il est très conscient <strong>de</strong> son<br />

état <strong>de</strong> mortel."<br />

Olivia était trop abasourdie pour verser les larmes qui lui serraient la gorge. "Votre votre fils il est aussi làhaut."<br />

"Oui, c'est un soldat."<br />

"Alors vous <strong>de</strong>vez comprendre ce que je ressens."<br />

"Oui, et nous pouvons prier ensembles pour le salut <strong>de</strong> ceux que nous aimons. Nous pouvons prier pour<br />

leur salut."<br />

Chapitre 81 : L'attaque <strong>de</strong> Vindobona<br />

<strong>Maximus</strong> se tenait sur Argento au milieu <strong>de</strong> la croisée <strong>de</strong>s routes au sud <strong>de</strong> Vindobona, ses mains<br />

maintenant les rênes tendues, signalant à l'étalon qu'il <strong>de</strong>vait rester immobile. Le cheval obéissait au<br />

souhait <strong>de</strong> son maître, ses seuls mouvements étant un frémissement occasionnel du muscle <strong>de</strong> son<br />

épaule et le battement <strong>de</strong> sa queue pour chasser les mouches piquantes qui étaient apparues pendant la<br />

nuit dans l'air doux du printemps.<br />

Le silence entourant le cheval et le cavalier était presque inquiétant, uniquement rompu par le sifflement<br />

du vent tiè<strong>de</strong> dans les épines <strong>de</strong> pin juste au <strong>de</strong>ssus. Bien que tranquille, Argento n'était pas détendu. Il<br />

sentait la tension dans les jambes <strong>de</strong> son maître, un signe certain que quelque chose allait bientôt se<br />

produire. Hercule le sentait aussi mais il était assis calmement à côté du cheval, ses oreilles dressées et<br />

sa truffe en alerte.<br />

Quelqu'un qui serait passé rapi<strong>de</strong>ment par là aurait pensé que le général romain était seul, mais plus <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux cent hommes à cheval étaient là, aussi immobiles et silencieux que leur commandant, à <strong>de</strong>ux cent<br />

mètres environ en bas <strong>de</strong> la route <strong>de</strong>rrière lui. Dans les bois environnants, presque dix mille soldats étaient<br />

accroupis avec la même attitu<strong>de</strong>, attendant ses ordres.<br />

<strong>Maximus</strong> était aussi immobile qu'une statue, bougeant seulement ses yeux bleus alors qu'il observait<br />

constamment la route <strong>de</strong>vant lui. Le chaud soleil frappait sa tête nue ­ son casque était coincé <strong>sous</strong> son<br />

bras gauche ­ faisant perler la sueur sur son front. Il sentait l'humidité se concentrer à la base <strong>de</strong> son cou<br />

puis <strong>de</strong>s gouttes couler lentement au milieu <strong>de</strong> sa poitrine <strong>sous</strong> sa cuirasse <strong>de</strong> cuivre.<br />

Un écureuil jaillit d'un fourré sur la droite puis s'arrêta, surpris, lorsqu'il remarqua le cheval et le chien.<br />

Hercule gronda profondément, les poils <strong>de</strong> son dos se dressant.<br />

"Non, Hercule." La voix <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> indiquait qu'il ne tolérerait aucune désobéissance <strong>de</strong> la part du chien.<br />

Intrigué, l'écureuil s'assit et remua sa queue touffue en soutenant momentanément le regard du cavalier.<br />

Les lèvres <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> se levèrent en un sourire presque imperceptible. Hercule regarda son maître et<br />

gémit pour signifier qu'il était contrarié. Le petit animal sursauta soudainement et regarda l'endroit vers<br />

lequel il se dirigeait au départ, puis il fit <strong>de</strong>mi-tour et retourna précipitamment, tout en jacassant, dans le<br />

fourré d'où il était venu.<br />

<strong>Maximus</strong> salua le jeune Jovinus qui sortait <strong>de</strong> la forêt comme une apparition au visage écarlate.<br />

"Alors ?" <strong>de</strong>manda-t-il au jeune homme.<br />

"Je dirais qu'ils sont à une heure <strong>de</strong> nous, monsieur, et qu'ils se dirigent tout droit vers le village et le fort."<br />

"L'évacuation a-t-elle été faite ?"<br />

"Oui, monsieur. Pas une âme ne reste. Ils ont pris la plupart <strong>de</strong>s animaux aussi. La cavalerie <strong>de</strong>vrait être<br />

bientôt là."<br />

"Et le fort ?"<br />

"Tout semble prêt comme vous l'avez ordonné, monsieur. Il y a <strong>de</strong>s archers sur les remparts."<br />

Le ton <strong>de</strong> Jovinus était confiant mais <strong>Maximus</strong> savait que les Germains étaient intelligents et imprévisibles.<br />

"Merci, Jovinus. Tu as accompli un excellent travail, comme d'habitu<strong>de</strong>. Dis au tribun Libanius que j'ai<br />

besoin <strong>de</strong> lui parler, puis va rejoindre les autres."<br />

Jovinus salua puis courut en bas <strong>de</strong> la route avec la grâce et la vitesse d'une jeune gazelle, rayonnant<br />

encore du compliment <strong>de</strong> son général.<br />

Peu <strong>de</strong> temps après, <strong>Maximus</strong> entendit <strong>de</strong>s sabots frapper la route <strong>de</strong>rrière lui et il tint les rênes encore<br />

plus serrées pour empêcher Argento <strong>de</strong> se tourner pour faire face aux nouveaux arrivants comme il était<br />

entraîné à le faire pendant les combats. Libanius vint se placer à côté <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

158


"Général ?"<br />

"Libanius, nous allons nous séparer en trois. Vous prenez trois centuries et arrivez <strong>de</strong>rrière les Germains<br />

<strong>de</strong>puis l'ouest aussitôt qu'ils atteignent le village. Vérifiez bien qu'ils n'ont pas laissé <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong>rrière<br />

eux qui pourraient vous prendre à l'arrière et vous piéger, vous comprenez ?"<br />

"Oui, monsieur."<br />

"Dites à Petavius <strong>de</strong> prendre trois centuries <strong>sous</strong> son comman<strong>de</strong>ment et d'attaquer <strong>de</strong>puis l'est. Il <strong>de</strong>vra<br />

empêcher toute fuite dans cette direction et gar<strong>de</strong>r les Germains loin <strong>de</strong>s villageois dans les grottes."<br />

"Et vous, Général ?"<br />

"Je mènerais la majorité <strong>de</strong>s hommes tout droit <strong>de</strong>puis le sud et j'acculerai les Germains contre les<br />

remparts du fort."<br />

"Cela va être une terrible bataille, monsieur." Libanius secoua tristement la tête. "Pas <strong>de</strong> place pour<br />

bouger. Pas <strong>de</strong> droit à l'erreur. Nous pouvons espérer que cela mettra fin à toutes les attaques,<br />

cependant."<br />

"Il y aura beaucoup <strong>de</strong> pertes," renchérit <strong>Maximus</strong>. "Notre but est <strong>de</strong> les anéantir en les attaquant par<br />

quatre côtés. A cet instant précis, ils croient qu'ils sont en train <strong>de</strong> nous prendre par surprise mais il<br />

s'apercevront du contraire dès qu'ils verront le village désert. Ils croiront probablement aussi que je suis<br />

quelque part <strong>de</strong>rrière eux alors soyez très pru<strong>de</strong>nts parce qu'ils surveilleront leurs arrières <strong>de</strong> près.<br />

Heureusement, cela <strong>de</strong>vrait se terminer rapi<strong>de</strong>ment. Nous nous mettrons en route dès que ma cavalerie<br />

arrivera. Atten<strong>de</strong>z mon signal." <strong>Maximus</strong> salua son tribun avec son poing posé sur son cur. "Force et<br />

honneur."<br />

"Force et honneur, monsieur".<br />

Libanius retourna en galopant jusqu'au bas <strong>de</strong> la route, laissant <strong>Maximus</strong> à nouveau seul.<br />

Maintenant que ses décisions étaient prises, il avait le temps <strong>de</strong> considérer leurs conséquences. Des<br />

milliers d'hommes allaient mourir durant les prochaines heures. Autant seraient sévèrement blessés. Il<br />

pouvait être dans un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux groupes. Il s'autorisa à penser brièvement à sa femme et à son fils puis les<br />

fit sortir <strong>de</strong> son esprit, rassemblant sa concentration sur la bataille à venir.<br />

Peu <strong>de</strong> temps après, sa cavalerie approcha sur la route par sa droite. <strong>Maximus</strong> mit pied à terre et<br />

s'accroupit. Hercule se déplaça rapi<strong>de</strong>ment pour une embrassa<strong>de</strong> et <strong>Maximus</strong> ébouriffa affectueusement<br />

la fourrure épaisse du chien. Puis il prit une poignée <strong>de</strong> terre et la frotta entre ses mains, la porta à son nez<br />

avant <strong>de</strong> la laisser retomber sur le sol et <strong>de</strong> se tourner pour faire face à ses hommes.<br />

*******<br />

Olivia avait eu tort en pensant que la cave était insonorisée. Elle ne l'était pas du tout.<br />

Le bruit <strong>de</strong> la bataille faisant rage au <strong>de</strong>là <strong>de</strong>s remparts se glissait à travers la trappe et passait dans les<br />

escaliers, étouffé et indistinct, mais reconnaissable. Jovinus distrayait Marcus en fredonnant assez fort et<br />

en jouant aux osselets. Il essaya <strong>de</strong> faire participer la mère du garçon aussi mais elle resta assise sur une<br />

chaise près <strong>de</strong>s escaliers, les yeux vi<strong>de</strong>s et les mains nouées. Ses lèvres se mouvaient sans un son alors<br />

qu'elle priait pour le salut <strong>de</strong> son époux.<br />

*******<br />

Un bruit <strong>de</strong> grattement sur le sol au-<strong>de</strong>ssus tira le trio <strong>de</strong> son sommeil troublé et poussa Jovinus à faire se<br />

déplacer ses protégés dans le coin le plus éloigné <strong>de</strong> la cave. Il brandit une épée, près à les défendre<br />

jusqu'à la mort si l'homme qui apparaîtrait dans l'ouverture n'était pas romain.<br />

"Olivia ?"<br />

C'était Persius.<br />

"Oui, oui," s'écria-t-elle en courant jusqu'aux marches, poussant Jovinus sur son passage. "Que se passet-il<br />

au-<strong>de</strong>ssus ? Est-ce terminé ?"<br />

Persius ne répondit pas. Il ouvrit la trappe et ses bottes apparurent sur les premières marches. Il <strong>de</strong>scendit<br />

lentement et Olivia sursauta en voyant son visage ensanglanté et sinistre. Elle était trop abasourdie pour<br />

bouger et elle le regarda presque bêtement.<br />

"Es-tu blessé ?" <strong>de</strong>manda-t-elle lorsque ses jambes commencèrent à trembler.<br />

"Non, je vais bien."<br />

"Tu es couvert <strong>de</strong> sang"<br />

"Pas le mien. J'ai aidé à amener les blessés dans l'infirmerie."<br />

Jovinus se précipita vers eux. "Olivia, allez voir votre fils," ordonna-t-il comme elle continuait à fixer son<br />

frère du regard. Elle ne répondit pas.<br />

"Persius, que se passe-t-il ? Avons-nous gagné ?"<br />

"Nous avons toujours le contrôle du fort, si on peut appeler ça avoir gagné. Aucun <strong>de</strong>s villageois n'est<br />

mort."<br />

"<strong>Maximus</strong> ?" <strong>de</strong>manda Olivia d'une voix emplie <strong>de</strong> crainte. "Qu'est-il advenu <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> ?"<br />

"Maman ?" Marcus était blotti dans un coin, effrayé et tout seul.<br />

"Qu'est-il arrivé à <strong>Maximus</strong>, Persius ?" La peur d'Olivia augmentait <strong>de</strong>vant le mutisme <strong>de</strong> son frère.<br />

"Maman !"<br />

Olivia alla rapi<strong>de</strong>ment prendre son fils dans ses bras, murmurant <strong>de</strong>s mots <strong>de</strong> réconfort qu'elle savait<br />

inefficaces. Elle rejoint son frère qui fixait Jovinus du regard.<br />

"Persius, qu'est-il arrivé à <strong>Maximus</strong> !" Sa voix était rendue stri<strong>de</strong>nte par la peur.<br />

"Il est blessé ­ gravement. Ils sont entrain <strong>de</strong> le soigner sur le champ <strong>de</strong> bataille." Il regarda à nouveau<br />

Jovinus. "Votre fils ne s'en est pas sorti. Je suis désolé. Il est mort en défendant son général."<br />

159


Jovinus tituba comme si il avait été frappé. Olivia se laissa tomber dans la chaise la plus proche et éclata<br />

en sanglots incontrôlables. Marcus commença à pleurer aussi, en réaction au chagrin <strong>de</strong> sa mère.<br />

Persius baissa la tête. "Je n'avais rien vu d'aussi terrible rien imaginé d'aussi brutal."<br />

Jovinus donna une tape affectueuse sur l'épaule <strong>de</strong> Persius. Il était si jeune, pensa-t-il. Tout comme son<br />

propre fils. "Est-ce grave pour <strong>Maximus</strong> ?"<br />

"Oui," murmura Persius. "Une blessure à la cuisse ­ une flèche. Ca saigne beaucoup et les chirurgiens<br />

sont inquiets."<br />

Jovinus hocha la tête. "Je vais prendre soin <strong>de</strong> Marcus," dit-il en prenant le petit garçon tremblant <strong>de</strong>s bras<br />

<strong>de</strong> sa mère qui pleurait toujours. "Tu vais ai<strong>de</strong>r ta sur à reprendre le contrôle d'elle-même puis tu<br />

l'amèneras auprès <strong>de</strong> son mari." Jovinus installa Marcus dans ses bras et la petite jambe <strong>de</strong> l'enfant alla<br />

reposer sur l'estomac ample <strong>de</strong> l'ingénieur. "Où est allé ce chaton, Marcus ? Hum ? Viens m'ai<strong>de</strong>r à<br />

trouver le petit chat."<br />

Marcus se blottit dans ses bras. "Où est papa ?" <strong>de</strong>manda-t-il, craignant que le chagrin <strong>de</strong> sa mère ait<br />

quelque chose à voir avec son père. "Où est papa ?"<br />

"Tu verras ton papa bientôt, gamin. Maintenant, allons retrouver ce chaton"<br />

Jovinus erra dans les coins sombres <strong>de</strong> la cave, serrant le petit garçon dans ses bras et regrettant <strong>de</strong> ne<br />

pas pouvoir remonter le temps.<br />

Persius s'accroupit auprès <strong>de</strong> sa sur qui se tamponnait les yeux et qui hoquetait comme elle luttait pour<br />

contrôler ses sanglots.<br />

"Je ne suis pas sûr que tu <strong>de</strong>vrais sortir d'ici, Olivia."<br />

"Je dois voir <strong>Maximus</strong>."<br />

"Tu ne lui feras aucun bien dans cet état. Tu le connais. Il s'inquiétera plus pour toi que pour lui."<br />

"C'est vrai." Olivia réussit à rire un peu. "Donne-moi juste quelques instants et je vais aller bien." Elle se<br />

moucha puis renifla. "Pauvre Jovinus."<br />

"Oui, mais il y a <strong>de</strong>s milliers d'autres pères qui ont perdu leurs fils aujourd'hui. Il y a <strong>de</strong>s corps partout ­ <strong>de</strong>s<br />

Romains et <strong>de</strong>s Germains. Il fait chaud les mouches commencent à venir. Ca n'est pas quelque chose que<br />

tu dois voir, Olivia."<br />

"Je dois aller voir <strong>Maximus</strong> donc si je dois voir cela et bien"<br />

"Attends qu'ils l'amènent à l'intérieur."<br />

"Non." Elle se leva, plus forte à présent et très déterminée.<br />

Persius se leva aussi et sortit un mouchoir <strong>de</strong> sa tunique, toujours humi<strong>de</strong> à cause <strong>de</strong> la chaleur <strong>de</strong> son<br />

corps. "Tiens couvre ton nez et ta bouche avec ça. Les corps commencent déjà à se décomposer et j'ai<br />

vomi <strong>de</strong>ux fois en essayant juste d'arriver ici."<br />

Olivia eut un sourire désabusé pour son frère. "Merci, Persius, d'être là avec moi."<br />

Il hocha simplement la tête. "L'atrium est déjà plein d'hommes blessés et les chirurgiens sont en train<br />

d'opérer. Tu vas <strong>de</strong>voir regar<strong>de</strong>r ailleurs."<br />

"Le sang ne me dérange pas."<br />

"Il y a plus que juste du sang. De plus, beaucoup <strong>de</strong>s hommes sont nus."<br />

Olivia ricana. "Persius, j'ai grandi avec quatre frères, j'ai un mari et un fils. Que pourraient avoir ces<br />

hommes que je n'ai pas déjà vu ? Maintenant emmène-moi auprès <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>."<br />

Persius sourit en remontant les escaliers rai<strong>de</strong>s en premier.<br />

"Les hommes," murmura-t-elle. "Ils semblent tous penser qu'ils ont quelque chose <strong>de</strong> spécial dans leur<br />

culottes !"<br />

Persius rit pour la première fois en trois jours. Sa sur irait très bien.<br />

Chapitre 82 : La Flèche<br />

<strong>Maximus</strong> était allongé sur le ventre au milieu <strong>de</strong>s arbres du bois qui séparait le village du fort. Ou bien il<br />

était tombé dans cette position ou il avait été retourné par le personnel médical qui le soignait.<br />

Marcianus était sur le point d'immobiliser la jambe droite du général ­ où une flèche ressortait <strong>de</strong> sa cuisse<br />

à un angle bizarre ­ pour qu'il puisse être placé dans un brancard qui était posé sur le sol à côté <strong>de</strong> lui. Un<br />

tourniquet avait été attaché près <strong>de</strong> son aine pour réduire la perte <strong>de</strong> sang mais sa cuisse, libérée <strong>de</strong> ses<br />

vêtements, était dégoulinante <strong>de</strong> sang. La poudre <strong>de</strong> fer rouillé, prévue pour empêcher toute infection,<br />

créait une couleur rouge-brun effrayante où elle se mélangeait avec le sang. Sa jambe intacte avait été<br />

poussée sur le côté dans une position inconfortable, pliée au genou. Ses yeux étaient fermés, ses mains<br />

serrées en poings et il respirait irrégulièrement, la bouche gran<strong>de</strong> ouverte.<br />

Hercule était couché tout près, haletant et surveillant les opérations <strong>de</strong> près. A chaque fois que <strong>Maximus</strong><br />

gémissait, le gros chien grognait pour mettre ses tortionnaires en gar<strong>de</strong> et <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong>vait le faire taire. De<br />

temps en temps, il allait vers son maître pour le renifler puis pour lécher son visage pour le rassurer.<br />

Olivia tomba à genoux sur le sol gorgé <strong>de</strong> sang à côté <strong>de</strong> son époux, choquée <strong>de</strong> voir cet homme si fort à<br />

terre et impuissant.<br />

"Ma Dame bien," dit Marcianus alors que <strong>Maximus</strong> ouvrait les yeux. "Vous arrivez juste à temps pour<br />

m'ai<strong>de</strong>r à convaincre ce soldat entêté."<br />

<strong>Maximus</strong> tâtonna pour saisir sa main et elle serra très fort la sienne dans ses mains. "Tu ne <strong>de</strong>vrais pas<br />

être là," dit-il, sa voix inhabituellement faible.<br />

"Comment aurais-je pu ne pas venir," murmura-t-elle près <strong>de</strong> son oreille.<br />

" voulais pas que tu vois ça." <strong>Maximus</strong> gémit et serra les <strong>de</strong>nts quand Marcianus glissa <strong>de</strong>s planches <strong>de</strong><br />

chaque côté <strong>de</strong> sa jambe et commença à les attacher soigneusement ensembles.<br />

160


"Ma Dame," expliqua Marcianus tout en accomplissant sa tâche, "votre mari a reçu une flèche à mi-cuisse,<br />

comme vous pouvez le voir, mais l'endroit et la position <strong>de</strong> la flèche sont inquiétants. Comme vous pouvez<br />

aussi voir, elle est entrée par l'arrière et son angle est vers l'intérieur <strong>de</strong> la jambe, non vers le <strong>de</strong>vant.<br />

Malheureusement, à cause <strong>de</strong> l'épaisseur du muscle, elle n'a pas traversé. C'est une <strong>de</strong>s fois où avoir du<br />

muscle est un désavantage. C'est une <strong>de</strong> nos flèches alors au moins, nous savons à quoi nous avons<br />

affaire."<br />

Olivia fut choquée. "Un <strong>de</strong> ses propres soldats lui a tiré <strong>de</strong>ssus ?" Sa main, qui caressait les cheveux <strong>de</strong><br />

son mari, s'immobilisa.<br />

<strong>Maximus</strong> réussit à sourire un peu. "Non, pas intentionnellement. Ma jambe s'est retrouvée sur le chemin<br />

<strong>de</strong> la future victime d'un archer."<br />

Marcianus ignora la tentative <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> pour alléger l'atmosphère et poursuivit, "Nous savons que ça<br />

n'est pas empoisonné, et le sang a une jolie couleur rouge pleine <strong>de</strong> santé. Il coule régulièrement donc<br />

nous savons que la flèche n'a pas touché l'artère fémorale, mais elle n'est pas passé loin. Elle est aussi<br />

passée non loin <strong>de</strong> nerfs qui auraient pu être tranchés et rendre sa jambe définitivement inutilisable. Alors,<br />

après tout, il a eu <strong>de</strong> la chance. Mais c'est une <strong>de</strong>s nos flèches les plus dangereuses ­ avec <strong>de</strong>s barbillons<br />

­ alors je ne peux pas la sortir dans déchirer <strong>de</strong>s muscles, <strong>de</strong>s tendons et <strong>de</strong> la chair et probablement<br />

l'artère et les nerfs aussi. Pour faire moins <strong>de</strong> dégâts, je vais <strong>de</strong>voir l'enfoncer directement à travers sa<br />

jambe jusqu'à ce qu'elle ressorte <strong>de</strong> l'autre côté, à travers <strong>de</strong>s portions <strong>de</strong> chair qui n'ont pas été<br />

endommagées ma Dame, vous allez bien ?"<br />

La main d'Olivia se posa sur son front. Elle était certaine qu'elle allait s'évanouir.<br />

"Olivia ?" <strong>Maximus</strong> souleva ses épaules du sol mais Marcianus le fit se rallonger assez brusquement,<br />

enfonçant le visage <strong>de</strong> son général dans la terre sans le faire exprès dans sa hâte <strong>de</strong> reprendre son<br />

travail. "Prenez <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s inspirations, ma Dame," dit le chirurgien. "Je suis désolé. Je n'aurais pas dû<br />

vous parler aussi crûment."<br />

<strong>Maximus</strong> cracha la terre et les feuilles. "Où est Marcus ?" <strong>de</strong>manda-t-il.<br />

La respiration profon<strong>de</strong> avait marché et la tête et l'estomac d'Olivia allaient mieux. "Il est avec Jovinus,"<br />

répondit-elle.<br />

Olivia ne put dire si la soudaine grimace <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était à cause du chirurgien manipulant sa jambe<br />

blessée ou bien à la mention du l'ingénieur en chef du camp.<br />

<strong>Maximus</strong> tourna la tête et Olivia suivit son regard <strong>de</strong> l'autre côté d'un sapin où elle put voir le <strong>de</strong>rrière d'une<br />

tête couverte <strong>de</strong> cheveux roux pleins <strong>de</strong> sang. Le corps du jeune homme était étalé, sans vie, au milieu <strong>de</strong><br />

délicates fleurs jaunes et bleues.<br />

Elle caressa la nuque <strong>de</strong> son époux pour tenter <strong>de</strong> l'apaiser. "Il sait, <strong>Maximus</strong>," murmura-t-elle. "Il l'a prit<br />

aussi bien qu'il pouvait le faire."<br />

"Ma Dame, reculez. Nous allons le mettre dans le brancard."<br />

Olivia caressa son mari une <strong>de</strong>rnière fois puis fit comme Marcianus lui <strong>de</strong>mandait.<br />

Les assistants virent immédiatement: <strong>de</strong>ux d'entre eux plus Persius à ses épaules, <strong>de</strong>ux tenant sa bonne<br />

jambe, et le <strong>de</strong>rnier, avec Marcianus et un autre chirurgien, se chargeant <strong>de</strong> sa jambe attelée. "A la trois.<br />

Un <strong>de</strong>ux trois levez !"<br />

<strong>Maximus</strong> enfonça son visage dans ses mains pour étouffer son incontrôlable cri <strong>de</strong> douleur alors que son<br />

corps était soulevé.<br />

Marcianus n'avait aucune sympathie pour lui. "C'est bien fait. Vous n'avez pas voulu prendre la drogue que<br />

je vous avais proposé pour dormir."<br />

Olivia était horrifiée. "<strong>Maximus</strong> Prends la drogue."<br />

"Non je ne peux pas. Je dois rester conscient. J'ai encore d'importantes décisions à prendre. Je ne peux<br />

pas être inconscient."<br />

Olivia était perplexe. "Et bien, tu seras inconscient quand Marcianus pratiquera l'opération."<br />

Elle jeta un il au chirurgien qui la regarda avec un sourcil levé et les lèvres pincées.<br />

"Je vous avais bien dit que j'avais besoin <strong>de</strong> votre ai<strong>de</strong> avec cet homme borné. Il a choisi d'avoir son<br />

opération sans anesthésique et je n'arrive pas à l'en dissua<strong>de</strong>r."<br />

Olivia commença à paniquer. "Droguez-le <strong>de</strong> toute façon," dit-elle à Marcianus.<br />

"Il n'oserait pas," gronda <strong>Maximus</strong>, ses mots se terminant par un cri comme le brancard était soulevé.<br />

Hercule grogna.<br />

"Il a raison, ma Dame. Il est mon général et je dois obéir à ses ordres. Si il veut être borné et stupi<strong>de</strong> et<br />

idiot et imbécile alors je ne peux rien y faire."<br />

Olivia saisit la main <strong>de</strong> son mari et marcha à côté du brancard comme ils traçaient leur chemin à travers<br />

les corps immobilisés dans les contorsions <strong>de</strong> la mort. Elle ne les remarqua même pas. Son esprit était<br />

uniquement préoccupé par la situation <strong>de</strong> son époux.<br />

"Quintus peut s'occuper <strong>de</strong> tout pendant que tu es inconscient," suggéra-t-elle.<br />

"Il est blessé et il est entrain <strong>de</strong> se faire opérer en ce moment ­ son bras gauche a été entaillé jusqu'à l'os."<br />

"Il doit y avoir quelqu'un d'autre. Tu as beaucoup d'officiers."<br />

"Non, Olivia. S'il te plaît, n'en parle plus."<br />

"Tu n'es pas sérieux !"<br />

"Je le suis, et je ne suis pas d'humeur à me battre."<br />

Olivia fronça les sourcils et regarda Marcianus. "Comment l'avez-vous appelé ? Borné?"<br />

" et stupi<strong>de</strong> et idiot et imbécile, je crois, ma Dame."<br />

"Je peux en ajouter quelques uns," intervint Persius. "Pourquoi pas difficile, têtu, irrationnel"<br />

161


" et bête," ajouta un assistant qui regarda rapi<strong>de</strong>ment ailleurs quand <strong>Maximus</strong> le foudroya du regard.<br />

"Vous prenez <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s libertés avec un homme quand il est sans défenses," protesta le général.<br />

"Sans défenses," se moqua Marcianus.<br />

Olivia n'arrivait pas à déci<strong>de</strong>r si elle voulait serrer son homme dans ses bras ou lui donner la fessée vu que<br />

son <strong>de</strong>rrière était à la portée <strong>de</strong> sa main. Elle avait eu <strong>de</strong>s aperçus <strong>de</strong> ce côté <strong>de</strong> sa personnalité en<br />

Espagne mais elle n'avait jamais imaginé qu'il pouvait être aussi obstiné.<br />

<strong>Maximus</strong> gémit quand les hommes portant le brancard glissèrent sur le sol imbibé <strong>de</strong> sang alors qu'ils<br />

passaient par-<strong>de</strong>ssus ou contournaient les morts et les soldats mourants.<br />

Au lieu <strong>de</strong> se reposer, <strong>Maximus</strong> examinait l'épouvantable résultat du combat avec un il exercé. Olivia jetait<br />

un regard alentours, se sentant quelque peu étourdie, se <strong>de</strong>mandant si ce qu'elle voyait était réel.<br />

Des femmes du village criaient et s'arrachaient les cheveux en cherchant <strong>de</strong>s êtres chers parmi les corps.<br />

Des enfants étaient rassemblés à l'orée du bois, la confusion et l'horreur visible sur leurs visages sales et<br />

striés <strong>de</strong> larmes. Des chirurgiens et <strong>de</strong>s assistants médicaux allait d'homme en homme, évaluant les<br />

blessures et établissant les priorités.<br />

Cependant, toute activité cessa momentanément quand ils virent leur général passer sur un brancard, ce<br />

qui montrait avec certitu<strong>de</strong> que sa blessure était grave. Ils le saluèrent et <strong>Maximus</strong> leva la main en une<br />

réponse qu'il espérait rassurante.<br />

Les soldats travaillaient en équipes pour ôter tout ce qui pouvait être utile <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> Germains morts<br />

avant <strong>de</strong> transporter les corps dans <strong>de</strong>s charrettes. Ils utilisaient <strong>de</strong>s sacs en tissu imbibés <strong>de</strong> sang pour<br />

ramasser <strong>de</strong>s parties <strong>de</strong> corps comme <strong>de</strong>s membres et <strong>de</strong>s têtes et les jetaient également dans les<br />

charrettes. Une fois pleines, elles étaient emmenées pour se débarrasser <strong>de</strong>s victimes avant <strong>de</strong> revenir<br />

pour en ramasser d'avantage. On s'occuperait <strong>de</strong>s soldats Romains plus tard, quand ils seraient tous<br />

i<strong>de</strong>ntifiés. Olivia eut la nausée <strong>de</strong>vant le spectacle et l'o<strong>de</strong>ur, cherchant le mouchoir que Persius lui avait<br />

donné.<br />

"Atten<strong>de</strong>z. Stop. Stop !" ordonna <strong>Maximus</strong>, sa souffrance momentanément oubliée alors qu'il passait<br />

<strong>de</strong>vant les soldats qui s'occupaient <strong>de</strong>s Germains. "Où emmenez-vous les corps ?"<br />

"Près du fleuve, Monsieur. Le vent souffle du sud alors c'est aussi bien que les cendres viennent sur eux<br />

plutôt que sur nous quand on les brûlera."<br />

"Il y a déjà <strong>de</strong>s corps là-bas ?"<br />

"Oui, Monsieur. Nous les y emmenons <strong>de</strong>puis ce matin."<br />

Marcianus émit un grognement <strong>de</strong> protestation quand il entendit cette in<strong>format</strong>ion.<br />

"Et bien, enlevez-les <strong>de</strong> là-bas !", ordonna <strong>Maximus</strong>. "Mettez-les plutôt à l'Est, près <strong>de</strong>s grottes."<br />

"Monsieur ? Ca va nous prendre <strong>de</strong>s heures pour les emmener aussi loin." Le soldat ne comprenait pas.<br />

Quel importance avait l'endroit où ils étaient incinérés ?<br />

Un spasme <strong>de</strong> douleur coupa le souffle <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> alors Marcianus poursuivit ses instructions,<br />

comprenant parfaitement l'inquiétu<strong>de</strong> du général. "Soldat, ces corps vont se décomposer rapi<strong>de</strong>ment avec<br />

cette chaleur. Le sang et la contamination pourraient aller dans le fleuve puis dans nos puits. Nous<br />

pourrions tous être mala<strong>de</strong>s. Faites ce que votre général vous dit et ne posez pas <strong>de</strong> questions !"<br />

Les ordres passèrent rapi<strong>de</strong>ment d'homme en homme et les soldats commencèrent à se mettre en branle<br />

pour régler le problème.<br />

Le visage très pâle <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était tellement déformé par la douleur que le chirurgien n'était pas tout à<br />

fait certain que le général avait entendu ce qu'il avait dit.<br />

"Avancez," dit-il à ses assistants. "Je dois opérer cet homme rapi<strong>de</strong>ment."<br />

Chapitre 83 : Opération<br />

"<strong>Maximus</strong>," dit Marcianus à son patient qui était allongé sur le dos, dans son propre lit, sa femme assise à<br />

côté <strong>de</strong> lui. "Je vais dire cela aussi clairement que je le peux."<br />

Il croisa ses bras sur sa poitrine et regarda son patient dont la jambe blessée était pliée et élevée sur un<br />

tabouret avec <strong>de</strong>s coussins empilés <strong>de</strong>ssus. "Cette flèche est dans une position délicate. Si vous bougez<br />

ne serait-ce que d'un centimètre pendant que je l'extrait, l'artère sera endommagée. Si cela arrive, vous<br />

mourrez. C'est aussi simple que cela. Il n'y a pas un chirurgien dans tout l'empire qui pourrait vous<br />

empêcher <strong>de</strong> saigner à mort. Si nous avons <strong>de</strong> la chance et ne touchons pas l'artère, les nerfs pourraient<br />

être endommagés et vous seriez handicapé."<br />

<strong>Maximus</strong> garda les yeux baissés, évitant le regard du mé<strong>de</strong>cin et celui <strong>de</strong> sa femme.<br />

"La douleur sera si terrible que vous ne serez pas capable <strong>de</strong> rester immobile même après que nous vous<br />

ayons attaché avec dix hommes pour vous tenir."<br />

Olivia ferma les yeux et se les frotta, puis elle massa ses tempes et soupira misérablement.<br />

"<strong>Maximus</strong>," continua Marcianus, "si vous me respectez vous ne me ferez pas pratiquer l'opération pendant<br />

que vous êtes conscient. Je ne pourrais plus jamais me regar<strong>de</strong>r en face si je causais votre mort."<br />

<strong>Maximus</strong> resta silencieux mais ses yeux parcoururent lentement sa jambe qui était enveloppée dans une<br />

sorte <strong>de</strong> moule en pain pour empêcher temporairement l'infection <strong>de</strong> se développer. Sa douleur était <strong>sous</strong><br />

contrôle grâce à <strong>de</strong> larges doses <strong>de</strong> drogues.<br />

"Je sais que vous pensez que vous <strong>de</strong>vez rester conscient, et vous avez remarqué ce problème avec<br />

l'évacuation <strong>de</strong>s corps ­ heureusement à temps ­ mais vous n'êtes pas invincible, <strong>Maximus</strong>. Vous ne<br />

pouvez même pas imaginer à quel point la douleur va être forte."<br />

162


"Est-ce que Quintus est réveillé ?" <strong>de</strong>manda le général.<br />

"Il le sera bientôt."<br />

"Laissez-moi seul avec ma femme."<br />

Marcianus hésita. "Je vais préparer une table. Nous <strong>de</strong>vons faire cela très bientôt."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête et le chirurgien sortit, fermant la porte <strong>de</strong>rrière lui.<br />

Olivia fixa la fresque représentant son époux, si fort et si invincible sur son étalon.<br />

<strong>Maximus</strong> tendit le bras pour prendre sa main et elle la lui laissa avec réticence. Elle n'était pas trop sûre <strong>de</strong><br />

ce qu'elle ressentait à ce moment précis. De la colère ? De l'amertume ? Peut être était-elle simplement<br />

déçue.<br />

"Tu t'évanouiras <strong>de</strong> toute façon," dit-elle avec amertume, " après que <strong>de</strong>s dégâts irréversibles aient été<br />

faits."<br />

"Je veux que toi et Marcus vous vous installiez dans une tente à l'extérieur du praetorium. L'infection et la<br />

maladie vont peut être commencer à se répandre. Il n'y a pratiquement pas <strong>de</strong> moyen d'empêcher cela<br />

quand autant d'hommes sont blessés et quand il y a tant <strong>de</strong> cadavres. Il ne vaut mieux pas que tu restes<br />

dans cette maison."<br />

"Comme tu voudras."<br />

<strong>Maximus</strong> porta la main d'Olivia à ses lèvres et l'embrassa. "Olivia, je prends les décisions que je dois<br />

prendre, pas celles que je souhaiterais prendre."<br />

"Oh, <strong>Maximus</strong> J'ai si peur <strong>de</strong> te perdre." Elle caressa son visage barbu avec le <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> ses doigts. "Tu<br />

as un fils. Pense à lui, je t'en prie."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête. "Je le fais. Je le fais. Dès que Quintus sera réveillé, je laisserais Marcianus<br />

m'endormir et m'opérer."<br />

Olivia faillit se jeter dans ses bras avant <strong>de</strong> réaliser que si elle le faisait, elle endommagerait encore plus sa<br />

jambe. Elle l'embrassa doucement à la place.<br />

"Ta jolie cuisse va avoir une affreuse cicatrice. Je vais <strong>de</strong>voir l'embrasser toutes les nuits."<br />

<strong>Maximus</strong> sourit. "J'ai hâte que ça arrive, mais il se peut que ça ne soit pas aussi terrible. Marcianus a <strong>de</strong>s<br />

doigts <strong>de</strong> fée." Olivia l'embrassa une fois encore. "Va dire à Marcianus que je serai prêt quand Quintus le<br />

sera lui aussi et emmène Marcus loin d'ici. Je ne veux pas qu'il voit quoi que ce soit."<br />

"Jovinus l'a déjà pris dans sa tente."<br />

"Va là-bas aussi."<br />

"Je veux rester près <strong>de</strong> toi."<br />

"S'il te plaît va avec notre fils. Je ne veux pas que tu vois ce qui va m'arriver."<br />

Olivia hocha la tête. "Bien sûr, bien sûr." Son visage se plissa et <strong>de</strong>s larmes se formèrent dans ses yeux.<br />

"Arrêtes," la gronda gentiment <strong>Maximus</strong>. "Ne laisse pas Marcus te voir comme ça. Tout va bien se passer.<br />

Je pense que Jovinus aura plus besoin <strong>de</strong> toi que moi les jours prochains <strong>de</strong> toute façon. Je serai sonné et<br />

j'aurai presque tout le personnel médical du camp à tourner autour <strong>de</strong> moi."<br />

Il lâcha sa main, indiquant qu'elle <strong>de</strong>vait partir. "Je t'aime," murmura-t-il.<br />

"Je t'aime aussi."<br />

Olivia sortit précipitamment, n'osant pas jeter un regard en arrière.<br />

*******<br />

L'infirmerie du camp était un endroit très organisé et fonctionnant efficacement ­ comme tout dans l'armée.<br />

La pièce était divisée en zones où <strong>de</strong>s blessures <strong>de</strong> type similaire pouvaient être traitées ­ un endroit pour<br />

les os cassés, un autre pour opérer, un autre pour la convalescence. Les chirurgiens étaient doués en<br />

mé<strong>de</strong>cine générale mais ils avaient aussi leur domaine d'expertise et ils étaient aidés par <strong>de</strong>s assistants<br />

très compétents.<br />

L'apothicaire et son assistant préparaient <strong>de</strong>s remè<strong>de</strong>s qu'ils conservaient dans <strong>de</strong>s pots stockés dans <strong>de</strong>s<br />

placards, à l'abri <strong>de</strong> la lumière et <strong>de</strong> la chaleur. Des feuilles, <strong>de</strong>s écorces et <strong>de</strong>s racines séchées pendaient<br />

du plafond, attendant d'êtres écrasées et incluses dans <strong>de</strong>s remè<strong>de</strong>s quand on en aurait besoin. Du<br />

goudron pour traiter les moignons bouillonnait dans un pot. Des scalpels, <strong>de</strong>s aiguilles, <strong>de</strong>s pinces, <strong>de</strong>s<br />

scies, <strong>de</strong>s éponges, <strong>de</strong> la suture faite avec du boyau d'animal séché, <strong>de</strong>s bâtons <strong>de</strong> cautérisation, <strong>de</strong>s<br />

forets et <strong>de</strong>s forceps étaient nettoyés et rangés, attendant d'être utilisés. Des statues du dieu Grec<br />

Aesculapius, et aussi <strong>de</strong>s déesses Panacea et Hygiea observaient attentivement les tâches accomplies.<br />

<strong>Maximus</strong> était allongé sur une table dans l'atrium, près du jardin pour un maximum <strong>de</strong> lumière, et <strong>de</strong>s<br />

lanternes éclairaient les zones d'ombre. Des récipients, <strong>de</strong>s tissus, <strong>de</strong>s bandages, <strong>de</strong>s éponges et <strong>de</strong>s<br />

instruments médicaux étaient étalés sur une table voisine, avec <strong>de</strong>s drogues pour empêcher l'infection et<br />

la fièvre. Le général était presque nu, une couverture couvrant le milieu <strong>de</strong> son corps et sa jambe droite<br />

restait surélevée. Il était entouré <strong>de</strong> quatre chirurgiens et six assistants. L'apothicaire s'affairait tout près.<br />

"Qu'est-ce que vous me donnez ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong> quand Marcianus lui tendit un gobelet <strong>de</strong> lait chaud<br />

teinté d'une couleur verdâtre pas très appétissante.<br />

"Devez-vous me questionner sur tout ?"<br />

"Que me donnez-vous ?" insista <strong>Maximus</strong>.<br />

"De l'opium. Une dose très forte cette fois. C'est une drogue que nous achetons à l'Est. Elle est très chère<br />

mais très efficace. Après avoir bu ça, vous ne vous inquiéterez plus <strong>de</strong> ce que je vous fais."<br />

Les paroles <strong>de</strong> Marcianus étaient légères mais son cur était lourd. Il n'avait jamais réalisé une opération<br />

aussi importante <strong>de</strong> toute sa vie. C'était le général préféré <strong>de</strong> l'Empereur, sans parler du fait qu'il l'aimait<br />

beaucoup lui même et ses taquineries avec <strong>Maximus</strong> les aidaient tous les <strong>de</strong>ux à se détendre. "Aussitôt<br />

que vous serez inconscient, je vais vous manipuler pour vous mettre dans une position pas très digne.<br />

