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Transformation urbaine et appropriation des espaces ... - entpe

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TRANSFORMATION URBAINE ET<br />

APPROPRIATION DES ESPACES<br />

EXTERIEURS : LES LIMITES DU MODELE DE<br />

LA RESIDENTIALISATION.<br />

L’exemple du quartier Teisseire de Grenoble.<br />

Président du jury : POIRIEUX Catherine (DFC-ENTPE)<br />

Maître de TFE : BELMESSOUS Fatiha (RIVES – ENTPE)<br />

Expert : BOULANGER Emmanuel (AURG)<br />

ARANTES Laëtitia<br />

VA Aménagements <strong>et</strong> Politiques Urbaines<br />

Promotion 52<br />

28 Septembre 2007


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

NOTICE ANALYTIQUE<br />

NOM PRENOM<br />

AUTEUR ARANTES Laëtitia<br />

TITRE DU TFE <strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : les limites du<br />

modèle de la résidentialisation.<br />

ORGANISME D'AFFILIATION ET<br />

LOCALISATION<br />

NOM PRENOM<br />

MAITRE DE TFE BELMESSOUS Fatiha<br />

COLLATION 205 pages<br />

4 annexes<br />

(14 pages)<br />

142 références<br />

bibliographiques<br />

MOTS CLES Résidentialisation – Grands ensembles – Appropriation - Sociabilité<br />

TERMES<br />

GEOGRAPHIQUES<br />

Quartier Teisseire - Grenoble<br />

RESUME Expérimentée par les professionnels de l’urbanisme depuis plus de quinze ans,<br />

la résidentialisation, consacrée en France par la loi du 1 er août 2003, fait aujourd'hui<br />

partie <strong>des</strong> outils courants du renouvellement urbain appliqués dans les grands<br />

ensembles d’habitat social.<br />

Si elle nourrit <strong>des</strong> ambitions <strong>urbaine</strong>s « classiques » - réintégrer le quartier à la<br />

ville, lui donner une nouvelle image, … -, elle cache toutefois <strong>des</strong> objectifs plus<br />

larges visant un certain contrôle <strong>des</strong> comportements, une certaine conformation<br />

<strong>des</strong> habitants à un modèle puisant ses préceptes dans la ville « traditionnelle » à<br />

laquelle les grands ensembles se sont toujours opposés.<br />

Mais transformer de la sorte ces quartiers, en aménageant <strong>des</strong> résidences, suffitil<br />

à modifier positivement le rapport <strong>des</strong> individus à leur espace <strong>et</strong> à leur habitat ?<br />

S’appuyant sur un exemple concr<strong>et</strong> de résidentialisation en cours – Teisseire à<br />

Grenoble – ce travail propose donc de donner la parole aux habitants <strong>et</strong> de cerner<br />

les modifications effectives engendrées par la résidentialisation sur leurs mo<strong>des</strong><br />

d’habiter.<br />

ABSTRACT Tried out by urban planners for more fifteen years, “residentialisation”,<br />

enshrined in French Law since August 1, 2003, has now become one of the current<br />

tools of urban renewal for social housing estates.<br />

While it has “standard” urban objectives – to reinstate the neighbourhood to<br />

the city, to give it a new image … -, it on the other hand conceals bigger purposes,<br />

which aim at some behaviour control, some inhabitant conformation to a<br />

traditional model, used to be opposed to social housing estates.<br />

However, do change in this way these neighbourhoods, by developing<br />

residences, suffice to positively modify people behaviours towards their<br />

environment?<br />

Based on a current residentialisation example – Teisseire in Grenoble -, this<br />

work proposes to call upon inhabitants to speak, and to define what the effective<br />

changes are in their way to live in their “residential” neighbourhood.<br />

ARANTES Laëtitia 2


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Remerciements.<br />

Remerciements.<br />

Je voudrais, en débutant ce mémoire, prendre le temps de remercier plusieurs personnes qui m’ont suivie<br />

<strong>et</strong> aidée dans c<strong>et</strong>te phase parachevant ma formation à l’ENTPE.<br />

Je salue tout d’abord l’ensemble <strong>des</strong> membres de mon jury pour s’être rendus disponibles le jour de ma<br />

soutenance <strong>et</strong> pour s’être adaptés à certaines contraintes temporelles, <strong>et</strong> ce, malgré <strong>des</strong> emplois du temps<br />

chargés.<br />

J’adresse tout particulièrement mes remerciements à Fatiha Belmessous, mon maître de TFE, qui a<br />

accepté de m’encadrer pour ce travail. Tout en faisant preuve de patience <strong>et</strong> d’une grande disponibilité à<br />

mon égard, elle m’a énormément guidée dans mes recherches, de part les ouvrages qu’elle a mis à ma<br />

disposition, mais aussi <strong>et</strong> surtout de part ses connaissances <strong>et</strong> sa facilité à les transm<strong>et</strong>tre.<br />

Au sein de mon organisme d’accueil, l’Agence d’Urbanisme de la Région Grenobloise, mes pensées se<br />

dirigent en premier lieu vers Nicole Tartamella <strong>et</strong> Emmanuel Boulanger qui m’ont accueillie<br />

chaleureusement, conseillée <strong>et</strong> aidée dans mon étude. Grâce à eux, j’ai pu réaliser mon étude dans<br />

d’excellentes conditions.<br />

Mais c'est sans oublier les autres membres de l’agence – directeur général, chargés d’étu<strong>des</strong>, assistantes,<br />

<strong>et</strong>c. – parmi lesquels je me suis rapidement intégrée, grâce à leur sympathie, leur aide, <strong>et</strong> leur attention.<br />

Je pense notamment à mes « compagnons de cellule » successifs, François-Xavier Morin, Jérôme<br />

Jaunait, Christian Walzack, qui ont été d’agréable compagnie durant ces cinq mois. Mais aussi, je salue<br />

Olivier Baills pour ses talents de « sigiste » <strong>et</strong> pour m’avoir mise en contact avec <strong>des</strong> personnes toutes<br />

aussi passionnantes que passionnées ; ainsi que Bénédicte Jobert pour m’avoir fait part de son expérience<br />

du quartier Teisseire.<br />

Bien sûr, je remercie également les professionnels en action sur le quartier Teisseire, qui ont toujours su<br />

se montrer disponibles pour répondre à mes questions.<br />

Enfin, il me semble important, de remercier ceux sans qui ce travail n’aurait aucun sens : les habitants de<br />

Teisseire qui ont bien voulu me consacrer un peu de leur temps, de leur sympathie, tout simplement un<br />

peu de leur vie. Merci pour leur patience <strong>et</strong> pour ces moments de bonheur partagés.<br />

Et merci également à tous les autres auxquels je ne pense pas maintenant mais qui sauront se<br />

reconnaître…<br />

ARANTES Laëtitia 3


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

SOMMAIRE<br />

SOMMAIRE.<br />

SOMMAIRE<br />

SOMMAIRE<br />

INTRODUCTION. INTRODUCTION.<br />

11<br />

PREMIERE PREMIERE PARTIE. PARTIE. LA LA RESIDENTIALISATION : : DE DE QUOI QUOI QUOI PARLE PARLE-T-ON<br />

PARLE ON ? 19<br />

1. LES GRANDS ENSEMBLES EN FRANCE : DE L’« IDEALITE » A LA REALITE. 19<br />

1.1. LES GRANDS ENSEMBLES DANS LES ANNEES 1950 : UN « REGIME D’EXCEPTION ». 20<br />

1.2. DE LA PRISE DE CONSCIENCE DES ANNEES 60... 21<br />

1.3. … A LA PRISE DE DECISION, QUINZE ANS PLUS TARD. 22<br />

2. AUX ORIGINES DE LA RESIDENTIALISATION… 24<br />

2.1. LA CLOTURE, OU LA CRITIQUE DES « ESPACES PUBLICS » MODERNES. 25<br />

2.1.1. Les différents acquis <strong>des</strong> réflexions sur les <strong>espaces</strong> publics modernes :<br />

l’annonciation de la résidentialisation. 25<br />

2.1.2. Les premières réalisations d’« enclos » : vers une nouvelle « urbanité ». 27<br />

2.2. DE LA PREVENTION SITUATIONNELLE ANGLO-SAXONNE… 29<br />

2.2.1. La prévention situationnelle : définition. 29<br />

2.2.2. Origines <strong>et</strong> histoire de la prévention situationnelle. 30<br />

2.3. … A LA POLITIQUE DE LA VILLE FRANÇAISE : LA MONTEE EN PUISSANCE DES QUESTIONS DE<br />

SECURITE DANS L’ESPACE RESIDENTIEL. 33<br />

2.3.1. La sécurité : un « phénomène trop longtemps sous-estimé ». 33<br />

2.3.2. De la politique de la ville…. 34<br />

2.3.3. … à l‘émergence d’un urbanisme préventif : sécurité <strong>et</strong> aménagement, ou<br />

l’adoption de la résidentialisation en France. 34<br />

3. ET LA « RESIDENTIALISATION » FUT. 37<br />

3.1. LA RESIDENTIALISATION : SEMANTIQUE ET ETYMOLOGIE. 38<br />

3.2. LA RESIDENTIALISATION : QUELLE ACCEPTION POUR SES PERES ? 40<br />

3.2.1. D’un paradoxe... 40<br />

3.2.2. ... à l’invention d’une nouvelle notion. 41<br />

4. LA RESIDENTIALISATION : UNE AMBITION NOBLE, MAIS DES RISQUES REELS. 43<br />

ARANTES Laëtitia 4


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

4.1 LES OBJECTIFS DE LA RESIDENTIALISATION VUS A TRAVERS LES DISCOURS DES<br />

PROFESSIONNELS. 43<br />

4.1.1. La résidentialisation : « banalisation <strong>urbaine</strong> » <strong>et</strong> « normalisation sociale ». 44<br />

4.1.2. La résidentialisation ou l’amélioration de la gestion de proximité. 45<br />

4.1.3. La résidentialisation, pour plus de « sociabilité » <strong>et</strong> d’« <strong>appropriation</strong> ». 46<br />

4.1.4. L’unité résidentielle, pour plus d’action collective <strong>et</strong> de contrôle social. 47<br />

4.2 DE L’ECHELLE DU QUARTIER A CELLE DU LOGEMENT : LES PRINCIPES D’AMENAGEMENT DE LA<br />

RESIDENTIALISATION. 48<br />

4.2.1. Recréer du parcellaire pour redonner une image traditionnelle au quartier.49<br />

4.2.2. Clôturer pour matérialiser les limites entre privé <strong>et</strong> public. 50<br />

4.2.3. Créer <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> intermédiaires enclos. 50<br />

4.2.4. Associer un espace extérieur au logement. 51<br />

4.2.5. Diversifier <strong>et</strong> identifier chaque unité résidentielle pour plus de banalité. 51<br />

4.2.6. Associer toutes les échelles d’acteurs. 52<br />

4.3 LES RISQUES EVENTUELS. 53<br />

4.3.1. La peur de la simplification <strong>et</strong> de la reproductibilité. 53<br />

4.3.2. La peur du sécuritaire extrême. 54<br />

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE. 57<br />

DEUXIEME DEUXIEME PARTIE. PARTIE. UN UN EXEMPLE EXEMPLE DE RESIDENTI RESIDENTIALISATION<br />

RESIDENTI<br />

ALISATION : : : LE LE QUARTIER QUARTIER TEISSE TEISSEIRE TEISSE IRE<br />

DE DE GRENOBLE. GRENOBLE.<br />

58<br />

1. TEISSEIRE : UNE SITUATION GEOGRAPHIQUE ORIGINALE. 61<br />

1.1. SA POSITION DANS LA VILLE. 61<br />

1.2. UN QUARTIER VICTIME DE SON ORGANISATION VIAIRE. 63<br />

2. TEISSEIRE : UNE HISTOIRE RICHE MAIS LOURDE A PORTER. 65<br />

2.1. LA CONSTRUCTION DE TEISSEIRE : L’UTOPIE FAMILIALE. 65<br />

2.1.1. Une réalisation innovante. 65<br />

2.1.2. Un parc de logements unique. 67<br />

2.1.3. Un quartier très familial. 68<br />

2.2. TEISSEIRE : DES DEBUTS PROBLEMATIQUES. 69<br />

2.2.1. Le parti urbanistique <strong>et</strong> architectural de Teisseire : <strong>des</strong> problèmes dès<br />

l’origine. 69<br />

ARANTES Laëtitia 5


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

2.2.2. Création d’une association de locataires. 71<br />

2.2.3. Luttes <strong>et</strong> conflits de la Cité Teisseire. 72<br />

2.3. UN BESOIN D’INTERVENTION : LA PROCEDURE HABITAT ET VIE SOCIALE (1975-1990). 72<br />

2.3.1. Les principaux traits d’évolution du peuplement entre 1962 <strong>et</strong> 1977. 72<br />

2.3.2. La Procédure Habitat <strong>et</strong> Vie Sociale sur le quartier Teisseire. 73<br />

3. TEISSEIRE AU DEBUT DES ANNEES 1990 : LES SEQUELLES D’UN LOURD PASSE. 74<br />

3.1. UNE POPULATION DE PLUS EN PLUS PRECAIRE. 74<br />

3.1.1. Fragilité sociale <strong>et</strong> paupérisation. 74<br />

3.1.2. Les familles « difficiles ». 74<br />

3.1.3. La suroccupation <strong>des</strong> logements. 74<br />

3.2. LES PROBLEMATIQUES URBAINES. 75<br />

3.2.1. Le mauvais état du patrimoine. 75<br />

3.2.2. Insécurité <strong>et</strong> problématique particulière <strong>des</strong> pieds de tours. 77<br />

3.3. TEISSEIRE : UN QUARTIER QUE L’ON FUIT. 77<br />

4. LE PROJET DE RENOUVELLEMENT URBAIN : L’« UNIQUE CHANCE » DE TEISSEIRE. 78<br />

4.1 LA MISE EN PLACE DU PROCESSUS. 78<br />

4.1.1. Le constat : Teisseire, un paradis perdu. 78<br />

4.1.2. Le lancement du proj<strong>et</strong>. 79<br />

4.2 LE PROJET DE REQUALIFICATION DU QUARTIER : DES OBJECTIFS URBAINS. 79<br />

4.2.1. Premier objectif : Réinscrire le quartier dans la ville. 80<br />

4.2.2. Deuxième objectif : Engager la transformation progressive du bâti. 82<br />

4.2.3. Troisième objectif : Favoriser la mixité <strong>et</strong> l’évolution. 85<br />

4.2.4. Les fondements de la recomposition <strong>urbaine</strong>. 87<br />

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE. 91<br />

TROISIEME TROISIEME PARTIE. PARTIE. LA LA RESIDENTIALISATION RESIDENTIALISATION DE DE TEISSEIRE TEISSEIRE : : UN UN UN PARI PARI PARI SOCIAL<br />

SOCIAL<br />

AMBITIEUX AMBITIEUX ET ET MOBILIS MOBILISATEUR.<br />

MOBILIS MOBILIS ATEUR. 93<br />

1. LA RESIDENTIALISATION DE TEISSEIRE : ENTRE OBJECTIFS PHYSIQUES ET « CONTROLE SOCIAL ». 94<br />

1.1. DE LA BANALISATION DU QUARTIER A LA NORMALISATION DE LA POPULATION. 94<br />

1.2. DE L’ACCEPTATION DU PROJET A LA PARTICIPATION DES HABITANTS. 96<br />

ARANTES Laëtitia 6


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

1.3. LES VOCATIONS DES ESPACES RESIDENTIELS : UN CONTROLE DES COMPORTEMENTS ? 97<br />

1.4. CONCLUSION INTERMEDIAIRE : LES AMBITIONS SOCIALES DU PROJET DE RESIDENTIALISATION<br />

SUR LE QUARTIER TEISSEIRE DE GRENOBLE. 101<br />

2. LA RESIDENTIALISATION ET SON ACCEPTATION PAR LES HABITANTS : LE BESOIN DE MOBILISATION. 102<br />

2.1. L’ACCEPTATION DU PROJET : LE JARDIN DES BUTTES COMME ILOT TEST. 103<br />

2.2. LES UNITES RESIDENTIELLES : UNE OPPORTUNITE POUR LA GESTION DE PROXIMITE. 104<br />

2.3. UNE POSSIBLE REDUCTION DES CHARGES : LA GESTION PARTICIPATIVE. 108<br />

3. LA RESIDENTIALISATION DE TEISSEIRE SELON SES CONCEPTEURS : LES PREMIERS RESULTATS. 110<br />

3.1. L’ETAT D’AVANCEMENT DU PROJET EN 2007. 110<br />

3.2. TEISSEIRE DIX ANS APRES LES PREMIERS TRAVAUX : LES ELEMENTS FORTS DU PROJET. 117<br />

3.2.1. La résidentialisation de Teisseire : un proj<strong>et</strong> d’exception. 118<br />

3.2.2. L’agrément de vie de Teisseire : une première réussite. 118<br />

3.2.3. Teisseire : un quartier attractif. 119<br />

3.2.4. Teisseire : civilité <strong>et</strong> sécurité. 120<br />

3.3. LA RESIDENTIALISATION : BEMOL DANS LES FACTEURS DE REUSSITE IDENTIFIES. 120<br />

CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE. TEISSEIRE EN 2007 : EN VOIE DE GUERISON ? 122<br />

QUATRIEME QUATRIEME PARTIE. PARTIE. ET ET POUR LES « TEISSEIROIS TEISSEIROIS » : : QUELLE QUELLE « « URBANITE URBANITE » ? 124<br />

124<br />

PREAMBULE : LES TEISSEIROIS ET LEUR QUARTIER. 124<br />

1. LA RESIDENCE : UNE REFERENCE POSITIVE MAIS DIFFICILEMENT TRANSPOSABLE. 135<br />

1.1. LES OBJECTIFS DE LA RESIDENCE VUS PAR LES HABITANTS. 135<br />

1.2. LES SIGNES DE LA RESIDENCE. 138<br />

1.3. LA « DISTANCE SOCIALE » DU MODELE ET DES NORMES D’USAGES DE LA RESIDENCE. 145<br />

2. ENTRE OUVERTURE ET FERMETURE : LES PARADOXES DE LA RESIDENTIALISATION. 150<br />

2.1. L’OUVERTURE DU QUARTIER : UNE AMBIANCE URBAINE NOUVELLE ET APPRECIEE. 151<br />

2.1.1. La résidentialisation : une valorisation <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>. 151<br />

2.1.2. Des eff<strong>et</strong>s positifs sur la tranquillité. 152<br />

2.2. UNE OUVERTURE PHYSIQUE MOINS PRESENTE DANS LES DISCOURS. 153<br />

2.2.1. L’ouverture du quartier : soigner les points d’accroche <strong>des</strong> axes urbains.153<br />

ARANTES Laëtitia 7


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

2.2.2. Les constructions nouvelles en contradiction avec l’ouverture du quartier.154<br />

2.2.3. Les résidences : un « emprisonnement » plus qu’une ouverture. 155<br />

2.3. LA RESIDENTIALISATION : « RECONQUETE DE LA RUE OU ESSOR DE LA VIE PRIVEE ? » 156<br />

2.3.1. La résidentialisation : l’enfermement dans le quartier. 156<br />

2.3.2. La résidentialisation : l’enfermement dans la résidence. 156<br />

2.3.3. La résidentialisation : le « repliement sur soi ». 157<br />

3. LA VIE COLLECTIVE ET L’UNITE RESIDENTIELLE : LA RESIDENTIALISATION ET SES IMPACTS. 159<br />

3.1. LA RESIDENTIALISATION : MODES D’HABITER ET NOUVEAUX CONFLITS. 160<br />

3.1.1. Les relations entre « co-résidents » : un quotidien fait de conflits. 160<br />

3.1.2. Les différents <strong>espaces</strong> <strong>et</strong> la gestion : <strong>des</strong> malaises dans la régulation. 166<br />

3.1.3. Un nouveau rapport à l’espace : vers une <strong>appropriation</strong> excessive ? 170<br />

3.2. ESPACES PUBLICS ET ESPACES COMMUNS : UNE APPROPRIATION RENFORCEE ? 173<br />

3.2.1. La vocation <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> résidentiels. 173<br />

3.2.2. Le quartier <strong>et</strong> sa nouvelle configuration : <strong>des</strong> changements dans les<br />

pratiques <strong>des</strong> habitants. 174<br />

3.2.3. Les <strong>espaces</strong> collectifs : <strong>des</strong> niveaux d’<strong>appropriation</strong> différents. 178<br />

3.3. LE QUARTIER TEISSEIRE : QUELLES « SOCIABILITES » POUR QUELS ESPACES ? 182<br />

3.3.1. Les relations entre voisins d’une même résidence : entre distance cordiale<br />

<strong>et</strong> prévention <strong>des</strong> conflits. 183<br />

3.3.2. Les sociabilités de quartier : l’importance <strong>des</strong> réseaux de connaissance. 189<br />

3.3.3. La mémoire du quartier : le fondement de la vie de quartier. 197<br />

3.4. LES LIEUX DE SOCIABILITES A TEISSEIRE : CONCLUSION. 199<br />

CONCLUSION DE LA QUATRIEME PARTIE. 200<br />

CONCLUSION. CONCLUSION.<br />

201<br />

201<br />

ANNEXES ANNEXES<br />

206<br />

206<br />

ARANTES Laëtitia 8


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Tables Tables <strong>des</strong> <strong>des</strong> illustrations.<br />

illustrations.<br />

ILLUSTRATION 1 : VUE DE L’AVENUE PAUL COCAT (DEPUIS LE NORD DE L’AVENUE). 15<br />

ILLUSTRATION 2 : REPARTITION DES PERSONNES INTERROGEES PAR ANCIENNETE DANS LE<br />

QUARTIER. 17<br />

ILLUSTRATION 3 : PRINCIPE DES UNITES RESIDENTIELLES. 48<br />

ILLUSTRATION 4 : TEISSEIRE, HERITIER D’UNE HISTOIRE. 59<br />

ILLUSTRATION 5 : TEISSEIRE, UN QUARTIER AU SUD-EST DE GRENOBLE. 60<br />

ILLUSTRATION 6 : TEISSEIRE AVANT URBANISATION EN 1955 ET TEISSEIRE - ETAT DES LIEUX<br />

EN 1998. 61<br />

ILLUSTRATION 7 : VUE AERIENNE DE TEISSEIRE EN 2003. 62<br />

ILLUSTRATION 8 : HIERARCHIE DU RESEAU VIAIRE. 64<br />

ILLUSTRATION 9 : LES DEUX TRANCHES DE TEISSEIRE. 66<br />

ILLUSTRATION 10 : LA TOUR. 75<br />

ILLUSTRATION 11 : LA BARRE. 75<br />

ILLUSTRATION 12 : DU PUBLIC AU PRIVE. 76<br />

ILLUSTRATION 13 : LE TRAITEMENT DU CARREFOUR PERROT / COCAT. 80<br />

ILLUSTRATION 14 : LE FIL VERT. 81<br />

ILLUSTRATION 15 : PLAN DU FONCIER EN 1999 AVEC REPARTITION DES DOMAINES. 82<br />

ILLUSTRATION 16 : LA REDISTRIBUTION FONCIERE. 83<br />

ILLUSTRATION 17 : EXEMPLES D’ESPACES EXTERIEURS : ALLEE ET COUR COLLECTIVE. 84<br />

ILLUSTRATION 18 : PLAN DE L’ETAT FINAL DU PROJET EN 2010. 86<br />

ILLUSTRATION 19 : EXEMPLE D’IMMEUBLE RESIDENTIALISE : LA CLOTURE ET L’ESPACE<br />

INTERMEDIAIRE. 88<br />

ILLUSTRATION 20 : LE PLAN D’ALIGNEMENT SUR LE QUARTIER TEISSEIRE. 88<br />

ILLUSTRATION 21 : LE CENTRE SOCIAL. 89<br />

ILLUSTRATION 22 : AVENUE PAUL COCAT : BARRE ET TOUR RESIDENTIALISEES. 89<br />

ILLUSTRATION 23 : CONSTRUCTIONS NOUVELLES : QUATRE MAISONS INDIVIDUELLES ET IMMEUBLE<br />

DE QUATRE LOGEMENTS. 90<br />

ILLUSTRATION 24 : BALCONS ET JARDINS PRIVATIFS. 96<br />

ILLUSTRATION 25 : L’ILOT DES BUTTES – PRINCIPES DE RESIDENTIALISATION. 103<br />

ILLUSTRATION 26 : L’ILOT TEST : LE JARDIN DES BUTTES. 104<br />

ILLUSTRATION 27 : EXEMPLES DE PLAQUES NOMINATIVES INSTALLEES SUR LES IMMEUBLES<br />

RESIDENTIALISES. 107<br />

ILLUSTRATION 28 : L’AVANCEMENT DU PROJET DEBUT 2007. 111<br />

ILLUSTRATION 29 : L’ILOT DES BUTTES : L’ARRIERE DES BATIMENTS. 112<br />

ILLUSTRATION 30 : 108-118 RUE LEON JOUHAUX : L’IMMEUBLE RESIDENTIALISE LE PLUS<br />

RECEMMENT. 113<br />

ARANTES Laëtitia 9


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ILLUSTRATION 31 : 11-21 AVENUE PAUL COCAT : L’IMMEUBLE AVANT LA CREATION DE LA<br />

RESIDENCE. 113<br />

ILLUSTRATION 32 : 11-21 AVENUE PAUL COCAT : LA CLOTURE DE LA RESIDENCE. 114<br />

ILLUSTRATION 33 : 11-21 AVENUE PAUL COCAT : LE PARKINGDE LA RESIDENCE. 114<br />

ILLUSTRATION 34 : 11-21 AVENUE PAUL COCAT : LA NOUVELLE FAÇADE. 114<br />

ILLUSTRATION 35 : L’ILOT BOURETTE : IMMEUBLE COLLECTIF ET MAISONS INDIVIDUELLES. 115<br />

ILLUSTRATION 36 : L’ILOT BOURETTE A TERME : DES MAISONS FAMILIALES. 115<br />

ILLUSTRATION 37 : LA MAISON DE L’ENFANCE. 116<br />

ILLUSTRATION 38 : LE NOUVEAU CENTRE SOCIAL. 116<br />

ILLUSTRATION 39 : LE JARDIN DES BUTTES. 117<br />

ILLUSTRATION 40 : LE JARDIN DU BASSIN. 117<br />

ILLUSTRATION 41 : APRES MIDI RECREATIVE POUR QUELQUES ENFANTS DU QUARTIER. 127<br />

ILLUSTRATION 42 : AFFICHE PUBLICITAIRE DE LA VILLE DE VILLEURBANNE. 130<br />

ILLUSTRATION 43 : UN EXEMPLE DE CLOTURE : LA RESIDENCE DES PETITS COEURS. 138<br />

ILLUSTRATION 44 : LA RESIDENCE : UN ENDROIT PRIVE. 139<br />

ILLUSTRATION 45 : LES NOUVEAUX HALLS D’ENTREE : ESTHETISME ET SECURITE. 140<br />

ILLUSTRATION 46 : LES ESPACES COMMUNS : LE PARKING. 141<br />

ILLUSTRATION 47 : AMENAGEMENTS PAYSAGERS ET FLEURISSEMENT. 142<br />

ILLUSTRATION 48 : LES POUBELLES : DES CONTAINERS ENTERRES. 143<br />

ILLUSTRATION 49 : L’ILOT BOURETTE EN CONSTRUCTION. 155<br />

ILLUSTRATION 50 : LES CONTAINERS RUE FERNANDAT ENVAHIS PAR LES POUBELLES. 168<br />

ILLUSTRATION 51 : LES ESPACES COLLECTIFS : DES LIEUX DE PASSAGE. 179<br />

ILLUSTRATION 52 : LES CHEMINS DE TRAVERSE. 179<br />

ILLUSTRATION 53 : LE « SALON » DU QUARTIER (1). 190<br />

ILLUSTRATION 54 : LE TERRAIN BLANC (3) ET LE TERRAIN DE JEUX DE TEISSEIRE 2 (5). 192<br />

ILLUSTRATION 55 : LE CARREFOUR COCAT/JOUHAUX (7) ET LA PLACE SALAVDOR ALLENDE (6). 194<br />

ILLUSTRATION 56 : LES LIEUX DE REGROUPEMENTS. 196<br />

ARANTES Laëtitia 10


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Introduction.<br />

Introduction.<br />

«Il est aujourd'hui largement convenu que la forme <strong>urbaine</strong> <strong>des</strong> ensembles, où<br />

surgissent <strong>des</strong> troubles sociaux dévoilés périodiquement par <strong>des</strong> révoltes violentes,<br />

n'est pas un facteur déterminant, ni même influant dans le développement de ces<br />

problèmes. On ne peut faire cependant l'économie d'une réflexion sur ces parties de la<br />

ville, <strong>et</strong> faire comme si elles ne constituaient qu'un décor à "la misère du monde",<br />

d'autant que ces <strong>espaces</strong> frappés de vieillissement font l'obj<strong>et</strong> de réhabilitations,<br />

restructurations <strong>et</strong> réurbanisations diverses, mises en œuvre par les moyens d'une<br />

politique <strong>urbaine</strong> volontaire, déployée depuis 1983 dans le cadre <strong>des</strong> DSQ 1 , puis <strong>des</strong><br />

contrats de ville. Si l'on se place du point de vue <strong>des</strong> acteurs de ces interventions sur<br />

le bâti <strong>et</strong> ses abords, tous ces travaux sont ou bien considérés comme une réparation<br />

nécessaire, résultant d'un défaut d'entr<strong>et</strong>ien ou d'un surcroît de dégradation, ou bien<br />

encore envisagées comme occasion de réaliser <strong>des</strong> corrections à un modèle<br />

d'urbanisation vieilli, ou encore, plus radicalement, comme une alternative à l'absence<br />

de qualité <strong>urbaine</strong> de ces lieux d'exclusion. Ainsi, implicitement, se dégage l'idée que la<br />

forme <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> architecturale n'est pas sans eff<strong>et</strong> sur la vie sociale dans ces<br />

ensembles. » 2.<br />

Il y a dans ces quelques mots de Daniel Pinson toute l’énigme qui va nous occuper ici : le grand<br />

ensemble d’habitat social <strong>et</strong> sa forme <strong>urbaine</strong>.<br />

Le « grand ensemble » 3. Exemple extrême de réalisation d’après-guerre s’inscrivant dans le<br />

courant esthétique moderne, le grand ensemble désigne une forme d’habitat collectif développée<br />

durant la période 1960-1975 – témoin d’une façon « moderne » <strong>et</strong> radicale de penser l’espace <strong>et</strong><br />

la ville qui tranche volontairement avec la façon de produire l’espace urbain plus « traditionnel ».<br />

En 1973, l’appellation apparaît pour la première fois dans un texte législatif 4 qui préconise<br />

« l’arrêt <strong>des</strong> grands ensembles ». En 1991, une loi 5 associera les grands ensembles à un territoire<br />

urbain où se concentrent les « quartiers d’habitat social dégradé » 6. Ces quartiers fortement<br />

critiqués pour leur aspect monolithique, leur enclavement par rapport à la ville, <strong>et</strong> les problèmes<br />

1 Développement Social <strong>des</strong> Quartiers.<br />

2 PINSON D., « La monumentalisation du logement », in Les Cahiers de la Recherche Architecturale, n°38-39, 1996.<br />

3 Autour de c<strong>et</strong>te appellation, s’articulent deux concepts : la notion de logement social <strong>et</strong> celle de forme <strong>urbaine</strong> (cf.<br />

BELMESSOUS F., Le logement dans la ville. La difficile construction <strong>des</strong> politiques publiques, page 32). Le grand<br />

ensemble qui nous intéresse ici s’identifie à la seconde notion, c'est-à-dire une forme d’habitat renvoyant à un mode<br />

particulier d’organisation de l’espace : les tours <strong>et</strong> les barres, disposés sur une immense parcelle de sorte à ménager<br />

entre eux <strong>des</strong> proximités suffisantes.<br />

4 Circulaire Guichard.<br />

5 Loi du 13 Juill<strong>et</strong> 1991 d’orientation pour la ville.<br />

6 Loi d’orientation pour l’aménagement <strong>et</strong> le développement du territoire du 4 février 1995, article 42.<br />

ARANTES Laëtitia 11


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

sociaux qui s’y multiplient, ont l’obj<strong>et</strong>, depuis la fin <strong>des</strong> années 1970, de multiples tentatives de<br />

restructuration, qui se sont somme toute révélées vaines.<br />

Faut-il les démolir pour autant ? Si l’Etat s’est résigné pendant un temps à accepter la démolition<br />

de logements sociaux dans un contexte de crise du logement, c’est que le suj<strong>et</strong> réel n’était plus le<br />

logement mais bien les grands ensembles comme forme <strong>urbaine</strong>.<br />

Il faut désormais adm<strong>et</strong>tre ce constat : les grands ensembles sont devenus les archétypes<br />

urbains de l’exclusion, cristallisation <strong>des</strong> problèmes sociaux en tout genre : population la plus<br />

défavorisée, chômage, délinquance... La question de la « sécurité », ou plutôt de l’« insécurité », a<br />

fonctionné de ce point de vue comme un puissant révélateur, <strong>et</strong> a généralisé le sentiment que<br />

ces quartiers sont devenus le lieu de l’insécurité voire dorénavant de la violence <strong>urbaine</strong>. Les<br />

hétérogénéités de population <strong>et</strong> de comportements apparaissent plus vives <strong>et</strong> surtout plus<br />

antagonistes les unes <strong>des</strong> autres. Tout autant de facteurs qui ont fortement changé l’ensemble<br />

<strong>des</strong> représentations qu’on porte aux grands ensembles <strong>et</strong> à leur population, de plus en plus<br />

stigmatisée <strong>et</strong> reléguée au rang d’exclue.<br />

Tous, dans ces grands ensembles, ne sont pas <strong>des</strong> exclus ; de même que tous les exclus ne sont<br />

pas seulement rassemblés dans ces quartiers. Pourtant les grands ensembles sont devenus les<br />

lieux emblématiques, les territoires parfaitement identifiables <strong>et</strong> déterminés de l’exclusion.<br />

Néanmoins, que ces représentations soient concrètes ou déformées, peu importe puisqu’elles<br />

produisent <strong>des</strong> eff<strong>et</strong>s avérés de distanciation sociale.<br />

Ainsi, forcés de constater que les réhabilitations classiques <strong>et</strong> superficielles 7 n’ont pas été<br />

suffisantes pour inverser les tendances, les professionnels de l’aménagement se sont donc<br />

engagés dans <strong>des</strong> proj<strong>et</strong>s d’ensemble portant sur tous les registres. De la gestion quotidienne<br />

(sécurité, entr<strong>et</strong>ien, gestion, services, …) aux investissements structurants (recomposition<br />

foncière <strong>et</strong> <strong>urbaine</strong>, diversification immobilière, équipements, …) combinant restructurations<br />

lour<strong>des</strong>, démolitions <strong>et</strong> reconstructions, les objectifs sont de reconfigurer l’offre de logements, de<br />

mieux répartir les activités <strong>et</strong> services, de réinsérer ces quartiers dans le fonctionnement<br />

d’ensemble de la ville. Il s’agit, pour reprendre les termes de la loi Borloo qui mentionne les<br />

objectifs <strong>et</strong> indicateurs de la politique de la ville, d’envisager un « r<strong>et</strong>our au droit commun ».<br />

« La politique de développement social urbain, en cherchant à requalifier les quartiers<br />

sur le plan architectural, à les intégrer davantage au tissu urbain, à diversifier l’offre de<br />

logements ou encore à accroître la qualité <strong>et</strong> le nombre <strong>des</strong> services, se donne autant<br />

d’objectifs techniques clairs <strong>et</strong> identifiables. Mais son ambition ne peut pas se réduire<br />

à cela : ne convient-il pas qu’elle pense <strong>et</strong> garantisse aussi la place <strong>et</strong> le rôle qu’elle<br />

entend reconnaître aux populations qui y demeurent ? » 8<br />

7 Comprenons dans ce terme que les processus de requalification consistaient essentiellement en <strong>des</strong> travaux de<br />

surface : ravalement de façade, isolation thermique extérieure, <strong>et</strong>c.<br />

8 MOZERE L., PERALDI M., REY H., Intelligence <strong>des</strong> Banlieues, L’Aube, Paris, 1999, page 66.<br />

ARANTES Laëtitia 12


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

C<strong>et</strong>te politique de « banalisation » va de pair, comme le note Christine Lelévrier dans le rapport du<br />

CRETEIL, avec l’idée d’une sorte de « normalisation » sociale de ces quartiers. Désormais,<br />

l’ambition n’est plus simplement d’agir sur le bâti <strong>et</strong> les <strong>espaces</strong> afin de « banaliser » le grand<br />

ensemble <strong>et</strong> d’en faire un « quartier traditionnel ». Mais afin d’influer également sur le ressenti, le<br />

vécu <strong>et</strong> les comportements <strong>des</strong> habitants eux-mêmes, afin qu’ils investissent le quartier, se<br />

l’approprient, se responsabilisent <strong>et</strong> finalement s’y sentent bien.<br />

« Réhabiliter sans changer le rapport <strong>des</strong> habitants aux parties collectives n’a pas<br />

d’eff<strong>et</strong> durable car les dégradations ne s’arrêtent pas. La clé d’une nouvelle politique<br />

passait par un changement de statut <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> communs, qui de fait<br />

n’appartiennent à personne. Les privatiser, au moins partiellement, c'était redéfinir les<br />

droits d’usage de façon telle que ceux qui en ont l’exclusivité puissent pleinement se<br />

les approprier, les contrôler <strong>et</strong> s’impliquer davantage dans leur entr<strong>et</strong>ien <strong>et</strong> leur<br />

protection. » 9<br />

En bref, après un r<strong>et</strong>our du foncier <strong>et</strong> du bâti dans le droit commun, les aménageurs espèrent un<br />

r<strong>et</strong>our « à la normalité » 10 <strong>des</strong> habitants. Car même s’il n’y a pas de « déterminisme spatial<br />

absolu, il existe un eff<strong>et</strong> social du cadre de vie indépendant <strong>des</strong> facteurs économiques <strong>et</strong><br />

sociaux, qui renforce encore la gravité <strong>des</strong> situations de détresse, <strong>et</strong> plus banalement de mal-vie<br />

perceptibles dans les grands ensembles » 11. Au cours du XIX ème siècle, nombre <strong>des</strong> scientifiques 12<br />

travaillant sur l’espace se sont d’ailleurs accordés sur ce point : « les lieux <strong>et</strong> les formes<br />

influencent les comportements ».<br />

Depuis une dizaine d’années, l’actualité est donc à l’éradication <strong>des</strong> problèmes sociaux par la<br />

banalisation <strong>des</strong> grands ensembles. Il s’agit de faire rentrer non seulement le quartier mais aussi<br />

ses habitants dans la « normalité » de la ville, de leur enseigner les conditions, les normes de<br />

l’« urbanité » 13. Pendant un certain temps, les aménageurs pensaient y parvenir par l’éradication<br />

totale <strong>des</strong> grands ensembles. Mais, leur relative prise de recul depuis les années 1950 les<br />

oriente peu à peu vers <strong>des</strong> propositions d’interventionnisme moins extrême, axée sur une<br />

9 MOREL A., « La civilité à l’épreuve de l’altérité », in HAUMONT B., MOREL A., La Société <strong>des</strong> Voisins, Cahier 21, 2005,<br />

page 16.<br />

10 BROUANT J.P., « Les <strong>espaces</strong> du renouvellement urbain », in La restructuration <strong>des</strong> grands ensembles, Les Cahiers<br />

du Gridauh, n°10, 2004, page 151.<br />

11 PINSON D., « Le renouvellement urbain <strong>des</strong> grands ensembles : pour quelles formes <strong>urbaine</strong>s, <strong>et</strong> avec quelle place<br />

pour l’habitant ?, in Quelles nouvelles formes architecturales <strong>et</strong> <strong>urbaine</strong>s pour les grands ensembles ?, compte-rendu<br />

du jeudi 9 novembre 2000, page 10.<br />

12 Nous pouvons citer notamment Darwin qui, en 1859, affirme que les espèces, dont l’Homme, s’adaptent au cours<br />

de leur évolution aux conditions de vie.<br />

13 Terme encore inconnu <strong>des</strong> dictionnaires de la langue française, l’urbanité est pourtant employé par de nombreux<br />

professionnels de l’aménagement, <strong>et</strong> notamment lorsqu’ils parlent de résidentialisation. En ce qui nous concerne, nous<br />

avons considéré l’urbanité comme l’ensemble <strong>des</strong> traits de comportements qui correspondent à la norme <strong>urbaine</strong>,<br />

c'est-à-dire impliquant un bon usage de la ville. Alors qu’avant l’urbanité aurait été l’ensemble <strong>des</strong> éléments qui<br />

montrent l’appartenance à la ville (mobilier urbain, aménagements paysagers, ...) ; dans notre cas, ce n’est plus<br />

l’espace qui fait l’urbanité, mais l’individu <strong>et</strong> ses comportements.<br />

ARANTES Laëtitia 13


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

tentative d’intégration <strong>des</strong> réalisations modernes dans la ville plutôt que sur la logique de la<br />

tabula rasa. Ainsi, depuis 2003, le concept de « renouvellement urbain » apparaît fédérer<br />

aujourd'hui <strong>des</strong> pratiques réparatrices qui n'opposent plus la démolition <strong>et</strong> la réhabilitation, mais<br />

au contraire les réconcilie, <strong>et</strong> procède à leur dosage respectif avec plus de mesure.<br />

Dans le présent document, il ne s’agit pas de faire la critique du mouvement moderne <strong>et</strong> de ses<br />

réalisations. Il s’agit davantage d’observer une alternative à l’éradication <strong>des</strong> grands ensembles :<br />

la « résidentialisation », modèle de réaménagement apparu à la fin <strong>des</strong> années 1990 qui<br />

emprunte une partie de ses références à la ville traditionnelle (alignement, rue, parcelle,<br />

résidence) <strong>et</strong> qui vise, par une redéfinition <strong>des</strong> limites entre <strong>espaces</strong> publics <strong>et</strong> privés dans les<br />

grands ensembles, à transformer les rapports de cohabitation. L’enjeu étant de réformer les<br />

pratiques <strong>des</strong> habitants en leur offrant <strong>des</strong> possibilités d’<strong>appropriation</strong>.<br />

Mais le simple « marquage » de la frontière entre privé <strong>et</strong> public est-il susceptible de transformer<br />

positivement le rapport <strong>des</strong> individus à leur espace <strong>et</strong> à leur habitat ? La résidentialisation <strong>et</strong> ses<br />

aménagements suffiront-ils à améliorer les relations <strong>des</strong> habitants entre eux ? Si la<br />

résidentialisation fonde ses principes sur <strong>des</strong> aménagements matériels, elle cache toutefois <strong>des</strong><br />

objectifs plus larges visant un certain contrôle <strong>des</strong> comportements, une certaine conformation<br />

<strong>des</strong> habitants à un modèle puisant ses préceptes dans la ville « traditionnelle » à laquelle les<br />

grands ensembles se sont toujours opposés.<br />

A travers l’analyse qui suit, nous chercherons donc à appréhender ce nouveau processus, dit de<br />

« résidentialisation » davantage d’un point de vue « humain » que d’un point de vue urbain. L’idée<br />

sera d’essayer d’analyser tant les procédés mis en œuvre que leurs eff<strong>et</strong>s en ce qui concerne les<br />

modalités d’<strong>appropriation</strong> <strong>et</strong> d’usage <strong>des</strong> différents <strong>espaces</strong> résidentialisés.<br />

La La Cité Cité Teisseire de Grenoble Grenoble. Grenoble<br />

Pour cela, nous nous appuierons sur l’exemple, déjà bien avancé, de la Cité Teisseire de<br />

Grenoble. Située au sud-est de l’agglomération grenobloise, la Cité a été construite dès la fin <strong>des</strong><br />

années 1950 à la demande de l’Office HLM communal (l’Opale) dans un contexte d’expansion<br />

<strong>urbaine</strong> de la Ville de Grenoble afin de répondre à la crise du logement qui touchait à l’époque<br />

toutes les villes de France, <strong>et</strong> ce, dans une architecture issue d'un processus industriel. Les 31<br />

immeubles ainsi construits comprenaient près de 1 300 logements.<br />

Mais le déclin est rapide <strong>et</strong> la cité fait assez vite l’obj<strong>et</strong> de plusieurs opérations de<br />

requalification : procédure Habitat <strong>et</strong> Vie Sociale, Développement Social <strong>des</strong> Quartiers. Mais, en<br />

vain, dès ses origines, la Cité souffre de multiples pathologies tant <strong>urbaine</strong>s que sociales, <strong>et</strong> se<br />

r<strong>et</strong>rouve, de fait, rapidement stigmatisée.<br />

A l’origine détenu par un seul <strong>et</strong> unique bailleur, l'ensemble est aujourd'hui géré par deux<br />

bailleurs : l’Opale, devenue Actis, <strong>et</strong> Grenoble Habitat.<br />

ARANTES Laëtitia 14


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Par ailleurs, depuis 1996, de nouveaux travaux sont entamés dans tout le quartier à travers le<br />

proj<strong>et</strong> de résidentialisation de Philippe Panerai. Ces travaux, débutés en 1998 <strong>et</strong> échelonnés sur<br />

douze ans, espèrent aboutir à une métamorphose du quartier.<br />

Méthodologie.<br />

Méthodologie.<br />

ILLUSTRATION 1 : VUE DE L’AVENUE PAUL COCAT (DEPUIS LE NORD DE L’AVENUE) 14 .<br />

Pour étudier la Cité Teisseire, son proj<strong>et</strong> de résidentialisation <strong>et</strong> plus particulièrement la<br />

perception qu’ont les habitants de ce proj<strong>et</strong>, j’ai travaillé en plusieurs temps.<br />

D’abord, j’ai eu une première approche assez générale du quartier <strong>et</strong> du proj<strong>et</strong> à travers une<br />

analyse sensible du quartier : grâce à l’observation <strong>et</strong> la visite de ses abords à différentes heures<br />

de la journée, j’ai pu découvrir le quartier, l’état d’avancement du proj<strong>et</strong>, ses différents <strong>espaces</strong>,<br />

<strong>et</strong> la place <strong>des</strong> Teisseirois dans ces différents lieux.<br />

Ensuite, pour mieux cerner le proj<strong>et</strong>, ses objectifs <strong>et</strong> ses représentations du côté « théorique » <strong>et</strong><br />

conceptuel, j’ai rencontré plusieurs acteurs institutionnels du proj<strong>et</strong>, à savoir :<br />

o Guillaume Coppé, Directeur du Proj<strong>et</strong> Urbain depuis 2000 sur le quartier Teisseire. Son rôle<br />

est de « coordonner les différents acteurs pour arriver à l’objectif, qui est l’objectif global du<br />

proj<strong>et</strong>, dans les délais <strong>et</strong> avec les coûts annoncés » 15.<br />

o Jean-Luc Sanvoisin, Directeur de Proj<strong>et</strong> Social sur le quartier depuis juin 2006, qui travaille<br />

« en binôme » 16 avec le directeur de proj<strong>et</strong> urbain mais en s’attachant davantage aux<br />

objectifs « sociaux » du proj<strong>et</strong>.<br />

14 Photographie personnelle, Avril 2007.<br />

15 Entr<strong>et</strong>ien avec Guillaume Coppé, Directeur de Proj<strong>et</strong> Urbain sur le quartier Teisseire, 26 avril 2007.<br />

16 Entr<strong>et</strong>ien avec Jean-Luc Sanvoisin, Directeur de Proj<strong>et</strong> Social sur le quartier Teisseire, 3 mai 2007.<br />

ARANTES Laëtitia 15


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

o Cécile Allibe, Directrice de Proj<strong>et</strong> Social sur le quartier Teisseire entre 2001 <strong>et</strong> 2006.<br />

o Michel Brun, Directeur du Patrimoine de Grenoble Habitat.<br />

o Philippe Fabre, Directeur du Patrimoine Métro d’Actis.<br />

o Mounira Badaji (anciennement Mounira Cappadoro), chargée de gestion <strong>des</strong> unités<br />

résidentielles 17, chez Actis, depuis 2005.<br />

Enfin, j’ai mené <strong>des</strong> entr<strong>et</strong>iens qualitatifs auprès <strong>des</strong> habitants de Teisseire, par le biais<br />

d’entr<strong>et</strong>iens semi-directifs, le plus souvent au domicile <strong>des</strong> ménages. Le but étant de recueillir<br />

toute information sur leur vie dans le quartier <strong>et</strong> en dehors, leurs pratiques <strong>des</strong> différents<br />

<strong>espaces</strong>, leurs centres d’intérêts... J’ai réalisé les interviews en suivant un guide d’entr<strong>et</strong>ien qui<br />

reprenait les thématiques suivantes :<br />

o Le parcours résidentiel, familial, professionnel.<br />

o Les pratiques quotidiennes.<br />

o Le quartier : son image <strong>et</strong> les représentations autour de la résidence.<br />

o Leur perception <strong>des</strong> travaux, de leur déroulement, <strong>des</strong> changements.<br />

o Les relations de voisinage <strong>et</strong> les relations dans le quartier.<br />

o Les usages <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> résidentialisés.<br />

o Le quartier dans vingt ans.<br />

Rappel sur l’entr<strong>et</strong>ien semi-directif.<br />

« L’entr<strong>et</strong>ien est un instrument privilégié pour la compréhension <strong>des</strong> comportements » 18 .<br />

« L’entr<strong>et</strong>ien a d’abord pour fonction de reconstruire le sens ‘‘subjectif’’, le sens vécu<br />

<strong>des</strong> comportements <strong>des</strong> acteurs sociaux » 19 .<br />

L’entr<strong>et</strong>ien semi-directif est le type d’entr<strong>et</strong>ien le plus couramment utilisé en matière<br />

d’évaluation. Très centré sur le recueil de l’expression <strong>des</strong> acteurs, il suit une trame générale<br />

souple construite à partir de différents thèmes définis au préalable par les enquêteurs <strong>et</strong><br />

consignés dans un guide d’entr<strong>et</strong>ien. Il s’oppose en cela à l’entr<strong>et</strong>ien non directif qui se déroule<br />

très librement à partir d’une question. Ce type d’entr<strong>et</strong>ien perm<strong>et</strong> ainsi de compléter les<br />

résultats obtenus par un sondage quantitatif en apportant une richesse <strong>et</strong> une précision plus<br />

gran<strong>des</strong> dans les informations recueillies, grâce notamment à la puissance évocatrice <strong>des</strong><br />

citations <strong>et</strong> aux possibilités de relance <strong>et</strong> d’interaction dans la communication entre personne<br />

enquêtée <strong>et</strong> enquêteur. L’entr<strong>et</strong>ien révèle souvent l’existence de discours <strong>et</strong> de représentations<br />

profondément inscrits dans l’esprit <strong>des</strong> personnes interrogées <strong>et</strong> qui ne peuvent que rarement<br />

s’exprimer à travers un questionnaire.<br />

17 Sa fonction sera présentée dans la suite du rapport.<br />

18 SINGLY (de) F., L’enquête <strong>et</strong> ses métho<strong>des</strong>. Le questionnaire, Armand colin, 2006, page 20.<br />

19 Ibid., page 24.<br />

ARANTES Laëtitia 16


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

D’une durée moyenne de 30 minutes, les entr<strong>et</strong>iens sont ensuite r<strong>et</strong>ranscrits, ce qui sert de base<br />

d’analyse pour la présente étude.<br />

Les Les ménages ménages interrogés interrogés : constat <strong>et</strong> statistiques statistiques.<br />

statistiques<br />

Voici quelques éléments sur la population enquêtée, qui nous perm<strong>et</strong>tent de mieux cerner à qui<br />

nous avons affaire, <strong>et</strong> les éventuelles limites liées à « l’échantillon d’étude » 20, sans bien sûr<br />

adopter une posture quantitativiste. Au cours de mon enquête, j’ai réalisé une série de 32<br />

entr<strong>et</strong>iens individuels, dont quatre auprès de personnes ayant quitté le quartier, ainsi que deux<br />

entr<strong>et</strong>iens collectifs. Au total, j’ai donc enquêté auprès de 52 personnes 21, dont 31 femmes <strong>et</strong> 21<br />

hommes. Près de la moitié <strong>des</strong> personnes enquêtées ont plus de 50 ans. 21 personnes<br />

enquêtées ont entre 25 <strong>et</strong> 50 ans, <strong>et</strong> seulement six personnes ont moins de 25 ans.<br />

Répartition Répartition Répartition par par âge âge <strong>et</strong> <strong>et</strong> par par sexe sexe HOMMES HOMMES<br />

FEMMES TOTAL<br />

TOTAL<br />

moins de 25 ans 1 5 6<br />

entre 25 <strong>et</strong> 35 ans 2 7 9<br />

entre 35 <strong>et</strong> 50 ans 6 6 12<br />

entre 50 <strong>et</strong> 60 ans 5 2 7<br />

plus de 60 ans 7 11 18<br />

TOTAL TOTAL<br />

21 21 31 52<br />

Afin de mieux comprendre le quartier, ses diverses limites <strong>et</strong> conceptions, il nous a paru<br />

intéressant de s’intéresser à l’ancienn<strong>et</strong>é <strong>des</strong> personnes enquêtées, non pas sur le site<br />

d’enquête, c’est-à-dire de la cité HBM, mais dans le quartier. Il apparaît que, sur la totalité <strong>des</strong><br />

personnes enquêtées, environ 35% d’entre eux habitent dans le quartier de puis plus de trente<br />

ans, <strong>et</strong> environ un quart depuis au moins de dix ans.<br />

ILLUSTRATION 2 : REPARTITION DES PERSONNES INTERROGEES PAR ANCIENNETE DANS LE QUARTIER.<br />

20 Il faut bien le prendre en tant qu’échantillon parmi une population donnée, <strong>et</strong> non en tant qu’étalon représentatif de<br />

c<strong>et</strong>te population. En eff<strong>et</strong>, les individus interrogés n’ont pas été « choisis » de sorte que la population de Teisseire soit<br />

parfaitement représentée. Les entr<strong>et</strong>iens ont été réalisés au gré de la volonté <strong>des</strong> habitants.<br />

21 Certaines personnes ont été interviewées deux fois, car présentes lors <strong>des</strong> entr<strong>et</strong>iens collectifs également.<br />

ARANTES Laëtitia 17


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Si l’on s’intéresse plus précisément au 33% de personnes résidant dans le quartier depuis plus<br />

de trente ans, on peut voir que parmi ceux-ci, 42% d’entre eux sont arrivés dans le quartier à ses<br />

tous débuts, c'est-à-dire en même temps que la livraison <strong>des</strong> logements.<br />

La population que nous avons enquêtée est donc relativement âgée dans la mesure où plus d’un<br />

tiers <strong>des</strong> personnes enquêtées a plus de 60 ans. 33% <strong>des</strong> interviewés résident dans le quartier<br />

depuis plus de trente ans, <strong>et</strong> 28% depuis onze à trente ans, ce qui correspond à plus de la moitié<br />

de l’échantillon enquêtée. Ainsi, on peut remarquer que la mobilité résidentielle n’est pas très<br />

importante, <strong>et</strong> que l’on est en présence d’une population qui fut le témoin de nombreux<br />

changements sur le quartier.<br />

Plan Plan. Plan<br />

Dans un contexte de profonde <strong>et</strong> brutale mutation pour un quartier qui s’était comme figé dans<br />

un temps passé, nous chercherons donc à comprendre les différentes représentations de ce<br />

morceau de territoire, selon les âges <strong>et</strong> les histoires de ces conteurs. Ces derniers sont soit <strong>des</strong><br />

professionnels, auquel cas leur histoire sera théorique, mais pleine d’espoir pour un quartier <strong>et</strong><br />

ses habitants trop longtemps oubliés. Dans un autre cas, ceux qui nous emmèneront visiter<br />

Teisseire seront ses habitants, dont l’ancienn<strong>et</strong>é <strong>et</strong> l’investissement dans le quartier nous<br />

révèleront différentes perceptions <strong>et</strong> vécus du quartier.<br />

L’objectif sera ici de déterminer en quoi un procédé récent de requalification <strong>urbaine</strong> est en<br />

adéquation avec le quartier <strong>et</strong> surtout avec ses habitants, <strong>et</strong> dans quelle mesure il agit sur leurs<br />

comportements.<br />

Dans le présent rapport, pour tenter de répondre à c<strong>et</strong>te problématique, ou du moins d’apporter<br />

quelques éléments de réponse, nous allons travailler en quatre temps.<br />

D’abord, nous chercherons à identifier la résidentialisation, sur la base de sa genèse, de ses<br />

aspirations <strong>et</strong> <strong>des</strong> ses principes.<br />

Puis, à partir d’un exemple de résidentialisation, nous tenterons d’analyser en quoi c<strong>et</strong>te nouvelle<br />

forme de renouvellement urbain propose de redonner aux grands ensembles c<strong>et</strong>te présence<br />

humaine qui leur fait tant défaut, c<strong>et</strong>te sensation de renouveau, de résurrection, d’une part en<br />

matière d’aménagement urbain, <strong>et</strong> d’autre part, en terme de « normalisation sociale ».<br />

Enfin, nous complèterons notre rapport par les impressions <strong>des</strong> Teisseirois quant aux premiers<br />

changements induits par le proj<strong>et</strong>, tant dans leurs comportements, que dans leurs rapports au<br />

quartier.<br />

ARANTES Laëtitia 18


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Première Partie.<br />

La La La résidentialisation résidentialisation : : De De quoi quoi parle parle-t-on<br />

parle on ?<br />

Espaces de modernité <strong>et</strong> d’innovation construits entre les années 1953 <strong>et</strong> 1970 à la périphérie<br />

<strong>des</strong> métropoles, les grands ensembles étaient <strong>des</strong>tinés à définir un nouveau cadre <strong>et</strong> un nouveau<br />

mode de vie. Néanmoins, ils se r<strong>et</strong>rouvent rapidement décriés par ceux-là même qui les<br />

magnifiaient à leurs débuts. Victimes de leur taille pensée comme démesurée (souvent plus de<br />

mille logements), de la monotonie <strong>et</strong> la répétitivité de leur architecture, de leur manque de<br />

hiérarchie, au seuil <strong>des</strong> années 1980, ils deviennent alors <strong>des</strong> cités-dortoirs, <strong>des</strong> lieux sans âme,<br />

<strong>des</strong> « quartiers », <strong>et</strong>, sous ce nom, font l’obj<strong>et</strong> de multiples politiques spécifiques (Habitat <strong>et</strong> Vie<br />

Sociale, Développement Social <strong>des</strong> Quartiers, Développement Social Urbain). Parmi les plus<br />

récentes, la « résidentialisation », née à la fin <strong>des</strong> années 1990 <strong>et</strong> consacrée par la loi du 1 er août<br />

2003, s’affirme aujourd'hui comme l’une <strong>des</strong> principales composantes du renouvellement urbain,<br />

aux côtés <strong>des</strong> actions de réhabilitation <strong>et</strong> de démolition – reconstruction.<br />

Notion aux multiples fac<strong>et</strong>tes, sans définition claire <strong>et</strong> précise, la résidentialisation reste un<br />

concept ambigu. Mais comme le dit Philippe Panerai, « parler de résidentialisation, c’est parler<br />

<strong>des</strong> grands ensembles » 22. Aussi, semble-t-il nécessaire, pour mieux appréhender le concept de<br />

résidentialisation, de revisiter les <strong>espaces</strong> qui l’ont vu naître : les grands ensembles.<br />

1. 1. Les Les grands grands ensembles ensembles en France : de l’« idéalité » 23 à la réalité réalité. réalité<br />

