Les Fungi de Yuggoth - Trouver Objet Caché
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efusions tous <strong>de</strong> croire malgré les tonalités angoissées<br />
<strong>de</strong> ses <strong>de</strong>rnières lettres, d’un suici<strong>de</strong> – il se serait jeté<br />
dans les eaux <strong>de</strong> l’Hudson. Nous apprenions, ce dont<br />
Paul ne nous avait rien dit dans ses lettres, que<br />
Whitefield était toujours son impresario, et que sa petite<br />
amie n’était autre que Velma Peters, que nous avions<br />
rencontrée elle aussi lors <strong>de</strong> l’affaire <strong>de</strong> Corbiswood.<br />
Après avoir débattu <strong>de</strong>s pistes à suivre, nous<br />
décidâmes d’appeler en tout premier Mrs Le Mond,<br />
dont un numéro <strong>de</strong> téléphone, à Buffalo, NY, était<br />
mentionné au bas <strong>de</strong> l’article. Paul ne lui avait semble-til<br />
parlé d’aucun <strong>de</strong> nous, mais elle fut néanmoins<br />
heureuse d’entendre quelqu’un se présentant comme<br />
son ami lui proposer son ai<strong>de</strong>. Hélas, elle se contenta<br />
après quelques minutes <strong>de</strong> conversation laborieuse <strong>de</strong><br />
nous répéter inlassablement <strong>de</strong> la venir voir – elle avait<br />
<strong>de</strong>s choses à nous montrer, mais se refusait à nous en dire<br />
davantage. Nous raccrochâmes assez déçus qu’elle n’ait<br />
pu nous en apprendre plus, et appelâmes, sans résultat,<br />
Velma.<br />
Nous dûmes nous rendre chez elle pour pouvoir<br />
lui parler : elle mit quelques instants à nous ouvrir après<br />
nous avoir répondu, mais apparut enfin alors que nous<br />
nous apprêtions, crainte <strong>de</strong> quelque affaire louche, à<br />
forcer la porte <strong>de</strong> son appartement. Elle nous ouvrit<br />
dans un négligé très soigneusement composé, son<br />
éternel fume-cigarette pincé entre ses lèvres<br />
outrageusement maquillées. Si la peine qu’elle affichait à<br />
l’évocation <strong>de</strong> la disparition <strong>de</strong> Paul était trop<br />
démonstrative pour ne pas être feinte, Velma ne nous<br />
sembla guère susceptible d’être aucunement impliquée<br />
dans sa disparition. Elle nous apprit en revanche qu’elle<br />
et Paul avaient rompu une semaine auparavant, ce dont<br />
Paul ne semblait, selon elle, pas se consoler, et qu’il avait<br />
quitté son appartement vers 22h dans la soirée du 5 juin,<br />
après être venu la voir, en vain, pour reprendre leur<br />
relation. Elle nous avoua que Paul était assez angoissé et<br />
surmené ces <strong>de</strong>rniers temps, et qu’il faisait <strong>de</strong>s<br />
cauchemars au cours <strong>de</strong>squels elle l’entendait prononcer<br />
quelques mots sans signification – il évoquait une très<br />
vieille, et très gran<strong>de</strong> ville, ainsi qu’une bête, dont elle ne<br />
sut nous dire davantage. Enfin, elle nous confirma que<br />
Whitefield était encore son agent, et que c’était<br />
vraisemblablement lui qui avait rapporté la disparition<br />
<strong>de</strong> Paul à la police, car ce n’était en tout cas pas elle.<br />
Nous ne pûmes obtenir un ren<strong>de</strong>z-vous par le<br />
biais du téléphone au bureau d’Herbert Whitefield, dont<br />
la secrétaire avait manifestement ordre <strong>de</strong> filtrer les<br />
appels. Nous nous déplaçâmes donc jusqu’à son bureau,<br />
sis en plein Wall Street, dans un immeuble <strong>de</strong> secon<strong>de</strong><br />
catégorie néanmoins. Devant le peu <strong>de</strong> zèle <strong>de</strong> Betty, la<br />
pulpeuse secrétaire <strong>de</strong> Whitefield, à nous laisser entrer,<br />
Jo Nose prit les <strong>de</strong>vant et força la porte <strong>de</strong> l’impresario,<br />
qui fut bien obligé, alors que nous entrions tous les<br />
quatre dans son bureau exigu, <strong>de</strong> prendre la peine <strong>de</strong><br />
nous écouter. Il prétendit avoir déjà raconté tout le peu<br />
qu’il savait à la police, en la personne d’un gros<br />
inspecteur dont il ne put se rappeler le nom, et confirma<br />