163


Vous allez être complètement nu, vos jambes écartées et avec la jambe droite levée." Marcianus réprima<br />

un sourire. "Je vais <strong>de</strong>voir faire attention ou je pourrais bien vous castrer pendant que j'y suis."<br />

Les chirurgiens ricanèrent.<br />

"Vos tentatives pour me rassurer sont un échec total. Donnez-moi l'opium avant que je ne change d'avis et<br />

que je déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> passer le restant <strong>de</strong> mes jours avec une flèche dans la jambe."<br />

<strong>Maximus</strong> goûta le liqui<strong>de</strong> et grimaça car c'était amer mais il vida ensuite le gobelet en quelques gorgées.<br />

Il se rallongea et ferma les yeux, mettant sa vie entre les mains <strong>de</strong>s talentueux chirurgiens du camp. Il<br />

entendit Marcianus lui parler mais sa voix venait <strong>de</strong> très loin, alors que son corps commençait à se<br />

détendre.<br />

"Comment vous sentez-vous ?" <strong>de</strong>manda Marcianus après quelques instants.<br />

"Merveilleusement bien," murmura <strong>Maximus</strong>, la voix pâteuse. Lentement, sa tête retomba sur le côté.<br />

"Faites <strong>de</strong> beaux rêves, <strong>Maximus</strong>. Vous vous réveillerez bientôt dans votre lit."<br />

Chapitre 84 : Réveil<br />

<strong>Maximus</strong> gémit légèrement et tourna la tête, ce qui l'étourdit. Il sentit une main fraîche effleurer son front et<br />

il réalisa qu'il transpirait. Il essaya <strong>de</strong> repousser les couvertures pour rafraîchir son corps surchauffé mais<br />

elles furent remises fermement sur ses bras sans résistance. Des personnes parlaient mais il ne pouvait<br />

pas les comprendre. Il retomba dans l'inconscience<br />

Il gémit encore et essaya <strong>de</strong> parler, ses oreilles ne percevant rien d'autre qu'un mélange <strong>de</strong> sons confus.<br />

Des mains touchaient son visage, ses mains, ses bras. Il humecta ses lèvres <strong>de</strong>sséchées et essaya<br />

encore. "Soif" Immédiatement, un verre <strong>de</strong> liqui<strong>de</strong> fut porté à ses lèvres. C'était un peu amer mais il avait<br />

trop soif pour s'en préoccuper. Il se rendormit<br />

La lumière du soleil chauffait son oreille et il tourna la tête pour recevoir cette chaleur pleine <strong>de</strong> vie sur son<br />

visage. "Fait du bien," murmura-t-il.<br />

"<strong>Maximus</strong> ? <strong>Maximus</strong> ? Peux-tu me parler ? Tu es réveillé ?" souffla Olivia.<br />

Il sentit <strong>de</strong>s lèvres fraîches sur son front et <strong>de</strong>s cheveux soyeux effleurer ses joues. Il leva la main et<br />

attrapa quelques mèches <strong>de</strong> ces cheveux doux mais son bras commença à trembler et il retomba sur le lit.<br />

<strong>Maximus</strong> entendit quelqu'un dire "Faible"<br />

Il essaya d'ouvrir les yeux mais ils semblaient être collés. Ses autres sens réussirent finalement à envoyer<br />

<strong>de</strong>s messages cohérents à son cerveau, et il comprit où il était. Il était au lit ­ dans son lit ­ et sa femme<br />

était assise à côté <strong>de</strong> lui.<br />

"Olivia," murmura-t-il.<br />

"Je suis là, chéri." Elle serra sa main et posa sa joue contre son front. "Il est chaud."<br />

A qui parlait-elle ?<br />

Une main se posa sur son visage, trop gran<strong>de</strong> pour être celle <strong>de</strong> sa femme. "Un peu chaud, mais rien<br />

d'inquiétant."<br />

"Marcianus ?" croassa <strong>Maximus</strong>.<br />

"Oui, je suis là. L'opération s'est très bien passée et vous êtes en train <strong>de</strong> vous remettre."<br />

<strong>Maximus</strong> sourit faiblement. "Merci."<br />

Marcianus rit. "Mais <strong>de</strong> rien." Il s'approcha <strong>de</strong> l'oreille <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. "Il vous manque une flèche mais vous<br />

serez heureux d'apprendre que je vous ai laissé entier."<br />

"Quelle heure est-il ?"<br />

"Ca n'a pas d'importance. Vous <strong>de</strong>vez dormir pour vous remettre. Ordre du chirurgien."<br />

<strong>Maximus</strong> lutta pour ouvrir les yeux. Un éclair blanc traversa son cerveau et il grogna, prenant sa tête entre<br />

ses mains. On les écarta et immédiatement, un linge humi<strong>de</strong> et frais, réconfortant, couvrit son front et ses<br />

yeux. Olivia l'appuya doucement sur ses tempes.<br />

"Ne vous inquiétez pas, ma Dame," dit Marcianus. "Il souffre seulement <strong>de</strong> symptômes <strong>de</strong> manque dus à<br />

l'anesthésie. J'ai du lui donner une dose vraiment importante."<br />

<strong>Maximus</strong> repoussa le linge et ouvrit très lentement les yeux, testant l'intensité <strong>de</strong> la lumière. Le joli visage<br />

inquiet <strong>de</strong> sa femme se précisa lentement. Il porta sa main à ses lèvres et l'embrassa puis posa sa joue<br />

contre ses doigts.<br />

Olivia caressa ses cheveux avec son autre main. "Contente que tu sois <strong>de</strong> retour," murmura-t-elle.<br />

"Où suis-je allé ?"<br />

Olivia rit. "Oh, dans <strong>de</strong>s endroits que toi seul connais. Tu as baragouiné <strong>de</strong>s choses très étranges ces<br />

<strong>de</strong>rniers jours." Marcianus secoua la tête pour l'arrêter. Trop tard.<br />

"Ces <strong>de</strong>rniers jours ? Combien <strong>de</strong> temps ai-je été inconscient ? Quel jour sommes-nous ?"<br />

"Allez-vous vous détendre," dit le chirurgien. "Le camp est toujours en sécurité, l'Empire est toujours entre<br />

<strong>de</strong>s mains romaines, Marc-Aurèle est toujours le dirigeant. Tout va pour le mieux. Reposez-vous."<br />

"Je veux parler à Quintus."<br />

"Plus tard."<br />

"Maintenant."<br />

Il essaya <strong>de</strong> s'asseoir et Marcianus se précipita pour l'allonger à nouveau.<br />

"<strong>Maximus</strong>, si vous ne vous calmez pas, je vais <strong>de</strong>voir vous droguer encore."<br />

"Et comment allez-vous faire ça si je ne veux pas boire ce truc ?"<br />

Les sourcils <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> étaient levés en un air <strong>de</strong> défi malgré son évi<strong>de</strong>nt manque <strong>de</strong> forces.<br />

164


"Je pense que peut être dix soldats pourraient vous faire tenir tranquille suffisamment longtemps pour vous<br />

le faire avaler. En ce moment, je prends les décisions concernant votre santé et Quintus s'occupe du camp<br />

après la bataille. Vous n'avez à penser à rien du tout, à part aller mieux."<br />

<strong>Maximus</strong> essaya <strong>de</strong> bouger sa jambe avec précaution et un éclair <strong>de</strong> douleur à vous retourner l'estomac<br />

traversa son côté droit, <strong>de</strong> la cheville jusqu'à l'aisselle. Son visage se contracta et son corps <strong>de</strong>vint rigi<strong>de</strong>.<br />

"<strong>Maximus</strong> ? Marcianus !" cria Olivia.<br />

"Va chercher plus d'opium," dit sinistrement Marcianus à son assistant.<br />

*******<br />

Un jour plus tard ­ trois jours après l'opération ­ <strong>Maximus</strong> se réveilla encore. Cette fois, il prêta attention<br />

aux signaux que lui envoyait son corps et décida <strong>de</strong> rester calme.<br />

"Tu as une sacré barbe," le taquina sa femme. "Les infirmiers vont venir plus tard pour te laver un peu."<br />

"Combien <strong>de</strong> temps es-tu restée assise à côté <strong>de</strong> mon lit ?"<br />

"Depuis qu'ils t'ont amené ici après l'opération."<br />

<strong>Maximus</strong> porta ses doigts à ses lèvres et les embrassa. "Où est Marcus ?"<br />

"Il est avec Persius et Jovinus. Jovinus semble avoir besoin <strong>de</strong> lui en ce moment. Marcus s'amuse<br />

beaucoup mais tu lui manques et il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> tout le temps à te voir."<br />

"Il <strong>de</strong>vra attendre un tout petit peu plus pour me voir. Je ne veux pas qu'il s'approche <strong>de</strong> cette infirmerie."<br />

"Je sais. Il attendra. Il joue au ballon et il attrape <strong>de</strong>s tas <strong>de</strong> mauvaises habitu<strong>de</strong>s avec les soldats ­ <strong>de</strong>s<br />

mots que je ne t'ai jamais entendu utiliser ­ sauf quand tu as mal et que tu es inconscient, bien sûr." La<br />

bouche d'Olivia se tordit en un sourire ironique.<br />

"J'ai juré beaucoup ?"<br />

"Incroyablement." Olivia secoua la tête pour accentuer son affirmation. "Le pauvre Marcianus s'est<br />

beaucoup fait insulter. Et tu as donné <strong>de</strong>s ordres à <strong>de</strong>s soldats que toi seul pouvait voir. Je pense que tu<br />

as commandé une bataille entière dans ton sommeil. Tu <strong>de</strong>vais aussi penser que j'étais en Espagne parce<br />

que tu semblais très inquiet à propos d'une lettre que tu <strong>de</strong>vais écrire à une femme."<br />

"Une lettre ?" <strong>de</strong>manda-t-il, troublé, puis il pâlit quand il comprit soudain ce que ça voulait dire et il changea<br />

rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> sujet. "Combien <strong>de</strong> temps Marcianus pense-t-il que je doive rester au lit ?"<br />

"Quelques jours <strong>de</strong> plus environ, puis tu pourras marcher un peu avec une béquille mais tu <strong>de</strong>vras te<br />

reposer beaucoup. Il se passera du temps avant que tu puisses remonter à cheval." Olivia sourit, jetant un<br />

il à la fresque. "Tes étalons vont s'ennuyer <strong>de</strong> toi. Hercule s'ennuie déjà. Il ne peut pas comprendre<br />

pourquoi il a été banni <strong>de</strong> la maison et il pleure comme un chiot." Son attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>vint sérieuse. "Tu n'as<br />

jamais été blessé aussi gravement, n'est-ce pas ?"<br />

<strong>Maximus</strong> secoua la tête. "Non, pas comme ça."<br />

"<strong>Maximus</strong> promet-moi que tu ne permettras pas à Marcus <strong>de</strong> te suivre dans l'armée. Après ce que j'ai vu,<br />

je ne pourrais pas supporter que l'autre homme que j'aime ait une vie aussi dangereuse. Tu as déjà<br />

suffisamment donné à l'empire pour que, certainement, tu n'aies pas à donner ton fils."<br />

"Il ne sera pas soldat, je te le promet. Mais tu sais la vie d'un soldat est majoritairement monotone ­ rien<br />

d'autre que <strong>de</strong>s corvées et du labeur." <strong>Maximus</strong> leva les yeux quand la porte s'entrouvrit et qu'un visage<br />

marqué par <strong>de</strong>s cicatrices apparut. "Cicéro ! Entre. Entre." L'effort <strong>de</strong> lever légèrement la tête avait fait<br />

revenir la douleur qui traversait son crâne.<br />

Cicéro sourit en entrant dans la pièce. "Les hommes voulaient que je vois par moi-même si vous alliez<br />

bien, monsieur. Ils ne voulaient pas croire les chirurgiens."<br />

"Tu peux leur dire que je vais bien, comme tu peux le voir."<br />

Le visage <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était pâle et tiré et Cicéro le regarda avec un air <strong>de</strong> doute puis il contempla avec<br />

dédain le fouillis médical dans la pièce.<br />

"Je vais nettoyer et ranger, monsieur. Je sais que vous aimez que les choses soient en ordre."<br />

"Tu n'as pas besoin <strong>de</strong> faire cela maintenant, Cicéro," murmura <strong>Maximus</strong> lorsque son serviteur commença<br />

à remonter ses manches.<br />

"J'aimerais le faire, monsieur, si cela ne vous dérange pas. J'aurai quelque chose d'utile à faire. Ca me<br />

donne l'impression que je vous ai<strong>de</strong>, en quelque sorte. Je ne le ferais pas si ça vous dérange, cependant."<br />

"Je t'assure qu'il n'y a rien que tu pourrais faire qui me ferait me sentir encore plus mal."<br />

Olivia remit un linge frais sur le front <strong>de</strong> son époux. "Je vais vous laisser seuls et voir ce que notre fils est<br />

en train <strong>de</strong> faire. Je ne l'ai pas vu <strong>de</strong>puis tôt ce matin." Olivia embrassa <strong>Maximus</strong>, sourit à Cicéro et sortit,<br />

son pas plus léger qu'il ne l'avait été <strong>de</strong>puis plusieurs semaines.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda Cicéro à travers ses yeux mi-clos alors qu'il rangeait la pièce ­ pliant et empilant les<br />

couvertures, nettoyant le <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s tables, remettant les meubles à leur place originelle <strong>Maximus</strong> était<br />

content <strong>de</strong> le laisser travailler, réconforté par les bruits familiers <strong>de</strong> sa présence. Il avait une douzaine <strong>de</strong><br />

questions à propos du camp mais il ne trouva pas l'énergie pour en poser plus d'une seule. "Cicéro,<br />

comment va Quintus ?"<br />

"Son bras est en écharpe et est très endolori, mais ça va. Il se repose dans sa tente la plupart du temps,<br />

mais il a tout pris en main, monsieur. Voulez-vous lui parler ?"<br />

"Demain."<br />

Cicéro hocha la tête et continua à travailler, arrangeant <strong>de</strong>s tas <strong>de</strong> papiers et <strong>de</strong> cartes, et classant <strong>de</strong>s<br />

lettres non ouvertes qui attendaient l'attention <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. Il tournait le dos à <strong>Maximus</strong>, alors il ne vit pas<br />

le soudain changement d'expression du général.<br />

"Cicéro, sais-tu ce qui est advenu d'une lettre <strong>de</strong> Rome ­ une lettre personnelle ­ que j'ai reçu quand j'étais<br />

à Castra Regina ? Elle est probablement ici, quelque part dans mes affaires."<br />

165


"Je ne l'ai pas vu quand j'ai tout emballé, monsieur."<br />

"Es-tu sûr ?"<br />

"Oui, tout à fait sûr. Toutes votre lettres sont rassemblées ici et il n'y a rien qui ressemble à ça."<br />

<strong>Maximus</strong> fronça les sourcils, troublé, et s'installa plus profondément dans le lit, grimaçant à la douleur que<br />

le mouvement déclencha.<br />

"Je vais vous laisser à présent, monsieur. Si vous avez besoin <strong>de</strong> quoi que se soit, appelez-moi et<br />

j'entendrai. Je dors juste <strong>de</strong>rrière votre porte."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête, les yeux déjà fermés. Julia ? Quel était son nom <strong>de</strong> famille déjà ?<br />

Les événements mouvementés <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières semaines avaient effacé cet important détail <strong>de</strong> sa mémoire.<br />

Peut être que ça lui reviendrait sil il dormait.<br />

Chapitre 85 : Fièvre<br />

<strong>Maximus</strong> fut réveillé au milieu <strong>de</strong> la nuit par <strong>de</strong>s voix dans l'atrium, <strong>de</strong> l'autre côté <strong>de</strong> la porte <strong>de</strong> sa<br />

chambre. L'épaisse porte en bois étouffait et déformait tous les bruits mais ne pouvait pas cacher<br />

l'atmosphère <strong>de</strong> panique que contenaient les sons. Il pensa entendre une femme parler et un enfant<br />

pleurer. Olivia et Marcus ? La nuit sans lune rendait la chambre complètement noire et <strong>Maximus</strong> se sentit<br />

impuissant, allongé dans le noir, incapable <strong>de</strong> faire un mouvement à part déplacer un peu son corps dans<br />

le lit pour plus <strong>de</strong> confort.<br />

"Cicéro !" cria-t-il. "Cicéro !" Il n'y eu pas <strong>de</strong> réponse. Où était-il ? "Cicéro !" appela-t-il encore. On pouvait<br />

certainement entendre une voix qui pouvait diriger une légion entière. Frustré par l'absence <strong>de</strong> réponse, il<br />

était exaspéré, essayant <strong>de</strong> déterminer ce qui se passait dans l'atrium. Y avait-il eu un acci<strong>de</strong>nt ? Il y avaitil<br />

un incendie ? <strong>Maximus</strong> renifla l'air mais ne trouva rien pour étayer cette théorie.<br />

Il fut encore plus alarmé lorsqu'il entendit <strong>de</strong>s gens courir et <strong>de</strong>s meubles frotter le carrelage alors qu'on<br />

les déplaçait. "Cicéro !" Il attendit un moment avant <strong>de</strong> beugler "N'importe qui !" Il n'y eut encore une fois<br />

aucune réponse.<br />

Il testa sa jambe en la pliant doucement et la douleur à présent familière traversa sa cuisse, se répandant<br />

également dans sa hanche et son genou. En dépit <strong>de</strong> la souffrance, il se lèverait et irait voir lui-même ce<br />

qui se passait si personne ne venait.<br />

Un cri d'enfant transperça l'air nocturne, clair et terrifiant. Le cur <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> cessa <strong>de</strong> battre ­ il n'y avait<br />

qu'un seul enfant dans le camp à sa connaissance.<br />

Il rejeta ses couvertures et s'avança pour toucher le tapis <strong>de</strong> laine à côté du lit avec les orteils <strong>de</strong> son pied<br />

gauche. Posant ses paumes sur le lit, il s'appuya sur ses mains et grimaça alors qu'il transférait lentement<br />

son poids sur sa bonne jambe, puis il souleva lentement ses hanches du lit. Il cria quand la douleur<br />

aveuglante le traversa. Il maintint cependant sa position, même si ses bras tremblaient, et continua à<br />

avancer jusqu'à ce que sa jambe blessée soit au bord du lit. Reportant tout son poids sur ses fesses, il se<br />

servit <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux mains pour soulever la jambe bandée et la faire pivoter hors du lit, <strong>de</strong>s larmes <strong>de</strong><br />

douleur lui brouillant la vue et la sueur faisant briller son front. Il transféra ensuite tout son poids sur sa<br />

jambe gauche et se leva, laissant la jambe blessée traîner <strong>de</strong>rrière lui, sa main gauche saisissant la table<br />

<strong>de</strong> chevet pour rester <strong>de</strong>bout. Et maintenant quoi ? Il ne pouvait pas marcher.<br />

<strong>Maximus</strong> fit glisser la petite table <strong>de</strong>vant lui et il s'appuya <strong>de</strong>ssus avant d'avancer avec son pied gauche.<br />

Puis petit à petit, dans la douleur, il traîna la jambe opérée <strong>de</strong>vant. Le temps qu'il atteigne la porte en<br />

répétant ce mouvement encore et encore, la douleur était si forte que sa tête tournait. <strong>Maximus</strong> tendit la<br />

main pour saisir la poignée et réalisa avec un choc que la porte s'ouvrait vers l'intérieur <strong>de</strong> la pièce et qu'il<br />

lui barrait le chemin. Comment avait-il pu être aussi stupi<strong>de</strong> ? La frustration, la rage et la peur le firent crier<br />

pour attirer l'attention. "Cicéro ! Marcianus ! N'importe qui !"<br />

Il cogna violemment la table contre la porte.<br />

"Général ?" <strong>de</strong>manda une voix étouffée par le bois épais.<br />

"Cicéro ? Il est temps ! Qu'est-ce qui se passe ici ? Est-ce que Marcus va bien ?"<br />

Cicéro poussa la porte, manquant <strong>de</strong> faire tomber <strong>Maximus</strong>. "Général, êtes-vous levé ?" <strong>de</strong>manda Cicéro,<br />

incrédule.<br />

Cette question attira l'attention <strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s têtes se tournèrent dans tout l'atrium.<br />

"<strong>Maximus</strong>, que croyez-vous faire ?" s'enquit Marcianus qui avait rejoint Cicéro.<br />

"Marcianus, j'ai entendu un enfant crier. Que se passe-t-il ici ? Marcus est blessé ?"<br />

"Il n'est pas blessé, <strong>Maximus</strong>, mais il est mala<strong>de</strong>. Il a <strong>de</strong> la fièvre ­ une fièvre très élevée. Nous essayons<br />

<strong>de</strong> l'empêcher <strong>de</strong> convulser. Maintenant, si vous voulez bien retourner dans votre lit et me laisser<br />

m'occuper <strong>de</strong> votre fils," dit Marcianus d'un ton sec, sa voix s'éloignant alors qu'il repartait.<br />

"Cicéro, ai<strong>de</strong>-moi," supplia <strong>Maximus</strong>, ses membres tremblants à cause <strong>de</strong> la fatigue, mais aussi <strong>de</strong> la peur.<br />

Il pouvait entendre son fils pleurer. "Si j'essaie <strong>de</strong> bouger, je vais tomber. Je dois aller voir Marcus."<br />

"Que puis-je faire ? Pouvez-vous vous écarter pour que je puisse ouvrir la porte ?"<br />

"Papa !" cria Marcus, sa petite voix rendue aiguë par la douleur et la panique.<br />

<strong>Maximus</strong> était furieux <strong>de</strong> se voir si impuissant. Il pouvait mener <strong>de</strong>s batailles, organiser <strong>de</strong>s sièges, battre<br />

n'importe quel homme avec <strong>de</strong>s armes, mais à présent, il ne pouvait même pas sortir <strong>de</strong> sa propre<br />

chambre.<br />

Il rassembla ses forces et jeta la table <strong>de</strong> côté. Elle heurta le mur puis rebondit sur le sol avec un grand<br />

bruit et éclata. Il essaya ensuite d'aller à côté <strong>de</strong> la porte à cloche-pied sur son pied gauche mais sa jambe<br />

166


se déroba <strong>sous</strong> lui et il chuta violemment près <strong>de</strong> la table, se sentant aussi brisé et inutile qu'elle. Il roula<br />

hors du champ d'ouverture <strong>de</strong> la porte, l'exercice et la souffrance le plongeant dans la semi-inconscience.<br />

Alarmé par le bruit et le soudain silence, Cicéro entra pru<strong>de</strong>mment dans la pièce. "Monsieur ?" s'enquit-il<br />

en avançant <strong>de</strong> quelques pas et son orteil rencontra le corps sur le sol.<br />

Il s'agenouilla près <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. "Monsieur ?" <strong>de</strong>manda-t-il, paniqué en secouant l'homme allongé et en<br />

appelant <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> dans l'atrium.<br />

<strong>Maximus</strong> gémit et ouvrit les yeux, essayant <strong>de</strong> se concentrer sur le visage <strong>de</strong> son serviteur.<br />

Heureusement un peu groggy, le général fut examiné pour d'éventuels os brisés puis fut soulevé par<br />

quatre assistants et mit sur un brancard. Il était suffisamment alerte, cependant, pour les arrêter alors qu'ils<br />

essayaient <strong>de</strong> le ramener dans son lit et leur ordonna <strong>de</strong> l'emmener auprès <strong>de</strong> son fils.<br />

Olivia ne fit rien <strong>de</strong> plus que lui jeter un coup d'il lorsque <strong>Maximus</strong> fut installé sur le sol à côté d'elle. Elle<br />

était accroupie près d'une baignoire remplie d'eau du puits froi<strong>de</strong>, baignant son fils en essayant <strong>de</strong> le<br />

calmer avec <strong>de</strong>s sourires et <strong>de</strong>s paroles d'encouragement.<br />

L'enfant frissonnait, ses <strong>de</strong>nts claquaient et il se servait <strong>de</strong> ses mains pour essayer <strong>de</strong> protéger son corps<br />

nu du choc <strong>de</strong> l'eau froi<strong>de</strong>. On ajoutait plus d'eau froi<strong>de</strong> au fur et à mesure que l'eau se réchauffait et<br />

l'enfant continuait à trembler et à pleurer. Marcianus dirigeait les opérations, évaluant constamment la<br />

température <strong>de</strong> l'enfant avec une main experte.<br />

"Marcus Marcus," dit gentiment <strong>Maximus</strong> en saisissant le rebord <strong>de</strong> la baignoire. Il se mit en position<br />

assise, ne s'autorisant aucune grimace.<br />

"Papa !" cria Marcus et il essaya d'attraper la main <strong>de</strong> son père. <strong>Maximus</strong> prit la petite main <strong>de</strong> son fils<br />

dans ses <strong>de</strong>ux larges mains.<br />

"Il est mala<strong>de</strong> ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong> à sa femme lasse, son esprit affaiblit par la douleur incapable <strong>de</strong><br />

formuler une question moins évi<strong>de</strong>nte.<br />

"Il allait bien quand il est allé se coucher. Je me suis réveillée pendant la nuit et je l'ai entendu lutter pour<br />

respirer. Quand j'ai touché son front, il était brûlant <strong>de</strong> fièvre alors j'ai réveillé Marcianus et nous l'avons<br />

amené ici." Elle continua à consoler son fils et passa un linge mouillé sur son visage en parlant à son<br />

époux.<br />

"Pourquoi a-t-il <strong>de</strong> la fièvre ? Quelle maladie pourrait-il bien avoir ? Quelqu'un d'autre est-il mala<strong>de</strong> ?"<br />

Olivia ne pouvait pas répondre aux questions <strong>de</strong> son mari, alors elle continua à s'occuper <strong>de</strong> son fils et<br />

répondit simplement "Je ne sais pas."<br />

Marcianus revint avec une décoction dans un verre. "C'est suffisant pour l'instant," dit-il à ses assistants.<br />

"Sortez-le <strong>de</strong> là et mettez-le sur la table. Gar<strong>de</strong>z le bain froid car nous aurons peut être à le remettre<br />

<strong>de</strong>dans n'importe quand. Olivia, tenez-le parce que nous <strong>de</strong>vons lui faire boire cette potion d'écorce <strong>de</strong><br />

saule et c'est très amer. J'ai un peu <strong>de</strong> sucre pour faire passer."<br />

Olivia s'assit sur la table avec son fils mouillé dans ses bras, lui murmurant <strong>de</strong>s mots rassurants mais<br />

quand elle mit le verre à sa bouche, il détourna la tête et serra les lèvres avec détermination, secouant la<br />

tête.<br />

"Cicéro, ai<strong>de</strong>-moi à m'asseoir sur une chaise. Je n'arrive même pas à le voir d'ici."<br />

Peu après, <strong>Maximus</strong> était assis près <strong>de</strong> son fils, l'encourageant à prendre la potion mélangée avec du lait.<br />

Il n'eut pas plus <strong>de</strong> succès que sa femme.<br />

"Marcus, si j'en bois un peu, tu en boiras aussi ?"<br />

<strong>Maximus</strong> pris le verre et but une longue gorgée mais n'était pas préparé au goût vraiment infect du liqui<strong>de</strong><br />

et ne put s'empêcher un frisson <strong>de</strong> dégoût. "Et bien" dit <strong>Maximus</strong>, se forçant à sourire, "c'est vraiment<br />

dégoûtant mais c'est bon pour moi, alors je vais le boire quand même. Marcus, je boirai une gorgée puis tu<br />

pourras en prendre une aussi, d'accord ?"<br />

L'enfant avait l'air hésitant mais il sembla prêt à goûter quelque chose que son père buvait. Après une<br />

petite gorgée, cependant, il refusa obstinément d'en boire plus.<br />

"Marcus, le bain froid n'est pas drôle, n'est ce pas ?," dit Olivia. "Si tu bois ça, ta fièvre baissera peut être et<br />

tu n'auras pas à retourner dans l'eau. Si tu le bois vite, tu ne sentiras pas le goût. Regar<strong>de</strong>, papa va en<br />

boire encore un peu."<br />

Une <strong>de</strong>mi-heure plus tard, à force <strong>de</strong> persuasion, <strong>de</strong> négociations et <strong>de</strong> câlins, l'enfant avait bu toute la<br />

potion et s'endormait dans les bras <strong>de</strong> sa mère. Marcianus le prit et l'allongea sur la table, le laissant<br />

découvert pendant que les assistants le massaient avec <strong>de</strong> l'alcool d'orge pour ai<strong>de</strong>r à faire baisser la<br />

fièvre. Ils <strong>de</strong>vraient le faire à nouveau plusieurs heures après.<br />

Les parents inquiets interrogèrent Marcianus qui les assura que personne d'autre dans le camp n'avait <strong>de</strong><br />

la fièvre causée par autre chose qu'une blessure.<br />

"Alors quelle en est la cause ?"<br />

"L'eau, je pense."<br />

"Vous avez dit que personne d'autre n'était mala<strong>de</strong>. Comment cela se peut-il si la fièvre est due à <strong>de</strong> l'eau<br />

contaminée ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong>. Il regarda la baignoire. "Si c'est l'eau, pourquoi le trempons-nous<br />

<strong>de</strong>dans ?"<br />

"Il ne faut pas beaucoup <strong>de</strong> choses pour qu'un enfant soit mala<strong>de</strong> et je ne pense pas que ce soient nos<br />

puits." Marcianus repoussa d'un geste las les longues mèches <strong>de</strong> cheveux gris qui s'échappaient <strong>de</strong> leur<br />

lien. "A-t-il joué près du fleuve ?"<br />

Olivia regarda <strong>Maximus</strong> puis le chirurgien. "Je ne sais pas. Mon frère et Jovinus se sont occupés <strong>de</strong> lui ces<br />

cinq <strong>de</strong>rniers jours."<br />

"Il n'aurait pas du être à l'extérieur du camp," ajouta <strong>Maximus</strong>, un sentiment terrible l'envahissant.<br />

167


"Je vais leur parler," dit Olivia en partant précipitamment pour interroger les <strong>de</strong>ux hommes angoissés qui<br />

se tenaient juste à l'intérieur <strong>de</strong> la maison.<br />

Une fois sa femme partie, <strong>Maximus</strong> tira sur la main <strong>de</strong> Marcianus et fit se baisser le chirurgien à sa<br />

hauteur. "A quel point est-ce grave ?" <strong>de</strong>manda-t-il à voix basse.<br />

"Très grave. Nous <strong>de</strong>vons faire baisser sa fièvre et la maintenir basse. Une fièvre élevée qui se prolonge<br />

est dangereuse, spécialement pour un enfant car cela peut endommager son cerveau ou pire." Marcianus<br />

regarda son général avec une énorme sympathie.<br />

Il était affalé dans une chaise, souffrant physiquement et moralement. Son visage était très pâle et défait et<br />

<strong>de</strong>s tâches rouges transparaissaient à ses bandages, signe que quelques points <strong>de</strong> suture avaient lâchés<br />

quand il avait essayé <strong>de</strong> rejoindre son fils. Il était cependant hors <strong>de</strong> danger et finirait par guérir, alors<br />

Marcianus décida d'ignorer le bandage ensanglanté pour l'instant et <strong>de</strong> s'occuper <strong>de</strong> l'enfant mala<strong>de</strong>. Il se<br />

redressa.<br />

Olivia revint avec Persius. Jovinus était <strong>de</strong>rrière eux. Avant qu'Olivia ne puisse dire quelque chose, Persius<br />

lâcha, "Marcus s'ennuyait, alors j'ai pensé qu'il aimerait jouer avec <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong> son âge. Je Je l'ai<br />

emmené près du fleuve car les enfants du village jouent là-bas. Il était surveillé par une douzaine <strong>de</strong><br />

gar<strong>de</strong>s. Je n'ai pas vu le danger, <strong>Maximus</strong>. Je ne savais pas que l'eau était contaminée. Elle était claire et<br />

ne sentait pas mauvais." Quand il eut fini, Persius tremblait et était au bord <strong>de</strong>s larmes.<br />

<strong>Maximus</strong> ne dit rien, regardant son fils endormi.<br />

Marcianus ajouta une explication. "La neige sur les sommets a presque entièrement fondu alors le débit du<br />

fleuve n'est plus aussi rapi<strong>de</strong> ni important qu'avant. Cela a crée <strong>de</strong>s flaques d'eau stagnante dans les<br />

cou<strong>de</strong>s du fleuve et, parce qu'il a fait chaud, la contamination s'est nourrie <strong>de</strong> tous les flui<strong>de</strong>s qui venaient<br />

<strong>de</strong>s corps et qui se sont infiltrés dans l'eau. Ca n'est pas encore suffisamment important pour qu'on puisse<br />

le voir ou le sentir, <strong>Maximus</strong>." Marcianus sentait qu'il <strong>de</strong>vait défendre le jeune homme et l'ingénieur du<br />

camp. Il savait combien <strong>Maximus</strong> pouvait être dangereux lorsqu'il n'était plus rationnel et cela ne<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>rait pas beaucoup dans l'état où il était.<br />

"Nous <strong>de</strong>vons empêcher les enfants du village d'aller dans cette zone. Certains sont-il mala<strong>de</strong>s ?"<br />

<strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong>, l'émotion étrangement absente <strong>de</strong> sa voix.<br />

Un chirurgien qui avait écouté la conversation dans l'ombre avança d'un pas. "Oui trois. Un autre est mort il<br />

y a plusieurs heures."<br />

<strong>Maximus</strong> entendit sa femme essayer <strong>de</strong> retenir son émoi, mais il ne quitta pas son fils <strong>de</strong>s yeux et dit<br />

calmement. "Envoyez <strong>de</strong>s soldats dès les premières lueurs <strong>de</strong> l'aube pour nettoyer ces flaques<br />

contaminées et empêcher tout le mon<strong>de</strong> d'aller près du fleuve pendant quelques jours. Surveillez<br />

attentivement l'eau du puits." Il regarda Marcianus. "Amenez les enfants du village qui sont mala<strong>de</strong>s ici. Ils<br />

doivent recevoir les mêmes soins que mon fils."<br />

Jovinus s'était silencieusement placé <strong>de</strong>rrière son général blessé pendant que celui-ci parlait, et il mit sa<br />

main sur son épaule. <strong>Maximus</strong> la saisit avec sa propre main tremblante et la serra très fort, un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />

hommes ayant récemment perdu un fils et l'autre risquant <strong>de</strong> perdre le sien.<br />

Chapitre 86 : L'Autel<br />

<strong>Maximus</strong> était assis avec son front posé sur les paumes <strong>de</strong> ses mains, <strong>de</strong>vant l'autel dans sa chambre, le<br />

seul endroit chaleureux dans la pièce ténébreuse.<br />

Une douzaine <strong>de</strong> bougies éclairaient ses cheveux d'une lumière tremblotante mais elle n'atteignait pas son<br />

visage, qui restait dans l'ombre. Ses lèvres bougeaient sans un son comme il priait chaque dieu, déesse et<br />

ancêtre qu'il connaissait pour qu'ils sauvent son fils.<br />

Cependant la lumière éclairait vivement les mains qui étaient posées sur ses épaules et elle se reflétait<br />

dans les beaux yeux noirs <strong>de</strong> la femme qui se tenait <strong>de</strong>rrière lui ­ la seule lueur dans <strong>de</strong>s yeux qui étaient<br />

éteints par la fatigue et l'inquiétu<strong>de</strong>.<br />

Olivia priait également pour son fils mais aussi pour son époux qui semblait consumé par la peur sur le<br />

sort <strong>de</strong> leur enfant.<br />

La pièce s'éclaira soudainement lorsque la porte s'ouvrit et Olivia embrassa gentiment la tête <strong>de</strong> son mari<br />

puis alla accueillir Quintus qui s'était arrêté à l'encadrement <strong>de</strong> la porte, ne voulant pas les déranger dans<br />

leur intimité. Il n'avait pas encore eu l'occasion <strong>de</strong> s'entretenir avec son général <strong>de</strong>puis la bataille car<br />

<strong>Maximus</strong> était aux côtés <strong>de</strong> son fils lorsqu'il était éveillé et il priait à l'autel lorsqu'il ne l'était pas. Le général<br />

refusait toute nourriture et sa propre santé risquait <strong>de</strong> se détériorer même si son fils était entrain <strong>de</strong><br />

reprendre <strong>de</strong>s forces petit à petit. Il quittait rarement sa chaise ­ dormant même <strong>de</strong>dans ­ et on le faisait<br />

rouler <strong>de</strong> l'atrium à sa chambre sur une plate-forme équipée <strong>de</strong> roues que Jovinus avait construit en hâte<br />

pour que la chaise soit secouée le moins possible. Cicéro n'était pas en meilleur forme car il refusait <strong>de</strong><br />

quitter son général. Il était assis près <strong>de</strong> lui, le regardant prier avec attention et anxiété. Des plats qui<br />

n'avaient pas été entamés étaient sur la table à côté <strong>de</strong> lui.<br />

"Je ne l'ai jamais vu comme ça," murmura Quintus à Olivia.<br />

"Moi non plus," répondit-elle, "et ça me fait peur. Marcus est la seule personne avec laquelle il<br />

communique. Autrement, il semble se se replier sur lui-même. Marcianus pense que c'est principalement<br />

une réaction à la drogue qu'on lui a donné. Il dit que l'opium peut déclencher une tristesse terrible chez<br />

certains patients après l'administration. Les effets secondaires <strong>de</strong> la drogue et la maladie <strong>de</strong> Marcus<br />

semblent l'avoir plongé dans le désespoir. Ca ne lui ressemble pas du tout."<br />

168


Quintus hocha la tête. "Même lors <strong>de</strong>s batailles les plus violentes, il a toujours réussi à gar<strong>de</strong>r le moral et à<br />

rallier ses hommes à sa force. Je ne l'ai jamais vu aussi défait."<br />

"Il a toujours été ma force aussi." Olivia regarda la tête penché et les épaules courbées <strong>de</strong> son mari. "Peut<br />

être que nous nous reposons trop sur lui. Peut être que -- avec la perte <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> soldats, sa propre<br />

blessure et la maladie <strong>de</strong> son fils ­ peut être que c'est trop à supporter pour lui maintenant. Il a<br />

probablement besoin d'un peu <strong>de</strong> temps."<br />

"C'est facile d'oublier parfois que c'est juste un homme."<br />

Olivia et Quintus se tournèrent pour faire face à Jovinus qui venait <strong>de</strong> parler. "Excusez-moi, ma Dame,<br />

mais je n'ai pas pu m'empêcher d'entendre." Il étudia l'homme sur la chaise. "Puis-je essayer <strong>de</strong> lui parler<br />

?"<br />

"Vous pouvez, Jovinus," répondit Olivia, "mais je doute que vous aurez plus <strong>de</strong> succès que nous. Nous<br />

avons tous essayé <strong>de</strong> le raisonner mais il ne répond même pas."<br />

Au lieu d'entrer dans la chambre, cependant, Jovinus sortit <strong>de</strong> la maison, revenant peu <strong>de</strong> temps après<br />

avec un plat débordant <strong>de</strong> pain frais, <strong>de</strong> fromage et <strong>de</strong> fruits.<br />

Il se dirigea tout droit vers <strong>Maximus</strong> qui n'avait pas bougé d'un millimètre. Avec un coup d'il à Cicéro,<br />

Jovinus avança une chaise à quelques centimètres <strong>de</strong> son général. Les lèvres <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> s'arrêtèrent<br />

momentanément <strong>de</strong> bouger mais il recommença ses prières dès que Jovinus fut assis. Si il pouvait sentir<br />

la bonne o<strong>de</strong>ur du pain, il ne le fit pas voir.<br />

Jovinus posa une main légère sur l'épaule <strong>de</strong> l'homme en prière. "<strong>Maximus</strong>. <strong>Maximus</strong>. Les dieux vous ont<br />

entendu, mon ami. Il est temps <strong>de</strong> se consacrer aux questions matérielles. J'ai apporté à manger pour<br />

vous. Vous n'avez pas mangé <strong>de</strong>puis <strong>de</strong> nombreuses heures. Les gens s'inquiètent."<br />

<strong>Maximus</strong> l'ignora.<br />

Jovinus essaya encore. "<strong>Maximus</strong>, vous savez que je comprends ce que vous ressentez. Mais vous ne<br />

faites aucun bien à votre fils en vous mettant dans cet état. Vous <strong>de</strong>vez être fort pour lui. Votre corps a<br />

besoin <strong>de</strong> nourriture." Jovinus lui tendit un morceau <strong>de</strong> fromage. "Allez, prenez ça et mangez-le, s'il vous<br />

plaît."<br />

<strong>Maximus</strong> continua à prier comme si il était seul avec ses dieux.<br />

La main <strong>de</strong> Jovinus retomba dans son giron, serrant toujours le fromage et il soupira lour<strong>de</strong>ment.<br />

"<strong>Maximus</strong>," essaya-t-il encore, "il n'y a rien <strong>de</strong> plus que vous puissiez faire. Les dieux vous ont entendu.<br />

Que pouvez-vous leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> plus que vous ne leur ayez déjà <strong>de</strong>mandé ?"<br />

Les paroles rauques <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> étaient si inattendues que tout le mon<strong>de</strong> dans la pièce sursauta <strong>de</strong><br />

surprise. "Je leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> me prendre à la place <strong>de</strong> mon fils."<br />

"Quoi ?" dit Jovinus, n'en croyant pas ses oreilles.<br />

L'exclamation d'Olivia était presque un sanglot. Cicéro se pencha et tendit une main vers <strong>Maximus</strong> avait <strong>de</strong><br />

la laisser retomber. Sa bouche s'ouvrit et se referma comme un poisson hors <strong>de</strong> l'eau, l'angoisse se lisant<br />

dans l'expression <strong>de</strong> son visage et son attitu<strong>de</strong>.<br />

