Tchad: Les victimes de Hissène Habré toujours en attente de justice
Tchad: Les victimes de Hissène Habré toujours en attente de justice
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<strong>Hissène</strong> <strong>Habré</strong> n’a jamais hésité à se retourner, si nécessaire, contre ses anci<strong>en</strong>s<br />
compagnons d’armes ni à se v<strong>en</strong>ger sur la famille ou sur toute l’ethnie d’une personne ou<br />
d’un groupe <strong>de</strong> personnes qui lui aurait fait du tort. <strong>Les</strong> Hadjaraï et les Zaghawa, par<br />
exemple, qui avai<strong>en</strong>t pris le pouvoir avec <strong>Habré</strong> ont été sauvagem<strong>en</strong>t persécutés pour les<br />
punir du fait que certains <strong>de</strong> leurs chefs avai<strong>en</strong>t osé s’opposer à lui.<br />
<strong>Les</strong> chefs Hadjaraï avai<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant longtemps été les compagnons <strong>de</strong> <strong>Hissène</strong> <strong>Habré</strong> et<br />
avai<strong>en</strong>t même constitué la principale force <strong>de</strong> frappe qui l’avait porté au pouvoir <strong>en</strong> juin<br />
1982. Mais <strong>Hissène</strong> <strong>Habré</strong> a comm<strong>en</strong>cé à se méfier <strong>de</strong>s Hadjaraï dès 1984 au mom<strong>en</strong>t où<br />
son Ministre <strong>de</strong>s affaires étrangères <strong>de</strong> l’époque, Idriss Miskine, un lea<strong>de</strong>r Hadjaraï,<br />
<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ait une figure <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus populaire et comm<strong>en</strong>çait à lui faire <strong>de</strong> l’ombre. Idriss<br />
Miskine est mort <strong>en</strong> 1984 dans <strong>de</strong>s circonstances mystérieuses, créant un climat <strong>de</strong><br />
méfiance <strong>en</strong>tre les Goranes d’<strong>Hissène</strong> <strong>Habré</strong> et les Hadjaraï. A partir <strong>de</strong> 1987, <strong>Hissène</strong><br />
<strong>Habré</strong>, après avoir appris que le Général Malloum, un Hadjaraï, avait crée un mouvem<strong>en</strong>t<br />
d’opposition armée, le MOSANAT, s’<strong>en</strong> est pris aux dignitaires Hadjaraï, à leurs familles et<br />
à l’ethnie <strong>en</strong> général.<br />
En 1989, <strong>Hissène</strong> <strong>Habré</strong> soupçonne Idriss Déby, son conseiller chargé <strong>de</strong> la déf<strong>en</strong>se et <strong>de</strong><br />
la sécurité, <strong>de</strong> préparer un coup d’État contre lui, avec Mahamat Itno, alors Ministre <strong>de</strong><br />
l’Intérieur, et Hassan Djamous, Commandant <strong>en</strong> Chef <strong>de</strong> l’Armée tchadi<strong>en</strong>ne, le vainqueur<br />
<strong>de</strong>s Liby<strong>en</strong>s. Tous les trois sont d’ethnie Zaghawa. <strong>Habré</strong> a ainsi non seulem<strong>en</strong>t fait<br />
arrêter, torturer et exécuter Itno et Djamous (seul Déby parvi<strong>en</strong>dra à s’échapper) mais il<br />
s’<strong>en</strong> est <strong>en</strong>core pris à l’ethnie Zaghawa dans son <strong>en</strong>semble, dont <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>taines <strong>de</strong><br />
membres, liés ou non à la t<strong>en</strong>tative <strong>de</strong> rébellion, ont été pris dans <strong>de</strong>s rafles, torturés et<br />
internés. Des dizaines sont morts <strong>en</strong> dét<strong>en</strong>tion ou ont été sommairem<strong>en</strong>t exécutés.<br />
D’après <strong>de</strong>s ex-ag<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> la DDS, <strong>Hissène</strong> <strong>Habré</strong> a même créé <strong>en</strong> 1987 au sein <strong>de</strong> la DDS<br />
<strong>de</strong>s commissions spécifiques pour arrêter et interroger les Hadjaraï et <strong>en</strong> 1989 pour arrêter<br />
et interroger les Zaghawa.<br />
Des docum<strong>en</strong>ts retrouvés par Human Rights Watch dans les archives <strong>de</strong> la DDS révèl<strong>en</strong>t<br />
qu’il suffisait seulem<strong>en</strong>t que quelqu’un soit Hadjaraï ou Zaghawa pour être arrêté. À titre<br />
d’exemple, un docum<strong>en</strong>t concernant le transfert <strong>de</strong> dét<strong>en</strong>us est classé sous la rubrique<br />
« affaire Hadjaraï ». Un autre docum<strong>en</strong>t manuscrit fait état <strong>de</strong>s personnes arrêtées ou tuées<br />
et <strong>de</strong>s villages détruits ou abandonnés. Le nombre total provisoire <strong>de</strong> personnes tuées est<br />
<strong>de</strong> 286. Toutes les personnes dont les noms se trouv<strong>en</strong>t sur ce docum<strong>en</strong>t sont <strong>de</strong>s<br />
Hadjaraï.<br />
13 HUMAN RIGHTS WATCH VOL. 17, NO. 10(A)