Les Fungi de Yuggoth - Trouver Objet Caché
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pour le diable à ressort ne faisant qu’enrager un peu plus<br />
une Agnès possédée par la passion haineuse <strong>de</strong><br />
Catherine à l’égard <strong>de</strong> son enfant adopté.<br />
Enfin, nous nous partageâmes les lettres et<br />
brouillons après nous être concertés longtemps sur la<br />
meilleure modalité <strong>de</strong> recherche à adopter : c’est dans<br />
l’une <strong>de</strong>s lettres adressées par Agnès à David qu’un<br />
élément d’intérêt se détacha. Elle y faisait part <strong>de</strong> son<br />
inquiétu<strong>de</strong> à l’égard <strong>de</strong>s accès <strong>de</strong> colère <strong>de</strong> Jenny, et <strong>de</strong><br />
son comportement troublant. Rien, encore une fois, qui<br />
permît <strong>de</strong> mettre en doute la solidité <strong>de</strong> notre théorie –<br />
pour extraordinaire qu’elle fût !<br />
A ce moment <strong>de</strong> l’après-midi, vers dix-sept<br />
heures, nous tînmes un nouveau conciliabule sur la<br />
meilleure <strong>de</strong>s marches à suivre. Paul, partie prenante <strong>de</strong><br />
nos réflexions, désirait évoquer un autre esprit au cours<br />
<strong>de</strong> la soirée. Dans la mesure où nous croyions Catherine<br />
à l’origine <strong>de</strong> la malédiction <strong>de</strong> l’endroit, et terriblement<br />
chargée <strong>de</strong> haine, nous jugions préférable d’essayer <strong>de</strong><br />
contacter l’esprit du petit Luther. Une gran<strong>de</strong> difficulté<br />
était que nous n’avions aucun objet lui ayant appartenu.<br />
Ni la poupée, ni l’ours, ni la boite à ressort ne<br />
convenaient, et – alors que nous espérions que peut-être<br />
ils recelaient quelque indice – ils ne contenaient<br />
d’ailleurs rien d’intérêt. Toutes les présomptions nous<br />
poussaient à croire que la cave cachait un secret décisif :<br />
je craignais quant à moi hélas qu’il ne se fût agi <strong>de</strong>s<br />
restes <strong>de</strong> Luther, et chacun semblait se rallier à mon<br />
jugement, même si Paul ne manquait pas <strong>de</strong> nous<br />
exhorter encore une fois à beaucoup <strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nce. Car<br />
en effet, après tout, qui nous disait que Luther n’était<br />
pas ce que Catherine dénonçait en lui, quelque rejeton<br />
satanique et trompeur, qui avec une malignité extrême<br />
ourdissait la trame d’une gigantesque tromperie, où<br />
coupables et innocents auraient vu leurs rôles<br />
inversés ?...<br />
Nous <strong>de</strong>scendîmes donc à la cave, où le Dr<br />
Badstuff fit cé<strong>de</strong>r le verrou d’un coup <strong>de</strong> hache bien<br />
ajusté. L’intérieur, taillé dans la même roche que le reste<br />
<strong>de</strong> la pièce, si ce n’est <strong>de</strong> façon plus grossière, ne<br />
comportait que <strong>de</strong> vagues éboulis, ou tas <strong>de</strong> gravats.<br />
Après que nos yeux se fussent accommodés à la<br />
pénombre, le Pr Costing remarqua néanmoins un<br />
élément troublant : d’un clou, fiché dans une poutre<br />
d’étayage, s’écoulait à intervalle régulier <strong>de</strong>s gouttes d’un<br />
liqui<strong>de</strong> épais et rouge, formant par terre une petite<br />
flaque <strong>de</strong> ce que nous ne pûmes considérer autrement<br />
que comme du sang. Choqués par cette hémorroïsse<br />
inexplicable – le clou ne pouvait avoir servi à une<br />
crucifixion, un corps, même celui, chétif, d’un enfant, ne<br />
pouvait y avoir été suspendu – nous essayâmes <strong>de</strong><br />
reprendre nos esprits et <strong>de</strong> fouiller, à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s outils qui<br />
se trouvaient à l’entrée <strong>de</strong> la cave, les décombres. Et<br />
