Les Fungi de Yuggoth - Trouver Objet Caché

multiples déstabilisations, en même temps que
l’invocation d’une immonde créature, pour laquelle la
présence du descendant élu de Nophru-ka serait
indispensable.
Samedi 23 février 1929, Bucarest, Roumanie.
Les dernières entrées du journal du baron
Hauptman font mention de la proximité du « Jour de la
Bête ». Il ambitionnait, avant notre arrivée à Drosvona,
semble-t-il, un départ pour Chicago. L’arrivée de son
jeune secrétaire anglais fut vécue par lui avec une sorte
de divertissement sadique, de joie mauvaise, que nous
comprîmes mal au début. En de nombreuses
occurrences, le baron laisse poindre sa satisfaction, avec
des phrases comme celle-ci : « Il me plaît beaucoup, il
sera très bien. » Hauptman s’est repu pendant de
longues semaines de l’angoisse du jeune homme, avant
de faire état de la nécessité de « presser la chose », dans
des formulations à chaque fois trop sibyllines pour
m’être compréhensibles. Puis, en octobre 1927, il note
ces mots : « C’est fait. Comme je le pensais, il s’est
montré parfait pour cet usage. »
C’est le Pr. Costing qui m’a dessillé les yeux
devant ce que je me refusais à croire : le baron
Hauptman a transféré son esprit dans le corps plus
jeune et plus vigoureux du jeune secrétaire anglais, qui
lui offrira sans doute une parfaite couverture pour ce
qu’il entend faire à Chicago. Toute la suite de son
journal ne fait que le confirmer : il n’évoque plus le
secrétaire que pour se féliciter de ce qu’il a reçu une
éducation soignée, et de ce que son hygiène de vie l’a
pourvu d’un corps dans lequel il évolue avec plaisir.
Nous ne savons si un tel pouvoir de métensomatose
permet à l’esprit du corps que l’on possède de survivre
dans celui que l’on quitte. Ma crainte, dès que j’imagine
une telle abomination, est que le pauvre jeune homme
soit mort de frayeur en réalisant la chose, si tant est que
tout cela ne soit pas qu’une affabulation de nos
cerveaux épuisés d’avoir perçu tant d’horreurs.
Nous sommes parvenus à trouver un astronome
à l’université qui voulût bien nous accorder un peu de
son temps. Selon le Pr. Dorbescu, les cartes du baron
montreraient un intérêt fort étrange, dans la mesure où
les mesures semblent avoir été prises sur plusieurs
générations, pour une seule et même étoile, au
mouvement céleste soigneusement étudié, l’étoile
nommée Xoth. Si le mystère reste plein, il est cependant
éclairé pour nous par ce en quoi nous sommes
désormais convaincus que la lignée prétendue des
Hauptman n’a en fait été que la succession des corps
volés par un seul et même esprit maléfique.
Nous avons réservé des billets de train pour
Varna sur l’Orient-Express. De là, nous prendrons la
route maritime jusqu’à Constantinople, puis Port-Saïd
via des escales en Grèce et en Crète.
Mercredi 27 février 1929, mer de Marmara.
Je vais mettre à profit notre long voyage pour
avancer dans ma lecture du De Vermiis Mysteriis. A
l’instar du De Bestiae Fraternitate, et peut-être même plus
encore, c’est un ouvrage fort dérangeant, qui semble
compiler les savoirs de son auteur sur l’occultisme
arabo-oriental. J’y ai retrouvé des allusions fréquentes au
blasphématoire Al Azif nommé dans le De Bestiae
Fraternitate, ouvrage de sorcellerie arabe qui serait, selon
Prinn, autrement connu sous le nom de Nécronomicon.
L’ouvrage a été régulièrement annoté de la main du
baron Hauptman. Il semble notamment qu’il ait porté
une attention particulière à d’étranges rituels, composés
de runes, dont l’usage est abondamment commenté. Un
premier de ces sortilèges permettrait d’invoquer, et
contrôler, une créature que Prinn nomme un Vampire
Stellaire – cela a-t-il un rapport avec la chose translucide
qui avait entrepris de vider le bohémien de son sang à
Drosvona ? Un second, confirmant hélas nos pires
craintes et ratifiant nos théories les plus
abracadabrantes, permettrait de transférer son esprit
dans le corps d’autrui. Comment douter dès lors que le
baron en ait fait usage ?
Samedi 2 mars 1929, Athènes, Grèce.
Le Pr. Costing et moi-même avons appris le
sortilège permettant de contrôler un Vampire Stellaire.
Si aucun de nous n’espère en avoir jamais l’usage, nous
sommes dans une telle incertitude quant aux
évènements et aux adversaires auxquels nous nous
apprêtons à faire face que nous ne savons plus quelles
précautions prendre. Ai continué le livre de Prinn, où
l’auteur évoque sa vie – plusieurs siècles selon lui –
consacrée aux pratiques occultes. Je deviens indolent et
d’humeur constamment chagrine, et je sens bien que ce
pernicieux ouvrage en est la cause, mais je ne trouve
plus la force de m’arracher à la fascination qu’il exerce
sur moi, et continue ma lecture, au péril même de ma
raison et de la vie qui m’anime.
Si l’on s’en réfère à l’ouvrage, l’Hydromel de
l’Espace serait destiné à protéger celui qui l’utiliserait
lors d’un voyage spatial. Faut-il croire dès lors que le
baron aurait utilisé un Vampire Stellaire pour fuir le
château Hauptman alors qu’il se sentait menacé ? Le
troisième sbire est peut-être tombé de la tour alors que,
voyant son maître les abandonner, il tentait de l’en
empêcher dans un geste fou ?...
Vendredi 29 mars 1929, Le Caire, Egypte.
Sommes arrivés en fin d’après-midi au Caire par
le train de Port-Saïd pris ce matin. Accueil chaleureux
d’Ali Ben Tarek chez qui nous sommes logés. Le Pr.
Galloway a répondu au télégramme que le Pr. Costing