« S’ils sont bien conçus, correctement réalisés, bien gérés, les nouveaux ensembles<br />

résidentiels, les quartiers rénovés, <strong>et</strong> dans les campagnes, les villages centres<br />

trouvent une âme qu’apprécieront les habitants. »<br />

Roger Macé, Directeur de la Construction, 1962. 24<br />

Grand héritier <strong>des</strong> CIAM <strong>et</strong> de la Charte d’Athènes, construits dans l’enthousiasme <strong>des</strong> Trente<br />

Glorieuses, les grands ensembles ont focalisé de gran<strong>des</strong> ambitions : volonté politique de loger<br />

les Français, aménagement planifié du territoire, industrialisation du bâtiment, <strong>et</strong> modernisation<br />

22 PANERAI P., « L’unité résidentielle : raisons <strong>et</strong> antécédents », in CERTU, VILLE DE GRENOBLE, dir., La<br />

résidentialisation en questions, Collections du CERTU, juill<strong>et</strong> 2007, page 36.<br />

23 Aux tous débuts <strong>des</strong> grands ensembles d’habitat social, comme nous le verrons par la suite, ces « géants » urbains<br />

sont accueillis tant par les publics – médias, personnes qui en feront les premières expériences – que par leurs<br />

concepteurs comme un oasis de modernité. Plus qu’une simple amélioration du cadre de vie, les grands ensembles<br />

apportent aux plus nécessiteux, à ceux qui vivaient jusque-là dans <strong>des</strong> « taudis » l’espoir de vivre dans <strong>des</strong> conditions<br />

décentes.<br />

24 Cité par MENGIN C., « La Solution <strong>des</strong> grands ensembles », in Vingtième siècle. Revue d’Histoire, volume 64, 1999,<br />

pages 105-112.<br />

ARANTES Laëtitia 19


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

de l’économie domestique 25 ; telles étaient les objectifs auxquels prétendait répondre c<strong>et</strong>te<br />

nouvelle <strong>et</strong> innovante forme <strong>urbaine</strong>.<br />

Ces <strong>espaces</strong>, aujourd'hui vilipendés <strong>et</strong> craints, étaient à l’origine présentés comme <strong>des</strong> éléments<br />

essentiels de la reconstruction d’après-guerre <strong>et</strong> de la modernisation du pays. Sur ce point, les<br />

collectivités locales partageaient l'enthousiasme <strong>des</strong> décideurs, <strong>et</strong> la satisfaction <strong>des</strong> nouveaux<br />

locataires éclatait dans les premiers reportages télévisés de l'ORTF 26 comme dans les premières<br />

enquêtes sociologiques.<br />

1.1. Les grands ensembles dans les années 1950 : un « régime d’exception ».<br />

1954 : Neuf ans après la fin de la guerre, la situation de l’habitat est critique. On estime à plus de<br />

quatre millions le nombre de logements manquants ; <strong>et</strong> 90% <strong>des</strong> logements existants sont<br />

insalubres. Pourtant, la France a d’autres priorités que les sans-logis <strong>et</strong> la pénurie de logements.<br />

1954 : Dans le froid glacial de l’hiver, un cri se fait entendre : « Mes amis, au secours »…<br />

Tels sont les premiers mots prononcés par l’Abbé Pierre dans son tragique appel « à une<br />

insurrection de bonté » en faveur <strong>des</strong> sans-abri, dont un nombre important est r<strong>et</strong>rouvé mort de<br />

froid. Face à l’inactivité <strong>des</strong> pouvoirs publics devant la crise du logement, l’Abbé Pierre mène<br />

alors une campagne virulente, grâce à laquelle il encourage finalement une relance de l’effort du<br />

gouvernement, qui tente dès lors de résorber tant le manque de logements que son inconfort <strong>et</strong><br />

son insalubrité. Après l’échec <strong>des</strong> « logements économiques de première nécessité », la priorité<br />

est alors donnée à l’habitat collectif de grande taille comme seule solution au manque de<br />

logements en France. Par un décr<strong>et</strong> du 31 décembre 1958 connu sous le titre : Urbanisme, HLM,<br />

Crise du logement, Pierre Sudreau, ministre de la Construction 27, m<strong>et</strong> en place les Zones à<br />

Urbaniser en Priorité : les grands ensembles sont nés.<br />

Destinés à « faire le bonheur de l’homme », les nouveaux logements ainsi construits offrent<br />

l’accès au confort moderne, tels l’eau courante, le chauffage central, les WC intérieurs, une salle<br />

de bain, <strong>et</strong> également une aération <strong>et</strong> un ensoleillement généreux. 28 L’heure est alors à la<br />

productivité : le « tout béton » s’impose, la structure est préfabriquée <strong>et</strong> standardisée, les plans<br />

sont répétés. Ainsi, le progrès technique perm<strong>et</strong> la production rapide <strong>et</strong> peu coûteuse : on relève<br />

<strong>des</strong> pics de mise en chantier de 250 000 logements sociaux par an, ce qui perm<strong>et</strong> d’enrayer une<br />

crise du logement tenace.<br />

25 Ibid.<br />

26 Office de Radiodiffusion Télévision Française<br />

27 En 1958, le ministère de la reconstruction <strong>et</strong> du logement devient le ministère de la construction.<br />

28 MENGIN C., op.cit.<br />

ARANTES Laëtitia 20


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Ces idées, images du progrès technique <strong>et</strong> social, sont à l’époque connotées très positivement.<br />

Promesse d’une vie meilleure pour tous, d’une augmentation considérable du confort <strong>et</strong> de la<br />

salubrité <strong>des</strong> villes, le courant moderne <strong>et</strong> ses grands ensembles nourrissent <strong>des</strong> ambitions de<br />

régénération de la France, par la « <strong>des</strong>truction <strong>des</strong> taudis <strong>et</strong> la construction de zones non bâties,<br />

les centres-villes restant remplis de taudis surpeuplés », « carrefours <strong>des</strong> divers fléaux sociaux » 29.<br />

1.2. De la prise de conscience <strong>des</strong> années 60...<br />

Ainsi, à leur création, dans les années 1950, les grands ensembles ont d’abord connu un grand<br />

succès.<br />

Mais la critique ne se fait pas attendre : dès 1963, nombreux sont ceux qui m<strong>et</strong>tent en avant leur<br />

aspect pathogène. Tandis que les journalistes inventent la sarcellite <strong>et</strong> qu’Henry Raymond<br />

démontre les vertus du pavillonnaire 30, un sociologue strasbourgeois 31 m<strong>et</strong> en exergue<br />

l’inadéquation <strong>des</strong> logements avec les aspirations <strong>des</strong> habitants <strong>et</strong> le départ <strong>des</strong> ménages les<br />

plus solvables dès qu’ils le peuvent.<br />

Dès lors, l’architecture <strong>et</strong> l’organisation <strong>des</strong> grands ensembles sont fortement dépréciés, <strong>et</strong> ce,<br />

pour diverses raisons :<br />

o Leur excentrement : ces quartiers sont coupés du reste de la ville, coupure d’autant plus<br />

forte qu’ils sont mal <strong>des</strong>servis par les transports en commun.<br />

o Leur manque de lisibilité : les grands ensembles sont dépourvus de trame viaire. La gestion<br />

<strong>des</strong> pleins <strong>et</strong> <strong>des</strong> vi<strong>des</strong>, <strong>et</strong> surtout de leurs rapports, engendre une absence de repères<br />

dans la rue, une difficulté à percevoir où s’arrête l’espace public pour laisser place à<br />

l’espace privé ; finalement le piéton s’y sent mal à l’aise, <strong>et</strong> parfois même s’y perd.<br />

o Leur architecture uniforme <strong>et</strong> monolithique : les logements sont semblables, l’échelle <strong>des</strong><br />

bâtiments est décalée par rapport à l’homme (<strong>des</strong> barres <strong>et</strong> <strong>des</strong> tours), les différents<br />

<strong>espaces</strong> ne sont pas qualifiés.<br />

o Le vide <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> : les grands ensembles sont constitués en grande partie par <strong>des</strong><br />

« vi<strong>des</strong> » entre les immeubles trop importants par rapport à la densité bâtie du quartier, ces<br />

vastes lieux devenant ingérables <strong>et</strong> laissant libre cours à <strong>des</strong> territorialisations autoritaires,<br />

à <strong>des</strong> <strong>appropriation</strong>s intempestives.<br />

o Le caractère pathogène <strong>des</strong> grands ensembles <strong>et</strong> de leurs tours les plus hautes.<br />

29 HOUIST G., cité par MENGIN C., op.cit.<br />

30 HAUMONT A, HAUMONT N., RAYMOND M.G., RAYMOND H., L’Habitat pavillonnaire, Centre de Recherche<br />

d’Urbanisme, 1966, 150 pages.<br />

31 LANGE J., PANERAI P., « La restructuration <strong>des</strong> grands ensembles », in Etu<strong>des</strong> Foncières, n°88, automne 2000, page<br />

7.<br />

ARANTES Laëtitia 21


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

o Le dernier, mais non le moindre, l’immuabilité de ces quartiers : un seul promoteur sur une<br />

vaste <strong>et</strong> unique parcelle. C<strong>et</strong>te situation aboutit non seulement à <strong>des</strong> confusions en terme<br />

de distinction public / privé <strong>et</strong> donc en termes de responsabilité <strong>et</strong> de gestion, mais aussi à<br />

l’impossibilité pour le quartier <strong>et</strong> donc pour la ville de muter, d’évoluer, comme si le temps<br />

s’y était arrêté depuis 50 ans.<br />

Ajoutés à cela, un surpeuplement rapide <strong>et</strong> une uniformité du milieu social vont conduire à<br />

dégrader très vite ces quartiers. Les « cités » deviennent alors synonymes de crise sociale,<br />

d’erreur urbanistique <strong>et</strong> d’insécurité.<br />

Personne ne pense à l’époque que le contexte dans lequel se sont construits les grands<br />

ensembles est à la base de nombre de ces critiques. En eff<strong>et</strong>, inscrits dans les calculs de la<br />

décentralisation industrielle <strong>et</strong> de la recherche de nouvelles capacités de main-d’œuvre, les<br />

grands ensembles sont installés à proximité <strong>des</strong> industries – pour une main-d’œuvre « à portée<br />

de main ». C'est ainsi qu’ils sont installés en périphérie <strong>des</strong> villes, près de pôles économiques, <strong>et</strong><br />

à proximité d’autoroutes 32. Une autre raison à la situation géographique <strong>des</strong> grands ensembles<br />

réside dans la procédure du 31 décembre 1958 qui a pour obj<strong>et</strong> de concentrer les efforts de<br />

construction dans <strong>des</strong> secteurs importants : la priorité est à la construction de logements <strong>et</strong><br />

besoin est de trouver <strong>des</strong> sites autorisant au moins 500 logements. Quant à la monotonie <strong>des</strong><br />

bâtiments, on la doit également à ce décr<strong>et</strong> qui préconise <strong>des</strong> économies d’échelle, via un plan<br />

d’ensemble <strong>des</strong>siné par un seul architecte <strong>et</strong> munis uniquement <strong>des</strong> équipements<br />

indispensables à la vie <strong>des</strong> habitants.<br />

Pourtant, malgré ces différents constats, ce n’est qu’en 1973 que sera arrêtée la construction<br />

<strong>des</strong> grands ensembles, déclarés « interdits » par le Ministre de l’Equipement <strong>et</strong> du Logement de<br />

l’époque, Olivier Guichard 33.<br />

1.3. … à la prise de décision, quinze ans plus tard.<br />

Curieusement, il faudra tout de même encore attendre la fin <strong>des</strong> années 1970 pour que <strong>des</strong><br />

actions concrètes soient menées sur les grands ensembles <strong>et</strong> leur organisation : la « politique de<br />

la ville » 34 se propose de commencer une reconquête de l’espace urbain par ses pathologies, <strong>et</strong><br />

les grands ensembles sont dans sa ligne de mire.<br />

Les principes de la politique de la ville sont initiés en 1977 avec les préoccupations du groupe<br />

Habitat <strong>et</strong> Vie Sociale qui ambitionnait d’animer les grands ensembles pour y créer une vie<br />

32 Les années 1950 sont en même temps marquées par le développement de l’automobile.<br />

33 MENGIN C., op. cit.<br />

34 L’action publique n’est pas encore, à l’époque, évoquée sous c<strong>et</strong>te appellation.<br />

ARANTES Laëtitia 22


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

communautaire, jusque-là défaillante, <strong>et</strong> de chercher à corriger les défauts les plus évidents <strong>des</strong><br />

grands ensembles. C<strong>et</strong>te approche HVS est novatrice : globale <strong>et</strong> transversale, elle tente<br />

d’associer les habitants aux proj<strong>et</strong>s qui les concernent.<br />

Mais, ce n’est qu’ensuite que la politique de la ville se m<strong>et</strong> concrètement en place, après les<br />

incidents de l’été 1981, incidents qui ont mis en exergue les difficultés <strong>des</strong> quartiers. Désormais,<br />

le gouvernement décide de réagir. Ainsi, lancée à travers trois étu<strong>des</strong> (« Ensemble refaire la<br />

ville », rapport de la CNDSQ 35 ; le rapport Schwartz 36 en juin 1981, suivie de la création <strong>des</strong><br />

premières missions locales ; <strong>et</strong> « Face à la délinquance : prévention, répression, solidarité »,<br />

rapport de la Commission <strong>des</strong> maires sur la sécurité, en mai 1982), la politique de la ville est<br />

mise en place. Elle se poursuivra par la suite sous <strong>des</strong> affichages variés : Développement Social<br />

<strong>des</strong> Quartiers (D.S.Q.), Banlieues 89, Développement Social Urbain (D.S.U.), Grands Proj<strong>et</strong>s<br />

Urbains, <strong>et</strong>c.<br />

Tout autant d’actions qui tenteront, <strong>et</strong> tentent encore, de traiter – ou dans certaines opérations,<br />

de détruire – les grands ensembles de logement social, <strong>et</strong> de leur redonner « une nouvelle<br />

urbanité par le changement d’image » (ravalement de façade, <strong>des</strong>sin en trompe-l’œil, <strong>et</strong>c.) 37.<br />

Victimes de l’élan <strong>et</strong> de la précipitation <strong>des</strong> politiques de l’époque, les grands ensembles se<br />

voient donc depuis longtemps contestés. Devenus rapidement <strong>des</strong> « quartiers à problèmes », <strong>des</strong><br />

« cités », qui abritent <strong>des</strong> populations marginalisées, gh<strong>et</strong>toïsées, ils ont sans cesse fait l’obj<strong>et</strong> de<br />

multiples tentatives de correction, parfois même poussées à l’éradication : « l’habitat <strong>des</strong> sous-<br />

hommes doit être détruit » 38. On est alors loin du sens premier de ces deux termes : la cité,<br />

comme « lieu de la vie citoyenne, base de la démocratie », <strong>et</strong> le quartier, expression « <strong>des</strong><br />

relations de voisinages d’une proximité quasi villageoise » 39.<br />

Pourtant, malgré leurs handicaps, les grands ensembles représentent encore aujourd'hui un riche<br />

patrimoine aux vertus indéniables. De part leur existence, ils perm<strong>et</strong>tent de loger un nombre<br />

important de familles à l’heure où l’on manque encore de 800 000 logements 40 en France. Sans<br />

oublier, le rôle que jouent (<strong>et</strong> ont joué) les grands ensembles dans la réalisation <strong>des</strong> parcours<br />

résidentiels <strong>des</strong> nouveaux citadins. Enfin, la typologie de tour ou de barre insérée dans un<br />

paysage constitué de « vi<strong>des</strong> », même si très contestée pour son uniformité <strong>et</strong> son trop plein de<br />

35 Commission nationale pour le développement social <strong>des</strong> quartiers, créée le 23 décembre 1981, placée directement<br />

auprès du Premier ministre <strong>et</strong> présidée par Hubert Dubedout.<br />

36 Rapport sur l'insertion sociale <strong>et</strong> professionnelle <strong>des</strong> jeunes.<br />

37 LANGE J., PANERAI P., op. cit., page 7.<br />

38 VAYSSIERE B., « Grands ensembles : pourquoi les démolir ? », in Etu<strong>des</strong> Foncières, n°103, mai-juin 2003, page 10.<br />

39 PANERAI P., « L’unité résidentielle : raisons <strong>et</strong> antécédents », op. cit., page 36.<br />

40 Rapport annuel de la Fondation L’Abbé Pierre sur le mal-logement en France.<br />

ARANTES Laëtitia 23


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

liberté, présente en outre d’importants avantages : sans aucun vis-à-vis, la vue est dégagée ;<br />

l’importance <strong>des</strong> zones non-bâties autorise plus de liberté dans l’urbanisation par l’ajout d’une<br />

dimension supplémentaire ; <strong>et</strong>c.<br />

Ainsi, pour beaucoup d’auteurs qui ont réfléchi par la suite sur la question <strong>des</strong> grands ensembles,<br />

« l’intervention dans les quartiers d’habitat social doit exploiter les qualités potentielles de<br />

l’espace moderne <strong>et</strong> composer avec les formes <strong>urbaine</strong>s existantes en cherchant à les améliorer<br />

plutôt qu’à les nier » 41. C’est ainsi que depuis plusieurs années, les professionnels de<br />

l’aménagement urbain œuvrent dans le sens de la patrimonialisation <strong>des</strong> grands ensembles, de<br />

leurs atouts, <strong>et</strong> de leur mémoire : l’objectif visé n’est plus le simple changement d’image, mais la<br />

réinsertion du quartier dans la ville, en même temps que sa revalorisation. C’est en ce sens que<br />

la résidentialisation, associée aux actions de réhabilitation <strong>et</strong> de démolition-reconstruction,<br />

prétend « en finir avec les grands ensembles » 42, en renforçant la fierté de ces « cités », <strong>et</strong> en<br />

rem<strong>et</strong>tant leurs habitants marginalisés sur « le droit chemin de l’urbanité policée <strong>des</strong> beaux<br />

quartiers » 43.<br />

Mais, avant de considérer avec plus de précision les principes de c<strong>et</strong>te nouvelle notion, il est<br />

intéressant d’en détailler au préalable la genèse <strong>et</strong> les théories qui l’ont fait naître.<br />

2. Aux Aux Aux origines origines de de de la la rés résidentialisation…<br />

rés identialisation…<br />

« […] <strong>des</strong> objectifs de sécurisation <strong>et</strong> <strong>des</strong> principes proches <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> anglosaxonnes<br />

<strong>et</strong> nord-américaines d’aménagement de l’espace contribuant à la sûr<strong>et</strong>é,<br />

notamment à travers le recours à l’espace défendable. »<br />

Céline Loudier 44 .<br />

Qu’ils soient élus ou bailleurs, maîtres d’ouvrage ou maîtres d’œuvre, représentants locaux ou<br />

nationaux, les principaux acteurs institutionnels s’accordent sur le fait que la résidentialisation<br />

apporte une réponse à trois attentes très légitimes <strong>des</strong> occupants de logements sociaux : la<br />

tranquillité ou la sécurité, la qualité de l’environnement qui passe par la réorganisation de<br />

l’espace public, <strong>et</strong> l’amélioration de l’image <strong>des</strong> logements sociaux. L’objectif est de « banaliser »<br />

ces quartiers, en même temps que de les « normaliser » socialement.<br />

41 GUIGOU B., LELEVRIER C., La résidentialisation : genèse <strong>et</strong> eff<strong>et</strong>s attendus d’une pratique d’aménagement, Rapport<br />

de Recherche, Ministère de la Culture <strong>et</strong> de la Communication, Tome I, juin 2004, page 33.<br />

42 Banlieues 89, décembre 1990.<br />

43 VAYSSIERE B., op.cit.<br />

44 Citée par GUIGOU B., LELEVRIER C., op.cit., page 52.<br />

ARANTES Laëtitia 24


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

La question est ici de savoir d’où proviennent ces représentations de la résidentialisation. C<strong>et</strong>te<br />

partie s’attache donc à montrer comment c<strong>et</strong>te notion nouvelle, qui apparaît dans l’Hexagone à<br />

la fin <strong>des</strong> années 1990, puise ses racines dans <strong>des</strong> réflexions plus anciennes, réflexions dont les<br />

recommandations avaient pour traduction concrète la résidentialisation, mais pas sous c<strong>et</strong>te<br />

dénomination.<br />

Les notions connexes à la résidentialisation observent trois registres assez différents : celui de<br />

l’aménagement <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>, celui de la sécurité, <strong>et</strong> enfin celui de la gestion du logement social<br />

<strong>et</strong> de l’action publique de la politique de la ville. Ce sont ces trois registres, leurs préceptes, <strong>et</strong><br />

leurs rapports avec la notion de résidentialisation que nous examinerons ici.<br />

2.1. La clôture, ou la critique <strong>des</strong> « <strong>espaces</strong> publics » 45 modernes.<br />

Lancées par la politique de la ville dès les années 70, les premières interventions de<br />

requalification <strong>des</strong> quartiers d’habitat social se sont souvent limitées à un travail « en surface » 46 :<br />

la mise en couleurs <strong>des</strong> faça<strong>des</strong>, l’isolation thermique par l’extérieur, superposition de treilles ou<br />

de pergolas, <strong>et</strong>c. Mais, ces actions ont, pour la plupart, simplement « maquillé » ces quartiers,<br />

artifice dont les habitants « crypteront rapidement le caractère dérisoire » 47.<br />

A partir <strong>des</strong> années 1980, le constat de l’incapacité de ces opérations conduit à explorer d’autres<br />

voies, dont l’affirmation du public : « <strong>espaces</strong> publics requalifiés, équipements publics<br />

reconstruits, services publics revivifiés » 48.<br />

2.1.1. 2.1.1. 2.1.1. Les Les différents différents acquis acquis <strong>des</strong> <strong>des</strong> réflexions réflexions sur sur les les <strong>espaces</strong> <strong>espaces</strong> publics publics modernes modernes :<br />

:<br />

l’annonciation l’annonciation de de la la résidentialisation.<br />

résidentialisation.<br />

Ainsi, dès le milieu <strong>des</strong> années 1980, les réflexions s’orientent sur l’analyse <strong>des</strong> « <strong>espaces</strong><br />

publics modernes », dont l’espace <strong>des</strong> grands ensembles constitue un exemple particulièrement<br />

significatif. Ces réflexions, menées par <strong>des</strong> architectes, urbanistes <strong>et</strong> paysagistes, aboutiront à<br />

différents types de résultats, <strong>des</strong> recherches individuelles, <strong>des</strong> travaux, ou encore <strong>des</strong> réflexions<br />

collectives. Parmi eux, le Guide pratique <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs dans l’habitat, rédigé par les<br />

consultants du CREPAH 49 dans le cadre d’une commande du Ministère de l’environnement <strong>et</strong> du<br />

45 Dans l’urbanisme moderne, les « <strong>espaces</strong> publics », omniprésents <strong>et</strong> dévorants, ne portent pas encore c<strong>et</strong>te<br />

appellation, mais celle d’«<strong>espaces</strong> libres » ; le terme « <strong>espaces</strong> publics » n’apparaissant qu’en 1974.<br />

46 Les raisons sont essentiellement financières : en 1977, suite au rapport Barre, la politique gouvernementale préfère<br />

à l'aide à la pierre, dévoreuse de budg<strong>et</strong>, une aide à la personne à travers l'APL, avec pour présupposé qu'avec la<br />

croissance, de nombreuses familles sortiront rapidement du système d'ai<strong>des</strong>. C<strong>et</strong>te réforme de 1977 est le point de<br />

départ du désengagement financier de l'état : le taux de subvention publique pour la construction neuve passe de 20%<br />

à 12 %. Les ai<strong>des</strong> à la pierre financées par l'état passent de 43 milliards de francs <strong>et</strong> 1978 à 28 milliards en 1993.<br />

47 PANERAI P., « L’unité résidentielle : raisons <strong>et</strong> antécédents », op. cit., page 39.<br />

48 LANGE J., PANERAI P., op. cit., page 7.<br />

49 Centre de Recherches <strong>et</strong> d’Etu<strong>des</strong> pour la Planification, l’Aménagement <strong>et</strong> l’Habitat.<br />

ARANTES Laëtitia 25


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Cadre de Vie <strong>et</strong> de l’Union HLM. Ou encore, parmi les plus récents, l’ouvrage du CERTU, rédigé<br />

par Anne Faure en 1996, intitulé Entre les tours <strong>et</strong> les barres. Restructurer les <strong>espaces</strong> publics<br />

<strong>des</strong> grands ensembles.<br />

Ces diverses réflexions m<strong>et</strong>tent l’accent sur les dysfonctionnements <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> publics<br />

modernes. Nous r<strong>et</strong>rouvons donc ici les critiques préalablement énumérées dans la première<br />

partie sur les grands ensembles : de la rigidité foncière au manque de lisibilité, en passant par<br />

l’aspect pathogène tant de leurs <strong>espaces</strong> intérieurs que <strong>des</strong> « vi<strong>des</strong> » qui les composent.<br />

A partir de ces analyses critiques s’affirme l’importance de la conception <strong>et</strong> de l’aménagement<br />

<strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs dans la qualité de vie <strong>des</strong> grands ensembles. Ce ne sont plus seulement,<br />

comme le préconisaient les premières interventions de la politique de la ville, les logements, le<br />

bâti, ou encore les équipements qui sont perçus comme éléments essentiels de qualité d’un<br />

quartier. La qualité de vie d’un quartier, son « urbanité » se construit également au niveau de<br />

l’ensemble <strong>des</strong> « vi<strong>des</strong> » qui constituent les grands ensembles, <strong>des</strong> « <strong>espaces</strong> entre les tours <strong>et</strong><br />

les barres » 50. Ces <strong>espaces</strong> libres apparaissent alors aux yeux <strong>des</strong> professionnels comme « l’atout<br />

<strong>des</strong> grands ensembles » : peut-être « vi<strong>des</strong> » mais loin d’être « vi<strong>des</strong> de sens » 51, une fois aménagé<br />

<strong>et</strong> leur statut clarifié, grâce à la définition d’un parcellaire, ces lieux pourront donner sens à <strong>des</strong><br />

usages plus spécifiques. C’est ainsi que la conception, l’aménagement, <strong>et</strong> la gestion de ces<br />

<strong>espaces</strong> acquièrent une réelle importance.<br />

Une nouvelle notion entre ici en jeu : celle de la limite entre les <strong>espaces</strong> publics <strong>et</strong> les <strong>espaces</strong><br />

privés. Or, dans l’urbanisme moderne, ces <strong>espaces</strong> sont d’autant plus flous que leur limite est<br />

inexistante, comme le sous-entend Pierre Belli-Riz :<br />

« L’urbanisme dit moderne est fondé sur l’idéal d’une ville verte <strong>et</strong> ouverte, faite de<br />

bâtiments disposés librement dans un ‘‘libre’’ espace collectif, continu <strong>et</strong><br />

omniprésent. » 52<br />

Les grands ensembles sont caractérisés par les vi<strong>des</strong> qui les composent <strong>et</strong>, du fait de limites<br />

entre public <strong>et</strong> privé incertaines, voire même totalement absentes, les statuts <strong>des</strong> différents<br />

<strong>espaces</strong> sont inconnus. Ces absences engendrent <strong>des</strong> confusions, <strong>des</strong> problèmes, voire même<br />

un certain désintérêt. Notamment, la gestion <strong>et</strong> l’entr<strong>et</strong>ien sont parfois soumis à <strong>des</strong><br />

interrogations : qui à la responsabilité de quoi ? La Ville ou le bailleur ? De ce fait, certains<br />

<strong>espaces</strong> ne sont pas entr<strong>et</strong>enus faute de responsable ; ils se r<strong>et</strong>rouvent donc laissés pour<br />

50 FAURE A., Entre les tours <strong>et</strong> les barres. Restructurer les <strong>espaces</strong> publics <strong>des</strong> grands ensembles, CERTU, Lyon,<br />

novembre 1996.<br />

51 HATZFELD H., MOUTTON Y., Les <strong>espaces</strong> libres, atouts <strong>des</strong> grands ensembles, éditions du CERTU, coll. “Écoles<br />

d’architecture”, 2006.<br />

52 BELLI-RIZ P., cité par GUIGOU B., LELEVRIER C., op.cit., page 32.<br />

ARANTES Laëtitia 26


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« oubliés », comme « abandonnés » par les pouvoirs publics <strong>et</strong> le bailleur. Vi<strong>des</strong> d’entr<strong>et</strong>ien <strong>et</strong> de<br />

gestion, ils sont parfois stigmatisés par les habitants, <strong>et</strong> deviennent vi<strong>des</strong> de pratiques, vi<strong>des</strong><br />

d’<strong>appropriation</strong>, hormis peut-être d’<strong>appropriation</strong>s « intempestives ».<br />

Pour une meilleure <strong>appropriation</strong> de ces <strong>espaces</strong>, <strong>et</strong> donc pour une meilleure « urbanité » du<br />

quartier, il est indispensable d’agir : il s’agit alors de banaliser les grands ensembles, de<br />

normaliser ces <strong>espaces</strong> vi<strong>des</strong> qui les composent, <strong>espaces</strong> vi<strong>des</strong> de statuts, vi<strong>des</strong> de pratiques, <strong>et</strong><br />

surtout de recréer un lien entre ces <strong>espaces</strong> <strong>et</strong> leurs habitants, de recréer <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> de<br />

sociabilité.<br />

Ainsi, c’est dans ces réflexions, <strong>et</strong> dans les théories qui en découlent, que la résidentialisation<br />

puisera l’un de ces principes essentiels : la définition d’un parcellaire <strong>et</strong> de limites claires entre<br />

les <strong>espaces</strong>, recommandations qui trouveront leurs premières matérialisations dès le début <strong>des</strong><br />

années 1980.<br />

2.1.2. 2.1.2. Les Les premières premières réalisations réalisations réalisations d’« d’« enclos enclos » : : : vers vers une une nouvelle nouvelle « « urbanité urbanité ». ».<br />

».<br />

En eff<strong>et</strong>, parallèlement à toutes ces réflexions sur les relations entre <strong>espaces</strong> publics <strong>et</strong> <strong>espaces</strong><br />

privés, <strong>et</strong> sur les <strong>espaces</strong> intermédiaires, plusieurs urbanistes <strong>et</strong> architectes développent les<br />

mêmes orientations <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tent leurs théories en pratique.<br />

D’abord, en 1982, Christian Devillers <strong>et</strong> Paul Chem<strong>et</strong>ov, avec leur proj<strong>et</strong> sur le quartier Saint-<br />

Saëns de Saint-Etienne, jouent un rôle déterminant dans la restructuration <strong>des</strong> grands<br />

ensembles, car « c’est le premier travail sur les grands ensembles qui dit que la question <strong>des</strong><br />

grands ensembles ne se réduit pas à un travail sur la façade » 53. En eff<strong>et</strong>, à l’époque, dans les<br />

politiques <strong>des</strong> offices HLM, les propos sont encore <strong>et</strong> toujours à la requalification <strong>des</strong> grands<br />

ensembles par le « changement d’image » : béton <strong>et</strong> densité sont au cœur <strong>des</strong> opérations de<br />

requalification. Toutefois, C. Devillers <strong>et</strong> P. Chem<strong>et</strong>ov se refusent d’appliquer ces principes. Leur<br />

proj<strong>et</strong> propose donc d’offrir un renouveau au quartier Saint-Saëns à travers <strong>des</strong> prescriptions plus<br />

en profondeur. Pour désenclaver ce grand ensemble, il est nécessaire d’aller au-delà du simple<br />

territoire du quartier <strong>et</strong> de ses bâtiments, <strong>et</strong> de r<strong>et</strong>rouver la continuité de la ville : il faut revenir à<br />

une définition conventionnelle <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> publics, c'est-à-dire « une rue avec <strong>des</strong> trottoirs, un<br />

boulevard planté, une place avec <strong>des</strong> équipements de quartier » 54.<br />

Passer de l’action commune sur les bâtiments à une intervention sur les <strong>espaces</strong> publics marque<br />

une étape importante : avec la réflexion sur l’espace public se pose une nouvelle question, celle<br />

du savoir-vivre ensemble, question qui, jusque-là, importait peu dans le travail de requalification<br />

53 PANERAI, intervention à l’Ecole d’Architecture, 2002, cité par GUIGOU B., LELEVRIER C., op. cit., page 16.<br />

54 LANGE J., PANERAI P., op.cit.<br />

ARANTES Laëtitia 27


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

<strong>des</strong> grands ensembles. L’objectif visé n’est plus simplement d’améliorer le cadre de vie <strong>des</strong><br />

habitants d’un quartier, mais il s’agit également de faire en sorte que c<strong>et</strong> environnement<br />

perm<strong>et</strong>te aux habitants d’y instaurer <strong>des</strong> pratiques <strong>et</strong> d’y créer <strong>des</strong> relations saines entre eux.<br />

L’enjeu, dans ces quartiers aux statuts indéterminés, est alors de redéfinir le domaine de chacun<br />

<strong>des</strong> <strong>espaces</strong>, ce pour quoi il est important, entre autres, de confirmer le statut de l’espace public,<br />

<strong>et</strong> d’établir clairement les limites entre les différents <strong>espaces</strong>.<br />

Partant de là, Christian de Portzamparc développe un premier thème majeur dans la<br />

requalification du quartier de la rue Nationale à Paris (XIIIe arr.) : la clôture, « matérialisation sans<br />

ambiguïté de la séparation du domaine public <strong>et</strong> du domaine privé » 55. La partie de terrain enclos<br />

qui accompagne le bâtiment peut alors devenir le lieu d’une pratique nouvelle, pratique distincte<br />

de celle de l’espace public, pratique « plus discrète ». Car, comme le souligne Brigitte Guigou :<br />

« Le manque d’<strong>espaces</strong> clos, protégés <strong>et</strong> privatisés ne favorise pas l’<strong>appropriation</strong>. On<br />

n’est ni dans un espace fermé sécurisant, ni dans un espace réellement public. On<br />

flotte entre deux types d’<strong>espaces</strong>, dans un espace au statut indéfini » 56 .<br />

Ainsi définie, la clôture sera par la suite reprise par Alexandre Chem<strong>et</strong>off à Vénissieux <strong>et</strong> par Jean<br />

Deroche à Orly.<br />

La crise <strong>des</strong> grands ensembles, <strong>et</strong> plus particulièrement la difficile gestion de leurs abords,<br />

semble ainsi avoir révélé le caractère problématique de l’organisation du rapport entre espace<br />

public <strong>et</strong> espace privé, entre espace urbain <strong>et</strong> espace domestique. La clôture, matérialisation<br />

claire <strong>et</strong> simple de c<strong>et</strong>te séparation, propose une solution à ce duel. Ainsi aménagée, elle<br />

engendre une nouvelle notion, celle d’espace intermédiaire, un espace qui peut devenir « espace<br />

social de voisinage » 57, <strong>et</strong> où peuvent s’établir <strong>des</strong> relations de voisinage <strong>et</strong> de solidarité. Ce sont<br />

ces mêmes <strong>espaces</strong> intermédiaires <strong>et</strong> leur présumée <strong>appropriation</strong> qui constituent l’un <strong>des</strong><br />

principes de la résidentialisation, telle qu’elle a pu être pratiquée en France depuis la fin <strong>des</strong><br />

années 1990.<br />

La résidentialisation ainsi définie <strong>et</strong> impulsée par l’instauration de la clôture répond par là à deux<br />

questions devenues essentielles aujourd'hui : la responsabilité de l’entr<strong>et</strong>ien <strong>et</strong> la sécurité. Car<br />

« c’est toujours au nom de la propr<strong>et</strong>é ou de la sécurité que les <strong>espaces</strong> de transition se<br />

clôturent » 58. Le lien entre c<strong>et</strong>te dernière notion <strong>et</strong> la résidentialisation puise par ailleurs d’autres<br />

55 Ibid.<br />

56 GUIGOU B., LELEVRIER C., op.cit., page 36.<br />

57 Ibid, page 38.<br />

58 JEUDY H.P., JEUDY J.C., Eff<strong>et</strong>s de l’insécurité sur la relation privé/public. Propr<strong>et</strong>é, sécurité <strong>et</strong> communication.,<br />

Groupe d’Analyse Idiosyncrasie <strong>et</strong> Architecture, page 17.<br />

ARANTES Laëtitia 28


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

origines au-delà <strong>des</strong> frontières françaises, avec la prévention situationnelle qui influencera par la<br />

suite certaines actions de la politique de la ville.<br />

2.2. De la prévention situationnelle anglo-saxonne…<br />

Avant même que ces théories, autour <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>, de leurs statuts <strong>et</strong> de leur clarification, soient<br />

développés en France, <strong>des</strong> réflexions étaient menées dans les pays anglo-saxons, autour de la<br />

prévention situationnelle. Aujourd'hui, nombre de textes qui mentionnent la résidentialisation<br />

dans un cadre sécuritaire la présentent comme une application de ces orientations anglo-<br />

saxonnes en matière de sécurité.<br />

L’obj<strong>et</strong> de ce paragraphe est de définir c<strong>et</strong>te nouvelle notion <strong>et</strong> d’examiner en quoi elle a pu<br />

influencer le processus de construction de la résidentialisation.<br />

2.2.1. 2.2.1. La La prévention prévention prévention situationnelle situationnelle : : définition.<br />

définition.<br />

La prévention situationnelle, concept né dans les années 1970, est d’origine anglo-saxonne.<br />

« Fondée sur l’hypothèse qu’il existe un déterminisme <strong>des</strong> formes architecturales <strong>et</strong> <strong>urbaine</strong>s sur<br />

les comportements » 59, la prévention situationnelle se propose « d’adapter l’espace de manière à<br />

limiter les opportunités de passage à l’acte d’éventuels délinquants » 60. Elle consiste à prévenir la<br />

délinquance en modifiant les circonstances environnementales dans lesquelles les délits peuvent<br />

être commis.<br />

Selon Paul Landauer, les trois principaux objectifs de la prévention situationnelle seraient de :<br />

o « Réduire les cibles potentielles (limiter les lieux pouvant être franchis par<br />

effraction <strong>et</strong> compliquer l’accès aux lieux susceptibles de faire l’obj<strong>et</strong> d’actes<br />

malveillants tels que cambriolages, agressions…) ;<br />

o Compliquer l’action criminelle (ça veut dire protéger les <strong>espaces</strong> non-vus <strong>des</strong><br />

habitants <strong>et</strong> limiter les échappées possibles vers l’espace public) ;<br />

o Et favoriser un contrôle partagé <strong>des</strong> lieux (développer au maximum la visibilité sur<br />

les <strong>espaces</strong> extérieurs depuis les logements). » 61<br />

Il s’agit donc d’améliorer le cadre de vie <strong>des</strong> habitants, de réduire l’insécurité <strong>et</strong> le sentiment<br />

d’insécurité, en attribuant aux <strong>espaces</strong> publics un rôle préventif <strong>et</strong> sécurisant, par leur<br />

aménagement, <strong>et</strong> l’instauration d’une surveillance, d’une sorte de « contrôle » ; tout autant de<br />

caractéristiques que l’on r<strong>et</strong>rouve dans les quartiers « résidentialisés ».<br />

59 DELHOME D., LANDAUER P., Espace <strong>et</strong> sécurité dans les quartiers d’habitat social, I.H.E.S.I., coll. Etu<strong>des</strong> <strong>et</strong><br />

Recherches, Paris, février 2000, page 50.<br />

60 GUIGOU B., LELEVRIER C., op. cit., page 44.<br />

61 LANDAUER P., « Urbanisme <strong>et</strong> sécurité », in Rapport Peyrat. Habiter, Cohabiter, La sécurité dans le logement social,<br />

Paris : Secrétariat d’Etat au logement, 2002, page 109.<br />

ARANTES Laëtitia 29


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Arrivée en France dans les années 1980, l’émergence de la sécurité comme enjeu urbain a<br />

d’abord suscité de nombreuses réticences de la part <strong>des</strong> architectes <strong>et</strong> urbanistes, les critiques<br />

allant de la crainte de la privatisation de l’espace public (apparition de « gated communities » 62 à<br />

la française) à celle de l’exclusion de certaines populations indésirables. Pour comprendre les<br />

modalités d’émergence sur la scène française de c<strong>et</strong>te notion, d’origine anglo-saxonne, il est<br />

indispensable de considérer les origines de ce courant dit de "prévention situationnelle".<br />

2.2.2. 2.2.2. Origines Origines <strong>et</strong> <strong>et</strong> histoire histoire de de la la prévention prévention situationnelle.<br />

situationnelle.<br />

La prévention situationnelle telle que décrite précédemment, c'est-à-dire comme « approche de la<br />

prévention du crime par une manipulation environnementale » 63, fait son apparition dans les<br />

pays anglo-saxons, sous c<strong>et</strong>te dénomination, dès le début <strong>des</strong> années 1970, à travers une série<br />

d’étu<strong>des</strong> sur la sécurité <strong>et</strong> l’espace. Mais ses origines sont plus anciennes : sans même que la<br />

prévention situationnelle soit présentée sous ce nom, ses orientations étaient déjà exposées<br />

dans un ouvrage de 1961 : The Death and Life of Great American Cities 64.<br />

Ainsi, trois auteurs <strong>et</strong> ouvrages marquent l’histoire de la prévention situationnelle, de part les<br />

réflexions menées <strong>et</strong> les préconisations instituées.<br />

Jane Jane Jacobs Jacobs ou ou « « les yeux braqués sur sur la rue ».<br />

».<br />

C’est dans l’ouvrage The Death and Life of Great American Cities de l’Américaine Jane Jacobs,<br />

paru en 1961, que la prévention situationnelle trouve ses origines. A l’époque, l’Ecole de Chicago<br />

a déjà travaillé sur les conditions dans lesquelles est commis un délit, <strong>et</strong> notamment sur l’auteur<br />

du crime <strong>et</strong> sa victime. Mais pour le moment, les circonstances du délit n’ont jamais fait l’obj<strong>et</strong><br />

d’étu<strong>des</strong> approfondies. C’est donc c<strong>et</strong> aspect du délit que tient à explorer Jane Jacobs.<br />

De sa réflexion ressort d’abord l’idée selon laquelle tout délit se réalise dans un contexte<br />

particulier, un contexte qui lui est propre. C’est ainsi qu’un hall d’entrée sombre <strong>et</strong> avec <strong>des</strong><br />

recoins peut rapidement devenir le lieu d’une embuscade. Par ailleurs, en comparant la ville<br />

traditionnelle <strong>et</strong> les quartiers « modernes », Jane Jacobs se rend compte que plus les quartiers<br />

sont fonctionnels <strong>et</strong> sûrs, plus ils sont pratiqués <strong>et</strong> appropriés.<br />

Ainsi, à partir de ces premiers constats, Jane Jacobs propose une série de recommandations pour<br />

(re)créer un sentiment de sécurité chez les habitants : le contrôle par les résidents, illustré par<br />

l’allégorie <strong>des</strong> « yeux braqués sur la rue ». Ses recommandations sont diverses <strong>et</strong> variées : de la<br />

62 Terme américain signifiant « communautés fermées ». Très présents aux Etats-Unis, il s’agit de quartiers résidentiels<br />

dont l’accès est contrôlé, <strong>et</strong> dans lesquels l’espace public (rues, trottoirs, parcs, terrains de jeux, …) est privatisé.<br />

63 DE MONICAULT K., L’aménagement urbain <strong>et</strong> la prévention du crime : l’exemple anglo-saxon. Un bilan <strong>des</strong> œuvres<br />

influentes <strong>et</strong> <strong>des</strong> expériences réussies, IHESI, février 1999, page 3.<br />

64 Traduit en français par Claire Parin sous le titre Déclin <strong>et</strong> Survie <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> villes américaines.<br />

ARANTES Laëtitia 30


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

démarcation claire <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> à l’orientation <strong>des</strong> bâtiments sur rue, l’élément primordial reste<br />

la présence continue d’usagers dans le temps <strong>et</strong> l’espace, <strong>et</strong> ce, afin d’assurer une surveillance<br />

continue <strong>des</strong> lieux.<br />

Dix ans plus tard, ces théories sont reprises <strong>et</strong> approfondies.<br />

Oscar Oscar Newman Newman <strong>et</strong> <strong>et</strong> l’espace l’espace l’espace défendable.<br />

défendable.<br />

défendable.<br />

En 1972, Oscar Newman, architecte américain, influencé par sa lecture de l’ouvrage de Jane<br />

Jacobs <strong>et</strong> par les opérations auxquelles il a participé (dont le grand ensemble de Pruitt-Igoe à<br />

Saint Louis), publie Defensible Space : Crime Prevention Through Urban Design, dans lequel il<br />

soutient sa théorie selon laquelle la source <strong>des</strong> crimes <strong>et</strong> délits dans les quartiers de logement<br />

social est inhérente aux pathologies <strong>des</strong> grands ensembles.<br />

Selon lui, la taille gigantesque <strong>des</strong> grands ensembles <strong>et</strong> l’uniformité de leur architecture rendent<br />

difficiles voire impossibles non seulement l’<strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> communs, c'est-à-dire <strong>des</strong><br />

« <strong>espaces</strong> entre les tours <strong>et</strong> les barres », mais aussi la création de relations soli<strong>des</strong> <strong>et</strong> paisibles<br />

entre les habitants. Dans les grands ensembles, la part trop importante d’<strong>espaces</strong> publics, certes<br />

libres, mais partagés par beaucoup de personnes, limite les <strong>appropriation</strong>s <strong>et</strong> favorise les<br />

dégradations. C’est dans ce contexte qu’Oscar Newman propose quatre nouvelles préconisations<br />

à travers son « espace défendable » :<br />

o « La ‘‘territorialité’’ – la division de l’environnement résidentiel en zones<br />

d’influence ou de ‘‘défense’’ pour décourager l’intrusion <strong>des</strong> inconnus <strong>et</strong><br />

encourager l’<strong>appropriation</strong> de l’espace par les résidants.<br />

o La ‘‘surveillance’’ – le placement <strong>des</strong> fenêtres, portes, <strong>et</strong> activités pour assurer<br />

<strong>des</strong> regards sur les <strong>espaces</strong> intérieurs <strong>et</strong> extérieurs publics.<br />

o Le ‘‘refus <strong>des</strong> caractères dépréciants’’ – l’adoption de bâtiments <strong>et</strong> d’<strong>espaces</strong><br />

verts rappelant le privé, pour amoindrir la perception de vulnérabilité ou<br />

d’isolement <strong>des</strong> résidants.<br />

o Les ‘‘emplacements sécuritaires <strong>des</strong> habitations’’ – le positionnement <strong>des</strong><br />

logements sociaux dans <strong>des</strong> quartiers qui fonctionnent bien <strong>et</strong> où il y a peu de<br />

criminalité. » 65<br />

Parmi ces quatre orientations, la « surveillance » recommandée par O. Newman concorde<br />

parfaitement avec les recommandations faites dix ans plus tôt par Jane Jacobs. Mais, c’est dans<br />

la première de ses préconisations, qui sera d’ailleurs la plus r<strong>et</strong>enue par les urbanistes, que l’on<br />

reconnaît certains <strong>des</strong> principes de la résidentialisation, qui sont la parcellarisation <strong>des</strong> grands<br />

ensembles <strong>et</strong> la création d’unités privées.<br />

L’approche de Newman est relativement novatrice : selon lui, une fois l’espace redéfini <strong>et</strong><br />

« approprié » par les résidants, « le criminel est ainsi isolé, car son lieu de transgression lui a été<br />

65 DE MONICAULT K., op.cit.., pages 5-6.<br />

ARANTES Laëtitia 31


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

enlevé » 66. C<strong>et</strong>te thèse relève davantage d’une compréhension psychologique, qui analyse<br />

l’interaction entre l’individu <strong>et</strong> son milieu, que <strong>des</strong> analyses sociologiques habituelles selon<br />

lesquelles les facteurs sociaux sont la principale cause de la délinquance <strong>et</strong> <strong>des</strong> délits commis.<br />

Dans les années 1980, les théories d’Oscar Newman sont progressivement adoptées dans<br />

d’autres pays anglo-saxons (Royaume-Uni, Pays-Bas, ou encore Suède).<br />

Alice Alice Coleman Coleman ou ou « « l’espace défendable bis ».<br />

».<br />

Notamment, en 1985, Alice Coleman, géographe anglaise, publie Utopia on Trial : Vision and<br />

Reality in Planned Housing, étude faite sur plus de 4 000 bâtiments de logements sociaux, à la<br />

demande du département de l’environnement britannique.<br />

De c<strong>et</strong>te étude, Alice Coleman établit quinze éléments d’aménagement criminogènes, dont elle<br />

puise ses recommandations : clôture, limites claires, unités d’habitation réduites, positionnement<br />

stratégique <strong>des</strong> entrées <strong>et</strong> <strong>des</strong> sorties de secours… Tout doit être réfléchi <strong>et</strong> organisé de telle<br />

sorte que les « récompenses » <strong>et</strong> les « excuses » soient réduites, <strong>et</strong> que les risques <strong>et</strong> les efforts<br />

pour les délinquants soient accrus.<br />

C’est dans ce dernier ouvrage que l’on r<strong>et</strong>rouve le socle de la résidentialisation telle qu’elle est<br />

appliquée en France depuis plus de dix ans. On r<strong>et</strong>rouve en eff<strong>et</strong> dans ces principes l’idée de<br />

p<strong>et</strong>ites unités résidentielles limités par <strong>des</strong> clôtures, de contrôle <strong>des</strong> accès <strong>et</strong> d’<strong>espaces</strong> réservés<br />

aux résidents de part <strong>et</strong> d’autre de l’immeuble.<br />

Ainsi, inspiré <strong>des</strong> travaux de ces trois auteurs autour de l’idée de la prévention situationnelle, le<br />

concept de privatisation <strong>des</strong> sphères communes de l’habitat social collectif constitue le principe<br />

de base de la résidentialisation telle qu’elle est réalisée en France depuis une dizaine d’années<br />

dans certains quartiers d’habitat social. D’ailleurs, Paul Landauer, dans son article « Urbanisme<br />

<strong>et</strong> Sécurité », établit clairement l’analogie entre prévention situationnelle <strong>et</strong> résidentialisation :<br />

« Prévention situationnelle <strong>et</strong> résidentialisation se ressemblent dans la mesure où elles<br />

proposent l’une <strong>et</strong> l’autre une solidarisation <strong>des</strong> habitants au sein d’entités restreintes.<br />

L’une <strong>et</strong> l’autre privilégient l’<strong>appropriation</strong> interne <strong>des</strong> habitants à l’accessibilité<br />

externe <strong>des</strong> instances sociales de prévention <strong>et</strong> <strong>des</strong> forces de l’ordre ».<br />

Paul Landauer 67 .<br />

Dans les pays anglo-saxons, d’autres étu<strong>des</strong> <strong>et</strong> réflexions seront menées simultanément <strong>et</strong> a<br />

posteriori de ces trois éléments majeurs de la prévention situationnelle.<br />

Aux Etats-Unis, les travaux d’Oscar Newman inspireront le CPTED (Crime Prevention Through<br />

Environmental Design) <strong>et</strong> les premières expérimentations américaines de prévention de la<br />

66 NEWMAN O., 1996, cité par DE MONICAULT K., ibid., page 6.<br />

67 LANDAUER P., « Urbanisme <strong>et</strong> sécurité », in Rapport D. Peyrat, op.cit., pages 110.<br />

ARANTES Laëtitia 32


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

délinquance par l’aménagement de l’espace. Au Royaume-Uni, les préconisations d’Alice<br />

Coleman serviront de base au développement de la « criminologie environnementale » <strong>et</strong> du<br />

programme DICE (Design Improvement Controlled Experiment).<br />

2.3. … à la politique de la ville française : la montée en puissance <strong>des</strong> questions de<br />

sécurité dans l’espace résidentiel.<br />

Cependant, bien que les phénomènes d’insécurité soient vite considérés <strong>et</strong> pris en compte dans<br />

les pays anglo-saxons à travers la prévention situationnelle, il faudra au contraire beaucoup de<br />

temps aux professionnels français de l’aménagement urbain pour accepter c<strong>et</strong>te conception de<br />

la sécurité par l’aménagement de l’espace, par « crainte d’une instrumentalisation de l’urbain au<br />

service du sécuritaire » 68.<br />

2.3.1. 2.3.1. La La sécurité sécurité : un « « phénomène phénomène trop trop longtemps longtemps sous sous-estimé<br />

sous estimé estimé ».<br />

».<br />

En France, les professionnels se rendent rapidement compte <strong>des</strong> problèmes <strong>des</strong> grands<br />

ensembles : dès leur conception, les « cités du bonheur » font déjà l’obj<strong>et</strong> de nombreuses<br />

discussions 69. En particulier, à Sarcelles, plusieurs éléments dramatiques vont alimenter la<br />

légende noire à la fin <strong>des</strong> années 50 : l’effondrement d’une cage d’escalier, l’explosion d’une<br />

chaufferie, le suicide d’un habitant qui se j<strong>et</strong>te par la fenêtre. A partir de là, les journalistes<br />

s’emparent de ce thème en évoquant les défauts de construction, les malfaçons : entre 1961 <strong>et</strong><br />

1962, la Sarcellite naît, <strong>et</strong> les médias se déchaînent de plus en plus, attribuant c<strong>et</strong>te nouvelle<br />

maladie, tantôt aux femmes 70, tantôt aux jeunes :<br />

« Une <strong>des</strong> causes du malaise existant ici est dans la nature hétérogène,<br />

internationale, d’une population qui n’a pas encore eu le temps de s’adapter ».<br />

(L’Aurore du 9 février 1965).<br />

« Tapage, promiscuité, ségrégation sociale, sont les vi<strong>des</strong> <strong>et</strong> les dangers présents de<br />

ces grands ensembles ».<br />

« Vous pouvez imaginer ce qui se passe dans les caves lorsque les enfants <strong>et</strong> les<br />

adolescents, garçons <strong>et</strong> filles, s’y rassemblent. Les gangs d’enfants règnent par la<br />

terreur sur ceux qui répugnent à s’y embrigader, avec ou sans blousons noirs. »<br />

(Le Figaro littéraire du 28 novembre 1959).<br />

« Psychiatres <strong>et</strong> sociologues dénoncent la folie <strong>des</strong> grands ensembles »<br />

(Sciences <strong>et</strong> Vie, septembre 1959) 71 .<br />

68 VALLET B., « Aux origines de la résidentialisation : le lien avec la prévention situationnelle », in CERTU, VILLE DE<br />

GRENOBLE, op.cit., page 19.<br />

69 Cf. première partie sur les grands ensembles.<br />

70 Cf. BERNARD Marc dans Sarcellopolis.<br />

71 BELMESSOUS F., « L’image du grand ensemble : de la représentation d’une forme urbain à celle d’un territoire »,<br />

Colloque de Cerisy, La Ville mal aimée, 5-10 juin 2007.<br />

ARANTES Laëtitia 33


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Pourtant, les réactions <strong>et</strong> actions pour remédier à ce phénomène émergent se font longtemps<br />

rares : média, sociologues, architectes, urbanistes, paysagistes… tout le monde en parle mais<br />

aucune solution n’est recherchée.<br />

2.3.2. 2.3.2. De De la la politique politique de de la la ville….<br />

ville….<br />

Le temps passe, les « incidents » recommencent : l’été 1981 devient « l’été chaud <strong>des</strong><br />

Mingu<strong>et</strong>tes » <strong>et</strong> marque le début <strong>des</strong> violences <strong>urbaine</strong>s en France. De violents incidents éclatent<br />

dans le quartier <strong>des</strong> Mingu<strong>et</strong>tes, à Vénissieux (dans la banlieue est de Lyon). Rodéos <strong>et</strong> incendies<br />

de voitures ; le mal-vivre <strong>des</strong> grands ensembles éclate au grand jour : il ne s'agit pas seulement<br />

de vieillissement <strong>des</strong> grands ensembles, mais de problèmes économiques, sociaux beaucoup<br />

plus complexes qui se concentrent sur un espace limité : le grand ensemble.<br />

C’est à ce moment que la politique de la ville entre en action : <strong>des</strong> premières étu<strong>des</strong> qui la<br />

fonderont aux contrats de ville de 1994, en passant par les Z.E.P. 72 ou les D.S.Q. 73, la politique de<br />

la ville s’engage à sortir les quartiers en crise de la marginalisation <strong>et</strong> de la stigmatisation, en<br />

associant les différentes échelles d’acteurs (du niveau national au niveau local, élus, techniciens,<br />

mais aussi les habitants).<br />

Toutefois, même si présentes depuis les premières opérations de développement social <strong>des</strong><br />

quartiers, les questions de sécurité sont, pour la majorité, cantonnées à <strong>des</strong> actions socio-<br />

éducatives de prévention de l’insécurité dans les quartiers dits « sensibles ». Le travail reste en<br />

surface, limité aux seules questions d’image <strong>et</strong> de perception. L’essentiel de l’investissement<br />

public <strong>et</strong> <strong>des</strong> efforts <strong>des</strong> bailleurs reste longtemps porté sur la réhabilitation <strong>des</strong> immeubles<br />

souffrant d’une image négative. Finalement, le bilan reste le même <strong>et</strong> les problèmes de fond,<br />

sans solution.<br />

2.3.3. 2.3.3. … … à à l‘émergence l‘émergence l‘émergence d’un d’un urbanisme urbanisme préven préventif préven tif : : sécurité sécurité <strong>et</strong> <strong>et</strong> aménagement, aménagement, ou<br />

ou<br />

l’adoption l’adoption de de la la la résidentialisation résidentialisation résidentialisation en en France.<br />

France.<br />

Néanmoins, ces dix dernières années, la politique de la ville a redoublé d’effort. L’objectif n’est<br />

plus simplement de changer l’image de ces quartiers, mais il s’agit désormais de m<strong>et</strong>tre en place<br />

<strong>des</strong> proj<strong>et</strong>s urbains repensant la conception <strong>et</strong> les fonctions de l’ensemble du quartier tout en<br />

cherchant à le désenclaver.<br />

L’intégration L’intégration L’intégration <strong>des</strong> <strong>des</strong> questions questions de de sécurité sécurité dans dans dans les les réflexions réflexions <strong>et</strong> <strong>et</strong> les les expériences expériences françaises françaises. françaises<br />

Depuis la fin <strong>des</strong> années 1980, les approches environnementales de prévention de la<br />

délinquance par l’aménagement du milieu urbain font l’obj<strong>et</strong> d’une montée en puissance<br />

72 Zone d’Education Prioritaire.<br />

73 Développement Social <strong>des</strong> Quartiers.<br />

ARANTES Laëtitia 34


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

remarquable en France. Nombre de rapports <strong>et</strong> étu<strong>des</strong> sont réalisés sur la question de la sécurité<br />

dans les grands ensembles français. On y r<strong>et</strong>rouve <strong>des</strong> traces de l’influence <strong>des</strong> différentes<br />

expériences anglo-saxonnes de prévention situationnelle, tant dans les pratiques mises en œuvre<br />

que dans les termes utilisés pour justifier c<strong>et</strong>te intégration de l’aménagement dans les questions<br />

de sécurité. Mais l’analyse la plus relatée reste « l’espace défendable », développée par<br />

l’Américain Oscar Newman.<br />

Notamment, en 1988, Michel Bon<strong>et</strong>ti <strong>et</strong> Isabelle Marghieri publient un ouvrage intitulé Influence<br />

<strong>des</strong> processus psychologiques <strong>et</strong> sociaux sur la dégradation du bâti, dans lequel ils se réfèrent<br />

ponctuellement à <strong>des</strong> notions <strong>et</strong> hypothèses d’Oscar Newman, soit pour les utiliser, soit pour en<br />

montrer les limites. Mais aussi, pendant les années 1990, nombreux architectes <strong>et</strong> urbanistes,<br />

comme Paul Landauer ou Bruno Vayssière s’intéressent aux questions de sécurité <strong>et</strong> publient <strong>des</strong><br />

rapports de recherche ou participent à <strong>des</strong> groupes de réflexion, dans lesquels la référence à la<br />

prévention situationnelle <strong>et</strong> surtout à « l’espace défendable » est manifeste : les articles, de plus<br />

en plus nombreux sur le suj<strong>et</strong>, reprennent l’idée d’un urbanisme criminogène.<br />

