Les Fungi de Yuggoth - Trouver Objet Caché

andoulière me semble d’une bondieuserie à peine
digne du catholicisme le plus vulgaire, mais enfin
Jonathan Harper était aussi, lui l’anglican, pétri de
scrupules qui lui coûtèrent bien cher.
Mercredi 12 septembre 1928, Boston, MA.
Aujourd’hui, le Pr. Costing a pris le risque
d’essayer les lunettes prismatiques du baron
Hauptman. Nous envisageons de plus en plus
sérieusement de partir pour l’Europe et la
Roumanie pour en apprendre davantage sur cette
inquiétante Confrérie, mais nous aimerions en
savoir autant que possible avant de nous lancer – et
j’utilise là une expression dont j’aimerais qu’elle
conservât son caractère métaphorique, car je crains
qu’elle ne s’avère d’une terrifiante littéralité – dans la
gueule du loup. Le rejeton d’Emilie Cornwallis était
un puissant motif d’inquiétude dont l’origine
semble associée à l’utilisation des lunettes, mais
enfin la curiosité fut la plus forte, et nous jouissions
de ce confort relatif que le Dr. Badstuff était là
pour encadrer l’expérience.
Benjamin chaussa donc la monture, et
commença à nous décrire la vision d’un monde
étrange, aux reflets bleus et mauves, et à la
géométrie non-euclidienne. Mais bien vite il cessa
de narrer ses visions, et nous ne pûmes que nous
inquiéter en silence. Au bout de quelques minutes,
une épouvantable lacération lui balafra le torse, et
nous nous précipitâmes pour retirer la monture. Il
nous dit avoir vu, à l’horizon de son univers
extraordinaire, un étrange éclair mauve duquel jaillit
une araignée qui, d’abord d’aspect minuscule, lui
sembla de plus en plus grosse alors qu’elle
approchait, jusqu’à ce qu’elle lui semblât mesurer
plus de deux mètres de haut. Il la regardait avancer
vers lui, sans pouvoir rien faire, fasciné et
impuissant. L’araignée avait un masque d’expression
presqu’humaine, et glissait d’arrière en avant sur ses
pattes. Elle le lacéra de l’un de ses longs appendices
tranchants sans qu’il eût trouvé la force de réagir, et
après le récit qu’il nous en fit, nous nous félicitâmes
d’avoir interrompu l’expérience si vite.
Nous avons décidé d’acheter une pleine
provision de pieux en bois et d’eau bénite, ainsi que
de petits miroirs en argent portatifs. Le voyage
jusqu’en Roumanie semble se décider, bien que
nous envisagions de le précéder d’un arrêt dans une
ou plusieurs grandes bibliothèques européenne,
Londres, Paris, Berlin, Heidelberg, Bucarest, ou
Vienne ayant été évoquées, avec une préférence
pour cette dernière, la plus susceptible de regorger
d’archives spécifiques sur la Transylvanie et le
château Hauptman, la province ayant navigué au
cours des siècles au sein de l’empire austrohongrois.
(Huitième séance) Vendredi 28 juillet 2006
Vendredi 14 septembre 1928, New-York, NY.
Nous nous sommes décidés à partir en
Roumanie une fois que nous aurons pleinement
récupéré de notre précédente aventure. Cependant,
nous tenons à baliser le terrain sur lequel nous nous
risquons : j’ai envoyé aujourd’hui des lettres, rédigées en
anglais et allemand, à quelques une des grandes
bibliothèques européennes susceptibles d’abriter des
informations complémentaires à celles, très parcellaires,
que nous avons trouvées à la bibliothèque d’Harvard.
Après concertation avec le professeur Costing, nous
avons opté pour les choix suivants, auprès de qui, en
plus d’une information générale sur le château
Hauptman au cours des siècles, nous avons demandé,
moyennant rémunération, un éclairage sur certains
points spécifiques : à l’Österreichische Nationalbibliothek,
Vienne, des renseignements sur la période de la fin du
XVIIIème siècle, celle de la prise de la Transylvanie aux
turcs, suite à quoi un descendant du baron aurait
réclamé ses titres sur le château ; à l’ Országos Széchényi
Könyvtár (la bibliothèque nationale de Budapest), sur la
nature des irrégularités commises par la baronnie sous
Louis le Grand de Hongrie ; à la Biblioteca Naţională a
României, Bucarest, tout renseignement sur la lignée
Hauptman ; et enfin à la Bibliothèque du Musée
Topkapi, Constantinople, tout ce qui pouvait avoir trait
au très troublant épisode du commandant de l’armée
turque et de son scribe retrouvés vidés de leur sang peu
après le siège du château.
Je m’avoue bien sceptique quant à nos chances
d’obtenir la moindre information de valeur par ce biaisci,
mais cela mérite néanmoins d’être tenté.
Lundi 24 décembre 1928, New-York, NY.
Reçu ce matin une réponse de Vienne. Elle ne
fait hélas que paraphraser nos trouvailles à la
bibliothèque de Harvard.
Le Pr. Costing a obtenu un semestre sabbatique
pour partir en Europe aux frais de l’université
Columbia. Il me confiait aujourd’hui qu’il prétextait de
travailler sur une prétendue influence égyptienne sur
l’architecture d’Europe centrale, thématique dont je me
demande comment il va pouvoir l’étayer très longtemps
auprès du conseil scientifique de l’université…
Quant à moi, mon éditeur me relance pour que
je lui fasse parvenir un premier chapitre, ou une
ébauche de mon futur projet. J’ai invoqué l’excuse de