nous en exhumâmes, avec cette triste satisfaction <strong>de</strong><br />
nous voir confirmer ce que nous craignions qu’il s’y<br />
trouvât, les restes du corps d’un enfant…<br />
Après un nouveau dîner insipi<strong>de</strong>, que nous<br />
mangeâmes néanmoins <strong>de</strong> bon cœur, après l’épuisante<br />
journée que nous avions vécu, la séance spirite fut<br />
organisée. Luther ne tarda pas à se manifester, le visage<br />
<strong>de</strong> Paul, comme il l’avait fait pour Jenny, semblant<br />
rajeunir jusqu’à prendre les traits d’un enfant. Paul se<br />
contentait <strong>de</strong> hocher la tête en réponse à nos questions,<br />
nous laissant à penser qu’il s’agissait bien <strong>de</strong> l’enfant <strong>de</strong><br />
Marion. Mais, à l’instar <strong>de</strong> la précé<strong>de</strong>nte, la séance fut<br />
bien vite interrompue par les bruits <strong>de</strong> pas qui, se<br />
précipitant <strong>de</strong>puis la chambre bleue, dévalèrent<br />
l’escalier. Mais alors que Catherine n’avait pu, la veille,<br />
ouvrir la porte du salon, elle la traversa cette fois dans<br />
un accès <strong>de</strong> rage, apparaissant à tous. Son visage n’était<br />
plus qu’un masque <strong>de</strong> haine. Avisant les expressions<br />
infantiles <strong>de</strong> Luther sur les traits <strong>de</strong> Paul, elle se rua sur<br />
lui, menaçante. Le Pr Costing et moi brisâmes le cercle<br />
et tentâmes <strong>de</strong> nous interposer. Paul s’effondra sur la<br />
table, inconscient, et l’ectoplasme nous traversa, nous<br />
glaçant les sangs, mais heureusement sans autre<br />
conséquence.<br />
Nous regagnâmes nos chambres après que le Dr<br />
Badstuff se fût assuré que chacun avait recouvré ses<br />
esprits. Nos tentatives pour persua<strong>de</strong>r Robert<br />
Carrington <strong>de</strong> se laisser hypnotiser par le bon docteur<br />
restèrent vaines – nous espérions ainsi provoquer chez<br />
lui un processus d’anamnèse qui nous aurait permis<br />
d’exhumer <strong>de</strong>s souvenirs décisifs <strong>de</strong> son inconscient –<br />
et, épuisé par cette journée, et l’éprouvante séance<br />
médiumnique, nous nous retirâmes. Demain, Paul a<br />
prévu <strong>de</strong> mettre un terme aux présences <strong>de</strong> la maison en<br />
en chassant définitivement l’esprit <strong>de</strong> Catherine, et nous<br />
quitterons Tannerhill en emportant avec nous les restes<br />
<strong>de</strong> Luther pour que le Révérend Lewis leur octroie les<br />
<strong>de</strong>rniers sacrements.<br />
Dimanche 31 juillet 1927, Massachusetts General<br />
Hospital, Boston, MA.<br />
Si ce journal a un jour d’autres lecteurs que moi<br />
seul, ils s’étonneront qu’un tel délai sépare la présente<br />
entrée <strong>de</strong> la précé<strong>de</strong>nte : c’est que mon état, après les<br />
évènements qui conclurent l’affaire <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong>s<br />
Tannerhill, m’a jusqu’à présent laissé dans l’incapacité<br />
<strong>de</strong> poursuivre la rédaction <strong>de</strong> ces mémoires. Mon épaule<br />
gauche est encore bandée, et mon torse me lance dès<br />
que j’esquisse le moindre geste, mais j’ai obtenu <strong>de</strong> mes<br />
mé<strong>de</strong>cins qu’ils diminuassent peu à peu mes doses <strong>de</strong><br />
morphine, <strong>de</strong> façon à ce que je jouisse présentement <strong>de</strong><br />
suffisamment <strong>de</strong> lucidité pour être à même d’écrire ces<br />
lignes. Tenir le stylo et me concentrer m’est encore<br />
pénible, mais j’ai besoin d’exorciser les évènements du 3<br />
juillet <strong>de</strong>rnier en les couchant sur le papier. Voici donc<br />
le récit du dénouement du drame <strong>de</strong> Corbiswood, au<br />
cours duquel je faillis perdre la vie.