Depuis 2000, ces références à la prévention situationnelle anglo-saxonne se multiplient. Parmi<br />

les plus notoires, en 2001, paraît le Rapport Peyrat, qui reprend les logiques sécuritaires<br />

développées par les théoriciens anglo-saxons, <strong>et</strong> notamment celle de « l’espace défendable »<br />

d’Oscar Newman. Selon le rapport, il faut :<br />

« Rendre les lieux plus inconfortables aux délinquants… <strong>et</strong> produire aujourd'hui non<br />

seulement <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> esthétiques mais aussi <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> gérables <strong>et</strong> défendables<br />

(l’ingérable finit d’ailleurs par casser l’esthétique). Il faut éviter les bâtiments<br />

anxiogènes, les eff<strong>et</strong>s de sanctuarisation, les densités excessives <strong>et</strong> les obscurités<br />

lugubres » 74 .<br />

La même année, sort un numéro <strong>des</strong> Cahiers de la Sécurité Intérieure intitulé Urbanisme <strong>et</strong><br />

Sécurité. Parmi les auteurs, P. Landauer <strong>et</strong> D. Delhome y publient un article sur la sécurisation<br />

<strong>des</strong> grands ensembles 75, dans lequel ils utilisent la notion de résidentialisation <strong>et</strong> appuient leur<br />

discours sur une opération phare de l’époque : la Brise dans les quartiers Nord d’Aulnay.<br />

Ainsi basé sur les références anglo-saxonnes, l’aménagement <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> devient peu à peu un<br />

enjeu important de la requalification <strong>des</strong> quartiers en France.<br />

Lien Lien Lien entre entre sécurité sécurité <strong>et</strong> <strong>et</strong> urbanisme urbanisme urbanisme : les les premières lois en France France. France<br />

Simultanément, la politique de la ville passe progressivement d’une politique <strong>des</strong> quartiers à une<br />

politique de la ville : elle repense les quartiers <strong>et</strong> leur réinsertion, non pas sur leurs seuls<br />

territoires, mais sur le territoire de la ville, <strong>et</strong> de l’agglomération. C’est le temps <strong>des</strong> contrats de<br />

74 PEYRAT D., Habiter, cohabiter, la sécurité dans le logement social, rapport à M.N. Lienemann, secrétaire d’Etat au<br />

logement, 2002, page 87.<br />

75 DELHOME D., LANDAUER P., op.cit.<br />

ARANTES Laëtitia 35


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ville, orientés autour de deux types d’interventions : les Grands Proj<strong>et</strong>s de Ville (G.P.V.) <strong>et</strong> les<br />

Opérations de Renouvellement Urbain (O.R.U.). Au début <strong>des</strong> années 1990, la préparation de la<br />

Loi d’Orientation pour la Ville (1991) donne lieu à <strong>des</strong> réflexions sur la « banalisation » <strong>des</strong> grands<br />

ensembles. Notamment, dans son rapport 76, Olivier Piron pointe les dysfonctionnements <strong>des</strong><br />

grands ensembles, troubles liés au flou <strong>des</strong> statuts <strong>des</strong> sols. Il propose donc <strong>des</strong> solutions pour<br />

faire évoluer les grands ensembles, pour « en faire <strong>des</strong> quartiers comme les autres ». Parmi ces<br />

solutions, les dispositions de la résidentialisation (qui, bien sûr, n’apparaît pas encore sous ce<br />

nom) : « un découpage parcellaire recréé, un réseau viaire au statut clarifié, un document<br />

d’urbanisme à jour ».<br />

Mais c’est en 1995 qu’est formellement prise en compte la question de la sécurité dans les<br />

politiques <strong>urbaine</strong>s, par le biais notamment de la loi d’orientation <strong>et</strong> de programmation sur la<br />

sécurité intérieure (LOPSI). C<strong>et</strong>te loi, dite « Loi Pasqua », modifie le code de l’urbanisme <strong>et</strong> prévoit<br />

que :<br />

« Les étu<strong>des</strong> préalables à la réalisation <strong>des</strong> proj<strong>et</strong>s d’aménagement, <strong>des</strong> équipements<br />

collectifs <strong>et</strong> <strong>des</strong> programmes de construction, entrepris par une collectivité publique ou<br />

nécessitant une autorisation administrative <strong>et</strong> qui, par leur importance, leur<br />

localisation ou leurs caractéristiques propres peuvent avoir <strong>des</strong> incidences sur la<br />

protection <strong>des</strong> personnes <strong>et</strong> <strong>des</strong> biens contre les menaces <strong>et</strong> les agressions, doivent<br />

comporter une étude de sécurité publique perm<strong>et</strong>tant d’apprécier les conséquences.<br />

Sans préjudice de circonstances particulières, l’importance du proj<strong>et</strong> est appréciée<br />

notamment par référence à la catégorie de locaux dont la construction est envisagée,<br />

à la densité <strong>des</strong> constructions avoisinantes, aux caractéristiques de la délinquance <strong>et</strong><br />

aux besoins en équipements publics qu’il génère » 77 .<br />

Ici, les caractéristiques à prendre en compte dans les étu<strong>des</strong> de sécurité publique sont<br />

explicites : types de construction <strong>et</strong> surtout environnement proche. Tout porte à penser que les<br />

programmes « à risques » sont les quartiers d’habitat social. A l’époque, c<strong>et</strong> article a déconcerté<br />

plus d’une personne en France : c’est la première fois qu’un article de loi aborde la question de la<br />

sécurité par l’aménagement urbain <strong>et</strong> surtout qu’il exprime clairement l’idée de l’existence d’un<br />

urbanisme criminogène. Puis peu à peu, malgré les débats, c<strong>et</strong>te idée d’un déterminisme spatial<br />

a intégré tous les programmes de réhabilitation : confrontés à <strong>des</strong> problèmes d’incivilité de plus<br />

en plus difficiles à réprimer, les bailleurs ont cherché la solution dans de nouveaux outils<br />

<strong>des</strong>tinés à favoriser le sentiment de sécurité <strong>et</strong> l’<strong>appropriation</strong> positive <strong>des</strong> lieux par les<br />

habitants.<br />

C’est donc dans ce nouveau contexte que la résidentialisation est apparue en France.<br />

Expérimentée dès le début <strong>des</strong> années 1990 par certains aménageurs comme stratégie de<br />

76 PIRON O., Les grands ensembles : bientôt <strong>des</strong> quartiers… comme les autres, rapport pour le Ministre délégué au<br />

Logement, Paris, DHC, Mars 1990, 50 pages.<br />

77 LOI no 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation <strong>et</strong> de programmation relative à la sécurité, Article L111-3-1.<br />

ARANTES Laëtitia 36


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

changement, la résidentialisation est évoquée sous c<strong>et</strong>te dénomination en 1999, puis<br />

officiellement « adoptée » par la Loi d’Orientation <strong>et</strong> de Programmation pour la Ville <strong>et</strong> la<br />

Rénovation Urbaine en 2003. Option soutenue par le Ministère de l’Intérieur, en lien avec le<br />

Ministère du Logement, la résidentialisation offre une alternative à la « transformation-<br />

éradication » <strong>des</strong> grands ensembles par la démolition-reconstruction. Associée à la gestion<br />

<strong>urbaine</strong> de proximité, elle propose la « banalisation » de ces quartiers, c'est-à-dire un r<strong>et</strong>our au<br />

droit commun, aux qualités de la ville traditionnelle. De c<strong>et</strong>te manière, la résidentialisation<br />

concrétise <strong>et</strong> donne une forme opérationnelle aux objectifs les plus anciens de la politique de la<br />

ville.<br />

Ainsi, la résidentialisation est née d’une longue réflexion « urbano-sécuritaire ».<br />

Fin de l’utopie sociale. Il faut accepter le fait que les grands ensembles soient relégués du rang<br />

de « cités du bonheur » à celui de « cités » tout court, où règnent conflits d’usages, conflits<br />

d’<strong>appropriation</strong>, <strong>et</strong> finalement insécurité. Certes, les premières interventions de la politique de la<br />

ville ont cru « réparer » ces quartiers <strong>et</strong> leur redonner une nouvelle image, une nouvelle vie ; mais,<br />

juste le temps d’une accalmie, <strong>et</strong> les incidents reprennent de plus belle. Le problème <strong>des</strong> grands<br />

ensembles : l’insécurité, <strong>et</strong> tous ces vi<strong>des</strong> qui faisaient jadis leur notoriété, héritage de<br />

l’Urbanisme Moderne. La solution : c’est dans les pays anglo-saxons <strong>et</strong> dans la « mémoire » <strong>des</strong><br />

grands ensembles que les professionnels de l’aménagement urbain vont la trouver. La<br />

Résidentialisation.<br />

3. Et Et la la « résidentialisation » fut.<br />

« Considérée comme un mode d’intervention perm<strong>et</strong>tant de faire évoluer les grands<br />

ensembles, alternative à la démolition, préalable à la gestion, support de la<br />

participation <strong>des</strong> habitants, la résidentialisation répond aux grands objectifs de la<br />

politique de la ville que sont également la mixité <strong>et</strong> l’amélioration de la vie<br />

quotidienne. »<br />

Christine Lelévrier 78 .<br />

Voici une définition de la résidentialisation proposée par Christine Lelévrier, dans son ouvrage,<br />

réponse à l’appel d’offres lancée en 2001 par le Ministère de la Culture <strong>et</strong> de la Communication<br />

sur le thème « Entre privé <strong>et</strong> public : les rapports de cohabitation <strong>et</strong> les usages <strong>des</strong> <strong>espaces</strong><br />

communs dans les ensembles résidentiels ».<br />

En 2002, Paul Landauer, en annexe du Rapport Peyrat, propose quant à lui une définition plus<br />

courte, <strong>et</strong> également plus restreinte, de la résidentialisation :<br />

78 GUIGOU B., LELEVRIER C., op.cit., page 28.<br />

ARANTES Laëtitia 37


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« ‘‘Résidentialiser’’, au lieu de réhabiliter ou de requalifier, signifie que l’on cherche à<br />

introduire les valeurs <strong>et</strong> les co<strong>des</strong> de la ‘‘résidence’’ dans l’habitat social. »<br />

Paul Landauer.<br />

Ainsi, au fil <strong>des</strong> années <strong>et</strong> <strong>des</strong> discours réalisés sur la résidentialisation, ont été établies <strong>des</strong><br />

définitions de c<strong>et</strong>te notion émergente. Tantôt sémantique, tantôt plus conceptuelle, les<br />

définitions sont variées, <strong>et</strong> assez souvent elles se prêtent au contexte dans lequel elles ont été<br />

réalisées : qu’il s’agisse d’un article sur la prévention situationnelle <strong>et</strong> les influences sécuritaires<br />

anglo-saxonnes, ou d’un ouvrage relatant les évolutions de la politique de la ville, chacun<br />

proposera une définition somme toute unique de la résidentialisation, définition adaptée au<br />

contexte <strong>et</strong> aux idées que l’auteur veut m<strong>et</strong>tre en exergue.<br />

La résidentialisation apparaît comme un mot-valise : apparu pour la première fois dans les<br />

années 1990, <strong>et</strong> uniquement utilisé à l’époque par les professionnels de l’aménagement urbain,<br />

ce mot fut souvent réemployé par la suite par d’autres acteurs, comme si son sens coulait de<br />

source, alors qu’aucune définition fixe ne lui avait été attribuée. De c<strong>et</strong>te manière, la<br />

résidentialisation n’a pas de définition univoque, ou plutôt possède une multitude de définitions<br />

possibles, qui se sont succédées depuis son apparition, relativement récente.<br />

Ce sont ces définitions que nous essaierons d’aller chercher <strong>et</strong> d’analyser dans c<strong>et</strong>te partie,<br />

autant du côté étymologique, que du côté législatif.<br />

3.1. La résidentialisation : sémantique <strong>et</strong> étymologie.<br />

Si l’on regarde dans un dictionnaire de la langue française, on constate que le terme<br />

« résidentialisation » n’y apparaît pas. Néologisme <strong>des</strong> années 1990, c<strong>et</strong>te notion est devenue<br />

« courante » tant dans le langage <strong>des</strong> architectes qui l’on inventée que dans les discours <strong>des</strong> élus<br />

de plus en plus demandeurs de c<strong>et</strong>te pratique. Pourtant, le terme n’a pas encore sa place dans le<br />

dictionnaire. Aussi semble-t-il nécessaire de s’attarder sur le mot en lui-même <strong>et</strong> plus<br />

particulièrement sur son étymologie, qui, de toute évidence, se rapporte à la notion de<br />

« résidence ».<br />

Le mot « résidence », aujourd’hui connoté de représentations multiples <strong>et</strong> variées (résidence<br />

principale, résidence secondaire, résidence cossue, <strong>et</strong>c.), fait son apparition au XVIII ème siècle.<br />

A c<strong>et</strong>te époque, le terme, qui désigne simplement « l’endroit où l’on reste, où l’on réside », a<br />

plutôt une connotation négative d’assignation à résidence : le terme était employé notamment<br />

pour qualifier le lieu d’habitation <strong>des</strong> émissaires, forcés de résider à l’étranger. Ce n’est qu’au<br />

milieu du XIX ème siècle que le mot « résidence » prend un sens positif, renvoyant alors au « luxe »,<br />

au « confort », à l’habitat <strong>des</strong> « beaux quartiers », tout simplement aux résidences <strong>des</strong> classes<br />

bourgeoises. C’est ainsi que dès 1840, le terme « résidence » correspond, dans le langage<br />

ARANTES Laëtitia 38


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

courant, à un « groupe d’habitations assez luxueux avec éventuellement <strong>des</strong> services de type<br />

hôtelier » 79.<br />

Depuis, la notion de « résidence » est d’ailleurs toujours associée au monde de la promotion<br />

privée, en opposition avec le logement social, comme l’exprime clairement c<strong>et</strong>te citation de<br />

l’ouvrage <strong>des</strong> Trésors de la Langue Française en 1970 :<br />

« On oppose usuellement les ‘‘résidences’’ qui sont <strong>des</strong> groupes d’immeubles de grand<br />

luxe dont on soigne l’environnement décoratif aux ensembles d’Habitations à Loyers<br />

Modérés, (habitations de classes moyennes <strong>et</strong> de travailleurs) ». 80<br />

Si l’on se base sur ces premières définitions <strong>et</strong> précisions autour du terme « résidence »,<br />

parallèlement au logement social, on peut en déduire que la résidentialisation correspondrait au<br />

processus qui perm<strong>et</strong> de passer d’une forme <strong>urbaine</strong>, celle du grand ensemble, à une autre, la<br />

résidence. C<strong>et</strong>te dernière hypothèse est d’ailleurs confortée par Jade Tab<strong>et</strong> selon qui la<br />

résidentialisation consiste à « passer de l’image de la ‘‘cité’’ à celle <strong>des</strong> ‘‘résidences’’» 81. Donc,<br />

au-delà d’être une solution technique proposée par les architectes <strong>et</strong> urbanistes devant <strong>des</strong><br />

problèmes croissants de sécurité <strong>et</strong> d’espace, la résidentialisation paraît apporter une réponse à<br />

une problématique sociale plus latente. C’est ainsi que la résidentialisation est parfois présentée<br />

comme « une procédure qui vise à lutter contre les phénomènes de dévalorisation sociale » 82.<br />

Ces connotations sociales se r<strong>et</strong>rouvent d’ailleurs à travers un terme fréquemment utilisé par les<br />

bailleurs, celui de « qualité résidentielle ». Référents sociaux <strong>et</strong> urbains se mêlent alors : la<br />

résidentialisation, par ses aménagements (clôture <strong>et</strong> jardin), apporte de la qualité au cadre de<br />

vie, <strong>et</strong> constituent par là une « promesse de promotion sociale » 83.<br />

Ainsi, si l’on se réfère à ses origines étymologiques, la notion de résidentialisation se réfère à<br />

deux idées contradictoires : celle, valorisante, de la résidence bourgeoise, <strong>et</strong> celle, beaucoup plus<br />

négative, d’assignation à résidence. C’est pourquoi les différentes approches qui ont voulu la<br />

définir ont émis nuances <strong>et</strong> réticences dans la diffusion du terme en France. La résidentialisation<br />

devient le théâtre de multiples dualités : ouvrir ou fermer, accueillir ou m<strong>et</strong>tre à distance,<br />

79 REY A., sous la dir. de, Dictionnaire Historique de la Langue Française, Editions Le Robert, 1992. Cité par GUIGOU B.,<br />

LELEVRIER C., op. cit., page 68.<br />

80 Trésors de la Langue Française, dictionnaire du Français <strong>des</strong> 19 <strong>et</strong> 20 ème siècles, CNRS, Editions Gallimard, 1994,<br />

cité par GUIGOU B., LELEVRIER C., ibid.<br />

81 TABET J., « La résidentialisation du logement social à Paris. Paradoxes <strong>et</strong> r<strong>et</strong>ournement <strong>des</strong> discours <strong>et</strong> <strong>des</strong> pratiques<br />

dans les opérations de requalification <strong>des</strong> grands ensembles », in Les Annales de la Recherche Urbaine, n°83-84, « Au<br />

risque <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> publics », page 160.<br />

82 DUSSART B., LEVY-VROELANT C., FREY J.P. « Entre paradoxale transparence <strong>et</strong> impossible entre-soi : Les <strong>espaces</strong><br />

collectifs de la cité Beaumarchais (Montreuil) », in HAUMONT B., MOREL A., La Société <strong>des</strong> voisins : partager un habitat<br />

collectif, La Maison <strong>des</strong> Sciences <strong>et</strong> de l’Homme, coll. Ethnologie de la France, Paris, 2005, page 69.<br />

83 TABET J., op. cit., page 160.<br />

ARANTES Laëtitia 39


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

sécuriser ou embellir, <strong>et</strong>c. Certes, le besoin se fait sentir de réinsérer ces quartiers relégués, mais<br />

à quels risques ?<br />

Ces réserves ainsi que le côté social <strong>et</strong> humain de la résidentialisation ne manqueront pas d’être<br />

mentionnées dans les définitions <strong>et</strong> les préconisations <strong>des</strong> urbanistes, paysagistes <strong>et</strong> architectes,<br />

mais aussi <strong>des</strong> sociologues.<br />

3.2. La résidentialisation : quelle acception pour ses pères ?<br />

Notamment, bien que le terme soit apparu bien avant dans <strong>des</strong> articles ou rapports d’étu<strong>des</strong>, ce<br />

n’est qu’en 2003, qu’une première définition de la résidentialisation soit « officiellement » établie,<br />

qu’elle soit publiée dans un dictionnaire.<br />

3.2.1. 3.2.1. D’un D’un paradoxe... paradoxe...<br />

paradoxe...<br />

En eff<strong>et</strong>, dans le Dictionnaire de l’Habitat <strong>et</strong> du Logement, Nicolas Golovtchenko, maître de<br />

conférences en sociologie, donne la définition suivante de la résidentialisation :<br />

« Conçue comme la panacée contre les phénomènes de déqualification sociale, la<br />

résidentialisation s’inscrit à la suite du constat de relative inefficacité <strong>des</strong> opérations<br />

classiques de réhabilitation sur les conditions de vie réelles <strong>des</strong> habitants. L’objectif<br />

n’est ici plus simplement une réhabilitation de(s) faça<strong>des</strong>, mais la transformation<br />

radicale de la structure spatiale <strong>et</strong>, par un eff<strong>et</strong> mécanique d’entraînement souhaité,<br />

une véritable requalification sociale <strong>des</strong> grands ensembles d’habitat social. […] C<strong>et</strong>te<br />

perspective qui ambitionne de réduire <strong>des</strong> problèmes mal définis (les incivilités, la<br />

déqualification sociale) à <strong>des</strong> problèmes de forme <strong>urbaine</strong>, propose curieusement un<br />

programme d’intégration <strong>urbaine</strong> par la création d’entités spatiales repliées sur ellesmêmes.<br />

» 84<br />

Par là, Golovtchenko m<strong>et</strong> en évidence le principal paradoxe de la résidentialisation : la prétention<br />

d’ouvrir un quartier de grand ensemble – quartier souvent qualifié d’isolé, d’enclavé, de refermé<br />

sur lui-même – en créant <strong>des</strong> « entités spatiales repliées sur elles-mêmes », c'est-à-dire en<br />

amenant les bâtiments à se refermer sur eux-mêmes.<br />

D’ailleurs, dans leurs Repères pour la Résidentialisation, l’Union Sociale pour l’Habitat <strong>et</strong> le PUCA<br />

ajoutent que le proj<strong>et</strong> de résidentialisation « se préoccupe de la relation du quartier avec les<br />

quartiers environnants, du réaménagement du quartier lui-même (voies, <strong>espaces</strong> publics,<br />

équipements, …) <strong>et</strong> il va jusqu’au pied <strong>des</strong> bâtiments, pour lesquels il propose les principes d’un<br />

redécoupage parcellaire qui doit servir de support à la résidentialisation ». 85<br />

84 GOLOVTCHENKO N., « Résidentialisation », in SEGAUD M., BRUN J., DRIANT J.C., Dictionnaire de l’Habitat <strong>et</strong> du<br />

Logement, Editions Armand Colin, mars 2003, page 371.<br />

85 AMANOU E., BASTIDE C., DUNOYER de SEGONZAC P., DURAND D., LELEVRIER C., De la Cité à la « Résidence ».<br />

Repères pour la résidentialisation., L’Union Sociale pour l’Habitat, janvier 2004, page 19.<br />

ARANTES Laëtitia 40


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Or comment <strong>des</strong> ferm<strong>et</strong>ures ponctuelles, à l’échelle locale, pourraient-elles être la solution tant<br />

cherchée pour ouvrir les quartiers à la ville ? Comment <strong>des</strong> divisions parcellaires pourraient-elles<br />

recréer une unité de vie dans ces quartiers, qui brillaient à leur début par l’unité de leur parcelle ?<br />

3.2.2. 3.2.2. 3.2.2. ... ... à à l’invention l’invention d’une d’une nouvelle nouvelle notion.<br />

notion.<br />

C’est là que les architectes <strong>et</strong> urbanistes Français vont chercher la solution chez leurs<br />

homologues anglo-saxons. Plus précisément, ils s’intéressent à l’échelle intermédiaire<br />

développée par Oscar Newman, échelle qui introduit un nouveau type d’espace entre le public <strong>et</strong><br />

le privé : un espace à usage mixte, signifiant « qu’à partir d’ici, on pénètre dans <strong>des</strong> lieux qui ne<br />

sont pas anonymes » 86. Ces lieux instaurent de nouveaux rapports entre individus : entre<br />

l’indifférence de la rue <strong>et</strong> les conflits, ou pire, le mépris <strong>et</strong> l’anonymat <strong>des</strong> immeubles<br />

d’habitation, on entre désormais dans un lieu où, certes « l’on n’est pas tenu à l’amitié » mais du<br />

moins, « à la civilité » 87. C’est ici une manière d’introduire dans les grands ensembles <strong>et</strong> leurs<br />

vastes vi<strong>des</strong> une dimension humaine, à la fois par la taille <strong>des</strong> nouveaux <strong>espaces</strong> institués <strong>et</strong> par<br />

la possibilité de « développer <strong>des</strong> relations de voisinage moins anonymes <strong>et</strong> plus<br />

harmonieuses ». 88<br />

C’est d’ailleurs c<strong>et</strong>te dimension humaine qui distingue les opérations de résidentialisation <strong>des</strong><br />

autres opérations de renouvellement urbain, telle la démolition-reconstruction, <strong>et</strong> qui qualifie <strong>et</strong><br />

définit au mieux la résidentialisation. La résidentialisation, c’est rendre aux habitants un espace<br />

qui leur appartient, un espace dans lequel ils se sentent bien. La résidentialisation, c’est donner<br />

une « résidence » aux habitants, c'est-à-dire un lieu facilement identifiable à la fois « par ses<br />

habitants, par les agents de gestion qui en sont responsables, par l’ensemble <strong>des</strong> habitants du<br />

quartier <strong>et</strong> par les visiteurs » 89, un lieu à travers lequel les habitants puissent s’identifier de<br />

manière collective <strong>et</strong> non pas individuelle. La résidentialisation, c’est la tranquillité, la<br />

privatisation, mais aussi le partage négocié <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> communs. Tout simplement, la<br />

résidentialisation, c’est « humaniser l’espace » 90. La clôture <strong>et</strong> les jardins, l’amélioration du bâti <strong>et</strong><br />

l’aménagement <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> publics ne sont finalement que <strong>des</strong> moyens pour y parvenir.<br />

Mais c<strong>et</strong>te définition que nous venons de proposer reste somme toute difficile à comprendre, à<br />

assimiler, à cerner. C’est peut-être pourquoi les concepteurs ont tant de mal à l’appréhender <strong>et</strong> à<br />

86 VALLET B., op.cit., page 20.<br />

87 SOULIER, N., « L’urbanité primaire. La vie sociale inorganisée de la rue. », in Revue du MAUSS, n°34 , 1999, page<br />

100.<br />

88 AMANOU E., BASTIDE C., DUNOYER de SEGONZAC P., DURAND D., LELEVRIER C., op. cit., page 38.<br />

89 SECHET P., La résidentialisation dans les quartiers d’habitat social, Paris : CSTB, Laboratoire de sociologie <strong>urbaine</strong><br />

générative, janvier 2001.<br />

90 BONETTI M., « Améliorer la gestion de l’espace public pour réduire l’insécurité », in La gestion <strong>urbaine</strong> de proximité :<br />

quel rôle pour l’équipement ?, page 74.<br />

ARANTES Laëtitia 41


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

l’appliquer. En eff<strong>et</strong>, où se terminent l’espace public <strong>et</strong> l’espace privé de part <strong>et</strong> d’autre de ce<br />

nouvel espace intermédiaire ? Comment m<strong>et</strong>tre en place ces unités résidentielles sans<br />

engendrer un repli sur soi <strong>des</strong> résidents ? Comment tout simplement éviter ce que craignent le<br />

plus les aménageurs en ce qui concerne la résidentialisation, c'est-à-dire une séparation <strong>et</strong> un<br />

déclin encore plus grands <strong>et</strong> plus rapi<strong>des</strong> <strong>des</strong> grands ensembles ?<br />

C’est ce sur quoi travaillent les architectes <strong>et</strong> urbanistes depuis qu’ils ont inventé le concept au<br />

début <strong>des</strong> années 1990 : expliciter <strong>et</strong> expérimenter au mieux les moyens <strong>et</strong> principes, avant de<br />

généraliser l’expérience <strong>et</strong> de promulguer, sans preuve tangible, la résidentialisation comme<br />

solution au problème <strong>des</strong> grands ensembles. On peut peut-être voir ici les raisons pour lesquelles<br />

la notion a mis du temps à émerger <strong>et</strong> à s’affirmer en France, tant dans les propos <strong>et</strong> les<br />

pratiques que dans les lois.<br />

En eff<strong>et</strong>, même si aujourd'hui le terme est galvaudé, , ce n’est qu’en 2003 qu’il apparaît dans les<br />

textes de loi en France, <strong>et</strong> plus précisément dans la Loi n° 2003-710 du 1er août 2003<br />

d'orientation <strong>et</strong> de programmation pour la ville <strong>et</strong> la rénovation <strong>urbaine</strong>. Mais là encore, le terme<br />

est uniquement évoqué, comme complément <strong>des</strong> actions de réhabilitation <strong>et</strong> de démolition-<br />

reconstruction :<br />

« Il [le Programme National de Rénovation Urbaine] comprend <strong>des</strong> opérations<br />

d’aménagement urbain, la réhabilitation, la résidentialisation, la démolition <strong>et</strong> la<br />

production de logements, la création, la réhabilitation <strong>et</strong> la démolition d’équipements<br />

publics ou collectifs, la réorganisation d’<strong>espaces</strong> d’activité économique <strong>et</strong><br />

commerciale, ou tout autre investissement concourant à la rénovation <strong>urbaine</strong>. » 91<br />

Une fois de plus ici, le règlement du PNRU ne précise en rien ni la définition explicite de ce qu’est<br />

la résidentialisation, ni ses procédés de mise en application. Libre aux concepteurs <strong>et</strong><br />

aménageurs d’imaginer les moyens de mise en œuvre.<br />

Ainsi, encore aujourd'hui, <strong>et</strong> bien qu’elle fasse presque partie du langage usuel <strong>et</strong> <strong>des</strong> pratiques<br />

courantes en terme de rénovation <strong>urbaine</strong>, la résidentialisation peine encore à trouver une<br />

définition ferme <strong>et</strong> intelligible. Entre l’action sur les pierres <strong>et</strong> l’espace, <strong>et</strong> l’action sur les hommes<br />

<strong>et</strong> le besoin de lien social, la corrélation n’est pas évidente. Peut-être faut-il alors s’intéresser aux<br />

fondements qui font les certitu<strong>des</strong> <strong>des</strong> inventeurs de la résidentialisation : les principes<br />

préconisés <strong>et</strong> les eff<strong>et</strong>s escomptés.<br />

91 Loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation <strong>et</strong> de programmation pour la ville <strong>et</strong> la rénovation <strong>urbaine</strong>, 1 er Août<br />

2003, article 6.<br />

ARANTES Laëtitia 42


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

4. La La résidentialisation résidentialisation : : une ambition noble, mais <strong>des</strong> risques réels réels. réels<br />

« Cheminements piétonniers lisibles, halls sécurisés, jardins publics distincts de ceux<br />

appartenant à l’immeuble ou aux locataires, clarté <strong>des</strong> numéros d’immeubles… Tous<br />

ces aménagements répondent d’une manière ou d’une autre à la définition de la<br />

résidentialisation. […] La résidentialisation ne se résume pas à la mise en place d’une<br />

clôture ou d’un digicode, c’est plutôt une réflexion sur un quartier <strong>et</strong> son<br />

fonctionnement afin de créer <strong>des</strong> unités résidentielles plus restreintes <strong>et</strong> redonner aux<br />

habitants l’impression ‘‘d’être chez eux’’ ».<br />

Karine Portrait 92<br />

Finalement, à défaut d’apparaître dans le Dictionnaire de la Langue Française ou d’être définie<br />

avec précision dans la Loi Borloo, la résidentialisation a toujours été imaginée <strong>et</strong> invoquée à<br />

partir de principes <strong>et</strong> de références préconisés <strong>et</strong> expérimentés depuis de nombreuses années<br />

par les aménageurs qui l’ont conçue. Ainsi, au terme <strong>des</strong> précédentes parties, nous savons que<br />

la résidentialisation est un processus de transformation <strong>des</strong> grands ensembles qui apparaît dans<br />

les programmes de rénovation <strong>urbaine</strong>, <strong>et</strong> dont les intentions sont tant physiques que sociales.<br />

« Humaniser l’espace » disions-nous. Oui, mais par quels moyens ? Et surtout à quels points<br />

« urbaniser » ces grands ensembles qui, certes souffrent d’une histoire douloureuse <strong>et</strong> de<br />

pathologies difficiles à gérer, mais qui représentent finalement les figures <strong>et</strong> mémoires d’une<br />

époque révolue de modernité <strong>et</strong> d’innovation ?<br />

Dans c<strong>et</strong>te partie, nous nous intéresserons donc plus en détails aux ambitions aspirées par la<br />

résidentialisation <strong>et</strong> aux principes d’aménagement qu’elle suggère, principes dont certains ont<br />

longtemps effrayé <strong>et</strong>, de ce fait, freiné architectes <strong>et</strong> urbanistes Français.<br />

4.1 Les objectifs de la résidentialisation vus à travers les discours <strong>des</strong> professionnels.<br />

Du fait de ses origines multiples <strong>et</strong> de sa définition flottante, la résidentialisation n’est pas une<br />

notion facile à appréhender. Mais une chose est plus sûre : les ambitions auxquels prétend la<br />

résidentialisation. Comme le sous-entend Philippe Panerai, la résidentialisation vise une<br />

modification, certes esthétique <strong>des</strong> quartiers, mais pas seulement :<br />

« Embellir pour embellir ne change pas grand-chose. L’action sur l’espace consiste à<br />

résoudre à la fois un certain nombre de dysfonctionnements de gestion, d’entr<strong>et</strong>ien,<br />

de mise aux normes, <strong>et</strong> à faciliter la vie <strong>des</strong> habitants, sans oublier les problèmes<br />

d’emploi, de pauvr<strong>et</strong>é » 93 .<br />

92 PORTRAIT K., « Résidentialisation. Pour mieux vivre ensemble », in Habitat <strong>et</strong> Société, n°39, septembre 2005, page<br />

49.<br />

93 PANERAI P., « Travailler sur un périmètre plus large que le grand ensemble », propos recueillis par Nicole Rudloff <strong>et</strong><br />

Karine Portrait, in Habitat <strong>et</strong> Société, n°39, septembre 2005, page 50.<br />

ARANTES Laëtitia 43


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Le problème que prétend résoudre la résidentialisation ne consiste donc pas en un seul<br />

problème d’image ou d’esthétique. Le mal est beaucoup plus profond : immenses vi<strong>des</strong> urbains<br />

déqualifiées <strong>et</strong> angoissants, <strong>espaces</strong> résiduels ingérables, confusion entre <strong>espaces</strong> privés <strong>et</strong><br />

<strong>espaces</strong> publics, difficulté de lisibilité <strong>et</strong> de repérage, absence de limites claires… « Rien dans ces<br />

grands ensembles ne donne envie d’y vivre <strong>et</strong> d’y avoir <strong>des</strong> pratiques ». Or « lorsque les <strong>espaces</strong><br />

sont mal entr<strong>et</strong>enus, voire laissés à l’abandon, chacun peut y développer <strong>des</strong> pratiques<br />

déviantes » 94. C’est donc là que la résidentialisation intervient.<br />

4.1.1. 4.1.1. La résidentialisation : « banalisation banalisation <strong>urbaine</strong> <strong>urbaine</strong> » » <strong>et</strong> <strong>et</strong> <strong>et</strong> « « « normalisation normalisation normalisation sociale sociale sociale ».<br />

».<br />

Dans les grands ensembles, de nombreux problèmes se cumulent. Notamment, sa première<br />

« pathologie » en matière d’aménagement urbain réside dans son eff<strong>et</strong> de masse <strong>et</strong> son manque<br />

de parcellaire. Face à c<strong>et</strong>te image repoussoir, les individus, résidents ou autres, ne peuvent<br />

s’empêcher de considérer ces quartiers autrement que comme <strong>des</strong> blocs homogènes, anonymes<br />

<strong>et</strong> repoussants, aux <strong>espaces</strong> résiduels dégradés, angoissants <strong>et</strong> dangereux.<br />

Par ailleurs, à cause du manque de parcellaire, entre domaine public <strong>et</strong> domaine privé, difficile<br />

de faire la distinction, même pour la ville <strong>et</strong> les bailleurs qui en sont pourtant les propriétaires<br />

respectifs. Les limites sont rares, voire inexistantes ; <strong>et</strong> personne ne sait où s’arrête l’espace<br />

public pour laisser place à l’espace privé. De ce fait, certains <strong>espaces</strong> souffrent d’un moindre<br />

entr<strong>et</strong>ien, <strong>et</strong> donc d’une moindre pratique de la part <strong>des</strong> habitants, ce qui conforte la<br />

dévalorisation <strong>des</strong> grands ensembles.<br />

Ainsi, au-delà d’un problème d’image produit par les spécificités de l’urbanisme moderne, dans<br />

un contexte de rej<strong>et</strong> du logement social en raison <strong>des</strong> images d’insécurité <strong>et</strong> de pauvr<strong>et</strong>é qui lui<br />

sont associées, les grands ensembles souffrent également d’une dévalorisation sociale. Ces<br />

pathologies <strong>des</strong> grands ensembles sont d’autant plus intenses qu’ils ont une faible propension à<br />

évoluer : conçus comme <strong>des</strong> entités finies <strong>et</strong> parfaites, ces quartiers, non « mutables », ont très<br />

peu changé depuis leur création il y a 50 ans. Malgré les diverses tentatives de revalorisation,<br />

rien n’y fait, les grands ensembles souffrent encore <strong>et</strong> toujours de leur structure moderne,<br />

opposée à celle de la ville historique.<br />

D’où la volonté de revenir à un urbanisme traditionnel <strong>et</strong> de r<strong>et</strong>rouver <strong>des</strong> échelles plus<br />

« humaines », <strong>des</strong> échelles plus propices à une <strong>appropriation</strong> par les habitants, comme celle de la<br />

ville traditionnelle où gestion <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> ne se prêtent à aucune confusion. Car, comme le<br />

dit Anne Faure :<br />

94 BONETTI M., LAFORGUE D., SECHET P., « Résidentialisation : de la clôture à l’espace public », Urbanisme, n°323,<br />

Mars-Avril 2002, page 58.<br />

ARANTES Laëtitia 44


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« L’intégration d’un quartier dans le reste de la ville passe par un certain nombre<br />

d’images mentales qui puisent leurs références dans c<strong>et</strong>te ville traditionnelle. » 95<br />

Ainsi, comme pour les premières interventions de la politique de la ville, l’un <strong>des</strong> objectifs<br />

premiers de la résidentialisation est de « banaliser » l’image du quartier, c'est-à-dire d’en réduire<br />

les fractures tant <strong>urbaine</strong>s que sociales, <strong>et</strong> de faire en sorte que le quartier ressemble davantage<br />

à un quartier quelconque de la ville. Nombre de mesures sont ainsi prises « au nom de la<br />

constitution d’une identité locale, de la valorisation d’une communauté territoriale où seraient<br />

partagées la même culture du lieu, la même image de soi » 96. Cela se traduit ici par un travail sur<br />

les <strong>espaces</strong>, tant au niveau de la qualité que de l’entr<strong>et</strong>ien <strong>et</strong> de la maintenance, afin de « faire<br />

<strong>des</strong> quartiers banals, embourgeoisés, qui n’aient pas l’air de réserves d’indiens ». 97<br />

La résidentialisation a donc pour but, non seulement de modifier l’image du quartier, d’en<br />

amoindrir, sinon d’en faire disparaître, le caractère négatif ; mais elle a aussi pour ambition de<br />

revaloriser l’image du logement social, <strong>et</strong> de répondre à la volonté de mixité sociale de la<br />

politique de la ville, c'est-à-dire maintenir en place les populations qui voulaient partir <strong>et</strong> attirer de<br />

nouvelles populations, plus solvables.<br />

4.1.2. 4.1.2. La La résidentialisation résidentialisation ou ou l’amélioration l’amélioration de de la la gestion gestion de de proximité.<br />

proximité.<br />

Ensuite, comme nous l’avons entrevu précédemment, gestion <strong>et</strong> entr<strong>et</strong>ien laissent parfois à<br />

désirer dans les grands ensembles. Selon l’Union Sociale pour l’Habitat <strong>et</strong> le PUCA, les grands<br />

ensembles sont caractérisés par « un défaut dans la conception <strong>urbaine</strong> pouvant entraîner une<br />

dégradation du fonctionnement social qui se répercute sur la gestion de proximité, une faible<br />

efficacité <strong>des</strong> équipes chargées de la propr<strong>et</strong>é engendrant malaise <strong>et</strong> développant le sentiment<br />

d’insécurité » 98. L’absence de délimitation claire entre espace public <strong>et</strong> espace privé crée <strong>des</strong><br />

difficultés de gestion (entr<strong>et</strong>ien, n<strong>et</strong>toyage) entre le bailleur <strong>et</strong> la ville, ce sur quoi la<br />

résidentialisation se propose de travailler.<br />

La résidentialisation entraîne donc ici un premier changement d’une extrême importance : en<br />

proposant de poser <strong>des</strong> limites évidentes, <strong>des</strong> points de repère pour chaque intervenant, elle<br />

rem<strong>et</strong> en cause le mode de gestion habituel de bailleurs. Le plus souvent, elle s’accompagne<br />

d’une réorganisation du fonctionnement de l’organisme bailleur, d’une meilleure implication <strong>des</strong><br />

95 FAURE A., ibid, page 9.<br />

96 GENSETIER P., cité par GUIGOU B., LELEVRIER C., op. cit., page 69.<br />

97 CASTRO R., extrait d’interview, Diagonal, n°129, février 1998, page 22.<br />

98 AMANOU E., BASTIDE C., DUNOYER de SEGONZAC P., DURAND D., LELEVRIER C., op.cit., page 15.<br />

ARANTES Laëtitia 45


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

gardiens, ou encore d’une amélioration de la collecte <strong>des</strong> déch<strong>et</strong>s ou de la distribution du<br />

courrier. Comme le dit Jean-François Lapière, directeur général d’Actis (office HLM de la ville de<br />

Grenoble) : « la résidentialisation c’est aussi modifier la manière de gérer. 24 unités<br />

résidentielles ne se géreront pas de la même manière qu’un ensemble de 1 200 logements » 99.<br />

Ici, l’unité résidentielle introduit une nouvelle échelle de discussion, une échelle de proximité. Les<br />

bailleurs se voient obligés d’abandonner leur gestion centralisée, parfois indifférente aux lieux,<br />

une gestion où les économies d’échelle favorisent la banalité : ces nouvelles échelles deviennent<br />

peu à peu <strong>des</strong> « unités de vie qui, en se révélant par les usages <strong>et</strong> les dynamiques habitantes,<br />

c'est-à-dire dans le temps <strong>et</strong> à partir du terrain, conduisent à distinguer <strong>des</strong> unités résidentielles,<br />

puis <strong>des</strong> résidences, puis <strong>des</strong> unités de gestion » 100.<br />

4.1.3. 4.1.3. La La résidentialisation, résidentialisation, pour pour plus plus de de « « sociabilité sociabilité » » <strong>et</strong> <strong>et</strong> d’« d’« <strong>appropriation</strong> <strong>appropriation</strong> ». ».<br />

».<br />

Dans les grands ensembles, contrairement à la représentation que se faisaient les adeptes du<br />

Mouvement Moderne sur l’utopie sociale de liberté <strong>et</strong> d’<strong>appropriation</strong> collective, la surabondance<br />

<strong>des</strong> <strong>espaces</strong> vi<strong>des</strong> <strong>et</strong> le manque d’espace clos <strong>et</strong> protégés ne favorisent pas l’<strong>appropriation</strong>. En<br />

eff<strong>et</strong>, entre les tours <strong>et</strong> les barres, on n’est ni dans un espace fermé sécurisant, ni dans un<br />

espace réellement public. On flotte entre deux types d’<strong>espaces</strong>, dans un espace au statut<br />

indéfini, où il est difficile d’établir <strong>des</strong> usages spécifiques, <strong>des</strong> pratiques entre habitants. Par<br />

ailleurs, assez souvent, du fait <strong>des</strong> multiples usages potentiels d’un lieu, ce même espace peut<br />

devenir le théâtre de conflits d’usage, même sans agressivité intentionnelle à l’égard d’autrui.<br />

« Le besoin de règles d’usages se révèle alors autant que le besoin d’adaptation de l’espace à<br />

certains usages » (Sébastian Roché 101).<br />

La résidentialisation se propose donc de résoudre ce problème en découpant les immeubles en<br />

entrées démarquées les unes <strong>des</strong> autres <strong>et</strong> séparées de l’espace public à l’aide de clôtures. Ce<br />

dernier dispositif spatial crée un nouveau type d’espace dans les unités résidentielles, entre le<br />

privé <strong>et</strong> le public : les <strong>espaces</strong> intermédiaires. Nouveaux supports <strong>des</strong> relations de voisinage, ils<br />

fonctionnent comme un « espace social de voisinage », à l’échelle d’une résidence. Car « certains<br />

pensent que la clôture doit unir plutôt que séparer. Ils font de c<strong>et</strong>te clôture un élément majeur<br />

dans la reconstruction de l’urbanité du lieu » 102.<br />

99 Cité par RUDLOFF N., « Actis, Opac de la région grenobloise. Unités résidentielles : être chez soi autrement », in<br />

Habitat <strong>et</strong> Société, n°39, septembre 2005, page 57.<br />

100 AMANOU E., BASTIDE C., DUNOYER de SEGONZAC P., DURAND D., LELEVRIER C., op. cit., page 27.<br />

101 Cité par DIV, DGUHC, « Résidentialisation : une nouvelle urbanité », Actes du séminaire du 16 janvier 2002,<br />

Repères, Paris, 2002, page 40.<br />

102 GUIGOU B., LELEVRIER C., op. cit., page 60.<br />

ARANTES Laëtitia 46


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Le but n’est plus simplement ici de clarifier les limites de propriété, <strong>et</strong> par là-même les<br />

responsabilités de gestion. Mais il s’agit davantage de travailler sur les usages <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>, afin<br />

de favoriser à la fois une sociabilité plus importante <strong>et</strong> moins conflictuelle <strong>et</strong> une <strong>appropriation</strong> de<br />

ces nouveaux <strong>espaces</strong> collectifs communs situés devant <strong>et</strong> derrière l’immeuble, ou en cœur<br />

d’îlots, selon la configuration <strong>des</strong> bâtiments.<br />

Cela peut se résumer par ces paroles de Julien Langé <strong>et</strong> Philippe Panerai :<br />

« ‘‘Résidentialiser’’, c’est r<strong>et</strong>rouver <strong>des</strong> ‘‘unités résidentielles’’ plus p<strong>et</strong>ites favorisant<br />

une meilleure ‘‘<strong>appropriation</strong>’’ de ces ‘‘<strong>espaces</strong> intermédiaires’’ par les habitants, c’est<br />

m<strong>et</strong>tre en place <strong>des</strong> ‘‘distinctions <strong>urbaine</strong>s conventionnelles entre espace privé <strong>et</strong><br />

public’’ » 103 .<br />

Ainsi, au-delà d’une transformation physique du quartier <strong>et</strong> d’une revalorisation de son image de<br />

marque, les opérations de résidentialisation visent une requalification sociale <strong>et</strong> humaine du<br />

quartier par la transformation <strong>des</strong> relations sociales <strong>et</strong> <strong>des</strong> pratiques <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> de proximité<br />

par les habitants <strong>et</strong> par la production de normes collectives d’usage de ces <strong>espaces</strong>.<br />

4.1.4. 4.1.4. L’unité L’unité résidentielle, résidentielle, pour pour plus plus d’action d’action d’action collective collective <strong>et</strong> <strong>et</strong> de de contrôle contrôle social.<br />

social.<br />

Mais aussi, en complément de c<strong>et</strong>te volonté, la résidentialisation a pour but plus d’action<br />

collective <strong>et</strong> de contrôle social, répondant ainsi à une demande sécuritaire <strong>et</strong> à un désir de<br />

responsabilisation <strong>des</strong> populations en place. L’objectif est ici de « renverser le sentiment<br />

d’insécurité en redonnant aux habitants une autorité sur l’espace » 104, <strong>et</strong> ce, en r<strong>et</strong>ravaillant avec<br />

eux « les usages, les règles les régissant <strong>et</strong> l’amélioration du ‘‘vivre ensemble’’ » 105. Le contrôle<br />

social se traduit par un partage <strong>des</strong> normes d’usages <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> (propr<strong>et</strong>é, respect du matériel,<br />

civisme, <strong>et</strong>c.).<br />

« Lorsqu’un lieu est délimité, embelli <strong>et</strong> accueillant, il est respecté <strong>et</strong> investi par ses<br />

usagers, qui en assurent de fait le contrôle par leur simple présence ». 106<br />

C’est pourquoi bailleurs <strong>et</strong> élus désirent instaurer plus d’autorégulation par les habitants <strong>et</strong><br />

constituer <strong>des</strong> noyaux d’habitants « capables de dialoguer <strong>et</strong> de négocier entre eux » 107. Ces<br />

noyaux se construisent à une échelle relativement p<strong>et</strong>ite, d’où l’unité résidentielle. Mais cela<br />

suppose de les associer à la gestion <strong>urbaine</strong>, de prendre en compte leurs deman<strong>des</strong> <strong>et</strong> de<br />

modifier en conséquence le fonctionnement <strong>des</strong> organisations. On r<strong>et</strong>rouve ici l’importance de la<br />

gestion <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> sociale de proximité.<br />

103 LANGE J., PANERAI P., op.cit., 2000.<br />

104 PANERAI P., « L’unité résidentielle : raisons <strong>et</strong> antécédents », op. cit., page 44.<br />

105 AMANOU E., BASTIDE C., DUNOYER de SEGONZAC P., DURAND D., LELEVRIER C., op. cit.<br />

106 BONETTI M., LAFORGUE J.D., SECHET P., op.cit.<br />

107 PANERAI P., op.cit., page 46.<br />

ARANTES Laëtitia 47


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Ainsi, au-delà d’une volonté de requalification esthétique, nombre <strong>des</strong> ambitions de la<br />

résidentialisation se combinent <strong>et</strong> s’orientent autour de la vie sociale du quartier, l’amélioration<br />

du « vivre ensemble » <strong>et</strong> par là-même la revalorisation sociale du quartier. Finalement, quand elle<br />

est « bien menée », la résidentialisation perm<strong>et</strong> de « rendre les quartiers plus vivables » 108.<br />

Toutefois, il ne s’agit pas là d’éradiquer ces quartiers, mais de défaire la dualité entre grands<br />

ensembles <strong>et</strong> ville traditionnelle, <strong>et</strong> d’envisager sur le long terme l’avenir de ces témoins du<br />

passé. Il s’agit de marquer un coup d’arrêt à la déqualification <strong>des</strong> grands ensembles, de rendre<br />

le cadre de vie le plus agréable possible, de donner <strong>des</strong> valeurs plus <strong>urbaine</strong>s <strong>et</strong> humaines aux<br />

<strong>espaces</strong> qui composent les grands ensembles, <strong>et</strong> cela grâce à une transformation physique.<br />

4.2 De l’échelle du quartier à celle du logement : les principes d’aménagement de la<br />

108 SECHET P., op.cit.<br />

résidentialisation.<br />

109 PANERAI P., op. cit., page 41.<br />

ILLUSTRATION 3 : PRINCIPE DES UNITES RESIDENTIELLES. 109<br />

ARANTES Laëtitia 48


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

C’est ainsi que la résidentialisation se propose de recomposer les mo<strong>des</strong> de conception <strong>et</strong><br />

d’aménagement <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> : elle suggère de nouveaux lieux qui associent les qualités<br />

structurelles <strong>des</strong> villes historiques <strong>et</strong> celles <strong>des</strong> vastes vi<strong>des</strong> <strong>des</strong> grands ensembles. Son intention<br />

est d’améliorer le cadre de vie offert par les grands ensembles, en profitant de leurs qualités<br />

structurelles <strong>et</strong> en comblant leurs lacunes. La solution consiste essentiellement en un travail<br />

physique sur le quartier. Il s’agit entre autres d’importer de nouveaux systèmes de voirie, d’îlots,<br />

un nouveau parcellaire, de nouveaux types d’<strong>espaces</strong> <strong>et</strong> d’usages, « pour tenter de donner une<br />

forme <strong>urbaine</strong> lisible à <strong>des</strong> lieux qui en sont dépourvus » 110.<br />

Bien sûr, les situations <strong>des</strong> territoires de proj<strong>et</strong> étant dissemblables, la résidentialisation ne fait<br />

pas appel à une rec<strong>et</strong>te spécifique. Mais, la résidentialisation reste à base d’ingrédients qui lui<br />

sont spécifiques. D’après Philippe Panerai, le principal serait l’unité résidentielle : parcelliser les<br />

vastes vi<strong>des</strong> autour <strong>des</strong> bâtiments, grâce à une clôture, <strong>et</strong> créer ainsi, avec <strong>des</strong> aménagements<br />

différents, un nouvel espace « intermédiaire » (c'est-à-dire semi-public, semi-privé) <strong>et</strong> un cadre de<br />

vie propre à chaque bâtiment.<br />

4.2.1. 4.2.1. Recréer Recréer du du parcellaire parcellaire pour pour redonner redonner une une image image traditionnelle traditionnelle au au quartier.<br />

quartier.<br />

Sauf exception, la situation de la propriété foncière est particulièrement confuse dans les grands<br />

ensembles. L’utopie sociale <strong>et</strong> les envies de liberté du Mouvement Moderne se sont heurtées à<br />

quelques difficultés, notamment de gestion. Cession, rétrocession, reprise <strong>des</strong> lieux… au final,<br />

villes <strong>et</strong> bailleurs s’y perdent <strong>et</strong> finissent par exercer sur <strong>des</strong> lieux qui ne leur appartiennent pas.<br />

D’où le besoin de recréer du parcellaire sur c<strong>et</strong>te vaste <strong>et</strong> unique parcelle, via un plan<br />

d’alignement. Car, comme le soulignent Julien Langé <strong>et</strong> Philippe Panerai, « la reconstitution d’un<br />

parcellaire est une condition de la diversification du bâti » 111.<br />

En eff<strong>et</strong>, revenir à une distribution foncière traditionnelle perm<strong>et</strong> d’envisager <strong>des</strong> évolutions<br />

ponctuelles <strong>des</strong> différentes parcelles, évolutions nécessaires du tissu urbain pour perm<strong>et</strong>tre le<br />

r<strong>et</strong>ournement de la cité en un quartier susceptible d’évoluer comme un quartier quelconque de la<br />

ville. Clarifier le foncier perm<strong>et</strong>trait de redéfinir les <strong>espaces</strong> publics <strong>et</strong> de clarifier <strong>des</strong> statuts du<br />

sol, d’avoir une « meilleure lisibilité du tissu urbain » 112, <strong>et</strong> ainsi de r<strong>et</strong>rouver la continuité avec les<br />

autres quartiers <strong>et</strong> la ville, premier pas pour lutter contre l’isolement, l’enfermement,<br />

l’enclavement. Bien sûr, on sait depuis Chamboredon <strong>et</strong> Lemaire 113 que proximité spatiale<br />

n’abolit pas la distance sociale, mais si la continuité <strong>des</strong> voies <strong>et</strong> l’absence de coupures ne<br />

110 Ibid.<br />

111 LANGE J., PANERAI P., op.cit., page 10.<br />

112 BOURJAILLAT V., « Réurbaniser les grands ensembles », in Etu<strong>des</strong> Foncières, n°67, juin 1995, page 27.<br />

113 CHAMBOREDON J.C., LEMAIRE M., « Proximité spatiale <strong>et</strong> distance sociale. Les grands ensembles <strong>et</strong> leur<br />

peuplement », in Revue Française de Sociologie, XI-1, 1970.<br />

ARANTES Laëtitia 49


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

suffisent pas à intégrer les quartiers, du moins la présence de limites <strong>et</strong> de différences claires<br />

d’un quartier à l’autre renforce la singularité du lieu <strong>et</strong> sa mise à l’écart. L’égalité de traitement<br />

d’un quartier à l’autre constitue donc un moyen de r<strong>et</strong>rouver l’unité de la ville, <strong>et</strong> l’appartenance<br />

du quartier à la ville.<br />

4.2.2. 4.2.2. Clôturer Clôturer pour pour pour matérialiser matérialiser les les limites limites entre entre privé privé <strong>et</strong> <strong>et</strong> <strong>et</strong> public.<br />

public.<br />

« Enclore est un grand rêve humain, n’être jamais attaqué, un absolu de l’inconscient<br />

heureux ».<br />

Gaston Bachelard 114 .<br />

En plus du parcellaire pour réponse au besoin de redéfinir les <strong>espaces</strong> <strong>et</strong> leurs statuts, une<br />

mesure complémentaire est instaurée par la résidentialisation. A vrai dire, comme nous l’avons<br />

indiqué dans la partie sur les origines de la résidentialisation, c<strong>et</strong>te mesure a, en quelque sorte<br />

initié la création d’unités résidentielles : il s’agit de la clôture.<br />

C<strong>et</strong>te nouvelle mesure prémunit également d’une autre pathologie <strong>des</strong> grands ensembles, c<strong>et</strong>te<br />

fois non physique : l’incivilité, qui le plus souvent naît au pied <strong>des</strong> immeubles, dans les « <strong>espaces</strong><br />

extérieurs », <strong>et</strong> qui nourrit le sentiment d’insécurité. Pour y répondre, il est indispensable de<br />

délimiter l’espace public de l’espace privé, <strong>et</strong> créer <strong>des</strong> seuils <strong>et</strong> <strong>des</strong> lieux ayant <strong>des</strong> règles<br />

visibles. La privatisation peut ainsi résoudre <strong>des</strong> problèmes d’intrusion dans les parties<br />

communes. C’est d’ailleurs ce que préconisait Jane Jacobs à travers son principe <strong>des</strong> « yeux<br />

braqués sur la rue » : « une séparation claire entre l’espace public <strong>et</strong> l’espace privé <strong>et</strong> une<br />

surveillance naturelle favorisée par une grande lisibilité au sein <strong>des</strong> différents <strong>espaces</strong>. » Elle<br />

propose par là de créer <strong>des</strong> unités résidentielles (residential units), en opposition aux grands<br />

<strong>espaces</strong> indifférenciés constitutifs <strong>des</strong> grands ensembles.<br />

4.2.3. 4.2.3. 4.2.3. Créer Créer <strong>des</strong> <strong>des</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> <strong>espaces</strong> intermédiaires intermédiaires enclos.<br />

enclos.<br />

Parcelliser <strong>et</strong> clôturer, ces deux premiers ingrédients de la résidentialisation encouragent<br />

l’apparition d’un nouvel instrument de la résidentialisation. En matérialisant la limite entre les<br />

différents types d’<strong>espaces</strong>, notamment sous forme d’une clôture, la résidentialisation contribue à<br />

créer un nouvel espace autour <strong>des</strong> bâtiments : un espace au statut privatif.<br />

En 1994, lors de sa présentation au jury du Grand Proj<strong>et</strong> Urbain d’Aulnay sous Bois, Nicolas<br />

Soulier parle, lui, de « lisière », une « lisière qui abrite les services qui perm<strong>et</strong>tent de vivre <strong>et</strong> de<br />

contrôler d’une part la rue, <strong>et</strong> d’autre part <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> privés pour à la fois donner sécurité,<br />

gardienner, donner un ‘‘chez soi’’ aux habitants <strong>et</strong> d’autre part faire <strong>des</strong> rues vivantes, c'est-à-<br />

dire où on a <strong>des</strong> boutiques […]. Il s’agit donc de constituer la lisière de la rue en reportant dans<br />

114 Cité par AMANOU E., BASTIDE C., DUNOYER de SEGONZAC P., DURAND D., LELEVRIER C., op. cit.<br />

ARANTES Laëtitia 50


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

c<strong>et</strong>te lisière les entrées <strong>des</strong> habitants (seuils) (l’adresse n’est plus la porte de l’escalier mais ce<br />

seuil en lisière de rue)… » 115.<br />

Ainsi, l’idée de fractionner associée à la matérialisation <strong>des</strong> limites par une clôture perm<strong>et</strong> de<br />

trouver une nouvelle échelle favorisant le dialogue entre les habitants, <strong>et</strong> entre le bailleur <strong>et</strong> les<br />

habitants. Ce découpage est symbolisé par l’unité résidentielle, c'est-à-dire par la mise en<br />

évidence d’un territoire autour <strong>des</strong> bâtiments, un territoire intermédiaire qui « intéresse<br />

collectivement les habitants <strong>et</strong> à l’intérieur duquel s’exerce légitimement leur action » 116.<br />

Ces actions combinées (parcellaire, clôture <strong>et</strong> espace intermédiaire) concourent en même temps<br />

à l’amélioration de la gestion de proximité <strong>et</strong> à l’amélioration <strong>des</strong> relations de voisinage, mais<br />

elles favorisent aussi le contrôle social, c'est-à-dire la possibilité pour les habitants d’avoir « les<br />

yeux braqués sur la rue », <strong>et</strong> donc peut-être de se sentir davantage en sécurité.<br />