<strong>Maximus</strong> s'humecta les lèvres et parla encore, la tête toujours baissée. "Je ne pourrais pas supporter <strong>de</strong><br />

perdre un autre enfant. Je préfère mourir que <strong>de</strong> perdre un autre enfant. Je prie pour que les dieux me<br />

prennent à sa place."<br />

Jovinus regarda silencieusement <strong>Maximus</strong>, sa bouche formant petit à petit une ligne dure et fine et ses<br />

yeux se rétrécirent. Il se leva soudain et projeta <strong>de</strong> toutes ses forces le plat <strong>de</strong> nourriture en métal contre le<br />

mur. Il retomba sur le sol en tournoyant, projetant la nourriture dans toutes les directions. <strong>Maximus</strong> se<br />

baissa et mit instinctivement son bras sur sa tête au son du vacarme inattendu. Il glissa en travers <strong>de</strong> sa<br />

chaise et s'accroupit comme pour bondir sur quelque assaillant inconnu. Jovinus saisit le dos <strong>de</strong> la chaise<br />

vi<strong>de</strong> et la jeta à travers la pièce où elle alla glisser contre le lit puis heurta violemment le chariot et l'envoya<br />

rouler dans la même direction. Alors que <strong>Maximus</strong> se redressait péniblement, Jovinus s'approcha, leur<br />

corps se touchant presque. Cicéro alla aux côtés <strong>de</strong> son général, tendu, ne sachant pas ce qui allait se<br />

passer.<br />

Olivia commença à s'avancer comme pour protéger son mari convalescent, mais Quintus la tira en arrière.<br />

"Jovinus ne va lui faire aucun mal, ma Dame. Atten<strong>de</strong>z <strong>de</strong> voir ce qui va se passer."<br />

Jovinus et <strong>Maximus</strong> étaient presque nez à nez, l'homme le plus grand un peu penché car il avait posé la<br />

main sur sa jambe blessée, comme pour la protéger. Son souffle était court mais sa mâchoire était<br />

obstinément serrée.<br />

"Qu'est-ce que cela signifie ?" <strong>Maximus</strong> gronda à son ingénieur.<br />

"Comment pouvez-vous souhaiter être mort!" cracha Jovinus.<br />

"Ne vous mêlez pas <strong>de</strong> ma vie," fut la réponse mordante.<br />

"Votre vie ? Votre vie ! Vous voulez dire la vie que mon fils unique a sauvée ? C'est la vie à laquelle vous<br />

faites référence ?"<br />

<strong>Maximus</strong> cligna <strong>de</strong>s yeux, la mâchoire soudainement relâchée.<br />

"Vous faites si peu <strong>de</strong> cas <strong>de</strong> mon fils que vous détruiriez votre vie après qu'il ait donné la sienne pour la<br />

sauver ?" Des larmes <strong>de</strong> douleur et <strong>de</strong> rage faisaient briller les yeux <strong>de</strong> Jovinus.<br />

<strong>Maximus</strong> secoua la tête. "Non non, Jovinus, bien sûr que non"<br />

"Alors prouvez-moi le contraire. Vous me <strong>de</strong>vez <strong>de</strong> vivre, <strong>Maximus</strong>, peu importe ce qui arrivera à votre fils.<br />

Je suis la preuve qu'un homme peut survivre après que son fils soit mort. Moi aussi, je voulais mourir, mais<br />

j'ai <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> continuer à vivre et vous êtes l'une d'elles. Ne soyez pas si égoïste."<br />

<strong>Maximus</strong> vacilla en arrière comme si il avait été frappé. "Egoïste ?"<br />

Jovinus ne dit rien. Il se contenta <strong>de</strong> lever la tête et <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r son général avec dédain.<br />

169


<strong>Maximus</strong> regarda sa femme qui avait les mains pressées sur la bouche, les yeux grands ouverts. Quintus<br />

se tenait à côté d'elle, aussi immobile qu'une statue, le visage calme et sérieux. Les yeux du général<br />

retournèrent lentement sur l'ingénieur qui le regardait toujours avec défi.<br />

<strong>Maximus</strong> secoua la tête comme pour essayer <strong>de</strong> s'éclaircir les idées puis jeta un il à l'autel et ensuite à<br />

Cicéro avant <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r à nouveau Jovinus. Il pivota et se dirigea vers son lit en boitant énormément.<br />

Jovinus alla <strong>de</strong>rrière l'autel et ouvrit grand les volets, faisant entrer la lumière <strong>de</strong> la fin d'après-midi. Des<br />

rayons dorés illuminèrent la fresque d'Olivia, celle avec son mari, perché fièrement sur un étalon noir ­ le<br />

meilleur général <strong>de</strong> Rome, resplendissant dans son armure <strong>de</strong> cuivre et ses fourrures.<br />

<strong>Maximus</strong> s'arrêta net pour fixer sa propre image du regard.<br />

"Reconnaissez-vous cet homme, <strong>Maximus</strong> ?" murmura ar<strong>de</strong>mment Jovinus dans son oreille. "C'est<br />

l'homme pour lequel mon fils est mort. C'est l'homme pour lequel chaque soldat à Rome risquerait sa vie.<br />

Vous n'êtes pas un homme ordinaire, mon ami. Vous avez été choisi par les dieux parce que vous êtes<br />

réellement spécial. Vous appartenez à votre famille, <strong>Maximus</strong>, mais vous servez aussi Rome. Vous n'avez<br />

pas le droit d'offrir votre vie pour une autre sans vous préoccuper <strong>de</strong>s autres. Les dieux n'écouteront pas<br />

une telle requête et vous n'avez aucun droit <strong>de</strong> la soumettre."<br />

<strong>Maximus</strong> fixa son jumeau sur le mur en silence jusqu'à ce que les rayons du soleil diminuent. Quand ils le<br />

firent, il sembla que l'esprit <strong>de</strong> l'homme peint se transmit dans son modèle. Le dos <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> se<br />

redressa lentement et sa tête se leva. "Je Je suis désolé, Jovinus. Vous avez raison. Je dois à votre fils ­ à<br />

beaucoup d'autre fils ­ <strong>de</strong> vivre, peu importe quel sera le <strong>de</strong>stin du mien. Je Je pensais que personne<br />

d'autre ne pouvait souffrir autant que je souffrais." <strong>Maximus</strong> se tourna lentement. Il regarda sa femme qui<br />

pleurait, puis plus loin <strong>de</strong>rrière, dans l'atrium. "Même dans le camp, il y a <strong>de</strong>s enfants qui souffrent autant<br />

que mon fils ; d'autres pères qui ressentent la même chose que moi ; d'autres mères qui" <strong>Maximus</strong> ferma<br />

les yeux. "Je suis désolé. Je n'ai pas été l'homme que j'aurais du être qu'on s'attend à ce que je sois."<br />

"Cela ne vous ressemble pas <strong>de</strong> vouloir tout abandonner, Monsieur," dit gentiment Jovinus. "Vous êtes un<br />

guerrier. C'est étrange la façon dont vous vous êtes comporté."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête puis ouvrit les yeux. "Je n'ai pas été moi-même <strong>de</strong>rnièrement."<br />

Il saisit l'avant-bras <strong>de</strong> son ingénieur.<br />

Les épaules <strong>de</strong> Cicéro étaient tellement remontées qu'elles touchaient presque ses oreilles et il se força à<br />

les relaxer. Ayant besoin <strong>de</strong> normalité, il alluma <strong>de</strong>s lanternes dans toute la pièce pendant qu'Olivia prenait<br />

son époux dans ses bras.<br />

"Ta jambe te fais mal ?" <strong>de</strong>manda-t-elle quand elle remarqua qu'il reportait presque tout son poids sur sa<br />

jambe gauche, se servant uniquement <strong>de</strong> son pied droit pour conserver l'équilibre.<br />

"Oui," admit-il, "mais je ne veux plus <strong>de</strong> drogues."<br />

"Je vais aller te chercher ta chaise." <strong>Maximus</strong> l'arrêta alors qu'elle tentait <strong>de</strong> bouger et la reprit dans ses<br />

bras. "Non, ma chérie. Je ne vais pas en avoir besoin. Je vais marcher. Je vais peut être avoir besoin<br />

d'une canne, mais je vais marcher. Je veux que mon fils ­ et mes hommes ­ me voient <strong>de</strong>bout."<br />

Jovinus lui fit un grand sourire. "Je vais vous trouver une canne, Monsieur. Et si je n'arrive pas à en trouver<br />

une qui soit convenable alors j'en fabriquerais une digne d'un général !" Il croisa Quintus et Marcianus en<br />

quittant la pièce, ce <strong>de</strong>rnier étant arrivé juste à temps pour assister à la trans<strong>format</strong>ion <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

Le chirurgien passa la main dans ses longs cheveux gris et un sourire se <strong>de</strong>ssina sur les traits tirés <strong>de</strong> son<br />

visage. "Vous êtes à nouveau <strong>de</strong>bout juste à temps, <strong>Maximus</strong>. Marcus est réveillé et vous réclame"<br />

Olivia mit le bras <strong>de</strong> son époux autour <strong>de</strong> son épaule, prête à le soutenir pour qu'il puisse boitiller jusqu'à<br />

l'atrium.<br />

Marcianus croisa les bras et sourit au couple. " et la fièvre <strong>de</strong> votre fils est retombée."<br />

Avec un cri <strong>de</strong> joie, Olivia passa <strong>sous</strong> le bras <strong>de</strong> son mari et se précipita vers l'atrium, faisant perdre<br />

l'équilibre à <strong>Maximus</strong> et Quintus et Cicéro accoururent pour l'ai<strong>de</strong>r. Avec un homme tenant chacun un <strong>de</strong><br />

ses bras, <strong>Maximus</strong> retrouva rapi<strong>de</strong>ment son équilibre et tous les trois soupirèrent <strong>de</strong> soulagement.<br />

"Et bien <strong>Maximus</strong>, on dirait que ta femme à le sens <strong>de</strong>s priorités," remarqua Quintus.<br />

<strong>Maximus</strong> les fit tous stopper et <strong>de</strong>manda sérieusement, "Est-ce que j'ai été aussi insupportable ? L'ai-je<br />

négligée à ce point ?"<br />

Cicéro hocha sincèrement la tête. "Oh oui. Ca a été très difficile pour elle. Vous feriez mieux <strong>de</strong> penser à<br />

plein <strong>de</strong> façons <strong>de</strong> la récompenser."<br />

Ils recommencèrent à avancer vers l'atrium. "Et que suggères-tu, Cicéro ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong>.<br />

"Hum un séjour à Rome."<br />

"Rome ?" répéta <strong>Maximus</strong>, dubitatif.<br />

"Des bijoux ?" ajouta Quintus. "Tu peux trouver <strong>de</strong> l'or et <strong>de</strong>s pierres sur les marchés <strong>de</strong> Vindobona à cette<br />

époque <strong>de</strong> l'année."<br />

"C'est une idée," dit <strong>Maximus</strong>, pensif. "Mais, savez-vous ce qu'elle aimerait plus que n'importe quoi d'autre<br />

?"<br />

"Quoi ?" <strong>de</strong>mandèrent simultanément Quintus et Cicéro.<br />

"Retourner en Espagne."<br />

"Seulement si vous passez du temps avec elle là-bas," ajouta Cicéro.<br />

"Et bien, ça peut s'arranger," dit <strong>Maximus</strong>. "Je suis sure que ça peut être arrangé."<br />

Chapitre 87 : L'Espagne<br />

Le soleil automnal et les collines verdoyantes d'Espagne accueillirent <strong>Maximus</strong> et sa famille à bras ouverts.<br />

Enfin enfin, ils étaient chez eux.<br />

170


<strong>Maximus</strong> sentit son moral décoller quand il aperçut sa maison au loin, perchée au sommet d'une haute<br />

colline, entourée par <strong>de</strong>s champs <strong>de</strong> blé mûr et <strong>de</strong>s arbres croulants <strong>sous</strong> les fruits, et il fit partir Argento<br />

dans une allure vive, s'éloignant <strong>de</strong> la voiture qui transportait sa femme et son fils.<br />

Le voyage jusqu'en Espagne avait été repoussé pendant <strong>de</strong>s mois pendant que <strong>Maximus</strong> achevait tout à<br />

fait sa convalescence et que Marcus reprenait <strong>de</strong>s forces. Pour changer, les mois d'été en Germanie<br />

avaient été relativement calmes après la terrible bataille à Vindobona, laissant à <strong>Maximus</strong> le temps et<br />

suffisamment <strong>de</strong> sécurité pour emmener sa famille en promena<strong>de</strong> dans le village et dans la campagne<br />

alentours, toujours gardée par les soldats armés. Marcus s'était fait <strong>de</strong>s amis <strong>de</strong> certains enfants du village<br />

et ils jouaient ensembles tous les jours, soit dans le village, soit dans le camp.<br />

<strong>Maximus</strong> avait fait <strong>de</strong> l'exercice avec sa jambe blessée jusqu'à ce qu'elle reprenne toute sa force et Olivia<br />

avait massé <strong>de</strong>s pomma<strong>de</strong>s calmantes sur la cicatrice à peine visible tous les soirs, déclenchant <strong>de</strong><br />

longues nuits d'amour passionnées.<br />

Mais à présent, ils étaient chez eux. Depuis l'intérieur <strong>de</strong> la voiture, Olivia ne pouvait pas voir son époux et<br />

elle ne réalisa pas qu'il n'était plus avec eux jusqu'à ce qu'ils s'arrêtent <strong>de</strong>vant la maison. Des serviteurs se<br />

précipitèrent <strong>de</strong>hors et <strong>de</strong>s travailleurs coururent <strong>de</strong>puis les champs pour leur souhaiter la bienvenue et<br />

Olivia reçu embrassa<strong>de</strong> après embrassa<strong>de</strong>. Marcus fut jeté en l'air et tout le mon<strong>de</strong> dit combien il avait<br />

grandi.<br />

Olivia chercha son mari <strong>de</strong>s yeux pendant qu'elle saluait chaleureusement ses amis, sa joie d'être à la<br />

maison tempérée par le sentiment que quelque chose n'allait pas. Où était <strong>Maximus</strong> ? Tout le mon<strong>de</strong> le<br />

réclama et elle répondit par un haussement d'épaules jusqu'à ce que Cicéro montre du doigt l'entrée du<br />

domaine au bas du chemin, et le grand peuplier avec la silhouette solitaire agenouillée à son pied.<br />

Il faisait presque nuit quand <strong>Maximus</strong> monta les marches <strong>de</strong> la maison. Olivia, qui venait <strong>de</strong> prendre son<br />

bain, l'accueillit à mi-chemin.<br />

"J'avais besoin <strong>de</strong> lui parler," murmura-t-il.<br />

"Je comprends, mon chéri," dit Olivia, et ils se prirent par le bras en montant les marches jusqu'à leur<br />

maison.<br />

"Ohhh, je suis fatigué," dit <strong>Maximus</strong> en étirant ses bras au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa tête et en baillant. "C'est une<br />

bonne chose que je ne vive pas ici tout le temps, Cicéro, où je serais aussi gros et fainéant qu'un porc."<br />

"J'en doute, monsieur," répondit Cicéro avec un sourire.<br />

En vérité, <strong>Maximus</strong> avait l'air très en forme et détendu, ses cheveux et sa barbe plus longs comme à<br />

chaque fois qu'il était chez lui. Son visage était bronzé et son corps ferme après avoir travaillé dans les<br />

champs toute la journée. Il portait une simple tunique et <strong>de</strong>s sandales et il aurait pu passer pour n'importe<br />

quel fermier local, mais tout le mon<strong>de</strong> savait que ça n'était pas le cas.<br />

En fait, c'était plutôt Cicéro qui s'habituait à la vie facile vu que <strong>Maximus</strong> l'avait exonéré <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>voirs et<br />

qu'il le traitait comme un membre <strong>de</strong> la famille.<br />

Quand il ne travaillait pas à améliorer sa propriété ou qu'il ne jouait pas avec son fils, <strong>Maximus</strong> allait dans<br />

les marchés locaux, vendant sa production et achetant <strong>de</strong>s provisions. Les citoyens d'Emerita Augusta<br />

s'habituèrent petit à petit à voir cet homme célèbre parmi eux et ils arrêtèrent <strong>de</strong> le fixer du regard comme<br />

si il était un dieu incarné.<br />

Quand les jours se raccourcirent et que les nuits <strong>de</strong>vinrent plus fraîches, la famille passa <strong>de</strong>s soirées<br />

tranquilles <strong>de</strong>vant le feu, parlant <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> la journée passée.<br />

Ils rendaient souvent visite à la famille d'Olivia pour <strong>de</strong>s soirées <strong>de</strong> conversations et <strong>de</strong> jeux très animées.<br />

Marcus jouait avec ses nombreux cousins et Persius faisait <strong>de</strong>s récits embellis <strong>de</strong> ses aventures en<br />

Germanie, faisant hausser les sourcils <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> à une ou <strong>de</strong>ux reprises.<br />

Les frères et le père d'Olivia l'avaient finalement pardonnée d'avoir fait ce dangereux voyage pour voir son<br />

mari, mais ils firent clairement comprendre qu'ils ne voulaient pas que cela se reproduise. <strong>Maximus</strong> leur<br />

assura que ça ne serait pas le cas vu que sa femme avait vu assez <strong>de</strong> la vie en Germanie.<br />

L'hiver approchait et la température <strong>de</strong>vint vraiment glaciale. Les nuits étaient longues et <strong>Maximus</strong> et Olivia<br />

passaient <strong>de</strong> nombreuses heures blottis <strong>sous</strong> les couvertures, parlant, riant et faisant l'amour. Aucun d'eux<br />

ne parlait <strong>de</strong> ce qu'ils craignaient le plus : le prochain départ <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> pour la Germanie et sa<br />

séparation <strong>de</strong>s personnes qu'il aimait le plus au mon<strong>de</strong>. Marc-Aurèle lui avait donné la permission <strong>de</strong><br />

rester avec sa famille jusqu'au début du mois <strong>de</strong> janvier et on approchait la fin du mois <strong>de</strong> décembre.<br />

<strong>Maximus</strong> se réveilla un matin pour trouver sa femme assise près du feu, fixant les flammes du regard. Il se<br />

frotta les yeux. "Olivia ?"<br />

Elle se tourna pour lui faire face. "<strong>Maximus</strong>, qui est Julia ?"<br />

Les yeux <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> se posèrent sur la lettre chiffonnée dans la main d'Olivia, puis il rencontra à nouveau<br />

son regard. Il se redressa dans le lit, la couverture tombant à sa taille, révélant son torse nu et ses bras.<br />

"Où as-tu trouvé cela ?" <strong>de</strong>manda-t-il doucement.<br />

"Un soldat en Germanie l'a trouvée coincée dans une tente quand il l'a étalée pour faire sécher la toile. Il<br />

me l'a apportée pour que je te la remette. Alors Je te la donne."<br />

<strong>Maximus</strong> essaya <strong>de</strong> détendre l'atmosphère. "Qu'est-ce qui t'a pris tout ce temps ?" Il sourit. Cela ne<br />

marcha pas. Olivia se retourna vers le feu, l'air sérieux. Il soupira. "C'est la jeune esclave qui m'a aidé à<br />

tuer Cassius il y a <strong>de</strong>s années. Je t'ai parlé d'elle tu t'en souviens ?"<br />

Le regard <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était franc.<br />

"T'écrit-elle souvent ?"<br />

"Non, c'est la seule lettre. Je n'avais aucune idée <strong>de</strong> ce qu'elle était <strong>de</strong>venue jusqu'à ce que je la reçoive."<br />

<strong>Maximus</strong> croisa les bras. "L'as-tu lue ?"<br />

171


"Non."<br />

"Peut être <strong>de</strong>vrais-tu. Lis-la. Ca ne me dérange pas. En fait, cela te rassurera parce qu'il n'y a rien à<br />

cacher." Olivia ne bougea pas. "Lis-la," la pressa-t-il.<br />

Après un long moment, elle déroula le papyrus, l'inclina vers la lumière du feu et lu. Quand elle eut fini, elle<br />

laissa tomber la missive dans son giron et regarda son époux. "C'est une lettre d'amour."<br />

La bouche <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> s'ouvrit tout grand. "Une lettre d'amour ? Non," protesta-t-il. "C'est plutôt une lettre<br />

<strong>de</strong> remerciements, rien <strong>de</strong> plus. Elle voulait simplement que je sache qu'elle a une vie heureuse ­ une vie<br />

heureuse <strong>de</strong> femme mariée."<br />

"C'est une lettre d'amour," insista Olivia. "Ses sentiments sont clairs quand on lit entre les lignes."<br />

<strong>Maximus</strong> leva les mains en un geste exaspéré.<br />

"Etait-elle belle ?"<br />

"Oui, mais pas plus que toi."<br />

"Lui as-tu fais l'amour ?" La voix d'Olivia tremblait.<br />

"Non ! Olivia, j'ai fait le serment <strong>de</strong> t'être fidèle aussi longtemps que nous vivrons tous les <strong>de</strong>ux et j'honore<br />

ce serment. Je t'en prie, ne m'accuse pas d'avoir été infidèle alors que je ne l'ai pas été ­ je n'ai jamais<br />

couché avec une autre femme <strong>de</strong>puis que nous sommes mariés."<br />

<strong>Maximus</strong> se leva du lit, nu, et la prit dans ses bras. "Pourquoi réagis-tu comme ça, hum ?"<br />

Olivia renifla, sur le point <strong>de</strong> pleurer, et s'accrocha à lui pendant qu'il caressait ses cheveux.<br />

"Je ne sais pas. Je J'ai peur <strong>de</strong> te perdre et je me rend compte que ça pourrait très bien arriver <strong>de</strong> bien <strong>de</strong>s<br />

façons. Nous sommes séparés pendant <strong>de</strong> si longues pério<strong>de</strong>s."<br />

"C'est difficile pour nous <strong>de</strong>ux. Je le sais. Mais au moins, tu sais que la Germanie n'est pas un poste<br />

avancé romantique où je passe mes jours et mes nuits dans les bras <strong>de</strong> belles femmes. Tu sais à quoi<br />

ressemble vraiment ma vie."<br />

"Je vais avoir peur que tu meurs <strong>de</strong> la fièvre."<br />

<strong>Maximus</strong> rit. "Ne ne pense pas à <strong>de</strong>s choses comme cela. Au lieu <strong>de</strong> ça, pense à moi dirigeant <strong>de</strong>s<br />

manuvres qui durent <strong>de</strong>s heures et supervisant la construction <strong>de</strong> routes, communiquant avec les<br />

éclaireurs, les espions et les messagers, créant <strong>de</strong>s stratégies pour <strong>de</strong>s batailles qui n'ont jamais lieu. La<br />

plupart du temps, ma vie est tout sauf excitante. Tu l'as bien vu. En fait, je passe la majorité <strong>de</strong> mon temps<br />

libre à t'écrire <strong>de</strong>s lettres et à rédiger <strong>de</strong>s rapports pour Marc-Aurèle. Je ne sais pas pourquoi Julia m'a<br />

envoyé cette lettre."<br />

"Vas-tu y répondre ?"<br />

La voix d'Olivia était étouffée car son visage était enfoui dans le cou <strong>de</strong> son mari.<br />

"Non."<br />

<strong>Maximus</strong> lui prit la lettre <strong>de</strong>s mains et la jeta dans le feu où elle s'enroula et fuma avant d'être réduite en<br />

cendres.<br />

Puis il souleva sa femme dans ses bras et la porta jusqu'au lit où ils passèrent le reste <strong>de</strong> la matinée dans<br />

un bonheur parfait.<br />

Trois jours plus tard, le 3 janvier 177, <strong>Maximus</strong> chevauchait Argento, observant silencieusement sa<br />

propriété, essayant <strong>de</strong> graver dans sa mémoire chaque arbre et chaque fleur, se créant un souvenir qui le<br />

soutiendrait pendant les mois à venir ­ ou les années.<br />

Olivia et Marcus étaient à la porte d'entrée, leurs adieux ayant été longs et pénibles. Olivia serrait son fils<br />

contre sa hanche et pressait son autre main contre son ventre <strong>sous</strong> sa cape. Elle serrait la mâchoire pour<br />

empêcher son menton <strong>de</strong> trembler. Le petit garçon essayait <strong>de</strong> se montrer courageux mais <strong>de</strong>s larmes<br />

coulaient sur son visage. Il leva son petit poing et le posa contre sa poitrine. Les yeux <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> se<br />

brouillèrent quand il lui rendit le salut puis il fit faire <strong>de</strong>mi-tour à Argento et galopa en <strong>de</strong>scendant le chemin<br />

avant <strong>de</strong> pouvoir changer d'avis, <strong>de</strong> mettre pied à terre et <strong>de</strong> rester pour toujours.<br />

Chapitre 88 : Choix<br />

"C'est un honneur <strong>de</strong> vous revoir, César," dit <strong>Maximus</strong> qui se tenait au gar<strong>de</strong> à vous juste à l'intérieur <strong>de</strong><br />

l'entrée <strong>de</strong> la tente luxueuse <strong>de</strong> l'empereur, à Bonna, en Germanie.<br />

"Oh, <strong>Maximus</strong> viens ici, viens ici," répondit Marc-Aurèle en prenant son général préféré dans ses bras et<br />

en lui tapant sur le dos. Le visage ridé <strong>de</strong> l'empereur s'adoucit lorsqu'il saisit les épaules <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et<br />

qu'il recula un peu pour mieux l'examiner. "Tu as l'air bien, <strong>Maximus</strong>. Ta jambe est-elle complètement<br />

guérie ?"<br />

"Oui, Majesté. Je suis au mieux <strong>de</strong> ma forme. Mon séjour en Espagne y est pour beaucoup. Merci une fois<br />

encore <strong>de</strong> m'avoir donné cette permission."<br />

"J'ai bien peur que ce soit la <strong>de</strong>rnière pour un moment."<br />

Marc se tourna et <strong>Maximus</strong> remarqua que ses épaules étaient voûtées et qu'il avait l'air fragile ­ ou était-ce<br />

juste la fatigue qui lui donnait l'air si vulnérable ?<br />

"Assis-toi, <strong>Maximus</strong>," Marc-Aurèle lui montra une chaise confortable, "et enlève ton armure. Tu n'en auras<br />

pas besoin ici. As-tu mangé ?"<br />

"Pas <strong>de</strong>puis un moment, Majesté," reconnu <strong>Maximus</strong> et son estomac gronda lorsqu'il ôta sa cape, ses<br />

peaux <strong>de</strong> loup et sa cuirasse. Il les posa sur le sol à côté <strong>de</strong> la chaise. Il résista à l'envie <strong>de</strong> s'étirer et <strong>de</strong> se<br />

gratter le torse.<br />

Un serviteur émergea <strong>de</strong>s ombres, portant un plateau avec <strong>de</strong>ux grands gobelets remplis à ras bord d'un<br />

liqui<strong>de</strong> ambré mousseux.<br />

172


"Aimes-tu la bière, <strong>Maximus</strong> ? Je dois admettre que j'ai passé tellement <strong>de</strong> temps en Germanie que j'ai fini<br />

par l'apprécier."<br />

<strong>Maximus</strong> sourit. "Je suis obligé <strong>de</strong> l'aimer. Cela change du vin mais ça <strong>de</strong>man<strong>de</strong> une certaine habitu<strong>de</strong> ­<br />

c'est un peu amer. Il n'y a rien qui ressemble à cela en Espagne." Il prit le gobelet <strong>de</strong> sur le plateau et le<br />

leva en un geste <strong>de</strong> respect pour son empereur. "A la paix dans l'Empire, Majesté."<br />

Marc leva son gobelet pour retourner le toast et le vida d'un trait sans reprendre sa respiration. Il était un<br />

peu essoufflé quand il eut fini <strong>de</strong> boire. <strong>Maximus</strong> essaya <strong>de</strong> ne pas réagir mais il ne put empêcher ses<br />

lèvres <strong>de</strong> se tordre légèrement. Il ne réalisa pas que son amusement se lisait aussi sur le restant <strong>de</strong> son<br />

visage jusqu'à ce que Marc-Aurèle lève les sourcils et dise avec un sourire, "Ah, j'aime passer du temps<br />

avec toi, <strong>Maximus</strong>. Je peux me détendre et je ne suis pas obligé <strong>de</strong> contrôler tout ce que je dis ou fais."<br />

"Je suis très honoré que vous ressentiez cela, Majesté. J'apprécie aussi votre compagnie. Nous ne nous<br />

voyons pas assez souvent."<br />

"Tu as raison. Encore un peu <strong>de</strong> bière ?"<br />

"Bien sûr, Majesté." Leurs gobelets furent immédiatement remplis mais cette fois les <strong>de</strong>ux hommes<br />

savourèrent le breuvage au lieu <strong>de</strong> l'engloutir. "Vous êtes allé à Rome, César ?"<br />

"Oui. J'avais beaucoup <strong>de</strong> choses à faire là-bas. Pas <strong>de</strong>s choses très plaisantes, malheureusement. J'ai<br />

du lever <strong>de</strong>s impôts une fois <strong>de</strong> plus pour financer le coût <strong>de</strong>s guerres que nous avons sur tous les fronts."<br />

Il s'arrêta puis ajouta pru<strong>de</strong>mment. "Les Maures ont envahi le sud <strong>de</strong> l'Espagne, <strong>Maximus</strong>. Le savais-tu ?"<br />

"Quoi?! Non, Majesté," dit <strong>Maximus</strong> en se redressant sur sa chaise, très inquiet. "Combien <strong>de</strong> légions y-at-il<br />

en Espagne, Majesté ? Pas beaucoup, n'est-ce pas ?"<br />

"Détends-toi, <strong>Maximus</strong>. L'invasion sera contenue. Il n'y a qu'une seule légion stationnée en permanence<br />

en Espagne mais j'en ai fait venir trois <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> l'Italie et <strong>de</strong> la Gaule. Les envahisseurs n'étaient pas<br />

excessivement nombreux et ils seront très bientôt stoppés. Ils ne sont en aucun cas près <strong>de</strong> ton foyer."<br />

<strong>Maximus</strong> se massa la nuque puis porta le gobelet à sa bouche et le vida. Il fut immédiatement rempli à<br />

nouveau.<br />

Marc poursuivit quand son général fut quelque peu détendu. "J'ai fait plus que lever <strong>de</strong>s impôts pour<br />

trouver <strong>de</strong> l'argent ­ j'ai vendu <strong>de</strong> nombreuses affaires personnelles. J'ai pensé que c'était le moins que je<br />

pouvais faire puisque je <strong>de</strong>mandais à tout le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> donner encore plus. Des bijoux. J'ai <strong>de</strong>mandé à<br />

mes filles <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r seulement ceux qu'elles préféraient et j'ai vendu le reste. Il y a maintenant <strong>de</strong>s pièces<br />

dans le palais qui n'ont plus <strong>de</strong> meubles."<br />

"Je suis désolé, Majesté."<br />

"Ah nous <strong>de</strong>vons tous faire <strong>de</strong>s sacrifices pour l'Empire, <strong>Maximus</strong>. Nous sommes obligés <strong>de</strong> le faire en tant<br />

que citoyens romains. Je dois enrôler <strong>de</strong> plus en plus d'hommes dans les légions, et ils doivent être<br />

habillés, équipés et nourris. Sais-tu que je crains <strong>de</strong> manquer d'hommes ? J'ai même enrôlé <strong>de</strong>s<br />

gladiateurs. Nombres <strong>de</strong> ces pauvres âmes étaient eux-même <strong>de</strong>s soldats il y a peu <strong>de</strong> temps, mais à<br />

présent, ils combattent pour leur ennemi."<br />

"Puis-je poser une question, Majesté ?"<br />

"Bien sûr."<br />

"Vu ce que vous venez <strong>de</strong> me dire, espérez-vous toujours annexer <strong>de</strong> nouvelles terres <strong>de</strong> l'autre côté du<br />

Danube ?"<br />

"C'est une bonne question, et je n'ai pas <strong>de</strong> réponse immédiate. La vérité, c'est qu'il y a <strong>de</strong>s tonnes <strong>de</strong><br />

richesses dans ces terres qui ai<strong>de</strong>raient à remplir les coffres <strong>de</strong> Rome mais que le coût pour les atteindre<br />

serait élevé."<br />

"Aussi bien en vies humaines qu'en équipement, Majesté."<br />

Marc hocha la tête. "Oui, je le réalise. C'est aussi difficile pour moi que ça l'est pour toi <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>s romains<br />

mourir. Mais <strong>de</strong>s vies doivent être sacrifiées pour maintenir le pouvoir <strong>de</strong> l'empire." Il regarda directement<br />

<strong>Maximus</strong>. "Comme je l'ai dit, nous <strong>de</strong>vons tous faire <strong>de</strong>s sacrifices." L'empereur finit sa bière et accepta un<br />

autre gobelet mais <strong>Maximus</strong> fit comprendre qu'il en avait eu assez. "Cela faisait sept ans que je n'étais pas<br />

allé à Rome, tu te rends compte ? Je me sens presque comme un étranger là-bas, <strong>Maximus</strong>. Tellement <strong>de</strong><br />

choses ont changées <strong>de</strong>puis que je suis empereur et je n'étais pas là pour voir les changements moimême,<br />

alors cela m'a pris par surprise. Sais-tu quelle est la <strong>de</strong>rnière mo<strong>de</strong> à Rome ?"<br />

C'était une question <strong>de</strong> pure forme mais <strong>Maximus</strong> répondit tout <strong>de</strong> même en secouant la tête.<br />

"L'astrologie. Les horoscopes."<br />

"Les horoscopes ?"<br />

"Oui la lecture <strong>de</strong>s étoiles et la croyance qu'elles ont une influence sur les affaires <strong>de</strong>s hommes. Dans<br />

toute la cité, <strong>de</strong>s gens se font lire leurs horoscopes et changent leurs vies en fonction <strong>de</strong> ce qu'ils<br />

enten<strong>de</strong>nt." Marc-Aurèle regarda <strong>Maximus</strong>. "Si tu vivais à Rome, ferais-tu <strong>de</strong> même ?"<br />

"Me faire lire mon horoscope ? Non Majesté, je ne pense pas. J'ai tendance à croire que ce sont les<br />

actions d'un homme qui déterminent son <strong>de</strong>stin, pas les étoiles. Bien sûr, il y a toujours <strong>de</strong>s événements<br />

imprévisibles qui se produisent dans chaque existence mais je pense que c'est notre réaction face à ces<br />

événements qui détermine notre futur." <strong>Maximus</strong> changea <strong>de</strong> position dans sa chaise. "J'admets<br />

cependant qu'il m'arrive <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>s présages ­ particulièrement avant une bataille ­ mais je crois qu'ils<br />

pourraient être seulement un signe <strong>de</strong> choses à venir et non pas qu'ils puissent déterminer le <strong>de</strong>stin." Il<br />

sourit. "Ces présages sont probablement plus un produit <strong>de</strong> mon imagination et <strong>de</strong> ma nervosité, Majesté,<br />

que <strong>de</strong>s signes envoyés par les dieux."<br />

Marc rit. "Et bien je pense comme toi. Un homme choisit sa propre <strong>de</strong>stinée. Sais-tu ce qu'ils font d'autre à<br />

Rome ?"<br />

173


Une fois encore, <strong>Maximus</strong> secoua poliment la tête.<br />

"Ils vont en masses jusqu'en Grèce pour consulter la prêtresse Sibilla." Marc agita la main en un geste<br />

dédaigneux. "Oh, je sais que ça fait <strong>de</strong>s générations que ça dure, mais maintenant, c'est très à la mo<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

le faire. Même les sénateurs s'y ren<strong>de</strong>nt parce qu'ils croient qu'elle peut leur dire les secrets <strong>de</strong>s dieux<br />

quand elle est en transes. Ils <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt même <strong>de</strong>s conseils à propos <strong>de</strong>s affaires d'état ­ comme par<br />

exemple qui sera le futur empereur ­ et tout est inscrit dans <strong>de</strong>s livres. Imagine ça! Ce ne sont pas les<br />

étoiles ou les dieux qui choisiront le prochain empereur, c'est moi!"<br />

"Bien sûr, Majesté." <strong>Maximus</strong> hocha la tête pour plus d'emphase.<br />

"Ah voilà notre repas. Nous sommes confortablement installés ici. Pourquoi ne resterions-nous pas ?"<br />

Marc-Aurèle sourit à <strong>Maximus</strong> puis dit aux serviteurs <strong>de</strong> poser la nourriture sur <strong>de</strong>s petites tables à portée<br />

<strong>de</strong> main. "Alors," poursuivit-il en rompant un morceau <strong>de</strong> pain, "tu es d'accord pour dire que je suis celui<br />

qui désignera le prochain empereur ?"<br />

"C'est votre droit et votre <strong>de</strong>voir, Majesté."<br />

"Exactement. Et c'est une chose à laquelle j'ai beaucoup pensé ces <strong>de</strong>rniers temps." Marc but une gorgée<br />

<strong>de</strong> vin. "Je suis un vieil homme, <strong>Maximus</strong>."<br />

Marc-Aurèle avait en effet l'air vieux à cet instant. Le général baissa les yeux et eut soudain du mal à<br />

avaler. Il s'étouffa presque avec son pain et prit du vin pour le faire passer. Marc-Aurèle l'observa<br />

attentivement puis s'installa plus confortablement sur son divan.<br />

"Comme je l'ai dit, <strong>Maximus</strong>, je suis retourné à Rome il y a quelques mois après <strong>de</strong>s années d'absence.<br />

Une <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> ce retour, c'est que j'avais <strong>de</strong>s affaires <strong>de</strong> famille à régler, <strong>de</strong>s affaires que j'avais<br />

négligées <strong>de</strong>puis un certain temps et que je ne pouvais plus retar<strong>de</strong>r." Il prit une autre gorgée <strong>de</strong> vin. "Le<br />

complot <strong>de</strong> Cassius pour s'emparer du trône m'a fait comprendre que si aucun successeur n'était désigné,<br />

l'empire serait plongé dans le chaos après ma mort vu que <strong>de</strong>s empereurs potentiels se battraient pour me<br />

remplacer alors que je serais à peine froid. C'est grâce à toi que cela ne s'est pas produit il y a plusieurs<br />

années."<br />

Tout en mangeant, <strong>Maximus</strong> pensa au général scélérat et à son propre rôle dans le sort <strong>de</strong> l'homme, et à<br />

la possibilité qu'il existait <strong>de</strong>s douzaines d'hommes aussi ambitieux et impitoyables que lui.<br />

"L'empire serait plongé dans la guerre civile car les candidats rassembleraient leurs alliés dans <strong>de</strong>s<br />

factions et les généraux conduiraient <strong>de</strong>s armées jusqu'à Rome pour tenter <strong>de</strong> s'emparer du pouvoir. Bah!<br />

Je ne veux même pas y penser." Son maigre appétit satisfait, l'empereur s'installa plus confortablement,<br />

les yeux posés sur son général qui fixait pensivement sa nourriture. "Tu sais, la panique s'est abattue sur<br />

Rome lorsque la rumeur <strong>de</strong> mon décès s'est répandue. Le sénat s'est immédiatement divisé en plusieurs<br />

camps, chacun soutenant son propre candidat." Marc-Aurèle soupira profondément et passa la main sur<br />

son visage. <strong>Maximus</strong> lui jeta un bref coup d'il puis baissa à nouveau les yeux. "Je ne peux pas laisser cela<br />

se reproduire. La seule façon <strong>de</strong> l'éviter est <strong>de</strong> désigner un successeur pendant que je suis encore en vie.<br />

Pour cela, j'ai arrangé <strong>de</strong>s mariages pour mes filles pendant que j'étais à Rome."<br />

Cela attira l'attention <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> comme Marc-Aurèle l'avait pensé, et le jeune homme leva les yeux,<br />

surpris. Un sentiment <strong>de</strong> malaise envahi <strong>Maximus</strong> et il frissonna légèrement. Il baissa les yeux lorsqu'il<br />

réalisa que Marc avait vu sa réaction. Il se <strong>de</strong>manda où allait cette conversation.<br />

L'empereur soupira. "Une <strong>de</strong> mes filles, bien sûr, est déjà mariée à Claudius Severus. J'ai fiancé mes <strong>de</strong>ux<br />

plus jeunes filles à <strong>de</strong>s hommes aussi faibles et incapables l'un que l'autre, Burrus qui est <strong>de</strong> la famille du<br />

général Antistius Adventus, et Sura Mamertinus. Ces hommes ne poseront aucun problème au futur<br />

empereur."<br />

Marc arrêta <strong>de</strong> parler et un silence total s'installa dans la pièce, excepté le sifflement du vent froid autour<br />

du toit en toile <strong>de</strong> la tente, le faisant bouger légèrement. <strong>Maximus</strong> savait que l'empereur voulait le faire<br />

parler <strong>de</strong> Lucilla, mais il ne le ferait pas.<br />

Finalement, Marc-Aurèle reprit la parole. "En ce qui concerne Lucilla, son mariage est particulièrement<br />

important. Je dois déci<strong>de</strong>r si je la marie avec un homme aussi peu important que les autres, ce qui lui<br />