que c’était bien lui qui avait prévenu <strong>de</strong> la disparition <strong>de</strong><br />
Paul. Accablé par les nombreux contrats, que la<br />
disparition <strong>de</strong> Paul <strong>de</strong>vait sans doute invali<strong>de</strong>r, qui<br />
jonchaient son bureau, il ne tarda pas néanmoins à nous<br />
chasser <strong>de</strong> ses locaux. Nous tentâmes par la suite, avec<br />
difficulté cependant, d’amadouer Betty, qui nous<br />
enjoignit à revenir vers quinze heures, heure à laquelle<br />
Whitefield <strong>de</strong>vait être parti.<br />
Au sortir du building, nous fûmes accostés par<br />
un homme <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> taille, portant un collier <strong>de</strong> barbe,<br />
qui se présenta à nous comme John Delvin, enquêteur<br />
pour la société Mutual Life Insurance. Selon lui, Paul aurait<br />
contracté plusieurs assurances-vie dont Whitefield était<br />
bénéficiaire partiel, mesure assez rare pour justifier une<br />
enquête <strong>de</strong> leur part. Il nous <strong>de</strong>manda où en était notre<br />
investigation, et nous pria <strong>de</strong> le tenir informé si nous<br />
obtenions quelque chose <strong>de</strong> probant. Non sans une<br />
certaine ingéniosité, le Pr. Costing lui <strong>de</strong>manda sa carte<br />
<strong>de</strong> visite, qu’il fut incapable <strong>de</strong> produire, arguant d’un<br />
récent changement <strong>de</strong> costume, prétexte qui nous<br />
sembla bien maladroit. Et en effet, quand j’appelai<br />
<strong>de</strong>puis un pub proche une standardiste pour qu’elle me<br />
mît en contact avec la Mutual Life Insurance <strong>de</strong> New-<br />
York, puis celle <strong>de</strong> Buffalo, elle n’en put rien faire, et<br />
pour cause : cette compagnie n’avait pas d’attribution<br />
aux villes nommées. Une vérification ultérieure aux<br />
locaux <strong>de</strong> la PC Bell nous confirma que la prétendue<br />
mutuelle n’existait pas. Qui était donc ce Mr Delvin ?<br />
Nous retournâmes peu après quinze heures au<br />
bureau <strong>de</strong> Whitefield, que celui-ci avait quitté quelques<br />
minutes plus tôt, y laissant seule sa secrétaire Betty.<br />
Après bien <strong>de</strong>s difficultés pour nous faire comprendre –<br />
j’eus à parler lentement, en détachant les syllabes <strong>de</strong>s<br />
mots simples, agencés en phrases brèves, qui seuls<br />
semblaient pouvoir franchir la barrière <strong>de</strong> son adorable<br />
crâne aux longues mèches platine pour enfin,<br />
péniblement, faire sens dans sa cervelle d’oiseau – elle<br />
consentit enfin à nous avouer que Herb était couvert <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>ttes. Deux hommes à l’allure et aux manières <strong>de</strong><br />
gangster étaient déjà venus le voir <strong>de</strong> la part d’un Mr.<br />
Wexler, ainsi qu’un Mr. Rogers, un homme <strong>de</strong> gran<strong>de</strong><br />
taille – à l’instar <strong>de</strong> notre mystérieux Mr Devlin,<br />
remarquait le Pr. Costing – avec <strong>de</strong> grosses lunettes.<br />
N’étant pas parvenus à obtenir <strong>de</strong> Whitefield le<br />
double <strong>de</strong>s clefs <strong>de</strong> l’appartement <strong>de</strong> Paul, nous nous<br />
vîmes contraints, à ma gran<strong>de</strong> honte, d’y pénétrer par<br />
effraction. Notre passe-muraille, Mr. Nose, se joua<br />
aisément <strong>de</strong> la serrure, et nous commençâmes une<br />
fouille minutieuse. Nous n’escomptions guère que la<br />
police eût procédé à une recherche sérieuse, or certaines<br />
indications manuscrites récentes <strong>de</strong> Paul pouvaient être<br />
décisives pour comprendre ce qui avait pu lui arriver.<br />
J’étais navré d’avoir à violer ainsi l’intimité d’un ami,<br />
mais nécessité fit alors loi. Le seul document que nous<br />
trouvâmes digne d’intérêt était le brouillon d’une lettre à<br />
sa mère. Il s’y excusait <strong>de</strong> ne lui avoir pas répondu plus<br />
tôt, prétextant <strong>de</strong> la charge <strong>de</strong> travail que lui imposait<br />
Whitefield, et <strong>de</strong> son mauvais sommeil, hanté par