4.2.4. 4.2.4. Associer Associer Associer un un espace espace extérieur extérieur au au logement.<br />

logement.<br />

Pour renforcer l’<strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> unités résidentielles par les habitants, d’autres aménagements<br />

sont réalisés dans les unités résidentielles, mais de manière plus ponctuelle. Il s’agit de leur<br />

attribuer <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> privatifs, familiaux <strong>et</strong> non collectifs c<strong>et</strong>te fois-ci. Jardin ou terrasse, ces<br />

<strong>espaces</strong> offrent un nouveau lieu du chez soi par où le logement s’ouvre, accueille le soleil <strong>et</strong> la<br />

végétation, un nouveau lieu que l’habitant peut investir indépendamment de la volonté <strong>et</strong> de<br />

l’accord de ses voisins.<br />

Ainsi, la résidentialisation ne consiste pas en une simple installation de clôtures autour de<br />

chaque bâtiment pour ainsi leur attribuer un espace collectif propre. Ses aménagements sont<br />

bien plus subtils : ils visent à complexifier la barre fruste <strong>et</strong> rudimentaire <strong>des</strong> années 50 pour lui<br />

donner plus d’épaisseur, plus de place pour l’habitant.<br />

4.2.5. 4.2.5. 4.2.5. Div Diversifier Div<br />

ersifier <strong>et</strong> <strong>et</strong> identifier identifier chaque chaque unité unité résidentielle résidentielle pour plus de banalité.<br />

Enfin, parmi les transformations physiques du quartier, une <strong>des</strong> nécessités de la<br />

résidentialisation passe par la différenciation <strong>des</strong> unités résidentielles, dont l’objectif est une<br />

<strong>appropriation</strong> plus forte de leur résidence par les habitants. En eff<strong>et</strong>, selon Patrice Séch<strong>et</strong>, « si<br />

l’on répartit 2 000 logements en 30 résidences identiques, l’identification à son immeuble sera<br />

plus difficile. Un effort qualitatif est nécessaire pour différencier les entrées <strong>et</strong>, en ce sens, il est<br />

intéressant de faire travailler plusieurs architectes sur un même proj<strong>et</strong> de résidentialisation. » 117<br />

115 SOULIER N., cité par GUIGOU B., LELEVRIER B., op. cit., page 61.<br />

116 PANERAI P., op. cit., pages 43-44.<br />

117 SECHET P., op.cit.<br />

ARANTES Laëtitia 51


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Qui plus est, l’aménagement <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> ne peut pas prendre la même tournure suivant le type<br />

de bâtiment <strong>et</strong> la résidentialisation doit donc s’adapter à ces configurations.<br />

Ainsi, il n’existe pas de dispositif standard <strong>et</strong>, dans les résidences, chaque élément de<br />

l’aménagement fait l’obj<strong>et</strong> d’une étude <strong>et</strong> d’une décision au cas par cas, faisant intervenir à<br />

chaque fois les résidents concernés : dans c<strong>et</strong> immeuble, les habitants préfèreront plus de<br />

jardins, où pourront jouer leurs enfants, que de parkings ; au contraire, dans celui d’à côté, <strong>des</strong><br />

garages seront construits. Aux choix individuels, qui concernent les logements, s’ajoutent <strong>des</strong><br />

décisions collectives, qui touchent les « <strong>espaces</strong> intermédiaires » négociées avec les voisins,<br />

négociées entre les voisins. C<strong>et</strong>te distinction entre les immeubles d’un même quartier participe<br />

de l’esthétique, de la gai<strong>et</strong>é du quartier, <strong>et</strong> de fait, <strong>des</strong> <strong>appropriation</strong>s collectives <strong>et</strong> individuelles.<br />

4.2.6. 4.2.6. Associer Associer toutes toutes toutes les les échelles échelles d’acteurs.<br />

d’acteurs.<br />

Pour gérer toutes ses ambitions à l’échelle d’une part de chaque unité résidentielle, <strong>et</strong> d’autre<br />

part du quartier, besoin est de mobiliser tous les acteurs concernés.<br />

D’abord, nous avons vu que la banalisation du quartier passe par sa parcellarisation, c'est-à-dire<br />

la délimitation <strong>des</strong> territoires de chacun. De ce fait, ville (élus comme techniciens) <strong>et</strong> bailleurs<br />

doivent être présents, d’abord pour l’état <strong>des</strong> lieux de la propriété de chacun, puis de la<br />

redistribution <strong>des</strong> terrains afin de ne pas r<strong>et</strong>omber dans l’inconnu <strong>des</strong> grands ensembles où<br />

chacun exerçait sur le territoire du voisin.<br />

Enfin, la participation <strong>des</strong> habitants est également nécessaire, que ce soit pour les décisions qui<br />

concernent les nouveaux <strong>espaces</strong> intermédiaires, qui sont <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> collectifs appartenant à<br />

l’ensemble <strong>des</strong> résidents d’une même unité résidentielle, mais aussi <strong>et</strong> surtout pour les choix<br />

concernant les logements. Car, pour une même résidence, les logements ne seront concernés<br />

que par un seul type de réhabilitation : agrandissement de la cuisine ou création de balcons, le<br />

choix devra être fait collectivement <strong>et</strong> non au cas par cas. Les maîtres d'ouvrage ne pourront<br />

satisfaire toutes les « doléances » de chaque locataire.<br />

Ainsi, pour répondre aux objectifs d’« humanisation » <strong>des</strong> grands ensembles, les « pères » de la<br />

résidentialisation préconisent différentes mesures d’aménagement. La pratique de parcellisation<br />

<strong>et</strong> la matérialisation <strong>des</strong> limites entre les <strong>espaces</strong>, comme réponse aux pathologies spatiales,<br />

instaurent ici un nouveau mode de conception <strong>et</strong> d’aménagement <strong>des</strong> grands ensembles : les<br />

unités résidentielles. Ces dernières, caractérisées par la spécificité de leurs aménagements,<br />

introduisent une nouvelle ambiance dans les quartiers d’habitat social, notamment au moyen<br />

d’un nouveau type d’espace, les <strong>espaces</strong> intermédiaires. Destinés à « offrir civisme, respect <strong>et</strong><br />

sécurité », ils espèrent donner une dimension plus humaine <strong>et</strong> plus conviviale aux <strong>espaces</strong> les<br />

plus immédiatement en contact avec les bâtiments, <strong>et</strong> ainsi revaloriser socialement, en même<br />

ARANTES Laëtitia 52


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

temps qu’esthétiquement, ces quartiers longtemps dénigrés. « Et tout irait pour le mieux dans le<br />

meilleur <strong>des</strong> mon<strong>des</strong> »…<br />

Maintenant bien intégrés au processus de résidentialisation, ces principes d’aménagement <strong>et</strong> de<br />

conception ont pourtant longtemps été redoutés par les aménageurs.<br />

4.3 Les risques éventuels.<br />

Même si depuis son invention, la résidentialisation a de nombreux adeptes, que ce soit chez les<br />

aménageurs ou les élus, elle fait également l’obj<strong>et</strong> de nombreuses controverses chez les<br />

professionnels mêmes. Ainsi, deux types de craintes ont longtemps ralenti les concepteurs dans<br />

leur volonté : la peur de la simplification <strong>et</strong> la peur du sécuritaire extrême.<br />

4.3.1. 4.3.1. 4.3.1. La La peur de la simplification <strong>et</strong> de la reproductibilité.<br />

Parmi les aménageurs <strong>et</strong> concepteurs, nombreux sont méfiants devant le concept de<br />

résidentialisation, <strong>et</strong> surtout devant la diffusion rapide de sa pratique dans <strong>des</strong> proj<strong>et</strong>s relevant<br />

de problèmes de délinquance.<br />

Ainsi, la première crainte <strong>des</strong> aménageurs face à la résidentialisation consiste en une peur de se<br />

r<strong>et</strong>rouver face à une réponse unifiante, stéréotypée. En eff<strong>et</strong>, au vu <strong>des</strong> précédentes parties, la<br />

résidentialisation semble correspondre à un procédé standardisé : l’unité résidentielle, le<br />

parcellaire, la clôture, … comme outils, <strong>et</strong> la normalisation sociale, la banalisation <strong>urbaine</strong>,<br />

l’amélioration de l’image du quartier, … comme objectifs. Tout laisse à penser que les opérations<br />

de résidentialisation ne sont en fait que <strong>des</strong> proj<strong>et</strong>s types, réalisés tels quels, sans tenir compte<br />

<strong>des</strong> spécificités du quartier. Or, chaque territoire étant différent <strong>et</strong> unique, « la duplication d’un<br />

schéma préconçu se serait révélée totalement inappropriée <strong>et</strong> contre productive » 118. C’est<br />

pourquoi les professionnels refusent une normalisation de l’intervention <strong>urbaine</strong>, ce qui peut<br />

d’ailleurs expliquer leur première réaction qui fut de rej<strong>et</strong>er la résidentialisation, tant la pratique<br />

que le terme.<br />

Ainsi, nombre de controverses sur la résidentialisation reposent sur la crainte d’une<br />

normalisation du modèle quel que soit le territoire à requalifier. C<strong>et</strong>te première critique réside ici<br />

davantage dans la mise en œuvre de la résidentialisation que dans ses eff<strong>et</strong>s. Libre aux<br />

aménageurs <strong>et</strong> concepteurs de choisir la bonne méthode <strong>et</strong> de prévenir la copie.<br />

118 DIV, DGUHC, « Résidentialisation : une nouvelle urbanité ? », op.cit., page 85.<br />

ARANTES Laëtitia 53


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

4.3.2. 4.3.2. 4.3.2. La La peur peur du du sécuritaire sécuritaire extrême.<br />

extrême.<br />

Mais une autre crainte a longtemps alimenté la littérature critique à l’égard de la<br />

résidentialisation, considérée ici comme issue <strong>des</strong> théories de la prévention situationnelle. C<strong>et</strong>te<br />

seconde critique s’oriente autour <strong>des</strong> conséquences de la résidentialisation, notamment en<br />

termes de sécurité <strong>et</strong> de pratique par les habitants. En eff<strong>et</strong>, face à <strong>des</strong> troubles de la<br />

délinquance croissants, la logique de sécurisation prévaut dans nombre d’opérations de<br />

résidentialisation. Mais la mise en place de systèmes défensifs <strong>et</strong> dissuasifs, tels la clôture ou la<br />

multiplication <strong>des</strong> systèmes à l’entrée <strong>des</strong> immeubles, peut avoir <strong>des</strong> inconvénients <strong>et</strong> être<br />

poussée parfois à l’extrême. Ainsi, la peur du sécuritaire se décline en plusieurs craintes.<br />

Le Le transfert, transfert, <strong>et</strong> <strong>et</strong> non non l’éradication, l’éradication, <strong>des</strong> <strong>des</strong> problèmes problèmes :<br />

La résidentialisation est d’abord mise en débat au regard <strong>des</strong> risques de transfert de la<br />

délinquance <strong>des</strong> immeubles résidentialisés vers l’espace public ou vers d’autres immeubles non<br />

réaménagés. Certes, la réalisation d’unités résidentielles sur le quartier, d’aménagements<br />

paysagers plus agréables, de nouveaux <strong>espaces</strong>, … améliorera sûrement le cadre de vie du<br />

quartier, son image <strong>et</strong> son « urbanité ». Mais qu’en est-il <strong>des</strong> problèmes plus profonds de<br />

délinquance, d’insécurité, <strong>et</strong>c. ? Selon Sébastian Roché, la résidentialisation ne règle que<br />

ponctuellement ou partiellement les problèmes de délinquance <strong>et</strong> d’insécurité, qui soit<br />

réapparaîtront quelques temps plus tard, soit seront rej<strong>et</strong>és quelques centaines de mètres plus<br />

loin, dans l’immeuble ou le quartier voisin. Oui, la ferm<strong>et</strong>ure serait un élément dissuadant le<br />

regroupement dans les halls, mais les personnes concernées, soit se déplaceraient dans d’autres<br />

immeubles, encore non traités, soit ruseraient pour entrer dans le hall (vol de badge, entrer en<br />

même temps qu’un résident, <strong>et</strong>c.).<br />

Le Le repli repli sur sur soi soi soi :<br />

« L’insécurité engendre <strong>des</strong> réactions sociales diverses, mais d’une manière générale,<br />

elle tend, en devenant un sentiment obsessionnel à provoquer <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong> de repli,<br />

de défense, de contrôle, de suspicion… Sous l’emprise d’une peur collective diffuse,<br />

<strong>des</strong> habitants d’un même quartier peuvent être tentés de se protéger en multipliant les<br />

seuils à franchir entre la sphère privée <strong>et</strong> la sphère publique. Il s’agit <strong>des</strong> portes<br />

d’entrée <strong>des</strong> appartements qui peuvent être blindées, <strong>des</strong> portes d’accès aux<br />

immeubles qui peuvent être munies de co<strong>des</strong> ou d’interphones, de caméras de<br />

surveillance… Ainsi, l’espace public prend la figure d’un territoire de la contamination<br />

<strong>et</strong> la violence qui se joue dans les rues doit être arrêtée par <strong>des</strong> barrières renforcées<br />

de la sphère privée. En conséquence, ce sont les <strong>espaces</strong> de transition qui posent<br />

problème car ils sont susceptibles d’être soumis à la violence qui règne dans l’espace<br />

public. ». 119<br />

119 JEUDY H.P., JEUDY J.C., op.cit., page 58.<br />

ARANTES Laëtitia 54


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Ici, une autre critique adressée aux théories sécuritaires anglo-saxonnes <strong>et</strong> à la résidentialisation<br />

porte sur le risque intrinsèque de ferm<strong>et</strong>ure <strong>et</strong> de privatisation de l’espace. Ce risque peut en<br />

eff<strong>et</strong> conduire à la fabrication d’un quartier excluant, réduit à « la juxtaposition d’enclaves<br />

résidentielles » 120, de plus en plus soumises à <strong>des</strong> contrôles multipliés <strong>et</strong> renforcés, <strong>et</strong> ce, jusqu’à<br />

la porte du logement. En conséquence, la création d’<strong>espaces</strong> privatifs, d’<strong>espaces</strong> <strong>des</strong>tinés à être<br />

« appropriés » collectivement par les résidents, peut aboutir, au contraire, à un repli individuel <strong>des</strong><br />

habitants : au lieu de perm<strong>et</strong>tre un renforcement <strong>des</strong> relations de voisinage, les <strong>espaces</strong><br />

communs deviennent les lieux de nouveaux conflits entre voisins, davantage soucieux de leur<br />

bien-être personnel que du bien-être collectif. Peu à peu, contrôler l’intrusion <strong>des</strong> « non<br />

résidents » n’est plus suffisant. L’obsession se tourne vers le voisin, <strong>et</strong> la peur qu’il s’introduise<br />

dans mon intimité. Désormais, « la peur de montrer ce que l’on a se double de celle de dévoiler<br />

qui l’on est » 121.<br />

Ainsi, comme le dit clairement Olivier Piron, ex-secrétaire permanent du PUCA, dans l’ouvrage De<br />

la « Cité » à la « Résidence », il faut faire attention à la mise en œuvre de la résidentialisation, à la<br />

création d’<strong>espaces</strong> privatifs par l’installation de clôtures. Car « ce qui est identification d’un<br />

territoire fermé peut apparaître si on n’y prend garde comme une ferm<strong>et</strong>ure aux autres. Les<br />

beaux rêvent initiaux de vie collective risquent de tourner à la privatisation de l’espace, à la<br />

construction prioritaire ‘‘d’entre soi’’ qui peuvent être vécus négativement ».<br />

Au final, le quartier, <strong>des</strong>tiné à s’ouvrir au reste de la ville grâce à la résidentialisation, risque au<br />

contraire, par ces juxtapositions de ferm<strong>et</strong>ures individuelles, de s’enclaver encore plus.<br />

La La carcéralisation carcéralisation :<br />

D’où le dernier écueil de la résidentialisation <strong>et</strong> de ses évocations sécuritaires : la carcéralisation.<br />

Certes, la résidentialisation, par ses clôtures <strong>et</strong> la multiplication <strong>des</strong> systèmes de contrôle <strong>des</strong><br />

<strong>espaces</strong> (digico<strong>des</strong> doublés d’interphones, barrières, portes blindées, <strong>et</strong>c.), répond en partie aux<br />

angoisses croissantes d’insécurité pour les habitants. Mais, d’un point de vue extérieur au<br />

quartier, ce contrôle obsessionnel <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> risque au contraire de « renforcer la configuration<br />

de gh<strong>et</strong>to » 122. Le « non résident » voit ainsi de son côté <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> privés « bunkerisés »,<br />

sécurisés à l’extrême afin d’éviter, certes toute intrusion, tout vol, mais aussi toute<br />

« publicisation » de l’espace privé.<br />

On observe donc ici une confusion entre résidentialisation <strong>et</strong> « carcéralisation », confusion qui<br />

peut finalement d’avoir les eff<strong>et</strong>s inverses de ceux escomptés. En eff<strong>et</strong>, comme l’affirme la<br />

120 VALLET B., op. cit., page 30.<br />

121 JEUDY H.P., JEUDY J.C., op.cit., page 143.<br />

122 Ibid., page 29.<br />

ARANTES Laëtitia 55


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

D.G.U.H.C., dans l’ouvrage La résidentialisation : quelle approche pour les DDE ?, la<br />

résidentialisation « risque la transformation d’un certain nombre de quartiers en bunkers. De<br />

plus, l’analyse du processus d’insécurité montre qu’en général, ça ne fait qu’aggraver<br />

l’insécurité : plus vous avez de grillages <strong>et</strong> plus, en fait, vous donnez une image effectivement,<br />

d’un endroit dangereux <strong>et</strong> qui incite au développement du sentiment d’insécurité. » 123<br />

Ainsi, au-delà <strong>des</strong> dangers de la reproduction d’un modèle unique de résidentialisation, les<br />

aménageurs s’interrogent également sur les eff<strong>et</strong>s de la résidentialisation, comme moyen de<br />

lutter contre les incivilités, les actes de vandalismes, l’insécurité… Certes la résidentialisation<br />

prône l’éradication de ces problèmes. Mais rien ne garantit encore que ces ambitions n’aient pas<br />

d’eff<strong>et</strong>s secondaires, <strong>et</strong> n’engendrent pas <strong>des</strong> situations de repli, de bunkerisation, de<br />

gh<strong>et</strong>toïsation encore plus importantes que les situations d’enclavement que connaissent<br />

actuellement les grands ensembles. Ainsi, les aménageurs, longtemps freinés dans la mise en<br />

application de la résidentialisation, craignent de voir se diffuser « l’architecture de la peur » 124<br />

<strong>des</strong> gated communities américaines dans les grands ensembles ainsi résidentialisés.<br />

123 D.G.U.H.C., La résidentialisation : quelle approche pour les D.D.E. ? Page 6.<br />

124 DUSSART B., FREY J.P., LEVY-VROELANT C., Les enjeux de la « résidentialisation » <strong>des</strong> cités HLM. Analyse <strong>des</strong><br />

usages <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> intermédiaires dans une cité de Seine-Saint-Denis, juill<strong>et</strong> 2003, page 16.<br />

ARANTES Laëtitia 56


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Conclusion onclusion de la première partie partie. partie<br />

En conclusion, c<strong>et</strong>te première partie nous a permis de mieux appréhender la notion de<br />

résidentialisation depuis son champ d’application jusqu’à ses objectifs <strong>et</strong> limites, en passant par<br />

« ses définitions » <strong>et</strong> ses principes.<br />

Recommandée par les théoriciens anglo-saxons en termes d’approche sécuritaire par<br />

l’aménagement du territoire, expérimentée depuis plus de dix ans par les professionnels français<br />

de l’aménagement urbain dans certains quartiers d’habitat social, imposée par le règlement de<br />

l’ANRU dans les opérations de renouvellement urbain depuis 2003, la résidentialisation n’en<br />

reste pas moins une notion ambiguë. Mais, une chose est sûre : son champ d’action, le grand<br />

ensemble. Longtemps critiqués du fait de leurs pathologies, jugées plus nombreuses que leurs<br />

atouts, les grands ensembles ont essuyé de nombreuses interventions depuis trente ans. De la<br />

procédure Habitat <strong>et</strong> Vie Sociale aux Grands Proj<strong>et</strong>s Urbains, la politique de la ville n’a eu de<br />

cesse de tenter de revaloriser physiquement <strong>et</strong> socialement ces quartiers, qui ont pourtant gardé<br />

une réputation négative de « cités » « insécures » <strong>et</strong> vi<strong>des</strong> de relations humaines. C’est alors que<br />

la résidentialisation intervient, avec pour ambition, certes de requalifier esthétiquement le<br />

quartier (comme les précédentes opérations de la politique de la ville), mais aussi de traiter le<br />

problème <strong>des</strong> quartiers à la source : l’incivilité qui nourrit le sentiment d’insécurité <strong>et</strong> qui dégrade<br />

les conditions de vie, les <strong>appropriation</strong>s <strong>et</strong> les rapports entre individus dans le quartier.<br />

Intimement liées aux conditions de sécurité <strong>et</strong> de relations sociales, les opérations de<br />

résidentialisation doivent donc perm<strong>et</strong>tre d’engager l’évolution du quartier dans une dynamique<br />

positive, associant amélioration de la gestion <strong>et</strong> changement de l’image <strong>des</strong> lieux. Mais surtout,<br />

la résidentialisation, par la création d’unités résidentielles, d’<strong>espaces</strong> intermédiaires voués à <strong>des</strong><br />

pratiques <strong>et</strong> usages collectifs, se propose d’améliorer les relations de voisinage <strong>et</strong> les relations<br />

<strong>des</strong> habitants à l’espace, rapports souvent considérés jusque-là comme creux <strong>et</strong> insignifiants.<br />

Ainsi « l’un <strong>des</strong> objectifs, peut-être le plus fondamental, poursuivi par la résidentialisation, est de<br />

faciliter le développement de relations positives <strong>et</strong> plus intenses entre les habitants » 125, <strong>et</strong> ce,<br />

par la création de nouveaux <strong>espaces</strong> à l’intérieur <strong>des</strong>quels ils pourront exercer de nouvelles<br />

actions communes. Mais, encore faut-il avoir une connaissance de l’état de ces relations de<br />

voisinage <strong>et</strong> <strong>des</strong> rapports aux <strong>espaces</strong> <strong>des</strong> habitants de ces grands ensembles. C’est ce que je<br />

propose d’entreprendre dans la suite du présent travail : observer <strong>et</strong> déterminer en quoi la<br />

résidentialisation peut influencer les relations de voisinage, les rapports d’<strong>appropriation</strong> <strong>et</strong> les<br />

perceptions du quartier. Pour cela, je baserai mon étude sur un grand ensemble dans lequel le<br />

processus de résidentialisation est déjà bien avancé : le quartier Teisseire de Grenoble.<br />

125 AMANOU E., BASTIDE C., DUNOYER DE SEGONZAC P., DURAND D., LELEVRIER C., op. cit., page 27.<br />

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<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Deuxième Partie.<br />

Un Un Un exemple exemple de de résidentialisation résidentialisation : : Le Quartier<br />

Teisseire Teisseire Teisseire de de Grenoble.<br />

Grenoble.<br />

126.<br />

Teisseire, Teisseire, héritier héritier d’une d’une histoire histoire 126<br />

Après la Seconde Guerre Mondiale, Grenoble, comme toutes les villes de France, entre dans une<br />

période de reconstruction : en 1945, la ville ne compte plus qu’un millier de logements sociaux.<br />

Alors qu’entre 1945 <strong>et</strong> 1954, seuls 7 000 logements sont construits, ce n’est qu’en 1955 que<br />

les choses s’accélèrent avec l’industrialisation du bâtiment, la production de masse <strong>et</strong> la<br />

réalisation au même endroit de plusieurs centaines de logements. C’est dans ce contexte que la<br />

Ville de Grenoble décide d’ériger, sous le mandat municipal de Léon MARTIN, le quartier<br />

Teisseire, en deux tranches, en 1958 <strong>et</strong> 1959, soit 1 300 logements au total. Ainsi, après Bron<br />

(banlieue de Lyon, 2 500 logements, 1954-1957) <strong>et</strong> Beaulieu (Saint-Etienne, 1 262 logements,<br />

1955), le quartier Teisseire constitue le premier grand ensemble grenoblois composé de plus de<br />

mille logements.<br />

Située au Sud Est de l’agglomération grenobloise - plus particulièrement dans le secteur 5 de la<br />

Ville de Grenoble – la « Cité Teisseire » 127 représentait, à l’époque de sa construction, le début de<br />

« l’ère <strong>des</strong> cités », de l’utopie sociale aspirée par le Mouvement Moderne. Pourtant, comme pour<br />

nombre de grands ensembles, le prestige de Teisseire fut court. Assez rapidement, le quartier <strong>et</strong><br />

ses habitants se heurtent à <strong>des</strong> problèmes qui se succèderont tout au long <strong>des</strong> années <strong>et</strong><br />

laisseront, dans les mémoires, <strong>des</strong> souvenirs douloureux, <strong>et</strong> dans la ville, une mauvaise<br />

renommée du quartier.<br />

126 Sources utilisées pour le contexte historique :<br />

BOULLET J., Les enjeux de la démolition <strong>des</strong> grands ensembles : le cas du quartier Teisseire, Institut d’Urbanisme de<br />

Grenoble, 2001, 78 pages.<br />

CAMU J., Le marché de définition simultané : procédure pertinente pour l’émergence d’un proj<strong>et</strong> urbain ?, Institut<br />

d’Urbanisme de Grenoble, 2001, 162 pages.<br />

ECOLE D’ARCHITECTURE DE GRENOBLE - C10 STUDIO SAMUEL EVA, MOCH URIEL, LOUIS LAURENT, Quartier Teisseire :<br />

Amorces <strong>et</strong> reprises – Phase 1 : Analyse <strong>urbaine</strong>, 1996/1997, 53 pages.<br />

127 C'est ainsi que les Grenoblois l’appellent.<br />

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<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ILLUSTRATION 4 : TEISSEIRE, HERITIER D’UNE HISTOIRE. 128<br />

Aujourd’hui, Teisseire est classé en Zone Urbaine Sensible depuis 1994, <strong>et</strong> fait l’obj<strong>et</strong> depuis<br />

1998 d’un proj<strong>et</strong> de renouvellement urbain. Opération au statut expérimental <strong>et</strong> à l’ampleur<br />

incomparable, « la requalification de la cité Teisseire est une référence pour qui évoque le suj<strong>et</strong><br />

de la résidentialisation » 129. En 2007, l’opération est aux deux-tiers du parcours <strong>et</strong> le moment est<br />

propice pour en tirer un premier bilan.<br />

C’est ce contexte que nous tâcherons de présenter dans c<strong>et</strong>te partie : le quartier Teisseire, son<br />

histoire <strong>et</strong> le proj<strong>et</strong> de résidentialisation que la Ville de Grenoble y a engagé.<br />

128 GAILLARD L., Opération Teisseire. Requalification d’un grand ensemble, Accueil de la délégation de Bologne, 29 <strong>et</strong><br />

30 Mars 2007.<br />

129 COPPE G., « Un proj<strong>et</strong> qui s’inscrit dans la durée », in CERTU, VILLE DE GRENOBLE, op.cit., page 77.<br />

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<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ILLUSTRATION 5 : TEISSEIRE, UN QUARTIER AU SUD-EST DE GRENOBLE. 130<br />

130 Photographie obtenue à partir de Google Earth.<br />

ARANTES Laëtitia 60


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

1. Teisseire Teisseire : : Une situation géographique originale. originale.<br />

Réalisé entre 1958 <strong>et</strong> 1962 par l’OPHLM de la Ville de Grenoble (aujourd'hui dénommé Actis),<br />

Teisseire est le premier grand ensemble construit dans l’agglomération grenobloise.<br />

1.1. Sa position dans la ville.<br />

A ce moment, la Ville investit pour la première fois <strong>et</strong> surtout de manière étendue 131 l’autre côté<br />

de l’ancienne voie ferrée 132, perçue jusqu’en 1960 comme la limite physique Sud de l’expansion<br />

<strong>urbaine</strong> Grenobloise.<br />

ILLUSTRATION 6 : TEISSEIRE AVANT URBANISATION EN 1955 ET TEISSEIRE - ETAT DES LIEUX EN 1998. 133<br />

A l’époque très marécageux, le territoire de l’actuelle cité Teisseire doit être consacré<br />

exclusivement à l’agriculture. Situé au sud-est de la Ville de Grenoble, au nord de la limite<br />

communale entre Grenoble <strong>et</strong> Saint-Martin-d'Hères, à l’ouest de l’avenue Jean Perrot, ce<br />

positionnement géographique lui fut d’ailleurs au début préjudiciable : dans un premier temps, la<br />

131 Le site Teisseire recouvre 26 hectares.<br />

132 L’ancienne voie ferrée reliait Grenoble à Chambéry. C<strong>et</strong>te ancienne voie est désaffectée depuis 1965.<br />

133 ARPENTEURS, Ville de Grenoble, Quartier Teisseire : Schéma directeur de Réaménagement <strong>des</strong> Espaces Publics <strong>et</strong><br />

d’Implantation <strong>des</strong> Equipements, novembre 1996.<br />

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<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Ville dut exproprier quelques propriétaires terriens pour la construction <strong>des</strong> logements. Mais<br />

encore, le territoire choisi pour la construction <strong>des</strong> HLM étant traversé par les limites<br />

communales entre Grenoble <strong>et</strong> Saint-Martin-d'Hères, il n’a pu faire l’obj<strong>et</strong> d’une prise en compte<br />

unitaire susceptible de lui conférer de la cohérence. Ceci est notamment visible le long de<br />

l’avenue Léon Jouhaux où l’on voit la cité Teisseire soutenir un vis-à-vis déséquilibré avec un tissu<br />

mi-pavillonnaire, mi-rural, <strong>et</strong> où se juxtaposent <strong>des</strong> maisons individuelles <strong>et</strong> <strong>des</strong> champs.<br />

Ainsi, Teisseire, en se positionnant au-delà de la limite constituée par l’ancienne ligne de chemin<br />

de fer, a étendu de façon significative le domaine urbain de Grenoble. La cité s’inscrit de c<strong>et</strong>te<br />

manière dans la logique d’expansion <strong>urbaine</strong> volontaire qui fut celle <strong>des</strong> années d’après guerre <strong>et</strong><br />

qui connurent leur développement maximum durant les années 1960-70.<br />

134 Photographie aérienne obtenue sur www.mappy.fr.<br />

ILLUSTRATION 7 : VUE AERIENNE DE TEISSEIRE EN 2003. 134<br />

ARANTES Laëtitia 62


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

1.2. Un quartier victime de son organisation viaire 135.<br />

Au début <strong>des</strong> années 1990, inscrit dans une sorte de triangle, pointe dirigée vers le Sud,<br />

Teisseire appartient aux quartiers Sud de Grenoble. Mais son organisation est tributaire d’un<br />

tramage viaire où les voies de gran<strong>des</strong> largeurs découpent <strong>des</strong> îlots surdimensionnés <strong>et</strong> occupés<br />

par <strong>des</strong> opérations de logements collectifs <strong>et</strong> quelques équipements.<br />

Ainsi, le quartier Teisseire est délimité par de gran<strong>des</strong> avenues dont l’importance est inégale :<br />

L’avenue ’avenue Jean Perrot (route départementale 5, tracé royal du XVIIIème siècle) fait partie du<br />

réseau structurant de l’agglomération ; elle a une fonction de circulation prépondérante<br />

(15 000 véhicules par jour), ce qui en fait un obstacle à l’intégration du quartier dans la<br />

ville. Le long de c<strong>et</strong>te avenue, les habitations ne sont pas étendues très loin. Merlin Gerin<br />

s’étale sur plus de la moitié de la portion d’avenue qui longe Teisseire 2. Sur la portion<br />

restante, le regard <strong>des</strong> immeubles est tourné vers l’intérieur de Teisseire.<br />

Les Les avenues avenues Léon Léon Jouhaux Jouhaux <strong>et</strong> <strong>et</strong> <strong>des</strong> <strong>des</strong> Jeux Jeux Olympiques Olympiques sont <strong>des</strong> voies de distribution qui ont<br />

pour mission de perm<strong>et</strong>tre les liaisons inter quartiers. Les fonctions de circulation <strong>et</strong> de vie<br />

locale doivent y cohabiter.<br />

o L’avenue L’avenue <strong>des</strong> <strong>des</strong> <strong>des</strong> Jeux Jeux Olympiq Olympiques Olympiq ues constitue la limite entre les quartiers Teisseire <strong>et</strong><br />

Jouhaux. Le trafic y est très dense (5 000 véhicules par jour). L’organisation de<br />

l’espace le long de c<strong>et</strong>te avenue renforce le phénomène d’isolement du quartier : le<br />

long de c<strong>et</strong>te avenue, se trouve une usine de grande taille, Merlin Gérin, qui masque<br />

le quartier <strong>et</strong> relègue les habitations vers l’intérieur. De ce fait, il n’y a pas de relation<br />

entre Teisseire <strong>et</strong> Jouhaux.<br />

o L’avenue L’avenue Léon Léon Jouhaux Jouhaux constitue la frontière entre le quartier Teisseire <strong>et</strong> la ville de<br />

Saint Martin d’Hères. Le trafic y est important (7 300 à 13 000 véhicules par jour<br />

suivant les sections). C<strong>et</strong>te avenue ferme le quartier sur la ville à cause de la<br />

présence de bâtiments industriels <strong>et</strong> de bureaux (centre de dépôt <strong>et</strong> de déch<strong>et</strong>s), de<br />

terrains vagues, <strong>et</strong> du complexe sportif. De ce fait, il n’y a pas d’habitat proche de ce<br />

côté <strong>et</strong> le quartier est isolé.<br />

La La rue rue Paul Paul Cocat Cocat Cocat est une voie de distribution. Artère principale du quartier, elle le coupe en<br />

deux (au Nord de c<strong>et</strong>te rue, se trouve Teisseire II <strong>et</strong> au Sud, Teisseire I).<br />

En 1978, la procédure Habitat <strong>et</strong> Vie Sociale reconnaîtra l’importance de c<strong>et</strong>te rue pour la<br />

<strong>des</strong>serte <strong>et</strong> la vie du quartier, <strong>et</strong> en interdira toute coupure : « Toute coupure de c<strong>et</strong>te voie<br />

devrait être exclue pour ne pas fermer la Cité sur elle-même. »<br />

135 PICHON T., La Politique de la ville en question – Une approche globale ? Un exemple d’application locale à travers<br />

le quartier de Teisseire, Institut d’Urbanisme de Grenoble, 1999, 98 pages.<br />

ARANTES Laëtitia 63


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Les voies internes du quartier sont toutes <strong>des</strong> voies de <strong>des</strong>serte, y compris l’avenue<br />

l’avenue<br />

Teisseire Teisseire (route départementale 269a), qui correspond à l’avenue qui longe Teisseire I.<br />

Le quartier, ainsi délimité par ces gran<strong>des</strong> avenues, présente un enclavement certain.<br />

136 Ibid.<br />

ILLUSTRATION 8 : HIERARCHIE DU RESEAU VIAIRE. 136<br />

ARANTES Laëtitia 64


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

2. 2. Teisseire Teisseire : Une histoire riche mais lourde à porter.<br />

Héritier de l’architecture moderne, comme tout grand ensemble, le quartier Teisseire était voué à<br />

ses origines à apporter confort <strong>et</strong> qualité de vie à ses habitants. Comme tout grand ensemble,<br />

Teisseire était un « proj<strong>et</strong>, un progrès fantastique. C'était un avenir radieux » 137.<br />

2.1. La construction de Teisseire : l’utopie familiale.<br />

Inscrite dans la deuxième phase de développement <strong>des</strong> grands boulevards, décision municipale<br />

<strong>des</strong> années 1930 <strong>des</strong>tinés à décongestionner le centre-ville 138, la cité Teisseire <strong>et</strong> ses 2 000<br />

logements, commandés par l’Office HLM de la Ville de Grenoble, sont conçus par les architectes<br />

DESCOTES <strong>et</strong> GENON, épaulés par trois architectes d’opération, MAILLOT, DEMARTINI <strong>et</strong> SICARD.<br />

2.1.1. 2.1.1. Une Une réalisation réalisation innovante innovante. innovante<br />

Dans ce contexte, la Cité Teisseire est conçue <strong>et</strong> réalisée entre 1958 <strong>et</strong> 1962, dans un climat<br />

idéologique de production de « logements populaires », <strong>et</strong> ce, sous deux municipalités<br />

différentes : celles de Léon Martin <strong>et</strong> d’Albert Michalon. « L’époque était à l’urgence <strong>et</strong> l’on<br />

réalisait sans hésitation quinze cents logements d’un coup en deux types de bâtiments : tours <strong>et</strong><br />

barres, avec <strong>des</strong> plans identiques » 139. Dans le cas de Teisseire, le plan de masse est simple, la<br />

trame bâtie orthogonale <strong>et</strong> les immeubles plus orientés en fonction de l’ensoleillement que de<br />

l’alignement <strong>des</strong> rues. Le quartier, qui prévoit à ce moment-là 31 « barres » de deux à quatre<br />

étages <strong>et</strong> sept « tours » de onze étages, pour un total de 1 307 logements, est séparé en deux<br />

tranches qui se disposent de part <strong>et</strong> d’autre d’une large avenue : l’avenue Jean Perrot, qui relie le<br />

quartier à la ville en s’élargissant pour former une place d’entrée.<br />

La première tranche, Teisseire I, située au Sud de l’avenue Paul Cocat, est délimitée par<br />

la rue Léon Jouhaux <strong>et</strong> l’avenue Teisseire, <strong>et</strong> est composée de 658 logements répartis<br />

en 19 bâtiments. Son plan masse est adopté le 02 février 1956. Teisseire I est la<br />

première opération réalisée en secteur industrialisé.<br />

La deuxième tranche, Teisseire II, au Nord de l’avenue, est quant à elle délimitée par la<br />

rue Léon Jouhaux <strong>et</strong> l’avenue Jean Perrot, <strong>et</strong> est composée de 20 bâtiments qui<br />

comptent 610 logements. Le programme de Teisseire II est mis à l’étude le 22 juill<strong>et</strong><br />

1957.<br />

137 Entr<strong>et</strong>ien avec Guillaume COPPE, op.cit.<br />

138 Opération confiée à une régie foncière : la Ville se charge <strong>des</strong> expropriations <strong>et</strong> la régie, <strong>des</strong> achats de terrains, <strong>des</strong><br />

travaux de VRD <strong>et</strong> <strong>des</strong> lotissements <strong>et</strong> de la revente <strong>des</strong> lots. La construction, qui s’étend du parc Mistral jusqu’au<br />

Drac, est établie en trois tranches : 1937, 1952, 1960.<br />

139 ATELIER Philippe PANERAI, Teisseire : de la cité au quartier, Mars 1998, page 5.<br />

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<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ILLUSTRATION 9 : LES DEUX TRANCHES DE TEISSEIRE. 140<br />

En 1959, la presse ne tarit pas d’éloge sur l’opération Teysseire 141, m<strong>et</strong>tant en avant les<br />

nouvelles techniques de construction, le confort <strong>et</strong> même la rationalité <strong>des</strong> appartements :<br />

« La visite d’un appartement témoin nous a personnellement édifié par tout ce que<br />

nous y avons découvert de rationnel <strong>et</strong> de pratique, de confortable également […].<br />

C’est ainsi que dans chaque immeuble a été prévu, situé à l’entrée <strong>et</strong> d’accès<br />

extrêmement facile, un passage de voiture d’enfants, à l’intérieur <strong>des</strong> appartements,<br />

d’énormes placards, de vastes penderies <strong>et</strong> surfaces de rangement. […] murs doublés,<br />

plafonds chauffants, tels sont encore les avantages dont bénéficieront les Grenoblois<br />

de ce futur <strong>et</strong> très prochain quartier, lequel sera, à coup sûr, l’un <strong>des</strong> plus<br />

spectaculaires de notre ville. » 142<br />

140 ECOLE D’ARCHITECTURE DE GRENOBLE - C10 STUDIO SAMUEL EVA, MOCH URIEL, LOUIS LAURENT, op.cit.<br />

141 Orthographe de l’époque.<br />

142 Article dans le Dauphiné Libéré, 20 février 1959.<br />

ARANTES Laëtitia 66


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

D’ailleurs, les premiers temps, les habitants partagent de loin c<strong>et</strong> avis.<br />

« J’étais très, très contente de venir ici, parce qu’on avait tout le confort. Là où on<br />

habitait, on n’avait ni l’eau, ni le toil<strong>et</strong>te. C'était pas comme maintenant. Quand on est<br />

arrivés ici, on avait 4 pièces avec 5 gosses, on avait l’eau, la salle de bain. »<br />

Ec5, femme, 86 ans, résidente, anc. 47 ans.<br />

« C'est agréable quand vous arrivez de la ville où vous étiez obligés de vous chauffer<br />

vous-mêmes, d’allumer tous les jours, <strong>et</strong> que vous arrivez, c'est le jour, c'est la nuit,<br />

c'est toujours chauffé. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, anc. 48 ans.<br />

Ce qu’ils apprécient surtout, c'est l’aspect campagnard <strong>et</strong> convivial du quartier : les immenses<br />

vi<strong>des</strong> « naturels » du quartier font le bonheur <strong>des</strong> enfants, <strong>et</strong> <strong>des</strong> parents. La vie de quartier est<br />

<strong>des</strong> plus conviviales.<br />

« Quand on est arrivés ici, mes enfants m’ont dit ‘‘regarde maman, on n’aura plus<br />

besoin d’aller au parc, on a deux parc ici’’. Là il suffisait de <strong>des</strong>cendre <strong>et</strong> on était au<br />

parc. C'était la liberté à Teisseire. Tout en étant à la campagne. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, anc. 48 ans.<br />

« Quand je suis arrivée ici, j’étais ravie. Parce que j’avais <strong>des</strong> chambres, j’avais une<br />

salle de bain – où j’habitais à Sassenage, je n’en avais pas. Puis, y avait pas les gens<br />

qu’il y a maintenant. Y avait pas d’Arabes. Dans notre montée, c'était <strong>des</strong> Français, <strong>des</strong><br />

Italiens, c'est tout. On s’entendait très bien, on bavardait. »<br />

Ei16, Femme, 82 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Comme pour tout grand ensemble, les premiers fonds sont réservés à la construction de<br />

logements, les commerces <strong>et</strong> équipements étant prévus ultérieurement. Aussi le quartier ne<br />

compte-t-il au départ aucun commerce (il faudra attendre quelques années avant de voir<br />

s’installer les premiers équipements <strong>et</strong> commerces). Pourtant, les habitants sont plus que<br />

satisfaits : les marchands ambulants sillonnent le quartier <strong>et</strong> y amènent ainsi plus de rencontres<br />

<strong>et</strong> de contact.<br />

« Mais ce qu’on n’avait pas à l’époque, c'était les commerçants. On l’a dit, <strong>et</strong> on le redit<br />

maintenant, quand les ingénieurs, tout ce p<strong>et</strong>it monde gratiné, préparent –<br />

maintenant ça a changé un p<strong>et</strong>it peu – préparent un lot d’habitations, ils font les<br />

logements mais ils ne m<strong>et</strong>tent pas ce qui va avec. Donc on s’est r<strong>et</strong>rouvé 1 348<br />

familles sans un magasin. Donc on n’avait rien <strong>et</strong> c'était les marchands ambulants qui<br />

passaient. Et c'était un régal, parce qu’on <strong>des</strong>cendait <strong>et</strong> on discutait. C'était familial. Et<br />

on dépensait beaucoup moins d’argent. Parce qu’on <strong>des</strong>cendait pour ach<strong>et</strong>er le<br />

nécessaire. »<br />

2.1.2. 2.1.2. 2.1.2. Un Un parc parc de de logements logements unique.<br />

unique.<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, anc. 48 ans.<br />

Par ailleurs, à l’origine, le parc est géré par un seul <strong>et</strong> unique bailleur : l’Opale (qui deviendra Actis<br />

en 2002). Le quartier ne compte aucune maison individuelle. Les p<strong>et</strong>its collectifs (moins de vingt<br />

logements) sont majoritaires : ils représentent près <strong>des</strong> deux-tiers <strong>des</strong> immeubles du quartier.<br />

ARANTES Laëtitia 67


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Les tours comprennent 297 logements, soit 23% <strong>des</strong> logements du quartier. Elles sont<br />

composées à 94% de logements type 3. Quant aux barres, elles sont de différentes longueurs <strong>et</strong><br />

regroupent de deux à six montées, soit 8 à 60 logements du type 1 au type 6, avec une forte<br />

dominante de p<strong>et</strong>its logements. En ce qui concerne la taille <strong>des</strong> logements, Teisseire est<br />

caractérisée par <strong>des</strong> logements de p<strong>et</strong>ites tailles (T1, T2, T3) : leur proportion est de 66%. Les<br />

grands logements, pour leur part, sont sous représentés par rapport au reste de la ville : 10% de<br />

grands logements (5 pièces <strong>et</strong> plus) à Teisseire, contre plus du double dans le reste de la ville.<br />

143.<br />

2.1.3. 2.1.3. Un Un quartier quartier très très familial familial 143<br />

Les Les premiers premiers habitants habitants de de Teisseire.<br />

Teisseire.<br />

Les premiers habitants (172 familles) de la Cité s’installent en décembre 1959 dans les cinq<br />

premiers immeubles qui avaient pu être terminés pour c<strong>et</strong>te date. Les derniers habitants<br />

emménagent en mai 1962 dans les immeubles de la deuxième tranche. Dans l’attribution <strong>des</strong><br />

logements, priorité est donnée aux ménages migrants, aux « délogés » de l’opération République<br />

du centre, aux rapatriés, <strong>et</strong> également aux étudiants (50 logements leur sont réservés).<br />

Ainsi, en 1962, sur 5 543 habitants, le quartier recense en majorité une population ouvrière (soit<br />

61,1% de la population active 144), dont une grande partie est constituée <strong>des</strong> travailleurs de<br />

l’usine Merlin Gerin (ultérieurement démolie) qui occupe, au nord du quartier, plus de quatre<br />

hectares en bordure de l’actuelle avenue <strong>des</strong> Jeux Olympiques.<br />

Familles Familles nombre nombreuses<br />

nombre uses <strong>et</strong> <strong>et</strong> bas salaires.<br />

Par ailleurs, dans la cité Teisseire, on observe une forte proportion de familles nombreuses. En<br />

moyenne, le nombre d’enfants par famille est de 2,36.<br />

Parmi tous les ménages, 78,8% ont <strong>des</strong> enfants. Les jeunes de moins de 20 ans représentent<br />

plus de 50% de la population du quartier : sur 5 543 individus, 3 085 sont <strong>des</strong> enfants <strong>et</strong><br />

adolescents de moins de 20 ans, dont 1 900 de moins de 10 ans.<br />

En moyenne, les revenus sont faibles dans le quartier : seulement 52% <strong>des</strong> hommes ont un<br />

salaire supérieur à 500 francs 145 par mois ; <strong>et</strong> seulement 43,4% pour les femmes.<br />

143 Sources utilisées pour les données chiffrées citées :<br />

DARAN M., Pour une lecture systématique de la ville – Le cas <strong>des</strong> quartiers Teisseire <strong>et</strong> Berriat de Grenoble, Institut<br />

d’Etu<strong>des</strong> Politiques (Mémoire de DEA), mars 1974, 60 pages.<br />

PICHON T., op.cit.<br />

144 Ce taux est n<strong>et</strong>tement supérieur à la moyenne <strong>des</strong> grands ensembles de province de l’époque.<br />

145 On parle ici de francs 1962.<br />

ARANTES Laëtitia 68


Une Une population population population peu peu étrangère.<br />

étrangère.<br />

<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Aux origines du quartier, parmi les habitants de Teisseire, on compte un faible nombre<br />

d’étrangers : ils représentent en eff<strong>et</strong> 6,6% de la population <strong>et</strong> sont surtout composés d’Italiens.<br />

Par ailleurs, un certain nombre de familles dites « asociales » évacuées du centre-ville ont été<br />

relogées dans la cité ; parmi elles, on note un groupe de gitans dont une partie s’est, depuis,<br />

stabilisée sur la Cité.<br />

« Au début, à Teisseire, c'était surtout <strong>des</strong> Pieds Noirs, <strong>des</strong> Italiens, <strong>des</strong> Espagnols. »<br />

Ei7, Femme, 70 ans, première résidence, anc. 41 ans.<br />

Ainsi, à ses débuts, le quartier Teisseire accueille essentiellement <strong>des</strong> familles nombreuses.<br />

Ménages aux faibles ressources, la plupart <strong>des</strong> actifs sont <strong>des</strong> ouvriers de l’usine Merlin Gerin,<br />

installée sur le quartier. Composée majoritairement de rapatriés, la composition originelle de<br />

Teisseire compte très peu d’étrangers.<br />

2.2. Teisseire : <strong>des</strong> débuts problématiques.<br />

A l’origine <strong>des</strong>tinée à faire le bonheur de ses habitants, l’histoire de Teisseire est pourtant<br />

étroitement liée à l’histoire <strong>des</strong> « problèmes » qu’elle a connus. En 1962, alors même que les<br />

derniers logements viennent d’être livrés, les conditions d’occupation du logement s’avèrent déjà<br />

difficiles : 45% <strong>des</strong> logements sont en suroccupation, dont 10% en suroccupation critique (c'est-<br />

à-dire plus de deux personnes par pièce).<br />

2.2.1. 2.2.1. 2.2.1. Le Le Le parti parti urbanistique urbanistique urbanistique <strong>et</strong> <strong>et</strong> architectural architectural de de Teisseire Teisseire : : <strong>des</strong> <strong>des</strong> problèmes problèmes dès<br />

dès<br />

l’origine.<br />

l’origine.<br />

Une Une morpholog morphologie morpholog ie particulièrement intéressante…<br />

A ses débuts, le parti urbanistique de Teisseire est relativement intéressant : les immeubles plus<br />

orientés en fonction de l’ensoleillement que de l’alignement <strong>des</strong> rues définissent <strong>des</strong> sous-<br />

ensembles géométriques créant ainsi une série d’<strong>espaces</strong> de proximité au pied <strong>des</strong> immeubles<br />

(<strong>espaces</strong> verts plantés, terrains de sport, plac<strong>et</strong>te, <strong>et</strong>c.). Ainsi, Teisseire se remarque par ses<br />

<strong>espaces</strong> clos, qui créent <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> presque privés (voir illustration 9). D’ailleurs, il est<br />

intéressant de constater que le plan d’aménagement d’Henry Bernard 146 prend pour référence le<br />

parti pris architectural de la cité Teisseire. En eff<strong>et</strong>, dans la logique de Bernard, la volumétrie, les<br />

choix d’implantation <strong>des</strong> immeubles, la densité bâtie de Teisseire, étaient <strong>des</strong> références<br />

146 Architecte diplômé par le gouvernement (DPLG) en 1938 <strong>et</strong> Premier Grand Prix de Rome, Henry Bernard devient<br />

inspecteur général <strong>des</strong> Bâtiments civils <strong>et</strong> palais nationaux, urbaniste en chef de la ville de Grenoble puis de l’Atelier<br />

parisien d’urbanisme (APUR) <strong>et</strong> chef d’atelier à l’École nationale supérieure <strong>des</strong> Beaux-arts de Paris. Il est élu membre<br />

de l'Académie <strong>des</strong> Beaux-arts en 1968.<br />

ARANTES Laëtitia 69


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

<strong>urbaine</strong>s qui méritaient d’être développées <strong>et</strong> reproduites sur la partie Sud du territoire<br />

Grenoblois.<br />

Par ailleurs, Teisseire, première cité HLM de Grenoble, innove également dans la répartition de<br />

ses équipements publics. En eff<strong>et</strong>, ce quartier est le premier pour lequel la Ville de Grenoble<br />

s’applique dès le début à m<strong>et</strong>tre en œuvre les équipements de proximité nécessaires à la vie <strong>des</strong><br />

habitants : écoles, Maison de la Jeunesse <strong>et</strong> de la Culture, bibliothèque, centre social, maison de<br />

l’enfance, bureau de Poste, CODASE (Comité Dauphinois d’Action Socio-Educative)... « A c<strong>et</strong><br />

égard, le quartier a toujours été correctement doté de services » 147. Même si, pour cela, Teisseire<br />

devra tout de même attendre huit ans pour avoir un bureau de Poste, trois ans pour une classe<br />

primaire, <strong>et</strong> aussi pour ses premiers commerces 148. Il faudra attendre de la même façon pour<br />

qu’une ligne de bus relie Teisseire au centre-ville, pour qu’un centre social <strong>et</strong> une MJC 149 soient<br />

construits (en 1965).<br />

… … mais, mais, dde<br />

d e sérieuses défectuosités dans la construction <strong>et</strong> l’aménagement.<br />

Néanmoins, malgré c<strong>et</strong>te innovation <strong>urbaine</strong>, l’apparence <strong>des</strong> bâtiments est <strong>des</strong> plus simples <strong>et</strong><br />

le traitement <strong>des</strong> abords réduits au minimum (revêtement asphalté nécessaire à l’accès <strong>des</strong><br />

véhicules, mobilier urbain disparate <strong>et</strong> en mauvais état, éclairage insuffisant, <strong>et</strong>c.). Les halls<br />

d’entrée <strong>des</strong> bâtiments <strong>et</strong> les montées d’escaliers sont également traités comme de sommaires<br />

<strong>espaces</strong> de circulation. Tout autant de pathologies qui existent depuis les origines de Teisseire.<br />

En eff<strong>et</strong>, que ce soit lors de l’installation <strong>des</strong> premières familles en 1959 ou lors <strong>des</strong> dernières<br />

installations trois ans plus tard, la Cité ressemble toujours à un chantier (terrains vagues, pas de<br />

pelouses, pas d’allées goudronnées, de trottoirs, pas d’éclairage) tandis que les logements <strong>et</strong> les<br />

immeubles commencent déjà à se dégrader. Si l’on n’a pas lésiné sur les <strong>espaces</strong> verts (on a<br />

rarement un vis-à-vis gênant avec l’immeuble d’en face), l’étroitesse <strong>des</strong> pièces, surtout de la<br />

cuisine (4m²) fait de ces immeubles un ensemble mal adapté à la taille <strong>des</strong> familles. D’ailleurs, le<br />

pré-dossier de présentation de l’opération HVS en 1978 attestera de c<strong>et</strong>te inadaptation :<br />

« Aucun logement à Teysseire ne peut accueillir plus de 7 personnes, mis à part les 11<br />

logements jumelés (2 F3), alors que 59 ménages ont de 8 à 19 personnes » 150 .<br />

Pourtant les gran<strong>des</strong> familles sont nombreuses sur le quartier. En 1962, alors même que les<br />

derniers logements viennent d’être livrés, les conditions d’occupation du logement s’avèrent déjà<br />

difficiles. Les anciens s’en souviennent encore…<br />

147 COPPE G., op. cit., page 77<br />

148 Un pressing <strong>et</strong> une cordonnerie !<br />

149 Maison de la Jeunesse <strong>et</strong> de la Culture.<br />

150 Agence d’Urbanisme de la Région Grenobloise, Opération « Habitat <strong>et</strong> Vie Sociale » à Teisseire -1978-1980, 1978,<br />

18 pages.<br />

ARANTES Laëtitia 70


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« Des gran<strong>des</strong> familles, y en avait une qui avait 17 enfants. Quand j’ai emménagé, elle<br />

attendait son septième enfant, <strong>et</strong> elle n’avait qu’un F5. Y avait <strong>des</strong> familles de dix<br />

enfants. Y avait beaucoup de gran<strong>des</strong> familles. Mais ils n’avaient pas pensé à ça. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, anc. 48 ans.<br />

D’ailleurs, en 1961, une cérémonie est organisée en présence de M. Albert MICHALON, maire de<br />

Grenoble, pour rem<strong>et</strong>tre les clefs du millième appartement à une famille de huit personnes, qui<br />

vivait jusqu’alors dans un taudis de deux pièces. Déjà ici apparaissent les premières<br />

incohérences de l’attribution <strong>des</strong> logements : la sur-occupation du lieu d’habitat, sachant que les<br />

appartements ne dépassent pas le T6. Les travaux ne sont pas terminés que déjà les problèmes<br />

commencent…<br />

2.2.2. 2.2.2. Création Création d’une d’une association association de de locataires.<br />

locataires.<br />

Ces premières difficultés seront fortement ressenties par les habitants du quartier qui auront très<br />

rapidement le sentiment d’être les laissés pour compte de l’urbanisation grenobloise. Les<br />

habitants s’inquiètent : les enfants jouent dans <strong>des</strong> terrains vagues non aménagés, l’école Jean<br />

Racine, construite en même temps que les logements, est suroccupée, les loyers augmentent, le<br />

chauffage collectif fonctionne mal. Les premières plaintes de dégradations arrivent. La presse<br />

locale s’en fait d’ailleurs l’écho :<br />

« Le plâtre <strong>des</strong> plafonds tombe dans la soupe. »<br />

« Les abattants <strong>des</strong> cabin<strong>et</strong>s ont cassé presque tous en même temps. Les fenêtres<br />

s’ouvrent à l’extérieur (curieuse conception) <strong>et</strong> les persiennes manquent aux<br />

habitu<strong>des</strong> <strong>des</strong> ménagères françaises. » 151<br />

Face à ces revendications, m<strong>et</strong>tant en avant <strong>des</strong> travaux vite exécutés <strong>et</strong> l’installation de familles<br />

alors que le chantier n’est pas encore terminé, l’office HLM est quelque peu désarmé mais<br />

dédramatise c<strong>et</strong>te situation en rappelant que ces logements constituent une véritable bouée de<br />

sauv<strong>et</strong>age pour certaines familles car ils leur perm<strong>et</strong>tent de sortir d’endroits miséreux.<br />

« Fallait-il attendre que tout fût fin prêt pour loger 701 ménages <strong>et</strong> leurs enfants ? On<br />

va loger plus de cent ménages à Teisseire seconde tranche où les travaux<br />

continuent.» 152<br />

Dans ce contexte, en 1961, alors même que les logements ne sont pas tous livrés, une<br />

association de locataires se crée : l’Association de Quartier qui restera encore très active par la<br />

suite.<br />

151 Le Progrès Dauphinois, 9 juin 1961.<br />

152 Ibid., entr<strong>et</strong>ien avec M. TROMBERT, directeur <strong>des</strong> HLM.<br />

ARANTES Laëtitia 71


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

2.2.3. 2.2.3. Luttes Luttes <strong>et</strong> <strong>et</strong> <strong>et</strong> conflits conflits de de la la Cité Cité Teisseire.<br />

Teisseire.<br />

En eff<strong>et</strong>, le principal problème qu’ait connu Teisseire depuis ses premiers jours d’existence la<br />

poursuit pendant de longues années, sous forme de grèves successives. Il s’agit du vaste conflit<br />

entre les habitants <strong>et</strong> l’OPHLM engendré par la défectuosité notoire du chauffage urbain collectif<br />

dès 1960. Sans chauffage pendant deux hivers, l’Office leur réclamant pourtant le règlement <strong>des</strong><br />

frais, les Teisseirois font une grève <strong>des</strong> loyers.<br />

« On a eu une grève de chauffage, pas parce qu’on était mal chauffés – au début, on<br />

était très mal chauffés, mais c'était une vieille chaufferie <strong>et</strong> après ils ont construits la<br />

nouvelle chaufferie dans les années 60, donc on n’a pas beaucoup été gelé par le<br />

mauvais chauffage. Mais ce qu’il y a, c'est que d’un seul coup, ils se sont crus j’sais<br />

pas où, le coût a beaucoup, beaucoup augmenté. Et les gens se sont dits : ‘‘mais c'est<br />

impossible, on ne peut pas payer le double comme ça’’. Alors on a fait la ‘‘grève <strong>des</strong><br />

loyers’’ – ils ont appelé ça comme ça. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, anc. 48 ans.<br />

