24.06.2013 Views

Les Fungi de Yuggoth - Trouver Objet Caché

Les Fungi de Yuggoth - Trouver Objet Caché

Les Fungi de Yuggoth - Trouver Objet Caché

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

(Première Séance) Mardi 11 juillet 2006<br />

Mercredi 15 juin 1927, New-York, NY.<br />

Je tombe à l’instant même, et par le plus grand<br />

hasard sur une annonce extravagante du New York<br />

Enquirer, qui me propose – je ne peux m’empêcher <strong>de</strong><br />

relever ses expressions – <strong>de</strong> vivre le surnaturel en<br />

rejoignant un prétendument célèbre spirite new-yorkais,<br />

Paul Le Mond, dont le nom m’est certes vaguement<br />

familier, mais dont je doute que le prestige ait jamais<br />

dépassé celui <strong>de</strong> quelques happy few. L’encart est d’une<br />

rédaction si emphatique – l’expérience est vivement<br />

déconseillée aux pleutres ! – que s’en est irrésistiblement<br />

comique. J’avoue que je suis néanmoins, et bien malgré<br />

moi, intrigué : je ne suis pas retourné à Chelsea <strong>de</strong>puis<br />

quelques mois déjà, et la perspective d’affronter la<br />

touffeur <strong>de</strong> l’été new-yorkais est bien rebutante :<br />

pourquoi ne pas tenter l’expérience spirite dans ce qu’on<br />

nous annonce comme un manoir <strong>de</strong> caractère <strong>de</strong> la Nouvelle<br />

Angleterre ? Le projet a tout d’une farce, mais cela<br />

pourrait faire un excellent sujet <strong>de</strong> roman, et je gagnerai<br />

peut-être un peu <strong>de</strong> fraîcheur en allant vers le nord…<br />

Qu’à cela ne tienne, je vais <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r un complément<br />

d’information à la boite postale indiquée par<br />

l’annonce…<br />

Vendredi 18 juin 1927, New-York, NY.<br />

Viens <strong>de</strong> recevoir une réponse <strong>de</strong> l’organisateur<br />

<strong>de</strong> la visite spirite, un dénommé Herbert Whitefield,<br />

lequel m’écrit vraisemblablement, alors qu’il utilise un<br />

assez beau papier à en-tête, sur une machine plus<br />

qu’usée – ses e sont tous cabossés – et avec une<br />

compétence en dactylographie très évi<strong>de</strong>mment<br />

balbutiante – la lettre pâtit <strong>de</strong> plusieurs ratures fort<br />

inélégantes. Ce Mr Whitefield se présente comme<br />

impresario & agent artistique <strong>de</strong> Le Mond, dont j’ai<br />

retrouvé hier mention dans le New York Enquirer. Le<br />

spirite, assez bien introduit dans la Grosse Pomme,<br />

aurait déjà été sollicité pour contacter les défunts <strong>de</strong><br />

riches et importantes familles <strong>de</strong> notre communauté.<br />

J’avoue que je balance entre un scepticisme<br />

amusé, face à autant <strong>de</strong> grandiloquence et d’assurance à<br />

provoquer quelque apparition surnaturelle, et<br />

l’agacement <strong>de</strong>vant le dilettantisme dont semble<br />

empreinte toute cette opération… Sous couvert du<br />

secret, Whitefield se refuse même à m’écrire le lieu <strong>de</strong><br />

notre <strong>de</strong>stination. Bah, je vais quand même envoyer les<br />

50$ : au pire, pour la somme dépensée, je me serais<br />

rapproché <strong>de</strong> Chelsea, et j’aurais quelques spécimens<br />

humains supplémentaires à croquer dans mes notes…<br />

Vendredi 1 er juillet 1927, New-York, NY – Corbiswood,<br />

MA.<br />

Quelle journée ! Il est déjà plus <strong>de</strong> minuit quand<br />

je commence ces lignes, à la lumière d’une vieille lampe<br />

à pétrole crachotante, et en tâchant d’importuner aussi<br />

peu que possible mon compagnon <strong>de</strong> chambrée, le Pr<br />

Costing, qui dort dans le lit <strong>de</strong> camp installé face au<br />

mien dans l’une <strong>de</strong>s chambres d’amis <strong>de</strong> la maison<br />

