Les Fungi de Yuggoth - Trouver Objet Caché

n’avions pas prêté attention plus tôt, indiquaient
respectivement les bureaux de Mr. Peale, et du Dr.
Lawrence Richards. Dans le bureau d’Harris, Mr. Nose
trouva des cartes de relevés géologiques, lesquelles
mentionnaient avec insistance un même secteur, baptisé
A48, marqué sur chacune d’un astérisque, et qui se
trouverait à environ 3,5 km de la mine. En outre, le
brouillon d’une lettre, rédigé sur la feuille arrachée d’un
carnet, n’a laissé de nous glacer encore davantage alors
que Mr. Nose nous en rendait compte. Elle était rédigée
à peu près dans ces termes : « Cher Mr. Chandler, Je vous
prie de bien vouloir noter que le processus d’extraction du secteur
A48 a pris de l’avance sur le programme prévu, laissant entrevoir
un démantèlement du camp, après une diminution du chantier,
plus tôt que nous n’aurions pu l’espérer. Nos alliés de Y. semblent
être satisfaits des dispositions prises à leur égard dans nos projets.
Je pense que tout ira bien. Longue vie à Shub-Niggurath,
Jonathan Harris. »
Qu’est-ce que tout cela signifiait, nous n’en
avions aucune idée, sinon que l’implication d’Harris
dans les projets de la Confrérie ne faisait désormais plus
aucun doute pour nous. Même si nous en avions douté
dans un premier temps – l’homme était d’un abord
franc et sympathique – sa formule d’envoi en faisait un
cultiste corrompu à la solde d’Hauptman et de ses
sbires. Quant à savoir ce que le sibyllin « Y » désignait,
nous ne pûmes le dire : le seul nom qui me vint à l’esprit
fut Yamoussoukro ; le Pr. Costing suggéra la
Yougoslavie ; après quelques moments je pensais à Yig,
mais alors toute notre théorie s’effondrait comme un
château de carte, car nous avions à l’idée depuis notre
arrivée au Pérou que les indiens pourraient être un allié
pour lutter contre la Confrérie, et non l’inverse.
Mais la récolte de Mr. Nose ne s’arrêtait pas là :
dans un classeur en bois, au milieu de nombreux
dossiers, bilans comptables et financiers, facturiers, il
trouva une liasse de bordereaux de chargements qui
faisaient état du transport depuis le port de Lima d’un
matériau appelé Jean-Bleu, envoyé par petite quantité,
par bateau, à une adresse de San Francisco, adresse
suivie de deux idéogrammes chinois. Est-il possible que
nous ayons obtenu là un moyen de débusquer le cofondateur
de la Confrérie selon le De Bestiae Fraternitate,
le prêtre Lang Fu ?
Nous sommes trop fatigués pour parvenir à
comprendre quoi que ce soit à tout cela. Demain nous
avons l’intention d’accepter la proposition d’Harris de
visiter ses locaux : peut-être y trouverons-nous
davantage d’éléments à même de nous permettre une
vue claire des différentes forces à l’œuvre ici.
Jeudi 13 juin 1929, dortoir de la NWI, nord-est de
Huancucho, Pérou.
Ce matin, le camp s’est réveillé dans une
effervescence inquiète dont nous n’avons pas tardé à
comprendre la raison : un des techniciens, William
Boyle, est porté manquant. Mr. Peale, le chef de la
sécurité, a donné un ordre de consignation. Un groupe
d’hommes armés a été envoyé à sa recherche tôt ce
matin, et il vient de revenir avec les cadavres de deux
indiens Huari abattus, selon les propos de Mr. Peale,
« parce qu’ils s’étaient montrés agressifs. »
Alors que nous nous intéressions aux cadavres des
indiens, et à leurs colifichets si particuliers – l’un d’eux
portait une plaque en bois portant un texte dans des
caractères tout-à-fait comparables à ceux de la statue de
Yig – le Dr. Richards, le médecin du camp, a remarqué
l’attention que nous leur portions. Nous avons
découvert qu’il était un assez bon connaisseur de cette
tribu, savoir qu’il semble tenir de son père,
anthropologue à la Columbia. Nous nous sommes
longuement interrogés sur la pertinence qu’il y avait à lui
demander conseil et à lui montrer notre copie de
l’inscription de Yig, puis nous y sommes résolus : tous
ne peuvent être impliqués, et le savoir des motivations
réelles de la NWI est sans doute très scrupuleusement
cloisonné. Peu porte à croire que le médecin ait été dans
la confidence.
Quoi qu’il en soit, il nous a donné une
traduction de l’inscription – celle de la tablette en bois
n’en ayant été qu’une version tronquée, semble-t-il. Il
s’agirait d’un rituel adressé à Yig, destiné à Calmer la
Fureur d’un Enfant de Yig, et également à Adorer Yig. Le
Dr. Richards nous a donné, à notre demande insistante
et avec beaucoup de mises en garde, une version
phonétique du rituel, selon lui approximative et sujette à
caution. Chacun de nous a essayé de la mémoriser, mais
je n’y suis pas parvenu.
Nous avons décidé de passer outre la
consignation et nous sommes excusés auprès de Mr.
Harris de ne pouvoir honorer son invitation. Il ne nous
a pas été fait de problème pour nous retenir au camp,
même si des mises en garde répétées à l’encontre des
Huari ont été abondamment formulées par tous les
membres du personnel. Nous partons donc pour le
secteur A48 – bien que bien sûr nous ayons prétexté
vouloir retourner immédiatement au village.
Jeudi 13 juin 1929, secteur A48, nord-est de
Huancucho, Pérou.
J’écris ces lignes, peut-être les dernières, avant
que ma raison ne vacille irrémédiablement et que la
mort ou la folie ne m’en empêche à tout jamais.
Nous avons atteint le secteur A48 au début de l’aprèsmidi.
D’abord intrigué par le calme de l’endroit, irréel –
et sans doute par le fait d’une inactivité anormale de la
faune – nous avons remarqué de nombreux blocs de
pierres, à la découpe nette, et pourvus de soigneuses
traces d’extractions, qui auraient tout-à-fait pu être le
résultat des procédés évoqués par Harris. Il s’agissait de
cannelures mécaniques autour desquelles restaient les
vestiges, sous formes de dépôt bleu, de ce que nous
soupçonnions être le mystérieux Jean-Bleu. Autour de
l’un des blocs – il ne s’agissait certes pas des carottes