Finalement, cinq ans plus tard, après maintes actions revendicatrices, les Teisseirois obtiennent<br />

gain de cause. Mais, l’office HLM se désintéresse du sort de la Cité, qui va se dégrader de plus en<br />

plus. C’est ainsi que l’on peut lire dans un rapport rédigé sur Teisseire en 1969 par le Centre<br />

d’Etude <strong>des</strong> Equipements Résidentiels :<br />

« Plus que la structure, ce qui caractérise Teisseire est sans doute l’aspect général <strong>et</strong><br />

de sérieuses défectuosités dans la construction <strong>et</strong> l’aménagement. Le quartier n’est<br />

pas beau. Architecture banale, manque de finition, dominante grise <strong>des</strong> immeubles ;<br />

les <strong>espaces</strong> extérieurs sont sales, en partie par manque de discipline individuelle, en<br />

partie par insuffisance <strong>des</strong> services. »<br />

A partir de 1971, les grèves <strong>et</strong> revendications reprendront de plus belle <strong>et</strong> se succèderont<br />

pendant plus de dix ans, la défectuosité du chauffage n’étant plus la seule raison de la colère <strong>des</strong><br />

Teisseirois : mauvais entr<strong>et</strong>ien de la cité, augmentation de loyers sont leur lot quotidien.<br />

2.3. Un besoin d’intervention : La procédure Habitat <strong>et</strong> Vie Sociale (1975-1990).<br />

Après ces multiples luttes <strong>et</strong> conflits, le besoin d’une intervention rapide se fait de plus en plus<br />

ressentir. En 1977, la municipalité décide donc d’agir.<br />

2.3.1. 2.3.1. Les Les principaux principaux traits traits d’évolution d’évolution d’évolution du du peuplement peuplement peuplement entre entre 1962 1962 <strong>et</strong> <strong>et</strong> 1977.<br />

1977.<br />

En eff<strong>et</strong>, après tous ces déboires, la cité ne compte plus autant d’habitants qu’à ses débuts : en<br />

quinze ans, la cité perd plus de 1 300 habitants, soit près du quart de ses effectifs d’origine. Par<br />

ailleurs, dès 1968, environ 140 ménages Français quittent chaque année le quartier (soit 15%<br />

<strong>des</strong> ménages). Trop à l’étroit dans les logements de Teisseire aux normes dépassées, ces<br />

familles laissent la place à <strong>des</strong> ménages plus p<strong>et</strong>its, ou aux immigrés (surtout Maghrébins) qui<br />

acceptent encore les conditions de logements offertes <strong>et</strong> se trouvent rapidement en situation de<br />

surpeuplement. A côté d’eux, les catégories sociales ouvrières se trouvent renforcées par la<br />

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<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

mobilité <strong>des</strong> ménages, employés <strong>et</strong> cadres n’étant pas totalement remplacés à leur départ.<br />

Teisseire se r<strong>et</strong>rouve ainsi plus « ouvrière » <strong>et</strong> moins « qualifiée » que l’ensemble de Grenoble avec<br />

77% 153 de chefs de ménages ouvriers (contre 40% pour Grenoble).<br />

2.3.2. 2.3.2. La La Procédure HHabitat<br />

H<br />

abitat <strong>et</strong> Vie ie Sociale ociale sur le le quartier Teisseire Teisseire. Teisseire<br />

C’est ainsi que, face à c<strong>et</strong>te dégradation urbanistique <strong>et</strong> sociale, la municipalité d’Henry<br />

Dubedout <strong>et</strong> l’OPHLM s’engagent dans une concertation permanente avec les usagers, <strong>et</strong><br />

décident d’entreprendre une série de travaux visant à rehausser l’image du quartier <strong>et</strong> la qualité<br />

tant du bâti que <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> verts <strong>et</strong> <strong>des</strong> différents équipements sociaux de la cité. C<strong>et</strong>te<br />

« opération Teisseire » débute en 1977, sous la procédure « Habitat <strong>et</strong> Vie Sociale ».<br />

Les éléments principaux du programme concernent l’amélioration du bâti, le réaménagement de<br />

l’avenue Paul Cocat <strong>et</strong> d’<strong>espaces</strong> extérieurs, l’amélioration <strong>et</strong> le renforcement <strong>des</strong> équipements<br />

existants. Ainsi, <strong>des</strong> travaux de mises aux normes sont réalisés. Les toits se couvrent d’ardoises,<br />

de bandeaux colorés, les hauts d’immeubles sont reprofilés par adjonction de pans coupés, les<br />

rez-de-chaussée refaits, les voies traversant la cité sont réaménagées pour un meilleur usage <strong>des</strong><br />

piétons <strong>et</strong> plusieurs équipements pour l’enfance sont réalisés.<br />

En 1980, dans le cadre <strong>des</strong> financements Palulos 154, l’OPHLM entame une opération d’isolation<br />

extérieure <strong>des</strong> ouvrages afin de diminuer les déperditions de chaleur <strong>et</strong> par conséquent<br />

d’abaisser les charges locatives. D’autres travaux sont également réalisés : l’amélioration du<br />

confort intérieur <strong>des</strong> logements (isolation phonique, amélioration du chauffage) ; la création<br />

d’une cinquantaine de grands logements pour répondre au surpeuplement <strong>des</strong> familles ; la<br />

restructuration de logements de type 1 ou 2 en logements de type 5 ou 6 ; <strong>et</strong> la création de 9<br />

logements adaptés aux handicapés.<br />

Mais, avec le passage à l’Aide Personnalisée pour le Logement, Teisseire devient le premier<br />

quartier conventionné de Grenoble. Il apparaît alors un quartier très attractif pour les populations<br />

à très faibles ressources. De ce fait, une forte paupérisation accompagne la réhabilitation.<br />

Par la suite, Teisseire fera l’obj<strong>et</strong> d’autres interventions ponctuelles, moins datables, dans le<br />

cadre de la politique de la ville, notamment à travers les opérations de Développement Social <strong>des</strong><br />

Quartiers.<br />

153 % d’ouvriers <strong>et</strong> de personnels de service / total <strong>des</strong> chefs actifs.<br />

154 Prime à l’Amélioration <strong>des</strong> Logements à Usage Locatif <strong>et</strong> à Occupation Sociale. Il s’agit d’une subvention de l’Etat<br />

<strong>des</strong>tinée à l’amélioration <strong>des</strong> logements locatifs sociaux <strong>et</strong> <strong>des</strong> logements-foyers. Peuvent notamment en bénéficier les<br />

organismes d’HLM, les SEM <strong>et</strong> les organismes agréés contribuant au logement <strong>des</strong> personnes défavorisées. Les<br />

logements réhabilités à l’aide d’une PALULOS doivent obligatoirement être conventionnés à l’APL.<br />

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<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

3. Teisseire Teisseire au début <strong>des</strong> années 1990 : les séquelles d’un d’un lourd passé passé. passé<br />

Pourtant, malgré les multiples précédentes réhabilitations, p<strong>et</strong>it à p<strong>et</strong>it, le quartier a cumulé de<br />

nombreux problèmes <strong>et</strong> s’est vu associé une image très négative, diminuant de fait son<br />

attractivité. Teisseire hérite donc de nombreuses séquelles de son passé, pathologies touchant<br />

aussi bien sa population que ses caractéristiques <strong>urbaine</strong>s <strong>et</strong> architecturales.<br />

3.1. Une population de plus en plus précaire.<br />

Au début <strong>des</strong> années 1990, Teisseire est marquée par une forte précarisation de ses habitants,<br />

dont les plus solvables fuient encore le quartier : Teisseire compte à peine 3 500 habitants 155,<br />

dont la majorité présente de nombreux signes de « fragilisation aiguë ».<br />

3.1.1. 3.1.1. Fragilité Fragilité sociale sociale <strong>et</strong> <strong>et</strong> paupérisation.<br />

paupérisation.<br />

Au début <strong>des</strong> années 1990, on constate un cumul <strong>des</strong> handicaps par les familles (end<strong>et</strong>tement,<br />

problème de logement, d’emploi, de santé mentale, problèmes conjugaux, <strong>et</strong>c.). Beaucoup de<br />

locataires vivent en <strong>des</strong>sous du minimum vital (on répertorie environ 300 bénéficiaires du R.M.I.)<br />

<strong>et</strong> les impayés à Teisseire sont relativement élevés par rapport au parc OPALE.<br />

3.1.2. 3.1.2. Les Les familles familles « « « difficiles difficiles ».<br />

».<br />

Du fait de ces problèmes combinés à <strong>des</strong> problèmes personnels, certains habitants révèlent un<br />

comportement <strong>et</strong> un mode de vie différents, ce qui est à l’origine de nuisances importantes de<br />

voisinage, voire même de graves conflits. S’ajoutent à cela les difficultés d’insertion <strong>des</strong> jeunes<br />

de Teisseire : pour eux, le malaise est encore plus profond (désœuvrement, absence de repères,<br />

accès difficile au logement, méfiance à l’égard <strong>des</strong> structures d’animation). Cela provoque parfois<br />

la marginalité <strong>et</strong> la délinquance de certains. Même à l’école, les difficultés sont gran<strong>des</strong> : les<br />

enfants <strong>des</strong> populations les plus stables « fuient » les écoles du quartier.<br />

3.1.3. 3.1.3. 3.1.3. La La suroccupation suroccupation <strong>des</strong> <strong>des</strong> logements.<br />

logements.<br />

Malgré cela, grâce aux réhabilitations suivies dès 1977, de grands appartements ont pu être<br />

créés. Néanmoins, dans ces logements, on note une nouvelle fois une surabondance de<br />

population (notamment d’enfants <strong>et</strong> de jeunes). En 1990, le quartier dénombre plus de 250<br />

familles en surpeuplement (soit 20% <strong>des</strong> ménages) dont 6,3% en situation de suroccupation<br />

absolue. C<strong>et</strong>te superposition d’individus dans un même appartement cause beaucoup de bruit <strong>et</strong><br />

de la gêne pour les voisins.<br />

155 Rappelons qu’en 1962, le quartier accueille 5 543 habitants.<br />

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<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

3.2. Les problématiques <strong>urbaine</strong>s.<br />

Par ailleurs, au début <strong>des</strong> années 1990, la vie dans le quartier, même réhabilité, n’en reste pas<br />

moins difficile. Ajoutés aux conditions de vie précaire, le cadre de vie dans le quartier Teisseire<br />

est loin d’être idyllique, ce qui conforte les locataires dans leur sentiment d’être les laissés pour<br />

compte de Grenoble.<br />

3.2.1. 3.2.1. Le Le mauvais mauvais état état du du patrimoine. patrimoine.<br />

patrimoine.<br />

« A défaut de véritable réflexion <strong>urbaine</strong> globale, le secteur s’est densifié au cours <strong>des</strong><br />

années par la juxtaposition d’opérations mono-fonctionnelles, réalisées au coup par<br />

coup selon la disponibilité <strong>des</strong> parcelles. » 156<br />

En eff<strong>et</strong>, bien que la réhabilitation achevée en 1981 ait permis d’améliorer le confort <strong>des</strong><br />

appartements <strong>et</strong> l’aspect extérieur <strong>des</strong> bâtiments, on remarque déjà dans le quartier les premiers<br />

signes de dégradations importantes (dans les parties communes, aux pieds <strong>des</strong> tours, sur les<br />

faça<strong>des</strong>, <strong>et</strong>c.).<br />

156 COPPE G., op.cit., page 77.<br />

157 Photographie personnelle, avril 2007.<br />

158 Ibid.<br />

ILLUSTRATION 10 : LA TOUR. 157<br />

ILLUSTRATION 11 : LA BARRE. 158<br />

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<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

La qualité du bâti reste moyenne <strong>et</strong> la taille <strong>des</strong> logements est souvent insuffisante. L’offre n’est<br />

pas diversifiée <strong>et</strong> le cadre de vie reste le même : tours <strong>et</strong> barres sont les seuls éléments du décor.<br />

Par ailleurs, le quartier compte beaucoup d’« <strong>espaces</strong> libres » entre les bâtiments. Mais la<br />

distinction public/privé est toujours aussi difficile : quand on traverse le quartier, on a tendance à<br />

se demander si l’on est bien sur la voie publique <strong>et</strong> si l’on a le droit d’être dans le quartier.<br />

ILLUSTRATION 12 : DU PUBLIC AU PRIVE 159 .<br />

159 C10 STUDIO SAMUEL EVA, MOCH URIEL, LOUIS LAURENT, Quartier Teisseire : Amorces <strong>et</strong> reprises – Phase 1 :<br />

Analyse <strong>urbaine</strong>, 1996/1997, page 21.<br />

ARANTES Laëtitia 76


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

3.2.2. 3.2.2. Insécurité Insécurité Insécurité <strong>et</strong> <strong>et</strong> problématique problématique particulière particulière <strong>des</strong> <strong>des</strong> pieds pieds de de tours. tours.<br />

tours.<br />

Ce bilan urbain se double de plus de problèmes de vandalisme, d’incivilités <strong>et</strong> d’insécurité<br />

grandissants. Au début <strong>des</strong> années 1990, Teisseire dénombre plus de 600 jeunes entre 15 <strong>et</strong> 24<br />

ans, souvent acteurs de p<strong>et</strong>ite délinquance <strong>et</strong> d’actes d’incivilité. Les lieux de regroupement sont<br />

le plus souvent les montées d’escalier <strong>et</strong> les pieds de tours (ce sont essentiellement les lieux<br />

couverts <strong>et</strong> ouverts sur l’extérieur). Ces regroupements sont souvent le facteur d’importantes<br />

nuisances (bruit <strong>et</strong> dégradation constante), ce qui engendre un sentiment d’insécurité <strong>des</strong><br />

locataires qui doivent « affronter » ces jeunes pour rentrer chez eux. Le plus souvent, ce<br />

sentiment d’exaspération se traduit soit par <strong>des</strong> départs, soit par le développement de fortes<br />

tensions.<br />

3.3. Teisseire : un quartier que l’on fuit.<br />

L’image négative du quartier <strong>et</strong> son manque d’attractivité se renforcent du fait de la conjonction<br />

de ces problèmes <strong>et</strong> nuit au maintien de la mixité sociale du quartier : la demande pour venir<br />

habiter le quartier est faible, les nouveaux entrants sont principalement <strong>des</strong> ménages à faible<br />

revenu. C<strong>et</strong>te image de « territoire à part » fait finalement partie de son identité pour les<br />

grenoblois.<br />

Le taux de chômage, la délinquance, le vandalisme, les vols se multiplient <strong>et</strong> la réputation du<br />

quartier est de plus en plus mauvaise. Désormais, un fort sentiment d’insécurité est né, du fait de<br />

certains incidents <strong>et</strong> événements. Et on ne parle de Teisseire qu’à propos <strong>des</strong> faits divers. En<br />

conséquence, deux phénomènes se produisent :<br />

D’une part, un « rej<strong>et</strong> » du quartier par les habitants : les catégories de population les moins<br />

fragiles qui ne se reconnaissent plus dans leur cadre de vie fuient le quartier.<br />

D’autre part, on constate de nombreux refus d’habiter le quartier exprimés dans les<br />

deman<strong>des</strong> de logements <strong>et</strong> refus <strong>des</strong> demandeurs après proposition (rej<strong>et</strong> du quartier,<br />

malpropr<strong>et</strong>é, dégradations <strong>des</strong> parties communes, <strong>et</strong>c.).<br />

Ainsi, même si certains ménages qui composaient le peuplement initial de Teisseire sont<br />

demeurés dans le quartier, d’autres ont accédé à la propriété ou ont eu une offre de logement<br />

dans un quartier plus valorisant ; ils ont donc laissé leur place à une population plus fragile<br />

économiquement. Finalement, la population qui s’installe est la frange la plus paupérisée de la<br />

population. Ainsi, on r<strong>et</strong>rouve deux cas de population à Teisseire :<br />

Celles qui ne trouvent pas à se loger <strong>et</strong> qui acceptent toutes propositions ;<br />

Celles qui souhaitent partir mais dont les aspirations ne peuvent être satisfaites.<br />

En conséquence, on observe un sentiment de non identification <strong>des</strong> habitants à leur quartier :<br />

une attitude démissionnaire, un désinvestissement par rapport à la vie de quartier, un fort<br />

mécontentement au regard <strong>des</strong> problèmes de propr<strong>et</strong>é, d’insécurité, <strong>et</strong>c.<br />

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<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

4. 4. Le Le proj<strong>et</strong> proj<strong>et</strong> de de renouvellement renouvellement urbain urbain : : l’« l’« unique chance » de Teisseire.<br />

« La Cité Teisseire construite entre 1958 <strong>et</strong> 1961 n’a pas su créer un tissu urbain apte<br />

à se fondre dans l’environnement d’une ville en extension. L’objectif premier était de<br />

créer une capacité de logement supplémentaire dans une ville en pleine croissance<br />

démographique. C<strong>et</strong> objectif a été atteint, mais avec le temps <strong>des</strong> dysfonctionnements<br />

importants se sont révélés. Ils ont pris la forme d’une paupérisation de la population<br />

doublée d’une dégradation sociale. » 160<br />

Ainsi, en 1995, malgré les réhabilitations successives, force est donc de constater que la<br />

situation de Teisseire se dégrade de plus en plus : équipements obsolètes, logements médiocres,<br />

incivilités, taux de chômage croissant, paupérisation, vacance… Autant d’indicateurs inquiétants<br />

qui signalent que « le quartier Teisseire ne vit pas très bien » 161, <strong>et</strong> qui incitent la municipalité<br />

nouvellement élue de Michel Destot à se saisir rapidement de la question.<br />

4.1 La mise en place du processus.<br />

4.1.1. 4.1.1. Le Le constat constat constat : Teisseire, Teisseire, un paradis paradis perdu perdu. perdu<br />

« A l’époque, Teisseire est un quartier qui a <strong>des</strong> indicateurs inquiétants. La situation<br />

n’était pas catastrophique, mais elle était inquiétante. La Ville s’est assez vite saisie de<br />

la question, avant qu’il n’y ait une vraie grande dégradation. » 162<br />

Le besoin d’intervenir relève d’un constat simple : le quartier Teisseire n’a pas su créer un tissu<br />

urbain apte à se fondre dans l’environnement d’une ville en extension. Destinée à offrir une<br />

capacité supplémentaire de logements dans un contexte de croissance démographique, la cité <strong>et</strong><br />

sa population sont rapidement victimes de paupérisation <strong>et</strong>, de fait, d’une dévalorisation sociale<br />

<strong>et</strong> d’une stigmatisation propres aux cités HLM de la même époque.<br />

Cependant, le quartier Teisseire n’est pas le lieu que de dysfonctionnements. Au contraire,<br />

Teisseire possédait <strong>des</strong> qualités <strong>et</strong> <strong>des</strong> potentiels à identifier <strong>et</strong> à valoriser. Accessible aux<br />

piétons depuis le centre-ville en 25 minutes <strong>et</strong> bien <strong>des</strong>servi en transports en commun (trois<br />

lignes de bus), Teisseire est bien relié au reste de la ville. De plus, contrairement aux autres<br />

grands ensembles, dans la cité, les plantations abondantes <strong>et</strong> les immeubles sont conçus à<br />

échelle humaine 163. Enfin, la médiocrité <strong>et</strong> le simplisme de sa composition <strong>urbaine</strong> d’origine,<br />

160 GODAYER Y., ZAC Teisseire – Étude d’impact, Services Développement Urbain <strong>et</strong> Prospective Urbaine de la Ville de<br />

Grenoble, 2000, page 106.<br />

161 MOTTE J.P., adjoint au Maire de la Ville de Grenoble chargé de la politique de la ville. Propos tenus lors de la réunion<br />

Teisseire-Jouhaux. En mouvement avec les habitants, 03 juill<strong>et</strong> 2007.<br />

162 Entr<strong>et</strong>ien avec Guillaume COPPE, op.cit.<br />

163 Le positionnement <strong>des</strong> tours <strong>et</strong> <strong>des</strong> barres est fait de telle sorte qu’il crée <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> « privés », plus « intimes » au<br />

cœur d’un groupement d’immeubles. (cf. illustration 10).<br />

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<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

longtemps critiquée car formée de barres <strong>et</strong> de tours isolées les unes <strong>des</strong> autres, se révèle<br />

finalement un avantage pour intervenir : quartier aux <strong>espaces</strong> généreux, il est donc possible de<br />

limiter la démolition <strong>et</strong> d’utiliser l’espace vide pour compléter le quartier.<br />

4.1.2. 4.1.2. Le Le lancement lancement du du proj<strong>et</strong>.<br />

proj<strong>et</strong>.<br />

C’est donc en s’appuyant sur ces atouts que la Ville de Grenoble décide, en 1995, d’entreprendre<br />

une vaste opération de restructuration <strong>urbaine</strong> sur l’ensemble de Teisseire, avec l’objectif c<strong>et</strong>te<br />

fois-ci « de réussir une bonne fois pour toutes ! » 164 Car nombre d’opérations de réhabilitation<br />

s’étaient succédées, mais en vain. L’Office HLM, alors baptisé Opale, est rapidement partie<br />

prenante du proj<strong>et</strong> municipal.<br />

La genèse du proj<strong>et</strong> découle d’un processus établi en trois étapes 165 :<br />

En 1996, la Ville s’engage, avec l’appui du cabin<strong>et</strong> Arpenteurs 166, dans un travail important<br />

de diagnostic <strong>et</strong> de dialogue avec les habitants, à l’issu duquel sont esquissées, dans un<br />

schéma directeur, quelques lignes directrices du proj<strong>et</strong> à venir.<br />

« Il y a eu un travail préparatoire tout au long de l’année 96 avec un cabin<strong>et</strong> qui<br />

s’appelle Arpenteurs. Et on avait mis sur la table un certain nombre de questions. On<br />

avait identifié un certain nombre de problèmes. » 167<br />

En 1997, la Ville lance trois marchés de définition. A partir de ce schéma directeur, trois<br />

équipes d’urbanistes élaborent <strong>des</strong> programmes de renouvellement urbain. C’est la<br />

proposition de l’atelier Philippe Panerai qui est r<strong>et</strong>enue.<br />

A partir de là, la Ville de Grenoble confie donc une mission d’Etude <strong>et</strong> d’Assistance à<br />

Maîtrise d'Ouvrage à Philippe Panerai, qui a pour tâche de concevoir le proj<strong>et</strong> de<br />

restructuration <strong>et</strong> de piloter sur le long terme la réalisation.<br />

4.2 Le proj<strong>et</strong> de requalification du quartier : <strong>des</strong> objectifs urbains.<br />

Le proj<strong>et</strong> proposé par l’équipe de Philippe Panerai est compl<strong>et</strong> : logements, équipements,<br />

commerces, <strong>espaces</strong> publics. Toutes les composantes sont traitées, sans oublier le facteur<br />

temps, acteur fondamental de la transformation du quartier, que Philippe Panerai n’oublie pas de<br />

prendre en compte dans le processus de mutation de Teisseire. Ainsi, dans son étude de<br />

définition, Teisseire – de la cité au quartier, l’urbaniste en chef décline son proj<strong>et</strong> autour de trois<br />

164 DIV, DGUHC, « Marchés de définition. Une démarche de proj<strong>et</strong> urbain », Repères, page 79.<br />

165 COPPE G., « Un proj<strong>et</strong> qui s’inscrit dans la durée », op. cit., page 81.<br />

166 Cabin<strong>et</strong> spécialisé dans la conduite de dynamiques participatives.<br />

167 MOTTE J.P., op.cit.<br />

ARANTES Laëtitia 79


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

axes majeurs, l’objectif général étant de « concilier court terme <strong>et</strong> long terme » 168 <strong>et</strong> de tendre<br />

vers un quartier dit « classique », diversifié pour ainsi lutter contre son image négative. « En<br />

s’appuyant sur trois niveaux d’intervention, l’échelle de la ville, celle du tissu urbain, puis celle du<br />

logement, [il propose d’] indiquer les quelques grands principes du proj<strong>et</strong> de renouvellement<br />

urbain tel qu’il l’a envisagé sur le quartier Teisseire. » 169<br />

4.2.1. 4.2.1. Premier Premier objectif objectif objectif : : Réinscrire Réinscrire le le quartier quartier quartier dans dans la la la ville.<br />

ville.<br />

En 1995, Teisseire se présente comme un bloc homogène autonome, sans lien avec les quartiers<br />

voisins, que ce soit au niveau architectural <strong>et</strong> urbain ou au niveau de la trame viaire. Le premier<br />

but du proj<strong>et</strong> de restructuration du quartier est donc d’« essayer de trouver une continuité avec<br />

les quartiers environnants » 170, <strong>et</strong> de reconstituer par là même une trame viaire viable.<br />

Pour se faire, l’urbaniste envisage d’abord de travailler aux limites du quartier, afin d’améliorer<br />

les relations au reste de la ville, <strong>et</strong> d’abord aux quartiers voisins. Le proj<strong>et</strong> prévoit donc de<br />

r<strong>et</strong>rouver <strong>des</strong> continuités évidentes, afin d’obtenir une continuité <strong>des</strong> parcours de la ville. Cela a<br />

suscité quelques démolitions, toutefois limitées par Philippe Panerai selon qui « le changement<br />

ou l’amélioration d’un grand ensemble peut se faire avec un taux de démolition limité à 10% du<br />

bâti » 171 : seules deux tours <strong>et</strong> une barre sont prévues à la démolition.<br />

ILLUSTRATION 13 : LE TRAITEMENT DU CARREFOUR PERROT / COCAT. 172<br />

Ensuite, il propose de développer <strong>des</strong> polarités dans le quartier en confortant les potentialités<br />

déjà existantes : pour cela, il faut regrouper les activités qui facilitent la vie quotidienne au niveau<br />

168 ATELIER PHILIPPE PANERAI / Bureau d’étu<strong>des</strong> Avant-Proj<strong>et</strong>, Teisseire : de la cité au quartier – Etude de définition.<br />

Rapport final, mars 1998.<br />

169 PANERAI P., « La résidentialisation, transformation ou fin du modèle <strong>des</strong> grands ensembles. Les principes de la<br />

résidentialisation au service du proj<strong>et</strong> », in CERTU, VILLE DE GRENOBLE, op.cit., page 88.<br />

170 Ibid.<br />

171 Ibid.<br />

172 HACHACHE N., « Grenoble - Teisseire : les limites d’une résidentialisation réussie. », Traits Urbains, n°1, septembre<br />

2005, page 52<br />

ARANTES Laëtitia 80


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

<strong>des</strong> gran<strong>des</strong> voies, c'est-à-dire <strong>des</strong> carrefours Perrot/Cocat <strong>et</strong> Cocat/Jouhaux. Cela perm<strong>et</strong>trait en<br />

eff<strong>et</strong> davantage de passage, de circulation, de fréquentation inter quartiers <strong>des</strong> commerces, <strong>et</strong><br />

donc l’ouverture du quartier.<br />

Enfin, pour donner plus de lisibilité au quartier <strong>et</strong> plus de repères à ses usagers, il est nécessaire<br />

de fixer la limite entre le domaine public <strong>et</strong> les domaines privés, limite peu claire pour le moment.<br />

« Le point de départ a donc été un travail de recomposition <strong>et</strong> de redistribution foncière » 173. Les<br />

<strong>espaces</strong> publics deviennent la propriété de la Ville tandis que, dans le même temps, la propriété<br />

du bailleur se fragmente. Par ailleurs, Philippe Panerai propose un plan d’alignement : le proj<strong>et</strong><br />

prévoit d’agir en priorité sur l’espace public, bien commun <strong>des</strong> habitants, première image qu’ils<br />

donnent d’eux-mêmes. C<strong>et</strong>te action passe à travers trois types d’action : requalifier les voies<br />

principales, soigner les points d’accroche, créer de nouvelles voies pour achever un maillage<br />

cohérent.<br />

ILLUSTRATION 14 : LE FIL VERT 174 .<br />

C<strong>et</strong>te requalification de l’espace public passera également à travers la création d’un tissu<br />

« ouvert » acceptant la discontinuité du bâti. Ainsi, le proj<strong>et</strong> consiste à proposer une succession<br />

de « jardins joyaux » 175 dans le quartier, un « fil vert » qui ferait partie d’un ensemble plus vaste à<br />

l’échelle de l’agglomération <strong>et</strong> qui fédérerait les activités de détente <strong>et</strong> de loisirs du quartier.<br />

173 PANERAI P., op. cit.<br />

174 ATELIER PHILIPPE PANERAI / Bureau d’étu<strong>des</strong> Avant-Proj<strong>et</strong>, op.cit.<br />

175 ARPENTEURS, Service Développement Social Urbain de la Ville de Grenoble, Paysage <strong>et</strong> intégration <strong>urbaine</strong> : <strong>des</strong><br />

proj<strong>et</strong>s partenaires pour la ville : Un Atelier Paysage sur le Quartier Teisseire, octobre 1996.<br />

ARANTES Laëtitia 81


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

4.2.2. 4.2.2. Deuxième Deuxième objectif objectif : : Engager Engager la la transformation transformation progressive progressive du du bâti.<br />

bâti.<br />

« La critique qui est généralement faite aux grands ensembles est celle de la<br />

monotonie architecturale. » 176<br />

Quartier au statut du sol très confus, depuis sa création en 1958, l’ensemble du quartier<br />

Teisseire appartient à la Ville sauf en ce qui concerne l’emprise <strong>des</strong> bâtiments <strong>et</strong> le « tour<br />

d’échelle ». Ses <strong>espaces</strong> vi<strong>des</strong> sont d’un seul tenant, sans distinction significative <strong>et</strong> évidente<br />

entre les domaines privés <strong>et</strong> publics.<br />

176 GODAYER Y., op.cit, page 106.<br />

177 COPPE G., op.cit.<br />

ILLUSTRATION 15 : PLAN DU FONCIER EN 1999 AVEC REPARTITION DES DOMAINES. 177<br />

ARANTES Laëtitia 82


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

C’est pourquoi le proj<strong>et</strong> propose, entre autres choses, de redistribuer la propriété foncière, le but<br />

étant d’affecter une assi<strong>et</strong>te foncière hors voiries à chaque (partie de) bâtiment, afin de<br />

constituer <strong>des</strong> entités où se tissent les liens du bâti <strong>et</strong> du sol en renouant avec la logique de<br />

l’immeuble, de la parcelle <strong>et</strong> de la cour. Il s’agit ainsi de donner au quartier la possibilité d’évoluer<br />

<strong>et</strong> de participer ainsi à l’évolution de la ville.<br />

« L’objectif du proj<strong>et</strong> n’est pas de faire une nième réhabilitation, mais de changer le<br />

processus de création de la ville, de renouvellement de la ville. L’objectif est donc de<br />

recréer un parcellaire, ce qui perm<strong>et</strong> de créer une possibilité de mutation progressive<br />

du bâti <strong>et</strong> une transformation progressive de la ville. » 178<br />

C’est ici que la notion de temps entre en jeu pour m<strong>et</strong>tre en place le processus de mutation,<br />

jusqu’alors inexistant dans le quartier :<br />

A A court court terme terme : l’objectif est d’avoir une gestion différenciée, donc une variété de<br />

bailleurs (sachant qu’en 1995, le seul bailleur sur le quartier est l’Opale), <strong>et</strong> la participation<br />

<strong>des</strong> habitants.<br />

A A mmoyen<br />

m moyen<br />

oyen terme : l’objectif visé est d’avoir une politique de peuplement moins<br />

monolithique, à travers la diversification de la propriété.<br />

Sur Sur le le llong<br />

l ong terme : l’objectif est la réinsertion de la cité dans la logique du<br />

fonctionnement banal de la ville, grâce à la diversification <strong>et</strong> la substitution du bâti. Il s’agit<br />

à travers cela de pouvoir perm<strong>et</strong>tre une transformation progressive du bâti <strong>et</strong> donc une<br />

transformation progressive de la ville.<br />

178 Entr<strong>et</strong>ien avec G. COPPE, op.cit.<br />

179 HACHACHE N., op.cit., page 52.<br />

ILLUSTRATION 16 : LA REDISTRIBUTION FONCIERE. 179<br />

ARANTES Laëtitia 83


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Pour cela, un élément de solution proposé est de créer <strong>des</strong> unités résidentielles, afin d’avoir un<br />

cadre de vie plus appropriable <strong>et</strong> de sortir de la logique du grand ensemble. Cela passe à travers<br />

plusieurs actions : la matérialisation <strong>des</strong> limites <strong>des</strong> propriétés par <strong>des</strong> clôtures, la requalification<br />

<strong>des</strong> entrées <strong>et</strong> de la relation public/immeubles, la « privatisation » <strong>des</strong> parkings résidentiels sous<br />

forme de cours plantées collectives dont l’accès est contrôlé <strong>et</strong> la création de jardins privatifs clos<br />

pour les logements en rez-de-chaussée. Car selon Philippe Panerai :<br />

« Favoriser l’<strong>appropriation</strong> <strong>et</strong> le sentiment d’être chez soi constitue le premier pas vers<br />

l’intégration. Etre chez soi signifie avoir un pouvoir de décision <strong>et</strong> d’action sur son<br />

cadre de vie, pouvoir de transformer, de façonner. Individuelle, familiale ou collective,<br />

l’<strong>appropriation</strong> est un facteur de prise de responsabilité, ce qui favorise le contrôle<br />

social, facteur de sécurité. Elle est de plus un élément déterminant pour avancer vers<br />

une mixité <strong>des</strong> fonctions <strong>et</strong> vers l’intégration <strong>des</strong> activités dans les quartiers<br />

d’habitat. » 180<br />

Mais soyons clairs. La redistribution complète du foncier est organisée par le proj<strong>et</strong>, non pas dans<br />

une perspective de privatisation, mais, comme le dit Michel Destot, « de résidentialisation, car le<br />

beau, le noble, marques de respects de l’habitant, valent pour tous quel que soit le niveau<br />

d’appartenance sociale ». Une <strong>des</strong> idées sous-tendues par le proj<strong>et</strong> de résidentialisation est qu’il<br />

faut étendre la sphère <strong>des</strong> habitants au-delà du strict appartement, pour qu’ils se sentent<br />

davantage chez eux autour de leur logement. C'est dans c<strong>et</strong>te optique que le proj<strong>et</strong> de Panerai se<br />

propose d’apporter aux habitants « <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs, au-delà de c<strong>et</strong>te sphère privée, qui<br />

soient directement appropriables ». 181 Les formes de ces <strong>espaces</strong> sont très variables : ils peuvent<br />

ne représenter qu’une sorte d’allée ou dans certains cas être assez larges pour devenir un jardin<br />

collectif pour les habitants <strong>des</strong> étages.<br />

ILLUSTRATION 17 : EXEMPLES D’ESPACES EXTERIEURS : ALLEE ET COUR COLLECTIVE. 182<br />

180 ATELIER PHILIPPE PANERAI / Bureau d’étu<strong>des</strong> Avant-Proj<strong>et</strong>, op. cit.<br />

181 PANERAI P., « La résidentialisation, transformation ou fin du modèle <strong>des</strong> grands ensembles ? », op. cit.<br />

182 Photographie personnelle, avril 2007.<br />

ARANTES Laëtitia 84


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Une fois le statut <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> clarifié, le proj<strong>et</strong> prévoit de réaménager l’espace public, de lui<br />

donner les mêmes attributs <strong>et</strong> donc les mêmes statuts que dans le reste de Grenoble, premier<br />

pas vers l’intégration du quartier dans la ville.<br />

4.2.3. 4.2.3. Troisième Troisième objectif objectif : : Fav Favoriser Fav oriser la la mixité mixité <strong>et</strong> <strong>et</strong> l’évolution.<br />

l’évolution.<br />

Enfin, le proj<strong>et</strong> de Philippe Panerai prétend affirmer les mixités, tant sociale que fonctionnelle.<br />

Cela se traduit par la volonté de réintroduire <strong>des</strong> bureaux, <strong>des</strong> services <strong>et</strong> <strong>des</strong> équipements<br />

publics dans le quartier. Notamment, le proj<strong>et</strong> envisage de maintenir l’usine Merlin Gerin<br />

(rach<strong>et</strong>ée par Schneider Electronic) qui est à l’origine du quartier, mais aussi de préparer les<br />

évolutions au niveau de c<strong>et</strong>te parcelle : est donc prévu le percement de deux rues qui<br />

perm<strong>et</strong>tront de détacher les terrains <strong>et</strong> de rétablir la continuité <strong>des</strong> rues du quartier.<br />

Mixité <strong>et</strong> évolution du quartier seront également favorisées par la diversification du patrimoine<br />

existant <strong>et</strong> la construction de nouveaux logements (p<strong>et</strong>its immeubles collectifs de hauteur limitée,<br />

pavillons groupés ou maisons en rangée, réhabilitation d’anciens logements). Car, comme le dit<br />

Philippe Panerai :<br />

« La construction de logements neufs est un moyen essentiel d’apporter au quartier<br />

une nouvelle population qui participe à la diversification <strong>et</strong> au brassage social. » 183<br />

Ainsi, le fractionnement <strong>des</strong> grands logements, ou au contraire la réunion de p<strong>et</strong>its logements,<br />

perm<strong>et</strong>tra de diversifier l’offre – <strong>et</strong> la structure du peuplement – par immeuble ou groupe<br />

d’immeubles.<br />

Par ailleurs, afin d’éviter les erreurs du passé <strong>et</strong> de répondre à la critique faite aux grands<br />

ensembles sur sa monotonie architecturale, il faut éviter toute espèce de « maquillage<br />

architectural en ajoutant quelques pointes de couleurs de-ci, de-là » 184. C’est pourquoi la<br />

municipalité a fait le choix de jouer le jeu <strong>des</strong> différences de programmes <strong>et</strong> <strong>des</strong> différences de<br />

temporalité d’intervention, en diversifiant les maîtres d’œuvre, en vue de « donner une identité à<br />

chacun <strong>des</strong> bâtiments » 185 <strong>et</strong> de n’avoir « aucun bâtiment pareil » 186.<br />

D’ailleurs, la diversification de la population sera encore renforcée grâce à une opération<br />

connexe : la ZAC Teisseire/Jeux Olympiques qui, outre un parc d’un hectare, accueillera 320<br />

logements en accession à la propriété <strong>et</strong> 80 logements sociaux. Implantée sur l’emprise de<br />

l’ancienne usine Merlin Gerin, la ZAC créera un nouveau lien avec le quartier Jouhaux.<br />

Voici un plan récapitulatif du proj<strong>et</strong> sur le quartier à l’horizon 2010 :<br />

183 ATELIER PHILIPPE PANERAI / Bureau d’étu<strong>des</strong> Avant-Proj<strong>et</strong>, op. cit., page 13.<br />

184 PANERAI P., op. cit., page 88.<br />

185 Entr<strong>et</strong>ien avec Cécile ALLIBE, chef de proj<strong>et</strong> DSU sur le quartier Teisseire de 2001 à 2006.<br />

186 Ibid.<br />

ARANTES Laëtitia 85


187 COPPE G., op.cit.<br />

<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ILLUSTRATION 18 : PLAN DE L’ETAT FINAL DU PROJET EN 2010 187 .<br />

ARANTES Laëtitia 86


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

4.2.4. 4.2.4. Les Les fondements fondements de de la la recomp recomposition recomp osition <strong>urbaine</strong> <strong>urbaine</strong>. <strong>urbaine</strong><br />

En résumé, les piliers de l’intervention <strong>urbaine</strong> du proj<strong>et</strong> Panerai se déclinent en quatre items :<br />

La La résidentialisation<br />

résidentialisation.<br />

résidentialisation<br />

Le but est ici de « confectionner un nouveau tissu urbain par la segmentation du territoire en<br />

unités » 188. Il s’agit de redécouper le quartier en îlots ouverts repérables <strong>et</strong> identifiables, de<br />

montrer la hiérarchie <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>, d’identifier les lieux, avenues, rues ou jardins, de qualifier les<br />

faça<strong>des</strong> <strong>des</strong> bâtiments selon leur orientation publique ou privée. Ces profon<strong>des</strong> transformations<br />

ouvriront le quartier sur la ville « en sortant de la logique de grand ensemble par la création<br />

d’<strong>espaces</strong> de vie à taille humaine : les ‘‘unités résidentielles’’ » 189.<br />

Les résidentialisations sont réalisées au niveau du bâtiment <strong>et</strong> non de la montée. L’idée est,<br />

entre autres, de créer <strong>des</strong> unités résidentielles regroupant chacune 30 à 60 logements, plus<br />

faciles à gérer qu’un ensemble de 1 300 logements d’un seul tenant. Il s’agit ainsi d’intégrer la<br />

résidentialisation, comme procédé urbain, à l’organisation quotidienne <strong>des</strong> acteurs de terrain, <strong>et</strong><br />

de passer d’une gestion globale à l’échelle du territoire à une gestion personnalisée, par unités<br />

résidentielles.<br />

« A partir de ces terrains délimités, nous avons souhaité que la gestion immédiate par<br />

le bailleur, que le choix du niveau de réhabilitation, le choix <strong>des</strong> usages <strong>des</strong> <strong>espaces</strong><br />

puissent faire l’obj<strong>et</strong> de négociations entre les habitants <strong>et</strong> le bailleur » 190 .<br />

C<strong>et</strong>te nouvelle gestion doit apporter <strong>des</strong> solutions concrètes sur le patrimoine, le service, la vie<br />

sociale de la résidence <strong>et</strong> la qualité de son environnement.<br />

Un autre principe est également de regrouper, autour de chaque (partie de) bâtiment, un espace<br />

uniquement dédié aux résidents de l’immeuble : l’espace intermédiaire entre le public <strong>et</strong> le privé.<br />

« Ce découpage perm<strong>et</strong> d’associer un territoire à un bâtiment donné <strong>et</strong> à ses<br />

habitants » 191 .<br />

Chaque résidence sera délimitée par une clôture, ce qui perm<strong>et</strong>tra entre autre de clarifier <strong>et</strong> de<br />

délimiter clairement les <strong>espaces</strong> publics <strong>et</strong> privés.<br />

188 MOTTE J.P., « Teisseire : un partenariat Ville-bailleurs pour un proj<strong>et</strong> urbain <strong>et</strong> social », in CERTU, VILLE DE<br />

GRENOBLE, op.cit., page 68.<br />

189 NOUR E., « Ma résidence : c'est quoi ? », in Ma résidence. La l<strong>et</strong>tre d’information <strong>des</strong> locataires <strong>des</strong> unités<br />

résidentielles, 29 septembre 2005, page 1.<br />

190 Entr<strong>et</strong>ien avec Cécile ALLIBE, op.cit.<br />

191 PANERAI P., op.cit., page 88.<br />

ARANTES Laëtitia 87


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ILLUSTRATION 19 : EXEMPLE D’IMMEUBLE RESIDENTIALISE : LA CLOTURE ET L’ESPACE INTERMEDIAIRE. 192<br />

Le Le maillage maillage <strong>et</strong> <strong>et</strong> l’ouverture l’ouverture du du quartier quartier aux aux aux quartiers quartiers adjacents.<br />

adjacents.<br />

Par ailleurs, le proj<strong>et</strong> prévoit un travail sur la requalification, l’ouverture <strong>des</strong> voies <strong>et</strong> leur<br />

hiérarchisation. Ce travail passe à travers la création d’un nouveau système de voiries capable<br />

d’accepter une évolution du quartier vers un système d’îlots ouverts, <strong>et</strong> perm<strong>et</strong>tant de distinguer<br />

le traitement <strong>des</strong> liaisons inter quartiers de celles de distributions internes au quartier <strong>et</strong> de<br />

celles <strong>des</strong> voies résidentielles. C<strong>et</strong>te hiérarchie perm<strong>et</strong>trait de créer de nouveaux îlots, <strong>des</strong><br />

repérages, <strong>des</strong> adresses <strong>et</strong> de m<strong>et</strong>tre les îlots de Teisseire en relation avec les quartiers voisins ;<br />

l’objectif étant que « les rues de la ville traversent assez naturellement le quartier afin de créer<br />

<strong>des</strong> continuités <strong>et</strong> de raccrocher le quartier à la ville » 193.<br />

192 Photographie personnelle, avril 2007.<br />

193 PANERAI P., op.cit., page 88.<br />

194 GAILLARD L., op.cit.<br />

ILLUSTRATION 20 : LE PLAN D’ALIGNEMENT SUR LE QUARTIER TEISSEIRE. 194<br />

ARANTES Laëtitia 88


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

La La rénovation rénovation rénovation <strong>et</strong> <strong>et</strong> la la relocalisation relocalisation <strong>des</strong> <strong>des</strong> <strong>des</strong> équipements équipements publics.<br />

publics.<br />

Les équipements publics sur le quartier sont assez anciens. Le principe est de « se poser la<br />

question <strong>des</strong> nouveaux besoins d’aujourd'hui en matière d’équipements publics en vue d’ouvrir<br />

le quartier sur la ville <strong>et</strong> de créer <strong>des</strong> liens inter-quartiers » 195.<br />

Par exemple, le centre social a été déménagé de l’autre côté de la rue, dans le quartier Malherbe,<br />

ce qui perm<strong>et</strong> de créer un lien entre les deux quartiers. Il est prévu également que la Maison de<br />

l’Enfance, située dans l’îlot sud du quartier, soit réinstallée au cœur du quartier, <strong>et</strong> qu’une<br />

coordination inter-secteur entre les différents équipements p<strong>et</strong>ite enfance soit mise en place.<br />

Les Les logements.<br />

logements.<br />

ILLUSTRATION 21 : LE CENTRE SOCIAL. 196<br />

Enfin, thématique fondamentale du proj<strong>et</strong>, la diversification du type d’habitat (locatif, copropriété,<br />

accession, vente aux locataires, <strong>et</strong>c.), de logements, de gestion <strong>et</strong> de réhabilitation est une<br />

composante essentielle du proj<strong>et</strong>. Elle passe par <strong>des</strong> opérations de réhabilitation de dimensions<br />

physiques <strong>et</strong> financières variées, par la construction de nouveaux logements eux-mêmes<br />

diversifiés.<br />

195 Entr<strong>et</strong>ien avec Cécile ALLIBE, op.cit.<br />

196 Photographie personnelle, avril 2007.<br />

197 Ibid.<br />

ILLUSTRATION 22 : AVENUE PAUL COCAT : BARRE ET TOUR RESIDENTIALISEES. 197<br />

ARANTES Laëtitia 89


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Philippe Panerai envisage pour cela d’utiliser les <strong>espaces</strong> libres du quartier « pour créer d’autres<br />

types de logements afin de diversifier l’offre sur le quartier. Dans ce sens, [il pourrait] introduire<br />

une mixité de statuts en créant, entre autres, <strong>des</strong> copropriétés » 198. En vue d’une diversification<br />

complète <strong>des</strong> immeubles, <strong>des</strong> architectes différents sont choisis. Mais aussi, afin d’accélérer le<br />

processus de réhabilitation, la Ville de Grenoble a également voulu diversifier les bailleurs.<br />

ILLUSTRATION 23 : CONSTRUCTIONS NOUVELLES : QUATRE MAISONS INDIVIDUELLES ET IMMEUBLE DE<br />

QUATRE LOGEMENTS. 199<br />

Le but de ces actions est, à court terme, de rendre le quartier attractif <strong>et</strong> d’améliorer la qualité de<br />

vie <strong>des</strong> habitants, <strong>et</strong> sur le long terme d’assurer l’évolution de l’habitat au fil du temps <strong>et</strong> la<br />

diversification du peuplement.<br />

C<strong>et</strong>te requalification <strong>et</strong> ces transformations profon<strong>des</strong> du quartier ont également pour objectif<br />

<strong>des</strong> changements dans les pratiques quotidiennes <strong>des</strong> habitants. Cela suppose que les habitants<br />

soient étroitement associés à la totalité <strong>et</strong> à la globalité du proj<strong>et</strong>. Ainsi, la Ville a mis en place<br />

différentes actions d’informations <strong>et</strong> de concertation, à l’échelle du quartier, de l’îlot <strong>et</strong> de<br />

l’immeuble.<br />

C’est donc à sa stigmatisation, liée largement à l’uniformité du bâti, davantage qu’à son<br />

enclavement – 25 minutes à pieds, 10 minutes en autobus du centre-ville – que le proj<strong>et</strong> a choisi<br />

de s’en prendre.<br />

198 PANERAI P., op. cit.<br />

199 Photographie personnelle, avril 2007.<br />

ARANTES Laëtitia 90


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Conclusion Conclusion de la deuxième partie partie. partie<br />

Grand ensemble novateur, héritier d’une histoire communale, mais aussi d’un mouvement<br />

national, le quartier Teisseire a rapidement sombré dans la stigmatisation, dans la dévalorisation<br />

que l’on accorde aujourd'hui à tout grand ensemble. Les multiples tentatives de requalification<br />

sont vaines, <strong>et</strong> finalement le quartier est laissé à l’abandon, que ce soit par les municipalités ou<br />

les organismes gestionnaires. Jusqu’en 1995, où la municipalité de Michel Destot s’engage de<br />

manière significative dans la politique de la ville, dans laquelle s’inscrivait prioritairement le<br />

quartier Teisseire.<br />

Déterminer les stratégies de valorisation <strong>et</strong> d’intégration <strong>urbaine</strong> du quartier Teisseire ainsi qu’un<br />

programme d’interventions, tel est le proj<strong>et</strong> de Philippe Panerai r<strong>et</strong>enu pour aider à la<br />

requalification du quartier. Réintégrer le quartier Teisseire dans la ville, engager la transformation<br />

progressive du bâti <strong>et</strong> ainsi du quartier, favoriser la mixité <strong>et</strong> l’évolution, tels sont les trois<br />

objectifs visés par le proj<strong>et</strong> de requalification de Philippe Panerai sur le quartier Teisseire.<br />

Pour cela, quatre moyens sont mis en œuvre :<br />

o La redéfinition d’un maillage viaire viable, afin de perm<strong>et</strong>tre les continuités d’accès entre<br />

le quartier <strong>et</strong> les quartiers voisins, <strong>et</strong> l’utilisation du même mobilier urbain que celui<br />

présent dans le reste de la ville. Ce raccordement physique <strong>et</strong> matériel de Teisseire à la<br />

ville serait le point de départ de son intégration sociale <strong>et</strong> humaine.<br />

o La diversification de l’habitat, <strong>des</strong> formes d’habitat <strong>et</strong> <strong>des</strong> statuts d’occupation possible,<br />

afin de favoriser la mixité sociale sur le quartier en y attirant <strong>des</strong> populations avec un<br />

niveau social plus élevé.<br />

o Un travail sur les équipements publics, leur maintien ou leur déménagement à la<br />

périphérie du quartier. L’objectif est double : d’une part, il vise le maintien <strong>des</strong><br />

populations en place <strong>et</strong> l’attrait de personnes extérieures par une offre de services <strong>et</strong><br />

d’équipements complète ; d’autre part, il ambitionne de créer <strong>des</strong> liens avec les quartiers<br />

environnants.<br />

o La résidentialisation, même si elle n’est qu’un élément du proj<strong>et</strong> urbain parmi d’autres,<br />

constitue le point fort du proj<strong>et</strong>. Visant principalement à clarifier les limites <strong>et</strong> les statuts<br />

<strong>des</strong> <strong>espaces</strong>, elle perm<strong>et</strong>tra également de créer <strong>des</strong> unités de vie plus restreintes <strong>et</strong> plus<br />

faciles à gérer.<br />

Ainsi, la résidentialisation ne représente qu’un élément du proj<strong>et</strong> urbain. Matérialisée par <strong>des</strong><br />

unités résidentielles, <strong>des</strong> unités de vie à l’échelle du bâtiment délimité par <strong>des</strong> clôtures, elle<br />

prétend r<strong>et</strong>rouver <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> de qualité <strong>et</strong> de clarifier leur statut.<br />

ARANTES Laëtitia 91


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Du marché de définition aux derniers travaux, une douzaine d’années sera nécessaire pour<br />

renouveler physiquement Teisseire. « En 2010, le cadre de vie de Teisseire sera radicalement<br />

transformé » 200. Sur le long terme, sur un horizon de vingt à trente ans, Teisseire est vu par<br />

Philippe Panerai comme « un quartier comme les autres » 201.<br />

Ainsi, les ambitions affichées par le proj<strong>et</strong> de Philippe Panerai sur le quartier Teisseire sont<br />

essentiellement <strong>urbaine</strong>s. Clarifier le statut <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>, réintégrer le quartier dans la ville, … les<br />

moyens mis en œuvre ne révèlent ici que très peu d’ambitions sociales <strong>et</strong> humaines. Mais au fil<br />

du temps, la vocation sociale du proj<strong>et</strong> se révèlera <strong>et</strong> s’affirmera dans les propos de ses<br />

concepteurs.<br />

C’est c<strong>et</strong>te ambition sociale <strong>et</strong> les moyens mis en œuvre pour y arriver que nous analyserons<br />

dans une prochaine partie.<br />

200 ALLIBE C., COPPE G., « Un proj<strong>et</strong> qui s’inscrit dans la durée », in CERTU, op.cit., page 85.<br />

201 ATELIER Philippe PANERAI, op.cit., page 6.<br />

ARANTES Laëtitia 92


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Troisième Partie.<br />

La La résidentialisation de de de Teisseire Teisseire : : Un Un pari<br />

pari<br />

social social ambitieux ambitieux ambitieux <strong>et</strong> <strong>et</strong> mobilisateur.<br />

mobilisateur.<br />

Nous venons ainsi de présenter les objectifs visés par le proj<strong>et</strong> de Philippe Panerai sur le quartier<br />

Teisseire de Grenoble. Essentiellement physiques, les objectifs affichés en 1996 par l’urbaniste<br />

en chef visent une restructuration matérielle du quartier Teisseire <strong>et</strong> une solution à ses<br />

pathologies <strong>urbaine</strong>s : la réintégration physique du quartier dans la ville par un nouveau tracé<br />

viaire, la redistribution foncière pour une meilleure lisibilité <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>, la possibilité pour les<br />

bâtiments d’évoluer, <strong>et</strong> donc pour le quartier d’entrer dans le processus de mutation de la ville.<br />

Néanmoins, redonner un caractère urbain à un quartier ne consiste pas seulement à lui redonner<br />

les aspects matériels <strong>et</strong> urbains d’un quartier de ville. Le processus est bien plus compliqué,<br />

comme le souligne Olivier Zeller, dans La Société <strong>des</strong> Voisins :<br />

« Appréhender la vie <strong>urbaine</strong>, c'est décrire les relations entre bâti <strong>et</strong> espace public ;<br />

c'est aussi distinguer ce qui relève <strong>des</strong> rapports de cohabitation, définis strictement<br />

par le cadre de la maisonnée, <strong>des</strong> rapports de voisinages, répondant à une notion<br />

élargie aux relations vécues dans le cadre d’un groupe d’immeubles ou d’un microespace<br />

urbain, la rue devenant l’espace électif <strong>des</strong> diverses interactions. » 202<br />

De c<strong>et</strong>te manière, dix ans après le début <strong>des</strong> travaux, dans les discours <strong>des</strong> acteurs<br />

institutionnels, on peut déceler <strong>des</strong> objectifs plus poussés du proj<strong>et</strong> de résidentialisation mis en<br />

place sur le quartier Teisseire. Ces ambitions révèlent, certes, celles de la politique de la ville<br />

(diversité <strong>des</strong> fonctions, mixité sociale, <strong>et</strong>c.) mais aussi <strong>des</strong> ambitions plus prononcées,<br />

notamment en termes de comportement <strong>des</strong> individus, vis-à-vis du quartier, mais aussi entre eux.<br />

C'est en ça que le proj<strong>et</strong> de résidentialisation proposé par Panerai se distingue <strong>des</strong> autres<br />

procédures entamées jusque-là sur le quartier.<br />

« Ne pas entrer dans un nième proj<strong>et</strong> de rénovation, de requalification, dont avait<br />

d’ailleurs fait l’obj<strong>et</strong>, déjà, ce quartier-là. C’était l’idée vraiment d’une rupture très<br />

forte, d’une transformation physique très forte du quartier. L’ambition était quand<br />

même que c<strong>et</strong>te transformation physique, elle ait une conséquence, elle soit un levier<br />

pour aussi une dynamique sociale, par le biais du peuplement. » 203<br />

202 ZELLER O., « Espace privé, espace public <strong>et</strong> cohabitation. Lyon à l’époque moderne », in HAUMONT B., MOREL A.,<br />

dir., op.cit.., page 187.<br />

203 Entr<strong>et</strong>ien avec Cécile ALLIBE, op.cit.<br />

ARANTES Laëtitia 93


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

1. 1. La La résidentialisation résidentialisation de de Teisseire Teisseire : entre objectifs physi physiques physi<br />

ques <strong>et</strong><br />

« contrôle social ».<br />

».<br />

La démarche de résidentialisation telle que proposée par Philippe Panerai pour le quartier<br />

Teisseire de Grenoble semble répondre à <strong>des</strong> critères morphologiques, immédiatement<br />

apparents, <strong>et</strong> communs à nombre de grands ensembles : l’absence de statut <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>,<br />

l’absence de trame viaire viable, une mauvaise qualité du bâti… Tout autant de problèmes<br />

urbains auxquels la résidentialisation, au même titre que les précédentes procédures de<br />

requalification du quartier, se propose d’apporter une solution. Mais, la démarche de la<br />

résidentialisation n’a pas que <strong>des</strong> ambitions <strong>urbaine</strong>s. Elle se situe au croisement de plusieurs<br />

enjeux qu’il importe de ne pas dissocier : l’enjeu de qualité <strong>urbaine</strong>, celui de gestion <strong>et</strong> d’usage<br />

<strong>des</strong> <strong>espaces</strong>, celui de sécurité <strong>et</strong> de sûr<strong>et</strong>é, <strong>et</strong> enfin celui de changement de la vie sociale. Ainsi,<br />

même si le proj<strong>et</strong> tel que décrit au départ ne les aborde pas, les acteurs institutionnels ne se<br />

gardent pas d’évoquer les objectifs sociaux visés par le proj<strong>et</strong>.<br />

1.1. De la banalisation du quartier à la normalisation de la population.<br />

Pour changer l’image de délaissement, participant à la stigmatisation du quartier, perçue par les<br />

aménageurs comme le résultat de l’imprécision <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>, <strong>des</strong> travaux d’embellissement sont<br />

mis en œuvre. Le proj<strong>et</strong> développé par Philippe Panerai propose un important travail sur les<br />

<strong>espaces</strong> extérieurs : entre parcellarisation <strong>et</strong> clarification du foncier, la résidentialisation envisage<br />

une délimitation claire <strong>des</strong> domaines public <strong>et</strong> privé. Les objectifs urbains sont ici multiples :<br />

sortir le quartier de l’enclavement, le faire rentrer dans la banalité de la ville, lui donner <strong>des</strong><br />

possibilités de mutations plus importantes ; rompre avec l’aspect monolithique du quartier.<br />

Pour cela, le proj<strong>et</strong> propose également une diversification du bâti, <strong>des</strong> formes de propriété, <strong>des</strong><br />

formes d’habitat. A travers ces différents moyens urbains, il prévoit ainsi d’attirer une population<br />

nouvelle sur le quartier.<br />

« On était dans un espace très homogène en matière de logements, mêmes types de<br />

logements, mêmes types de population, les logements les moins chers de<br />

l’agglomération en logement social. Donc l’idée, c’était de diversifier pour développer<br />

un quartier où il y ait <strong>des</strong> habitants qui ont <strong>des</strong> niveaux sociaux différents, qui viennent<br />

de différents horizons. » 204<br />

Ainsi, dès le démarrage du proj<strong>et</strong>, l’urbaniste en chef <strong>et</strong> le(s) bailleur(s) 205 essaient de concrétiser<br />

deux <strong>des</strong> objectifs forts de la municipalité : introduire de la diversité dans l’habitat <strong>et</strong> favoriser<br />