ôterait toute influence, ou si je lui choisis un mari avec soin pour qu'elle soit à nouveau impératrice et que<br />

son époux <strong>de</strong>vienne empereur à ma mort." Marc posa son gobelet sur la table et se leva lentement, la<br />

main pressée contre le bas <strong>de</strong> son dos comme pour essayer d'y contenir la douleur. Sa robe traîna sur le<br />

sol lorsqu'il alla se placer <strong>de</strong>rrière la chaise <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. Le général fixa le mur en face <strong>de</strong> lui, sentant<br />

comme un grand poids peser soudainement sur ses épaules.<br />

Quand Marc-Aurèle parla, sa voix n'était pas plus forte qu'un murmure mais elle était si près <strong>de</strong> l'oreille <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong> que les poils <strong>de</strong> sa nuque se dressèrent. "Bien sûr, Lucilla a son propre avis sur le sujet et elle<br />

est prête à faire ce qu'on lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pour empêcher son frère <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir empereur. Elle a suggéré une<br />

union qui lui plairait, qui servirait les intérêts <strong>de</strong> l'empire et qui me ferait plaisir à moi aussi. Mais, si<br />

l'homme en question n'accepte pas la proposition, alors je n'aurais plus qu'une seule option. Voudrais-tu<br />

l'entendre, <strong>Maximus</strong> ?"<br />

Sans attendre une réponse, Marc lâcha le <strong>de</strong>rrière <strong>de</strong> la chaise <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et alla se placer dans son<br />

champs <strong>de</strong> vision. "L'autre possibilité est que mon fils, Commo<strong>de</strong>, soit désigné comme successeur et que<br />

je marie Lucilla au Syrien incompétent, Claudius Pompeianus."<br />

<strong>Maximus</strong> inspira lentement. "Commo<strong>de</strong> est très jeune, Majesté."<br />

"En effet, <strong>Maximus</strong>, et c'est une <strong>de</strong>s nombreuses raisons qui font que ce n'est pas la meilleure option.<br />

C'est mon fils mais je ne suis pas aveugle. Mais cela sauvera l'empire <strong>de</strong> la guerre civile si je le désigne<br />

comme mon héritier. Je commencerais par le nommer co-empereur, comme pour Lucius Verus, puis<br />

quand je mourrais, il continuera comme l'unique empereur. Il n'y aurait pas <strong>de</strong> transition du tout, en fait."<br />

174


L'esprit <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> chancelait. Commo<strong>de</strong> ? Empereur ? "Hm il serait le premier empereur à être né<br />

durant le règne <strong>de</strong> son père, Majesté," dit <strong>Maximus</strong> car il n'arrivait pas à trouver quelque chose d'autre à<br />

dire.<br />

Marc-Aurèle sourit. "Tu connais ton histoire. Oui, Commo<strong>de</strong> <strong>de</strong>viendrait le dix-septième empereur <strong>de</strong><br />

Rome. Ca serait sûrement le moyen le plus facile d'établir la succession. N'es-tu pas d'accord <strong>Maximus</strong> ?"<br />

"Cela serait plus facile, Majesté."<br />

"Et quelle serait la meilleure option, <strong>Maximus</strong> ?"<br />

"C'est à vous <strong>de</strong> choisir, César."<br />

"Je te <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ton avis."<br />

<strong>Maximus</strong> ouvrit la bouche pour parler puis s'arrêta, cherchant les mots justes. "Peut être y a-t-il une<br />

troisième option vous pourriez désigner un sénateur pour vous succé<strong>de</strong>r, Majesté. Peut être adopter l'un<br />

d'entre eux cela se fait couramment vous même avez été adopté."<br />

"Et quel sénateur suggères-tu ?"<br />

<strong>Maximus</strong> haussa les épaules. "Je ne les connais pas, Majesté."<br />

"Et bien, je le connais et il n'y en pas un seul que je voudrais comme empereur. Oh, ce ne sont pas <strong>de</strong>s<br />

incapables au Sénat mais pour être empereur, un homme doit avoir <strong>de</strong>s qualités particulières. Aucun<br />

sénateur n'est aussi qualifié que ma fille, Lucilla, mais, hélas, c'est une femme. Maintenant, imagine Lucilla<br />

associée avec un homme aussi soli<strong>de</strong>, intelligent, intègre et courageux qu'elle. Quelle équipe cela ferait.<br />

Un empereur et une impératrice vraiment digne <strong>de</strong> porter ces titres." Marc-Aurèle étudia <strong>Maximus</strong> qui<br />

refusa <strong>de</strong> rencontrer son regard. "Alors, qu'en penses-tu, <strong>Maximus</strong> ?"<br />

"Je Je pense que le choix vous appartient, Majesté."<br />

"Je sais que c'est à moi <strong>de</strong> choisir, <strong>Maximus</strong>," dit Marc-Aurèle avec une touche d'impatience . "Je veux ton<br />

avis."<br />

Etait-il sérieux ? <strong>Maximus</strong> frotta nerveusement les jointures <strong>de</strong> sa main avec la paume <strong>de</strong> l'autre. "En toute<br />

honnêteté, je ne pense pas que Commo<strong>de</strong> serait le meilleur choix pour être empereur."<br />

Marc hocha la tête pour marquer son accord. "Alors tu penses que je <strong>de</strong>vrais marier Lucilla à l'homme qui<br />

<strong>de</strong>vrait me succé<strong>de</strong>r."<br />

<strong>Maximus</strong> sentit le piège se refermer et pria pour une diversion. La foudre qui frapperait la tente, ou quelque<br />

chose comme ça. "Je suppose que oui, Majesté, et je suis sûr qu'il y a <strong>de</strong> nombreux candidats qui<br />

conviennent"<br />

"En fait, non," l'interrompit <strong>Maximus</strong>. "Lucilla et moi en avons parlé et nous sommes tombés d'accord sur<br />

un homme."<br />

<strong>Maximus</strong> garda le silence, ses yeux fixant le sol.<br />

"Cet homme est un lea<strong>de</strong>r né et l'a prouvé <strong>de</strong> nombreuses fois." Marc se pencha en avant et captura le<br />

regard <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, refusant <strong>de</strong> rompre le contact. "Je connais bien cet homme. Je sais qu'il aime l'empire.<br />

Il fera ce qui est bon pour Rome. C'est le seul homme qui puisse empêcher mon fils <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir empereur."<br />

Marc-Aurèle s'inclina à nouveau sur le divan, ses yeux toujours en contact avec ceux <strong>de</strong> son général.<br />

La nourriture que <strong>Maximus</strong> venait d'absorber était lour<strong>de</strong> comme du plomb dans son estomac et ses mains<br />

serrèrent les bras <strong>de</strong> la chaise comme un étau. "Cet homme que fait-il ?"<br />

"Il est dans l'armée ­ c'est son plus grand lea<strong>de</strong>r."<br />

"Il se peut qu'il ne comprenne pas la politique <strong>de</strong> l'empire, Majesté," dit <strong>Maximus</strong> avec une touche <strong>de</strong><br />

désespoir dans la voix.<br />

"Il aurait ma fille pour le gui<strong>de</strong>r. Le caractère est beaucoup plus important que la connaissance <strong>de</strong> la<br />

politique. La politique peut s'apprendre. Le caractère, on naît avec."<br />

Le cur <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> battait très fort et il se sentait essoufflé, comme si il venait <strong>de</strong> courir une longue<br />

distance avec un lourd paquetage sur le dos. "Cet homme est-il libre d'épouser votre fille ?" Sa voix<br />

sembla petite, même à ses propres oreilles.<br />

"Il peut le <strong>de</strong>venir avec un minimum <strong>de</strong> problèmes. Des arrangements seraient faits pour sa famille."<br />

Il ne pourrait jamais abandonner sa femme bien-aimée et son fils, pas même pour l'empire. Il ne pouvait<br />

pas le faire et il ne ferait pas. <strong>Maximus</strong> regarda directement Marc-Aurèle, leva le menton et ne dit rien, son<br />

corps aussi froid et rigi<strong>de</strong> que la pierre. Si il refusait d'épouser Lucilla et <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir le successeur <strong>de</strong> Marc-<br />

Aurèle, alors il <strong>de</strong>viendrait le seul responsable si Commo<strong>de</strong> <strong>de</strong>venait empereur ? C'était du chantage pur<br />

et simple.<br />

Peut être que Marc-Aurèle avait l'intérêt <strong>de</strong> Rome en tête mais <strong>Maximus</strong> se sentit trahi personnellement. Il<br />

pouvait seulement prier pour que Marc-Aurèle soit en train <strong>de</strong> tester sa réaction à cette idée et qu'il n'était<br />

pas encore décidé à agir.<br />

Un long moment passa avant que Marc-Aurèle ne soupire et dise "Il est tard, <strong>Maximus</strong> et je suis fatigué. Je<br />

suis sûr que toi aussi, après ton voyage. Pourquoi ne nous retirions-nous pas pour penser un peu plus à<br />

ce problème en privé. Nous pourrons en parler à nouveau bientôt. Les décisions n'ont pas besoin d'être<br />

prises tout <strong>de</strong> suite."<br />

Il se leva et <strong>Maximus</strong> fit <strong>de</strong> même, avec rai<strong>de</strong>ur. Marc regrettait profondément d'avoir causé tant<br />

d'angoisse à ce jeune homme mais il savait au plus profond <strong>de</strong> lui-même que c'était la bonne décision.<br />

"A propos, j'ai amené Commo<strong>de</strong> avec moi. J'ai pensé que cela lui ferait du bien <strong>de</strong> vivre au front pendant<br />

un moment et <strong>de</strong> voir ce qu'un empereur fait vraiment <strong>de</strong> ses journées.<br />

Marc-Aurèle regarda tristement <strong>Maximus</strong> rassembler ses affaires et sortir <strong>de</strong> la tente sans un mot.<br />

175


Chapitre 89 : La Nouvelle Recrue <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong><br />

<strong>Maximus</strong> faisait les cent pas <strong>de</strong>vant ses hommes, essayant <strong>de</strong> ravaler sa fureur. Il avait dit à Commo<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

rejoindre sa légion à midi et le garçon avait au moins <strong>de</strong>ux heures <strong>de</strong> retard. Les hommes s'étaient lassés<br />

<strong>de</strong> rester alignés alors <strong>Maximus</strong> leur avait ordonné <strong>de</strong> rester au repos. Ils étaient étendus sur le sol dans<br />

un silence total et regardaient leur général creuser un sillon dans l'herbe, Hercule juste <strong>de</strong>rrière lui, comme<br />

une ombre.<br />

<strong>Maximus</strong> maudit silencieusement Marc-Aurèle. Il avait dit qu'il avait emmené son fils en Germanie pour lui<br />

montrer ce qu'un empereur faisait et au lieu <strong>de</strong> cela, le garçon lui avait été confié. Dans une tentative<br />

d'apaiser son général, l'empereur avait fait déplacer quelques légions pour réunir <strong>Maximus</strong> avec Felix III à<br />

Bonna. Ca n'était pas suffisant. <strong>Maximus</strong> était en colère contre l'empereur, exaspéré par son fils et<br />

scandalisé d'être forcé à subir la compagnie du garçon alors que Marc-Aurèle essayait <strong>de</strong> convaincre son<br />

général par tous les moyens que son fils était complètement incapable <strong>de</strong> diriger l'empire. <strong>Maximus</strong> n'avait<br />

pas besoin d'avoir l'odieux Commo<strong>de</strong> tout le temps dans les pieds pour le savoir.<br />

Finalement, Commo<strong>de</strong> et ses gar<strong>de</strong>s prétoriens personnels firent leur apparition à cheval, trottinant<br />

tranquillement sur une colline toute proche. Les hommes se mirent péniblement <strong>de</strong>bout pour accueillir<br />

convenablement le fils <strong>de</strong> l'empereur en dépit <strong>de</strong> leur dédain à peine dissimulé pour le jeune homme, et<br />

baissèrent la tête lorsqu'il s'approcha. <strong>Maximus</strong> le fit si rapi<strong>de</strong>ment que le salut fut presque inexistant, ses<br />

lèvres serrées. "Nous étions prêts à partir il y a <strong>de</strong>ux heures, Majesté."<br />

"Deux heures ? Le temps a juste filé alors, <strong>Maximus</strong>. Je m'entraînais à l'épée avec mes hommes, comme<br />

je le fais toujours à cette heure <strong>de</strong> la journée." Commo<strong>de</strong> le regardait du haut <strong>de</strong> son étalon avec un air<br />

supérieur. "Je suis là à présent alors ne perdons pas plus <strong>de</strong> temps, n'est-ce pas ? Comment allons-nous<br />

nous distraire aujourd'hui ? Allons-nous construire un pont comme il y a <strong>de</strong>ux semaines ? Réparer <strong>de</strong>s<br />

routes comme nous l'avons fait avant cela ? Hum ? Quel va être le jeu aujourd'hui, général ?" dit-il<br />

sarcastiquement.<br />

Pendant que <strong>Maximus</strong> bouillait <strong>de</strong> colère, les soldats <strong>de</strong> Felix III regardait les <strong>de</strong>ux hommes avec<br />

anticipation. Personne n'oserait railler leur général comme ça et s'en sortir sans dommage, pas même le<br />

mouflet <strong>de</strong> l'empereur. Alarmé par l'expression sur le visage <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, Quintus se rapprocha <strong>de</strong> son<br />

ami et se servit <strong>de</strong> gestes <strong>de</strong> la main pour le prévenir qu'il ferait mieux <strong>de</strong> tenir sa langue. Ses gestes ne<br />

furent pas pris en compte. <strong>Maximus</strong> écarta les jambes dans une posture <strong>de</strong> défi, mis ses mains sur ses<br />

hanches, pencha la tête sur le côté et fixa Commo<strong>de</strong> du regard, Commo<strong>de</strong> qui était vêtu d'un <strong>de</strong> ses<br />

meilleurs vêtements malgré le travail salissant que la légion <strong>de</strong>vait accomplir, et qui créait un contraste<br />

marqué avec la simple tunique <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, ses jambes nues et ses sandales. Les prétoriens <strong>de</strong><br />

Commo<strong>de</strong> étaient aussi richement habillés, avec du cuir noir cousu d'or, <strong>de</strong> la laine et <strong>de</strong> la soie.<br />

"Si vous et vos hommes trouvent ces tâches trop difficiles, Majesté, peut être que nous pourrions en<br />

trouver d'autres qui vous conviendraient mieux." Sa colère le rendait désinvolte. "Peut être pourriez vous<br />

travailler dans la blanchisserie. Les baquets d'eau permettraient aux jolis garçons <strong>de</strong>rrière vous d'admirer<br />

leur reflet pendant qu'ils frottent et vous finiriez la journée encore plus propre que vous ne l'avez<br />

commencée."<br />

Quintus grimaça quand un rire traversa les rangées d'hommes alors que le commentaire <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était<br />

répété à voix basse pour les hommes qui étaient trop loin pour l'avoir entendu, faisant que le ricanement<br />

se poursuivit en vagues qui roulèrent <strong>de</strong> plus en plus loin <strong>de</strong> la source du commentaire. Quintus leur jeta<br />

un regard mauvais et le rire mourut petit à petit.<br />

Commo<strong>de</strong> eut la décence <strong>de</strong> rougir malgré son air aigre en regardant les troupes, conscient qu'il était la<br />

source <strong>de</strong> leur amusement. "Vous ne pouvez pas contrôler vos hommes, général ?"<br />

"<strong>Maximus</strong>, tiens ta langue," murmura Quintus, inquiet que son général ne regrette une autre remarque<br />

caustique.<br />

"Vous n'avez pas idée <strong>de</strong> leur niveau <strong>de</strong> self-control, Majesté." Les visages <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> Felix III<br />

s'éclairèrent <strong>de</strong>vant le soutien <strong>de</strong> leur général. "Votre père vous a placé <strong>sous</strong> mon comman<strong>de</strong>ment. Il<br />

voulait que vous goûtiez à la vie <strong>de</strong> soldat. Il semble que vous êtes seulement intéressé par goûter et non<br />

par partager tout le repas mais vous participerez aux activités d'aujourd'hui."<br />

"Vous osez me parler sur ce ton ?" siffla Commo<strong>de</strong>.<br />

"Si vous n'aimez pas, voyez ça avec votre père."<br />

<strong>Maximus</strong> tourna les talons et marcha avec un air hautain, sautant pratiquement sur le dos d'Argento qui se<br />

cabra presque <strong>de</strong> surprise. Hercule sortit d'entre les sabots du cheval, regarda Commo<strong>de</strong> et grogna.<br />

"Silence, Hercule," ordonna <strong>Maximus</strong>. Il tira sur les rênes d'Argento avant <strong>de</strong> le mettre en route.<br />

Peu <strong>de</strong> temps après, <strong>Maximus</strong> était <strong>de</strong>bout jusqu'aux cuisses dans l'eau glacée du Danube en avril, ses<br />

pieds enfoncés dans la vase. Il dirigeait les opérations pour élargir un ruisseau afin qu'il y ait plus d'eau<br />

fraîche qui coule jusqu'au camp. Les hommes grognaient en soulevant <strong>de</strong>s pelletées <strong>de</strong> vase et en les<br />

déposant sur les berges du fleuve.<br />

Après l'élargissement du ruisseau, il faudrait renforcer les nouvelles berges avec <strong>de</strong> la pierre pour<br />

empêcher la terre <strong>de</strong> retomber dans l'eau. Commo<strong>de</strong> avait enlevé ses bottes et était dans l'eau jusqu'aux<br />

chevilles, son visage reflétant son déplaisir. Il tenait le bas <strong>de</strong> son manteau, refusant <strong>de</strong> l'enlever mais ne<br />

voulant pas non plus l'abîmer, et il se servait <strong>de</strong> son autre main pour chasser les mouches piquantes du<br />

printemps qui semblaient attirées par l'éclat <strong>de</strong> sa cuirasse. Il regardait les soldats travailler, faisant<br />

semblant d'apprécier ce qu'ils faisaient. Il faisait <strong>de</strong>s commentaires occasionnels à <strong>Maximus</strong> sur la<br />

progression <strong>de</strong> la tâche mais le général l'ignorait.<br />

176


Quand une partie <strong>de</strong> la berge menaça <strong>de</strong> s'effondrer, <strong>Maximus</strong> prit une pelle et se mit à travailler avec ses<br />

hommes, au grand dégoût <strong>de</strong> Commo<strong>de</strong>.<br />

Hercule avait joué dans l'eau pendant un moment mais il était à présent couché sur la rive, sa tête sur ses<br />

pattes avant, ses sourcils bougeant alors qu'il regardait son maître travailler. A chaque fois que Commo<strong>de</strong><br />

parlait, un gron<strong>de</strong>ment sourd sortait <strong>de</strong> la poitrine du chien. Il était remplacé par un mouvement <strong>de</strong> sa<br />

queue quand il entendait la voix <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

A la fin <strong>de</strong> la journée, les hommes fatigués et sales revenaient péniblement vers le camp, <strong>de</strong>rrière leur<br />

général taché <strong>de</strong> boue. Le ruisseau avait été élargi et renforcé. Leur tâche était finie et ils étaient contents<br />

du travail accompli.<br />

Un Commo<strong>de</strong> tout frais était à cheval <strong>de</strong>rrière <strong>Maximus</strong> qui regardait droit <strong>de</strong>vant lui. "Je pense qu'il est<br />

simplement inconvenant, <strong>Maximus</strong>, qu'un homme <strong>de</strong> votre gra<strong>de</strong> travaille comme un simple soldat.<br />

Regar<strong>de</strong>z-vous vous êtes sale personne ne reconnaîtrait votre gra<strong>de</strong>. Je pense que vous allez perdre le<br />

contrôle <strong>de</strong> vos hommes si vous vous comportez comme l'un d'entre eux."<br />

"Mes hommes savent qui est leur général, Majesté. L'autorité d'un homme n'a rien à voir avec ce qu'il<br />

porte," répondit <strong>Maximus</strong> en regardant les riches vêtements <strong>de</strong> Commo<strong>de</strong>. Son ton était doux car il était<br />

trop fatigué pour s'engager dans une joute verbale avec le jeune homme. "Vous allez aimer la mission <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>main, Majesté. Nous allons remplir les marais là-bas avec <strong>de</strong>s pierres que nous avons tiré <strong>de</strong>s cavernes<br />

dans les collines. Ca ne <strong>de</strong>vrait pas être trop dur. A cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'année, les serpents dans les marais<br />

sont encore relativement petits."<br />

La bouche <strong>de</strong> Commo<strong>de</strong> s'ouvrit tout grand et <strong>Maximus</strong> mit Argento au trot, un sourire jouant sur ses<br />

lèvres.<br />

"Vous avez joué dans la boue aujourd'hui, monsieur ?"<br />

"Je ne suis pas d'humeur à plaisanter ce soir, Cicéro," dit <strong>Maximus</strong> avec un air fatigué en s'asseyant et en<br />

ôtant ses sandales pleines <strong>de</strong> boue.<br />

"Pardon, monsieur. Je vais vous préparer un bain tout <strong>de</strong> suite."<br />

"Fais le bien chaud, je suis gelé jusqu'aux os."<br />

"Bien sûr. En attendant, buvez ceci. Cela vous réchauffera un peu." Cicéro tendit un gobelet <strong>de</strong> vin pur à<br />

<strong>Maximus</strong>. "Ne le laissez pas vous démoraliser, monsieur."<br />

<strong>Maximus</strong> regarda son ami. "Ca se voit tant que cela, n'est-ce pas."<br />

"Oh oui. On parle dans le camp <strong>de</strong> la façon dont vous tenez tête au prince, mais nous savons tous<br />

combien c'est difficile pour vous," dit Cicéro. Après un instant d'hésitation, il ajouta, "Puis-je vous donner<br />

un conseil, <strong>Maximus</strong> ­ en tant qu'ami ?"<br />

Le général sourit. "Si je dis 'non', cela t'en empêchera-t-il ?"<br />

"Non."<br />

"Alors parle."<br />

"Soyez pru<strong>de</strong>nt avec Commo<strong>de</strong>, monsieur. Il vous a déjà causé beaucoup <strong>de</strong> problèmes et il n'est même<br />

pas encore en position d'autorité. Il se peut qu'il le soit un jour. C'est juste que soyez pru<strong>de</strong>nt, monsieur."<br />

"J'ai bien reçu ton message, Cicéro. Quintus m'a aussi prévenu." <strong>Maximus</strong> ferma les yeux, essayant <strong>de</strong><br />

vi<strong>de</strong>r son esprit.<br />

Quelques heures plus tard, <strong>Maximus</strong> s'assit à son bureau, posa ses cou<strong>de</strong>s sur la surface, et il se massa<br />

les tempes. Personne au camp ne comprenait vraiment ce qu'il endurait. Les soldats voyaient le conflit<br />

extérieur mais ils n'avaient aucune idée <strong>de</strong> la souffrance qu'il éprouvait. La pression et la solitu<strong>de</strong> étaient<br />

presque insupportables. Il mourrait d'envie d'expliquer ses problèmes à sa femme et d'entendre ses mots<br />

<strong>de</strong> réconfort alors qu'elle posait sa tête contre ses seins. <strong>Maximus</strong> rapprocha la lampe puis déchira un<br />

morceau <strong>de</strong> papyrus neuf d'un rouleau. Il trempa sa plume dans l'encre et écrivit : Ma chère Olivia, j'espère<br />

que cette lettre vous trouvera en bonne santé, toi et notre fils<br />

Chapitre 90 : Le Visiteur<br />

En Juin, l'empereur décida <strong>de</strong> visiter les camps et les forteresses le long <strong>de</strong> la frontière nord et choisit<br />

d'emmener son fils avec lui après les encouragements <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

Il y avait eu quelques escarmouches avec <strong>de</strong>s tribus germaniques qui avaient été facilement maîtrisées<br />

par les légions mais il y avait toujours <strong>de</strong>s risques <strong>de</strong> guerre et Marc-Aurèle voulait vérifier par lui-même<br />

que tout était en ordre, et il voulait aussi remonter le moral <strong>de</strong>s soldats par sa présence.<br />

Bien que lui et <strong>Maximus</strong> aient souvent dîné ensembles durant les mois précé<strong>de</strong>nts, le sujet <strong>de</strong> la<br />

succession <strong>de</strong> l'empereur n'avait pas été remis sur la table, au grand soulagement <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, et il se<br />

détendit petit à petit.<br />

En l'absence <strong>de</strong> l'empereur, <strong>Maximus</strong> concentra son attention sur les voies <strong>de</strong> communication avec le<br />

reste <strong>de</strong> l'empire pour qu'elles restent opérationnelles dans le cas d'une guerre, en établissant <strong>de</strong><br />

nombreuses routes à travers les terres et sur l'eau. Il envoya <strong>de</strong>s missives dans tout l'empire pour faire <strong>de</strong>s<br />

tests et compta combien <strong>de</strong> temps il fallait pour avoir <strong>de</strong>s réponses. Il fit <strong>de</strong>s expériences en bloquant <strong>de</strong>s<br />

routes au hasard pour tester l'habileté <strong>de</strong>s messagers à prendre d'autres voies. Ce qu'il constata lui fit<br />

plaisir.<br />

Malgré l'avalanche <strong>de</strong> courriers tests, il réussissait toujours à récupérer les lettres <strong>de</strong> sa femme et les lisait<br />

en premier, ayant hâte d'avoir <strong>de</strong>s nouvelles <strong>de</strong> son fils et <strong>de</strong> sa propriété. Olivia continuait aussi à joindre<br />

<strong>de</strong> précieux <strong>de</strong>ssins qui montraient que leur fils grandissait rapi<strong>de</strong>ment.<br />

Au début du mois d'Août, ses lettres cessèrent. Pensant d'abord qu'un problème <strong>de</strong> courrier s'était produit,<br />

<strong>Maximus</strong> envoya une lettre à la légion d'Emerita Augusta. Il eut une réponse rapi<strong>de</strong> en trois semaines.<br />

177


Très inquiet, <strong>Maximus</strong> envoya rapi<strong>de</strong>ment une autre lettre à la légion en Espagne en leur <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong><br />

rendre visite à sa famille dans les collines au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la cité pour voir si tout allait bien, mais une lettre<br />

d'Olivia arriva au début du mois <strong>de</strong> Septembre, avant la réponse <strong>de</strong> la légion. C'était une courte note qui<br />

ne ressemblait pas à ses longues missives pleines <strong>de</strong> nouvelles, et <strong>Maximus</strong> ne fut pas vraiment rassuré.<br />

Il exprima son inquiétu<strong>de</strong> dans une autre lettre, lui <strong>de</strong>mandant si tout allait bien. Sa réponse, à la fin du<br />

mois <strong>de</strong> Septembre, fut imprécise. En Octobre, cependant, tout sembla rentrer dans l'ordre et ses<br />

inquiétu<strong>de</strong>s à propos <strong>de</strong> sa famille purent être remisées dans un coin <strong>de</strong> son esprit pour lui permettre <strong>de</strong><br />

se concentrer, une fois <strong>de</strong> plus, sur les problèmes en Germanie.<br />

Dans les mois qui suivirent, <strong>Maximus</strong> anticipa et déjoua <strong>de</strong> nombreuses tentatives <strong>de</strong>s guerriers Chatti<br />

pour traverser le Danube et détruire les camps romains et les villages. Des germains moururent par<br />

centaines et autant furent capturés avec la perte <strong>de</strong> peu <strong>de</strong> vies romaines. Jusque là, les romains vivants<br />

dans le nord avaient pu mener une vie relativement tranquille sans la peur d'être envahis et les soldats<br />

romains avaient le moral au beau fixe.<br />

Un jour <strong>de</strong> décembre ensoleillé, quand <strong>Maximus</strong> revint <strong>de</strong> sa patrouille le long du fleuve, il fut surpris <strong>de</strong><br />

trouver un visiteur en train <strong>de</strong> l'attendre. Au début, <strong>Maximus</strong> ne reconnut pas l'homme petit, barbu, à la<br />

peau foncée qui portait une large toge puis il se mit à sourire. "Septimius Severus ! A quoi dois-je l'honneur<br />

<strong>de</strong> votre visite ?"<br />

Septimius se leva pour saluer le général et lui serra vigoureusement la main.<br />

"<strong>Maximus</strong>, c'est vraiment un plaisir <strong>de</strong> vous revoir. Les tribunaux <strong>de</strong> Rome ont fermé pour les <strong>de</strong>ux mois<br />

habituels alors j'ai décidé <strong>de</strong> voyager un peu."<br />

"Les tribunaux ?"<br />

"Oui Je suis un praetor (*) à Rome."<br />

"Et bien, félicitations," dit <strong>Maximus</strong> en lui faisant signe <strong>de</strong> s'asseoir et en prenant une chaise pour luimême.<br />

"Merci. C'est un bon tremplin."<br />

<strong>Maximus</strong> fronça légèrement les sourcils. "J'aurais pensé que c'était un poste très important."<br />

"Oh, je ne voulais pas diminuer l'importance <strong>de</strong> la justice romaine mais ça n'est certainement pas une<br />

position <strong>de</strong> pouvoir. Cela m'occupe beaucoup, cependant."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête pendant que Cicéro leur servait <strong>de</strong>s rafraîchissements. "Je ne doute pas que votre<br />

logement soit plus confortable que celui-ci, cependant."<br />

Septimius sourit. "Je ne vis pas dans une tente, mais j'abandonnerais mon opulent appartement à Rome<br />

pour occuper une position comme la vôtre. Vous êtes un homme qui participe au <strong>de</strong>stin <strong>de</strong> l'empire. Pas<br />

moi."<br />

"Je fais juste mon travail."<br />

"Ne soyez pas si mo<strong>de</strong>ste, général. Tout le mon<strong>de</strong> sait que l'empereur vous tient en haute estime. Ceci<br />

combiné avec l'allégeance indéniable <strong>de</strong> l'armée fait <strong>de</strong> vous un homme <strong>de</strong> très grand pouvoir."<br />

<strong>Maximus</strong> le regarda pensivement. "Septimius, quand l'empereur me libérera <strong>de</strong> mes <strong>de</strong>voirs un jour, j'ai<br />

l'intention <strong>de</strong> retourner auprès <strong>de</strong> ma femme et <strong>de</strong> mon fils en Espagne."<br />

Le praetor était vraiment étonné. "<strong>Maximus</strong>, vous n'êtes sûrement pas en train d'essayer <strong>de</strong> me dire que<br />

vous n'avez pas pensé à un futur pour vous à Rome au moins en tant que sénateur. Vous seriez accueilli à<br />

Rome comme un héros et vénéré par le peuple."<br />

"Je préfère voir grandir mon fils. Etes-vous marié, Septimius ?"<br />

"Oui. Ma femme s'appelle Paccia Marciana. Je me suis marié assez tard."<br />

"Avez-vous <strong>de</strong>s enfants ?"<br />

"Pas encore. Je vous envie votre fils."<br />

"Avoir <strong>de</strong>s enfants est la chose la plus merveilleuse qui soit au mon<strong>de</strong>. C'est beaucoup plus important pour<br />

moi que n'importe quelle position à Rome."<br />

"Votre famille irait avec vous, bien sûr."<br />

<strong>Maximus</strong> posa sa cheville sur le genou opposé et étudia son compagnon. "L'Afrique ne vous manque-t-elle<br />

pas ?"<br />

"Bien sûr. Mais ma famille est dispersée, à présent. Une <strong>de</strong>s raisons pour lesquelles j'ai entrepris ce<br />

voyage était <strong>de</strong> rendre visite à mon frère, Geta. Il est le nouveau légat <strong>de</strong> Italica I au nord <strong>de</strong> l'Italie, <strong>sous</strong> le<br />

comman<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> Pertinax. Je l'envie. J'espère une promotion pour comman<strong>de</strong>r une légion en Syrie.<br />

Enfin bref, après avoir voyagé aussi loin, j'ai décidé que je continuerais à constater par moi-même la<br />

situation en Germanie. Où est l'empereur ?"<br />

"Quelque part à l'est, le long du Danube. A Vindobona, je pense. Il a son fils avec lui et il <strong>de</strong>vrait être<br />

bientôt <strong>de</strong> retour."<br />

"Commo<strong>de</strong>."<br />

"Oui. Commo<strong>de</strong>."<br />

"Et que pensez-vous <strong>de</strong> lui, général ?"<br />

<strong>Maximus</strong> observa Septimius avec quelque méfiance. "Je ne suis pas dans la position d'exprimer une<br />

opinion sur le fils <strong>de</strong> l'empereur."<br />

"Personne n'est dans cette position, mais nous le faisons tous, n'est-ce pas ?"<br />

<strong>Maximus</strong> resta silencieux, un sourire indéchiffrable sur le visage.<br />

Septimius rit. "D'accord. Je n'insisterais pas."<br />

"Combien <strong>de</strong> temps voudriez-vous rester avec Felix III, Septimius ?"<br />

"Quelque jours, si cela ne dérange pas."<br />

178


"Pas du tout." <strong>Maximus</strong> fit un signe à Cicéro et lui dit, "Prépare la tente à côté <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> l'empereur."<br />

Cicéro hocha la tête et parti exécuter la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>.<br />

"J'ai jeté un rapi<strong>de</strong> coup il avant que vous n'arriviez ici. La prison est pleine," commenta le praetor.<br />

"Nous avons capturé beaucoup d'hommes lors <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière escarmouche. Leur attaque n'était pas très<br />

bien organisée ­ presque faite à l'improviste ­ et ils ont payé un très lourd tribut."<br />

"Et bien, je ne peux vous dire à quel point je suis content <strong>de</strong> voir que les arènes <strong>de</strong> Rome auront bientôt un<br />

apport <strong>de</strong> gladiateurs frais. Je m'occupe d'organiser <strong>de</strong>s jeux à Rome et laissez-moi vous dire que c'est<br />

<strong>de</strong>venu très difficile. Très cher et il y a une terrible pénurie <strong>de</strong> combattants."<br />

"Aimez-vous les jeux ?"<br />

"Bien sûr. Ils sont une plaisante diversion. Et vous, général ?"<br />

"Je n'en ai jamais vu."<br />

Septimius rit. "Vous êtes un homme peu ordinaire. Et pourquoi non ? Il y a <strong>de</strong>s arènes en Espagne."<br />

"Oui, mais mes parents n'y allaient jamais quand j'étais un petit garçon, et après que je sois <strong>de</strong>venu un<br />

soldat, la pensée <strong>de</strong> voir un homme mourir pour l'amusement était dégoûtante pour moi. La mort n'est pas<br />

amusante."<br />

"Cela dépend du côté <strong>de</strong> l'épée où vous êtes, je dirais." Septimius gloussa.<br />

<strong>Maximus</strong> commençait à ne plus apprécier cet homme. Il étouffa un bâillement visible et se massa le front<br />

avant <strong>de</strong> dire dramatiquement, "Non cela ne dépend pas <strong>de</strong> cela."<br />

Cicéro reconnut son moment d'intervenir. "Excusez-moi, général, mais la tente du visiteur est prête."<br />

Septimius leva les sourcils. "Déjà ?"<br />

"Il est très efficace," expliqua <strong>Maximus</strong> en se levant et en indiquant que son invité <strong>de</strong>vait le suivre.<br />

Comme <strong>Maximus</strong> s'apprêtait à lui souhaiter une bonne nuit <strong>de</strong>vant sa tente, Septimius lui saisit l'avantbras.<br />

Il se pencha et murmura avec un air conspirateur, "Général, j'aurais besoin <strong>de</strong> la compagnie d'une<br />

femme ce soir. Le voyage a été très long, si vous voyez ce que je veux dire." L'homme fit un clin d'il à<br />

<strong>Maximus</strong> pour exprimer sa fraternité avec ce général très viril.<br />

"Il n'y a pas <strong>de</strong> femmes dans le camp, Septimius."<br />

"Tout près, alors ?"<br />

"En fait non."<br />

Septimius était horrifié. "Des femmes esclaves ? Il y a sûrement <strong>de</strong>s esclaves. Qui avez-vous dans cette<br />

prison ?"<br />

"Juste <strong>de</strong>s guerriers. Nous ne capturons pas leurs femmes."<br />

Septimius fixa <strong>Maximus</strong> du regard et secoua la tête, abasourdi. "Vous être un homme qui sort <strong>de</strong><br />

l'ordinaire, général."<br />

"J'espère que non, Septimius. Reposez-vous bien. Je vous verrais au petit déjeuner <strong>de</strong>main matin."<br />

(*) préteur (magistrat romain investi <strong>de</strong> plusieurs fonctions, civiles, militaires et religieuses, mais<br />

principalement chargé <strong>de</strong> l'administration <strong>de</strong> la justice).<br />

Chapitre 91 : Rêves<br />

"Psst, général. Réveillez-vous !"<br />

<strong>Maximus</strong> ouvrit les yeux et il vit le visage <strong>de</strong> Cicéro dans l'ombre, tout près <strong>de</strong> lui. "Qu'est-ce qu'il y a ?<br />

Qu'est-ce qui ne va pas ?"<br />

"Il y a quelqu'un dans la tente <strong>de</strong> l'empereur. Suivez-moi."<br />

<strong>Maximus</strong> enfila une robe <strong>de</strong> chambre et suivit Cicéro, pieds nus. Sans un mot, Cicéro écarta le rabat en<br />

toile <strong>de</strong> l'entrée <strong>de</strong> la tente <strong>de</strong> Marc-Aurèle et montra la faible lumière d'une bougie dans un coin au fond.<br />

La lumière tremblotante créait d'étranges ombres sur les nombreux bustes <strong>de</strong> marbre qui occupaient la<br />

tente, donnant l'impression qu'ils étaient vivants. La bougie était dans la main <strong>de</strong> Septimius Severus et il se<br />

déplaçait lentement, touchant les affaires <strong>de</strong> l'empereur avec révérence. Sa main allait <strong>de</strong> surface en<br />

surface ­ du marbre à la soie, <strong>de</strong> la soie au bois.<br />

"Essaie-t-il <strong>de</strong> voler quelque chose ?" murmura Cicéro.<br />

"Je ne sais pas," répondit <strong>Maximus</strong> d'une voix également basse. "Je ne peux pas croire qu'il soit aussi<br />

stupi<strong>de</strong>. Attendons <strong>de</strong> voir ce qu'il va faire. Je ne veux pas accuser faussement cet homme même si il se<br />

trouve dans un endroit où il ne <strong>de</strong>vrait pas être."<br />

Septimius s'arrêta et fixa du regard l'aigle d'or situé au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la chaise sculptée <strong>de</strong> l'empereur. Il<br />

s'inclina <strong>de</strong>vant la chaise vi<strong>de</strong> puis, très lentement, il se tourna et s'assit sur le trône.<br />

Cicéro retint une exclamation. <strong>Maximus</strong> fronça les sourcils mais empêcha son serviteur <strong>de</strong> bouger en<br />

posant la main sur son bras, puis il porta un doigt à ses lèvres. Puis le général s'avança lentement et<br />

discrètement pour mieux voir ce que l'homme faisait.<br />

Septimius resta assis pendant un moment avec les yeux fermés puis il tendit lentement la main comme<br />

pour saluer <strong>de</strong>s sujets. Il hocha la tête comme si il écoutait quelqu'un puis fit d'autres gestes <strong>de</strong> la main<br />

comme pour expliquer quelque chose. Il sourit puis fit semblant <strong>de</strong> rire, puis chassa le sujet imaginaire<br />

avec un geste <strong>de</strong> la main.<br />

<strong>Maximus</strong> avança à découvert, pas très loin <strong>de</strong> l'homme, mais caché par l'ombre noire au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la faible<br />

lumière <strong>de</strong> la bougie. Il regarda Septimius faire semblant d'être empereur quelques instants <strong>de</strong> plus puis se<br />

racla la gorge. Septimius sauta hors <strong>de</strong> la chaise et pivota pour faire face à l'inconnu dans l'ombre. Dans<br />

sa terreur, il fit tomber la bougie sur le tapis en laine en-<strong>de</strong>s<strong>sous</strong> du trône et <strong>Maximus</strong> plongea <strong>de</strong>ssus<br />

179


quand le tapis commença à se consumer. Aussi rapi<strong>de</strong> que l'éclair, il saisit la bougie, roula sur lui-même et<br />

se releva avec la bougie toujours allumée. Cicéro fut tenté d'applaudir. Septimius, cependant, était blanc<br />

comme un linge, la respiration courte.<br />

"Désolé <strong>de</strong> vous avoir fait peur, Septimius, mais mon serviteur a vu <strong>de</strong> la lumière dans la tente <strong>de</strong><br />

l'empereur et je <strong>de</strong>vais voir par moi-même. Vous comprenez." <strong>Maximus</strong> plaça la bougie <strong>sous</strong> le nez du<br />

praetor, lui donnant l'air d'un monstre. "L'empereur n'aime pas que <strong>de</strong>s gens s'assoient sur son trône."<br />

Septimius posa une main sur son cur, encore trop secoué pour parler. "Bon, vous savez quoi ? Je vais<br />

laisser un gar<strong>de</strong> vous raccompagner jusqu'à votre tente pour que vous essayez <strong>de</strong> dormir. Nous pourrons<br />

parler <strong>de</strong> cela <strong>de</strong>main matin."<br />

Sur ces mots, Cicéro apparut avec une lanterne à la main et un gar<strong>de</strong> juste <strong>de</strong>rrière lui. Septimius avait l'air<br />

totalement humilié en quittant la tente <strong>de</strong>vant l'homme armé.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda soudainement ses pieds puis recula avec un air dégoûté. "Il a uriné sur le tapis !" Il<br />

éclata <strong>de</strong> rire et bientôt, Cicéro en fit <strong>de</strong> même. Les <strong>de</strong>ux hommes s'attrapèrent les épaules et<br />

s'écroulèrent presque sur le sol en riant avant <strong>de</strong> finalement s'effondrer sur <strong>de</strong>s chaises pour retrouver leur<br />

calme. <strong>Maximus</strong> essuya ses yeux pleins <strong>de</strong> larmes. "Je pense que c'est la <strong>de</strong>rnière fois qu'il fait quelque<br />

chose comme ça. Allons Cicéro, retournons nous coucher."<br />

"J'aérerai le tapis <strong>de</strong>main matin," dit Cicéro. "Je ne veux pas que la tente <strong>de</strong> l'empereur sente comme une<br />

latrine quand il reviendra."<br />

Il suivit <strong>Maximus</strong> jusqu'à la sortie puis remarqua que les épaules <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> commençaient à être<br />

secouées par le rire. "Peut être avait-il besoin <strong>de</strong> se soulager et qu'il n'a pas pris le bon trône !" dit-il et ils<br />

se mirent à hurler <strong>de</strong> rire, un rire qui cessa longtemps après qu'ils soient retournés dans la tente du<br />

général.<br />

Septimius ne fut pas au petit-déjeuner le matin suivant, mais alla trouver <strong>Maximus</strong> plus tard dans la<br />

journée quand le général était dans sa tente avec Quintus, discutant <strong>de</strong>s affaires <strong>de</strong> la légion. Ce <strong>de</strong>rnier<br />

avait déjà interrogé <strong>Maximus</strong> sur les hurlements <strong>de</strong> rire qu'il avait crû entendre au milieu <strong>de</strong> la nuit et son<br />

général lui avait expliqué la situation.<br />

"Je je dois m'excuser pour mes actions <strong>de</strong> la nuit <strong>de</strong>rnière, général," dit le praetor sur un ton calme mais<br />

pas contrit. "J'ai fait un rêve qui m'a conduit à faire ce que j'ai fait. Rêvez-vous, général ?"<br />

