Les Fungi de Yuggoth - Trouver Objet Caché

allemand et portant ce titre étrange, Brasser l’Hydromel de
l’Espace. Le diable sait ce que cela signifie.
De retour au puits, nous réalisâmes que la
margelle portait une inscription en latin sur son
pourtour, que nous tentâmes de déchiffrer. Il semble
que cela ait signifié quelque procédé magique
d’invocation ou de bannissement d’une entité nommée
Nyogtha. Etait-ce là ce que nous avions affronté
quelques minutes auparavant, effrayés puis incrédules ?
Nous appliquâmes aussi délicatement que possible le
sceau de cire sur le sommet de la margelle, puis partîmes
sans demander notre reste.
Alors que nous passions le mur d’enceinte, nous
entendîmes les cris d’agonie du troisième sbire, le corps
fracturé en bas de la tour comme s’il en était tombé. Il
ne sut nous dire que ces mots, dans un dernier râle :
« Herr baron… Hauptman. » Il pointa le doigt, dans un
dernier effort, vers le ciel, et mourut.
Que cela signifiait-il ? Le baron avait-il été enlevé par la
chose invisible terrifiante que nous avions vue le matin
au camp tzigane ? C’était-il enfui de son propre gré ? Y
avait-il plusieurs forces en présence que nous peinions à
distinguer les unes des autres ? Sans doute faudra-t-il
prendre le temps de consulter les nombreux documents
que nous avons rapportés du château pour espérer en
comprendre davantage sur les ramifications de la
Confrérie…
J’écris ces lignes alors que nous sommes rentrés
au village, épuisés par une asthénie à laquelle le Dr.
Badstuff, qui en souffre lui aussi, ne parvient à
diagnostiquer aucune origine organique. Je tenais avant
de m’endormir à consigner par écrit ce que j’ai vu cette
nuit, car après avoir frôlé la mort si souvent ces derniers
mois au cours de mes aventures, je juge désormais plus
prudent, dès que j’en ai la possibilité – et malgré l’effort
et la peur, alors qu’il me devient si doux de dormir et
d’essayer d’oublier – de coucher sur le papier tout ce
qui pourrait aider ceux qui me succéderont à continuer
ma modeste contribution à lutter contre les forces
obscures à l’œuvre ici-bas.
Mercredi 13 février 1929, Drosvona, Roumanie.
Ce qui suit est un complément au compte-rendu
de notre équipée au château Hauptman. Après que
nous fussions rentrés à Drosvona, nous racontâmes
tout à Mircea, qui tint, bravement, à retourner seul dans
les souterrains pour en déloger le baron. Finissant de les
explorer, il trouva un caveau où se trouvaient les
cercueils des Hauptman depuis le Moyen-âge. De façon
forte étonnante, le plus récent portait la mention 1886-
1927. Or, le corps qui s’y trouvait n’avait pas entamé de
processus de décomposition. C’était celui d’un homme
trapu et brun, qui correspondait, nous nous en
enquîmes auprès de la populace, à celui que les
villageois connaissaient comme le baron. En revanche,
le Père Ilie prétend que la description de l’homme
blond que nous lui avons faite, et qui s’était hier
présenté comme le baron Hauptman, ressemble bien
différemment à un jeune anglais, prénommé Michael,
que le baron aurait ramené de l’un de ses voyages il y a
quelques mois… Voilà qui est bien étrange… Mircea
planta un pieu dans le cœur de la dépouille, mais cela
n’eut d’après lui aucune incidence. Notre ami roumain
fit enfin mention d’une autre salle de torture, et d’un
mur de briques de confection récente : c’était sans
doute là le passage du tunnel que nous avons cherché
au cours de notre fuite. Il était décidément bien vain de
compter fuir de ce côté… Nous donnâmes
l’information la nuit même à Ion, pour qu’il en fît ce
que bon lui semblait avant que les villageois ne prissent
d’assaut le château pour y mettre une nouvelle fois le
feu. Il n’eut pas l’obligeance de nous dire s’il utilisa cet
indice, et l’objet de sa présence à Drosvona restera pour
nous un éternel mystère…
Nous essayons de regagner des forces avant de
quitter le village. La satisfaction est grande d’avoir
délogé le baron maléfique de ses terres, mais tous, nous
avons été vivement ébranlés par les horreurs de la
journée précédente. Seul l’enthousiasme du Pr. Costing
semble faire front contre vents et marées, et il lui tarde
déjà de retourner en Egypte, son second pays. Je ne me
suis pas encore risqué aux différentes lectures qui nous
attendent. Je crains que le choc ne soit encore bien
rude, et mieux vaut avoir pleinement récupéré – mais
peut-on seulement l’espérer après avoir rencontré cette
abomination, Nyogtha, si c’est d’elle dont il s’agit ?
(Dixième séance) Mardi 1 er août 2006
Jeudi 21 février 1929, Bucarest, Roumanie.
Le Pr. Costing et moi-même nous sommes
accordés quelques jours de repos avant de poursuivre
nos investigations. En effet, nous soufrons d’un état de
fatigue générale qui ne nous permet guère de nous
concentrer.
Nous ne nous sommes pas attardés à Drosvona, où la
population, aux exceptions de Dröbne et du Père Ilie,
n’a pas marqué la reconnaissance que nous aurions été
en droit d’attendre de sa part après que nous eussions
chassé le baron de son château. Aussi avons-nous dès
que possible loué une charrette vers Miklos, puis pris le
train pour Cluj, et, de là, vers Bucarest, où nous
espérons prendre le repos médicalisé, et éventuellement
jouir des opportunités culturelles offerts par une capitale
européenne.
Nous avons fait un état des lieux des éléments
en notre possession qui attendent que nous les
inspections plus avant :
- De Bestiae Fraternitate, le gros volume en latin
trouvé dans la bibliothèque du baron
Hauptman, dont nous avons survolé les
généalogies, et reconnu la carte de la Vallée de