204 Ibid.<br />

205 Au départ, un seul bailleur gère du patrimoine sur le quartier Teisseire : il s’agit de l’Opale (renommée par la suite<br />

sous le nom d’Actis). Ce n’est qu’en 2002 qu’un second bailleur intervient sur le quartier, suite à la demande de la Ville<br />

de Grenoble de diversifier les bailleurs sur le quartier : Grenoble Habitat.<br />

ARANTES Laëtitia 94


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

l’arrivée d’une population nouvelle dans le quartier, « notamment <strong>des</strong> jeunes ménages avec<br />

enfants, tout en perm<strong>et</strong>tant à chacun <strong>des</strong> habitants de rester dans son quartier » 206.<br />

« Au-delà d’une relation à la rue remodelée grâce aux unités résidentielles, les<br />

logements sont l’instrument d’une politique de fond pour accroître la diversité<br />

morphologique <strong>et</strong> social du quartier. » 207<br />

Ainsi, changer l’image du quartier, par sa transformation, perm<strong>et</strong>trait d’attirer <strong>des</strong> gens qui ont<br />

<strong>des</strong> revenus plus importants que les habitants actuels du quartier, « pour casser l’eff<strong>et</strong> de gh<strong>et</strong>to<br />

tout simplement » 208.<br />

« Si on veut faire venir <strong>des</strong> gens dans le quartier, il ne faut pas que le quartier ait une<br />

mauvaise image. Pour moi, l’enjeu de changer l’image du quartier, c’est ça. » 209<br />

De c<strong>et</strong>te manière, la diversification du bâti devrait perm<strong>et</strong>tre, entre autres choses, de diversifier<br />

également la population. Sur ce point, le proj<strong>et</strong> de Panerai semble clair : c’est la construction de<br />

logements neufs qui apportera au quartier une nouvelle proposition au niveau de la population.<br />

De plus, elle peut également être une solution au problème de dépopulation qui touche la cité.<br />

Il s’agit ici de sortir de l’isolat social, de faire en sorte que le quartier ne soit plus vu <strong>et</strong> surtout<br />

vécu comme un gh<strong>et</strong>to, un territoire relégué, où vivent les populations les plus précaires.<br />

Attirer de nouvelles populations, plus solvables, plus stables. Attirer <strong>des</strong> ménages plus jeunes,<br />

<strong>des</strong> familles moins nombreuses, <strong>et</strong> surtout moins difficiles. Tels sont les objectifs sous-jacents<br />

aux ambitions d’intégration du quartier dans la ville <strong>et</strong> de diversification de l’habitat sur le<br />

quartier. Tels sont également les inquiétu<strong>des</strong> <strong>des</strong> habitants qui ont peur que leur quartier ne<br />

devienne un « quartier de riches » 210, qu’eux mêmes ne puissent plus y vivre, ni même y survivre.<br />

Toutefois, c’est sur le degré de réhabilitation <strong>des</strong> immeubles que l’adhésion <strong>des</strong> habitants au<br />

proj<strong>et</strong> <strong>et</strong> la diversification de la population vont être difficile à gérer. En eff<strong>et</strong>, le proj<strong>et</strong> prévoit<br />

divers niveaux de réhabilitation suivant les immeubles. Pour les réhabilitations les plus fortes, les<br />

plus gran<strong>des</strong> hausses de loyers, certains <strong>des</strong> foyers concernés ne touchant pas l’APL. Ces<br />

personnes sont-elles prêtes à subir une augmentation ? Sachant qu’une réhabilitation lourde<br />

intègre une forte transformation de la cellule logement (nécessité de relogements transitoires,<br />

risque de départ <strong>des</strong> catégories moyennes non « apélisées »), il ressort que les caractéristiques<br />

206 BRUN M., « Un nouveau bailleur pour une diversification de l’habitat <strong>et</strong> <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de gestion », in CERTU, VILLE DE<br />

GRENOBLE, op. cit., page 74.<br />

207 ALLIBE C., COPPE G., « Un proj<strong>et</strong> qui s’inscrit dans la durée », in CERTU, VILLE DE GRENOBLE, op.cit., page 83.<br />

208 Entr<strong>et</strong>ien avec Guillaume COPPE, op.cit.<br />

209 Ibid.<br />

210 Entr<strong>et</strong>ien Cécile ALLIBE, op. cit.<br />

ARANTES Laëtitia 95


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

de la population de l’immeuble <strong>et</strong> de ses aspirations ne correspondent pas forcément à la<br />

programmation envisagée. Voici donc un <strong>des</strong> écueils à éviter.<br />

1.2. De l’acceptation du proj<strong>et</strong> à la participation <strong>des</strong> habitants.<br />

Certes, l’opération prévoit d’attirer de nouvelles populations sur le quartier, mais elle espère<br />

également inciter les populations actuelles à rester sur place. Pour cela, le proj<strong>et</strong> de<br />

requalification de Panerai repose en grande partie sur la réhabilitation débouchant sur la création<br />

de p<strong>et</strong>ites résidences regroupant un ou deux immeubles au plus (25 unités résidentielles<br />

environ). Ce sont ces unités résidentielles qui envisagent de maintenir les habitants sur place en<br />

leur offrant un cadre de vie à échelle humaine, une meilleure identification entre <strong>espaces</strong> publics<br />

<strong>et</strong> privés.<br />

« Mais, ce n’est pas que l’image : une fois qu’on a changé l’image <strong>et</strong> que les gens<br />

viennent voir <strong>et</strong> qu’ils s’aperçoivent que c’est aussi pourri qu’avant, sauf que ça a une<br />

bonne image, ils repartent <strong>et</strong> puis c’est tout. On ne peut pas changer que l’image. Ça<br />

veut dire qu’on donne <strong>des</strong> prestations qui sont <strong>des</strong> prestations réelles. Donc ça c’est la<br />

question, la vraie question en fait : les prestations. Donc quelles prestations est-ce<br />

qu’on donne ? C’est <strong>des</strong> logements plus confortables, c’est un cadre de vie plus<br />

confortable <strong>et</strong> plus sûr, ça a un rôle la dedans. C’est <strong>des</strong> services de qualité :<br />

bibliothèque, crèche, commerces, transports. Là, ça commence à être quelque chose.<br />

C’est un vrai changement. » 211<br />

Notamment, l’accent est mis sur les prestations individuelles de chaque bâtiment : confort<br />

intérieur <strong>et</strong> agrandissement <strong>des</strong> cuisines, prolongement du logement par <strong>des</strong> balcons <strong>et</strong> jardins<br />

privatifs, mise en place de nouveaux équipements. L’objectif est d’améliorer le confort de vie <strong>des</strong><br />

locataires.<br />

211 Entr<strong>et</strong>ien Guillaume COPPE, op. cit.<br />

212 Photographie personnelle, avril 2007.<br />

ILLUSTRATION 24 : BALCONS ET JARDINS PRIVATIFS. 212<br />

ARANTES Laëtitia 96


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Tout est mis en œuvre pour affirmer le changement d’image extérieur, <strong>et</strong> en même temps pour<br />

montrer que ce n’est pas simplement un maquillage, mais une amélioration du cadre de vie, du<br />

confort de vie.<br />

Pourtant, la mise en place <strong>des</strong> premières unités résidentielles a fait l’obj<strong>et</strong> de nombreux débats<br />

entre les acteurs <strong>et</strong> les habitants, portant sur leur aménagement <strong>et</strong> leur gestion : délimitation <strong>des</strong><br />

unités par <strong>des</strong> clôtures, création de jardins privatifs <strong>et</strong> de jardins en cœur d’îlots, contrôle d’accès<br />

<strong>des</strong> parkings rattachés à chaque unité, restructuration <strong>et</strong> embellissement <strong>des</strong> halls d’entrée <strong>des</strong><br />

immeubles, « prolongement du logis » 213 par <strong>des</strong> balcons… Les points qui méritent discussion<br />

sont nombreux, la liste est longue ; <strong>et</strong> difficile est pour les professionnels de décider <strong>des</strong><br />

réhabilitations à réaliser dans chaque immeuble sans susciter une certaine réaction <strong>des</strong><br />

locataires.<br />

De ce fait, les bailleurs ont adopté une forte logique de « travaux à la carte » 214 dans les<br />

logements : dès que les éventuelles prestations (leurs contenus, leurs coûts, leurs résultats) sont<br />

mieux appréhendées par les habitants, la concertation autour <strong>des</strong> détails du proj<strong>et</strong> est possible.<br />

Elle perm<strong>et</strong> de favoriser le débat, d’échanger les points de vue, de faire ressortir <strong>des</strong><br />

propositions, <strong>et</strong> enfin de construire <strong>et</strong> d’améliorer ponctuellement le proj<strong>et</strong>.<br />

« Nous avons souhaité que la gestion immédiate par le bailleur, que le choix au niveau<br />

de réhabilitation, le choix <strong>des</strong> usages <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> puissent faire l’obj<strong>et</strong> de<br />

négociations entre les habitants <strong>et</strong> le bailleur » 215 .<br />

La mobilisation <strong>des</strong> habitants est donc une ambition sociale forte du proj<strong>et</strong> Panerai : les faire<br />

adhérer au proj<strong>et</strong>, les faire participer aux prises de décisions, les sensibiliser aux éventuelles<br />

augmentations de charges… La réhabilitation a un coût <strong>et</strong> les habitants doivent en prendre<br />

conscience. La résidentialisation devient alors le support d’une cogestion adaptée, qui fait <strong>des</strong><br />

habitants de véritables acteurs dans la construction <strong>et</strong> dans la gestion de leur cadre de vie.<br />

1.3. Les vocations <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> résidentiels : un contrôle <strong>des</strong> comportements ?<br />

« L’idée du proj<strong>et</strong> urbain comme levier d’un programme de développement social, de<br />

progrès social. Et aussi, à travers ce proj<strong>et</strong> urbain, on repense aussi toutes les<br />

relations de voisinage, toutes les choses qui dysfonctionnent sur l’espace public, qui<br />

relèvent de la cohabitation <strong>des</strong> gens entre eux. C’est un parti pris très fort, qu’il a fallu<br />

partager avec le bailleur, lequel bailleur s’est complètement réapproprié ce proj<strong>et</strong>. » 216<br />

213 SECCI C., THIBAULT E., « Espace intermédiaire. Formation de c<strong>et</strong>te notion chez les architectes », in HAUMONT B.,<br />

MOREL A., dir., op.cit., page 16.<br />

214 LAPIERE J.F., « La construction d’une vision partagée », in CERTU, LA VILLE DE GRENOBLE, op.cit., page 124.<br />

215 PANERAI P., « La résidentialisation, transformation ou fin du modèle <strong>des</strong> grands ensembles », in CERTU, VILLE DE<br />

GRENOBLE, op.cit., page 89.<br />

216 Entr<strong>et</strong>ien avec Cécile ALLIBE, op.cit.<br />

ARANTES Laëtitia 97


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

La création d’unités résidentielles est un axe stratégique fort du proj<strong>et</strong> Panerai : il s’agit d’unités<br />

structurées par <strong>des</strong> parcellaires <strong>et</strong> spiralées par <strong>des</strong> clôtures, qui perm<strong>et</strong> de « redonner à<br />

l’habitant une autorité sur l’extérieur » 217. Requalification <strong>des</strong> entrées, privatisation <strong>des</strong> parkings<br />

résidentiels ou encore attribut de jardins privatifs clos (familiaux) devraient renforcer c<strong>et</strong>te<br />

construction d’unités de vie, un peu plus élémentaires, car il est vrai qu’à l’image de<br />

l’agencement <strong>des</strong> immeubles, la vie sociale à Teisseire est dispersée. Lors de l’enquête auprès<br />

<strong>des</strong> habitants, nombre d’entre eux avouent ne pas connaître certains coins du quartier, le<br />

territoire est très sectorisé : Teisseire 1, Teisseire 2 <strong>et</strong> la périphérie du quartier où certains ne se<br />

rendent jamais.<br />

« Quand vous traversez l’avenue Paul Cocat, là, c'est Teisseire 2, parce qu’ils ont<br />

construit après. »<br />

Ei7, Femme, 70 ans, première résidence, anc. 41 ans.<br />

« Teisseire 1 c'est le quartier réputé le plus grand espace vert. Les immeubles sont pas<br />

les uns sur les autres. A Teisseire 2, les immeubles sont plus rapprochés ».<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, anc. 48 ans.<br />

Les locataires, même récents, intègrent c<strong>et</strong>te distinction entre Teisseire 1 <strong>et</strong> Teisseire 2 : la<br />

frontière représentée par l’avenue Paul Cocat est souvent difficile à franchir.<br />

« Ah Teisseire 1, on me paierait, je n’irais pas. On me donnerait un appartement<br />

gratuit, je n’irais pas. Y a trop de voyous là-bas. Teisseire 2, c'est plus calme. Ici c'est<br />

très calme. On n’a jamais eu de problème. Avec les voitures. Nous, on ne ferme jamais<br />

la voiture. »<br />

Ei19a, Couple, 81 <strong>et</strong> 80 ans, résidence à vendre, barre, anc. 46 ans.<br />

Ce constat se remarque surtout dans le secteur Nord de Teisseire, Teisseire 2, où les travaux<br />

viennent à peine d’être entamés.<br />

La La résidentialisation résidentialisation : pour un partage partage <strong>et</strong> un contrôle contrôle <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>.<br />

Bien que la problématique sécuritaire ne soit pas explicitement avancée comme motif par les<br />

concepteurs du proj<strong>et</strong> sur le quartier Teisseire, <strong>des</strong> problèmes d’<strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>,<br />

publics ou collectifs, sont souvent évoqués, tant par les habitants que par les acteurs<br />

institutionnels. En 1995, principalement à cause <strong>des</strong> regroupements, les allées sont envahies par<br />

les jeunes, les aires de jeux <strong>et</strong> les rues désertées par les jeunes enfants, fuyant les dangers <strong>des</strong><br />

deux-roues.<br />

Le proj<strong>et</strong> de Panerai se propose donc d’apporter une solution à ces problèmes d’<strong>appropriation</strong>,<br />

en réorganisant les <strong>espaces</strong> <strong>et</strong> en affichant leur statut.<br />

217 PANERAI P., « L’unité résidentielle : raisons <strong>et</strong> antécédents », op. cit., page 44.<br />

ARANTES Laëtitia 98


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« On s’aperçoit qu’il y a quand même une relation entre les zones de regroupement <strong>et</strong><br />

les types d’aménagement. En gros, là où on a déjà aménagé, il y a moins de<br />

regroupement que là où on n’a encore pas trop aménagé. » 218<br />

Ici le lien entre forme <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> comportement, rapport affiché par la prévention situationnelle<br />

anglo-saxonne, semble prendre forme : certaines situations prédisposent à certains<br />

comportements délictuels, <strong>et</strong> les <strong>espaces</strong> vi<strong>des</strong> <strong>des</strong> grands ensembles en font partie.<br />

A terme, les <strong>espaces</strong> de proximité ne doivent plus être traversables par les personnes qui n’y<br />

résident pas. Aussi un travail à la fois physique <strong>et</strong> symbolique (nouvelles nominations,<br />

embellissement par <strong>des</strong> plantations d’espèces valorisantes, <strong>des</strong> mobiliers urbains de qualité,<br />

<strong>et</strong>c.) perm<strong>et</strong>tra-t-il à chaque unité résidentielle d’être distinguée à la fois de l’unité voisine mais<br />

aussi <strong>des</strong> stéréotypes du logement social en général.<br />

La La résidentialisation résidentialisation : pour une plus grande grande <strong>appropriation</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>.<br />

Par ailleurs, plus généralement sur le quartier Teisseire, en 1995, l’<strong>appropriation</strong> de l’espace est<br />

très différente d’un habitant à l’autre : si les plus anciens, noyaux du quartier, se plaisent à se<br />

r<strong>et</strong>rouver entre eux sur les bancs situés en bas de leur immeuble, toutefois les ménages les plus<br />

récents sur le quartier y sont peu présents, leurs attaches professionnelles <strong>et</strong> relationnelles étant<br />

davantage hors du quartier, notamment dans le centre-ville.<br />

« L’espace résidentiel est un espace intermédiaire qui perm<strong>et</strong> une séparation entre<br />

l’espace privé <strong>et</strong> l’espace public. Il perm<strong>et</strong> la mise à distance de ‘‘l’espace pour tous’’<br />

par rapport aux logements privés <strong>et</strong> il offre un lieu possible d’<strong>appropriation</strong>, d’un ‘‘chez<br />

nous collectif’’ ». 219<br />

L’objectif est donc de soum<strong>et</strong>tre aux habitants l’occasion de s’investir davantage dans leur<br />

quartier, d’y être plus présent <strong>et</strong> de se l’approprier. C'est ainsi que l’unité résidentielle espère<br />

pouvoir créer <strong>des</strong> unités de vie au sein du quartier <strong>et</strong> offrir aux habitants un cadre de vie plus<br />

appropriable, qu’ils aient envie d’investir. Car, pour Philippe Panerai : « favoriser l’<strong>appropriation</strong> <strong>et</strong><br />

le sentiment d’être chez soi constitue le premier pas vers l’intégration, être chez soi signifie avoir<br />

un pouvoir de décision <strong>et</strong> d’action sur son cadre de vie […]. Individuelle ou familiale ou collective,<br />

l’<strong>appropriation</strong> est facteur de prise de responsabilité, ce qui favorise le contrôle social, facteur de<br />

sécurité » 220.<br />

218 Entr<strong>et</strong>ien avec Guillaume COPPE, op.cit.<br />

219 PIERREL M., « R<strong>et</strong>our d’enquête : quelles répercussions sur les instances de représentation <strong>des</strong> habitants <strong>et</strong> le vivre<br />

ensemble ? », in CERTU, VILLE DE GRENOBLE, op. cit., page 122.<br />

220 ATELIER PHILIPPE PANERAI / Bureau d’étu<strong>des</strong> Avant-Proj<strong>et</strong>, op.cit., page 13.<br />

ARANTES Laëtitia 99


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« Réhabiliter sans changer le rapport <strong>des</strong> habitants aux parties collectives n’a pas<br />

d’eff<strong>et</strong> durable car les dégradations ne s’arrêtent pas. » 221<br />

C'est en ce sens que la résidentialisation espère être une prise de conscience <strong>et</strong> une prise de<br />

responsabilité <strong>des</strong> habitants envers leur environnement : vis-à-vis d’un espace, certes qui ne leur<br />

appartient pas, mais qui leur est réservé, dans lequel ils peuvent y avoir <strong>des</strong> pratiques, les<br />

habitants auraient davantage l’envie de s’y investir <strong>et</strong> d’en prendre soin.<br />

La notion de patrimoine est fortement présente dans les ambitions avancées par les acteurs<br />

institutionnels. Les locataires habitent désormais une résidence, <strong>et</strong> leur statut n’est plus celui de<br />

simple locataire, mais celui de « résidents, puisque ce sont <strong>des</strong> locataires, mais ce sont <strong>des</strong><br />

résidents aujourd'hui. » 222 La création d’unités résidentielles, <strong>et</strong> en particulier d’<strong>espaces</strong> au statut<br />

privatif, offre la possibilité aux habitants de s’approprier « leur bout de terrain » 223.<br />

« Philippe Panerai a établi un proj<strong>et</strong> pour faire une forme de privatisation du quartier,<br />

pour que chacun <strong>des</strong> habitants s’approprient leur quartier, une certaine propriété<br />

privée en quelque sorte » 224 .<br />

La La résidentialisation<br />

résidentialisation résidentialisation : aider aider à à la rencontre rencontre <strong>des</strong> <strong>des</strong> individus.<br />

Simultanément, le processus de résidentialisation semble être r<strong>et</strong>enu pour pacifier le cadre de<br />

vie. En eff<strong>et</strong>, comme le dit Guillaume Coppé, Directeur de Proj<strong>et</strong> Urbain sur le quartier Teisseire,<br />

« on sait que les concentrations d’une même population dans un quartier, ce n’est pas une chose<br />

de bon pour la cohésion sociale. » 225<br />

En créant <strong>des</strong> unités de vie plus p<strong>et</strong>ites (de l’ordre de 4 à 60 logements), ainsi que <strong>des</strong> <strong>espaces</strong><br />

intermédiaires <strong>des</strong>tinés à l’ensemble <strong>des</strong> locataires d’une même unité résidentielle, la<br />

résidentialisation se propose ainsi d’encourager la rencontre <strong>des</strong> habitants, de favoriser de leur<br />

part une plus grande convivialité, <strong>des</strong> relations plus poussées qu’un simple « bonjour-bonsoir ».<br />

« Ainsi, ces lieux de ‘‘l’entre-deux’’, a priori inscrits dans les <strong>espaces</strong> résidentiels <strong>et</strong><br />

leurs proximités, sont <strong>des</strong> « refl<strong>et</strong>s actifs » d’identités <strong>et</strong> de sociabilités dont les<br />

combinaisons complexes se déclinent de l’indifférence à l’empathie, <strong>et</strong> du simple<br />

côtoiement à l’hospitalité. » 226<br />

221 HAUMONT B., « Entre public <strong>et</strong> privé : <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> <strong>et</strong> <strong>des</strong> lieux toujours en chantier », in HAUMONT B., MOREL A.,<br />

dir., op.cit., page 16.<br />

222 Entr<strong>et</strong>ien avec Mounira DABAJI (anciennement CAPPADORO), chargée de gestion <strong>des</strong> unités résidentielles, 8 Juin<br />

2007.<br />

223 Entr<strong>et</strong>ien avec Cécile ALLIBE, op.cit.<br />

224 MATRAS M., Chargée d’opération chez Grenoble Habitat, propos tenus lors de la réunion Teisseire-Jouhaux. En<br />

mouvement avec les habitants, 3 Juill<strong>et</strong> 2007.<br />

225 Entr<strong>et</strong>ien avec Guillaume COPPE, op.cit.<br />

226 HAUMONT B., op.cit., page XXX.<br />

ARANTES Laëtitia 100


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

L’espace intermédiaire est l’espace où un groupe se réunit autour d’une pratique qui fait sens<br />

pour ses membres <strong>et</strong> qu’ils inscrivent dans l’espace en se m<strong>et</strong>tant en scène sous le regard <strong>des</strong><br />

autres, en se rendant disponibles à leur action. C'est moins le contenu <strong>des</strong> pratiques qui importe<br />

que leur ajustement négocié à un espace fréquenté par d’autres. C'est un espace de<br />

reconnaissance réciproque qui se construit, sans qu’il s’agisse d’exiger une réciprocité de<br />

perspective. L’exigence de réciprocité ne porte ici que sur les modalités de coprésence.<br />

« Habiter une même résidence témoigne d’une double attention, celle portée aux lieux <strong>et</strong> celle<br />

adressée à l’autre, le voisin, ce proche <strong>et</strong> ce distant à la fois » 227. Dans c<strong>et</strong>te perspective <strong>des</strong><br />

<strong>espaces</strong> intermédiaires, l’autre n’y prend pas place à travers la figure de l’étranger comme dans<br />

une conception citadine, mais plutôt comme un inconnu familier ; l’espace intermédiaire pouvant<br />

être conçu comme l’aire de validité d’une figure d’inconnu familier. Ni complètement privés, ni<br />

complètement publics, ni appropriés ni entièrement anonymes, les <strong>espaces</strong> intermédiaires<br />

apparaissent communs à un ensemble d’usagers qui se construit comme collectif dans <strong>des</strong><br />

pratiques de reconnaissance mutuelle.<br />

1.4. Conclusion intermédiaire : les ambitions sociales du proj<strong>et</strong> de résidentialisation<br />

sur le quartier Teisseire de Grenoble.<br />

Ainsi, plus qu’une simple transformation <strong>urbaine</strong>, le proj<strong>et</strong> de résidentialisation du quartier<br />

Teisseire de Grenoble repose également sur <strong>des</strong> ambitions sociales inhérentes aux objectifs<br />

physiques <strong>et</strong> urbains proposés jusque-là. Certes l’opération vise une requalification du quartier <strong>et</strong><br />

sa réintégration matérielle à la ville. Mais pas seulement.<br />

Oui, le proj<strong>et</strong> espère une banalisation du quartier Teisseire par rapport aux quartiers<br />

environnants, par rapport au reste de la ville ; mais les acteurs institutionnels qui travaillent sur le<br />

proj<strong>et</strong> annoncent que c<strong>et</strong>te banalisation devrait s’accompagner d’un renouvellement de la<br />

population en place. De la banalisation <strong>urbaine</strong>, l’ambition affichée par le proj<strong>et</strong> se transforme en<br />

une normalisation sociale, une normalisation de la population.<br />

Mais aussi, par les unités résidentielles, le proj<strong>et</strong> espère transformer les usages <strong>et</strong> pratiques <strong>des</strong><br />

habitants : de simples observateurs <strong>et</strong> « obj<strong>et</strong>s » du proj<strong>et</strong>, ils espèrent rendre les habitants<br />

« suj<strong>et</strong>s », acteurs <strong>et</strong> décideurs de l’opération. Comme le dit clairement Elizab<strong>et</strong>h Nour, directrice<br />

territoriale d’Actis, « au travers de la résidentialisation, c'est bien de l’<strong>appropriation</strong> par les<br />

habitants de leur lieu de vie qu’il est question » 228. Attentive à la qualité <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> <strong>et</strong> à la<br />

227 GOURCY (De) C., PINSON D., « Construire la civilité. Deux copropriétés résidentielles aixoises », in HAUMONT B.,<br />

MOREL A., dir., op.cit., page 175.<br />

228 NOUR E., avec la participation de CANAT T., « Adapter la gestion <strong>urbaine</strong> de proximité », in CERTU, VILLE DE<br />

GRENOBLE, op.cit., page 103.<br />

ARANTES Laëtitia 101


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

clarification de leur statut, la résidentialisation a également pour but d’apporter une qualification<br />

de l’espace urbain de voisinage, afin d’y favoriser les rencontres <strong>et</strong> de meilleures relations entre<br />

résidents.<br />

Toutes ces aspirations sociales, très ambitieuses, ainsi que les objectifs urbains censés<br />

contribuer à l’élaboration de celles-ci, nécessitent que soit élaboré un bon dispositif de<br />

concertation entre techniciens, élus <strong>et</strong> habitants. Car, même s’il cherche à améliorer la qualité <strong>et</strong><br />

le cadre de vie <strong>des</strong> Teisseirois, ces derniers restent sceptiques devant les ambitions affichées par<br />

les concepteurs du proj<strong>et</strong>. Dès les premières esquisses, les habitants ne cessent de clamer leur<br />

inquiétude, liée aux bouleversements induits par le parti-pris de la résidentialisation, <strong>et</strong> aux<br />

changements du mode de vie qu’il engendrera sûrement. Dans son principe général, c<strong>et</strong>te<br />

inquiétude suscite, dès le début, <strong>des</strong> mots forts traduisant les premiers ressentiments :<br />

« Quand ils nous ont dit qu’ils allaient m<strong>et</strong>tre <strong>des</strong> barrières, les gens se sont révoltés :<br />

‘‘Pas de barrières, on ne veut pas être enfermés, on n’est pas dans un zoo !’’. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, anc. 48 ans.<br />

« Vous voulez nous m<strong>et</strong>tre en cage, nous enfermez derrière <strong>des</strong> grilles. » 229<br />

« On va être comme <strong>des</strong> animaux derrière <strong>des</strong> grilles. » 230<br />

« Le quartier va devenir un quartier de riches. » 231<br />

2. La La résidentialisation résidentialisation <strong>et</strong> son acceptation par par les habitants : le besoin besoin<br />

de de de mobilisation.<br />

mobilisation.<br />

« Le rej<strong>et</strong> pas les habitants eux-mêmes de ces transformations d’usages <strong>et</strong> d’images<br />

n’est jamais redouté par les aménageurs, tant ils semblent assurés du bien-fondé de<br />

leur proj<strong>et</strong>. Ils n’imaginent pas que ce modèle pourrait ne pas correspondre à<br />

l’hétérogénéité <strong>des</strong> pratiques <strong>et</strong> <strong>des</strong> représentations » 232 .<br />

Au départ, proj<strong>et</strong> porté uniquement par la municipalité de Grenoble, il a subi un fort rej<strong>et</strong> de la<br />

part <strong>des</strong> habitants, soucieux <strong>des</strong> transformations proposées sur le quartier, jugées comme trop<br />

radicales.<br />

« La résidentialisation est une décision de la Ville de Grenoble. Le proj<strong>et</strong> a été présenté<br />

aux habitants, qui ne l’ont pas forcément bien accepté. Cela a été vécu comme<br />

quelque chose de très violent. Les habitants disaient qu’on allait faire de leur quartier<br />

un « quartier de riches », qu’on allait les m<strong>et</strong>tre dans <strong>des</strong> prisons. » 233<br />

229 MASSON L., « Réussir la résidentialisation avec la participation <strong>des</strong> habitants ? », in CERTU, VILLE DE GRENOBLE,<br />

op.cit., page 108.<br />

230 MOTTE J.P., Propos tenus lors de la réunion Teisseire-Jouhaux. En mouvement avec les habitants, 3 Juill<strong>et</strong> 2007.<br />

231 Entr<strong>et</strong>ien avec Cécile ALLIBE, op.cit.<br />

232 GIFFO-LEVASSEUR A.M., PASQUIER E., « Négocier l’espace partagé », in HAUMONT B., MOREL A., dir., op.cit., page<br />

105.<br />

233 Entr<strong>et</strong>ien avec Cécile ALLIBE, op.cit.<br />

ARANTES Laëtitia 102


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Pourtant, lors du lancement du proj<strong>et</strong> en 1997, la municipalité ne voulait pas discuter sur le<br />

principe même du proj<strong>et</strong>, c'est-à-dire la résidentialisation <strong>et</strong> ses concepts (la création d’unités<br />

résidentielles par l’attribution autour de chaque (partie d’) immeuble d’un espace commun<br />

<strong>des</strong>tiné à l’ensemble <strong>des</strong> résidents). Mais elle a tout de même conservé un espace de dialogue<br />

avec les habitants en ce qui concerne les détails de la résidentialisation : de nombreux débats<br />

ont eu lieu, par résidence, quant aux prestations à modifier dans l’immeuble résidentialisé.<br />

La complexité du proj<strong>et</strong> <strong>et</strong> de ses aspirations, la multiplicité <strong>des</strong> acteurs, <strong>et</strong> le scepticisme de<br />

certains ont nécessité que soit élaboré un bon dispositif de concertations entre les acteurs (élus,<br />

techniciens, <strong>et</strong> habitants).<br />

2.1. L’acceptation du proj<strong>et</strong> : le Jardin <strong>des</strong> Buttes comme îlot test.<br />

« Au départ, les habitants étaient contre la résidentialisation car le quartier était un<br />

quartier ouvert, <strong>et</strong> les habitants avaient peur que ça devienne un quartier gh<strong>et</strong>to, que<br />

chacun ait sa p<strong>et</strong>ite entrée, que ça s’individualise. Ils avaient peur que ça enlève la<br />

partie collective <strong>et</strong> relations sociales du quartier. » 234<br />

Face à l’opposition initiale <strong>des</strong> habitants, intransigeants sur le principe même du proj<strong>et</strong> urbain, à<br />

savoir la résidentialisation, les élus leur proposent donc, en 1999, de faire une expérience du<br />

proj<strong>et</strong> sur un îlot test : le Jardin <strong>des</strong> Buttes.<br />

ILLUSTRATION 25 : L’ILOT DES BUTTES – PRINCIPES DE RESIDENTIALISATION 235 .<br />

234 Entr<strong>et</strong>ien avec Jean-Luc SANVOISIN, op.cit.<br />

235 HACHACHE N., « Grenoble. Une expérience pilote pour tester les outils du renouvellement urbain. », Le Moniteur –<br />

Spécial Aménagement, Edition 2002, page 108.<br />

ARANTES Laëtitia 103


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

La proposition <strong>des</strong> élus est la suivante : « on va faire l’aménagement comme on a prévu sur la<br />

Place <strong>des</strong> Buttes, donc avec la première unité résidentielle, 126 Jouhaux <strong>et</strong> 130 Jouhaux. Et puis<br />

les quatre unités résidentielles qui ceinturent la place <strong>des</strong> Buttes <strong>et</strong> l’aménagement de la Place<br />

<strong>des</strong> Buttes, déjà. Et on s’était dit : ‘‘on va regarder ce que ça donne’’ » 236.<br />

Le principe est simple : les résidences sont créées selon le principe de résidentialisation proposé<br />

par Philippe Panerai, les résidents y habitent pendant six mois, à l’issu <strong>des</strong>quels ils doivent<br />

répondre à un questionnaire de satisfaction. Ces premières unités résidentielles sont <strong>des</strong> plus<br />

« basiques » : elles sont quasiment dépourvues d’aménagement (les balcons ne sont pas<br />

agrandis, les parkings ne sont pas aménagés), <strong>et</strong> relèvent de simples réhabilitations.<br />

Pourtant le bilan est <strong>des</strong> plus positifs : plus de 70% <strong>des</strong> gens étaient satisfaits, ce qui a permis<br />

aux élus <strong>et</strong> concepteurs de lancer le proj<strong>et</strong> de résidentialisation sur la totalité du quartier<br />

Teisseire.<br />

ILLUSTRATION 26 : L’ILOT TEST : LE JARDIN DES BUTTES 237 .<br />

2.2. Les unités résidentielles : une opportunité pour la gestion de proximité.<br />

Ainsi, en 1999, le proj<strong>et</strong> est lancé pour de bon. Dans ce cadre, Actis 238 réalise, depuis 1998,<br />

d’importants travaux de réhabilitation, de traitement ou de restructuration <strong>des</strong> logements. En<br />

parallèle, la Ville intervient sur les aménagements extérieurs <strong>et</strong> les équipements publics. Fin<br />

236 MOTTE J.P., op.cit.<br />

237 HACHACHE N., op.cit., page 54.<br />

238 Le second bailleur sur le quartier, Grenoble Habitat, ne gère <strong>des</strong> logements que depuis 2002. Le proj<strong>et</strong> sur les<br />

immeubles concernés ont à peine débuté en 2007 ; à ce jour, aucune unité résidentielle n’est terminée. Pour le<br />

moment, le mode de gestion <strong>des</strong> unités résidentielles n’a pas encore lieu d’être.<br />

ARANTES Laëtitia 104


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

2005, 970 réhabilitations ont été entreprises sur les logements, 127 constructions directement<br />

sur le quartier, <strong>et</strong> seulement 165 logements démolis (répartis sur deux immeubles <strong>et</strong> une<br />

montée). Au jour d’aujourd'hui, 24 unités résidentielles ont été créées.<br />

Organisée autour de ces unités résidentielles, l’approche en termes de gestion de proximité se<br />

pose donc de manière différente en ce qui concerne les unités résidentielles <strong>et</strong> nécessite de ce<br />

fait une différenciation dans les mo<strong>des</strong> de gestion. Un nouveau mode de gestion est donc mis en<br />

place, afin que les résidents restent conscients <strong>des</strong> changements amenés <strong>et</strong> de leur nouveau<br />

cadre de vie. C<strong>et</strong>te gestion est organisée autour de la création de poste au sein même d’Actis ;<br />

mais elle introduit également les résidents dans le processus, avec la création de comités de<br />

résidents.<br />

L’apparition d’une nouvelle instance promue par le bail bailleur bail bailleur<br />

leur : : les les comités comités de de résidents.<br />

résidents.<br />

Notamment, afin d’accompagner la mise en place <strong>des</strong> unités résidentielles, le bailleur a décidé<br />

de créer <strong>des</strong> comités de résidents. Composés <strong>des</strong> locataires de l’unité, ils sont représentés,<br />

chacun, par un ou deux référents, porteurs de la parole collective <strong>et</strong> interlocuteur privilégié du<br />

bailleur, représenté par un interlocuteur unique : la chargée de gestion <strong>des</strong> unités résidentielles<br />

(dont nous expliciterons les missions dans un prochain paragraphe).<br />

Pour le moment (en juill<strong>et</strong> 2007) les référents sont au nombre de 25 pour 14 unités<br />

résidentielles crées. Ils sont fortement sollicités par les locataires pour résoudre, par<br />

l’intermédiaire du bailleur, <strong>des</strong> problèmes qui touchent le collectif, comme la propr<strong>et</strong>é de l’unité.<br />

« Les référents, c'est nous qui sommes responsables de notre immeuble. Si y a<br />

quelque chose qui ne va pas, c'est nous qui devons dire : ‘‘ah non, vous ne<br />

devez pas faire ci, vous ne devez pas faire ça’’. Moi, je l’ai dit : ‘‘on n’est pas<br />

<strong>des</strong> gendarmes, il faut bien que les gens le comprennent, on n’est pas <strong>des</strong><br />

gendarmes’’. On est très sollicités. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Un Un nouveau nouveau nouveau poste poste chez chez Actis Actis : la chargée de gestion <strong>des</strong> unités résidentielles.<br />

Par ailleurs, car le proj<strong>et</strong> de résidentialisation ne s’arrête pas une fois les travaux de<br />

réhabilitation, de traitement ou de restructuration de logements faits, la gestion de proximité a<br />

été renforcée, « passant d’un agent de proximité pour environnement 300 logements à un pour<br />

150 aujourd'hui » 239. C<strong>et</strong> agent, premier interlocuteur <strong>des</strong> résidents, est aujourd'hui le référent<br />

pour tous les problèmes touchant à la vie quotidienne.<br />

Mais aussi, la résidentialisation, par la requalification <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> qu’elle induit, « modifie les<br />

comportements <strong>des</strong> habitants <strong>et</strong> engendre la transformation du rapport qu’ils ont à leur<br />

239 NOUR E., avec la participation de CANAT T., op.cit., page 103.<br />

ARANTES Laëtitia 105


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

environnement » 240. Aussi, afin de résoudre <strong>et</strong> gérer les nouveaux problèmes liés à la<br />

résidentialisation, <strong>et</strong> accompagner les résidents dans le processus d’assimilation du proj<strong>et</strong>, le<br />

bailleur a choisi de créer un nouveau poste. Ainsi, depuis le 10 janvier 2005, un nouvel acteur<br />

intervient auprès <strong>des</strong> habitants du quartier, <strong>et</strong> essaie de leur apporter <strong>des</strong> réponses : le chargé<br />

de gestion <strong>des</strong> unités résidentielles.<br />

« Mon rôle consiste à rencontrer les habitants pour créer une dynamique avec eux<br />

autour d’un proj<strong>et</strong> de mieux vivre ensemble. C'est un vrai travail collectif fait à l’échelle<br />

d’une unité résidentielle » 241 .<br />

Complémentaire de celle <strong>des</strong> chargés d’agence, c<strong>et</strong>te fonction est assurée par une personne<br />

capable de répondre aux deman<strong>des</strong> croissantes <strong>des</strong> locataires, « questions auxquelles le chargé<br />

d’agence ne pouvait pas forcément répondre » 242. Les missions du chargé de gestion <strong>des</strong> unités<br />

résidentielles s’articulent autour de trois axes 243 :<br />

o A l’échelle de chaque unité résidentielle, m<strong>et</strong>tre en place <strong>des</strong> comités de résidents», avec<br />

comme objectif premier de créer une dynamique participative chez les locataires ;<br />

« Créer une dynamique autour <strong>des</strong> nouveaux <strong>espaces</strong>, pour que les résidents puissent<br />

trouver aussi un moyen d’avoir une parole, de prendre en compte les <strong>espaces</strong><br />

résidentiels, <strong>et</strong> de fait avoir un échange avec leur bailleur. » 244<br />

o Accompagner les équipes de proximité d’Actis dans la gestion <strong>et</strong> la mise en place de<br />

nouvelles pratiques.<br />

o Animer un partenariat fort autour <strong>des</strong> thèmes de la gestion <strong>urbaine</strong> de proximité avec les<br />

services de la Ville de Grenoble <strong>et</strong> de la Communauté d’agglomération (la Métro).<br />

o Assister à l’élaboration d’une convention de gestion Ville-Actis.<br />

Très concrètement, c'est le premier axe qui a mobilisé de façon prioritaire la chargée de gestion<br />

<strong>des</strong> unités résidentielles, Mme Dabaji. Dans chaque unité résidentielle, elle aide ces comités de<br />

résidents à la création en deux temps d’une « charte de bon voisinage » 245, qui prévoit <strong>des</strong> co<strong>des</strong><br />

de bon comportement, les droits <strong>et</strong> les devoirs <strong>des</strong> résidents, par rapport au bruit, au<br />

stationnement, à la propr<strong>et</strong>é, au vandalisme ou encore aux animaux. D’une part, les référents ont<br />

travaillé ensemble sur la trame de la charte de bon voisinage. D’autre part, chaque comité de<br />

240 NOUR E., avec la participation de DABAJI M., « L’accompagnement <strong>des</strong> habitants dans la gestion <strong>des</strong> unités<br />

résidentielles », in CERTU, VILLE DE GRENOBLE, op.cit., page 115.<br />

241 CAPPADORO M., in Ma résidence. La l<strong>et</strong>tre d’information <strong>des</strong> locataires <strong>des</strong> unités résidentielles, 29 septembre<br />

2005, page 1.<br />

242 Entr<strong>et</strong>ien avec Mounira DABAJI, op.cit.<br />

243 Ibid.<br />

244 Ibid.<br />

245 Un exemple de charte de bon voisinage est présenté en annexe : celle de la résidence <strong>des</strong> Tilleuls.<br />

ARANTES Laëtitia 106


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

résidents a pu y apporter d’éventuelles modifications <strong>et</strong> ainsi personnaliser la charte de bon<br />

voisinage en fonction de sa résidence.<br />

La charte de bon voisinage est également l’occasion pour les résidents de donner un nom à leur<br />

résidence. Désignées par une appellation unique, la « résidence », les unités résidentielles<br />

portent toutes <strong>des</strong> noms de bon augure qui puisent essentiellement dans un registre : la nature.<br />

Les arbres <strong>et</strong> fleurs sont tout particulièrement à l’honneur dans la nomination <strong>des</strong> ensembles<br />

résidentiels : « Les Lilas », « Les Myosotis », « Les Tilleuls », <strong>et</strong>c.<br />

ILLUSTRATION 27 : EXEMPLES DE PLAQUES NOMINATIVES INSTALLEES SUR LES IMMEUBLES RESIDENTIALISES. 246<br />

Mais aussi, dans certaines résidences, les habitants baptisent leur résidence d’un nom qui les<br />

représente le mieux. C'est le cas notamment pour la résidence <strong>des</strong> P<strong>et</strong>its Cœurs, dans laquelle<br />

habitent beaucoup de jeunes enfants ; ou encore, les résidents du Domaine du Soleil ont<br />

judicieusement choisi le nom de leur résidence.<br />

« Nous, notre unité s’appelle le Domaine du Soleil. On a choisi le Domaine du<br />

Soleil parce que, bon, c'est un quartier d’Alpes d’Huez où mon voisin à<br />

travaillé. Moi, l’Alpes d’Huez, c'est mon endroit phare. Ma voisine à côté est de<br />

République Dominicaine, donc le soleil, ça lui a tout de suite plu. Et puis,<br />

madame… la première maison, elle est d’origine tunisienne ou algérienne, je<br />

ne sais plus. Mais enfin, c'est toujours pareil, elle habitait près de la<br />

Méditerranée, <strong>et</strong> la mer, ça lui a plu. Et on a choisi le Domaine, parce que, bon<br />

là, c'est toujours pareil, c'est vrai qu’on s’est un peu mis en marge ; mais, du<br />

fait qu'on est bien clôturés, pour nous, ça fait plus une espèce de domaine. Et<br />

quand le soleil, le matin, il se lève, ça inonde de soleil, ça fait magnifique. Alors<br />

c'est pour ça qu’on a choisi ce nom-là. »<br />

246 Photographie personnelle, août 2007.<br />

Ei24, Femme, 29 ans, maison individuelle, anc. 3 ans.<br />

ARANTES Laëtitia 107


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Par la spécification de la charte de bon voisinage par unité résidentielle, <strong>et</strong> par la nomination <strong>des</strong><br />

unités résidentielles, le bailleur a ainsi « voulu aller jusqu’au bout sur le fait que chaque unité<br />

était unique » 247. L’objectif était de faire participer les résidents à la construction de leur cadre de<br />

vie ; il s’agit de « construire quelque chose ensemble. » 248 Discuter, échanger, les accompagner<br />

dans leurs deman<strong>des</strong> lorsqu’ils ont <strong>des</strong> idées, répondre aux questions <strong>des</strong> locataires, toujours<br />

dans le cadre du collectif, voici le rôle de ce nouvel interlocuteur <strong>des</strong> résidents.<br />

D’ailleurs, ses relations avec les habitants du quartier sont riches : la chargée de gestion <strong>des</strong><br />

unités résidentielles prétend connaître tout le monde <strong>et</strong> être connue de tout le monde.<br />

2.3. Une possible réduction <strong>des</strong> charges : la gestion participative.<br />

Si c<strong>et</strong>te gestion renforcée s’inscrit dans une démarche globale au niveau du bailleur <strong>et</strong> n’impacte<br />

pas spécifiquement les charges <strong>des</strong> résidents, il n’en va pas de même avec l’entr<strong>et</strong>ien <strong>des</strong> unités<br />

résidentielles. Actis, dont la plupart <strong>des</strong> immeubles sont à ce jour résidentialisés, a choisi de<br />

répartir, à partir de janvier 2006, le coût d’entr<strong>et</strong>ien <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> résidentialisés (propr<strong>et</strong>é <strong>et</strong><br />

entr<strong>et</strong>ien <strong>des</strong> végétaux) à l’échelle de chaque unité résidentielle, <strong>et</strong> non au niveau de l’agence<br />

comme c'était le cas auparavant. Ces charges nouvelles représentent un enjeu fort pour les<br />

résidents qui disposent de ressources financières limitées.<br />

« On se r<strong>et</strong>rouve avec <strong>des</strong> loyers qui sont vraiment impensables. Les unités<br />

résidentielles, je trouve qu’après on se repose trop sur les locataires pour payer. »<br />

Ec34i, Femme, 46 ans, résidente, anc. 46 ans.<br />

« Pour vous donner juste une idée, pour un T4 sans ascenseur, 180€ de charges par<br />

mois. »<br />

Ec34c, Homme, 48 ans, résident, anc. 48 ans.<br />

C'est pourquoi le bailleur cherche de plus en plus à accompagner les habitants afin qu’ils<br />

prennent progressivement en charge l’entr<strong>et</strong>ien de leurs <strong>espaces</strong>.<br />

« L’implication <strong>des</strong> habitants dans la conception comme dans la gestion est sans<br />

contexte un <strong>des</strong> enjeux majeurs <strong>des</strong> démarches de résidentialisation si l’on ne veut<br />

pas voir sans cesse s’accroître les exigences en direction <strong>des</strong> professionnels de la<br />

gestion. » 249<br />

C<strong>et</strong>te implication passe par l’attention que le bailleur peut porter à c<strong>et</strong>te dimension. Il n’y a pas<br />

de ce point de vue de rec<strong>et</strong>te particulière. En ce qui nous concerne, Actis a travaillé, en<br />

partenariat avec la Confédération Syndicale <strong>des</strong> Familles (CSF), à m<strong>et</strong>tre en place un dispositif de<br />

247 Entr<strong>et</strong>ien avec Mounira DABAJI, op.cit.<br />

248 Ibid.<br />

249 RATHIER F., « Un processus d’apprentissage au cœur <strong>des</strong> enjeux d’usages <strong>et</strong> de gestion ? Les enseignements de<br />

l’expérience de Mur<strong>et</strong>. », in CERTU, VILLE DE GRENOBLE, op.cit., page 154.<br />

ARANTES Laëtitia 108


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

gestion participative, qui perm<strong>et</strong>trait aux habitants, dont la plupart trouvent l’augmentation <strong>des</strong><br />

charges liées à la résidentialisation trop importantes, de se mobiliser pour faire eux-mêmes une<br />

partie de l’entr<strong>et</strong>ien de leur unité, dans le but de « réduire les charges mais aussi d’influer sur la<br />

qualité d’entr<strong>et</strong>ien <strong>et</strong> leur <strong>appropriation</strong> de ces <strong>espaces</strong> » 250. L’objectif est simple : il s’agit de<br />

responsabiliser les résidents sur le long terme.<br />

C<strong>et</strong>te proposition n’a toutefois pas été acceptée par nombre de résidents qui préfèrent payer les<br />

charges dues à l’entr<strong>et</strong>ien plutôt que de n<strong>et</strong>toyer eux-mêmes, alors même qu’ils jugent le<br />

n<strong>et</strong>toyage <strong>des</strong> parties communes mal fait.<br />

Ainsi, au-delà <strong>des</strong> ambitions <strong>urbaine</strong>s affichées par le proj<strong>et</strong> de requalification du quartier<br />

Teisseire proposé par Philippe Panerai, la résidentialisation aspire à <strong>des</strong> transformations plus<br />

profon<strong>des</strong> au niveau non seulement de la gestion <strong>des</strong> bailleurs – ici, la résidentialisation espère<br />

être une opportunité pour développer une gestion de proximité plus adaptée à la nouvelle<br />

configuration du quartier – mais aussi <strong>des</strong> comportements <strong>des</strong> individus. L’objectif est ici de faire<br />

prendre conscience aux habitants que leur quartier va changer, mais que ce changement ne<br />

consiste pas en une nième réhabilitation. Bien au contraire, l’opération repose sur un principe<br />

fort : la création d’<strong>espaces</strong> intermédiaires, d’<strong>espaces</strong> appropriables par les résidents. L’idée n’est<br />

pas seulement d’intégrer physiquement le quartier à la ville, mais aussi de l’intégrer dans les<br />

pratiques <strong>des</strong> habitants, de faire en sorte qu’il devienne plus qu’un quartier mutable : un quartier<br />

appropriable, un quartier où l’on vit. Pour réapprendre aux habitants de ce quartier « comment<br />

l’on y vit », quelle « urbanité » y pratiquer, bailleurs <strong>et</strong> Ville de Grenoble ont mis en place différents<br />

accompagnements à différentes échelles d’interventions. Le locataire devient non seulement un<br />

résident mais parfois aussi un référent, accompagné aux débuts de la résidentialisation par un<br />

nouvel acteur : le chargé de gestion <strong>des</strong> unités résidentielles. Les travailleurs sociaux, comme<br />

l’ensemble <strong>des</strong> intervenants, tendent à importer <strong>des</strong> usages, <strong>des</strong> pratiques <strong>et</strong> <strong>des</strong><br />

représentations qui donneront davantage d’urbanité au quartier <strong>et</strong> à ses habitants.<br />

250 NOUR E., avec la participation de CANAT T., op.cit., page 104.<br />

ARANTES Laëtitia 109


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

3. 3. La La résidentialisation résidentialisation résidentialisation de de Teisseire Teisseire selon ses concepteurs : : les premiers<br />

résultats résultats. résultats<br />

« L’avancement du proj<strong>et</strong>, avec en 2006 plus de la moitié <strong>des</strong> unités résidentielles<br />

réalisées ou en chantier, a profondément modifié l’aspect du quartier. » 251<br />

A mi parcours du proj<strong>et</strong> de résidentialisation du quartier Teisseire de Grenoble, la ville de<br />

Grenoble <strong>et</strong> les bailleurs sociaux s’interrogent tant sur les eff<strong>et</strong>s induits par de telles<br />

transformations <strong>urbaine</strong>s, que sur les premiers résultats sociaux. Au début, pari à risques lancé<br />

par la municipalité de Grenoble, selon les professionnels, l’opération de résidentialisation du<br />

quartier Teisseire se révèle pour le moment plutôt bien réussie. Tant au niveau urbain qu’au<br />

niveau social, le proj<strong>et</strong> semble apporter <strong>des</strong> premiers résultats positifs.<br />

3.1. L’état d’avancement du proj<strong>et</strong> en 2007.<br />

En 2007, la plupart <strong>des</strong> résidentialisations <strong>et</strong> <strong>des</strong> démolitions/reconstructions ont été<br />

commencées, voire terminées. Un peu plus de la moitié <strong>des</strong> démolitions ont été réalisées : trois<br />

barres ont été détruites, <strong>et</strong> on dénombre quatre démolitions partielles de barres. Il s’agit plutôt<br />

de démolitions ponctuelles, pour faire passer une voie, pour recréer un espace central en cœur<br />

d’îlot. L’objectif est à chaque fois de clarifier la structure <strong>urbaine</strong>. On ne veut pas trop démolir, car<br />

« c’est toujours quelque chose de traumatisant » 252. C'est pour cela qu’on s’appuie toujours sur<br />

l’existant, qu’on essaie de le requalifier.<br />

Aux premiers abords, le découpage parcellaire commence à rompre avec la logique du grand<br />

ensemble <strong>et</strong> à rendre possible la mutation progressive du foncier.<br />

Du Du côté côté du du domaine domaine privé privé : <strong>des</strong> travaux qui qui avancent à grands pas.<br />

Du côté du domaine privé, pour une diversité du bâti, chaque unité <strong>et</strong> bâtiment a été confié à un<br />

architecte différent. Le choix <strong>des</strong> aménagements extérieurs (balcons, jardins privatifs, <strong>et</strong>c.) <strong>et</strong><br />

intérieurs (agrandissement <strong>des</strong> cuisines, rénovation <strong>des</strong> halls d’entrée, <strong>et</strong>c.) est également<br />

différencié d’un immeuble à l’autre selon les priorités <strong>et</strong> les deman<strong>des</strong> <strong>des</strong> locataires.<br />

La carte qui suit présente l’état d’avancement du proj<strong>et</strong>. Les immeubles en rouge correspondent<br />

aux constructions nouvelles, les immeubles en orange sont concernés par <strong>des</strong> réhabilitations <strong>et</strong><br />

les démolitions sont notées par une croix rouge.<br />

251 MASSON L., op.cit., page 109.<br />

252 Entr<strong>et</strong>ien avec G. COPPE, op.cit.<br />

ARANTES Laëtitia 110


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ILLUSTRATION 28 : L’AVANCEMENT DU PROJET DEBUT 2007 253 .<br />

253 COPPE G., Directeur de Proj<strong>et</strong> Urbain sur le quartier Teisseire de Grenoble.<br />

ARANTES Laëtitia 111


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Au départ, en 1998, les efforts sont essentiellement portés sur les <strong>espaces</strong> publics. Les<br />

résidentialisations étaient <strong>des</strong> plus simples : par exemple, pour la première résidentialisation,<br />

l’ilot <strong>des</strong> Buttes (en viol<strong>et</strong> sur la carte), seules clôtures, <strong>espaces</strong> publics (le Jardin <strong>des</strong> Buttes) <strong>et</strong><br />

quelques <strong>espaces</strong> intermédiaires (jardin collectif) ont été aménagés. Les faça<strong>des</strong> <strong>des</strong> immeubles<br />

ont bénéficié d’une réhabilitation, de même que les entrées (halls <strong>et</strong> mo<strong>des</strong> d’accès) ont été<br />

rénovées. Mais les parkings n’ont pas été aménagés <strong>et</strong> à l’intérieur <strong>des</strong> immeubles, les<br />

logements n’ont fait l’obj<strong>et</strong> d’aucune réhabilitation.<br />

« Qu’est Qu’est-ce Qu’est ce qu’ils qu’ils qu’ils ont ont fait fait comme comme travaux travaux chez chez vous vous ?<br />

Ou lala, dans la maison, rien. Ça fait longtemps. La dernière fois qu’ils ont investi, ça<br />

fait déjà pas mal de temps. Ils nous avaient proposé, je crois, 3 000 Francs, un truc<br />

comme ça, c’était en Francs encore, au choix, choisir faire les salles de bain, les<br />

cuisines, les plafonds, <strong>et</strong> compagnie. Moi, j’avais fait faire les plafonds, c’est tout ce<br />

qu’ils m’ont fait comme rénovation. »<br />

Ei4, Homme, 54 ans, première résidence, barre, anc. 20 ans.<br />

ILLUSTRATION 29 : L’ILOT DES BUTTES : L’ARRIERE DES BATIMENTS. 254<br />

Au jour d’aujourd'hui, ces premières résidences doivent être « reprises car elles n’ont pas été<br />

finies à ce moment-là » 255.<br />

Depuis 2001, le dialogue avec les habitants est plus structuré 256, les réhabilitations plus<br />

poussées, répondant en ce sens aux attentes de ces derniers, tout en gardant à l’esprit les coûts<br />

qu’elles représentent. Voici, par exemple, l’immeuble rue Léon Jouhaux regroupant les numéros<br />

108 à 118 (entouré en rouge sur la carte).<br />

254 Photographie personnelle, avril 2007.<br />

255 MOTTE J.P., op.cit.<br />

256 ALLIBE C., COPPE G., op.cit., page 85.<br />

ARANTES Laëtitia 112


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ILLUSTRATION 30 : 108-118 RUE LEON JOUHAUX : L’IMMEUBLE RESIDENTIALISE LE PLUS RECEMMENT. 257<br />

L’immeuble vient d’être « résidentialisé » <strong>et</strong> a été livré début juin 2007 : une clôture a été<br />

installée autour de l’immeuble, pour marquer la distinction entre l’espace public (le trottoir <strong>et</strong> la<br />

rue) <strong>et</strong> l’espace privé (le parking collectif de l’immeuble). Les logements ont été réhabilités : <strong>des</strong><br />

balcons <strong>et</strong> <strong>des</strong> jardins privatifs (en rez-de-chaussée) ont été aménagés.<br />

Ou encore, voici l’immeuble 11 à 21 avenue Paul Cocat, une barre de 5 étages regroupant 60<br />

logements.<br />

ILLUSTRATION 31 : 11-21 AVENUE PAUL COCAT : L’IMMEUBLE AVANT LA CREATION DE LA RESIDENCE. 258<br />

Comme les autres bâtiments du quartier, celui-ci a été résidentialisé : une clôture délimite<br />

l’espace collectif attenant au bâtiment, constitué entre autres d’un parking « réservé aux<br />

résidents » 259. C<strong>et</strong>te clôture n’est pas totalement fermée : un accès est réservé à l’entrée <strong>des</strong><br />

véhicules <strong>des</strong> résidents. Il s’agit d’un accès non contrôlé, c'est-à-dire que quiconque peut y entrer<br />

<strong>et</strong> garer son véhicule, phénomène dont se plaignent souvent les résidents 260.<br />

257 Photographie personnelle, avril 2007.<br />

258 Ibid.<br />

259 Une pancarte à l’entrée du parking informe tout visiteur que ce parking est privé ; mais ne l’empêche pas<br />

« physiquement » d’y entrer.<br />

260 Les problèmes de stationnement feront l’obj<strong>et</strong> d’un paragraphe dans la quatrième partie du présent document.<br />

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<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ILLUSTRATION 32 : 11-21 AVENUE PAUL COCAT : LA CLOTURE DE LA RESIDENCE. 261<br />

« Ils ont fait le parking. C’est juste pour les résidents. Sauf qu’on a un p<strong>et</strong>it souci par<br />

rapport à ce parking là. C’est parce que y a une association juste à côté. Les gens qui<br />

viennent ici, ils prennent de la place pour les résidents. Donc, quand on fait <strong>des</strong><br />

courses, y a plus de place pour les résidents quoi… ».<br />

Ei1, Homme, 40 ans, résident, anc. 3 ans.<br />

ILLUSTRATION 33 : 11-21 AVENUE PAUL COCAT : LE PARKINGDE LA RESIDENCE. 262<br />

261 Photographie personnelle, avril 2007.<br />

262 Ibid.<br />

263 Ibid.<br />

ILLUSTRATION 34 : 11-21 AVENUE PAUL COCAT : LA NOUVELLE FAÇADE. 263<br />

ARANTES Laëtitia 114


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

En ce qui concerne le ravalement de façade, c<strong>et</strong> immeuble a bénéficié de travaux<br />

esthétiquement originaux, mais coûteux : au niveau <strong>des</strong> cuisines qui ont été agrandies <strong>et</strong><br />

prolongées par <strong>des</strong> balcons, les faça<strong>des</strong> ont été recouvertes de bois. Ce système,<br />

particulièrement coûteux n’a été reproduit sur aucun autre immeuble.<br />

Le proj<strong>et</strong> avance également au niveau <strong>des</strong> constructions nouvelles, qui concernent davantage<br />