"Parfois," dit <strong>Maximus</strong> sur un ton neutre. Il ne voulait pas paraître inamical mais il n'était pas prêt non plus<br />

à laisser l'homme croire qu'il était pardonné.<br />

"Je rêve. Souvent. Je pense que les rêves sont <strong>de</strong>s présages qui peuvent prédire le futur."<br />

<strong>Maximus</strong> se rappela sa conversation avec Marc-Aurèle et regarda Septimius avec curiosité. "Croyez-vous<br />

aussi à l'astrologie ?"<br />

"Certainement. Jusqu'ici, ma vie semble se dérouler comme on me l'a annoncé, bien que je sois assez<br />

impatient d'atteindre la prochaine phase."<br />

"Qu'est-ce que les rêves ont à voir avec vos actes <strong>de</strong> la nuit <strong>de</strong>rnière ?"<br />

"Ils ont tout à voir, en fait. Peu <strong>de</strong> temps après que je me sois endormi, j'ai rêvé que l'empereur me<br />

<strong>de</strong>mandait <strong>de</strong> le rejoindre."<br />

"Et quand vous êtes arrivé dans la tente non éclairée, vous n'avez pas réalisé que ça n'était rien <strong>de</strong> plus<br />

qu'un rêve ?"<br />

"<strong>Maximus</strong>, vous ne comprenez pas. Vous ne pouvez pas prendre les rêves littéralement et ils sont loin<br />

d'être simples. Mon rêve signifiait que l'empereur était entrain <strong>de</strong> penser à moi à ce moment précis et je<br />

<strong>de</strong>vais aller dans un endroit proche <strong>de</strong> lui pour permettre que ses pensées à mon propos <strong>de</strong>viennent plus<br />

claires. J'étais dans un état semi-inconscient lorsque vous m'avez réveillé si brusquement. Je ne contrôlais<br />

pas vraiment ce que je faisais." <strong>Maximus</strong> reconnaissait un mensonge lorsqu'il en entendait un. Il jeta un il à<br />

Quintus qui regardait le praetor avec intérêt. "J'étais tellement secoué," poursuivit Septimius, "qu'il m'a<br />

fallut beaucoup <strong>de</strong> temps avant <strong>de</strong> pouvoir me rendormir ­ c'est la raison pour laquelle j'ai dormi si tard ce<br />

matin. Mais, quand je me suis rendormi, j'ai fait un autre rêve." L'expression <strong>de</strong> Septimius changea et il<br />

regarda <strong>Maximus</strong> avec une étrange pru<strong>de</strong>nce. "Le rêve était à votre propos."<br />

"Vraiment ?"<br />

<strong>Maximus</strong> ne savait pas combien <strong>de</strong> temps il allait laisser ce jeu continuer.<br />

"Voulez-vous l'entendre ?"<br />

<strong>Maximus</strong> haussa les épaules et Quintus hocha vigoureusement la tête, ne quittant pas l'homme <strong>de</strong>s yeux.<br />

"J'ai rêvé que votre cape en peaux <strong>de</strong> loup <strong>de</strong>venait vivante et vous dévorait. Vous luttiez et vous<br />

réussissiez à blesser mortellement le loup avec votre épée mais vous perdiez aussi le combat et vous<br />

tombiez mort, perdant votre sang, avec les crocs du loup plantés dans votre flanc. Vous leviez votre arme,<br />

cependant, et votre épée s'envolait dans l'air comme si elle avait <strong>de</strong>s ailes et elle traversait les nuages<br />

pour atterrir dans la main levée <strong>de</strong> votre plus jeune fils alors que votre aîné criait dans son agonie."<br />

<strong>Maximus</strong> regarda Septimius avec une expression amusée même si il trouvait les mots du praetor un peu<br />

dérangeants. "Je n'ai qu'un fils, Septimius," dit-il doucement.<br />

Le praetor le fixa du regard. Quintus en fit autant. Le regard <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> passa d'un homme à l'autre. "Si<br />

vous voulez bien nous excuser à présent, Quintus et moi-même avons du travail à faire."<br />

Septimius hocha la tête et sortit <strong>de</strong> la tente, non sans contempler <strong>Maximus</strong> avec un long regard pensif.<br />

Quintus exhala finalement le souffle qu'il avait retenu. "C'était inquiétant. Que penses-tu que cela veuille<br />

dire ?"<br />

180


<strong>Maximus</strong> regarda l'entrée <strong>de</strong> la tente. "C'est un homme ambitieux, Quintus, et je sais déjà combien un<br />

homme ambitieux peut être dangereux." Il jeta un il à son légat qui le regardait avec un air<br />

d'incompréhension. "Retournons à notre travail."<br />

Chapitre 92 : L'avant-poste<br />

<strong>Maximus</strong> recommença à vérifier les lignes <strong>de</strong> chiffres, mais Quintus n'était visiblement pas très concentré.<br />

Il ne cessait pas <strong>de</strong> jeter <strong>de</strong>s regards <strong>de</strong> côté à <strong>Maximus</strong> alors qu'il faisait semblant <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r les<br />

statistiques.<br />

<strong>Maximus</strong> finit par en avoir assez et reposa son dos sur le dossier <strong>de</strong> sa chaise. "A quoi penses-tu, Quintus<br />

?"<br />

Le légat répondit immédiatement à l'invite pour une conversation. "Ce rêve, <strong>Maximus</strong>. C'est très<br />

dérangeant."<br />

"Ca l'est visiblement pour certaines personnes," répondit sarcastiquement <strong>Maximus</strong>.<br />

Quintus se mit sur la défensive. "Et bien, si cela ne t'ennuie pas, ça <strong>de</strong>vrait."<br />

"Pourquoi ? Qu'est-ce que Septimius sait <strong>de</strong> moi ? Il ne savait même pas que j'avais un fils jusqu'à hier,<br />

puis il a rêvé que j'en avais <strong>de</strong>ux." <strong>Maximus</strong> soupira. "Je l'ai surpris entrain <strong>de</strong> faire quelque chose qu'il<br />

n'était pas sensé faire et il essaie simplement <strong>de</strong> me troubler pour se venger. Ca ne marchera pas."<br />

Quintus persista. "Tu pourrais avoir un autre fils dans le futur. Qui peut dire que les événements dans son<br />

rêve ne se produiront pas bientôt"<br />

"Quintus," l'interrompit <strong>Maximus</strong>, "Septimius est en vacances et il a aussi une mission. C'est un petit<br />

homme avec un grand objectif et un égo encore plus grand. Il y en a probablement <strong>de</strong>s centaines comme<br />

lui dans l'empire. Même si il arrive à rencontrer Marc-Aurèle, je ne crois pas que César le tolérera pendant<br />

très longtemps. Notre empereur sait très bien juger les personnes."<br />

"Mais" commença Quintus, mais il s'arrêta quand Cicéro entra dans la pièce.<br />

"Excusez-moi général. Cela vient juste d'arriver <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> l'empereur et c'est urgent."<br />

Cicéro remit le document à <strong>Maximus</strong>, salua Quintus et retourna dans l'ombre.<br />

<strong>Maximus</strong> examina le sceau pour s'assurer <strong>de</strong> son authenticité puis commença à lire. Un sourire se <strong>de</strong>ssina<br />

lentement sur son visage, puis il ricana. "Ecoute ça, Quintus. César a renvoyé Commo<strong>de</strong> à Rome. Il<br />

semble que même son père en ai eu assez aussi <strong>de</strong> l'avoir près <strong>de</strong> lui." Quintus sourit poliment. Lorsque<br />

<strong>Maximus</strong> poursuivit sa lecture, son expression <strong>de</strong> satisfaction joyeuse se changea en gran<strong>de</strong> inquiétu<strong>de</strong>.<br />

"Cicéro !" appela <strong>Maximus</strong>.<br />

"Monsieur ?"<br />

"Je vais partir dans quelques jours pour une semaine ou <strong>de</strong>ux. Peux-tu préparer tout ?"<br />

"Puis-je savoir où vous allez ?"<br />

"Dans le territoire Germain." <strong>Maximus</strong> regarda Quintus qui était surpris. "Une fois <strong>de</strong> plus, mon ami, je<br />

laisse la légion entre tes mains expertes."<br />

Janvier, 178 après Jésus-Christ<br />

<strong>Maximus</strong> chevauchait Scarto accompagné par plus d'une centaine <strong>de</strong> cavaliers armés, ses fourrures et sa<br />

cape rangées dans son sac. Il préférait ne pas exhiber son gra<strong>de</strong> vu qu'ils traversaient la zone<br />

démilitarisée instable entre les camps romains le long du Danube et du Rhin et les villages tribaux loin<br />

dans le territoire barbare.<br />

<strong>Maximus</strong> visitait rarement ces avant-postes romains car Marc-Aurèle avait laissé leur administration à ses<br />

généraux les moins importants pour permettre à <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong> se concentrer sur la stratégie militaire <strong>de</strong><br />

toute la frontière nord.<br />

Les avant-postes étaient peuplés par <strong>de</strong>s troupes auxiliaires et <strong>de</strong>s cohortes tournantes. Leur but était<br />

d'établir une présence romaine sur le territoire et <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r les agressives tribus locales <strong>sous</strong> contrôle en<br />

négociant constamment avec elles ­ et si cela échouait, en les forçant à se soumettre en prenant leur<br />

bétail, en brûlant les villages et en prenant <strong>de</strong>s otages. Ces tactiques étaient rarement employées car les<br />

germains et les romains avaient appris à se tolérer et se mélangeaient même, en se mariant et en<br />

effectuant <strong>de</strong>s échanges commerciaux. Il y avait habituellement très peu <strong>de</strong> problèmes à cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

l'année puisque ils étaient tous préoccupés par leur survie pure et simple au cruel hiver du nord.<br />

Mais quelque chose <strong>de</strong> terrible s'était passé. Un général romain avait disparu et les romains avaient<br />

répondu en capturant la fille d'un chef <strong>de</strong> tribu. Les nobles germaines étaient tenues en haute estime par<br />

leur peuple et la tribu Chatti était très bouleversée, disant qu'elle ne savait rien à propos du général. Pour<br />

aggraver les choses, la femme déclarait avoir été violée par <strong>de</strong>s soldats romains qui niaient tous que cela<br />

se soit produit. La situation était délicate et César sentit que <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong>vait la régler en personne pour<br />

éviter une escala<strong>de</strong> <strong>de</strong>s hostilités qui se répandraient comme un feu <strong>de</strong> brousse à travers le territoire<br />

germain. <strong>Maximus</strong> espérait qu'il n'était pas déjà trop tard.<br />

Il était assis droit sur la selle, son souffle blanc dans l'air glacé, heureux qu'il ne neige pas et que le ciel<br />

soit clair. Il était emmitouflé dans d'épaisses tuniques, <strong>de</strong>s pantalons <strong>de</strong> laine et une cape qui le couvrait<br />

<strong>de</strong>s épaules aux genoux. Ses mains étaient enveloppées dans <strong>de</strong>s lanières <strong>de</strong> cuir pour éviter les<br />

engelures et ses pieds étaient protégés par plusieurs couches <strong>de</strong> laine dans ses bottes. Il portait un simple<br />

casque sur la tête pour conserver un peu <strong>de</strong> chaleur. Il revêtirai son impressionnant uniforme <strong>de</strong> général<br />

peu avant qu'ils atteignent l'avant-poste, pour l'ai<strong>de</strong>r à établir son autorité dès le début.<br />

Après une nuit <strong>de</strong> camping à la belle étoile, enroulés dans plusieurs couvertures et installés aussi près du<br />

feu <strong>de</strong> camp qu'ils l'osaient, les homme repérèrent la tour en pierre au loin, tard dans la secon<strong>de</strong> journée.<br />

Ils s'arrêtèrent pour se reposer pendant que <strong>Maximus</strong> enfilait sa cuirasse en cuivre, sa cape et ses<br />

181


fourrures, puis ils hissèrent la bannière <strong>de</strong> l'aigle doré <strong>de</strong> Rome et s'approchèrent <strong>de</strong> l'avant-poste, leurs<br />

mains près <strong>de</strong> leurs épées et leurs corps prêts à saisir rapi<strong>de</strong>ment leurs arcs, si nécessaire.<br />

L'avant-poste était très petit et assez primitif comparé aux forteresses romaines où les hommes<br />

appréciaient le luxe <strong>de</strong> bains publics, mais ça n'était pas pire que les camps où les soldats passaient la<br />

plupart <strong>de</strong> leur temps. Tout ce qui était nécessaire était là mais il n'y avait rien <strong>de</strong> superficiel. C'était un<br />

avant-poste militaire et rien <strong>de</strong> plus, bien qu'il fut plus confortable que l'ancien fort en bois qui s'était tenu<br />

au même emplacement auparavant.<br />

Tout semblait calme, jusqu'à ce qu'une pierre lancée d'un buisson le long <strong>de</strong> la route frappe la tête <strong>de</strong><br />

Scarto juste en <strong>de</strong>s<strong>sous</strong> <strong>de</strong> l'oreille, faisant hennir le cheval et se cabrer presque à la verticale, faisant<br />

presque tomber son cavalier qui saisit désespérément la crinière <strong>de</strong> l'animal. Scarto retomba sur le sol,<br />

secouant violemment la tête et éclaboussant <strong>Maximus</strong> <strong>de</strong> son sang. Deux soldats se précipitèrent dans le<br />

buisson alors que le cheval et le cavalier tremblaient encore, et ils revinrent très rapi<strong>de</strong>ment avec le<br />

coupable. Il n'avait pas plus <strong>de</strong> douze ans et donnait <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> pied et insultait les soldats et leurs<br />

chevaux.<br />

Quand <strong>Maximus</strong> mit pied à terre et s'approcha, le corps maigre du garçon se convulsa et il cracha droit sur<br />

le visage du général, la salive touchant la joue droite <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> avant <strong>de</strong> couler dans sa barbe. Il<br />

l'essuya lentement du revers <strong>de</strong> la main. Furieux, l'un <strong>de</strong>s soldats tenant le garçon relâcha sa poigne puis<br />

frappa violemment le garçon qui tomba cul par-<strong>de</strong>ssus tête sur la route gelée.<br />

"C'est assez !" dit <strong>Maximus</strong> en attrapant le garçon par ses vêtements pour le remettre <strong>de</strong>bout. "C'est juste<br />

un enfant."<br />

Une foule curieuse s'était rassemblée et beaucoup <strong>de</strong> gens regardait le général romain retenant l'enfant<br />

effrayé avec une lèvre fendue.<br />

<strong>Maximus</strong> souleva sans effort le jeune rebelle et le remit à un autre soldat qui l'installa en travers <strong>de</strong> sa<br />

selle, sur l'estomac. "Mets le dans la prison <strong>de</strong> l'avant-poste quelques heures pour le calmer un peu."<br />

<strong>Maximus</strong> revint vers Scarto <strong>sous</strong> les huées <strong>de</strong> la foule et caressa le nez du cheval pendant qu'il examinait<br />

sa plaie sanglante. C'était profond et exigeait <strong>de</strong>s soins immédiats. Jusque là, les choses ne se passaient<br />

pas très bien. Pas bien du tout.<br />

"Dites-moi ce qui s'est passé."<br />

<strong>Maximus</strong> était assis dans la pièce principale glaciale <strong>de</strong> l'avant-poste, avec le centurion senior et un scribe<br />

qui avait l'ordre <strong>de</strong> consigner chaque mot prononcé.<br />

"J'ai vu le général Pollienus pour la <strong>de</strong>rnière fois il y a 23 jours ­ à la fin décembre. Je l'ai rencontré le matin<br />

et il est parti à la mi-journée pour faire la tournée <strong>de</strong> l'avant-poste. Personne ne l'a revu <strong>de</strong>puis."<br />

"De quoi avez-vous parlé ce matin-là ?"<br />

"Rien d'inhabituel. Juste <strong>de</strong>s sujets <strong>de</strong> routine comme les besoins en équipement et les problèmes<br />

personnels."<br />

"Les soldats qui sont ici maintenant étaient déjà les mêmes à l'époque ?"<br />

"Oui. Nous nous sommes assurés qu'aucun d'entre eux ne parte."<br />

"Vous avez mentionné <strong>de</strong>s problèmes personnels. Quels étaient-ils ?"<br />

"Une fois encore, rien d'inhabituel. Juste <strong>de</strong>s conflits normaux <strong>de</strong> personnalités et <strong>de</strong>s disputes concernant<br />

la propriété <strong>de</strong> biens. Rien <strong>de</strong> sérieux."<br />

"Comment ces problèmes furent-ils résolus ?"<br />

L'homme s'agita un peu, mal à l'aise. La plume du scribe grattait le papyrus. "Je ne comprends pas ce que<br />

vous voulez dire."<br />

"Est-ce que toutes les parties ont été satisfaites par le résultat ?"<br />

"Oui. Je présume qu'il y a eu quelques contrariétés mais rien"<br />

"D'inhabituel," <strong>Maximus</strong> finit à sa place.<br />

Le centurion se raidit. "Oui."<br />

"Je suis désolé, Oranius. C'est juste que je ne sais même pas encore si nous enquêtons sur un acci<strong>de</strong>nt,<br />

une désertion ou un meurtre."<br />

"C'est un meurtre, général."<br />

"Et comment le savez-vous ?"<br />

"Qu'est-ce que ça pourrait être d'autre ? Ces barbares nous méprisent. Ils ont eu une occasion <strong>de</strong> détruire<br />

notre chef et ils l'ont saisie."<br />

"Y a-t-il <strong>de</strong>s témoins ?"<br />

"Non."<br />

"Alors, votre théorie n'est que conjecture."<br />

"De la conjecture basée sur l'expérience monsieur."<br />

"J'ai bien peur d'avoir besoin <strong>de</strong> plus que ça avant <strong>de</strong> pouvoir accuser <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong> meurtre. Pour<br />

commencer, j'ai besoin d'un cadavre."<br />

"Nous avons cherché, monsieur, mais nous ne l'avons pas trouvé. Il a probablement été découpé et brûlé."<br />

<strong>Maximus</strong> se caressa la barbe. "Pourquoi avez-vous kidnappé la femme <strong>de</strong> la noblesse Chatti ?"<br />

"Nous la retenons jusqu'à ce que les coupables se dénoncent."<br />

"Elle dit qu'elle a été violée."<br />

"Violée !" cracha Oranius. "Personne ne l'a violée mais ça serait bien fait pour elle si c'était le cas. C'est<br />

une chienne!"<br />

<strong>Maximus</strong> se tendit. "Le viol est un <strong>de</strong>s actes les plus répréhensibles qu'un homme puisse commettre et il<br />

n'y a rien pour l'excuser."<br />

182


"Ca ne s'est pas produit."<br />

"Est-ce que la femme a été examinée par un chirurgien ?"<br />

"Non."<br />

"Pourquoi non ?"<br />

"Quelle aurait été l'utilité?"<br />

"Elle aurait pu être examinée pour chercher <strong>de</strong>s signes <strong>de</strong> violence, <strong>de</strong>s contusions"<br />

"Elle a probablement été un peu secouée quand elle a été capturée. Ca ne prouve rien."<br />

<strong>Maximus</strong> étudia le visage plein <strong>de</strong> ressentiment <strong>de</strong> l'homme en face <strong>de</strong> lui. "Bien, Oranius, voilà ce qui va<br />

se passer. Je vais interroger chaque soldat un par un et je ne veux pas qu'ils me racontent tous la même<br />

histoire en se servant <strong>de</strong>s mêmes mots si vous voyez ce que je veux dire. Je vais aussi parler à la Chatti<br />

pour avoir sa version <strong>de</strong> l'histoire. Je veux <strong>de</strong>ux traducteurs avec moi pour ça un Romain et un Chatti."<br />

"Ca ne sera pas nécessaire. La chien la femme parle le latin."<br />

"Bien, ça rend les choses plus faciles. Faites les arrangements, s'il vous plaît. Je commencerai à interroger<br />

les soldats à la première heure <strong>de</strong>main. Rompez."<br />

Oranius jeta un regard mauvais à <strong>Maximus</strong> avant <strong>de</strong> quitter la pièce en claquant la porte <strong>de</strong>rrière lui.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda le jeune soldat qui servait <strong>de</strong> scribe. "Je sens qu'il va être très coopératif. Cette enquête<br />

va être rapi<strong>de</strong>." Le jeune homme sourit pour montrer sa sympathie. "Vous pouvez partir aussi, soldat, mais<br />

je vais avoir à nouveau besoin <strong>de</strong> vous <strong>de</strong>main."<br />

"Merci, général." Tarius rassembla ses documents. "Si je peux me permettre, monsieur nous n'avons<br />

jamais vu un officiel <strong>de</strong> votre gra<strong>de</strong> ici alors ceux qui sont déjà ici pensent que leur autorité est usurpée."<br />

"C'est le cas."<br />

Tarius regarda le visage sérieux <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> puis vit un lent sourire détendre les traits du général,<br />

adoucissant immédiatement son air sévère.<br />

Tarius se mit à rire. "Oui, je suppose que c'est le cas. Dormez bien, général."<br />

<strong>Maximus</strong> posa ses cou<strong>de</strong>s sur le bureau <strong>de</strong>vant lui et passa ses doigts dans ses cheveux courts, poussa<br />

un profond soupir, soudain envahi par la fatigue. Il ferma les yeux. Après quelques secon<strong>de</strong>s, sa tête<br />

tomba brusquement puis il se redressa violemment, luttant pour rester éveillé. Il entendit un rire qui venait<br />

<strong>de</strong> l'entrée et essaya <strong>de</strong> faire le point avec ses yeux fatigués pour voir qui était là.<br />

"Excusez-moi, monsieur," dit Tarius en souriant, "mais est-ce que quelqu'un vous a montré où vous <strong>de</strong>viez<br />

dormir ?"<br />

<strong>Maximus</strong> posa son menton sur sa main pour redresser sa tête, eut un sourire désabusé, et secoua<br />

négativement la tête.<br />

"Vous pourriez dormir sur le bureau, monsieur, mais je pense que je peux vous trouver un endroit plus<br />

confortable. L'avant-poste est plutôt peuplé, mais je suis sûr que nous pouvons trouver un coin où vous<br />

pouvez avoir un peu d'intimité. Je crois que la chambre du général est libre," dit Tarius sans ironie.<br />

<strong>Maximus</strong> suivit le jeune soldat, content <strong>de</strong> trouver au moins quelqu'un d'amical dans cet endroit isolé.<br />

La chambre du général était un peu plus luxueuse que ce à quoi <strong>Maximus</strong> s'était attendu. Elle n'était pas<br />

très gran<strong>de</strong> mais elle était meublée avec opulence. "Est-ce qu'on a déplacé quelque chose ici ?" <strong>de</strong>manda<br />

<strong>Maximus</strong>.<br />

"Je ne sais pas, monsieur. C'est possible."<br />

<strong>Maximus</strong> parcourut la pièce du regard et aperçut une paire <strong>de</strong> chaussures féminines sur le sol près du lit.<br />

"Le général était marié ?"<br />

"Oui."<br />

"Sa femme était ici avec lui ?"<br />

"Non. Elle est a Rome, je crois."<br />

<strong>Maximus</strong> ramassa les chaussures. "Alors elles appartiennent à?"<br />

"Sa maîtresse."<br />

"Et où est-elle ?"<br />

"Elle a disparu aussi."<br />

"Quand ?"<br />

"En même temps que le général."<br />

"Je vois. Je suppose que ne pas mentionner ce fait était juste un léger oubli <strong>de</strong> la part d'Oranius."<br />

"Un léger, monsieur," acquiesça Tarius.<br />

<strong>Maximus</strong> mit les mains sur ses hanches et observa la pièce. Il y avait beaucoup plus à faire avant qu'il<br />

puisse trouver le repos ce soir. "Merci, Tarius. Je vous vois <strong>de</strong>main matin."<br />

Chapitre 93 : Un Vieil Ami<br />

Au milieu <strong>de</strong> la matinée, <strong>Maximus</strong> avait interrogé la moitié <strong>de</strong>s soldats <strong>de</strong> l'avant-poste. A la moitié <strong>de</strong><br />

l'après-midi, il avait presque fini ­ et il n'avait rien appris.<br />

Quelques soldats étaient sur la défensive, comme Oranius l'avait été, d'autres déclaraient ne rien savoir, et<br />

nombre d'entre eux étaient tellement impressionnés par la présence d'un si grand militaire qu'ils pouvaient<br />

à peine parler. <strong>Maximus</strong> griffonnait <strong>de</strong>s notes pendant que les hommes parlaient mais il préférait observer<br />

leurs yeux et leurs postures. Il faisait confiance à l'omniprésent Tarius pour le détail <strong>de</strong>s conversations.<br />

"Au suivant," dit <strong>Maximus</strong>, la tête penchée comme il écrivait quelques mots. Un nouveau soldat s'assit sur<br />

la chaise <strong>de</strong> l'autre côté du bureau. Le général lui jeta un coup d'il puis regarda à nouveau ses notes.<br />

"Votre nom ?"<br />

"Tu ne me reconnais pas, n'est-ce pas <strong>Maximus</strong>."<br />

183


Surpris, <strong>Maximus</strong> redressa la tête et fronça les sourcils en étudiant l'homme <strong>de</strong>vant lui. Il le connaissait ?<br />

Le soldat sourit d'un air compréhensif et imita la voix plaintive d'un enfant, "Je ne t'ai jamais dit qu'on m'a<br />

donné le nom d'un empereur ?"<br />

La bouche <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> s'ouvrit tout grand. "Lucius ? Lucius ?" répéta-t-il..<br />

Lucius sourit.<br />

<strong>Maximus</strong> se leva <strong>de</strong> sa chaise et fit le tour du bureau en un éclair, serrant son ami d'enfance dans ses<br />

bras. "Tu es en train <strong>de</strong> me briser le dos!" se plaint Lucius avec le peu <strong>de</strong> souffle qu'il lui restait et <strong>Maximus</strong><br />

relâcha immédiatement son étreinte mais continua <strong>de</strong> tenir les épaules <strong>de</strong> Lucius alors qu'il l'étudiait.<br />

"Tu tu as l'air tellement différent," dit <strong>Maximus</strong> en riant, en voyant la tête presque chauve et le ventre<br />

épaissi <strong>de</strong> son ami.<br />

"Toi aussi. Ce que j'ai perdu sur ma tête, tu l'as gagné sur le visage." Lucius tira gentiment sur la barbe <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong>. "Tu ne portais pas cet accoutrement non plus la <strong>de</strong>rnière fois que je t'ai vu. Et ta voix est<br />

<strong>de</strong>venue légèrement plus grave. Mais j'aurais reconnu ces yeux n'importe où."<br />

"Viens et assieds-toi."<br />

<strong>Maximus</strong> tira la chaise du soldat <strong>de</strong> son côté du bureau et fit signe à Lucius <strong>de</strong> s'asseoir. Le général vit<br />

alors un groupe d'hommes rassemblés à l'entrée <strong>de</strong> la pièce qui se tordaient le cou pour voir ce qui se<br />

passait et il les chassa d'un geste impatient <strong>de</strong> la main. "Que regar<strong>de</strong>nt-ils ?" murmura-t-il.<br />

"Tu les terrifies et ils n'arrivent pas à croire que je viens <strong>de</strong> tirer sur ta barbe," dit Lucius en souriant. "Je<br />

leur ai dit que je te connaissais <strong>de</strong> l'époque où nous sommes entrés dans l'armée quand nous étions<br />

encore <strong>de</strong>s enfants, et ils ne m'ont pas cru. Ils sont là pour me voir me faire humilier. Merci <strong>de</strong> ne pas avoir<br />

laissé ça se produire."<br />

"Tarius," dit <strong>Maximus</strong> au scribe, "donnez-nous un peu <strong>de</strong> temps en privé à moi et à mon ami. Je parlerai<br />

aux soldats qui restent plus tard."<br />

"Je crois que c'est terminé. Il est le <strong>de</strong>rnier," dit le jeune homme en rassemblant ses notes. Il quitta la<br />

pièce, fermant la porte <strong>de</strong>rrière lui.<br />

"Oh bien," soupira <strong>Maximus</strong>. " Il tira sur ses fourrures et sa cape et les laissa tomber sur le sol. "Je<br />

commençais à être fatigué et à m'ennuyer." Il sourit à Lucius. "Nous avons beaucoup <strong>de</strong> temps à rattraper<br />

et, s'il te plaît, appelle-moi <strong>Maximus</strong>. C'est bon <strong>de</strong> te revoir. Depuis combien <strong>de</strong> temps es-tu ici ?"<br />

"Douze ans."<br />

"Quoi ?!"<br />

"C'est vrai. Avant, j'étais à un avant-poste dans l'Est. C'est tout. Fin <strong>de</strong> mon histoire."<br />

"Ca fait longtemps pour un endroit aussi brutal. Je pensais que les hommes changeaient d'endroit plus<br />

souvent que ça."<br />

"Dans l'armée régulière, oui. Je suis dans l'auxiliaire, tu te souviens ? Secon<strong>de</strong> classe <strong>de</strong>puis toujours."<br />

Il n'y avait pas d'amertume dans la voix <strong>de</strong> Lucius et il rit en voyant l'inquiétu<strong>de</strong> sur le visage <strong>de</strong> son ami.<br />

"Ca n'est pas si pénible, <strong>Maximus</strong>. Etre dans le même endroit aussi longtemps permet <strong>de</strong> s'enraciner. J'ai<br />

une famille ici."<br />

"Une femme Germaine ?" <strong>de</strong>vina <strong>Maximus</strong>.<br />

"Oui, nous avons quatre enfants. Trois filles et un garçon et toi ?"<br />

"J'ai une femme en Espagne et un fils, Marcus."<br />

"Mais ton assignation est en Germanie."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha tristement la tête. "Nous ne nous voyons pas souvent. Parfois, il se passe <strong>de</strong>s années<br />

entre chaque visite."<br />

"Je suis désolé <strong>de</strong> l'apprendre. Ma vie est meilleure que la tienne <strong>sous</strong> certains aspects, alors," remarqua<br />

Lucius.<br />

"Tu as peut être raison."<br />

"Qu'est-il arrivé à ce misérable Quintus ?"<br />

<strong>Maximus</strong> gloussa. "Il est mon légat."<br />

"Tu veux dire que tu es son supérieur ?" Le sourire du général ne faiblit pas. "Ahhh ça c'est <strong>de</strong> la justice.<br />

Mais, comment cela est-il arrivé ? Tu venais d'un milieu humble."<br />

"Oui, mais l'empereur s'est arrangé pour que je sois adopté par une famille sénatoriale pour que j'arrive là<br />

où je suis aujourd'hui."<br />

"Tu pourrais aller encore plus loin."<br />

"Ca ne m'intéresse pas," dit <strong>Maximus</strong>, puis il écarta la conversation <strong>de</strong> lui-même. "Que fais-tu ici ?"<br />

"J'ai découvert que j'étais doué pour les langues. Je suis le traducteur ici puisque je parle <strong>de</strong> nombreux<br />

dialectes Germains. Je ne suis pas un guerrier. Je ne suis pas assez costaud ni assez fort pour cela. Ma<br />

femme en est tout aussi heureuse."<br />

"Tu traduisais pour le général Pollienus ?"<br />

"Oui."<br />

"Alors tu le connaissais plutôt bien ?"<br />

"Aussi bien que n'importe qui d'autre. Il n'était pas très amical assez distant."<br />

<strong>Maximus</strong> regarda son ami. "Tu m'as été envoyé par les dieux, Lucius."<br />

"Je serais heureux <strong>de</strong> t'ai<strong>de</strong>r autant que je peux, <strong>Maximus</strong>, mais j'ai bien peur <strong>de</strong> ne pas en savoir plus que<br />

les autres."<br />

"Penses-tu qu'il ait été assassiné ?"<br />

Lucius haussa les épaules. "Je n'en suis pas sûr."<br />

"Que penses-tu ?"<br />

184


"Non, je ne crois pas qu'il ait été tué." Lucius jeta un il à la porte fermée. "<strong>Maximus</strong>, un avant-poste est une<br />

petite communauté Romaine aux abords d'une vaste mer <strong>de</strong> gens qui aimeraient nous voir partir. Nous<br />

sommes isolés. Le reste <strong>de</strong> l'armée ne nous prête pas beaucoup d'attention à moins que quelque chose<br />

aille mal. Alors ça peut être un endroit fantastique pour un homme avi<strong>de</strong> pour réaliser ses ambitions. C'est<br />

un endroit mûr pour la corruption." <strong>Maximus</strong> hocha la tête pour montrer qu'il comprenait, l'encourageant à<br />

poursuivre. Lucius se pencha vers l'avant, ses avant-bras posés sur ses genoux, et il baissa le ton en<br />

regardant <strong>Maximus</strong> sérieusement. "J'ai eu d'autres responsabilités ici. J'ai travaillé dans les stocks pendant<br />

un moment. Le comptable est venu me voir et m'a posé <strong>de</strong>s questions. Il a trouvé <strong>de</strong>s irrégularités. Quand<br />

il les a signalé au général, il a été transféré ailleurs et on m'a retiré mon poste."<br />

<strong>Maximus</strong> se mit dans une posture semblable à celle <strong>de</strong> son ami, leurs visages proches. "Quelle sorte<br />

d'irrégularités ?" <strong>de</strong>manda-t-il.<br />

"Des marchandises qui ne correspondaient pas aux comman<strong>de</strong>s. Des livres <strong>de</strong> comptes qui ne<br />

s'équilibraient pas."<br />

"Quelqu'un volait <strong>de</strong>s marchandises ?"<br />

"Il semblait, oui."<br />

"Pourquoi ? Pour les vendre ?"<br />

"Probablement. Il a une forte <strong>de</strong>man<strong>de</strong> parmi les Germains pour <strong>de</strong>s articles Romains. Ils paient bien."<br />

"Comment paient-ils ? Leur monnaie ne vaut rien pour nous."<br />

"Des femmes et <strong>de</strong>s enfants. Filles et garçons."<br />

"Quoi ?!" <strong>Maximus</strong> laissa tomber sa tête dans ses mains et parla vers le sol. "Un trafic d'esclaves. Le<br />

général Pollienus a rempli ses poches puis il a disparu ?"<br />

"C'est très possible."<br />

"Et la déclaration <strong>de</strong> sa disparition pourrait être seulement une couverture. Si c'est le cas, Oranius est peut<br />

être impliqué aussi et probablement d'autres."<br />

<strong>Maximus</strong> s'adossa à sa chaise, ferma les yeux et secoua la tête. "Pourquoi une tribu vendrait-elle ses<br />

propres femmes et ses enfants ?"<br />

"Ils ne le font pas. Ils les capturent dans d'autres tribus."<br />

"Et en ce faisant, ils alimentent la discor<strong>de</strong> entre les tribus."<br />

Lucius acquiesça. "Ils se battent entre eux sans arrêt jusqu'à ce qu'un ennemi commun apparaisse. Alors il<br />

est étonnant <strong>de</strong> voir à quel point ils s'unissent rapi<strong>de</strong>ment."<br />

"La maîtresse <strong>de</strong> Pollienus c'était vraiment une esclave ?"<br />

"Oui."<br />

"Alors, il disparaît opportunément avec un tas d'argent provenant <strong>de</strong> la vente <strong>de</strong>s esclaves et personne ne<br />

le cherche parce qu'on pense qu'il a été assassiné. Puis on rend les Chattis responsables <strong>de</strong> sa<br />

disparition, pour tout couvrir, et la fille du chef <strong>de</strong> la tribu est enlevée pour faire une démonstration à<br />

Rome."<br />

"Intelligent, hein ?"<br />

"Je sais que tu n'es pas trop au courant <strong>de</strong> ce qui se passe au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> cet avant-poste, Lucius, mais toute<br />

la frontière nord fume comme un volcan et il ne faudrait pas beaucoup plus qu'un inci<strong>de</strong>nt comme celui-ci<br />

pour déclencher une éruption." <strong>Maximus</strong> secoua misérablement la tête. "Les répercussions <strong>de</strong> cet<br />

événement pourraient vraiment être très sérieuses."<br />

"Je doute que le général Pollienus s'en préoccupe. Il est probablement dans un coin sûr <strong>de</strong> l'empire<br />

maintenant. En Britannie, sans aucun doute. Je parierais que Oranius prévoyait <strong>de</strong> disparaître aussi. Puis<br />

tu es arrivé et tu as tout fichu par terre."<br />

"J'ai l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> faire ça." <strong>Maximus</strong> sourit brièvement, puis son expression re<strong>de</strong>vint sérieuse. "Il y a <strong>de</strong>s<br />

signes d'agitation dans les tribus à l'extérieur <strong>de</strong> l'avant-poste. Qu'arriverait-il si nous relâchions<br />

simplement la Chatti pour apaiser son peuple ?"<br />

"N'oublies pas qu'elle dit qu'elle a été violée."<br />

"Sais-tu si ça peut être vrai ?"<br />

"Je ne sais pas. Franchement, <strong>Maximus</strong>, peu d'hommes ici s'inquiéteraient <strong>de</strong> savoir si elle l'a été ou non.<br />

Ils la considèrent comme une barbare, rien <strong>de</strong> plus."<br />

"Tu es marié à une Germaine. D'autres homme n'ont-ils pas fait <strong>de</strong> même ?"<br />

"Très peu. Les cohortes changent tous les ans. Les soldats n'ont pas grand chose à faire <strong>de</strong>s femmes<br />

indigènes sauf quand c'est pour satisfaire leurs désirs. C'est seulement les hommes <strong>de</strong> l'auxiliaire ­ comme<br />

moi ­ qui se sont mariés."<br />

"Alors, la tribu <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rait réparation pour le viol. Quoi ?"<br />

"La mort <strong>de</strong> l'homme, ou <strong>de</strong>s hommes, qui sont coupables."<br />

"Et si nous ne savons pas qui sont ces hommes ?"<br />

"Alors ils <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ront à choisir un ou <strong>de</strong>ux soldats, et ils les tortureront à mort."<br />

"Peut être <strong>de</strong>s hommes innocents."<br />

"Oui." Lucius se pencha et donna une tape au genou <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. "Tu as un sacré problème sur les bras,<br />

mon ami."<br />

<strong>Maximus</strong> se frotta les yeux comme pour essayer <strong>de</strong> faire disparaître un mal <strong>de</strong> tête. "J'ai plus l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

tenir une arme que <strong>de</strong> jouer les diplomates."<br />

"Je suis sûr que tu es très doué pour les <strong>de</strong>ux," répondit Lucius avec <strong>de</strong> l'admiration dans la voix.<br />

"Il y a <strong>de</strong>s années quand nous étions petits qui aurait <strong>de</strong>viné que nous finirions dans nos postes<br />

respectifs."<br />

185


"Que toi tu sois général ­ et commandant <strong>de</strong> toutes les légions du nord ­ ne me surprends pas du tout.<br />

Même alors, je savais que tu étais quelqu'un <strong>de</strong> spécial."<br />

<strong>Maximus</strong> eut l'air perplexe. "Je ne m'en rendais pas compte. D'autres oui, mais pas moi."<br />

"Un homme bon reconnaît rarement la gran<strong>de</strong>ur en lui."<br />

"Quand es-tu <strong>de</strong>venu si philosophique ?"<br />

"Les longues nuits froi<strong>de</strong>s en Germanie ren<strong>de</strong>nt un homme comme ça. Ou bien alors il <strong>de</strong>vient fou."<br />

"Je suis désolé <strong>de</strong> ne pas avoir vu ton potentiel." <strong>Maximus</strong> sourit soudainement, montra le loup sur sa<br />

cuirasse et leva les sourcils. "Je peux rectifier ça, tu sais," murmura-t-il sur un ton conspirateur.<br />

Lucius rit. "Merci <strong>Maximus</strong>, mais je suis chez moi ici, à présent. J'ai ma famille et c'est suffisant."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête avec un regard lointain. "C'est assez pour tout homme."<br />

Chapitre 94 : L'Otage<br />

<strong>Maximus</strong> ouvrit la lour<strong>de</strong> porte en bois puis se baissa rapi<strong>de</strong>ment quand il aperçut quelque chose volant<br />

vers sa tête. L'assiette éclata contre le mur, éclaboussant le général <strong>de</strong> verre, et les <strong>de</strong>ux gar<strong>de</strong>s<br />

traversèrent précipitamment la pièce, saisirent les poignets <strong>de</strong> la femme et immobilisèrent ses bras contre<br />

le mur en pierre. Elle hurla après les gar<strong>de</strong>s dans un langage que <strong>Maximus</strong> ne comprit pas, puis elle<br />

tourna son regard vers lui alors qu'il se redressait lentement, ôtait le verre <strong>de</strong> sa cape en fourrure et<br />

s'approchait d'elle.<br />

Il ne s'approcha pas d'elle à plus d'un mètre mais elle réussit quand même à lui cracher <strong>de</strong>ssus, sa salive<br />

l'atteignant sur sa joue droite. Lucius et Tarius s'exclamèrent <strong>de</strong>vant son effronterie mais <strong>Maximus</strong> se<br />

contenta <strong>de</strong> soupirer et d'essuyer son visage contre son épaule. "Je crois que j'ai rencontré ton frère,"<br />

murmura-t-il, puis il ordonna aux gar<strong>de</strong>s d'attacher la femme à une chaise.<br />