Tannerhill. Je vais tâcher <strong>de</strong> rendre compte par le détail<br />

<strong>de</strong> cette riche journée, qui a tenu plus encore qu’Herbert<br />

Whitefield (« Du fantôme ! Du fantôme ! ») ne nous<br />

avait promis.<br />

Je quittai mon appartement ce matin peu après<br />

neuf heures pour la gare routière <strong>de</strong> New-York, où<br />

ren<strong>de</strong>z-vous avait été donné aux participants pour dix<br />

heures. J’avais emporté mon appareil photo avec moi :<br />

je ne suis guère expert en la matière, mais je m’en serais<br />

voulu, si quelque ectoplasme se présentait, <strong>de</strong> rater une<br />

telle aubaine <strong>de</strong> l’immortaliser sur la pellicule. Je pris<br />

également sur moi 50$ en liqui<strong>de</strong> : si vraiment<br />

l’opération du sieur Whitefield s’était révélée le fiasco<br />

que l’on pouvait craindre, j’en eusse profité pour rallier<br />

Chelsea dès ce week-end. Mais puisque ce ne fut pas le<br />

cas, nous sommes censés regagner New York dimanche,<br />

mais je tâcherai <strong>de</strong> m’épargner le voyage <strong>de</strong> retour par le<br />

bus.<br />

A la gare, une charmante hôtesse,<br />

imperturbablement souriante malgré les quolibets que<br />

lui valait la pancarte qu’elle brandissait, et sur laquelle on<br />

pouvait lire « Expédition Spiritisme », m’indiqua<br />

la salle d’attente 23A, où je retrouvai les autres membres<br />

du projet. A ce moment, j’avoue que le ridicule <strong>de</strong> la<br />

situation a bien failli me faire rebrousser chemin, et j’ai<br />

hésité quelques instants, mon sac <strong>de</strong> voyage à la main, à<br />

prolonger mes pas jusqu’à la gare ferroviaire pour<br />

n’avoir plus à me voir associé à ces fort déplaisantes<br />

moqueries. C’est sans doute la vision clownesque <strong>de</strong><br />

celui dont je m’assurai quelques instants après que,<br />

conformément à mon intuition, c’était bien Herbert<br />

Whitefield, qui a poussé mon indéracinable goût pour le<br />

pittoresque à pousser la porte <strong>de</strong> la salle d’attente.<br />

L’impresario, en effet, associait dans un patchwork <strong>de</strong><br />

couleurs et <strong>de</strong> motifs parfaitement irréel, une veste à<br />

carreau, un pantalon à rayure, une cravate bariolée, le<br />

tout se détachant par-<strong>de</strong>ssus une chemise saumon,<br />

accoutrement qui faisait à lui seul <strong>de</strong> …Herb, comme il<br />

m’invitait immédiatement à l’appeler, un spectacle si<br />

désopilant que je lui pardonnais immédiatement les 50$<br />

que j’avais investis dans l’affaire. Ai-je signalé plus haut<br />

que la panoplie <strong>de</strong> cirque <strong>de</strong> cet incomparable homme<br />

<strong>de</strong> goût était rehaussée d’une sculpture capillaire fuselée,<br />

ses cheveux épais inextricablement enchevêtrés au<strong>de</strong>ssus<br />

<strong>de</strong> son crâne en quelque toupet d’auguste ?...<br />

L’enthousiasme dégoulinant du promoteur, son<br />

exubérance vulgaire, formait un étonnant contraste avec<br />

la discrétion <strong>de</strong> son jeune protégé, Paul Le Mon<strong>de</strong>,<br />

lequel, âgé tout au plus <strong>de</strong> vingt-cinq ans, semble son<br />

ca<strong>de</strong>t d’une bonne dizaine d’années. Grand et<br />

dégingandé, ses yeux pétillants d’intelligence ne<br />

parviennent guère à chasser <strong>de</strong> l’ovale étroit et allongé<br />

<strong>de</strong> son visage l’expression d’une tristesse constante, pas

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!