<strong>des</strong> maisons individuelles <strong>et</strong> <strong>des</strong> p<strong>et</strong>its collectifs. Notamment, depuis 2006, les travaux de l’îlot<br />

Bour<strong>et</strong>te (au nord du quartier, entouré en bleu sur la carte) sont entamés : sont prévus <strong>des</strong><br />

immeubles collectifs, ainsi que quelques maisons individuelles en accession à la propriété :<br />

ILLUSTRATION 35 : L’ILOT BOURETTE : IMMEUBLE COLLECTIF ET MAISONS INDIVIDUELLES. 264<br />

ILLUSTRATION 36 : L’ILOT BOURETTE A TERME : DES MAISONS FAMILIALES. 265<br />

Dans le but de diversifier l’offre de logements, Actis a également vendu <strong>des</strong> logements (dans la<br />

partie extrême nord du quartier) à ses locataires, afin de créer une copropriété. Les Domaines ont<br />

d’ailleurs difficilement établi un prix, vu l’absence de logements privés, donc de transactions de<br />

référence.<br />

264 Ibid.<br />

265 Illustration de Julien Brunot Martin<strong>et</strong> ; proj<strong>et</strong> <strong>des</strong>siné par Chapuis <strong>et</strong> Royer, architectes. In CERTU, VILLE DE<br />

GRENOBLE, page 84.<br />

ARANTES Laëtitia 115


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Du Du côté côté du du domaine domaine public public : : de de nouveaux nouveaux services services s’installent s’installent dans dans le le quartier.<br />

quartier.<br />

Par ailleurs, concernant les équipements publics, le proj<strong>et</strong> de Panerai proposait un « jeu de<br />

chaises musicales » 266 qui perm<strong>et</strong>tait de remplacer les équipements fatigués <strong>et</strong> de les<br />

repositionner dans le quartier grâce à un plan d’ensemble. En 2007, les opérations relatives aux<br />

équipements <strong>et</strong> services ont également beaucoup avancé. Notamment la Maison de l’Enfance<br />

(marquée d’une étoile sur la carte), anciennement située au centre de l’îlot sud du quartier, a été<br />

reconstruite rue Gaston L<strong>et</strong>onnelier.<br />

ILLUSTRATION 37 : LA MAISON DE L’ENFANCE. 267<br />

Ou encore, le centre social a été déménagé, au grand damne <strong>des</strong> Teisseirois, de l’autre côté de la<br />

rue, sur le quartier Malherbe, à la limite entre les deux quartiers, en vue de réunir les populations<br />

<strong>des</strong> deux quartiers voisins.<br />

ILLUSTRATION 38 : LE NOUVEAU CENTRE SOCIAL. 268<br />

Côté <strong>espaces</strong> publics, les quelques démolitions ont permis d’ouvrir les rues, de faciliter les<br />

circulations, de créer <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> hiérarchisés <strong>et</strong> marqués. L’espace public est en cours de<br />

266 PANERAI P., « La résidentialisation, transformation ou fin du modèle <strong>des</strong> grands ensembles ? », op.cit., page 89.<br />

267 Photographie personnelle, avril 2007.<br />

268 Ibid.<br />

ARANTES Laëtitia 116


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

réalisation dans une logique d’inscription dans la ville, grâce à une trame <strong>urbaine</strong> re<strong>des</strong>sinée <strong>et</strong> à<br />

la réalisation d’un « fil vert » ponctué de trois parcs. Ainsi, pour le moment, deux jardins du<br />

quartier ont été aménagés : le Jardin <strong>des</strong> Buttes, jardin collectif « encerclé » par <strong>des</strong> immeubles<br />

de logement ; <strong>et</strong> le Jardin du Bassin, qui est davantage un jardin public.<br />

ILLUSTRATION 39 : LE JARDIN DES BUTTES. 269<br />

ILLUSTRATION 40 : LE JARDIN DU BASSIN. 270<br />

Ainsi, les travaux tant au niveau <strong>des</strong> immeubles de logements que <strong>des</strong> locaux accueillant <strong>des</strong><br />

équipements avancent en parallèle. La diversification <strong>des</strong> maîtres d'œuvre a fait preuve de<br />

richesse. Elle a conduit à refuser le monolithisme, particulièrement inadapté en l’occurrence, <strong>des</strong><br />

formes <strong>et</strong> <strong>des</strong> solutions.<br />

3.2. Teisseire dix ans après les premiers travaux : les éléments forts du proj<strong>et</strong>.<br />

En 2007, les acteurs institutionnels sont plutôt confiants en ce qui concerne les premiers<br />

résultats de la résidentialisation de Teisseire. Tant du point de vue de l’image du quartier que <strong>des</strong><br />

comportements de sa population, le proj<strong>et</strong> semble laisser <strong>des</strong> traces plutôt positives.<br />

269 Ibid.<br />

270 Ibid.<br />

ARANTES Laëtitia 117


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

3.2.1. 3.2.1. 3.2.1. La La ré résidentialisation ré sidentialisation de Teisseire : : un un un proj<strong>et</strong> proj<strong>et</strong> d’exception.<br />

d’exception.<br />

d’exception.<br />

Débuté en 1996 par les étu<strong>des</strong> de définitions, un délai de douze ans est nécessaire selon<br />

l’urbaniste en chef pour transformer le quartier, délai qui, du point de vue opérationnel, exige une<br />

constance <strong>des</strong> acteurs pour conserver les objectifs initiaux. Né de l’engagement <strong>des</strong> élus, le<br />

proj<strong>et</strong> de résidentialisation du quartier Teisseire a trouvé son efficacité <strong>et</strong> sa durabilité en grande<br />

partie grâce à la rapidité d’adhésion <strong>des</strong> bailleurs au proj<strong>et</strong>, à l’important travail partenarial entre<br />

la Ville de Grenoble <strong>et</strong> les bailleurs. L’adjoint au Maire chargé de la politique de la ville le<br />

confirme : l’un <strong>des</strong> facteurs de réussite identifiés sur le proj<strong>et</strong> Teisseire consiste en la « forte<br />

mobilisation de la part <strong>des</strong> professionnels <strong>et</strong> institutionnels qui s’est, entre autres, traduite par<br />

une coopération tout au long du proj<strong>et</strong> entre les services de la Ville, les bailleurs <strong>et</strong> les<br />

partenaires de l’Etat ». 271<br />

Teisseire, qui fait partie <strong>des</strong> premiers proj<strong>et</strong>s ayant bénéficié de la résidentialisation, a donc<br />

profité d’un pilotage original, du fait d’une forte présence de la Ville, <strong>des</strong> bailleurs <strong>et</strong> de<br />

l’urbaniste en chef. Proj<strong>et</strong> au rythme soutenu <strong>et</strong> surtout continu, la résidentialisation y est<br />

relativement forte dans le sens où elle ne vise pas seulement une requalification esthétique du<br />

quartier, mais davantage une transformation radicale.<br />

Les premiers travaux commencés maintenant depuis bientôt dix ans, les premiers résultats<br />

observés par les professionnels s’avèrent selon eux positifs.<br />

3.2.2. 3.2.2. L’agrément L’agrément de de vie vie vie de de Teisseire Teisseire : : une une première première réussite.<br />

réussite.<br />

Parmi eux, une <strong>des</strong> premières réussites constatées par les acteurs institutionnels réside dans<br />

l’agrément de vie apporté par la résidentialisation <strong>des</strong> bâtiments <strong>et</strong> le travail sur les <strong>espaces</strong><br />

publics proposés par le proj<strong>et</strong> de Philippe Panerai. Les acteurs institutionnels ne se gardent pas<br />

de le dire :<br />

« Le quartier s’est embelli, les habitants sont assez satisfaits. Les terrasses du rez-dechaussée<br />

sont fortement appréciées, ainsi que les balcons. » 272<br />

« D’une manière générale, le proj<strong>et</strong> a apporté de l’agrément de vie. » 273<br />

Le travail au niveau <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> publics commence à porter ses fruits.<br />

« Quand on parlait d’image tout à l’heure, il faut qu’on ait envie de traverser le quartier.<br />

Pour avoir envie de traverser le quartier, il faut avoir l’impression d’être sur un espace<br />

public. A partir du moment où on a déterminé les <strong>espaces</strong> privés, on sait où est<br />

l’espace public, ce qui n’était pas clair avant. » 274<br />

271 MOTTE J.P., « Teisseire : un partenariat Ville-bailleurs pour un proj<strong>et</strong> urbain <strong>et</strong> social », in CERTU, VILLE DE<br />

GRENOBLE, op.cit., page 67.<br />

272 Entr<strong>et</strong>ien avec Cécile ALLIBE, op.cit.<br />

273 Entr<strong>et</strong>ien avec Guillaume COPPE, op.cit.<br />

274 Ibid.<br />

ARANTES Laëtitia 118


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Grâce au proj<strong>et</strong> de Philippe Panerai, les endroits sont plus beaux <strong>et</strong> manifestement les habitants<br />

vivent davantage sur l’extérieur, sur leurs balcons. Quand on observe les balcons <strong>et</strong> les jardins,<br />

selon le directeur de proj<strong>et</strong> urbain, on voit qu’ils sont tous occupés <strong>et</strong> non délaissés. « C’est une<br />

vraie prestation, un vrai service rendu. » 275<br />

Selon eux, c<strong>et</strong>te réussite émergente du proj<strong>et</strong> se doit au processus de dialogue avec les<br />

habitants, qui consiste à faire un « sondage » auprès <strong>des</strong> habitants sur ce qu’ils attendent en<br />

matière de travaux dans leur immeuble. Pour eux, « c’est un moment privilégié d’échange avec<br />

les habitants » 276.<br />

3.2.3. 3.2.3. Teisseire Teisseire : un quartier attractif.<br />

Par ailleurs, <strong>des</strong> changements commencent également à apparaître au niveau de la population<br />

du quartier. Certes, « depuis la résidentialisation, on note une faible évolution du peuplement,<br />

mais c<strong>et</strong>te évolution est tout de même notable » 277. Aujourd'hui, davantage de personnes veulent<br />

habiter Teisseire (alors qu’avant plus personne ne le voulait). Ces nouvelles personnes sont de<br />

meilleur niveau social que les gens qui partent, grâce au choix de diversifier les statuts <strong>et</strong> les<br />

logements, qui a permis de proposer <strong>des</strong> logements à <strong>des</strong> personnes de différentes catégories<br />

sociales.<br />

Par ailleurs, certes, les familles en grande difficulté le sont toujours, mais le taux de précarité a<br />

baissé en moyenne <strong>et</strong> « on a fait un peu de mixité » 278. Mais « il faudra du temps pour voir si c<strong>et</strong>te<br />

mixité modifiera la structure sociale du quartier » 279.<br />

Finalement, selon le directeur de proj<strong>et</strong> Développement Social Urbain, Jean-Luc Sanvoisin, la<br />

vraie réussite de Teisseire, c'est d’être parvenu à maintenir <strong>des</strong> populations sur place. « Les<br />

familles ont pu rester sur le quartier ; il n’y a pas eu de volonté de partir parce que les loyers<br />

devenaient inaccessibles. Ceux qui voulaient partir, c’est ceux qui voulaient partir depuis<br />

longtemps. » 280<br />

Ainsi, ce qui a surtout changé depuis la résidentialisation, c’est le regard que portent les<br />

habitants sur leur propre quartier, <strong>et</strong> aussi le regard <strong>des</strong> gens extérieurs.<br />

275 Ibid.<br />

276 Entr<strong>et</strong>ien avec Cécile ALLIBE, op.cit.<br />

277 Ibid.<br />

278 Entr<strong>et</strong>ien avec Jean-Luc SANVOISIN, op.cit.<br />

279 Ibid.<br />

280 Ibid.<br />

ARANTES Laëtitia 119


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

3.2.4. 3.2.4. 3.2.4. Teisseire Teisseire : civilité civilité <strong>et</strong> sécuri sécurité. sécuri<br />

té.<br />

Ce changement de regard sur le quartier se perçoit également à travers l’intérêt que les habitants<br />

y portent, non seulement au niveau de leur montée, mais aussi au niveau <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> publics<br />

environnants. Les habitants sont plus respectueux de leur environnement, intérieur <strong>et</strong> extérieur.<br />

Selon Guillaume Coppé, du fait de la résidentialisation, on observe depuis les premières<br />

livraisons, « moins de j<strong>et</strong>s de poubelles par les fenêtres » 281.<br />

La chargée de gestion <strong>des</strong> unités résidentielles qui travaille chez Actis, Mounira Dabaji, le<br />

confirme d’ailleurs : « il y a moins de tags <strong>des</strong>sinés dans les halls <strong>et</strong> sur les murs » 282. D’une<br />

manière générale, tous sont d’accord : on observe « moins, ou de manière plus localisée, de<br />

problèmes de sécurité, de secteurs peu sûrs » 283.<br />

Il reste toutefois à savoir si c<strong>et</strong>te diminution de l’insécurité relève d’une disparition totale <strong>des</strong><br />

problèmes ou plutôt d’un transfert <strong>des</strong> problèmes quelques rues plus loin.<br />

De même, ces premiers résultats positifs, constatés par les professionnels, au niveau du quartier,<br />

ne sont-ils pas tout simplement dus à l’emportement <strong>des</strong> individus devant une telle<br />

transformation physique <strong>et</strong> la possibilité de vivre dans un quartier en apparence neuf ?<br />

3.3. La résidentialisation : bémol dans les facteurs de réussite identifiés.<br />

Le recul est sans doute faible pour, dès maintenant, porter jugement ; mais, au regard d’un<br />

processus itératif, on enregistre déjà <strong>des</strong> transformations dont l’impact sur l’image globale du<br />

quartier peut être apprécié positivement. L’amélioration de l’image du quartier Teisseire est déjà<br />

« frémissante » 284, <strong>et</strong> l’attractivité du quartier parait en passe d’être reconquise. Cependant, c<strong>et</strong>te<br />

opération n’est qu’un « tremplin » 285 <strong>et</strong> mérite que soient posées quelques limites.<br />

D’abord, il faut se méfier du terme « résidentialisation ». La résidentialisation en soi n’est pas un<br />

objectif. Mais c'est un procédé d’action auquel il faut faire attention. En eff<strong>et</strong>, comme l’affirme<br />

Guillaume Coppé, « ce n’est pas parce qu’on résidentialise qu’on résout forcément <strong>des</strong><br />

problèmes. Là où on en résout vraiment bien, c’est quand on clarifie espace public <strong>et</strong> espace<br />

privé. Il ne suffit pas de créer un enclos. D’abord leurs résidences, elles sont ouvertes. L’objectif<br />

n’est pas de faire une forteresse mais de clarifier le rôle <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>. On ne peut pas dire ça<br />

281 Entr<strong>et</strong>ien avec Guillaume COPPE, op.cit.<br />

282 Entr<strong>et</strong>ien avec Mounira DABAJI, op.cit.<br />

283 Entr<strong>et</strong>ien avec Guillaume COPPE, op.cit.<br />

284 DIV, Grenoble-Saint Martin d'Hères, Le choix d’une démarche itérative : réfléchir aux démarches suivantes en<br />

même temps qu’on réalise les premières, page 4.<br />

285 Entr<strong>et</strong>ien avec Guillaume COPPE, op.cit.<br />

ARANTES Laëtitia 120


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

mieux. » 286 La résidentialisation est un élément de solution proposé par Philippe Panerai pour<br />

améliorer le cadre de vie dans le quartier, son intégration dans la ville ; préambules à une<br />

éventuelle évolution de la population. Mais elle n’est en rien une solution à tous les problèmes<br />

sociaux.<br />

« L’avenir du quartier, je crois qu’il faut qu’on soit clair. La création d’un proj<strong>et</strong> urbain,<br />

ça améliore le cadre de vie, quand je dis le cadre de vie, c’est aussi bien l’intérieur que<br />

l’extérieur du logement. Ça ne donne pas de boulot à <strong>des</strong> gens qui sont au chômage, à<br />

l’exception du fait qu’on a quand même une clause d’obligation aux entreprises<br />

d’embaucher 5% de gens qui sont <strong>des</strong> gens au chômage <strong>des</strong> quartiers de ZUS. D’une<br />

certaine façon, en relançant l’activité avec c<strong>et</strong>te obligation, ça aide, mais bon, ça ne<br />

résout pas tous les problèmes sociaux. Le cadre de vie, quand même, ça joue sur<br />

l’agrément. Après, <strong>des</strong> paris sur l’avenir, c’est intéressant, c’est intéressant, mais c’est<br />

un pari. […] En proj<strong>et</strong> d’urbanisme, je dirais, « pur », c'est-à-dire bourrin côté béton,<br />

refaire la ville sur la ville, je pense que ça marche très, très bien. Et je pense que ça<br />

marchera très, très bien. Le travail social, ben oui, il y a un travail social qui se fait<br />

aussi, qui porte ses fruits. Alors qu’est-ce que ça va donner dans 20 ans, dans 30<br />

ans ? Il y a énormément de facteurs que je ne maîtrise pas, que je ne peux pas<br />

maîtriser : l’évolution économique de Grenoble, de la France, la capacité <strong>des</strong> gens euxmêmes<br />

à évoluer. Je ne peux pas répondre à la question. Tout ce que je sais, c’est que,<br />

dans la façon de faire, on pose les éléments pour perm<strong>et</strong>tre l’évolution, en évitant de<br />

trop cadrer. » 287<br />

Au reste, on ne saurait méconnaître l’ambivalence qui peut exister entre les aspirations au<br />

changement attendu par la population <strong>et</strong> son « tropisme » 288 pour la préservation de formes de<br />

vie sociale envers lesquelles elle manifeste un attachement. Les mutations maîtrisées semblent<br />

en cours ; reste à s’interroger sur les conditions de leur poursuite du point de vue du soutien<br />

financier qu’elles nécessitent.<br />

Enfin, une autre difficulté est qu’il faut que l’action menée reste durable dans le temps. Certes,<br />

l’opération présente <strong>des</strong> premiers résultats plutôt satisfaisants. Mais, il faudra tenir compte de<br />

l’évolution de la gestion du quartier. Il faut veiller à ce que les fortes mobilisations <strong>des</strong> différents<br />

acteurs se maintiennent dans le temps, car le quartier a besoin d’une présence forte <strong>des</strong><br />

institutions. Il ne faut pas le laisser de côté une fois l’opération <strong>et</strong> tous les travaux terminés,<br />

comme cela a déjà été fait dans le passé avec l’opération de réhabilitation selon la procédure<br />

HVS.<br />

286 Ibid.<br />

287 Ibid.<br />

288 Nathalie Sarraute utilise le terme "tropismes" pour désigner un sentiment fugace, bref, intense mais inexpliqué. Elle<br />

y fait référence dans plusieurs de ces ouvrages comme L'Ère du soupçon, ou bien sûr Tropismes.<br />

ARANTES Laëtitia 121


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Conclusion Conclusion de la troisième parti partie. parti<br />

e. Teisseire en 2007 : en voie de guérison guérison ?<br />

En conclusion de c<strong>et</strong>te partie, au-delà <strong>des</strong> aspects purement urbains <strong>et</strong> architecturaux qui<br />

s’attaquent à la physionomie du quartier afin de l’insérer dans la ville, le proj<strong>et</strong> vise donc<br />

également à agir sur les usages, les habitu<strong>des</strong> <strong>et</strong> les comportements <strong>des</strong> habitants ainsi que sur<br />

les mo<strong>des</strong> de gestion <strong>des</strong> bailleurs.<br />

La résidentialisation du quartier Teisseire repose donc, même si ce n’est pas la seule dimension<br />

nécessaire, sur une transformation spatiale de nature à être le support d’un espace collectif, d’un<br />

territoire appropriable <strong>et</strong> rattaché à une communauté de résidence susceptible d’y exercer alors<br />

son contrôle. Résidentialiser, au-delà de multiples intentions – comme participer à la<br />

requalification <strong>urbaine</strong> ou au redécoupage foncier – vise entre autres à renforcer un sentiment<br />

d’appartenance <strong>des</strong> résidents dont on attend du même coup qu’ils produisent une attention<br />

collective à sa préservation.<br />

Entamé en 1998, le proj<strong>et</strong>, tel qu’il se présente aujourd'hui, correspond en grande partie au<br />

proj<strong>et</strong> proposé en 1996 par Philippe Panerai. Mais en même temps, beaucoup de choses ont<br />

changé : au jour d’aujourd'hui, les <strong>espaces</strong> publics esquissés se sont matérialisés, les unités<br />

résidentielles se sont concrétisées, les bailleurs se sont multipliés selon la volonté de la Ville pour<br />

une requalification plus rapide <strong>et</strong> une gestion plus facile (en 2002, Grenoble Habitat rachète la<br />

partie Sud du quartier à Actis), <strong>et</strong>c. Ainsi, les travaux tant au niveau <strong>des</strong> immeubles de logements<br />

que <strong>des</strong> locaux accueillant <strong>des</strong> équipements avancent en parallèle. À ce jour, plus de la moitié du<br />

proj<strong>et</strong> a été réalisée.<br />

Désormais, le quartier Teisseire entre dans un processus de mutation. Et comme se plaisent à le<br />

dire les bailleurs, certains résultats sont déjà visibles : l’attractivité locative est profondément<br />

revalorisée, les logements vacants sont très vite occupés, <strong>et</strong> les deman<strong>des</strong> enregistrées pour<br />

venir habiter dans le quartier sont de plus en plus nombreuses. Par ailleurs, les bailleurs<br />

enregistrent davantage de mutations internes au quartier Teisseire ; <strong>et</strong> ils remarquent également<br />

que les habitants s’approprient leur quartier, devenant acteurs <strong>et</strong> demandeurs de<br />

l’aménagement de leurs unités résidentielles. Forcément, l’effort est fait pour changer la vision<br />

<strong>des</strong> gens <strong>et</strong> cela aura un eff<strong>et</strong> sur l’opinion <strong>des</strong> gens sur le quartier. C’est toujours plus facile de<br />

vivre dans un cadre esthétique que dans un cadre qui ne l’est pas. Maintenant, selon les<br />

directeurs de proj<strong>et</strong>, deux possibilités s’offrent au quartier : soit on arrive à garder c<strong>et</strong>te qualité<br />

d’entr<strong>et</strong>ien, c<strong>et</strong>te volonté de rester dans le relationnel <strong>et</strong> la proximité ; soit on n’y arrive pas.<br />

Aussi, la vigilance doit-être permanente.<br />

Aussi la résidentialisation du quartier Teisseire aspire-t-elle à de nobles ambitions sociales :<br />

mixité sociale, amélioration du cadre de vie, <strong>appropriation</strong> du quartier par leurs habitants. Un seul<br />

point reste encore sans réponse : qu’en pensent les nouveaux « résidents » ? Comment vivent-ils<br />

ce(s) changement(s) dans le quartier ?<br />

ARANTES Laëtitia 122


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Car, après tout, les résultats <strong>et</strong> ambitions relatés dans c<strong>et</strong>te partie émanent de l’opinion <strong>et</strong> <strong>des</strong><br />

intentions <strong>des</strong> professionnels qui sont, qui plus est, les concepteurs <strong>et</strong> les porteurs du proj<strong>et</strong>. Il<br />

reste donc maintenant à vérifier c<strong>et</strong> optimisme <strong>et</strong> l’effectivité <strong>des</strong> premiers résultats constatés<br />

auprès <strong>des</strong> principaux intéressés : les habitants de Teisseire.<br />

ARANTES Laëtitia 123


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Quatrième Partie.<br />

Et Et pour pour pour les les « Teisseirois Teisseirois » 289 : : quelle<br />

quelle<br />

« urbanité urbanité urbanité urbanité » ?<br />

« Entrer dans la résidence rappelle au résident son appartenance au groupe <strong>et</strong> l’invite<br />

aux conduites adéquates du partage d’un lieu <strong>et</strong> d’une condition de voisin, en<br />

particulier à la modération d’hexis provocantes, au contrôle de l’expression verbale, à<br />

celui de son temps de présence ou d’exposition dans ces lieux, autant d’éléments<br />

d’urbanité qui tiennent moins au respect d’un règlement de copropriété qu’à une<br />

culture citadine progressivement acquise. » 290<br />

Réinsérer le quartier dans la ville, lui redonner un caractère urbain <strong>et</strong> surtout inculquer à ses<br />

habitants les normes <strong>urbaine</strong>s prônées dans la ville traditionnelle sont donc les objectifs que vise<br />

à long terme la résidentialisation dans le quartier Teisseire. Reste qu’au-delà de ce qui se joue<br />

dans <strong>et</strong> par les mots, la résidentialisation se traduit par une série d’actions concrètes dont on<br />

peut se demander si elles rencontrent les intérêts objectifs <strong>des</strong> habitants dont beaucoup sont<br />

d’abord préoccupés par les conditions matérielles de leur vie, <strong>et</strong> pour certains de leur survie :<br />

disposer d’un travail, avoir <strong>des</strong> revenus suffisants pour assurer les besoins quotidiens, élever<br />

leurs enfants dans un contexte sain <strong>et</strong> serein.<br />

La résidentialisation, répond-elle à un certain nombre de ces aspirations ? Contribue-t-elle à<br />

améliorer les conditions d’habitat <strong>et</strong> de vie dans les quartiers ? Car, y compris pour les<br />

professionnels qui s’y attellent, c'est bien en leur nom qu’ils y travaillent.<br />

Préambule Préambule : les Teisseirois Teisseirois <strong>et</strong> leur leur quartier quartier. quartier<br />

Lorsqu’on évoque la résidentialisation avec les habitants du quartier Teisseire, il est vrai que ces<br />

derniers ont <strong>des</strong> avis très partagés. Les avis sur le quartier <strong>et</strong> sur les mo<strong>des</strong> de résidentialisation<br />

sont en lien avec les mo<strong>des</strong> d’habiter, ce qui se traduit notamment par <strong>des</strong> rapports différenciés<br />

à l’environnement. Les habitants qui, dans leurs pratiques quotidiennes, sont dans une mise à<br />

distance du quartier, s’orientent plus facilement vers les solutions qui affirment les limites alors<br />

que ceux qui développent un mode plus ouvert vers leur environnement sont aussi en attente de<br />

mo<strong>des</strong> de délimitations moins affirmés s’agissant de la ferm<strong>et</strong>ure.<br />

Les valeurs qui auparavant faisaient office de références <strong>et</strong> de modèles d’intégration (travail,<br />

famille élargie, lien de solidarité entre gens du quartier) ne sont plus aussi prégnantes, certaines<br />

289 Rappelons juste ici que les résultats exposés dans c<strong>et</strong>te partie reposent uniquement sur les discours <strong>des</strong> habitants<br />

rencontrés. Ils ne sauraient en aucun cas constituer une généralité sur le quartier Teisseire.<br />

290 GOURCY (De) C., PINSON D., op.cit.., page 183.<br />

ARANTES Laëtitia 124


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

personnes ont quitté le quartier <strong>et</strong> d’autres arrivent sans pour l’instant partager complètement<br />

ces valeurs. Ou encore d’autres adhèrent à ces valeurs mais à l’extérieur du quartier, accentuant<br />

ainsi c<strong>et</strong>te image de distorsion lorsque l’on étudie les entr<strong>et</strong>iens.<br />

Les Les habitants habitants du du quartier quartier Teisseire Teisseire : les groupes en en présence.<br />

Néanmoins, les habitants interrogés, leurs avis sur la question <strong>et</strong> leur(s) rapport(s) au quartier<br />

font émerger plusieurs groupes distincts :<br />

o Les anciens ou les « traditionnalistes » : (Ei4, Ec5, Ei6, 7, 8, 9, 10, 11, 13, 16, 19, 22, 29).<br />

Il s’agit d’une population stable d’habitants installés depuis plus de vingt ans sur le quartier. On y<br />

r<strong>et</strong>rouve ceux qui y sont nés, y ont grandi, ont encore un ou plusieurs membres de leur famille<br />

d’origine y habitant. Parmi eux, trois groupes se <strong>des</strong>sinent : les « originels » du quartier arrivés<br />

avec la livraison <strong>des</strong> tous premiers logements (5, 7, 8, 11, 16, 19, 22, 29) ; les enfants du<br />

quartier (6, 9, 13) ; <strong>et</strong> les habitants arrivés entre temps mais installés depuis suffisamment<br />

longtemps pour éprouver un certain attachement pour le quartier (4, 10).<br />

On pourrait parler de « survivants », témoins de l’histoire du quartier, porteurs de sa mémoire.<br />

« Dans le quartier Teisseire, y a beaucoup de vieilles familles. Par exemple, la voisine,<br />

ça fait trente ans qu’elle habite à Teisseire. C'est <strong>des</strong> gens qui sont un peu famille.<br />

Donc ils se connaissent un peu tous. Donc ça minimise beaucoup les problèmes. »<br />

Ei23, Homme, 54 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

Considérés par beaucoup comme le « noyau dur » du quartier, ils sont toutefois nostalgiques d’un<br />

passé lointain <strong>et</strong> idéal, <strong>et</strong> ont perdu tout repère dans le quartier dont ils ne reconnaissent plus la<br />

configuration. Les changements en cours sont mal vus <strong>et</strong> vécus comme la fin du monde, car les<br />

anciens réalisent confusément que leur monde n’est plus fait que d’une collection de récits<br />

biographiques sans autre instance de référence qu’une histoire ouvrière qui ne laisse pas<br />

d’épuiser, de se dissoudre dans l’ancienn<strong>et</strong>é. Seule reste une sociabilité familiale <strong>et</strong> villageoise,<br />

souvenirs d’un âge d’or du quartier.<br />

« Avant, la cité, c'était réputé un grand espace de liberté. […] Maintenant y a plus c<strong>et</strong><br />

esprit famille, je sais pas comment dire c<strong>et</strong>te sympathie ; ça a cassé c<strong>et</strong>te intimité,<br />

c<strong>et</strong>te chaleur. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

« Au début, c'était différent de maintenant. C'était convivial. Tout le monde se parlait,<br />

tout le monde se côtoyait, tout le monde se connaissait. »<br />

Ei10, Femme, 46 ans, résidente, barre, anc. 46 ans.<br />

Pourtant, tous autant qu’ils soient, ils ne désapprouvent pas totalement les travaux sur le<br />

quartier. Bien au contraire, le quartier avait besoin qu’on lui redonne un coup de neuf, <strong>et</strong> le proj<strong>et</strong><br />

en cours y participe. Toutefois certains aspects de l’opération sont mal perçus. Pour la majorité, il<br />

s’agit d’une population qui se sent mal informée. Blessés par leur sentiment d’inexistence <strong>et</strong><br />

ARANTES Laëtitia 125


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

d’incompétence dans ce proj<strong>et</strong> qui pourtant les concernent, ils ont considérablement réduit leur<br />

sphère d’investissement dans le quartier <strong>et</strong> seules demeurent les habitu<strong>des</strong>.<br />

« Quand ils nous font part d’un proj<strong>et</strong>, c’est déjà acquis, qu’on soit content ou pas, ça<br />

se fait comme ça. »<br />

Ei4, Homme, 54 ans, première résidence, barre, anc. 20 ans.<br />

« Mais les réunions, c'est trop technique. Et c'est à <strong>des</strong> heures pas possibles. Donc j’ai<br />

laissé tomber. »<br />

Ei7, Femme, 70 ans, première résidence, barre, anc. 41 ans.<br />

« C'est vrai qu’on nous contacte, qu’on nous explique. Mais ils expliquent avec leurs<br />

mots. Mais nous, on ne les comprend pas. C'est pas <strong>des</strong> mots courant, c'est <strong>des</strong> mots<br />

techniques. Et nous, on ne les comprend pas. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Ceux qui participent aux réunions d’information, de concertation <strong>et</strong> de décision sont rares.<br />

Beaucoup restent silencieux <strong>et</strong> se reposent sur les « porte-paroles » du quartier, révélés par la<br />

force de leurs opinions <strong>et</strong> de leur participation, ou par le nouveau mode de gestion mis en place<br />

par Actis (sous la fonction parfois subie de référents).<br />

« La présidente <strong>des</strong> locataires, c’est ma voisine, Mme L. Je la vois, elle me dit : ‘‘On va<br />

faire ça, on va faire ça ». Je dis : « Ben c’est bien, vous avez mon approbation, faites-le<br />

pour moi’’. C’est tout. Je m’intègre pas. »<br />

Ei4, Homme, 54 ans, première résidence, barre, anc. 20 ans.<br />

« On a un référent. Lui, il s’occupe de tout. Dès qu’il y a une réunion, il y va. Dès qu’il y<br />

a un problème, on voit avec lui. Dès que l’ascenseur ne marche pas, on voit avec lui. »<br />

Ei21, Couple, 32 <strong>et</strong> 37 ans, résidence, tour, anc. 8 ans.<br />

o Les emménagés récents ou les « externalisants » : (Ei1, 12, 20, 23)<br />

Installés depuis moins de cinq ans sur le quartier, c<strong>et</strong>te catégorie regroupe <strong>des</strong> ménages dont la<br />

vision du quartier est plutôt positive mais qui externalisent la plupart de leurs activités. Tout en se<br />

différenciant du premier groupe par leur ancienn<strong>et</strong>é <strong>et</strong> par leur investissement à l’extérieur, ils<br />

restent cependant attachés à certaines caractéristiques du quartier, illustrant ainsi son influence.<br />

Les personnes qui le composent ont donc un discours plutôt positif sur le quartier. On les<br />

distingue alors principalement par le rapport qu’elles ont au quartier. En eff<strong>et</strong>, bien qu’appréciant<br />

le quartier, ces personnes ne le fréquentent que très peu (ou plus).<br />

« Depuis que j’habite ici, là, euh, je viens, je rentre chez moi, je pars. Je fréquente pas.<br />

Moi c’est pas mes affaires. Là j’habite d’accord. »<br />

Ei1, Homme, 38 ans, résidence, barre, anc. 2 ans.<br />

« Mais on n’a pas trop, trop de relations, on va dire. Ils sont sympathiques, on se dit<br />

‘‘bonjour-bonsoir’’, mais ça s’arrête là. Sachant que nous, on n’est pas là très<br />

souvent. »<br />

Ei20, Homme, 21 ans, résident, barre, anc. 1 an.<br />

ARANTES Laëtitia 126


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Mais surtout, ils se différencient par leur positivisme quant au proj<strong>et</strong> de résidentialisation <strong>et</strong> à ses<br />

impacts sur le quartier <strong>et</strong> sur la vie de quartier.<br />

« Je trouve que ça a été très bien réhabilité. […] Le cadre de vie est relativement<br />

agréable. »<br />

Ei23, Homme, 54 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

« Maintenant, je suis, on est contents franchement par rapport aux nouvelles<br />

constructions, aux nouveaux aménagements. Tout est bien. »<br />

Ei1, Homme, 38 ans, résidence, barre, anc. 2 ans.<br />

Sans pour autant participer activement aux prises de décisions. Bien au contraire, leur vie étant<br />

essentiellement tournée vers l’extérieur du quartier, ils ne se sentent pas concernés par le<br />

quartier <strong>et</strong> tout ce qui s’y passe.<br />

« Les réunions, je les laisse pour les gens qui habitent ici. »<br />

Ei14, Homme, 38 ans, résident, barre, anc. 18 ans.<br />

o Les familles avec enfants en bas âge : (Ei17, 18, 21, 24, 27, 28)<br />

Très proche de la catégorie précédente dans le sens où elles sont installées depuis peu sur le<br />

quartier, les jeunes familles s’en distinguent par le rapport qu’elles entr<strong>et</strong>iennent avec le quartier.<br />

Très soucieuses de l’avenir de leurs enfants, elles s’intéressent de près à l’évolution du quartier<br />

<strong>et</strong> aux travaux qui y sont réalisés. Leur volonté étant que ce quartier devienne un quartier sécure<br />

dans lequel il est possible d’élever leurs enfants.<br />

ILLUSTRATION 41 : APRES MIDI RECREATIVE POUR QUELQUES ENFANTS DU QUARTIER. 291<br />

291 Photographie personnelle, avril 2007.<br />

ARANTES Laëtitia 127


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

L’essentiel de leur discours, que ce soit en ce qui concerne le quartier en général, ses<br />

aménagements, ou même la résidentialisation <strong>et</strong> sa mise en application, tourne autour <strong>des</strong><br />

enfants, de leur bien-être <strong>et</strong> de leur sécurité :<br />

« Ils ont fait un autre parc là, juste derrière, au stade blanc. Il est bien celui-là, aussi.<br />

[…] Y a plus de jeux. C'est adapté à tous les enfants. »<br />

Ei28, Femme, 22 ans, résidente, barre, anc. 3 ans.<br />

« Les barrières, c'est un plus pour nous. Moi personnellement, c'est un plus pour moi,<br />

pour r<strong>et</strong>enir les enfants surtout. »<br />

Ei27, Femme, 30 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

« Moi, j’aime bien être avec les gens de mon quartier. On discute. Avec les mamans, on<br />

se r<strong>et</strong>rouve, les enfants jouent ensemble. »<br />

o Les « discr<strong>et</strong>s » : (Ei3, 14)<br />

Ei24, Femme, 29 ans, maison individuelle, anc. 3 ans.<br />

C<strong>et</strong>te catégorie de ménages interrogés concerne <strong>des</strong> ménages beaucoup plus discr<strong>et</strong>s, tant dans<br />

leurs pratiques dans le quartier, que dans leurs opinion sur le proj<strong>et</strong>. Installés depuis un certain<br />

temps sur le quartier, ils ne se sentent pas pour autant préoccupés par l’avenir du quartier. Leur<br />

vie dans le quartier les satisfaisait déjà bien avant les premiers travaux. Le proj<strong>et</strong> n’est qu’un plus<br />

pour la qualité de vie <strong>et</strong> le confort <strong>des</strong> logements. D’une manière générale, ces ménages ont une<br />

opinion positive quant au proj<strong>et</strong> <strong>et</strong> ém<strong>et</strong>tent très peu de réticences à sa réalisation.<br />

« Maintenant le quartier est magnifique. Il est tout propre. Y a <strong>des</strong> femmes de<br />

ménages, <strong>des</strong> hommes qui n<strong>et</strong>toient les jardins. C'est mieux qu’avant. »<br />

o Les « soucieux » : (Ei2, 15, 25, 26)<br />

Ei3, Femme, 57 ans, résidente, barre, anc. 10 ans.<br />

La particularité <strong>des</strong> membres de ce dernier groupe réside dans leur ambiguïté, à savoir sur un<br />

premier plan un discours plutôt négatif voire très négatif sur le quartier mais qui, s’il est mis en<br />

regard avec les activités <strong>et</strong> les pratiques de chacun, traduit un mal-être par rapport à une<br />

situation d’insécurité ou de rej<strong>et</strong> ressentie, <strong>et</strong> parfois même vécue.<br />

« Le quartier, j’en pense pas du bien. »<br />

Ei26, Homme, 69 ans, résident, tour, anc. 9 ans.<br />

« Là, vous regardez quelqu'un, tout le monde vous regarde de travers, c’est tout juste si<br />

on vous m<strong>et</strong> pas le couteau sous la gorge. »<br />

Ei2, Couple, 30 <strong>et</strong> 61 ans, résidents, barre, anc. 4 ans.<br />

« Les relations entre voisins, c'était différent en Algérie. […] On sent qu’on est dans une<br />

véritable société. […] C'est <strong>des</strong> rapports un peu bizarroï<strong>des</strong> ici. Je trouve qu’on n’est<br />

pas acceptés ici.<br />

Ei15, Couple, 45 <strong>et</strong> 52 ans, résidents, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

A ces quelques témoignages, nous pouvons ajouter l’expérience du ménage 25, femme seule<br />

avec deux enfants, vit très mal dans le quartier. Son neveu agressé à l’école, elle a réagi très<br />

ARANTES Laëtitia 128


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

activement auprès de l’assistante sociale de l’école, mais subit désormais les représailles de<br />

certaines familles. Très angoissée par la situation, il lui a fallu beaucoup de temps pour se confier<br />

lors de l’entr<strong>et</strong>ien.<br />

Ces entr<strong>et</strong>iens représentent bien c<strong>et</strong>te tension palpable à Teisseire où certaines personnes ne se<br />

r<strong>et</strong>rouvent pas dans les changements, en observant que les valeurs du quartier ne sont celles<br />

qu’elles espéraient trouver. Très inqui<strong>et</strong>s pour leur situation personnelle <strong>et</strong> leur agrément de vie<br />

dans le quartier, ces ménages prêtent très peu d’attention à la résidentialisation <strong>et</strong> à la<br />

transformation du quartier. Selon eux, quoi qu’on fasse, le quartier restera tel qu’il est, <strong>et</strong> n’est en<br />

aucun cas promis à un avenir meilleur. Beaucoup d’ailleurs pensent y être de passage <strong>et</strong><br />

espèrent en partir le plus rapidement possible.<br />

« J’en ai marre du quartier. J’ai fait une demande de mutation. »<br />

Ei26, Homme, 69 ans, résident, tour, anc. 9 ans.<br />

« Mon r<strong>et</strong>our ?! Non, je repars bientôt moi ! Ça va pas hé ! Je reste là, je me m<strong>et</strong>s une<br />

balle dans la tête. »<br />

Ei2, Couple, 30 <strong>et</strong> 61 ans, résidents, barre, anc. 4 ans.<br />

C<strong>et</strong>te configuration de groupes en présence illustre bien le sentiment général qui domine à<br />

Teisseire, à savoir une vision du quartier généralement positive mais avec pourtant <strong>des</strong><br />

différences dans l’investissement du quartier, générant ainsi <strong>des</strong> différences entre les personnes<br />

sans encore les regrouper. Ces groupes se distinguent par leurs activités au sein du quartier,<br />

ainsi que par leur investissement plus ou moins fort dans le proj<strong>et</strong> de requalification du quartier.<br />

Maintenant que nous avons identifié les groupes en présence <strong>et</strong> leurs spécificités, nous avons<br />

choisi d’introduire c<strong>et</strong>te partie en nous livrant à un exercice de restitution qui consiste à<br />

reprendre les propos <strong>des</strong> uns <strong>et</strong> <strong>des</strong> autres pour restituer une image de la cité un peu vivante,<br />

plus vivante qu’une simple visite version diaporama. Il est évident qu’il n’y a pas une seule <strong>et</strong><br />

unique image de la « cité » 292 mais une diversité d’images en fonction du positionnement social <strong>et</strong><br />

<strong>des</strong> parcours <strong>des</strong> uns <strong>et</strong> <strong>des</strong> autres.<br />

Les Les points points de de convergence convergence : le quartier Teisseire vu vu par les habitants habitants. habitants<br />

Mais si nous nous autorisons à cela, c'est qu’il se dégage une sorte de discours récurrent autour<br />

de l’image du quartier <strong>et</strong> de la vie dans le quartier. Car, malgré ces différents degrés de<br />

participation <strong>et</strong> d’intérêt pour le quartier <strong>et</strong> son proj<strong>et</strong>, la plupart <strong>des</strong> ménages s’accordent sur<br />

certains points. Cela n’en reste pas moins une reconstruction <strong>des</strong> regards à partir <strong>des</strong> propos<br />

recueillis.<br />

292 Terme r<strong>et</strong>rouvé dans les discours de nombre de ménages interrogés.<br />

ARANTES Laëtitia 129


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

o Teisseire : un quartier familial.<br />

Lorsque les habitants interrogés évoquent l’endroit où ils habitent, beaucoup m<strong>et</strong>tent en avance<br />

le caractère familial <strong>et</strong> chaleureux du quartier. Même si l’on déplore le manque de respect <strong>des</strong><br />

jeunes ou <strong>des</strong> enfants, les différences culturelles, sociales <strong>et</strong> surtout comportementales du voisin<br />

de palier, les gens se connaissent, ont été élevés ensemble lorsqu’ils y ont passé leur enfance.<br />

Pour beaucoup, ils y ont de la famille, les parents, les beaux-parents, les frères, les sœurs…<br />

« Avant, je n’y ai pas vécu mais je connais très, très bien ce quartier. Parce que là,<br />

juste là, dans c<strong>et</strong>te allée là, moi c’est ma tante là. »<br />

Ei1, Homme, 38 ans, résidence, barre, anc. 2 ans.<br />

« Ah mon quartier, là ! C’est mon quartier ! C’est là où mes enfants sont nés, ils ont<br />

grandi. Ça c’est mon quartier, <strong>et</strong> j’aime bien mon quartier. »<br />

Ei22, Femme, 72 ans, résidente, tour, anc. 48 ans.<br />

Les plus anciens se souviennent de la chaleur humaine qui régnait à l’origine dans le quartier :<br />

« Teisseire est une cité familiale. […] Et puis, nous, on était aussi très liés entre nous. »<br />

« C'est le village, où tout le monde se connaît. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

L’idéal villageois s’est d’ailleurs perpétué dans le temps <strong>et</strong> fait encore partie <strong>des</strong> intégrante du<br />

quotidien <strong>des</strong> plus jeunes.<br />

293 Photographie personnelle, hiver 2006.<br />

ILLUSTRATION 42 : AFFICHE PUBLICITAIRE DE LA VILLE DE VILLEURBANNE. 293<br />

ARANTES Laëtitia 130


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

L’image précédente représente une publicité réalisée récemment par la ville de Villeurbanne.<br />

Même si c<strong>et</strong>te affiche ne concerne pas spécifiquement le quartier Teisseire, mais une autre<br />

commune, il est extrêmement intéressant de voir la manière dont le « village », <strong>et</strong> plus<br />

particulièrement la « vie de village » devient un idéal, <strong>et</strong> une qualité de vie.<br />

On voit que ce concept vécu prend une vie propre, <strong>et</strong> devient un idéal partagé, <strong>et</strong> un atout<br />

« mark<strong>et</strong>ing » pour une ville, un « mythe » que l’on brandit. C<strong>et</strong> « idéal » est fortement aspiré par les<br />

« enfants » du quartier. En eff<strong>et</strong>, même si le « village » a été vécu dans le passé – comme nous<br />

l’avons vu précédemment – par les populations les plus âgées, cela ne le fût pas le cas pour les<br />

plus jeunes ou pour ceux qui viennent seulement d’emménager. Pourtant, les mêmes références<br />

sont présentes dans leurs discours, à propos de c<strong>et</strong> idéal familial de partage, d’entre soi.<br />

« Moi, j’aime bien l’ambiance familiale un peu. C'est vrai qu’il y a énormément<br />

d’enfants. »<br />

Ei12, Femme, 22 ans, résidente, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

« Je me sens bien ici, j’aime bien les gens qui habitent là. Moi, j’aime bien sortir, aller<br />

voir les gens que je connais, rester dehors en sachant que je peux rester dehors. Parce<br />

que je connais tout le monde. »<br />

« L’ambiance, c'est bien, c'est chaleureux. »<br />

o Teisseire : le fantasme de la banlieue difficile.<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

Ei28, Femme, 22 ans, résidente, barre, anc. 3 ans.<br />

Aujourd’hui, parler de la banlieue ce n’est pas sans rappeler qu’une agglomération est composée<br />

d’une ville-centre <strong>et</strong> de périphéries. De manière simplifiée, on peut distinguer deux formes<br />

<strong>urbaine</strong>s qui composent c<strong>et</strong>te périphérie : le lotissement pavillonnaire <strong>et</strong> l’urbanisme de grands<br />

ensembles, logements collectifs la plupart du temps de type HLM. Alors que dans le dictionnaire,<br />

« banlieue » signifie simplement le « territoire <strong>et</strong> l’ensemble <strong>des</strong> localités qui environnent une<br />

grande ville » 294, aujourd’hui, le constat général est qu’il y a eu un glissement dans l’utilisation du<br />

terme de « banlieue », qui désigne le plus souvent ces « quartiers de grands ensembles » 295 situés<br />

en périphérie <strong>des</strong> villes auxquels on associe l’idée de désordre <strong>et</strong> de délitement du lien social.<br />

Par fantasme, il faut entendre la construction d’un scénario imaginaire qui transcende le vécu<br />

individuel <strong>et</strong> qui a un certain caractère d’universalité dans la mesure où il est partagé par une<br />

part importante de la population, surtout parmi les plus récents.<br />

294 SEGAUD M., BRUN J., DRIANT J.C., dir., Dictionnaire de l’Habitat <strong>et</strong> du Logement, Editions Armand Colin, mars 2003.<br />

295 C’est ainsi qu’il faudra entendre le terme de banlieue dans le reste notre exposé.<br />

ARANTES Laëtitia 131


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« Y a du laisser aller, en plus dans <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> tours comme ça. C'est peut-être<br />

d’ailleurs pour ça qu’ils en font de moins en moins. Si y a <strong>des</strong> p<strong>et</strong>ites tours, c'est pas<br />

pour rien. Déjà c'est plus joli. C'est vrai qu’on en m<strong>et</strong> moins de personnes, mais plus on<br />

concentre de personnes, plus y a de problèmes, <strong>et</strong> je pense que là… »<br />

Ei31, Femme, 41 ans, partie, anc. 1 an.<br />

« Je voyais les gran<strong>des</strong> tours, vous savez, là, qu’ils sont en train de démonter. Et c'est<br />

vrai que ça faisait peur. On arrivait, je me souviens, je m’arrêtais à Paul Cocat, à côté,<br />

juste en face du stade de Teisseire. C'était horrible, j’avais l’impression de me<br />

r<strong>et</strong>rouver dans un truc noir, vraiment vilain. »<br />

Ei24, Femme, 29 ans, maison individuelle, anc. 3 ans.<br />

Que ce soit pour le ménage 31 ou pour le 24, on se rend bien compte que ce sont les<br />

représentations <strong>des</strong> HLM qui sont stigmatisées dans l’imaginaire de ces femmes, mères de<br />

famille. « Les HLM, c’est très dangereux », <strong>et</strong> ce quelles que soient leurs localisations. Il<br />

semblerait que ces personnes effectuent un amalgame entre HLM <strong>et</strong> habitat collectif. Ce serait<br />

donc la forme <strong>urbaine</strong> qui est stigmatisée, plus que les habitants ou le quartier.<br />

Mais, peut-être de manière plus fréquente, plus que les immeubles, sont stigmatisées les<br />

populations associées dans l’imaginaire collectif à ces quartiers de grand ensemble. Bien sûr,<br />

parler de la condamnation de la population <strong>des</strong> grands ensembles est un abus de langage,<br />

puisque cela laisse sous entendre qu’il n’y en a qu’une, <strong>et</strong> qu’elle est généralisable à tous les<br />

quartiers de grand ensemble, ce qui est évidemment faux. Toutefois dans les représentations<br />

collectives, on assiste à l’émergence d’une « population de banlieue » dont le portrait est <strong>des</strong>siné<br />

par les enquêtés.<br />

C<strong>et</strong>te population stigmatisée est la population d’origine étrangère <strong>et</strong> plus particulièrement<br />

maghrébine.<br />

« Des Arabes, y a que ça. Ici je suis la seule Française dans la montée. »<br />

« Y a que <strong>des</strong> Arabes là. »<br />

Ei16, Femme, 82 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Ei2, Couple, 30 <strong>et</strong> 61 ans, résidents, barre, anc. 4 ans.<br />

Et les jeunes sont encore plus stigmatisés que le reste <strong>des</strong> habitants d’origine étrangère. Ils<br />

constituent la « figure-type » du perturbateur, du « jeune de banlieues difficiles ».<br />

« Mais les gens, les jeunes surtout, ils ne respectent pas tout c<strong>et</strong> environnement. Les<br />

arrêts de bus cassés, les… »<br />

Ei2, Couple, 30 <strong>et</strong> 61 ans, résidents, barre, anc. 4 ans.<br />

« Les voitures qui brûlent. Les jeunes qui nous tirent <strong>des</strong>sus avec <strong>des</strong> pistol<strong>et</strong>s à<br />

grena<strong>des</strong>. Quand vous <strong>des</strong>cendez de chez vous à 11 heures du soir, qu’y a un type<br />

avec une cagoule avec juste les trous sur les yeux, ça fait bizarre. »<br />

Ei32, Homme, 27 ans, parti, tour, anc. 6 ans.<br />

Dans ce dernier extrait, on voit la stigmatisation du quartier qui devient « criminogène », selon un<br />

vocable à la mode. Les jeunes sont décrits de manière caricaturale, tout comme leurs<br />

ARANTES Laëtitia 132


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« déviances ». Assez souvent, l’association faite avec ces problèmes est due à l’influence <strong>des</strong><br />

médias <strong>et</strong> au fait qu’ils véhiculent une image stigmatisée <strong>des</strong> quartiers, qui conduit à la<br />

construction d’un fantasme de la « banlieue difficile ». Comme le dit Pierre Bourdieu dans son<br />

texte « Eff<strong>et</strong>s de lieu », « parler aujourd’hui de "banlieue à problèmes" ou de "gh<strong>et</strong>to", c’est<br />

évoquer, presque automatiquement, non <strong>des</strong> "réalités", d’ailleurs très largement inconnues de<br />

ceux qui en parlent le plus volontiers, mais <strong>des</strong> fantasmes. […] comme ceux que véhiculent la<br />

presse à sensation […] » 296. Tout individu se fait malencontreusement le relais de ces fantasmes.<br />

D’ailleurs, dans certains entr<strong>et</strong>iens, il est frappant de voir que lorsque l’on aborde la question <strong>des</strong><br />

problèmes du quartier, les réponses sont "nourries" par le langage médiatique, <strong>et</strong> ce, même si la<br />

personne interrogée est relativement satisfaite de sa vie dans le quartier.<br />

« Ben disons qu’avant, c’est vrai que le quartier était mal réputé, vraiment quartier<br />

populaire… Et puis, euh, ça craignait vraiment. »<br />

Ei21, Couple, 32 <strong>et</strong> 37 ans, résidence, tour, anc. 8 ans.<br />

Ainsi, certaines personnes interrogées reconnaîtront aisément avoir une opinion façonnée en<br />

grande partie par les images véhiculées par les médias.<br />

« On voit trop de choses à la télé. J’avais peur qu’il y ait <strong>des</strong> règlements de compte,<br />

j’avais peur qu’il y ait <strong>des</strong> chiens qui se battent, comme on voyait beaucoup à<br />

l’époque, <strong>des</strong> pitbulls. J’avais peur pour mes gosses. A la télé, on voyait vraiment<br />

beaucoup <strong>des</strong> images terribles. »<br />

Ei24, Femme, 29 ans, maison individuelle, anc. 3 ans.<br />

« Teisseire, il suffit de regarder la télé le soir. On parle beaucoup de Teisseire. »<br />

Ei14, Homme, 38 ans, résident, barre, anc. 18 ans.<br />

« Moi, quand je suis arrivé ici, c’était vraiment délabré, <strong>des</strong> vieux immeubles de 14-18.<br />

C’était le gh<strong>et</strong>to. La nuit, on se relevait parce qu’on entendait les voitures sauter !<br />

Cocktail Molotov <strong>et</strong> tout ! Y avait un meurtre au moins toutes les nuits ! »<br />

Ei2, Couple, 30 <strong>et</strong> 61 ans, résidents, barre, anc. 4 ans.<br />

Ces images sont parfois même poussées à l’extrême, comme chez le ménage 2, précédemment<br />

cité, un couple rapatrié d’Algérie. Nostalgique de la « vie de roi » 297 qu’il a connu en Algérie, ce<br />

couple critique très virulemment le quartier Teisseire, au même titre que tous les quartiers<br />

d’habitat social.<br />

Ces opinions sont le plus souvent portées par les emménagés récents. Les anciens, quant à eux,<br />

ém<strong>et</strong>tent nombre de réserves en ce qui concerne la prétendue insécurité qui règne dans le<br />

quartier. Parents d’une à trois générations teisseiroises, ils ont vu leur vie se construire dans le<br />

quartier, leurs enfants y grandir. Et, malgré les problèmes rencontrés, dont ils sont conscients<br />

296 BOURDIEU P., « Eff<strong>et</strong>s de lieux », in La Misère du Monde, Seuil, coll. « Points », 1993, Paris, page 159.<br />

297 Terme employé par l’homme interrogé. Français, il s’est expatrié pour <strong>des</strong> raisons professionnelles en Algérie où il a<br />

rencontré son épouse <strong>et</strong> où, selon lui, il était traité « comme un roi ».<br />

ARANTES Laëtitia 133


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

mais qu’ils relativisent, leur ancienn<strong>et</strong>é dans le quartier leur procure incontestablement un fort<br />

« sentiment d’attachement » 298 au quartier.<br />

« Avant, le quartier était très mal renommé, mais nous qui habitions à Teisseire, on se<br />

sentait en sécurité mais les gens ne rentraient pas à Teisseire. Pourtant, c'était assez<br />

calme. »<br />

Ei10, Femme, 46 ans, résidente, barre, anc. 46 ans.<br />

« Avant on disait ‘‘Teisseire, Mistral, l’Abbaye, c’est <strong>des</strong> voyous, <strong>des</strong> bouniouls <strong>et</strong> je sais<br />

quoi’’. Bon, on n’en finissait pas, on en faisait une polémique. Mais la polémique qu’il y<br />

a, elle est fausse. Parce que les gens, c’est, les gens qui habitent à Teisseire, c’est<br />

comme les gens qui habitent au centre-ville. C’est pareil, c’est pareil, c’est pareil. »<br />

o Teisseire : la nécessaire réhabilitation.<br />

Ei4, Homme, 54 ans, première résidence, barre, anc. 20 ans.<br />

Quoi qu’il en soit, <strong>et</strong> quelque soit leur opinion sur le quartier, tous les ménages interrogés<br />

s’accordent sur la nécessité de réhabiliter le quartier Teisseire, de lui « donner un coup de neuf ».<br />

Que ce soit dans les discours <strong>des</strong> anciens, témoins de la dégradation progressive du quartier, ou<br />

<strong>des</strong> plus jeunes qui peuvent encore observer quelques vestiges du passé de Teisseire, le mot<br />

d’ordre est le même : le quartier avait besoin de quelques travaux de rénovation. Débutés il y a<br />

près de dix ans, les premiers travaux de ravalement de façade <strong>et</strong> d’amélioration du cadre <strong>et</strong> du<br />

confort de vie remportent un franc succès auprès <strong>des</strong> ménages.<br />

« C'est vrai qu’au début, c'était pas facile. Mais avec la réhabilitation, le quartier s’est<br />

beaucoup amélioré. »<br />

Ei7, Femme, 70 ans, première résidence, barre, anc. 41 ans.<br />

« Comme il a été refait, les gens sont plus contents. Ils ont refaits plein de trucs. »<br />

Ei6, Homme, 44 ans, première résidence, barre, anc. 20 ans.<br />

« La réhabilitation du quartier. Ben, c’était bien. Parce que ça a ouvert le quartier <strong>et</strong><br />

surtout ça l’a rendu moins coupe-gorge, entre guillem<strong>et</strong>s. »<br />

Ei32, Homme, 27 ans, parti, tour, anc. 6 ans.<br />

« La réhabilitation qu’ils ont fait sur le quartier, c'est vrai qu’y en avait besoin. »<br />