Il tourna le dos à la femme qui hurlait toujours et prit une autre chaise en bois qu'il plaça juste au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la<br />

distance à laquelle elle pouvait l'atteindre. Il la tourna à l'envers et s'assit, avec ses avant bras posés sur le<br />

dossier et ses jambes <strong>de</strong> chaque côté <strong>de</strong> l'assise. "Je sais que vous parlez Latin, ma Dame, alors pourquoi<br />

ne commençons-nous pas."<br />

Elle leva les sourcils et feignit l'ignorance. Elle était <strong>de</strong> taille moyenne et mince, avec <strong>de</strong>s cheveux bruns<br />

filasses et un visage sale. Ses vêtements étaient en laine marron simple et très sales. Ses pieds,<br />

également sales, étaient nus. Une forte o<strong>de</strong>ur âcre émanait d'elle, faisant se tordre le nez <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. Il<br />

n'y avait rien <strong>de</strong> remarquable chez elle, à part ses yeux bleus qui lançaient <strong>de</strong>s éclairs et qui en disaient<br />

long sur ce qu'elle aurait bien aimé faire au général Romain. Elle l'insulta dans sa langue et en Latin et<br />

cracha encore dans sa direction, complètement à côté <strong>de</strong> lui cette fois.<br />

<strong>Maximus</strong> resta impassible en apparence. "Je suis le général <strong>Maximus</strong> Decimius Meridius. Je comman<strong>de</strong><br />

les légions <strong>de</strong> l'armée Romaine dans le Nord. Je suis ici à cause <strong>de</strong> la disparition du général Pollienus et<br />

<strong>de</strong> votre enlèvement. J'enquête sur les <strong>de</strong>ux événements, et aussi sur votre déclaration <strong>de</strong> viol par les<br />

soldats Romains." Elle le foudroya du regard. "Vous vous appelez ?"<br />

"Ca n'est pas votre putain d'affaire."<br />

<strong>Maximus</strong> cligna <strong>de</strong>s yeux et se redressa inconsciemment. C'était une noble Chatti ? "D'accord. Je vais<br />

vous appeler simplement 'ma Dame', dans ce cas."<br />

Elle ricana.<br />

Il força ses épaules à se relâcher. "J'aimerais que vous me disiez ce qui vous est arrivé."<br />

"J'ai déjà raconté mon histoire," dit-elle, la voix tendue par l'amertume.<br />

"Pas à moi et je voudrais l'entendre <strong>de</strong> votre bouche plutôt que par les soldats."<br />

"Pourquoi général ça va vous exciter ?"<br />

"Pas du tout, je vous assure," répondit <strong>Maximus</strong> sans hésitation, mais il décida <strong>de</strong> tenter une autre<br />

approche. "Avez-vous faim ?"<br />

"Qu'est-ce que ça peut vous faire ?" <strong>de</strong>manda-t-elle sèchement en secouant la tête, essayant <strong>de</strong><br />

repousser <strong>de</strong>s mèches <strong>de</strong> cheveux <strong>de</strong> ses yeux.<br />

<strong>Maximus</strong> se tourna et s'adressa aux hommes <strong>de</strong>rrière lui. "Gar<strong>de</strong>s, il fait froid ici. Faites du feu. Lucius, voit<br />

si tu peux lui trouver <strong>de</strong>s vêtements propres, et Tarius, apporte <strong>de</strong> la nourriture et du vin."<br />

Les hommes quittèrent silencieusement la pièce pour exécuter les ordres du général.<br />

"Vous me voulez pour vous tout seul, général ?"<br />

"Pas particulièrement."<br />

"Pourquoi, quelque chose ne va pas chez vous ?"<br />

"Non, je ne trouve pas les filles maigrichonnes, sales et impolies très attirantes, c'est tout."<br />

Elle fut momentanément abasourdie puis lança une nouvelle attaque. "Bien sûr, vos putains portent les<br />

plus beaux vêtements et se baignent dans le parfum tous les jours."<br />

<strong>Maximus</strong> ne mordit pas à l'hameçon. "Laissez-moi encore vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r que vous est-il arrivé ?"<br />

"A votre avis, idiot <strong>de</strong> Romain." Elle tordit ses bras mais les liens tinrent bon alors elle donna <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong><br />

pieds dans sa chaise, <strong>de</strong> frustration.<br />

Il essaya <strong>de</strong> <strong>de</strong>viner quel âge elle pouvait avoir. Seize ans ? Dix-sept ans ? Malgré ses brava<strong>de</strong>s, c'était<br />

juste une piteuse jeune fille effrayée. "Qui vous a amenée ici ?" <strong>de</strong>manda-t-il gentiment.<br />

Elle serra les lèvres.<br />

Lucius revint avec <strong>de</strong> la nourriture. "Pose ça là-bas, s'il te plaît." <strong>Maximus</strong> désigna une table près <strong>de</strong> la<br />

femme. Elle ne pouvait pas l'atteindre, mais elle pouvait la sentir.<br />

Elle fronça les sourcils en regardant Lucius puis se tourna vers <strong>Maximus</strong> avec les sourcils levés. "C'est<br />

votre esclave ?" <strong>de</strong>manda-t-elle sarcastiquement.<br />

186


"Non, c'est mon ami."<br />

"Vous avez <strong>de</strong>s amis, général ? C'est fou ce qu'un bel uniforme peut acheter, n'est-ce pas ?"<br />

<strong>Maximus</strong> répondit à cette remarque par un hochement <strong>de</strong> tête. "Aimeriez-vous boire quelque chose ?" Ses<br />

yeux se posèrent sur la table puis revinrent sur le visage <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. Elle resta silencieuse, le défiant du<br />

regard. "Parlez-moi et vous pourrez manger et boire."<br />

Elle déglutit involontairement mais ne dit rien.<br />

La patience <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> avait atteint ses limites. "Excusez-moi ma Dame," dit-il, en se levant, la chaise<br />

entre ses jambes, "mais vous pourrez prévenir les gar<strong>de</strong>s quand vous serez prête à parler. D'ici là, j'ai <strong>de</strong><br />

meilleures façons d'occuper mon temps."<br />

Il passa sa jambe par-<strong>de</strong>ssus l'assise <strong>de</strong> la chaise et se dirigea vers la porte.<br />

Elle le regarda avec circonspection, ne croyant pas vraiment qu'il allait partir. Il sortit.<br />

De l'autre côté <strong>de</strong> la porte, <strong>Maximus</strong> fit signe à Lucius <strong>de</strong> s'approcher puis murmura après que la porte fut<br />

fermée, même si la jeune fille ne pouvait pas entendre. "Lucius, cette femme empeste. Quand a-t-elle pris<br />

un bain et a changé <strong>de</strong> vêtements pour la <strong>de</strong>rnière fois ? "<br />

"Il y a <strong>de</strong>s semaines. Elle ne veut pas ôter ses vêtements."<br />

"Si elle a été violée, c'est compréhensible. Mais je ne peux pas m'asseoir et lui parler à nouveau tant<br />

qu'elle sentira aussi fort."<br />

Lucius hocha la tête et déclara pensivement, "Ma femme va peut être pouvoir nous ai<strong>de</strong>r."<br />

Une heure plus tard, une baignoire pleine d'eau chau<strong>de</strong> était installée sur le sol <strong>de</strong> la chambre avec du<br />

savon et <strong>de</strong>s serviettes douces posées juste à côté, avec <strong>de</strong>s vêtements simples, mais propres.<br />

La jolie femme pulpeuse <strong>de</strong> Lucius, Erika, fit un sourire d'encouragement à l'otage en remontant ses<br />

manches, se préparant à l'action. Lucius surveillait les opérations <strong>de</strong>puis une chaise dans un coin <strong>de</strong> la<br />

pièce et <strong>de</strong>ux gar<strong>de</strong>s se tenaient juste <strong>de</strong>rrière la porte fermée.<br />

"Que croyez-vous faire ?" <strong>de</strong>manda la jeune fille attachée dans son langage. Elle avait reconnu la femme<br />

<strong>de</strong> Lucius.<br />

"Je me prépare à vous ai<strong>de</strong>r à prendre votre bain, ma Dame. Le général pense que vous puez."<br />

Les yeux <strong>de</strong> la Chatti s'écarquillèrent <strong>de</strong> surprise et elle gronda, outragée, "Comment ose-tu te mettre <strong>de</strong><br />

son côté. Tu es l'une <strong>de</strong>s nôtres !"<br />

"Je pense aussi que vous sentez mauvais. Où est votre dignité, ma Dame ? Vous avez l'air d'une souillon,<br />

pas <strong>de</strong> la noble dame que vous êtes.<br />

"Et toi, tu es mariée avec un Romain !" Elle désigna Lucius d'un mouvement <strong>de</strong> tête. "Tu a trahi ton<br />

peuple!"<br />

"Non, je ne suis pas une traîtresse, ma Dame. Seulement une épouse et une mère heureuse qui<br />

comprends ce qui est important dans la vie. A présent prenez votre bain, d'accord ?"<br />

Les commentaires sur son o<strong>de</strong>ur avaient l'avait apparemment touchée. L'otage regarda Lucius d'un air<br />

maussa<strong>de</strong>. "Dis-lui <strong>de</strong> partir," <strong>de</strong>manda-t-elle a sa femme.<br />

"Je ne vais pas laisser ma femme seule avec vous, ma Dame. Je n'ai aucune envie <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r, je vous<br />

assure," répondit Lucius avec conviction.<br />

"Alors tournez votre chaise vers le mur !"<br />

Lucius soupira et s'exécuta. Peu <strong>de</strong> temps après, il entendit l'eau éclabousser la baignoire.<br />

Lucius trouva <strong>Maximus</strong> au sommet <strong>de</strong> la tour en pierre, <strong>de</strong>bout dans l'air glacial. Il regardait les immenses<br />

bûchers qui ponctuaient le paysage sombre entourant l'avant-poste. Des voix <strong>de</strong> Chattis lui parvenaient.<br />

Quatre gar<strong>de</strong>s se tenaient <strong>de</strong>rrière le général, agités, leur nervosité apparente. Sans quitter les feux <strong>de</strong>s<br />

yeux, <strong>Maximus</strong> dit "Regar<strong>de</strong> les feux, Lucius. Là, c'est juste une démonstration <strong>de</strong> force mais si leur<br />

nombre augmente nous aurons <strong>de</strong>s problèmes. Personne ne sortirait <strong>de</strong> cet endroit vivant. Je vais<br />

renvoyer un soldat à Bonna ce soir en profitant <strong>de</strong> la nuit, pour ramener trois cohortes <strong>de</strong> plus ici." Il eut un<br />

sourire sinistre. "C'est un peu comme être coincé sur une île minuscule entourée <strong>de</strong> requins affamés."<br />

Avec une familiarité décontractée, Lucius posa une main apaisante sur l'épaule <strong>de</strong> son ami et il ne put<br />

contenir l'excitation dans sa voix. "<strong>Maximus</strong>, regar<strong>de</strong> ça." Un collier en or très travaillé, parsemé <strong>de</strong> petites<br />

pierres, pendait <strong>de</strong> sa main. "Ma femme l'a trouvé caché dans les vêtements <strong>de</strong> notre otage Chatti, avec<br />

d'autres trésors <strong>de</strong> ce genre. C'est pour cela qu'elle ne voulait pas ôter ses habits." Lucius retourna le<br />

collier dans sa main pour que <strong>Maximus</strong> puisse l'examiner à la lumière <strong>de</strong> la lampe. "C'est Romain et ça<br />

vaut probablement beaucoup d'argent. Il n'y a aucun endroit dans les alentours où elle aurait pu l'avoir, à<br />

moins que quelqu'un ne le lui ait donné." Lucius regarda <strong>Maximus</strong> avec fierté. "Elle est prête à parler."<br />

L'atmosphère <strong>de</strong> la pièce était vraiment différente que quand <strong>Maximus</strong> en était sorti. Les fenêtres avaient<br />

été ouvertes pour laisser entrer l'air frais qui était réchauffé par un bon feu craquant qui éclairait les murs<br />

d'une lumière chaleureuse. Il ne restait que <strong>de</strong>s miettes dans les assiettes sur la table et l'otage Chatti était<br />

assise avec un air réservé, les mains sur ses genoux. Ses cheveux fraîchement lavés étaient encore<br />

humi<strong>de</strong>s mais brillaient d'un doux éclat doré dans la lumière du feu. Sa peau était sans défaut et un peu<br />

rosée à cause <strong>de</strong> l'émotion. Ses yeux étaient d'un bleu lumineux. C'était une belle femme.<br />

<strong>Maximus</strong> sourit et remercia Erika d'un signe <strong>de</strong> tête. Elle rougit en lui retournant son sourire puis elle<br />

ramassa les serviettes mouillées et quitta la pièce.<br />

"Ma Dame," dit <strong>Maximus</strong> en s'asseyant. "Je pense que vous vous sentez mieux. Voulez-vous me dire votre<br />

nom, à présent ?"<br />

Elle le regarda avec un air renfrogné mais elle finit par murmurer une réponse.<br />

<strong>Maximus</strong> se pencha en avant et inclina la tête en signe d'interrogation. "Pardon ?"<br />

"Freyda !" lui cria-t-elle, visiblement pas <strong>de</strong> meilleure humeur.<br />

187


Il se recula à nouveau dans le fond <strong>de</strong> sa chaise. "Merci, Freyda."<br />

"De rien <strong>Maximus</strong>."<br />

Il inclina brièvement la tête, indiquant qu'il lui permettait <strong>de</strong> s'adresser à lui ainsi, puis il sortit le collier <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>dans sa cape et l'agita <strong>de</strong>vant elle. "Où avez-vous eu cela, ma Dame ?"<br />

Elle détourna les yeux et refusa <strong>de</strong> répondre.<br />

<strong>Maximus</strong> attendit longtemps en silence jusqu'à ce qu'elle commence à s'agiter <strong>sous</strong> son regard.<br />

"Ma Dame, savez-vous ce qui peut arriver à un esclave dans l'empire Romain ?" Elle détourna la tête et<br />

ferma les yeux. "La faim, les coups, la torture, le viol, la mutilation et même le meurtre." Il lui montra encore<br />

le collier. "Est-ce que ce bijou vaut que ne serait-ce qu'un seul enfant subisse ce sort ?" Il étudia son profil.<br />

Il la vit déglutir et sa lèvre inférieure trembla légèrement.<br />

Elle pinça les lèvres avec un air obstiné.<br />

La voix <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était calme. "J'ai connu une femme qui était née esclave. Une femme courageuse,<br />

intelligente et belle qui était donnée à tous les hommes que son maître jugeait convenables même<br />

lorsqu'elle était enfant. En dépit <strong>de</strong> ses nombreuses qualités, elle pensait à se donner la mort plutôt que<br />

d'endurer une vie aussi humiliante et douloureuse." <strong>Maximus</strong> se pencha à nouveau vers Freyda, la forçant<br />

à rencontrer son regard. "Qu'est-ce que cela fait <strong>de</strong> savoir que vous avez aidé à envoyer <strong>de</strong>s femmes et<br />

<strong>de</strong>s enfants vers un <strong>de</strong>stin similaire ? Tout cela pour <strong>de</strong>s babioles comme celle-ci."<br />

Freyda se leva brusquement <strong>de</strong> sa chaise et se retourna pour affronter <strong>Maximus</strong>. Surpris, les gar<strong>de</strong>s se<br />

précipitèrent pour la saisir mais <strong>Maximus</strong> les en empêcha d'un geste <strong>de</strong> la main et resta assis, l'air détendu<br />

­ extérieurement.<br />

"Vous ne comprenez pas ! Vous ne comprenez pas ! " cria-t-elle. "Ca n'était pas pour le collier. Il m'a dit<br />

qu'il m'aimait ! Il a dit qu'il m'emmènerait à Rome que nous habiterions dans une villa sur la côte." Des<br />

tremblements secouèrent son corps mince et elle entoura son estomac <strong>de</strong> ses bras comme si elle avait<br />

mal.<br />

"Qui est 'il' ? Le général Pollienus ?"<br />

"Oui ! Oui !" Elle pleurait à présent. "Il m'a menti."<br />

"Pollienus avait une femme et une maîtresse. Pourquoi pensiez-vous qu'il les abandonnerait pour vous ?"<br />

"Je ne savais pas qu'il était marié," sanglota-t-elle. "Sa maîtresse, c'était juste une faça<strong>de</strong>. Il couchait avec<br />

moi !"<br />

"Où ? Ici ? A l'avant-poste ?"<br />

"Parfois mais pas la plupart du temps." Elle renifla.<br />

"Où ?" insista <strong>Maximus</strong>.<br />

"Nous nous retrouvions dans une cabane dans la forêt près d'ici."<br />

<strong>Maximus</strong> regarda Lucius qui secoua la tête et haussa les épaules. Ils <strong>de</strong>vraient chercher. Le général<br />

poursuivit, "Il a trompé tout le mon<strong>de</strong>, Freyda, pas seulement vous."<br />

Elle se tenait près du mur à présent, son front posé contre la pierre froi<strong>de</strong>. <strong>Maximus</strong> se leva et se dirigea<br />

vers elle tout en parlant, pour éviter <strong>de</strong> la surprendre. "Il vous a utilisée tout comme il s'est servi <strong>de</strong><br />

nombreuses autres personnes."<br />

<strong>Maximus</strong> posa sa main sur le mur, juste au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la tête <strong>de</strong> la jeune femme. "Freyda," dit-il<br />

doucement, "vous a-t-il violée ?"<br />

Elle secoua négativement la tête, son corps tremblant.<br />

"Est-ce qu'un soldat romain vous a violée ?"<br />

Elle secoua à nouveau la tête, la frottant contre la pierre dure.<br />

"Pourquoi avez-vous raconté cette histoire ?"<br />

"Il m'a dit <strong>de</strong> le faire."<br />

"L'enlèvement était-il faux ?"<br />

"Oui oui."<br />

"Il n'y a pas eu <strong>de</strong> kidnapping," dit <strong>Maximus</strong>.<br />

Elle secoua encore la tête, les larmes coulant sur son visage.<br />

"Qui vous a amenée ici, alors ?"<br />

"Oranius."<br />

Les soupçons <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> furent confirmés. Cependant, il était toujours intrigué par la jeune femme qui se<br />

pressait contre le mur comme si elle voulait y être absorbée.<br />

"Vous avez aidé le général Pollienus à s'enfuir. Après les promesses qu'il avait faites, vous n'avez pas<br />

trouvé bizarre qu'il ne vous emmène pas avec lui ?"<br />

"Il a dit qu'il enverrait quelqu'un me chercher," murmura-t-elle.<br />

En dépit <strong>de</strong> ce qu'elle avait fait, <strong>Maximus</strong> du lutter pour ne pas prendre la jeune femme dans ses bras et la<br />

réconforter. "Quel rôle avez-vous joué dans l'enlèvement <strong>de</strong>s femmes et <strong>de</strong>s enfants qui ont été vendus<br />

comme esclaves ?"<br />

"Il Il m'a fait leur parler pour qu'ils me fassent confiance."<br />

"Il vous a utilisé comme appât ­ vous, la fille d'un chef Chatti. Vous les avez piégé et ils sont <strong>de</strong>venus <strong>de</strong>s<br />

esclaves."<br />

Un sanglot s'échappa <strong>de</strong> la gorge <strong>de</strong> la jeune femme.<br />

"Une <strong>de</strong>rnière question. Est-ce qu'Oranius faisait partie du commerce d'esclaves ?"<br />

Elle acquiesça. "Il avait une part <strong>de</strong> l'argent. Il a prévu <strong>de</strong> partir aussi dès que ça n'aura plus l'air suspect.<br />

Je les entendu en parler."<br />

188


Satisfait <strong>de</strong> ses réponses, <strong>Maximus</strong> commença à enlever sa main du mur pour se retourner mais elle saisit<br />

son bras pour l'arrêter. Une fois encore, les gar<strong>de</strong>s se dirigèrent vers eux. "Restez où vous êtes," ordonna<br />

<strong>Maximus</strong>, puis il reporta son attention sur Freyda. "Quoi ?"<br />

"Qu'allez-vous faire <strong>de</strong> moi ?"<br />

Il regarda dans ses yeux bleus pleins <strong>de</strong> larmes et <strong>de</strong> peur. "Vous renvoyer auprès <strong>de</strong> votre père pour que<br />

vous puissiez lui dire la vérité et, avec <strong>de</strong> la chance, éviter une guerre très sérieuse."<br />

"Il me tuera pour l'avoir déshonoré."<br />

"Freyda, écoutez-moi attentivement." La chaleur qu'il y avait pu avoir dans la voix <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> était à<br />

présent partie. "Si je dois sacrifier votre vie pour en sauver <strong>de</strong>s milliers d'autres je le ferais."<br />

<strong>Maximus</strong> ôta ses doigts <strong>de</strong> son bras et quitta la pièce sans un regard en arrière. En passant <strong>de</strong>vant les<br />

gar<strong>de</strong>s, il dit "Arrêtez Oranius."<br />

Plus tard cette nuit là, les gar<strong>de</strong>s enfoncèrent la porte <strong>de</strong> la cabane dans la forêt et éclairèrent l'intérieur<br />

avec une lanterne. <strong>Maximus</strong> passa <strong>de</strong>vant eux et mis un pied sur le sol en terre gelée du taudis composé<br />

d'une seule pièce. L'ameublement frustre était constitué d'une table, <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux chaises et d'un lit. Le corps<br />

nu et gelé d'une jeune femme blon<strong>de</strong> était étendu sur le lit, ses yeux grands ouverts, <strong>de</strong>s marques noires<br />

sur le cou. La maîtresse <strong>de</strong> Pollienus.<br />

*******<br />

La lumière pâle <strong>de</strong> l'aube éclairait le ciel à l'est lorsque <strong>Maximus</strong> s'assit dans la clairière juste après l'issue<br />

arrière <strong>de</strong> l'avant-poste, avec le père <strong>de</strong> Freyda. Il y avaient quatre chaises sur le sol gelé, formant un<br />

carré.<br />

<strong>Maximus</strong> était assis, le dos tourné à l'avant-poste, faisant bouger ses orteils pour maintenir sa circulation<br />

sanguine dans ses bottes humi<strong>de</strong>s. L'o<strong>de</strong>ur agréable <strong>de</strong>s feux où l'on cuisait les aliments lui chatouillait les<br />

narines et faisait gron<strong>de</strong>r son ventre vi<strong>de</strong>. Il y avait huit gar<strong>de</strong>s armés <strong>de</strong>rrière <strong>Maximus</strong>, et <strong>de</strong>rrière eux,<br />

toute une cavalerie armée, les chevaux hennissant et leurs sabots frappant la terre dure. Le chef était<br />

aussi bien protégé par <strong>de</strong>s hommes barbus aux cheveux longs vêtus <strong>de</strong> fourrures, armés d'épées.<br />

Freyda était assise à la gauche <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et Lucius à sa droite.<br />

"Racontez tout à votre père," <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong>.<br />

Il y avait une réelle peur dans ses yeux quand elle s'adressa au grand guerrier et, pendant qu'elle parlait,<br />

Lucius traduisait pour <strong>Maximus</strong>. Le visage du chef resta impassible mais Freyda tremblait, que ce soit <strong>de</strong><br />

peur ou à cause du froid.<br />

"Dites-lui encore que vous n'avez pas été violée et que vous avez participé à votre soi-disant<br />

'enlèvement'."<br />

Freyda tourna un regard suppliant vers <strong>Maximus</strong>. "Je lui ai dit."<br />

"Dites-le lui à nouveau. Je ne veux pas qu'il y ait d'incompréhension."<br />

Elle répéta tout avec <strong>de</strong>s mots hésitants.<br />

"Lucius, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au chef d'arrêter l'escala<strong>de</strong> <strong>de</strong> leur protestations."<br />

Quand Lucius parla, le chef regarda <strong>Maximus</strong> droit dans les yeux. La réponse du chef fit sursauter Lucius.<br />

"<strong>Maximus</strong>, il dit qu'il est trop tard. Des milliers et <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> guerriers venant <strong>de</strong> douzaines <strong>de</strong> tribus<br />

sont déjà en chemin et pourraient être ici à la fin <strong>de</strong> la journée. Même si il leur dit la vérité, il craint qu'ils ne<br />

soient pas d'humeur à l'écouter. Il dit qu'il ne peut pas les arrêter. Ils viennent pour faire la guerre."<br />

<strong>Maximus</strong> se leva, faisant le chef se lever aussi. L'homme faisait au moins une tête <strong>de</strong> plus que le général.<br />

"Lucius, dis lui que notre rencontre est terminée et qu'il <strong>de</strong>vrait faire partir ses guerriers pour nous<br />

permettre d'évacuer l'avant-poste. C'est la chose la plus honorable à faire."<br />

Lucius traduisit les mots <strong>de</strong> son général et le chef secoua lentement la tête en répondant dans sa langue<br />

natale. Lucius inspira bruyamment. "Il dit qu'il ne peut pas faire ça. Il dit que les autres chefs le tueront si ils<br />

découvrent qu'il tenait le chef <strong>de</strong>s soldats romains et qu'il l'a laissé filer."<br />

<strong>Maximus</strong> s'adressa directement au géant Germain. "Si vous tentez <strong>de</strong> me faire prisonnier, toute la fureur<br />

<strong>de</strong> l'empire Romain s'abattra sur votre peuple."<br />

Les <strong>de</strong>ux chefs se fixèrent du regard, l'un très grand, large et avec les cheveux longs, l'autre plus petit<br />

mais au moins aussi fort et vêtu majestueusement comme le meilleur guerrier Romain qu'il était. Les<br />

hommes <strong>de</strong>rrière eux se regardèrent avec méfiance.<br />

"Lucius," dit <strong>Maximus</strong>, s'adressant à son traducteur sans quitter le chef <strong>de</strong>s yeux, "Dis à ma cavalerie <strong>de</strong><br />

commencer à évacuer les auxiliaires et leurs familles. Il n'y a pas assez <strong>de</strong> temps pour prendre <strong>de</strong>s<br />

affaires. Ils doivent se diriger immédiatement vers le sud et ne surtout pas s'arrêter, même pour dormir.<br />

Les soldats <strong>de</strong> l'avant-poste les accompagneront. Puis, dis au chef Chatti que je resterai aussi longtemps<br />

qu'il laissera tout le mon<strong>de</strong> partir en paix, sauf moi et mes hommes."<br />

"<strong>Maximus</strong>," dit Lucius avec une touche <strong>de</strong> désespoir, "Il n'y aura plus que la cavalerie pour te protéger. Il<br />

pourrait y avoir <strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong> milliers <strong>de</strong> Germains ici d'ici <strong>de</strong>main. Aussi bons que soient tes soldats, ils<br />

n'ont aucune chance."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête une fois pour montrer qu'il avait entendu la supplique <strong>de</strong> Lucius, mais il dit "Fais<br />

sortir ta femme et tes enfants <strong>de</strong> là ­ et pars avec eux."<br />

La voix <strong>de</strong> Lucius trembla. "Est-ce que personne n'a jamais délibérément désobéi à l'un <strong>de</strong> vos ordres,<br />

Monsieur ?"<br />

<strong>Maximus</strong> se méfia <strong>de</strong> la soudaine attitu<strong>de</strong> formelle <strong>de</strong> Lucius. "Non."<br />

"Alors ne me fait pas <strong>de</strong>venir le premier, s'il te plaît. Je vais mettre ma famille en sécurité, mais je veux<br />

rester avec toi. Tu as besoin d'un traducteur."<br />

189


Les yeux <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> exprimèrent sa gratitu<strong>de</strong>. "Va ai<strong>de</strong>r ta famille à s'organiser ­ mais avant, dit au chef<br />

que mes hommes et moi-même allons à l'intérieur pour nous réchauffer et manger."<br />

Lucius traduisit la réponse du Germain. "Il veut un gage <strong>de</strong> bonne foi pour être sûr que vous n'allez pas<br />

partir avec tout le mon<strong>de</strong>."<br />

"Bien il l'aura." <strong>Maximus</strong> fit signe à un gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> s'approcher et lui donna <strong>de</strong>s instructions qui firent partir le<br />

soldat à toute vitesse.<br />

Personne ne bougea ni ne parla jusqu'à ce que le gar<strong>de</strong> revienne avec trois autres ­ et un Oranius effrayé<br />

qui luttait contre leur poigne.<br />

"Vous ne pouvez pas faire ça!" cria-t-il à <strong>Maximus</strong> lorsqu'il fut livré aux Germains. "Vous ne pouvez pas me<br />

condamner sans un procès ! Ils vont me tuer ! Il y a <strong>de</strong>s lois ! Il y a <strong>de</strong>s lois Romaines !"<br />

"Oranius, dans une situation comme celle-ci je suis la loi," gronda <strong>Maximus</strong>, puis il s'inclina brièvement<br />

<strong>de</strong>vant le chef et retourna vers la construction en pierre, ses soldats le suivant lorsque les Germains<br />

commencèrent à se disperser. Mais <strong>Maximus</strong> hésita et se retourna pour constater que les yeux du chef<br />

étaient toujours posés sur lui. "Votre fille a été trompée par le général Romain. Il a trompé beaucoup <strong>de</strong><br />

gens."<br />

Freyda regarda <strong>Maximus</strong> avec reconnaissance et il poursuivit son chemin vers la relative sécurité <strong>de</strong><br />

l'avant-poste.<br />

Chapitre 95 : Seuls<br />

<strong>Maximus</strong> et Lucius étaient seuls au sommet <strong>de</strong> la tour <strong>de</strong> pierre, regardant le cortège <strong>de</strong>s Romains qui<br />

abandonnaient l'avant-poste. Des hommes, <strong>de</strong>s femmes et <strong>de</strong>s enfants, à pied, à cheval ou sur <strong>de</strong>s<br />

charrettes s'éloignaient lentement du seul foyer que certains d'entre eux avaient jamais connu. La plupart<br />

regardaient résolument droit <strong>de</strong>vant eux mais d'autres se retournaient pour jeter un <strong>de</strong>rnier regard sur la<br />

construction en pierre.<br />

Si ils atteignaient le Rhin, leurs vies serait presque certainement meilleures qu'elles ne l'avaient été dans<br />

les étendues sauvages du territoire barbare, mais <strong>de</strong> nombreux dangers les menaçaient le long <strong>de</strong> leur<br />

voyage à travers la zone démilitarisée <strong>de</strong> l'épaisse forêt, l'un d'entre eux et pas le moindre étant les<br />

guerriers Germains renégats qui ne portaient allégeance à aucune tribu.<br />

Mais le cortège se composait <strong>de</strong> centaines <strong>de</strong> personnes et comprenait les cohortes <strong>de</strong>s soldats <strong>de</strong><br />

l'avant-poste, qui étaient contents <strong>de</strong> partir, et également <strong>de</strong> nombreux membres <strong>de</strong> la propre cavalerie <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong> ­ tous lour<strong>de</strong>ment armés et se servant très bien <strong>de</strong>s armes qu'il avaient.<br />

<strong>Maximus</strong> était resté dans la tour en se montrant bien pour donner <strong>de</strong> la force et du courage aux gens du<br />

cortège, mais aussi pour assurer les chefs Chatti qu'il était bien resté comme il avait promis <strong>de</strong> le faire. Sa<br />

présence dans l'avant-poste assurerait presque certainement un passage sûr pour les citoyens Romains<br />

qui se dirigeaient vers <strong>de</strong>s terres où ils seraient plus en sécurité.<br />

La cape <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> s'agita doucement dans la bise froi<strong>de</strong>, mais à part ça, il semblait sculpté dans le<br />

marbre. Lucius jetait <strong>de</strong>s regards à la dérobée à l'homme préoccupé mais il n'arrivait pas à savoir ce qui se<br />

passait dans sa tête. Préparait-il une stratégie pour sa propre évasion ? Etait-il inquiet pour sa sécurité ? Si<br />

tel était le cas, il ne montrait pas sa peur car ses mains posées sur le mur <strong>de</strong> pierre étaient détendues.<br />

Bien qu'ils aient commencé leurs existences militaires <strong>de</strong> la même façon il y avait <strong>de</strong> nombreuses années,<br />

leurs vies <strong>de</strong>puis cette époque là avaient été radicalement différentes. Quand il étudia le visage déterminé<br />

du général, Lucius se <strong>de</strong>manda quel droit il avait <strong>de</strong> se tenir à côté <strong>de</strong> cet homme remarquable comme si il<br />

était son égal. Maintenant qu'il avait rencontré la version mature <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, il comprenait parfaitement<br />

pourquoi il avait été choisi pour être un <strong>de</strong>s lea<strong>de</strong>rs <strong>de</strong> l'armée Romaine, et Lucius se sentait bouleversé<br />

par la seule présence <strong>de</strong> l'homme.<br />

Les yeux <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> glissèrent sur le terrain <strong>de</strong> l'avant-poste où la partie <strong>de</strong> sa cavalerie qui restait<br />

semblait errer sans but, allant et venant par les portes ouvertes <strong>de</strong> l'entrée, accompagnant les fugitifs sur<br />

une certaine distance puis revenant ­ certains à cheval et d'autres à pied.<br />

Ils semblaient complètement désorganisés mais Lucius ne s'y laissa pas prendre. Il était convaincu que ce<br />

qui se passait avait été soigneusement orchestré par l'homme indomptable à côté <strong>de</strong> lui et que chaque<br />

mouvement avait une raison.<br />

Les guerriers Germains semblaient contents d'observer les événements et <strong>de</strong> railler les évacués, sachant<br />

que le prix qu'ils convoitaient était toujours dans leurs filets, se tenant comme quelque dieu invincible en<br />

haut <strong>de</strong> la tour <strong>de</strong> l'avant-poste. Ils savaient que sans son chef légendaire l'invincible armée Romaine<br />

serait affaiblie et que la région nord <strong>de</strong> l'empire <strong>de</strong>viendrait vulnérable suffisamment longtemps pour être<br />

frappée d'une blessure mortelle.<br />

Les guerriers agitaient leurs haches, leurs épées et leurs lances avec un air menaçant tout en hurlant et en<br />

ricanant au nez <strong>de</strong>s citoyens Romains qui partaient. Leur apparence seule était déjà déconcertante, avec<br />

leur gran<strong>de</strong> taille, leurs cheveux étrangement tressés, leurs longues barbes et leurs vêtements frustres.<br />

"Va-t-il y avoir une guerre, <strong>Maximus</strong> ?"<br />

Lucius ne réalisa pas qu'il avait prononcé les mots à voix haute jusqu'à ce que le général lui répon<strong>de</strong>.<br />

"Nous sommes déjà en guerre, Lucius, mais je ne permettrais pas que <strong>de</strong>s civils innocents soient les<br />

premières victimes, ni les soldats <strong>de</strong> cet avant-poste qui auraient pu être égorgés comme <strong>de</strong>s agneaux."<br />

Lucius savait que ça ne pouvait vouloir dire qu'une seule chose. "Tu es prêt à t'offrir comme la première<br />

victime pour empêcher ça ?"<br />

<strong>Maximus</strong> ne répondit pas.<br />

190


"<strong>Maximus</strong>, as-tu une idée <strong>de</strong> ce qu'ils te feraient ? Je l'ai vu <strong>Maximus</strong>. J'ai vu <strong>de</strong>s soldats qui ont été<br />

torturés et tués par les tribus. Ils ont enduré <strong>de</strong>s souffrances inimaginables avant qu'on leur permette le<br />

refuge <strong>de</strong> la mort."<br />

Les yeux bleus <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> suivirent la queue du cortège jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans la sombre et<br />

épaisse forêt. Il soupira et ferma les yeux seulement à cet instant là.<br />

"Ils ne m'auront jamais vivant, Lucius. Je vais <strong>de</strong>scendre me battre."<br />

"<strong>Maximus</strong>"<br />

Le général bougea pour la première fois <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s heures, se tournant pour faire finalement face à son<br />

ami, la voix réduite à un murmure en dépit <strong>de</strong> la distance entre eux et leur ennemi. "Les cohortes qui<br />

viennent <strong>de</strong> Bonna croiseront le cortège sur leur chemin puis elles poursuivront leur route jusqu'ici, mais<br />

pas avant <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r du renfort. Dans quelques jours, il y aura une gran<strong>de</strong> bataille juste à l'extérieur <strong>de</strong><br />

ces murs. Lucius, tu ne comprends pas ce qui s'est passé ici alors je vais t'expliquer. Nous sommes seuls.<br />

Ma cavalerie est partie. Il y a juste toi, moi et quelques chevaux."<br />

"Seuls ?" Perdu, Lucius secoua la tête, essayant <strong>de</strong> comprendre les implications <strong>de</strong> ce que <strong>Maximus</strong><br />

venait <strong>de</strong> dire.<br />

"Oui. Je ne veux pas plus sacrifier ma cavalerie que je ne voulais mettre les soldats <strong>de</strong> la cohorte en<br />

danger."<br />

"Comment comment ont-ils?"<br />

"La cavalerie ? Pendant l'évacuation, je les ai fait errer à l'intérieur et à l'extérieur <strong>de</strong> l'avant-poste,<br />

apparemment sans but. En fait, ils cachaient la plupart <strong>de</strong>s chevaux dans la forêt et ils ramenaient les<br />

mêmes dans l'avant-poste, encore et encore. Puis, ils sont allés vers la sortie sud pendant que les<br />

Germains s'amusaient à l'entrée principale. J'espère que les Germains croiront que la cavalerie est<br />

toujours ici et que l'avant-poste est protégé. Ca les empêchera <strong>de</strong> venir ici pour nous chercher jusqu'à ce<br />

que leur nombre augmente tellement qu'ils se diront qu'ils peuvent battre les soldats les plus habiles <strong>de</strong><br />

Rome. Ca <strong>de</strong>vrait nous laisser quelques jours. J'ai <strong>de</strong>mandé à <strong>de</strong>ux soldats <strong>de</strong> laisser leurs uniformes pour<br />

que nous les portions si nous en avons besoin."<br />

Lucius était abasourdi. "Alors il n'y a personne ici pour nous protéger ?"<br />

<strong>Maximus</strong> se mit sur la défensive. "Non et je viens <strong>de</strong> te dire pourquoi."<br />

Furieux, Lucius cracha les mots, "<strong>Maximus</strong>, tu es l'otage à présent !"<br />

"Baisse la voix," dit <strong>Maximus</strong>.<br />

"Et moi ?" poursuivit Lucius. "Tu risques ma vie aussi !"<br />

Les ombres <strong>de</strong> l'après-midi avancé dissimulèrent la soudaine grimace <strong>de</strong> douleur sur le visage <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong>. "J'aurais du te faire partir aussi. Je suis désolé. C'était très égoïste <strong>de</strong> ma part." Ses yeux se<br />

posèrent sur le sol et une hésitation ­ une touche <strong>de</strong> vulnérabilité ­ se glissa dans la voix <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> pour<br />

la première fois. "Je pense que je ne voulais pas être complètement seul," murmura-t-il, incapable <strong>de</strong><br />

regar<strong>de</strong>r son compagnon. "Lucius, il est toujours temps pour toi <strong>de</strong> partir sans une égratignure. Tu peux<br />

rattraper ta famille."<br />

"Et bien, c'est peut être ce que je vais faire !" menaça Lucius, mais il ne bougea pas.<br />

"Vas-y. Je vais rester ici pendant un moment. Les guerriers ne vont pas s'embêter à trop surveiller l'avantposte<br />

tant qu'ils peuvent me voir et qu'ils savent que je n'essaie pas <strong>de</strong> m'enfuir. Prends un <strong>de</strong>s uniformes<br />

et vas vers la sortie sud avant que les Germains n'aient le temps <strong>de</strong> se réorganiser," pressa <strong>Maximus</strong>.<br />

Lucius ne bougea toujours pas alors <strong>Maximus</strong> lui tourna le dos, terminant ainsi la conversation. Après ça,<br />

Lucius quitta précipitamment la tour, frappant violemment chaque marche du pied en <strong>de</strong>scendant dans sa<br />

frustration, et <strong>Maximus</strong> ressentit chaque pas comme un coup <strong>de</strong> poing dans son estomac jusqu'à ce que le<br />

bruit diminue graduellement pour laisser la place au son du vent froid et sifflant dans ses oreilles. Ses yeux<br />

cherchèrent à nouveau la file <strong>de</strong> Romains se dirigeant vers le sud mais ça faisait longtemps qu'ils n'étaient<br />

plus visibles.<br />

Il alla chercher dans sa cuirasse le petit sac en cuir qu'il avait toujours avec lui et en sortit les <strong>de</strong>ux petites<br />

figurines. Il les tourna et les retourna dans sa main et les embrassa. Puis, il les garda dans ses mains<br />

jointes, mit ses cou<strong>de</strong>s sur le mur et posa sa tête sur ses mains, les yeux fermés.<br />

Des heures plus tard, tellement gelé qu'il pouvait à peine bouger, <strong>Maximus</strong> se rendit dans les quartiers du<br />

général. Il fut surpris <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>s braises dans le foyer et se pencha au-<strong>de</strong>ssus d'elles pour réchauffer ses<br />

mains, trop fatigué pour penser à autre chose.<br />

"Je me <strong>de</strong>mandais combien <strong>de</strong> temps tu allais rester <strong>de</strong>hors."<br />

<strong>Maximus</strong> se retourna et s'accroupit en un seul mouvement flui<strong>de</strong>, son épée dans sa main comme par<br />

magie. Lucius était allongé dans son lit, les bras croisés <strong>de</strong>rrière sa tête.<br />

Après avoir attendu que les battements <strong>de</strong> son cur ralentissent, <strong>Maximus</strong> remit son épée au fourreau et se<br />

tourna à nouveau vers le feu, essayant <strong>de</strong> réchauffer ses pieds, cette fois.<br />

"Je pensais que tu étais parti."<br />

"J'aurais pu être un guerrier Chatti se cachant dans cette pièce. Alors tu serais mort."<br />

"Je ne parierais pas là <strong>de</strong>ssus."<br />

Lucius se leva et s'approcha <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. "Quel genre d'homme laisserait son ami quand il a <strong>de</strong>s<br />

problèmes ?" <strong>Maximus</strong> continua <strong>de</strong> fixer le feu du regard. "Mais si tu étais Quintus, il y a longtemps que je<br />

serais parti."<br />

Un sourire éclaira lentement le visage <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. "Il n'est pas aussi terrible."<br />

"Hum, nous verrons." Lucius saisit l'épaule <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. "Alors, commandant <strong>de</strong>s légions du nord, quel est<br />

191


ton plan ?"<br />

"Dormir un peu."<br />

<strong>Maximus</strong> se tourna pour faire face à Lucius et pour réchauffer son dos.<br />

"Tu es très détendu," s'étonna Lucius.<br />

"Pas vraiment, mais je me suis retrouvé dans <strong>de</strong>s situations très difficiles auparavant. Jusque là, j'ai réussi<br />

à m'en sortir. La chose la plus intelligente que nous pouvons faire maintenant c'est <strong>de</strong> prendre du repos<br />

pour que notre esprit et notre corps fonctionnent à plein régime <strong>de</strong>main."<br />

"Où vas-tu dormir ? J'ai déjà le lit."<br />

"Je vais dormir par terre."<br />

Lucius rit. "<strong>Maximus</strong>, je plaisantais. Bien sûr, le lit est pour toi."<br />

"Lucius, je peux dormir n'importe où, crois-moi. Ca va aller."<br />

"Mais"<br />

"Vas te coucher, veux-tu ?" <strong>Maximus</strong> adoucit ses mots d'un sourire.<br />

Chapitre 96 : Confiance<br />

Toc, toc, toc.<br />

<strong>Maximus</strong> marmonna et roula sur le côté, sa hanche et son épaule endoloris par le sol dur. Il tira sa cape<br />

autour <strong>de</strong> son corps, essayant <strong>de</strong> bloquer le froid et enfonça son visage dans ses peaux <strong>de</strong> loup, tentant<br />

<strong>de</strong> faire disparaître le bruit agaçant.<br />

Toc, toc, toc.<br />

"Lucius, vas-tu arrêter ?" grogna <strong>Maximus</strong> en levant la tête et en jetant un il du côté du lit.<br />

"Hein, quoi ?" murmura Lucius, l'esprit embrumé par le sommeil. "Arrêter quoi ?"<br />

Toc, toc, toc.<br />

"Ca."<br />

Lucius s'assit brusquement, le peu <strong>de</strong> cheveux qui lui restait en l'air. "Ca n'était pas moi," dit-il d'une voix<br />

étouffée.<br />

<strong>Maximus</strong> fut <strong>de</strong>bout en un instant. "Chut." Il tendit le bras avec la paume <strong>de</strong> sa main vers le bas, faisant<br />

comprendre à Lucius qu'il ne <strong>de</strong>vait pas bouger. Ca convenait tout à fait à ce <strong>de</strong>rnier. Il ramena ses<br />

genoux contre sa poitrine en les serrant très fort.<br />

Lentement et silencieusement, <strong>Maximus</strong> se déplaça dans la pièce plongée dans le noir, l'épée à la main,<br />

écoutant. Quand il arriva à la porte, il tourna silencieusement la poignée puis ouvrit violemment, près à<br />

affronter l'intrus. L'encadrement était vi<strong>de</strong>. Il tendit le cou et regarda alentour. Personne.<br />

Toc, toc, toc.<br />

"<strong>Maximus</strong>!" murmura Lucius, "Ca vient d'ici."<br />

Il montra une gran<strong>de</strong> armoire en bois sculpté contre le mur du fond <strong>de</strong>s quartiers du général. Avec un<br />

froncement <strong>de</strong> curiosité, <strong>Maximus</strong> s'approcha <strong>de</strong> l'armoire et passa les mains sur le <strong>de</strong>vant et les côtés.<br />

Elle semblait soli<strong>de</strong> et il ne sentit aucune vibration ni mouvement. Il retint son souffle et ouvrit pru<strong>de</strong>mment<br />

la porte -- son épée prête à frapper. C'était vi<strong>de</strong> à l'intérieur.<br />

TOC, TOC, TOC.<br />

<strong>Maximus</strong> posa les mains contre le fond <strong>de</strong> l'armoire qui semblait aussi soli<strong>de</strong>, puis il gratta le bois trois fois.<br />

Il obtint la réponse attendue.<br />

"Lucius, allume une lanterne, veux-tu ? J'y vois à peine."<br />

<strong>Maximus</strong> explora le panneau du fond, appuyant <strong>de</strong>ssus avec ses doigts et, finalement, réussit à le faire<br />

bouger un peu. Puis, miraculeusement, le fond glissa sur le côté avec un grincement et ses narines furent<br />

assaillies par une o<strong>de</strong>ur d'humidité.<br />

"Et bien, il était temps !"<br />

Freyda sortit <strong>de</strong> la pénombre au fond <strong>de</strong> l'armoire, une petite lanterne se balançant à sa main, et fit face<br />

aux <strong>de</strong>ux hommes consternés.<br />

<strong>Maximus</strong> la poussa immédiatement sur le côté et fit face à la cavité béante, sur la pointe <strong>de</strong>s pieds, son<br />

épée dressée.<br />

192


Freyda le regarda avec quelque amusement. "Je suis seule," lui assura-t-elle.<br />

"Et pourquoi le croirais-je ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong>, restant en posture <strong>de</strong> combat.<br />

"Je suis là pour vous ai<strong>de</strong>r," expliqua-t-elle.<br />

"Pourquoi le feriez-vous ?" répondit <strong>Maximus</strong> avec suspicion. Mais comme il n'y avait pas d'autres intrus, il<br />

se détendit suffisamment pour tourner la tête et la regar<strong>de</strong>r. Elle haussa les épaules. "Je pense que je<br />

vous le dois."<br />

"Vous ne me <strong>de</strong>vez rien. Ce que vous <strong>de</strong>vez à votre peuple, vous ne pourrez jamais le rembourser."<br />

<strong>Maximus</strong> finit par mettre son épée au fourreau et fit directement face à la jeune femme puis désigna<br />

l'ouverture d'un mouvement <strong>de</strong> la tête. "Où cela va-t-il ?"<br />

"Dans <strong>de</strong>ux directions. Un passage va vers le sud dans la forêt et l'autre au nord-est."<br />

"Et comment le savez-vous ?"<br />

"Celui qui va vers le nord aboutit à la cabane dont je vous ai parlé."<br />

"Et c'est comme ça que vous voyiez le général Pollienus."<br />

"Oui," dit-elle sans embarras. "A l'origine, il n'y avait que le passage vers le sud pour que les soldats<br />

puissent s'échapper <strong>de</strong> l'avant-poste si besoin était. Le général a fait creuser l'autre tunnel pour ses<br />

propres besoins."<br />

Leur yeux se rencontrèrent, mais Freyda soutint audacieusement le regard <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et elle ne détourna<br />

pas les yeux.<br />

"Comment je peux savoir que vous ne nous ten<strong>de</strong>z pas un piège ?" <strong>de</strong>manda-t-il, ses doutes évi<strong>de</strong>nts.<br />

"Vous ne pouvez pas le savoir. Vous allez <strong>de</strong>voir me faire confiance. De plus, vous n'avez pas beaucoup<br />

d'autres options et vous n'avez pas beaucoup <strong>de</strong> temps - alors votre cavalerie va <strong>de</strong>voir rester ici et se<br />

débrouiller toute seule."<br />

<strong>Maximus</strong> fit taire Lucius d'un regard.<br />

Freyda poursuivit sur le même ton direct : "Les chefs ont l'intention <strong>de</strong> vous exécuter puis <strong>de</strong> lancer une<br />

attaque sur une douzaine <strong>de</strong> communautés Romaines le long <strong>de</strong> la frontière. J'ai entendu une réunion<br />

entre mon père et d'autres chefs <strong>de</strong> tribus qui sont déjà arrivés."<br />

Lucius pâlit, le visage déformé par l'horreur.<br />

"Combien <strong>de</strong> temps ai-je ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong> aussi calmement que si ils avaient discuté <strong>de</strong> la météo.<br />

"Un jour, tout au plus. Les guerriers sont encore en train d'arriver et les chefs voudront tous avoir un mot à<br />

dire sur la façon <strong>de</strong> vous torturer avant qu'ils vous tuent."<br />

Si Freyda avait espéré faire peur à <strong>Maximus</strong>, elle n'eut pas la réaction désirée. Il s'approcha d'elle, croisa<br />

les bras et pencha la tête en la regardant. "Pourquoi me dites-vous tout cela ? Qu'avez-vous à y gagner,<br />

exactement ?"<br />

Elle leva le menton, légèrement piquée qu'il questionne ses motivations, puis contredit son air blessé en<br />

disant "Je vais avec vous. Je veux aller à Rome."<br />

"Je ne vais pas à Rome."<br />

"Alors vous pouvez m'emmener dans le territoire Romain. Je me débrouillerais une fois là-bas. Je suis<br />

indépendante et très entreprenante."<br />

<strong>Maximus</strong> ne put s'empêcher <strong>de</strong> sourire ironiquement. "J'ai remarqué."<br />

Il observa la jeune femme en face <strong>de</strong> lui, ses cheveux couleur <strong>de</strong> miel tressés, plusieurs rangées <strong>de</strong> perles<br />

<strong>de</strong> terre cuite autour du cou et <strong>de</strong>s vêtements d'hommes sur son corps. Elle portait plusieurs tuniques <strong>de</strong><br />

laine brune et <strong>de</strong>s pantalons tenus par <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong> cuir.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda à nouveau le tunnel sombre. "Je crois que nous n'avons pas le choix, mais je vous<br />

préviens, Freyda : si c'est un piège, je trancherai votre joli gorge avant d'être pris."<br />

Le tunnel était très étroit et était à peine aussi large que les épaules <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> à certains endroits, alors<br />

qu'il suivait Freyda dans le passage froid et humi<strong>de</strong>. Le tunnel variait aussi beaucoup en hauteur et le<br />

général se cogna la tête contre le plafond plus d'une fois, proférant toute une série <strong>de</strong> jurons.<br />

Lucius était <strong>de</strong>rrière lui, s'accrochant à sa cape pour se gui<strong>de</strong>r car <strong>Maximus</strong> bloquait toute la lumière <strong>de</strong> la<br />

lanterne dans la main <strong>de</strong> Freyda. Le sol froid était couvert <strong>de</strong> glace noire par endroits et trois fois, Lucius<br />

glissa et tomba lour<strong>de</strong>ment, faisant presque chuter <strong>Maximus</strong>. Il était évi<strong>de</strong>nt que Freyda connaissait très<br />

bien le tunnel, cependant, car elle avançait sans hésitation, disant aux hommes d'aller plus vite.<br />

Après ce qui sembla une éternité, ils finirent par atteindre une soli<strong>de</strong> porte en bois. <strong>Maximus</strong> passa <strong>de</strong>vant<br />

Freyda et appuya son épaule contre la porte qui grinça en s'ouvrant lentement. Quand <strong>Maximus</strong> sentit l'air<br />

frais sur son visage, il saisit le bras <strong>de</strong> la jeune femme et la mit <strong>de</strong>vant lui, son épée sur sa gorge, puis se<br />

fraya un chemin à travers les buissons qui cachaient la sortie. Le seul son dans la forêt sombre était leurs<br />

193


propres respirations. La neige qui tombait lentement ne révéla aucune empreinte <strong>de</strong> pas quand elle fut<br />

éclairée par la lanterne.<br />

"Vous voyez," dit Freyda d'un ton irrité, "Je vous ai dit que vous pouviez me faire confiance." Elle dégagea<br />

son bras <strong>de</strong> la poigne <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et le frotta où ses doigts l'avaient serré.<br />

<strong>Maximus</strong> resta tendu et méfiant. "Où sommes-nous ?"<br />

Freyda fit un geste <strong>de</strong> la tête. "L'avant-poste est <strong>de</strong> ce côté, juste après les arbres."<br />

"Où est la route ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong>, essayant <strong>de</strong> s'y retrouver.<br />

"Par là," montra-t-elle vers la pénombre. "Pas très loin."<br />

"Très bien. Vous <strong>de</strong>ux vous allez vers la route. Ne m'atten<strong>de</strong>z pas."<br />

Lucius était étonné. "Où vas-tu ?"<br />

"Je ne pars pas sans mon cheval."<br />

Les yeux <strong>de</strong> Lucius s'agrandirent d'incrédulité totale. ""Es-tu complètement fou ? Est-ce que Marc-Aurèle a<br />

nommé un cinglé comme général ?"<br />

"Ca serait vraiment stupi<strong>de</strong>, général," ajouta franchement Freyda. "Fuyez tant que vous le pouvez."<br />

Lucius et Freyda se tenaient épaule contre épaule, formant une opposition unie au plan fou du général.<br />

"Je dois " commença <strong>Maximus</strong>, mais il fut interrompu par Lucius.<br />

"Je peux déjà voir ton épitaphe. 'Il est mort en voulant sauver son cheval'."<br />

<strong>Maximus</strong> n'était pas d'humeur à voir ses décisions contestées d'avantage. "Quand tu rencontreras les<br />

soldats Romains qui se dirigent par ici, dis leur où je suis. Partez maintenant." Son ton n'invitait pas à une<br />

réponse.<br />

Freyda saisit le bras <strong>de</strong> Lucius et, à contre c ur, ils se dirigèrent vers la route, convaincus que <strong>Maximus</strong><br />

serait mort dans quelques heures - tout cela pour un cheval.<br />

Lucius regarda en arrière et vit que <strong>Maximus</strong> les observaient attentivement.<br />

"Force et honneur," dit calmement le général.<br />

Lucius hocha juste la tête et poursuivit son chemin, poussant les branches couvertes <strong>de</strong> neige. Quand il<br />

regarda à nouveau à travers les branchages, <strong>Maximus</strong> était parti.<br />

Chapitre 97 : Scarto<br />

<strong>Maximus</strong> franchit la porte puis regarda en arrière, ordonnant d'une voix forte à ses soldats imaginaires <strong>de</strong><br />

rester à l'intérieur où il faisait chaud. Sa voix résonna dans une douzaine <strong>de</strong> pièces vi<strong>de</strong>s et l'écho lui<br />

revint, une faible et fantomatique imitation <strong>de</strong> sa voix originelle. Il poussa la porte en s'assurant qu'elle<br />

n'était pas tout à fait fermée, puis se dirigea d'un pas ferme vers les écuries, très conscient <strong>de</strong> son<br />

isolement dans l'avant-poste désert. Vêtu <strong>de</strong> plusieurs tuniques, d'une paire <strong>de</strong> culottes et <strong>de</strong> bottes,<br />

<strong>Maximus</strong> regardait droit <strong>de</strong>vant en dépit <strong>de</strong> son immense désir <strong>de</strong> défier les quelques guerriers Germains<br />

en haut du mur qui entourait le terrain <strong>de</strong> l'avant-poste. Ils répondirent à son attitu<strong>de</strong> en se donnant <strong>de</strong>s<br />

coups <strong>de</strong> cou<strong>de</strong>s et en montrant le général du doigt, sûrs qu'il ne pouvait aller nulle part jusqu'à ce qu'ils<br />

soient prêts à entrer et à le capturer. Pour eux, <strong>Maximus</strong> était comme un loup dans une cage : magnifique<br />

et dangereux mais néanmoins captif et inoffensif. Il était à leur merci, et ils n'avaient aucune pitié.<br />

A l'intérieur <strong>de</strong> l'écurie paisible, <strong>Maximus</strong> sentit l'o<strong>de</strong>ur familière et réconfortante <strong>de</strong>s chevaux. Des<br />

particules <strong>de</strong> poussière flottaient dans la lumière hivernale du soleil qui pénétrait par une fenêtre haute et<br />

qui projetait un éclat doré sur les balles <strong>de</strong> paille empilées contre les murs. Trois chevaux somnolents<br />

levèrent la tête par curiosité quand <strong>Maximus</strong> passa mais il se dirigea directement vers la stalle <strong>de</strong> son<br />

magnifique étalon noir qui secoua la tête et hennit pour le saluer. <strong>Maximus</strong> se pencha par-<strong>de</strong>ssus la porte<br />

<strong>de</strong> la stalle et caressa doucement le nez <strong>de</strong> Scarto en inspectant la blessure sur sa tête. Le cheval<br />

répondit en poussant ses naseaux contre la poitrine <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> avec affection. <strong>Maximus</strong> parla avec la<br />

voix chantonnante que les humains réservent pour les animaux et les jeunes enfants.<br />

"Tu as l'air reposé ce matin, mon garçon. Je parie que tu meurs <strong>de</strong> faim. Quand t'a t-on donné à manger<br />

pour la <strong>de</strong>rnière fois, hein ?"<br />

"Je l'ai nourri ce matin, monsieur."<br />

<strong>Maximus</strong> recula brusquement et son pied se prit dans un harnais et il tomba à la renverse. Il roula sur le<br />

dos et se releva en un instant, près à affronter un garçon. Le général fronça les sourcils en regardant<br />

l'enfant tout en ôtant la paille <strong>de</strong> sa tunique.<br />

"Que fais-tu ici ?"<br />

Le garçon recula et <strong>Maximus</strong> réalisa que son ton avait été plus sec qu'il ne l'aurait souhaité.<br />

194


"Je Je prends soin <strong>de</strong>s chevaux monsieur."<br />

Le garçon aux cheveux blonds était vêtu d'une simple tunique <strong>de</strong> soldat Romain et il essaya <strong>de</strong> se mettre<br />

au gar<strong>de</strong> à vous mais il tremblait trop pour maintenir sa posture correctement.<br />

<strong>Maximus</strong> jeta un il aux trois chevaux qui partageaient l'écurie avec son étalon. On s'était apparemment<br />

bien occupé d'eux. Il s'appuya sur la porte <strong>de</strong> la stalle et sourit gentiment au garçon qui ne <strong>de</strong>vait pas avoir<br />

plus <strong>de</strong> douze ans.<br />

"Sais-tu qui je suis ?" <strong>de</strong>manda-t-il doucement.<br />

Le garçon était troublé par les vêtements simples <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, mais il <strong>de</strong>vina. "Un officier, monsieur ?"<br />

"Je suis le général <strong>Maximus</strong>." Les yeux du garçon s'agrandirent. "L'avant-poste a été évacué. Pourquoi<br />

n'es-tu pas parti avec les autres ?"<br />

"Quelqu'un <strong>de</strong>vait prendre soin <strong>de</strong>s chevaux, général. Je ne voulais pas qu'ils aient faim - et spécialement<br />

celui-ci," dit-il en regardant le cheval <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> qui secoua la tête, appréciant l'attention qu'il recevait.<br />

"Comment s'appelle-t-il ?"<br />

"Scarto."<br />

Le garçon regarda le cheval presque avec dévotion. "C'est le plus beau cheval que j'ai jamais vu."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête mais il était curieux <strong>de</strong> mieux connaître le jeune garçon. "Où sont tes parents ?"<br />

"Morts. Ils sont morts il y a longtemps. Je suis un soldat, maintenant."<br />

<strong>Maximus</strong> caressa le front du cheval et l'animal frotta ses naseaux contre sa poitrine puis saisit sa tunique<br />

entre ses <strong>de</strong>nts et tira <strong>de</strong>ssus. <strong>Maximus</strong> sourit et flatta le cou musclé du cheval. Il regarda le garçon qui<br />

l'observait timi<strong>de</strong>ment. "Quel est ton nom ?"<br />

"Asellio, monsieur."<br />

"Et bien Asellio, je suis content que tu aies nourri mon cheval. Il est très important pour moi."<br />

"Il est intelligent."<br />

"Oui. Dans la bataille, il semble savoir ce que j'ai besoin qu'il fasse et il ne m'a jamais déçu. Je ne peux<br />

pas le laisser tomber." Il caressa le nez <strong>de</strong> velours du cheval avec ses doigts. "Asellio, nous sommes dans<br />

une situation difficile et j'ai besoin <strong>de</strong> ton ai<strong>de</strong>." Le garçon se mit au gar<strong>de</strong> à vous et hocha la tête avec<br />

enthousiasme. "Mets beaucoup <strong>de</strong> foin et d'eau dans les stalles <strong>de</strong>s trois autres chevaux." Il sourit au<br />

garçon avec un air rassurant. "Nous et Scarto, nous partons d'ici."<br />

"Nous ?" Asellio regarda les trois autres étalons avec un air incertain. "Et eux ?"<br />

"Ne t'inquiète pas, les Germains les traiteront bien. Ils n'ont pas <strong>de</strong> beaux chevaux comme ceux-là."<br />

Apparemment habitué à obéir aux ordres, le garçon hocha la tête et alla travailler sans un mot. Il regarda à<br />

la dérobée <strong>Maximus</strong> qui sifflait doucement une chanson en accomplissant sa tâche.<br />

Il n'avait jamais vu un général comme celui-là. Il était plus fort et avait plus d'autorité que tous ceux qu'il<br />

avait vu mais il y avait <strong>de</strong> la gentillesse dans sa façon <strong>de</strong> s'occuper <strong>de</strong>s animaux. <strong>Maximus</strong> mit une bri<strong>de</strong> à<br />

Scarto puis aux trois autres chevaux, n'en sellant qu'un seul.<br />

"Sais-tu monter à cheval, mon garçon ?" <strong>de</strong>manda <strong>Maximus</strong> en resserrant la sangle sur l'étalon brun.<br />

"Oui, monsieur !" répondit Asellio, fier <strong>de</strong> pouvoir répondre par l'affirmative.<br />

"Bien. Nous allons commencer par exercer les chevaux <strong>de</strong>hors. Maintenant, tu dois écouter<br />

attentivement..." <strong>Maximus</strong> continua <strong>de</strong> donner <strong>de</strong>s instructions à voix basse au garçon aux yeux<br />

écarquillés alors qu'ils se dirigeaient <strong>de</strong>hors, dans le pâle soleil d'hiver.<br />

<strong>Maximus</strong> fit faire un petit tour à Scarto à l'extérieur pour diminuer la rai<strong>de</strong>ur dans ses muscles après qu'il<br />

soit resté si longtemps dans la stalle glacée. Il tenait les rênes d'un second cheval dans son autre main.<br />

Asellio marchait près <strong>de</strong> lui, tenant les <strong>de</strong>ux animaux restants.<br />

Les Germains sur le mur les regardaient attentivement mais <strong>Maximus</strong> savait qu'ils finiraient par se lasser et<br />

<strong>de</strong>viendraient plus distraits.<br />

<strong>Maximus</strong> fit monter Asellio sur le dos du cheval sellé puis fit avancer Scarto juste à côté <strong>de</strong> lui avant <strong>de</strong> se<br />

jeter à plat ventre sur le large dos du cheval puis <strong>de</strong> passer une jambe par-<strong>de</strong>ssus l'étalon et <strong>de</strong> se<br />

redresser. Scarto s'agita un peu, inhabitué à être monté à cru.<br />

L'homme et le garçon conduisirent tous les <strong>de</strong>ux les autres étalons en leur tenant les rênes.<br />

Ils commencèrent au pas puis finirent par trotter, tournant et tournant sur le terrain <strong>de</strong> l'avant-poste en<br />

larges cercles répétitifs.<br />

<strong>Maximus</strong> paraissait absorbé par ses activités pour les guerriers sur le mur, mais il les observait<br />

attentivement, attendant le moment d'agir. Ce moment arriva plus tôt qu'il ne le pensait.<br />

Une voix appela les guerriers et ils regardèrent tous vers le bas en même temps. En un mouvement trop<br />

flui<strong>de</strong> et trop rapi<strong>de</strong> pour attirer l'attention, <strong>Maximus</strong> se pencha et attrapa le garçon pour le hisser sur<br />

195


Scarto, installant l'enfant entre ses jambes. Ils lâchèrent les rênes <strong>de</strong>s autres animaux et les chevaux bien<br />

entraînés continuèrent à tourner dans le cercle établi.<br />

<strong>Maximus</strong> reprit gentiment le contrôle <strong>de</strong> Scarto en tirant sur ses rênes et fit accélérer l'étalon vers la porte<br />

qu'il avait laissée entrouverte. Après un seul coup <strong>de</strong> pied, ils étaient à l'intérieur.<br />

<strong>Maximus</strong> sauta à bas du cheval et se mit à travailler frénétiquement. Avec l'ai<strong>de</strong> d'Asellio, il tira ou poussa<br />

les meubles qu'il avait empilés près <strong>de</strong> l'entrée pour la bloquer <strong>de</strong> l'intérieur. Il ajouta tout ce qu'il put<br />

trouver avec suffisamment <strong>de</strong> poids et qui pouvait être déplacé facilement.<br />

Alors qu'il prenait la bri<strong>de</strong> <strong>de</strong> Scarto, il entendit le cri d'alarme à l'extérieur et il sut que les Germains<br />

seraient à la porte en quelques minutes.<br />

Essayant <strong>de</strong> ne pas laisser passer le stress dans sa voix, il fit avancer le cheval à travers le bâtiment,<br />

jusque dans les quartiers du général où il obstrua à nouveau la porte avec l'ai<strong>de</strong> d'Asellio. Les coups sur la<br />

porte extérieure ressemblaient au tonnerre dans le silence <strong>de</strong> la construction déserte, accentuant<br />

l'impression d'urgence chez les fugitifs. <strong>Maximus</strong> était convaincu qu'il pourrait faire passer le cheval sans<br />

selle dans le tunnel malgré la petitesse <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier, et il tira Scarto vers l'ouverture. Mais l'animal<br />

s'immobilisa à l'entrée et aucune parole ne le persuada d'entrer.<br />

Attendant un moment que le cheval se calme, <strong>Maximus</strong> enfila sa cuirasse sans l'attacher, puis mit sa cape<br />

et ses fourrures sur ses épaules. Il parla doucement à son cheval qui essayait <strong>de</strong> s'éloigner <strong>de</strong> l'entrée du<br />

tunnel. "S'il te plaît, ne fais pas ça maintenant, Scarto. C'est la seule façon <strong>de</strong> sortir."<br />

"Servez-vous <strong>de</strong> ça, monsieur." Asellio lui lança une couverture et <strong>Maximus</strong> la mit sur la tête <strong>de</strong> Scarto qui<br />

s'ébroua aussitôt, mais en vain. <strong>Maximus</strong> sentit le corps <strong>de</strong> l'animal se détendre progressivement et il tira<br />

fermement le cheval vers l'ouverture, lui maintenant la tête basse.<br />

"Asellio, prends cette lanterne et entre dans le tunnel. Je serai juste <strong>de</strong>rrière toi. N'avance pas trop loin <strong>de</strong><br />

moi et essaie <strong>de</strong> rester à droite."<br />

<strong>Maximus</strong> donna le temps à l'animal aveuglé <strong>de</strong> trouver un sol stable pour ses sabots en dépit <strong>de</strong><br />

l'abominable son <strong>de</strong> la porte entrain d'être brisée à coups <strong>de</strong> hache et <strong>de</strong>s meubles qu'on jetait sur le côté.<br />

Mais aussitôt que Scarto fut complètement engagé dans le tunnel, <strong>Maximus</strong> passa <strong>sous</strong> le ventre du<br />

cheval et ferma les portes <strong>de</strong> l'armoire avant <strong>de</strong> fermer aussi la paroi du fond. Il repassa <strong>sous</strong> le cheval et<br />

se redressa à côté <strong>de</strong> sa tête. Ses mains trouvèrent les naseaux <strong>de</strong> l'animal et il murmura <strong>de</strong>s paroles<br />

d'encouragement en le faisant avancer.<br />

Avec une main sur la paroi humi<strong>de</strong> du tunnel et l'autre maintenant la tête <strong>de</strong> Scarto baissée pour qu'il ne<br />

se cogne pas sur le plafond bas, <strong>Maximus</strong> s'avança plus profondément dans le tunnel, suivant la lumière<br />

<strong>de</strong> la lanterne d'Asellio.<br />

Scarto grogna et hésita lorsque les murs du tunnel touchèrent ses flancs mais il continua quand <strong>Maximus</strong><br />

l'encouragea.<br />

Les seuls sons dans le tunnel étaient le bruit <strong>de</strong>s sabots du cheval, ses hennissements occasionnels et les<br />

pas <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux soldats. Comme <strong>Maximus</strong> l'avait espéré, les Germains étaient troublés par sa disparition<br />

dans la chambre, mais il savait qu'ils ne mettraient pas longtemps à découvrir le secret <strong>de</strong> l'armoire.<br />

<strong>Maximus</strong> estima qu'ils étaient à mi-chemin lorsque Asellio cria quand il glissa sur la glace et il tomba<br />

lour<strong>de</strong>ment, la lanterne s'écrasant sur sol en mille morceaux, les plongeant dans le noir. <strong>Maximus</strong> tâtonna<br />

pour trouver le garçon et le releva en l'attrapant par sa tunique.<br />

"Ca va, mon garçon. Gar<strong>de</strong> la main posée sur le mur et avance plus lentement."<br />

"Je suis désolé, général," dit Asellio avec <strong>de</strong>s larmes dans la voix.<br />

<strong>Maximus</strong> lui tapota l'épaule avec une assurance qu'il ne ressentait pas lui-même. "Ca va, soldat.<br />

L'absence <strong>de</strong> lumière signifie que les Germains ne pourront pas nous voir non plus. Reste sur la droite et<br />

lève bien les pieds pour ne pas trébucher sur ce sol inégal. Et murmure continuellement pour que je sache<br />

où tu es." <strong>Maximus</strong> ôta la couverture <strong>de</strong> la tête du cheval et Scarto secoua son épaisse crinière.<br />

"J'ai peur "<br />

"Je vais tenir un bout <strong>de</strong> cette couverture et toi tu pourras " <strong>Maximus</strong> fut interrompu par un grand bruit <strong>de</strong><br />

bois éclaté qui résonna à travers le tunnel. Les Germains les avaient trouvé. "Avance, avance!" dit-il à<br />

Asellio. "Reste à droite et ne t'arrêtes pas tant que tu n'as pas atteins la porte."<br />

Des cris se firent entendre dans le passage et les <strong>de</strong>ux fugitifs naviguèrent entre les murs inégaux et<br />

glissèrent sur le sol humi<strong>de</strong> dans leur hâte <strong>de</strong> s'enfuir, leurs c urs battant trop vite pour qu'ils puissent<br />

respirer convenablement. Scarto hennit lorsque la pierre griffa ses flancs, encore et encore.<br />

196


<strong>Maximus</strong> ne savait pas combien d'hommes il y avait dans le tunnel. Tout ce qu'ils pouvaient faire était<br />

d'essayer d'arriver plus vite que leurs poursuivants à la fin du tunnel.<br />

De la lumière éclaira le tunnel <strong>de</strong>rrière eux et leurs ombres déformées les <strong>de</strong>vancèrent. <strong>Maximus</strong> ne<br />

voulait pas sortir son épée car il craignait <strong>de</strong> blesser par inadvertance le garçon <strong>de</strong>vant lui, mais il savait<br />

que bientôt, il n'aurait probablement plus le choix. Les guerriers Chatti crièrent après eux. Leurs mots<br />

gutturaux n'étaient pas familiers mais leur signification était plutôt claire : on leur ordonnait <strong>de</strong> s'arrêter.<br />

"Continue," dit <strong>Maximus</strong>, essoufflé. "Nous <strong>de</strong>vons être presque arrivés."<br />

Il avait à peine fini <strong>de</strong> parler quand Asellio se cogna dans la porte en bois et tomba dans les bras <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong>, assommé.<br />

Mais, aidés par leur lanterne, les guerriers les avaient rattrapé.<br />

"Recule," cria <strong>Maximus</strong> à Scarto en poussant l'animal. Le cheval reconnut le ton <strong>de</strong> son maître, celui <strong>de</strong> la<br />

bataille, et il obéit rapi<strong>de</strong>ment, coinçant un guerrier contre le mur. L'homme eut le souffle coupé, les<br />

poumons écrasés, et <strong>Maximus</strong> tint le cheval en place jusqu'à ce que le guerrier cesse <strong>de</strong> respirer. Un <strong>de</strong><br />

ses comparses fut assez stupi<strong>de</strong> pour se glisser sur le dos du cheval afin d'atteindre <strong>Maximus</strong>. Scarto<br />

n'apprécia pas et il rua, faisant tomber le guerrier <strong>sous</strong> ses sabots. Le cheval piétina le corps <strong>sous</strong> lui<br />

jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'une masse sanglante. Un autre homme qui ne pouvait atteindre <strong>Maximus</strong> à<br />

cause du corps encombrant <strong>de</strong> l'animal tenta <strong>de</strong> pousser l'arrière-train <strong>de</strong> Scarto sur le côté. Mais Scarto<br />

en avait assez. Il donna un coup <strong>de</strong> sabots arrières, frappant le guerrier Chatti dans la poitrine et<br />

l'envoyant contre le mur. Il cria et leva les mains dans l'espoir <strong>de</strong> parer d'autres coups mais Scarto était<br />

énervé et il continua à frapper jusqu'à ce que l'homme glisse au bas <strong>de</strong> la paroi, sans vie.<br />

A bout <strong>de</strong> souffle, <strong>Maximus</strong> immobilisa le cheval et prêta l'oreille pour savoir si il y avait d'autres hommes<br />

mais il entendit seulement les sanglots terrifiés du garçon près <strong>de</strong> la porte. Il pouvait l'entendre mais pas le<br />

voir vu que la lumière <strong>de</strong> la lanterne s'était à nouveau éteinte.<br />

"Asellio Asellio, tout va bien maintenant. Ils sont morts. Nous sommes sauvés."<br />

<strong>Maximus</strong> tâtonna et saisit son bras. Il amena gentiment l'enfant près <strong>de</strong> lui et il le serra dans ses bras en<br />

disant "Laisse-moi ouvrir ça et nous serons en sécurité."<br />

La porte s'ouvrit après <strong>de</strong>ux fortes poussées, la lumière du soleil éclairant le feuillage qui dissimulait<br />

l'entrée du tunnel. <strong>Maximus</strong> se mit à quatre pattes et écarta les branches, jetant un coup d' il pru<strong>de</strong>nt à<br />

l'extérieur. Personne. Il ébouriffa les cheveux du garçon en souriant et l'aida à sortir, puis il guida Scarto,<br />

docile, à travers les branches.<br />

<strong>Maximus</strong> aurait voulu laisser chauffer son visage au soleil et laisser les battements <strong>de</strong> son c ur ralentir,<br />

mais il craignait que d'autres guerriers ne les rattrapent en passant par le tunnel. Les autres les<br />

chercheraient dans la forêt.<br />

Alors il saisit la crinière <strong>de</strong> Scarto et se hissa sur son dos puis fit monter Asellio <strong>de</strong>rrière lui. Il fit tourner le<br />

cheval dans la direction que Lucius et Freyda avaient prise et il se mit en route.<br />

Après quelque errance parmi les arbres, il trouva la route en terre battue et dirigea le cheval vers le sud.<br />

Epuisé, Asellio était appuyé contre le dos <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, son corps immobile car il dormait, alors le général<br />

mis les bras <strong>de</strong> l'enfant autour <strong>de</strong> sa taille et les tint avec une main pour éviter que le garçon ne tombe.<br />

Mais <strong>Maximus</strong> était tout à fait réveillé. L'avant-poste n'était pas très loin <strong>de</strong>rrière eux et il y a avait encore<br />

un long chemin à parcourir avant qu'ils soient en sûreté.<br />

Scarto le sentit avant lui. Le cheval tourna ses oreilles en arrière et hennit. <strong>Maximus</strong> regarda par-<strong>de</strong>ssus<br />

son épaule et, ne voyant personne, fit stopper l'animal et le tourna dans la direction <strong>de</strong> l'endroit d'où ils<br />

venaient. La route était déserte avec juste <strong>de</strong>s oiseaux volant à la cime <strong>de</strong>s arbres pour déranger le<br />

silence.<br />

<strong>Maximus</strong> caressa le cou du cheval. "Qu'entends-tu ?"<br />

Scarto se cabra et hennit encore et <strong>Maximus</strong> eut une sensation <strong>de</strong> malaise. "Asellio, réveille-toi. Nous<br />

allons peut être avoir <strong>de</strong>s problèmes." Le garçon bougea, encore endormi. "Accroche-toi à moi aussi fort<br />

que tu peux. Compris ?" Asellio hocha la tête contre son dos, trop effrayé pour dire un mot. La main <strong>de</strong><br />

<strong>Maximus</strong> se posa sur l'épée à sa hanche mais il la laissa dans son fourreau.<br />

Soudain, une flopée d'étourneaux s'envola <strong>de</strong>s buissons sur leur droite, leur cris se mêlant aux hurlements<br />

<strong>de</strong> guerre <strong>de</strong>s Chatti qui jaillirent en courant <strong>de</strong>s fourrés épais <strong>de</strong> chaque côté <strong>de</strong> la route, les armes à la<br />

main. Ils se déversèrent <strong>de</strong> la forêt comme un torrent, brandissant <strong>de</strong>s épées, <strong>de</strong>s lances et <strong>de</strong>s arcs.<br />

<strong>Maximus</strong> fit faire <strong>de</strong>mi-tour à Scarto et partit au galop. Des lances leur sifflaient aux oreilles et <strong>de</strong>s flèches<br />

se fichaient dans le sol autour d'eux. <strong>Maximus</strong> regretta infiniment d'avoir assis le garçon <strong>de</strong>rrière lui mais<br />

ils n'avaient pas le temps <strong>de</strong> changer <strong>de</strong> position maintenant.<br />

197


"Accroche-toi !" cria-t-il.<br />

L'étalon mit rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la distance entre eux et leurs poursuivants mais <strong>Maximus</strong> savait que le cheval<br />

s'épuiserait plus vite avec le poids du garçon en plus. Il savait aussi que Scarto perdait du sang, et <strong>de</strong>puis<br />

un moment, le sang chaud <strong>de</strong> ses flancs égratignés mouillant ses pantalons. Et la route commençait à<br />

grimper, les petites montées <strong>de</strong>venant <strong>de</strong>s côtes rai<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s vallées plongeantes.<br />

"Aller ! Aller !" <strong>Maximus</strong> pressa sa monture mais le cheval avait déjà l'écume aux lèvres, ses côtes se<br />

soulevant beaucoup.<br />

<strong>Maximus</strong> ne voyait pas d'autre alternative que <strong>de</strong> semer les guerriers. Si il quittait la route et tentait <strong>de</strong> se<br />

cacher dans les fourrés, ils seraient certainement découverts. Les sabots <strong>de</strong> l'étalon frappaient toujours<br />

régulièrement le sol mais <strong>Maximus</strong> le sentit trébucher légèrement - une fois, puis <strong>de</strong>ux.<br />

<strong>Maximus</strong> essaya frénétiquement <strong>de</strong> trouver une solution <strong>de</strong> rechange si le cheval venait à flancher.<br />

Scarto grimpa vaillament la côte abrupte, son énorme c ur refusant <strong>de</strong> lâcher. <strong>Maximus</strong> vit les oreilles du<br />

cheval se dresser à nouveau, mais cette fois, elles pivotèrent en avant. Il y avait quelque chose <strong>de</strong> l'autre<br />

côté <strong>de</strong> la colline.<br />

Puis <strong>Maximus</strong> l'entendit aussi. Un piétinement. Et en arrivant en haut <strong>de</strong> la colline il vit - la plus belle vue<br />

<strong>de</strong> sa vie. L'aigle doré <strong>de</strong> Rome brillait <strong>sous</strong> le soleil et <strong>de</strong>s étendards pourpres claquaient dans le vent<br />

<strong>de</strong>vant une étendue sans fin <strong>de</strong> soldats Romains, armés et près à combattre. Des cors sonnèrent lorsqu'ils<br />

virent leur général chevaucher comme un fou dans leur direction. Derrière lui, les guerriers Germains<br />

stoppèrent net, n'en croyant pas leurs yeux.<br />

Leur proie leur avait échappé et elle était maintenant entourée par les cinq milles soldats <strong>de</strong> Felix III qui se<br />

mirent instantanément en position <strong>de</strong> combat au milieu <strong>de</strong> la route, près à se battre pour défendre leur<br />

général.<br />

Et parmi eux plein <strong>de</strong> dignité et <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur sur son étalon blanc se tenait le Divin Empereur César<br />

Marc-Aurèle Antoine Auguste en personne, ses fins cheveux blancs agités par la brise, sa cape pourpre se<br />

gonflant sur son armure rouge et or. L'empereur en personne commandait l'opération.<br />

Les Germains n'avaient aucune chance.<br />

Chapitre 98 : Eté 179 après J-C<br />

Pendant les dix-huit mois suivants, l'empereur et son général menèrent <strong>de</strong>s batailles déclenchées par la<br />

décision fatidique <strong>de</strong> Marc-Aurèle d'envoyer son général préféré dans le territoire ennemi pour résoudre ce<br />

qui semblait être une querelle mineure dans un avant-poste Romain insignifiant. L'inci<strong>de</strong>nt avait été<br />

l'élément déclencheur qui avait plongé le territoire nord dans une série <strong>de</strong> batailles violentes à cause <strong>de</strong>s<br />

terres et <strong>de</strong>s différences culturelles.<br />

<strong>Maximus</strong> n'était jamais retourné au camp principal <strong>de</strong> Bonna après sa fuite <strong>de</strong> l'avant-poste.<br />

Après que les guerriers Chatti qui l'avaient poursuivi avaient été battus à plates coutures, il s'était tenu<br />

avec la tête inclinée et les yeux baissés en étant publiquement réprimandé par Marc pour avoir risqué sa<br />

vie afin <strong>de</strong> sauver son cheval. Quand <strong>Maximus</strong> avait humblement <strong>de</strong>mandé la clémence <strong>de</strong> son empereur,<br />

celui-ci l'avait serré dans ses bras avec émotion, le visage <strong>de</strong> Marc-Aurèle se pressant contre celui <strong>de</strong> son<br />

général, le corps fragile du vieil homme agité <strong>de</strong> tremblements, les jointures <strong>de</strong> ses mains blanches quand<br />

il serra le bras et le cou <strong>de</strong> l'homme plus jeune, et il <strong>de</strong>manda à son général <strong>de</strong> le pardonner pour l'avoir<br />

mis dans une situation aussi dangereuse pour commencer. Les hommes <strong>de</strong> Felix III se souvinrent tous<br />

avoir été disputés par leurs pères dans une colère venant <strong>de</strong> la peur et du soulagement après qu'ils aient<br />

été sauvés d'une catastrophe imminente. L'amour et le respect que partageaient ces <strong>de</strong>ux hommes étaient<br />

évi<strong>de</strong>nts.<br />

<strong>Maximus</strong> resta au front, commandant bataille après bataille dans les épaisses forêts <strong>de</strong> pin pendant que<br />

son empereur retournait au camp principal et tentait en vain <strong>de</strong> négocier un traité <strong>de</strong> paix entre les tribus<br />

Chatti, Marcomanni et Quadi.<br />

Juste quand il semblait que la <strong>de</strong>rnière bataille avait été gagnée, <strong>de</strong> nouveaux conflits éclatèrent ailleurs et<br />

le général et les légions locales se rendirent dans ce territoire, épaulés par les hommes <strong>de</strong> Felix III,<br />

omniprésents et jamais fatigués.<br />

Ce ne fut pas avant l'été 179 que <strong>Maximus</strong> obtint une victoire si décisive que les Germains battirent en<br />

retraite pour panser leurs blessures et se regrouper, donnant au général un court répit à Bonna.<br />

Il avait hâte <strong>de</strong> revoir Lucius et Asellio et <strong>de</strong> découvrir ce qu'était <strong>de</strong>venue Freyda. Il désirait aussi lire les<br />

lettres <strong>de</strong> sa femme qui s'étaient empilées en son absence et il savait qu'elle <strong>de</strong>vait être horriblement<br />

inquiète qu'il n'y ait pas répondu.<br />

198


Ses hommes aussi avaient besoin d'un répit, même court, alors les soldats fatigués <strong>de</strong> Felix III rentrèrent<br />

dans Bonna un après-midi étouffant <strong>de</strong> Juillet, prêts à se reposer vraiment.<br />

Certains <strong>de</strong> ses hommes restèrent tout le temps avec leurs familles pendant que d'autres choisirent <strong>de</strong><br />

passer leurs nuits à boire et faire la fête avec <strong>de</strong>s prostituées. <strong>Maximus</strong> ne se préoccupait pas <strong>de</strong> la façon<br />

dont ils se détendaient si ils étaient près à re<strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s soldats combatifs en un instant.<br />

<strong>Maximus</strong> lui, était assis seul dans sa tente, la lumière <strong>de</strong> la lanterne tamisée n'éclairant rien au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> son<br />

visage, <strong>de</strong> ses mains et <strong>de</strong> son bureau. Il ignorait même les moustiques qui étaient attirés par la flamme et<br />

sa peau exposée. Il préférait que ça soit comme ça quand il lisait les lettres d'Olivia car la tente presque<br />

plongée dans le noir l'aidait à oublier qu'il était en Germanie et à imaginer pour un court instant qu'il était à<br />

la maison en Espagne et que <strong>de</strong>main il labourerait un champ et qu'il jouerait avec son fils et embrasserait<br />

sa femme plutôt que <strong>de</strong> voir encore plus <strong>de</strong> douleur et <strong>de</strong> mort. Il avait besoin <strong>de</strong> construire, pas <strong>de</strong><br />

détruire. Il voulait créer <strong>de</strong> la vie, pas apporter la mort. Les lettres d'Olivia l'aidait à créer ce rêve <strong>de</strong><br />

l'Espagne et il savourait chaque mot, les lisant encore et encore jusqu'à ce qu'il les sache presque par<br />

c ur.<br />

Il avait tellement envie d'avoir un autre enfant qu'il le sentait jusque dans la moelle <strong>de</strong> ses os. Il avait<br />

espéré qu'il aurait <strong>de</strong>s nouvelles d'une autre grossesse après qu'Olivia ait passé tellement <strong>de</strong> mois en<br />

Germanie avec lui mais il n'y avait eu aucun message ni aucune célébration <strong>de</strong> la naissance d'un troisième<br />

enfant. Il n'en avait pas parlé dans ses lettres parce qu'il était sûr qu'Olivia était aussi déçue que lui. Il<br />

s'était <strong>de</strong>mandé si elle n'avait pas fait une fausse couche lorsque ses lettres avaient cessé pendant<br />

longtemps il y avait <strong>de</strong>ux ans, mais elle lui avait assuré que ça n'avait pas été le cas. <strong>Maximus</strong> savait<br />

qu'Olivia avait été très secouée par ce qui était arrivé en Germanie et il <strong>de</strong>vinait qu'elle gardait les détails<br />

négatifs <strong>de</strong> sa vie pour elle afin d'éviter d'augmenter son inquiétu<strong>de</strong>, tout comme il le faisait pour elle. Mais<br />

cela le faisait chercher entre les lignes <strong>de</strong> ses lettres pour essayer <strong>de</strong> <strong>de</strong>viner ce qui était passé <strong>sous</strong><br />

silence même si le ton <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>rnières missives était positif et enthousiaste.<br />

Elle joignait <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong> leur fils qui grandissait très vite. Elle disait qu'il était en bonne santé et heureux<br />

mais que son papa lui manquait beaucoup. Olivia envoyait même quelques <strong>de</strong>ssins primitifs que l'enfant<br />

avait fait lui-même. Il y en avait un <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et il hurla <strong>de</strong> rire en se voyant à travers les yeux <strong>de</strong> son fils<br />

: tout en cape, fourrures, barbe et yeux avec un grand sourire idiot et <strong>de</strong>s bras tout bosselés <strong>de</strong> muscles.<br />

Un <strong>de</strong> ses étalons était à côté <strong>de</strong> lui - quelques traits <strong>de</strong>ssinés, en fait - et il était beaucoup plus petit que<br />

son papa, qui était le plus important.<br />

Après avoir étudié chaque détail <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ssins, <strong>Maximus</strong> les rangeait dans un paquet qu'il ajouterait à ses<br />

trésors lorsqu'il retournerait à Vindobona.<br />

La seule chose négative avec ces lettres était qu'Olivia <strong>de</strong>mandait constamment quand il reviendrait à la<br />

maison. Il essaya d'insister sur le fait que ça ne serait pas avant un moment - peut être pas avant le temps<br />

<strong>de</strong>s récoltes - même si il savait que même cela serait impossible. Cela faisait <strong>de</strong>ux ans et <strong>de</strong>mi qu'il n'avait<br />

pas vu sa famille et il voulait laisser à sa femme l'espoir qu'il serait <strong>de</strong> nouveau avec elle bientôt. Son foyer<br />

lui manquait il désirait tellement voir sa femme et son fils et la souffrance était accrue lorsqu'il rendait<br />

visite à Lucius et à sa famille.<br />

Lucius s'était installé dans le village <strong>de</strong> Bonna avec Erika et leurs quatre enfants. Et, ils avaient un<br />

nouveau membre dans leur famille. Asellio était maintenant leur aîné et il s'épanouissait dans l'atmosphère<br />

aimante <strong>de</strong> la maison surpeuplée. <strong>Maximus</strong> s'était arrangé pour que Lucius soit promu dans l'armée<br />

régulière avec toutes ses années passées dans l'auxiliaire comptant pour <strong>de</strong> l'ancienneté, et<br />

l'augmentation <strong>de</strong> sa sol<strong>de</strong> qui en résulta l'aida à offrir une vie plus confortable à sa famille. Il servait <strong>de</strong><br />

traducteur officiel aux officiers <strong>de</strong> l'armée et aussi aux dignitaires qui passaient à Bonna et qui avaient<br />

besoin <strong>de</strong> ses services. Contrairement à <strong>Maximus</strong>, il ne quittait pas sa famille pour plus <strong>de</strong> quelques<br />

semaines à la suite.<br />

Quant à Freyda, elle s'était immédiatement jointe à un groupe <strong>de</strong> marchants allant vers le sud et elle était<br />

probablement près <strong>de</strong> Rome à présent, toujours pleine <strong>de</strong> ressources.<br />

Un soir, <strong>Maximus</strong> et Quintus étaient à table avec Asellio, Lucius et Erika, la plus jeune fille <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers<br />

assise sur les genoux <strong>de</strong> sa mère. Les trois autres enfants avaient été nourris et jouaient bruyamment non<br />

loin d'eux.<br />

<strong>Maximus</strong> était complètement détendu, appréciant les bruits <strong>de</strong> joie <strong>de</strong>s enfants même si son c ur se<br />

pinçait d'envie en les entendant. Il regarda le bébé sur les genoux d'Erika. L'enfant aux joues roses et aux<br />

yeux bleus avait un fin nuage <strong>de</strong> cheveux blonds qui encadrait son visage. Elle avait les yeux grands<br />

ouverts et <strong>de</strong>ux doigts dans sa bouche alors qu'elle observait son voisin <strong>de</strong> table le plus proche, Quintus.<br />

Elle avait tendu timi<strong>de</strong>ment la main vers le légat mais il avait reculé légèrement pour éviter ses doigts<br />

collants alors elle le regardait à présent avec <strong>de</strong>s sentiments incertains se <strong>de</strong>ssinant sur ses traits doux.<br />

Elle ne savait pas si elle <strong>de</strong>vait avoir peur ou non <strong>de</strong> cet homme qui lui résistait mais elle décida qu'elle<br />

199


était en sécurité aussi longtemps qu'elle sentait les genoux <strong>de</strong> sa maman <strong>sous</strong> son <strong>de</strong>rrière et les seins <strong>de</strong><br />

sa maman contre son dos.<br />

Tout était paisible et joyeux jusqu'à ce que Erika déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> rapporter du vin <strong>de</strong> la cave. La femme jeta un<br />

coup d' il à la chaise vi<strong>de</strong> <strong>de</strong> son mari - il était entrain <strong>de</strong> séparer <strong>de</strong>ux enfants dont le jeu amical avait<br />

soudain dégénéré en un combat acharné --puis elle déposa le bébé sur les genoux les plus proches - ceux<br />

<strong>de</strong> Quintus - avant d'aller vite accomplir sa tâche.<br />

Surprise par son changement <strong>de</strong> place, le bébé cligna rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s yeux et son regard s'agrandit.<br />

L'expression <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> changea aussi. Il se mit à sourire en regardant Quintus tenir le bébé <strong>sous</strong> les<br />

bras avec rai<strong>de</strong>ur, la mettant tout au bout <strong>de</strong> ses genoux, aussi loin <strong>de</strong> son corps que possible. Quintus ne<br />

pouvait pas voir l'explosion venir, mais <strong>Maximus</strong> le pouvait. Soudain, le bébé ouvrit la bouche et se mit à<br />

hurler, son visage tout rouge virant vers le pourpre. Complètement perdu, Quintus choisit <strong>de</strong> bouger<br />

rapi<strong>de</strong>ment les genoux en espérant calmer l'enfant, mais il la secoua si fort qu'elle avait l'air d'être perchée<br />

sur un étalon sauvage qui ruait. Ses hurlements s'arrêtaient seulement pour qu'elle puisse reprendre sa<br />

respiration et continuer <strong>de</strong> plus belle. Le visage <strong>de</strong> Quintus était maintenant <strong>de</strong> la même couleur que celui<br />

du bébé.<br />

"Donne-la moi," dit <strong>Maximus</strong> en tendant les mains et Quintus lui remit immédiatement le petit paquet<br />

hurlant qui était aussi rigi<strong>de</strong> que lui à cause du stress.<br />

A ce moment, Lucius et Erika étaient revenus précipitamment à la table.<br />

"Je vais la prendre, <strong>Maximus</strong>," dit Erika. Mais <strong>Maximus</strong> avait déjà installé l'enfant effrayé dans le creux <strong>de</strong><br />

son bras, la blottissant contre sa poitrine, et il éloigna Erika d'un geste <strong>de</strong> la main.<br />

"Je peux m'en occuper." Il sourit. "Je voudrais que tous les problèmes soient aussi faciles à résoudre."<br />

<strong>Maximus</strong> portait une simple tunique blanche et il avait délaissé ses bottes pour <strong>de</strong>s sandales, moins<br />

chau<strong>de</strong>s. Le bébé était blotti contre le tissu doux et son bras nu, en sécurité.<br />

"Comment s'appelle-t-elle ?" <strong>de</strong>manda-t-il en la berçant doucement, sa gran<strong>de</strong> main caressant ses<br />

cheveux soyeux, cachant presque toute sa tête. Elle s'était déjà calmée, ses cris entrecoupés <strong>de</strong> hoquets.<br />

"Isol<strong>de</strong>," dit Lucius qui regardait pensivement <strong>Maximus</strong>. "Elle a l'air <strong>de</strong> t'aimer."<br />

"Je l'aime beaucoup," répondit doucement <strong>Maximus</strong>, très conscient que sa voix profon<strong>de</strong> résonnait dans<br />

sa poitrine et dans l'oreille d'Isol<strong>de</strong>. Elle sembla trouver la vibration réconfortante et se blottit encore plus<br />

près en mettant son pouce dans sa bouche, enfin calmée. <strong>Maximus</strong> leva son épaule et rapprocha le bébé<br />

<strong>de</strong> son visage, respirant l'o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> ses cheveux. Erika sourit en toute connaissance <strong>de</strong> cause mais<br />

Quintus resta indifférent.<br />

"Mmmm, elle sent si bon," dit <strong>Maximus</strong>. "Les bébés ont une o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> bébé tellement incroyable."<br />

Quintus fit la grimace.<br />

"Non," dit <strong>Maximus</strong> exaspéré. "Pas cette o<strong>de</strong>ur. Je veux dire " il chercha ses mots. "une o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> bébé."<br />

Il observa Quintus qui semblait trouver la lampe à huile sur la table très fascinante. "Quintus, Clara n'a-telle<br />

pas à peu près cet âge ? Tu <strong>de</strong>vrais prendre Isol<strong>de</strong> dans tes bras. Tu as besoin d'un peu<br />

d'entraînement." <strong>Maximus</strong> voulait que ses paroles soient juste un peu moqueuses, mais le visage <strong>de</strong><br />

Quintus se crispa.<br />

<strong>Maximus</strong> et Lucius échangèrent un regard. La réunion <strong>de</strong>s trois amis d'enfance avait été plutôt tendue en<br />

dépit <strong>de</strong> la chaleur <strong>de</strong> l'hospitalité <strong>de</strong> Lucius. Toute la soirée, <strong>Maximus</strong> avait essayé <strong>de</strong> comprendre son<br />

attitu<strong>de</strong> distante et il se <strong>de</strong>mandait si Quintus - le seul d'entre eux à être bien né - ne trouvait pas qu'il était<br />

le bien moins loti <strong>de</strong>s trois. Lucius n'avait pas accompli beaucoup <strong>de</strong> choses dans sa vie militaire mais il<br />

avait plus que compensé cela par son dévouement à sa famille nombreuse. Quintus n'avait pas atteint la<br />

position qu'il désirait dans l'armée et n'avait pas <strong>de</strong> famille - sa jeune femme était morte et sa petite fille<br />

qu'il n'avait jamais vue était loin à Rome. <strong>Maximus</strong> déduisit que Quintus était très déçu et insatisfait par<br />

tous les aspects <strong>de</strong> sa vie. Et <strong>Maximus</strong> ne savait pas quoi faire pour l'ai<strong>de</strong>r, ou même si il pouvait vraiment<br />

faire quelque chose.<br />

Quintus regardait <strong>Maximus</strong> et le bébé dont la tête était retombée vu qu'il dormait. Toute la soirée, le<br />

garçon, Asellio, avait regardé <strong>Maximus</strong> en silence, avec presque <strong>de</strong> l'adoration. Lucius s'était penché<br />

plusieurs fois tout près du général pour échanger quelques mots en privé. Erika n'avait cessé <strong>de</strong> s'occuper<br />

du confort <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, <strong>de</strong> sa nourriture et <strong>de</strong> son vin, comme si son bien être était la chose la plus<br />

importante <strong>de</strong> sa vie. Et maintenant il avait charmé un bébé qui pleurait - un bébé qui avait été heureux<br />

jusqu'à ce que lui, Quintus, le prenne sur ses genoux.<br />

Il se leva brusquement. "Je suis fatigué. Veuillez m'excuser, je vais rentrer au camp."<br />

200


<strong>Maximus</strong> se leva à moitié, serrant Isol<strong>de</strong> contre sa poitrine. "Quintus reste. La nuit ne fait que<br />

commencer."<br />

"Reste," renchérit Lucius. "S'il te plaît. Nous avons beaucoup <strong>de</strong> temps à rattraper."<br />

Mais Quintus se dirigeait déjà vers la porte. "Comme je l'ai dit, je suis fatigué." Il fit un sourire sans joie.<br />

"Lucius Je suis certain que je te reverrais avant que nous partions. Ma Dame," il s'inclina légèrement<br />

<strong>de</strong>vant Erika, "je vous remercie <strong>de</strong> m'avoir accueilli dans votre maison."<br />

Il sortit tout <strong>de</strong> suite après en un mouvement rapi<strong>de</strong>, refusant qu'ils insistent pour qu'il reste.<br />

"Mince," dit Erika en se rasseyant. Elle se tourna vers <strong>Maximus</strong>. "L'avons-nous offensé ?"<br />

<strong>Maximus</strong> réinstalla Isol<strong>de</strong> dans le creux <strong>de</strong> son bras en s'asseyant à nouveau. "Non," lui assura-t-il avec un<br />

sourire bienveillant. "Lucius et moi avons essayé <strong>de</strong> comprendre ce qui faisait avancer Quintus pendant<br />

<strong>de</strong>s années, en vain. Je ne connais personne qui le comprenne vraiment."<br />

Lucius servit un autre gobelet <strong>de</strong> vin à <strong>Maximus</strong> et Erika alluma quelques lanternes <strong>de</strong> plus car la lumière<br />

grise du crépuscule dans le jardin avait été remplacée par le noir complet. Puis elle partit mettre les<br />

enfants au lit.<br />

Asellio resta à table avec les <strong>de</strong>ux hommes, toujours silencieux, toujours impressionné par l'homme à côté<br />

<strong>de</strong> lui. Le garçon était surpris <strong>de</strong> constater que le général assis là en vêtements civils dans la douce<br />

lumière du soir avec le bébé dans ses bras avait l'air beaucoup plus jeune. Il avait l'air jeune et fort et<br />

séduisant et approchable. Pas tendre, pensa Asellio pas tendre du tout. Mais décidément<br />

approchable.<br />

Alors que <strong>Maximus</strong> portait le gobelet à ses lèvres, Lucius dit "Tu n'es pas responsable du bien-être<br />

émotionnel <strong>de</strong> Quintus, <strong>Maximus</strong>. Il n'a jamais été heureux et ne le sera probablement jamais. Il voudra<br />

toujours atteindre quelque chose juste hors <strong>de</strong> sa portée."<br />

"Je ne me sens pas responsable <strong>de</strong> son bien-être émotionnel."<br />

"Si."<br />

"Et bien, si c'est le cas, c'est parce qu'il a une position importante dans ma légion et qu'il prend <strong>de</strong>s<br />

décisions <strong>de</strong> vie ou <strong>de</strong> mort quand je ne suis pas là. Un homme qui n'est pas satisfait <strong>de</strong> la vie qu'il mène<br />

n'est pas un homme qui aura un bon jugement dans les situations difficiles."<br />

"Si il a autant <strong>de</strong> pouvoir, alors c'est un homme dangereux."<br />

"Lucius, ça n'est pas aussi simple."<br />

"Dis-moi, <strong>Maximus</strong>, si tu savais que tu allais mourir <strong>de</strong>main et que tu avais la possibilité <strong>de</strong> choisir ton<br />

successeur le choisirais-tu lui?"<br />

<strong>Maximus</strong> détourna le regard, ses pensées revenant à une époque où il ne faisait pas du tout confiance à<br />

Quintus. "Non," dit-il simplement.<br />

"N'est-ce pas exactement ce qui se passerait Quintus te succé<strong>de</strong>rait ?"<br />

"Il prendrait temporairement ma place jusqu'à ce que mon successeur soit désigné par l'empereur. Marc-<br />

Aurèle juge très bien les gens, Lucius. Il prendrait la bonne décision."<br />

"Est-ce que Marc-Aurèle vous a choisi comme général, monsieur ?"<br />

Asellio avait finalement décidé <strong>de</strong> se joindre à la conversation.<br />

<strong>Maximus</strong> tourna la tête et sourit au garçon, les coins <strong>de</strong> ses yeux s'abaissant et se plissant comme ils le<br />

faisaient toujours quand il souriait. "Oui."<br />

"Alors ça prouve que ce que vous dites à propos <strong>de</strong> l'empereur qui a un bon jugement est vrai." Asellio<br />

sourit avec timidité.<br />

<strong>Maximus</strong> ébouriffa les cheveux du garçon puis le remit en place sur sa chaise pour le taquiner. "Oui, n'estce<br />

pas ?"<br />

Asellio fit un grand sourire.<br />

Mais Lucius n'était pas aussi facilement satisfait. "Et si quelque chose vous arrivait à toi et à l'empereur en<br />

même temps ? Vous pourriez être tués tous les <strong>de</strong>ux dans la même bataille."<br />

"Et si. Et si," <strong>Maximus</strong> se moqua. "Et si les montagnes fondaient ? Et si il neigeait au milieu du mois <strong>de</strong><br />

juillet ? Et si l'eau du Danube se transformait en vin ?"<br />

Lucius renifla en voyant que son ami refusait <strong>de</strong> prendre ses inquiétu<strong>de</strong>s au sérieux.<br />

<strong>Maximus</strong> essaya d'apaiser Lucius. "J'ai testé Quintus en le laissant prendre la légion en charge pendant <strong>de</strong><br />

longues pério<strong>de</strong>s pendant que j'étais parti. Il s'en est admirablement bien tiré."<br />

"Il savait aussi que tu étais toujours le patron même si tu n'étais pas là. Il savait qu'il <strong>de</strong>vrait te rendre <strong>de</strong>s<br />

comptes si il faisait quelque chose <strong>de</strong> stupi<strong>de</strong>." Lucius se vautra dans sa chaise, détendit ses jambes et les<br />

croisa aux chevilles. Il jeta un regard en coin à <strong>Maximus</strong>. "Es-tu en train <strong>de</strong> me dire que tu lui fais<br />

entièrement confiance ?"<br />

"Non, mais il y a peu d'hommes en qui j'ai entièrement confiance."<br />

201


"Suis-je l'un <strong>de</strong>ux ?"<br />

"Oui sinon nous n'aurions pas cette conversation." <strong>Maximus</strong> se tourna vers Asellio. "Tu comprends que<br />

tout ce que nous sommes en train <strong>de</strong> dire ne doit pas sortir <strong>de</strong> ces murs ?"<br />

""Oui, monsieur." Asellio hocha vigoureusement la tête, voulant faire plaisir à cet homme plus que tout<br />

autre chose.<br />

Erika revint et alla à côté <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> pour lui prendre l'enfant <strong>de</strong>s bras. "Elle <strong>de</strong>vrait être couchée <strong>de</strong>puis<br />

longtemps, <strong>Maximus</strong>."<br />

"Elle dort," protesta-t-il, ne souhaitant pas lui rendre le bébé doux et chaud.<br />

Erika haussa juste un sourcil, ses mains sur ses larges hanches. <strong>Maximus</strong> embrassa doucement les<br />

boucles d'Isol<strong>de</strong> puis la pris dans ses gran<strong>de</strong>s mains et la donna à sa mère, un long filet <strong>de</strong> salive venant<br />

<strong>de</strong> la bouche <strong>de</strong> l'enfant restant collé sur sa main. <strong>Maximus</strong> l'essuya simplement sur sa tunique, ses yeux<br />

toujours posés sur le bébé endormi alors que sa mère l'emmenait.<br />

"Tu as besoin <strong>de</strong> rentrer chez toi."<br />

"Hein ?" s'enquit <strong>Maximus</strong>, distrait.<br />

"Tu as besoin <strong>de</strong> rentrer chez toi," répéta Lucius. " pour voir ta femme et ton fils. Et pour avoir d'autres<br />

bébés. Depuis combien <strong>de</strong> temps tu ne les a pas vus ?"<br />

"Deux ans et <strong>de</strong>mi trente mois cent trente semaines ca fait longtemps, peu importe comment on<br />

compte."<br />

"Sais-tu combien <strong>de</strong> jours et d'heures ça fait ?" Lucius sourit.<br />

"Oui." Il n'y avait aucune trace d'humour dans la réponse <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. Les heures étaient incroyablement<br />

longues dans son esprit, comme si elles avaient été gravées dans la pierre.<br />

"Ca fait trop longtemps, <strong>Maximus</strong>."<br />

La voix d'Erika leur parvint <strong>de</strong>puis la chambre, douce mais ferme. "Asellio, il est l'heure d'aller au lit."<br />

Le garçon fit la grimace mais leur souhaita une bonne nuit et il eut l'assurance qu'il reverrait bientôt<br />

<strong>Maximus</strong>.<br />

Quand la porte se referma <strong>de</strong>rrière l'enfant, <strong>Maximus</strong> se pencha et dit d'une voix basse "Une fois que cette<br />

guerre sera finie, je pense que le nord sera stable à nouveau. J'ai l'intention <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à l'empereur <strong>de</strong><br />

me laisser rentrer chez moi pour toujours. Je veux me retirer <strong>de</strong> l'armée. J'ai vu assez <strong>de</strong> morts pour que<br />

ça me dure plusieurs vies."<br />

Lucius posa sa main sur celle <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>. "Tu le mérites. Un soldat n'a jamais donné autant à l'armée<br />

que toi. Je suis sûr qu'il te laissera partir."<br />

<strong>Maximus</strong> hocha la tête mais ses yeux glissèrent et se fixèrent sur le mur jusqu'à ce que les pierres grises<br />

<strong>de</strong>viennent floues. L'empereur le laisserait-il prendre sa retraite ? Rome relâcherait-elle jamais son<br />

emprise sur lui ?<br />

Chapitre 99 : Fin Novembre 179<br />

<strong>Maximus</strong> était assis dans sa tente au camp <strong>de</strong> base, à environ <strong>de</strong>ux kilomètres du front qui n'était<br />

maintenant qu'à quelques heures au nord <strong>de</strong> Vindobona. Il tenait une lettre <strong>de</strong> l'empereur dans sa main et<br />

une ri<strong>de</strong> <strong>de</strong> perplexité barrait le milieu <strong>de</strong> son front.<br />

Même si la guerre tirait à sa fin, Marc-Aurèle avait choisi <strong>de</strong> rester à Vindobona sans donner d'explications.<br />

Il assurait <strong>Maximus</strong> qu'il lui faisait entièrement confiance pour conduire les opérations tout seul mais qu'il<br />

ne voulait manquer la <strong>de</strong>rnière bataille pour rien au mon<strong>de</strong>. Il voulait assister au combat qui apporterait<br />

enfin la paix dans l'empire.<br />

Les lettres <strong>de</strong> Marc étaient pleines <strong>de</strong> compliments et d'encouragements pour son général mais elles<br />

laissaient <strong>Maximus</strong> perturbé et mécontent plutôt qu'elles le rassuraient.<br />

"Quelque chose ne va pas, monsieur ?" <strong>de</strong>manda Cicéro. La vapeur venant <strong>de</strong> l'assiette qu'il tenait<br />

s'élevait en volutes autour <strong>de</strong> sa tête.<br />

Il posa le dîner <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> sur son bureau <strong>de</strong>vant lui, sachant que le général préférait manger seul la<br />

veille <strong>de</strong>s batailles pour pouvoir rassembler ses pensées. Cicéro se tourna pour verser du vin à <strong>Maximus</strong>,<br />

ne sachant pas si il allait avoir une réponse à sa question et ne se préoccupant pas d'en avoir humeurs et<br />

qu'il était content <strong>de</strong> servir <strong>de</strong> confi<strong>de</strong>nt si le général en avait besoin d'un.<br />

<strong>Maximus</strong> laissa retomber la main qui tenait la lettre sur ses genoux et l'autre vint se poser sur la tête du<br />

grand chien gris qui avait posé sa gueule sur le genou <strong>de</strong> son maître. Lui aussi avait senti l'humeur<br />

perturbée <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et essayait <strong>de</strong> le rassurer.<br />

La truffe Hercule remua lorsque l'assiette passa au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa tête et sa longue langue rose sortit pour<br />

lécher la bave qui s'était formée sur ses babines noires. Mais il ne fit pas d'autre mouvement, content<br />

202


d'attendre jusqu'à ce que <strong>Maximus</strong> partage le repas avec lui, comme il savait qu'il le ferait. En attendant, il<br />

allait apprécier que son maître lui gratte l'oreille, ainsi que la sensation <strong>de</strong> la jambe <strong>de</strong> son maître <strong>sous</strong> sa<br />

mâchoire et contre sa poitrine.<br />

<strong>Maximus</strong> jeta un il à son ami et soupira. "Je ne sais pas Cicéro. Ca ne ressemble pas à l'empereur<br />

d'éviter les batailles. Quand il était jeune, il les commandait lui-même sur son cheval, et à présent il reste à<br />

Vindobona et me laisse tout faire. J'ai peur qu'il me cache quelque chose."<br />

"Il est vieux, monsieur, et peut être fatigué."<br />

Cicéro n'était pas certain que ses mots seraient aussi rassurants qu'il le voulait.<br />

<strong>Maximus</strong> posa la lettre et prit une fourchette, jouant distraitement avec la nourriture dans son assiette, son<br />

estomac trop serré pour qu'il ait faim.<br />

"Oui mais nous avons remporté beaucoup <strong>de</strong> victoires <strong>de</strong>rnièrement et dans quelques semaines nous<br />

pourrions réussir ce que Marc veut <strong>de</strong>puis 20 ans : la paix dans l'empire. C'est difficile à imaginer, n'est-ce<br />

pas, Cicéro. La paix. Plus <strong>de</strong> morts. César <strong>de</strong>vrait être là pour voir cette guerre finir. Je n'arrive pas à croire<br />

qu'il va manquer ça."<br />

"Il sait que vous pouvez le faire sans lui."<br />

Cicéro s'assit dans une chaise, sentant que <strong>Maximus</strong> avait besoin <strong>de</strong> parler.<br />

"J'ai j'ai besoin <strong>de</strong> lui ici. J'ai besoin <strong>de</strong> ses conseils. Ca n'est pas suffisant <strong>de</strong> communiquer par lettres.<br />

Je ne l'ai pas vu <strong>de</strong>puis le printemps <strong>de</strong>rnier." <strong>Maximus</strong> regarda encore le papyrus. "J'ai besoin <strong>de</strong> sa<br />

compagnie," murmura-t-il. "Je suppose qu'il me manque, en fait." Il sourit d'un air moqueur. "Peut être que<br />

je veux qu'il soit là pour qu'il accepte en personne mon ca<strong>de</strong>au <strong>de</strong> paix pour l'entendre dire tout ce que<br />

cela signifie pour lui."<br />

"Vous l'aimez beaucoup, n'est-ce pas ?"<br />

<strong>Maximus</strong> ne répondit pas. Ca n'était pas nécessaire. Il joignit ses doigts <strong>sous</strong> son menton et fixa les<br />

chan<strong>de</strong>lles à côté <strong>de</strong> son assiette, leurs lumière éclairant la nourriture qui allait bientôt finir dans l'estomac<br />

d'Hercule. Le chien lui poussa le genou juste pour le lui rappeler.<br />

Cicéro étudia son général : son front soucieux, ses paupières tombantes, ses épaules affaissées. Il<br />

suggéra gentiment, "Peut être que l'empereur veut que vous lui disiez. Que vous lui disiez que vous avez<br />

besoin <strong>de</strong> lui. Parfois <strong>de</strong>s personnes sont si fortes que les gens croient qu'elles n'ont besoin <strong>de</strong> personne."<br />

<strong>Maximus</strong> regarda Cicéro, surpris. "Les gens me voient vraiment <strong>de</strong> cette façon ?" Cicéro acquiesça. "Toi<br />

aussi ?"<br />

"Vous êtes fort, mais je vois un autre côté <strong>de</strong> vous aussi un côté que la plupart <strong>de</strong>s gens ne voient pas.<br />

Je vous ai vu jouer avec votre petit garçon, lire et écrire <strong>de</strong>s lettres douloureuses à votre femme, vous<br />

casser la tête sur <strong>de</strong>s plans <strong>de</strong> bataille, porter le <strong>de</strong>uil <strong>de</strong>s hommes qui sont tombés. Tenez " Cicéro<br />

poussa l'assiette <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> plus près <strong>de</strong> lui. "Mangez avant que ça ne refroidisse encore plus puis<br />

écrivez à l'empereur et dites lui ce que vous ressentez et que vous avez besoin <strong>de</strong> lui ici." Cicéro saisit<br />

l'avant-bras <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> et regarda franchement dans ses yeux bleus troublés. "Il viendra ici pour vous,<br />

quelque soit son problème."<br />

Janvier 180 après Jésus-Christ<br />

<strong>Maximus</strong> Decimus Meridius se tenait dans la zone brûlée loin dans la forêt au nord <strong>de</strong> Vindobona. Des<br />

souches noires ponctuaient le paysage désolé là où <strong>de</strong>s arbres majestueux s'étaient élevés et qui avaient<br />

été secoués dans le vent puissant il y a seulement quelques jours. Des flocons <strong>de</strong> neige virevoltaient,<br />

mélangés à <strong>de</strong> la cendre, rendant difficile la distinction entre le neuf et le frais et le vieux et le mort dans ce<br />

matin glacial <strong>de</strong> Janvier <strong>de</strong> l'année 180.<br />

Il aurait du être euphorique, pensa-t-il, mais au lieu <strong>de</strong> cela, il redoutait ce que les prochaines semaines<br />

allaient peut être apporter. Lui et ses hommes avaient traversé victorieusement la Germanie les mois<br />

précé<strong>de</strong>nts, leur force et leur vigueur décuplées car ils savaient que tout était presque terminé - qu'il restait<br />

seulement quelques poches <strong>de</strong> résistance - et maintenant, ils étaient arrivés à leur <strong>de</strong>rnière bataille.<br />

Aujourd'hui pourrait être le jour qui apporterait enfin la paix dans l'empire. Il aurait du être euphorique.<br />

Mais il ne l'était pas.<br />

Sur une colline dominant le champ <strong>de</strong> bataille où ses hommes se mettaient en position, attendant les<br />

ordres <strong>de</strong> leur général, Marc-Aurèle chevauchait son étalon blanc, sa silhouette frêle emmitouflée contre le<br />

vent glacial.<br />

<strong>Maximus</strong> avait été choqué quand il avait vu son empereur il y a une semaine après qu'ils aient été séparés<br />

pendant presque dix mois. Il était si fragile ! Il avait l'air mala<strong>de</strong>. Son empereur invincible ne l'était<br />

apparemment plus.<br />

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Quand <strong>Maximus</strong> l'avait embrassé, il avait craint que les os fragiles du vieil homme ne se brisent. Il était<br />

clair qu'il était en train <strong>de</strong> s'éteindre et que sa mort amènerait un nouveau régime effrayant à l'empire et<br />

qu'elle laisserait une blessure profon<strong>de</strong> dans le c ur <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong>, comme jamais il n'en avait eu avant.<br />

Même maintenant, il sentait son c ur se serrer à l'idée <strong>de</strong> perdre cet homme qu'il aimait comme un père.<br />

Et quand cela se produirait, Commo<strong>de</strong> aurait tous les pouvoirs. Il serait un empereur irresponsable,<br />

méprisable et dangereux, et <strong>Maximus</strong> savait déjà qu'il ne pourrait jamais servir un tel homme, même si il<br />

avait eu une chance <strong>de</strong> changer la situation avec une solution qu'il n'avait pas pu accepter. Il <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rait<br />

sa retraite à Marc-Aurèle et retournerait en Espagne auprès <strong>de</strong> sa famille - et s'enfuirait <strong>de</strong> la mort<br />

inévitable <strong>de</strong> son empereur bien-aimé. Il ne s'était jamais considéré comme un lâche mais la pensée <strong>de</strong><br />

voir Marc-Aurèle se flétrir lentement et mourir comme les feuilles sur un chêne après les gelées <strong>de</strong><br />

l'automne était trop dure à supporter. <strong>Maximus</strong> avait déjà perdu un père, il ne pourrait pas supporter d'en<br />

perdre un autre.<br />

Il retournerait chez lui où était sa place, dans les bras réconfortants <strong>de</strong> sa femme et <strong>de</strong> son fils, et il<br />

reprendrait sa vie <strong>de</strong> fermier. Il aurait d'autres enfants et les verrait grandir, en bonne santé et heureux, et il<br />

se délecterait <strong>de</strong> la présence <strong>de</strong> ses petits-enfants et, si les dieux le permettaient, <strong>de</strong> ses arrières petitsenfants.<br />

<strong>Maximus</strong> regarda la terre brûlée à ses pieds et se servit du bout <strong>de</strong> sa botte pour gratter un peu <strong>de</strong> terre et<br />

<strong>de</strong> cendre, cherchant un peu <strong>de</strong> vie dans cet endroit infernal. Une petite pousse d'arbre verte était tout ce<br />

qu'il cherchait. Juste un signe que quelque chose vivait encore dans cette terre morte et désolée, que cette<br />

chose la régénérerait - et que sa propre vie aussi serait régénérée.<br />

Il ne trouva aucune pousse. Au lieu <strong>de</strong> cela, ses narines furent assaillies par l'o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la fumée, brûlant<br />

sa gorge et faisant pleurer ses yeux. Il se convainquit que les larmes qui brouillaient ses yeux étaient dues<br />

à la fumée. Il cligna <strong>de</strong>s yeux pour les humidifier et déglutit.<br />

Il savait que ses hommes étaient prêts pour cette bataille finale et que eux aussi pouvaient imaginer leurs<br />

foyers à portée <strong>de</strong> main. Ils étaient prêts à suivre chaque mouvement <strong>de</strong> leur général, à agir au moindre<br />

<strong>de</strong>s ordres <strong>de</strong> cet homme qui les avait menés avec succès bataille après bataille. Ils étaient persuadés<br />

qu'il mettrait fin à cette guerre interminable et qu'il les ferait tous rentrer à la maison. Mais tout cela était<br />

encore à venir, tôt ou tard, et ils <strong>de</strong>vaient se concentrer sur leur prochaine tache, la <strong>de</strong>rnière bataille, et<br />

<strong>Maximus</strong> le <strong>de</strong>vait aussi.<br />

Il se redressa et sentit le poids réconfortant <strong>de</strong>s vêtements propres à son gra<strong>de</strong> : la cuirasse en cuivre, la<br />

cape et les peaux. Il leva lentement la tête et concentra ses pensées sur la bataille à venir. Il prit une<br />

profon<strong>de</strong> inspiration puis fit <strong>de</strong>mi-tour et hésita ensuite, son regard attiré par une touche <strong>de</strong> couleur dans le<br />

paysage gris. C'était un rouge-gorge, assez petit, dans un endroit où il était bien trop tôt dans la saison<br />

pour qu'il y ait <strong>de</strong>s rouges-gorges. Il était perché sur une branche dénudée, sautillant légèrement dans la<br />

bise glacée. Il ne semblait pas voir que tout avait été dévasté et qu'il y avait encore <strong>de</strong> la violence à venir.<br />

<strong>Maximus</strong> eut un <strong>de</strong>mi sourire en voyant cette touche <strong>de</strong> beauté et <strong>de</strong> vie au milieu <strong>de</strong>s ruines.<br />

L'oiseau étendit ses petites ailes et s'envola à droite Un bon signe, pensa <strong>Maximus</strong>, et il sourit et le<br />

regarda voler jusqu'à ce qu'il disparaisse dans le ciel couvert d'hiver. Oui, c'était un bon signe, pensa-t-il<br />

encore et il vida son esprit <strong>de</strong> toutes ses pensées sauf celles concernant la façon <strong>de</strong> remporter la<br />

prochaine bataille. Son visage se durcit pour <strong>de</strong>venir ce masque imperméable qui terrifiait ses ennemis,<br />

sans émotions et impénétrable, montrant au reste du mon<strong>de</strong> qu'il était prêt à affronter et à abattre tout<br />

obstacle qui s'élèverait entre lui et ce qu'il voulait atteindre.<br />

Il fit <strong>de</strong>mi-tour avec grâce, sa longue cape tournoyant autour <strong>de</strong> lui, et il traversa la clairière morne pour<br />

retourner vers ses hommes qui attendaient ses ordres et vers l'empereur qu'il aimait tellement et pour<br />

qui il sacrifierait sa propre vie avec joie sur le champ <strong>de</strong> bataille pour lui apporter ce qu'il désirait tant : la<br />

paix et la stabilité dans l'empire Romain.<br />

FIN<br />

Retrouvez la suite <strong>de</strong> l'histoire, également écrite par Susan Spicer, 15 ans après la mort <strong>de</strong> <strong>Maximus</strong> à<br />

Rome.<br />

<strong>Maximus</strong> n'est plus mais il continue à vivre à travers son plus jeune fils, Glaucus, nommé d'après ses yeux<br />

verts. Après avoir appris sa véritable i<strong>de</strong>ntité, Glaucus entreprendra, à travers une longue odyssée, à<br />

chercher pour les rassembler, toutes les in<strong>format</strong>ions sur les <strong>de</strong>rniers jours <strong>de</strong> son père et ensuite à se<br />

venger.<br />

Traduction française ici : http://www.geocities.com/charlier_do/in<strong>de</strong>x.html<br />

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