Ec34c, Femme, 46 ans, résidente, barre, anc. 46 ans.<br />

« Quand je suis arrivée sur le quartier, il était dans un état lamentable. Je suis navrée<br />

de le dire, mais bon, c'est la réalité. »<br />

Ec34l, Femme, 32 ans, future propriétaire, anc. 10 ans.<br />

Néanmoins, même s’ils s’accordent avec les professionnels quant à la nécessité de requalifier<br />

physiquement le quartier Teisseire, les habitants sont plus sceptiques en ce qui concerne les<br />

moyens mis en œuvre. Ce qui apparaît aux premiers abords dans les discours <strong>des</strong> ménages sur la<br />

résidentialisation, c'est qu’elle révèle <strong>des</strong> opinions divergentes, selon les intérêts <strong>et</strong> les mo<strong>des</strong> de<br />

vie de chacun.<br />

298 MOZERE L., PERALDI M, REY H., op.cit., page 16.<br />

ARANTES Laëtitia 134


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

1. 1. La La résidence résidence : une une référence positive mais mais difficilement<br />

transposable<br />

transposable.<br />

transposable<br />

Les représentations <strong>et</strong> pratiques <strong>des</strong> habitants, à la fois sur les <strong>espaces</strong> intermédiaires, mais<br />

également dans leurs rapports aux autres <strong>espaces</strong>, constituent un <strong>des</strong> axes d’analyse de la<br />

résidentialisation. Il s’agit alors de voir quels sens recouvre la notion de privé dans les nouveaux<br />

<strong>espaces</strong> résidentiels.<br />

Pour les habitants interrogés, la résidentialisation consiste en une pratique d’aménagement<br />

qu’ils subissent plus qu’ils ne choisissent a priori. Conscients <strong>des</strong> intentions de transformation du<br />

quartier, ils associent davantage les termes de « résidences » <strong>et</strong> de « résidentialisation » aux<br />

individus qu’aux bâtiments, comme l’était en son temps la réhabilitation 299.<br />

« De toute façon, maintenant, il y a <strong>des</strong> grillages <strong>et</strong> tout, verts. Et c’est, on dirait du<br />

privé en fait, c’est plus trop social, on dirait du privé. »<br />

Ei22, Femme, 72 ans, résidente, tour, anc. 48 ans.<br />

« Au début, ils avaient mis c<strong>et</strong>te barrière. On n’avait pas trop accepté, parce que ça<br />

faisait comme dans les prisons, les <strong>espaces</strong> où ils font les promena<strong>des</strong>. »<br />

Ei7, Femme, 70 ans, première résidence, barre, anc. 41 ans.<br />

« Ça veut dire quoi, ça ? C'est c<strong>et</strong>te histoire de résidence. Mais ça veut dire quoi ? On<br />

est <strong>des</strong> HLM ; Habitation Loyer Modéré. On ne peut pas vivre comme dans une<br />

résidence. […] On est prisonniers maintenant. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

« Avec les barrières, on est en prison. Ils font comme dans le privé. Maintenant que<br />

c'est fermé on ne peut plus passer. »<br />

Ec5a, Femme, 83 ans, résidente, barre, anc. 48 ans.<br />

1.1. Les objectifs de la résidence vus par les habitants.<br />

« Les habitants sont très divisés au suj<strong>et</strong> de la résidentialisation. Les uns en attendent<br />

une pacification <strong>des</strong> relations autour du logement <strong>et</strong> une meilleure sécurité. Les autres<br />

s’inquiètent <strong>des</strong> entraves à la liberté d’aller <strong>et</strong> venir <strong>et</strong> sont très sceptiques sur<br />

l’efficacité <strong>des</strong> dispositifs. » 300<br />

Quand on leur demande ce qu’ils pensent <strong>des</strong> clôtures installées autour <strong>des</strong> immeubles, la<br />

plupart <strong>des</strong> habitants, en plus de dire s’ils aiment ou non, essaient de donner une explication à<br />

ce nouvel aménagement qui modifie considérablement l’aspect du quartier. Certains sont clairs :<br />

ils ne perçoivent pas leur utilité.<br />

299 PERALDI M., FORET C., Le sens <strong>des</strong> trajectoires, 1992, cité par LELEVRIER C., Le quartier <strong>des</strong> « Cerisiers » à<br />

Lognans. Résidence <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> : <strong>des</strong> modèles aux pratiques, DGUHC, 2001, page 32.<br />

300 MOREL A., « La civilité à l’épreuve de l’altérité », in HAUMONT B., MOREL A., dir., La Société <strong>des</strong> Voisins, op.cit.,<br />

page 18.<br />

ARANTES Laëtitia 135


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« Mais je ne sais pas pourquoi ils ont mis <strong>des</strong> barrières. »<br />

Ei18, Couple, 48 <strong>et</strong> 35 ans, résidents, barre, anc. 12 ans.<br />

« Mais, non, c'est pas franchement nécessaire les barrières, je ne pense pas. Surtout<br />

les barrières aussi hautes. »<br />

Ei20, Homme, 21 ans, résident, barre, anc. 1 an.<br />

A noter tout de même : les personnes concernées n’ont pas assisté aux réunions d’information,<br />

parfois parce qu’elles n’habitaient pas encore le quartier.<br />

D’autres y voient simplement une séparation physique <strong>des</strong> unités résidentielles, mais n’y<br />

associent aucune autre intention.<br />

« En fait, les barrières, ça sépare les unités. »<br />

Ei12, Femme, 22 ans, résidente, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

Mais parmi les habitants interrogés, beaucoup associent aux clôtures <strong>des</strong> intentions plus<br />

complètes. Il s’agit pour la plupart <strong>des</strong> anciens du quartier <strong>et</strong> de ceux qui ont connu le quartier<br />

avant sa transformation. Parmi les objectifs associés à la résidentialisation, sont bien perçues les<br />

intentions intentions de de changement changement d’image d’image exposées par les professionnels mais aussi de sécurisation<br />

sécurisation,<br />

sécurisation<br />

jusque-là peu apparentes dans les discours officiels.<br />

« Les travaux, c'est du commercial. »<br />

Ei15, Couple, 45 <strong>et</strong> 52 ans, résidents, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

« Les barrières, je pense qu’ils ont mis ça, déjà, un peu pour l’environnement. Ça fait<br />

déjà un peu plus joli que tous les trucs cassés, <strong>des</strong> dépôts de voitures sauvages. »<br />

Ei23, Homme, 54 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

« Les barrières, c'est bien, ça évite la délinquance. C'est fermé. Y a pas de… avec les<br />

policiers. »<br />

Ei14, Homme, 38 ans, résident, barre, anc. 18 ans.<br />

La sécurisation du quartier concerne également la traversée du quartier : grâce aux clôtures, les<br />

passages, jusque-là permis par les vastes <strong>espaces</strong> de liberté du grand ensemble, sont désormais<br />

impossibles. Les déplacements délictueux, les tentatives de fuite face aux forces de l’ordre sont<br />

amoindris par la présence <strong>des</strong> clôtures.<br />

« C'est bien fermé. Parce que quand c'était ouvert, tous les passages comme ça. Les<br />

voitures qui passent là-dedans. […] Du fait qu’ils ferment, qu’ils m<strong>et</strong>tent <strong>des</strong> barrières,<br />

ça coupe les grands axes. »<br />

Ei14, Homme, 38 ans, résident, barre, anc. 18 ans.<br />

Les nouveaux résidents perçoivent également pour la plupart les ambitions de mixité sociale <strong>et</strong><br />

d’attrait du quartier pour de nouvelles populations.<br />

« Ils ont fait le 1% <strong>et</strong> ils demandent beaucoup plus de gens qui travaillent. Je pense<br />

que ça a changé. Parce qu’ils prennent plus de gens de l’extérieur. »<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

ARANTES Laëtitia 136


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« Apparemment, depuis la rénovation, c'est plus pareil, c'est plus les même personnes.<br />

On fait partie <strong>des</strong> nouveaux arrivants en gros. Y a énormément de jeunes couples qui<br />

sont venus. Ça a pas mal changé de population, parce qu’ils ont fait du 1%, parce<br />

qu’ils ont favorisé un peu <strong>des</strong> gens différents. Je pense aussi que depuis que ça a été<br />

rénové, ça a changé à ce niveau-là. Avant c'était plus <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> familles. »<br />

Ei12, Femme, 22 ans, résidente, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

Par ailleurs, comme nous l’avons déjà précisé précédemment, les ménages interrogés<br />

s’accordent sur l’amélioration esthétique du quartier. Dans les discours, on observe nombre de<br />

termes <strong>et</strong> expressions qui témoignent de la satisfaction <strong>des</strong> ménages : « c'est mieux », « on est<br />

contents », « ça s’est vraiment bien amélioré », « Teisseire a changé », « c'est plus comme avant »,<br />

« avant ça faisait vraiment zone. Maintenant, ça fait plus clean <strong>et</strong> plus propre », « on est fiers<br />

d’avoir un quartier plus beau qu’avant. »… Mais se dégage surtout un discours relativement<br />

généralisé chez les nouveaux « résidents » : certes, les nouveaux aménagements « font »<br />

résidence ; toutefois, Teisseire restera toujours Teisseire, une p<strong>et</strong>ite cité HLM.<br />

« Ils ont fait style <strong>des</strong> résidences. Vous n’allez pas changer les gens ici. »<br />

Ei9, Femme, 23 ans, résidente, barre, anc. 23 ans.<br />

« Vous croyez quand même pas que ça va devenir <strong>des</strong> résidences présidentielles ?<br />

Bien sûr que c'est un quartier, <strong>et</strong> ça restera un quartier. »<br />

Ei6, Homme, 44 ans, première résidence, barre, anc. 20 ans.<br />

A l’image <strong>des</strong> précédentes réhabilitations sur le quartier, un <strong>des</strong> ménages interrogés va même<br />

jusqu’à parler « d’éternel recommencement ». Quels que soient les moyens mis en œuvre pour<br />

travailler à la transformation du quartier <strong>et</strong> pour y attirer de nouvelles populations, le quartier<br />

restera toujours le même <strong>et</strong> accueillera surtout le même type de population, irresponsable <strong>et</strong><br />

irrespectueuse de son environnement.<br />

« Si, ça y donne une autre image, ça fait moins, moins gh<strong>et</strong>to. Mais les gens c’est les<br />

mêmes. Parce que les gens, même qu’ils quittent Teisseire, ils les renouvellent. Si c’est<br />

une famille de Tartempion qui s’en va, ils vont rem<strong>et</strong>tre une famille de Tartempion.<br />

C’est l’éternel recommencement. »<br />

Ei4, Homme, 54 ans, première résidence, barre, anc. 20 ans.<br />

Ainsi, les « résidentialisés » ne sont ni totalement favorables, ni totalement opposés au modèle de<br />

la résidence. Le fait est que la résidentialisation apporte aux habitants les signes de la vraie<br />

résidence davantage sous la forme d’un « maquillage » que d’un idéal urbain accompli. Le modèle<br />

tant convoité devient alors une sorte de « résidence-pastiche » 301, <strong>et</strong> la résidentialisation ainsi<br />

mise en œuvre, bien qu’elle perm<strong>et</strong>te de se rapprocher d’un modèle urbain valorisé, m<strong>et</strong><br />

davantage en avant l’altérité du modèle social.<br />

301 LELEVRIER C., op.cit., page 33.<br />

ARANTES Laëtitia 137


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

1.2. Les signes de la résidence.<br />

Puisque la résidentialisation produit <strong>des</strong> résidences, on peut se demander ce qu’est une<br />

résidence <strong>et</strong> quels sont ses attributs.<br />

« Lieu construit, généralement luxueux où l’on réside... » 302<br />

« L’usage courant en a fait une désignation du domicile entourée de connotations<br />

mélioratives. » 303<br />

Lors <strong>des</strong> entr<strong>et</strong>iens réalisés auprès <strong>des</strong> nouveaux résidents du quartier Teisseire, nous les avons<br />

interrogés sur leurs représentations de la résidence, sur ce qui, selon eux, manquait à leur<br />

immeuble pour approcher au mieux le modèle résidentiel. Dans les discours <strong>des</strong> habitants, nous<br />

avons pu relever plusieurs symboles de la résidence, symboles qui, quand ils manquaient,<br />

servaient de point d’appui à la critique <strong>et</strong> à la condamnation de la résidentialisation imposée aux<br />

Teisseirois : « Teisseire n’est pas une résidence. Pour que ça fasse résidence, il faudrait que… ».<br />

Et pour le moment, la résidence exemplaire est loin d’exister à Teisseire.<br />

Le Le modèle modèle modèle de de la la résidence résidence : : <strong>des</strong> <strong>des</strong> dispositifs dispositifs spatiaux spatiaux d’agréments d’agréments <strong>et</strong> <strong>et</strong> de de sécurisation.<br />

sécurisation.<br />

sécurisation.<br />

On constate d’abord que les dispositifs spatiaux de la résidentialisation sont effectivement<br />

perçus comme <strong>des</strong> signes de résidences par les habitants.<br />

Même s’il suscite <strong>des</strong> réactions ambivalentes chez les ménages interrogés – les termes de<br />

« prison » ou « d’enfermement » lui sont assez souvent associés –, le premier élément symbolique<br />

de la résidence évoqué par les enquêtés est celui de la clôture clôture. clôture<br />

302 Le P<strong>et</strong>it Robert, 2006.<br />

ILLUSTRATION 43 : UN EXEMPLE DE CLOTURE : LA RESIDENCE DES PETITS COEURS. 304<br />

303 REY A., sous la dir. de, Dictionnaire Historique de la Langue Française, Editions Le Robert, 1992.<br />

304 Photographie personnelle, avril 2007.<br />

ARANTES Laëtitia 138


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Beaucoup de ménages expliquent <strong>et</strong> revendiquent que, pour que leur immeuble soit réellement<br />

une résidence, il faudrait qu’il soit totalement « fermé ».<br />

« Un parking fermé, pour pas que les autres bâtiments viennent se garer là. »<br />

Ei28, Femme, 22 ans, résidente, barre, anc. 3 ans.<br />

« Ce qui est normal, c'est que la résidence soit fermée par un portail à clefs. »<br />

« Moi, je veux avoir mon parking qui ferme. »<br />

Ec34d, Homme, 50 ans, résident.<br />

Ec34g, Femme, 75 ans, résidente, tour.<br />

A c<strong>et</strong>te ferm<strong>et</strong>ure, beaucoup associent surtout le caractère sécurisant, élément indispensable<br />

selon eux à la réalisation de la résidence. La clôture entre dans la liste de ces éléments.<br />

« Pour moi, une résidence, c'est privé. C'est un lieu où c'est sécurisé, plus ou moins…<br />

Privé quoi. Privé dans le sens où c'est sécurisé. »<br />

Ei27, Femme, 30 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

La plupart <strong>des</strong> nouveaux résidents exigent d’ailleurs la ferm<strong>et</strong>ure totale de la résidence <strong>et</strong> que<br />

soit installé un portail muni d’un système d’accès contrôlé, afin que les personnes extérieures à<br />

la résidence ne puissent plus entrer à leur gré.<br />

« Normalement, logiquement, il devrait y avoir une porte fermée. Pour dire que ce soit<br />

sécurisé. C'est-à-dire que celui qui a le badge, il rentre. »<br />

Ei19b, Homme, 50 ans, résident, anc. 35 ans.<br />

En eff<strong>et</strong>, à l’entrée <strong>des</strong> résidences, <strong>des</strong> panneaux informent du caractère privé du parking, mais<br />

ce système semble ne pas arrêter ceux qui veulent s’y introduire.<br />

305 Ibid.<br />

ILLUSTRATION 44 : LA RESIDENCE : UN ENDROIT PRIVE. 305<br />

ARANTES Laëtitia 139


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Avant de continuer sur les éléments qui symbolisent la résidence, il est intéressant tout de même<br />

de noter que quand on leur a évoqué pour la première fois les principes de la résidentialisation,<br />

nombre d’habitants voyaient la ferm<strong>et</strong>ure <strong>des</strong> résidences davantage par une clôture végétale que<br />

par <strong>des</strong> barrières comme celles qui organisent maintenant le quartier.<br />

« Au début, les habitants pensaient que la ferm<strong>et</strong>ure <strong>des</strong> résidences c'était <strong>des</strong><br />

arbustes. Là, c'est carrément <strong>des</strong> barrières, <strong>des</strong> grillages. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Par ailleurs, dans les symboles sécuritaires de la résidence, les nouveaux résidents apprécient<br />

également les systèmes de sécurité qui régissent les entrées <strong>des</strong> immeubles : digico<strong>des</strong>,<br />

interphones<br />

interphones, interphones<br />

interphones parfois à double emploi. Ils perm<strong>et</strong>tent de contrôler les entrées dans la résidence.<br />

ILLUSTRATION 45 : LES NOUVEAUX HALLS D’ENTREE : ESTHETISME ET SECURITE. 306<br />

« Les portes avec interphones, moi j’étais contre au début. Mais finalement, je dis pas<br />

que ça filtre, mais avant on avait toujours <strong>des</strong> stationnements au pied de l’allée.<br />

Maintenant, on n’a plus. Passé un moment, on avait <strong>des</strong> mômes, dix-douze, ils étaient<br />

en bas, ils fumaient, ils mangeaient leur pizza, ils laissaient tout par terre. Alors<br />

maintenant, on n’a pratiquement pas, ça. Moi, maintenant, je me sens en sécurité. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

D’autres dispositifs spatiaux essentiels aux yeux <strong>des</strong> habitants pour « faire résidence » marquent.<br />

Les individus associent notamment à la résidence la présence d’un espace extérieur commun<br />

aux résidents, <strong>et</strong> à eux seuls, délimité par la clôture évoquée précédemment. C<strong>et</strong> espace<br />

commun consiste la plupart du temps en un parking parking. parking<br />

306 Ibid.<br />

« Résidences, pour moi… On peut dire résidences. Mais bon, n’importe qui peu se<br />

garer. Il faudrait <strong>des</strong> trucs qui puissent fermer. Les gens de l’extérieur viennent se<br />

garer là. Donc on ne peut pas dire que c'est une résidence privée.»<br />

« On avait demandé pour le parking un portail fermé. »<br />

Ei19b, Homme, 50 ans, résident, anc. 35 ans.<br />

Ei26, Homme, 69 ans, résident, tour, anc. 9 ans.<br />

ARANTES Laëtitia 140


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ILLUSTRATION 46 : LES ESPACES COMMUNS : LE PARKING. 307<br />

D’ailleurs, certains <strong>des</strong> habitants poussent l’exigence de la ferm<strong>et</strong>ure <strong>et</strong> du contrôle d’accès à<br />

l’extrême, <strong>et</strong> évoquent l’attribution individuelle <strong>des</strong> places de parking à ceux qui possèdent un<br />

véhicule. La résidence, c'est avoir une place de parking individualisée, principe souvent associé<br />

dans les discours à l’idée du standing.<br />

« Ils nous ont marqué ‘’résidence’’ mais ils ne nous ont pas donné les places<br />

numérotées qui vont avec. […] Ils ont fait un p<strong>et</strong>it parking pour le bâtiment derrière.<br />

Mais y a jamais assez de place pour tout le monde qui habite là. »<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

C<strong>et</strong>te question du stationnement fait d’ailleurs l’obj<strong>et</strong> de nombreuses négociations <strong>et</strong> de<br />

revendications fortes dans les résidences déjà créées, les habitants le jugeant toujours en<br />

nombre insuffisant 308.<br />

Parmi les autres aménagements de la résidentialisation, les habitants apprécient également les<br />

aménagements aménagements paysagers paysagers, paysagers le fleurissement<br />

fleurissement, fleurissement<br />

les <strong>espaces</strong> verts verts. verts<br />

« Je trouve que depuis qu’il a été refait, le quartier est plutôt sympa. Par rapport à<br />

d’autres quartiers en ville, c'est vrai que nous, on a beaucoup de vert, on a beaucoup<br />

de parcs, on n’a pas de vis-à-vis. »<br />

Ei12, Femme, 22 ans, résidente, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

« Moi, ce que j’appelle résidence, c'est plus un côté chaleureux. […] Avec un peu<br />

d’<strong>espaces</strong> verts. »<br />

Ei24, Femme, 29 ans, maison individuelle, anc. 3 ans.<br />

Les p<strong>et</strong> p<strong>et</strong>its p<strong>et</strong><br />

its its jardins aménagés à l’arrière <strong>des</strong> immeubles participent eux aussi de c<strong>et</strong>te image de la<br />

résidence. Ce « paysage très nature » 309 est l’une <strong>des</strong> revendications fortes du proj<strong>et</strong> : Teisseire<br />

développe ses atouts, <strong>et</strong> ses arbres <strong>et</strong> <strong>espaces</strong> verts en constituent l’une <strong>des</strong> qualités les plus<br />

visibles.<br />

307 Ibid.<br />

308 La question du stationnement fera l’obj<strong>et</strong> d’un paragraphe dans une partie ultérieure.<br />

309 DAC-Grenoble, op.cit., page 4.<br />

ARANTES Laëtitia 141


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ILLUSTRATION 47 : AMENAGEMENTS PAYSAGERS ET FLEURISSEMENT. 310<br />

D’autres éléments de confort sont jugés indispensables par les habitants dans la constitution de<br />

la résidence, comme l’ascenseur, sans doute parce que seules les tours <strong>et</strong> deux montées de<br />

barres en sont équipées dans le quartier.<br />

Le Le modèle modèle de de la la résidence résidence : propr<strong>et</strong>é propr<strong>et</strong>é <strong>et</strong> calme.<br />

Ensuite, nombre d’habitants associent la résidence à l’indépendance <strong>des</strong> immeubles <strong>et</strong> au calme<br />

qu’elle procure : habiter une résidence, c'est habiter un endroit où les bruits sont minimes.<br />

« Moi, je trouve que le mot ‘‘résidence’’ convient pas mal. Parce que déjà vous êtes<br />

chez vous, c'est indépendant. Vous n’avez pas de bruit au <strong>des</strong>sus, pas de bruit en<br />

<strong>des</strong>sous, pas de bruit sur les côtés. C'est bien fait : y a <strong>des</strong> arbustes. »<br />

Ei23, Homme, 54 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

Mais surtout, la résidence c'est essentiellement la propr<strong>et</strong>é propr<strong>et</strong>é <strong>et</strong> le bon bon fonctionnement<br />

fonctionnement. fonctionnement<br />

Car sans<br />

un entr<strong>et</strong>ien régulier <strong>et</strong> un bon fonctionnement <strong>des</strong> équipements, comment pourrait-on profiter<br />

pleinement de ces nouveaux agréments de vie ?<br />

« Résidence, c'est pour faire un peu privé. Mais je ne pense pas que ça ait beaucoup<br />

d’importance. L’important, c'est que ce soit bien entr<strong>et</strong>enu. »<br />

Ei12, Femme, 22 ans, résidente, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

« Dans les quartiers résidentiels, c'est toujours du n<strong>et</strong>toyage, que ce soit du côté<br />

résidentiel par Actis ou du côté Ville. »<br />

Ec34b, Femme, 70 ans, résidente, barre.<br />

Pourtant, dans les nouvelles résidences, beaucoup estiment que l’entr<strong>et</strong>ien laisse à désirer, que<br />

ce soit dans les parties communes intérieures (les halls d’entrée <strong>et</strong> les escaliers)…<br />

« Mais ça ne fait pas résidence ici, pas du tout. […] Il manque déjà quelqu'un qui<br />

s’occupe de l’entr<strong>et</strong>ien, sur place même. »<br />

310 Photographie personnelle, avril 2007.<br />

Ei19a, Couple, 81 <strong>et</strong> 80 ans, résidence à vendre, barre, anc. 46 ans.<br />

ARANTES Laëtitia 142


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« Moi, j’ai vu faire le n<strong>et</strong>toyage. Avec le seau, ils commencent d’en haut <strong>et</strong> ils balayent<br />

en même temps. Comment voulez-vous que ce soit propre ? Y a du laisser-aller quand<br />

même. […] Si en cinq minutes on fait une montée, on en fait <strong>des</strong> montées. »<br />

Ei19b, Homme, 50 ans, résident, anc. 35 ans.<br />

« L’allée est toujours crade <strong>et</strong> que les gens s’en foutent. C'est fait par une entreprise<br />

tous les vendredis, mais l’entreprise, c'est mal fait. »<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

… mais aussi <strong>des</strong> nouveaux aménagements extérieurs, d’autant plus que les résidents paient <strong>des</strong><br />

charges supplémentaires d’entr<strong>et</strong>ien <strong>et</strong> de maintenance.<br />

« Les barrières, c'est bien, ce qu’ils ont fait, c'est bien. Mais il faudrait qu’ils les<br />

entr<strong>et</strong>iennent. Y a pas d’entr<strong>et</strong>ien. Vous avez bien vu comment c'est ! Ça fait un an<br />

qu’on n’a pas vu un chat pour l’entr<strong>et</strong>enir. Et on paie les charges ! on reçoit les<br />

charges. On paie <strong>des</strong> charges tous les mois. Maintenant, on paie encore <strong>des</strong> charges<br />

d’entr<strong>et</strong>ien <strong>des</strong> parkings. L’année dernière, j’ai payé plus de 200, 200 <strong>et</strong> quelques<br />

euros. »<br />

Ei19a, Couple, 81 <strong>et</strong> 80 ans, résidence à vendre, barre, anc. 46 ans.<br />

« Dans les résidences, c'est toujours n<strong>et</strong>, impeccable. Là, c'est pas le cas. […] C'est pas<br />

fait régulièrement. […] Les <strong>espaces</strong> verts, c'était pas n<strong>et</strong>toyé depuis deux semaines. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Parmi les aménagements extérieurs, les poubelles sont également au cœur de certaines<br />

critiques. Dans certaines résidences, les poubelles ont été déménagées à l’entrée de la<br />

résidence, mais ne sont pas enfermées, facteur de mauvaises odeurs, de manque d’hygiène.<br />

« Les poubelles sont mal construites. Y a pas mal de souris qui passent. C'est pas<br />

hygiène. Ce qu’ils ont fait, c'est pas hygiène. Les poubelles sont à l’entrée. Elles ne<br />

sont pas fermées. Y a les chiens, les pigeons, les rats qui y vont. Que voulez-vous ?<br />

C'est pas fermé. Ça aurait du être fermé. »<br />

Ei19a, Couple, 81 <strong>et</strong> 80 ans, résidence à vendre, barre, anc. 46 ans.<br />

D’ailleurs, dans d’autres endroits du quartier, les professionnels ont proposé une autre solution :<br />

les poubelles enterrées.<br />

311 Photographie personnelle, avril 2007.<br />

ILLUSTRATION 48 : LES POUBELLES : DES CONTAINERS ENTERRES. 311<br />

ARANTES Laëtitia 143


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Le Le modèle modèle modèle de de la la résidence résidence résidence : le gardien <strong>et</strong> l’avènement de la vie privée.<br />

Devant ces besoins de sécurité, de surveillance, de contrôle <strong>des</strong> accès, de propr<strong>et</strong>é <strong>et</strong><br />

d’entr<strong>et</strong>ien, les habitants en appellent à la présence de gardiens. Un <strong>des</strong> signes de la résidence<br />

est là : le contrôle social assuré par un intermédiaire entre les habitants <strong>et</strong> le(s) propriétaire(s) ; le<br />

gardien.<br />

« Il faudrait que ce soit contrôlé, surveillé. »<br />

Ei19a, Couple, 81 <strong>et</strong> 80 ans, dans résidence à vendre, barre, anc. 46 ans.<br />

« Dans toutes les résidences que je connais pratiquement, ils ont quelqu'un qui est<br />

toujours là pour sécuriser, pour la propr<strong>et</strong>é aussi ; il est toujours là pour signaler si y a<br />

un problème. »<br />

Ei27, Femme, 30 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

Le concierge se voit ainsi investi d’un rôle de « régulation <strong>et</strong> même de médiation de la relation à<br />

l’autre » 312.<br />

« Il faudrait m<strong>et</strong>tre une surveillance dans les immeubles. Avant y avait un gardien. Mais<br />

Actis l’a enlevé. Parce qu’y a eu tout un chamboulement au début de l’année dernière.<br />

Et ils ont enlevé tous les gardiens, ils ne voulaient plus m<strong>et</strong>tre de gardien. »<br />

Ei26, Homme, 69 ans, résident, tour, anc. 9 ans.<br />

Toutefois, la tendance contemporaine, à l’instar du parc privé, est à la suppression de ces<br />

gardiens, au remplacement par <strong>des</strong> dispositifs de seuils mécaniques <strong>et</strong> électroniques. Ainsi, chez<br />

Actis 313, toutes les résidences sont dépourvues de gardien depuis bientôt deux ans. Seul un<br />

agent n<strong>et</strong>toie le palier de plusieurs immeubles (le hall d’entrée uniquement – le reste de la<br />

montée étant n<strong>et</strong>toyé par une entreprise privée). C<strong>et</strong> « agent de proximité » 314 sert également<br />

d’intermédiaire entre les habitants <strong>et</strong> le bailleur en cas de problème.<br />

Le Le modèle modèle modèle de de la la résidence résidence : <strong>des</strong> unités de p<strong>et</strong>ite taille.<br />

Ainsi, les locataires associent la résidence aux notions d’ordre, de propr<strong>et</strong>é, de propriété privée,<br />

les modèles urbains de référence étant à la fois <strong>des</strong> résidences de copropriétés privées qu’ils<br />

connaissent ailleurs, <strong>et</strong> le pavillonnaire. Opposée dans tous les discours aux termes de « cité », de<br />

« quartier », de « zone », de « HLM », la résidence renvoie également à l’idée d’un ensemble de de<br />

de<br />

p<strong>et</strong>ite p<strong>et</strong>ite taille taille, taille taille moins dense.<br />

« La mienne, oui, je trouve que ça fait résidence. A côté, oui, je dirais aussi. Pour les<br />

autres immeubles, je trouve que ça le fait un peu moins, mais bon. Ça fait barrière<br />

d’immeuble. […] En face, pour moi, c'est une résidence ; 3-4 étages, tranquille, avec un<br />

peu d’<strong>espaces</strong> verts, <strong>des</strong> p<strong>et</strong>its garages, clôturés. »<br />

Ei24, Femme, 29 ans, maison individuelle, anc. 3 ans.<br />

312 BONNIN P., « L’immeuble parisien <strong>et</strong> sa loge », in HAUMONT B., MOREL A., dir., op.cit., page 235.<br />

313 Pour Grenoble Habitat, la question ne se pose pas encore, les résidents étant à peine en construction.<br />

314 Entr<strong>et</strong>ien avec Mounira CAPPADORO, op.cit.<br />

ARANTES Laëtitia 144


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« Mais pour les immeubles, je trouve que c'est [le terme résidence] pas approprié. A la<br />

différence de là où on habite nous, les quatre maisonn<strong>et</strong>tes, par rapport au truc, je<br />

trouve que ça ne va pas ensemble. »<br />

Ei23, Homme, 54 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

La création d’unités résidentielles de p<strong>et</strong>ite taille qui, dans l’esprit <strong>des</strong> concepteurs, visait à<br />

casser la massivité <strong>des</strong> bâtiments du grand ensemble, à passer « de l’uniformité à la variété » 315,<br />

ne semble pourtant pas modifier la perception d’ensemble du quartier. L’état d’avancement <strong>des</strong><br />

travaux peut sans doute en partie expliquer cela, même à Teisseire 1 où les travaux sont pourtant<br />

beaucoup plus avancés qu’à Teisseire 2.<br />

« C'est étouffant. Je ne comprends pas, on a détruit <strong>des</strong> tours pour faire d’autres<br />

bâtiments. Franchement, y a pas tant d’<strong>espaces</strong> pour m<strong>et</strong>tre au milieu <strong>des</strong><br />

bâtiments. »<br />

Ec34l, Femme, 32 ans, future propriétaire, anc. 10 ans.<br />

Ainsi, sécurité <strong>et</strong> vie privée sont les mots d’ordre dans la résidence idéale <strong>des</strong> habitants. Le<br />

constat est clair : pour que les unités créées « fassent » vraiment résidence, il faudrait une<br />

ferm<strong>et</strong>ure physique de l’espace réservé à la résidence par rapport à la rue, ferm<strong>et</strong>ure qui se<br />

manifeste par <strong>des</strong> barrières, <strong>des</strong> portails commandés électriquement, <strong>des</strong> systèmes de sécurité<br />

pour les halls d’entrée, <strong>et</strong> aussi de services liés à la sécurité, comme la présence d’un gardien ou<br />

d’un concierge…<br />

1.3. La « distance sociale » du modèle <strong>et</strong> <strong>des</strong> normes d’usages de la résidence.<br />

Ainsi, pour les habitants, les signes physiques <strong>et</strong> visuels de la résidence sont multiples <strong>et</strong><br />

extrêmement hétérogènes : de la simple clôture par <strong>des</strong> grilles <strong>et</strong> un portail à <strong>des</strong> recompositions<br />

plus finement <strong>des</strong>sinées de l’espace <strong>et</strong> du paysage, les individus revendiquent le caractère privé<br />

<strong>et</strong> sécuritaire de la résidence. Mais très vite, les ménages interrogés font la différence entre la<br />

« cité » <strong>et</strong> la « résidence » : les groupes sociaux en présence sont évoqués comme la différence<br />

fondamentale entre ces deux <strong>espaces</strong> résidentiels <strong>et</strong> surtout comme l’obstacle principal à la<br />

transformation du quartier en résidences.<br />

Le Le modèle modèle de de la la résidence résidence : : le le savoir savoir-vivre savoir<br />

vivre vivre en communauté.<br />

Ainsi, il faut bien reconnaître qu’au-delà <strong>des</strong> aménagements physiques qui contribuent à la<br />

formation de la résidence, si l’on parle beaucoup de résidentialisation dans les grands<br />

ensembles, l’on om<strong>et</strong> généralement de dénommer le résultat de c<strong>et</strong>te action : transformer <strong>des</strong><br />

locataires en résidents. Des locataires respectueux <strong>et</strong> responsables, voilà <strong>des</strong> objectifs que se<br />

donne la résidentialisation, <strong>et</strong> surtout voilà ce à quoi aspirent certains ménages interrogés. Le<br />

315 DAC-Grenoble, « De la cité au quartier », Teisseire, Le proj<strong>et</strong> urbain, n°5, Novembre 2000, page 2.<br />

ARANTES Laëtitia 145


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

tout n’est pas simplement de m<strong>et</strong>tre une clôture autour d’un bâtiment, quelques jardin<strong>et</strong>s <strong>et</strong><br />

arbustes pour « faire plus joli » <strong>et</strong> un interphone à l’entrée. Aussi faudrait-il que les locataires<br />

apprennent à devenir <strong>des</strong> résidents à part entière.<br />

« Pour que ça fasse résidence, faudrait qu’y en ait qui enlèvent ce qui est sur les<br />

balcons, parce que ça fait vraiment moche. Parce que y en a, ça fait longtemps que<br />

c'est <strong>des</strong>sus. »<br />

« Parce les gens ici ne se gênent pas, là-bas, y en a qui ont déménagé, ils ont mis tous<br />

les meubles sur le gazon, ils ont pris la voiture, ils sont partis. Les meubles sont restés<br />

là pendant dix ou quinze jours. »<br />

Ei23, Homme, 54 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

« C'est <strong>des</strong> gens comme ça, qui crient parce qu’il y a trop de plantes sur les balcons, ou<br />

qu’y a un truc qui dépasse. »<br />

Ei12, Femme, 22 ans, résidente, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

« Il faudrait essayer de responsabiliser les personnes. »<br />

Ei19b, Homme, 50 ans, résident, anc. 35 ans.<br />

Respecter les lieux, ne pas encombrer les balcons avec les étendoirs à linge, ne plus j<strong>et</strong>er les<br />

ordures par la fenêtre… Certains, plus soucieux que d’autres, exigent de la part de tous qu’ils se<br />

conforment à un « habiter civique » 316, à un « ordre de conformation » 317 tacite ou non (en suivant<br />

les règles établies par la charte de bon voisinage 318 lorsque c<strong>et</strong>te dernière existe, par exemple).<br />

Néanmoins, cela est plus facile à dire qu’à faire : beaucoup <strong>des</strong> locataires « résidentialisés » ont<br />

encore <strong>des</strong> comportements « incivils », que ce soit au niveau de leur résidence ou du quartier en<br />

général. Entre uriner dans les escaliers <strong>et</strong> déposer la poubelle à côté du vide-ordure, les dérives<br />

sont nombreuses, <strong>et</strong> éloignent chaque fois un peu plus les locataires du statut de résidents.<br />

L’homogénéité ’homogénéité bourgeoise bourgeoise de la résidence face au mélange culturel culturel dde<br />

d<br />

e e la cité cité. cité<br />

Par ailleurs, pour beaucoup de locataires interrogés (si ce n’est tous), les représentations qu’ils<br />

se font de la résidence correspondent avant tout aux lieux d’habitation de groupes sociaux « plus<br />

riches », « aisés ».<br />

« Je trouve que ça sert à rien, parce que ‘‘résidence’’, ça me fait bien rigoler de dire<br />

que c'est une résidence. On est dans une cité, on n’est pas dans <strong>des</strong> résidences. On<br />

paie un loyer de cité. On est dans un HLM. On n’a pas les bénéfices que <strong>des</strong><br />

résidences ont. Résidence, c'est pour nous faire augmenter les loyers, c'est tout. »<br />

« Ils ont fait le 1% <strong>et</strong> ils demandent beaucoup plus de gens qui travaillent. Je pense<br />

que ça a changé. Mais c'est pas parce qu’une personne travaille au SMIC qu’elle est<br />

plus riche qu’un RMIste. »<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

316 GOURCY C. (De), PINSON D., op.cit., page 176.<br />

317 Ibid.<br />

318 Un exemple de charte est présenté en annexes.<br />

ARANTES Laëtitia 146


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« Ici, ce sont <strong>des</strong> gens, <strong>des</strong> ouvriers ou <strong>des</strong> gens qui font rien, qui vivent de RMI ou de<br />

chômage. Donc ce sont pas <strong>des</strong> gens aisés. Dans les résidences, c'est <strong>des</strong> gens<br />

aisés. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Dans le quartier, les résidences sont considérées par les habitants comme <strong>des</strong> « immeubles de<br />

riches » 319. Mais, pour les locataires, ces représentations ne s’ajustent pas à la réalité de leur<br />

quotidien. L’homogénéité sociale <strong>et</strong> bourgeoise qui caractérise les résidences est loin de pouvoir<br />

être associée à leur vie dans le quartier Teisseire, la cohabitation dans le quartier étant avant<br />

tout le fait d’un mélange culturel pour beaucoup contraint <strong>et</strong> difficile à vivre.<br />

« Dans le quartier Teisseire, je trouve qu’il y a beaucoup d’étrangers. C'est pas une<br />

critique. Y a beaucoup de populations Maghrébines, beaucoup de Portugais, <strong>et</strong> pas<br />

assez de Français. »<br />

Ei24, Femme, 29 ans, maison individuelle, anc. 3 ans.<br />

« C’est un quartier, c’est beaucoup <strong>des</strong> Arabes, c’est vrai oui. Y a beaucoup <strong>des</strong> Arabes<br />

<strong>et</strong> <strong>des</strong> Gitans. Y a pas beaucoup de Français dans le quartier Teisseire. On dirait c’est<br />

<strong>des</strong> touristes les Français qui sont là. »<br />

Ei2, Couple, 30 <strong>et</strong> 61 ans, résidents, barre, anc. 4 ans.<br />

D’ailleurs, le couple suivant, rapatrié d’Algérie, exprime une certaine amertume, devant les<br />

difficultés qu’il a à s’intégrer au quartier <strong>et</strong> au pays.<br />

« Moi ça m’a surpris. On dirait qu’on nous a mis dans un camp. C'est un camp où il y a<br />

<strong>des</strong> nationalités différentes. Ça prête à confusion. On dirait un gh<strong>et</strong>to. C'est pas la<br />

France dans notre quartier. On dirait une commune maghrébine. Donc l’intégration à<br />

la vie française ne pourra jamais se faire. »<br />

Ei15, Couple, 45 <strong>et</strong> 52 ans, résidents, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

Ainsi, dans les discours opposant les normes de la « résidence » à celles du « quartier », les<br />

ménages expliquent que la diversité culturelle, qui faisait autrefois la richesse du quartier,<br />

l’éloigne désormais de la possible transformation en résidence. Les différences culturelles<br />

rendent difficile le partage de valeurs communes, <strong>et</strong> deviennent parfois sources de conflit.<br />

« Alors, là, ils ont mis <strong>des</strong> jeux, y a pas longtemps, juste c<strong>et</strong>te année. Ils ont fait un<br />

match de foot. Dans la journée, ça pullule de gosses <strong>et</strong> de femmes Arabes. Ça fait du<br />

bruit. […] Les parents ne pourraient pas empêcher les enfants de salir, de détruire les<br />

machins ? Les mères, elles sont là, assisses sur les bancs, en train de bavarder. Elles<br />

peuvent pas empêcher leurs gosses ?»<br />

Ei16, Femme, 82 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

« Moi personnellement, j’ai pas vu un Français créer de problème. Moi, j’ai vu les<br />

autres qui cassent les voitures, qui rayent les voitures. Même <strong>des</strong> fois, à 2 heures du<br />

matin, on se lève ; les pompiers, ils sont là pour éteindre une voiture brûlée. C’est<br />

catastrophique. Ils arrêtent pas. Ils brûlent tout. »<br />

319 DAC-Grenoble, op.cit., page 5.<br />

Ei2, Couple, 30 <strong>et</strong> 61 ans, résidents, barre, anc. 4 ans.<br />

ARANTES Laëtitia 147


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« Ils ont fait <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> pour les enfants. Ils sont assis là, les parents. Les enfants<br />

sont en train de tout casser, mais ils ne disent rien du tout. »<br />

Ei14, Homme, 38 ans, résident, barre, anc. 18 ans.<br />

Ainsi, du fait de ces différences culturelles, difficile est de faire appliquer à tous les normes de la<br />

résidence. Beaucoup le disent : les chartes de bon voisinage sont peu, voire pas, respectées.<br />

La La « « résidence résidence » : un terme qui n’a n’a pas lieu lieu d’être.<br />

Par ailleurs, évoquer le simple terme de « résidence » en fait (sou)rire plus d’un.<br />

« Ils ont mis <strong>des</strong> barrières, je me demande bien pourquoi ! Parce que franchement…<br />

Soi-disant c'est ‘‘résidence’’. [Elle rit] Ils me font rire avec leurs résidences. Quand<br />

même ! »<br />

Ei16, Femme, 82 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

De même en ce qui concerne la dénomination <strong>des</strong> résidences, d’autant plus que beaucoup <strong>des</strong><br />

ménages interrogés ne se reconnaissent pas dans les noms choisis par leurs voisins : entre les<br />

lilas <strong>et</strong> les mimosas, certains se demandent en quoi ce nom les concerne.<br />

« Ils l’ont appelé Les Lilas. Ils sont où les lilas ?! »<br />

Ei14, Homme, 38 ans, résident, barre, anc. 18 ans.<br />

« Notre résidence, c'est Les Tilleuls. Ils ont dit ça y a 6 mois, ça m’a fait rire. Ça fait<br />

vieux, y a que <strong>des</strong> vieux ici. »<br />

Ei9, Femme, 23 ans, résidente, barre, anc. 23 ans.<br />

« La résidence s’appelle Les Lilas. Ils n’ont pas encore mis de plaques. Mais ça va<br />

s’appeler comme ça. Je sais pas qui a choisi le nom. Parce que les Lilas, c'est pas<br />

terrible non plus. Là-bas, les Mimosas. »<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

« On s’appelle les Lilas. Y a certaines personnes de l’immeuble qui ont choisi les Lilas.<br />

On a fait une réunion publique pour ça (elle rit). Je n’ai pas participé à la nomination.<br />

Mais mon mari a participé à la dernière réunion <strong>des</strong> locataires, ils font ça tous les mois<br />

ou tous les deux mois. Il s’est aperçu qu’y avait toujours 5 personnes qui venaient, que<br />

c'était toujours les plus réac. Donc forcément, ce qui en découlait, ça ne devait pas<br />

être super. »<br />

Ei12, Femme, 22 ans, résidente, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

Finalement, pour beaucoup, la résidence, sa mise en application <strong>et</strong> le terme employé, est juste<br />

un eff<strong>et</strong> de « style », juste un nom utilisé pour marquer l’évolution du bâtiment, mais rien de plus.<br />

« Moi, j’étais déjà passée avant les travaux, tout ça. Comparé à avant, oui. Mais après,<br />

je pense pas… Pour moi, d’abord Actis, c'est pas un truc où on donne <strong>des</strong> noms de<br />

résidence. Voilà. Mais autrement, que ce soit une résidence où un immeuble, ça ne me<br />

fait rien. C'est un nom pour moi. »<br />

L’impossible L’impossible transformation transformation en en rrésidence<br />

r ésidence ?<br />

Ei28, Femme, 22 ans, résidente, barre, anc. 3 ans.<br />

Pourtant, les critiques énoncées précédemment ne doivent pas faire croire que les habitants<br />

rej<strong>et</strong>tent l’ensemble <strong>des</strong> travaux, ni qu’ils s’y désintéressent. Bien au contraire, comme nous<br />

ARANTES Laëtitia 148


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

l’avons déjà fait remarquer, la plupart <strong>des</strong> travaux réalisés jusque-là sont appréciées par bon<br />

nombre de locataires. D’ailleurs, avec les premières réalisations, il semblerait que l’image du<br />

quartier ait déjà changé dans les esprits de certains, internes ou externes au quartier.<br />

« Maintenant, tout le monde apprécie. Tout le monde pense que ça a beaucoup<br />

changé, que c'est plus beau que dans du privé. Ceux qui viennent de l’extérieur<br />

trouvent que c'est bien. Avant, ils pensaient que c'était comme tous les quartiers<br />

sociaux. »<br />

Ei7, Femme, 70 ans, première résidence, barre, anc. 41 ans.<br />

« Pour moi, les résidences, c'est mieux que les grands ensembles tous vi<strong>des</strong>. »<br />

Ei7b, Homme, 60 ans, extérieur au quartier.<br />

Néanmoins, dans leur grande majorité, les ménages interrogés réfutent l’idée d’une possible<br />

transformation <strong>des</strong> immeubles en résidences.<br />

« On est à Teisseire <strong>et</strong> ils font <strong>des</strong> résidences ! C'est une cité ici. Ça restera toujours<br />

Teisseire. C'est pas en refaisant les faça<strong>des</strong> <strong>des</strong> bâtiments, à la va-vite en plus. Parce<br />

que voilà, c'est <strong>des</strong> rénovations à bas prix, c'est pas non plus du grand standing. Pour<br />

moi, c'est toujours le même endroit. »<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

« Pour moi, ça reste toujours quartier. C’est pas résidence. Résidence, pour moi… C'est<br />

vrai que pour nous ici, ils ont appelé résidences, parce que je pense qu’ils ont fermé<br />

<strong>des</strong> deux cotés. Mais autrement, ça reste l’image <strong>des</strong> quartiers. »<br />

Ei27, Femme, 30 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

Ce rej<strong>et</strong> prend une signification particulière quand on sait que tous ceux qui réfutent la<br />

résidentialisation sont arrivés aux premiers jours du quartier, ont vécu avec <strong>et</strong> l’ont vu évoluer.<br />

Perçu comme le symbole d’un nouvel urbanisme porteur d’objectifs sociaux, le quartier Teisseire<br />

est toujours perçu <strong>et</strong> vécu de la sorte dans les esprits <strong>des</strong> anciens.<br />

« Y en a que quatre en France, <strong>des</strong> cités familiales comme Teisseire. »<br />

« Je vous dis, c'est le village, où tout le monde se connaît. Maintenant c'est<br />

toujours le même village, mais avec un peu plus de méchanc<strong>et</strong>é, parce que les<br />

gens sont devenus jaloux. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Mais aujourd'hui, le décalage entre les intentions initiales <strong>et</strong> la réalité est patent <strong>et</strong> les signes de<br />

la modernité sont devenus ceux de la dévalorisation. Beaucoup soulignent la réputation négative<br />

attachée au quartier Teisseire. D’ailleurs, comme nous l’avons déjà dit, plusieurs rappellent que<br />

le quartier est tristement célèbre dans les médias. Loin d’être indifférentes à c<strong>et</strong>te réputation<br />

négative, les personnes interrogées prennent souvent position par rapport à la stigmatisation du<br />

quartier. Quand certains reprennent à leur compte, souvent en les amplifiant, les multiples<br />

anecdotes sur Teisseire, qui renforcent leur sentiment d’insécurité, d’autres s’insurgent contre<br />

les discours véhiculés par les médias <strong>et</strong> soulignent, au contraire, ses atouts <strong>et</strong> attraits.<br />

ARANTES Laëtitia 149


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« Avant, ils disaient que c'était craignos, moi j’ai jamais rien vu. Je me suis toujours<br />

senti bien ici. C’est calme ici, je trouve, par rapport à d’autres cités. »<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

« Mais à côté de ça, moi je ne partirais jamais de ma cité. Ça a beaucoup changé mais<br />

le fond il est là quand même. Le fond de gentillesse <strong>et</strong> de reconnaissance. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Ainsi, malgré les nombreux signes de la résidence présents sur le quartier, beaucoup manquent<br />

encore selon les habitants pour que le quartier se « résidentialise ». Mais, selon eux, ce qui creuse<br />

surtout l’écart entre le quartier <strong>et</strong> la résidence réside dans sa population <strong>et</strong> dans la « distance<br />

sociale » 320 qui sépare c<strong>et</strong>te dernière <strong>des</strong> populations plus « aisées » associées aux résidences.<br />

En ce sens, malgré tous les « artifices » mis en place pour donner une image plus résidentielle au<br />

quartier, une chose peine à se réaliser <strong>et</strong> à consacrer les résidences : la transformation <strong>des</strong><br />

locataires en résidents.<br />

2. Entre Entre ouverture ouverture ouverture <strong>et</strong> <strong>et</strong> <strong>et</strong> ferm<strong>et</strong>ure ferm<strong>et</strong>ure : les les paradoxes de la<br />

résidentialisation<br />

résidentialisation.<br />

résidentialisation<br />

« Le proj<strong>et</strong> urbain ne propose pas une image figée <strong>et</strong> fixée à l’avance de l’avenir du<br />

quartier. La démarche consiste à la construire progressivement avec les habitants <strong>et</strong><br />

les partenaires. Diversité, qualité <strong>et</strong> ouverture du quartier sont les trois objectifs que<br />

les travaux concrétisent. Il s’agit de pouvoir construire l’avenir tout en réalisant les<br />

améliorations les plus urgentes. » 321<br />

Trois objectifs sont donc mis en avant dans ce proj<strong>et</strong> mis en place sur le quartier Teisseire :<br />

diversifier l’habitat, les activités, l’architecture ; apporter une qualité <strong>urbaine</strong>, un nouvel<br />

esthétisme au quartier ; <strong>et</strong> ouvrir le quartier sur les quartiers environnants <strong>et</strong> sur la ville. La<br />

volonté du proj<strong>et</strong> de Philippe Panerai sur le quartier Teisseire est donc, entre autres, d’ouvrir le<br />

quartier au reste de la ville, de désengorger le quartier, le rendre plus ouvert, plus facile d’accès.<br />

Ouvrir le quartier. L’intention est claire. Mais le principe mis en œuvre pour y arriver paraît<br />

ambigu dans sa finalité. En quoi créer <strong>des</strong> résidences, dont l’un <strong>des</strong> premiers symboles est la<br />

clôture, perm<strong>et</strong>trait-il d’ouvrir le quartier ? En quoi fermer individuellement les immeubles<br />

perm<strong>et</strong>trait-il d’ouvrir globalement le quartier ?<br />

Dans les discours que les habitants tiennent au suj<strong>et</strong> de la résidentialisation, le doute est<br />

clairement dévoilé quant aux ambitions d’ouverture du proj<strong>et</strong>. Si le quartier s’habille d’une<br />

320 CHAMBOREDON J.-C. <strong>et</strong> LEMAIRE M., op.cit.<br />

321 DAC-Grenoble, op.cit., page 8.<br />

ARANTES Laëtitia 150


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

nouvelle image dans les opinions <strong>des</strong> habitants mais aussi dans celles <strong>des</strong> individus extérieurs,<br />

le paradoxe continue de régner quant à l’ouverture effective du quartier.<br />

2.1. L’ouverture du quartier : une ambiance <strong>urbaine</strong> nouvelle <strong>et</strong> appréciée.<br />

« M<strong>et</strong>tre fin à la singularité <strong>des</strong> grands ensembles » 322 <strong>et</strong> « améliorer l’environnement urbain <strong>et</strong><br />

paysager » 323. Dans nombre <strong>des</strong> proj<strong>et</strong>s de résidentialisation analysés jusque-là, le principe phare<br />

du proj<strong>et</strong>, la résidentialisation, puise les clefs de son succès dans ces deux enjeux de qualité<br />

<strong>urbaine</strong>. Pour Teisseire, dans les discours <strong>des</strong> professionnels, une chose se confirme : le quartier<br />

jouit d’un nouvel agrément de vie, <strong>et</strong> d’une nouvelle attractivité qui « ouvre » le quartier à de<br />

nouvelles possibilités en matière d’habitat <strong>et</strong>, pourquoi pas, de population.<br />

« Désormais, avec ses immeubles nickels, ses jardin<strong>et</strong>s, ses <strong>espaces</strong> verts agrémentés<br />

de rosiers, la partie sud du quartier se présente sous d’agréables atouts. Séduits, <strong>des</strong><br />

promoteurs vont construire <strong>des</strong> logements sur la friche Schneider. » 324<br />

Devant ce regain d’attractivité du quartier, une question reste néanmoins en suspend : comment<br />

les habitants perçoivent-ils la nouvelle image du quartier ?<br />

2.1.1. 2.1.1. La La résidentialisation : : : une une une valorisation valorisation valorisation <strong>des</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> <strong>espaces</strong>. <strong>espaces</strong><br />

« Dans le cadre de c<strong>et</strong>te requalification, le travail paysager perm<strong>et</strong> d’adoucir les<br />

ambiances <strong>urbaine</strong>s, de dissimuler certaines horreurs architecturales difficilement<br />

transformables, <strong>et</strong> d’embellir les lieux, tout en améliorant la sécurité, en créant <strong>des</strong><br />

limites <strong>et</strong> <strong>des</strong> barrières le plus souvent symboliques, <strong>et</strong> en comblant les <strong>espaces</strong> à<br />

l’abandon <strong>et</strong> les vi<strong>des</strong> urbains générateurs d’angoisse. » 325<br />

En ce qui nous concerne, ce que nous pouvons r<strong>et</strong>enir <strong>des</strong> différents entr<strong>et</strong>iens, c'est que<br />

l’intervention spatiale sur le quartier apporte une incontestable qualification de l’espace urbain<br />

de voisinage <strong>et</strong> de l’espace résidentiel lui-même. « Penser le grand ensemble par le paysage » 326.<br />

La plupart <strong>des</strong> habitants interrogés estiment que l’ambiance <strong>urbaine</strong> s’est fortement améliorée<br />

sur le quartier. L’apport d’une composition végétalisée en constitue le principe essentiel : les<br />

arbres <strong>et</strong> les <strong>espaces</strong> verts de Teisseire sont l’une de ses « qualités les plus visibles » 327, <strong>et</strong> le<br />

proj<strong>et</strong> propose de développer ces atouts, par le biais d’un fil vert. Le quartier est plus « aéré »,<br />

plus « propre », <strong>et</strong> les habitants en sont satisfaits.<br />

322 GRENIER C., « Faire face au manque d’urbanité <strong>des</strong> grands ensembles ? », in CERTU, VILLE DE GRENOBLE, op.cit.,<br />

page 93.<br />

323 Ibid.<br />

324 DAC-Grenoble, op.cit., page 8.<br />

325 BONETTI M., LAFORGUE J.D., SECHET P., « Résidentialisation : de la clôture à l’espace public », in Urbanisme,<br />

n°323, mars-avril 2002, page 59.<br />

326 HATZFELD H., MOUTTON Y., op.cit., page 2.<br />

327 DAC-Grenoble, op.cit., page 4.<br />

ARANTES Laëtitia 151


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« C'est vrai que résidence, c'est bien, puisque la cité, elle est plus claire. »<br />

« Ça fait plus aéré. »<br />

Ec34f, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Ei9, Femme, 23 ans, résidente, barre, anc. 23 ans.<br />

« Le quartier est bien. C'est vrai, y a un parc, y a <strong>des</strong> chaises, y a <strong>des</strong> bancs, y a <strong>des</strong><br />

arbres, y a de la verdure, y a un p<strong>et</strong>it stade, là, où peuvent jouer les enfants… »<br />

Ei15, Couple, 45 <strong>et</strong> 52 ans, résidents, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

« Y a beaucoup de positif dans le quartier. Je trouve que c'est un quartier qui fait plus<br />

clair qu’avant. C'est plus aéré. […] Ce quartier, au niveau habitations, ça ne me déplaît<br />

pas du tout. Moi, pour moi, c'est un grand bonheur. Je rentre le soir, je peux manger au<br />

soleil. J’ai un morceau de gazon, j’ai <strong>des</strong> arbustes. »<br />

Ei23, Homme, 54 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

Tout en m<strong>et</strong>tant à distance les grands axes de circulation, les aménagements paysagers m<strong>et</strong>tent<br />

en valeur les abords <strong>des</strong> voies <strong>et</strong> les anciens « <strong>espaces</strong> libres » qui constituaient auparavant le<br />

quartier. Désormais, le quartier ne consiste plus en une vaste étendue indifférenciée de bitume<br />

ou d’<strong>espaces</strong> verts ayant progressivement perdu de leur qualité. Bien au contraire, les<br />

concepteurs ont su m<strong>et</strong>tre en valeur ces <strong>espaces</strong> en leur attribuant une nouvelle qualité <strong>urbaine</strong>.<br />

2.1.2. 2.1.2. 2.1.2. Des Des eff<strong>et</strong>s eff<strong>et</strong>s positifs positifs positifs sur sur sur la la tranquillité.<br />

tranquillité.<br />

Par ailleurs, par les différents dispositifs de sécurité <strong>et</strong> de contrôle <strong>des</strong> accès, la résidentialisation<br />

a su m<strong>et</strong>tre à distance certains problèmes jusque-là porteurs de la mauvaise réputation du<br />

quartier. Problèmes de délinquance ou de vandalisme, la chargée de gestion <strong>des</strong> unités<br />

résidentielles est univoque sur ce point : les actes d’incivilités sont moins nombreux 328. Et les<br />

habitants le confirment : l’ambiance du quartier s’est améliorée, l’image du quartier s’est<br />

requalifiée.<br />

« Je pense quand même que la cité, elle est aimé. Parce que y a <strong>des</strong> gens qui sont<br />

partis, ils reviennent. […] Finalement c'est là qu’on est le mieux. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

« Maintenant, avec toutes ces résidences qu’ils ont fait, tous ces aménagements qu’ils<br />

font, je pense que les gens ont moins d’a priori. Je pense que ça a changé. »<br />

« Les tags, ça n’existe pas ici. Je n’ai jamais vu de tag ici. »<br />

Ei10, Femme, 46 ans, résidente, barre, anc. 46 ans.<br />

Ei14, Homme, 38 ans, résident, barre, anc. 18 ans.<br />

Désormais, grâce à c<strong>et</strong>te nouvelle image, à c<strong>et</strong>te tranquillité r<strong>et</strong>rouvée, le quartier, attire <strong>des</strong><br />

populations nouvelles. La requalification du quartier a eu <strong>des</strong> eff<strong>et</strong>s indéniables sur l’attractivité<br />

commerciale du quartier. Les chiffres le confirment : depuis 2000, la vacance est nulle sur le<br />

328 Entr<strong>et</strong>ien avec Mounira CAPPADORO, op.cit.<br />

ARANTES Laëtitia 152


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

quartier ; les deman<strong>des</strong> de mutation sont de moins en moins nombreuses (entre 2000 <strong>et</strong> 2005,<br />

le nombre de demandeurs se réduit de 4% 329) ; mais surtout, dans les deman<strong>des</strong> de logements<br />

sociaux, de moins en moins de ménages expriment le refus d’habiter le quartier (entre 2000 <strong>et</strong><br />

2005, le nombre de refus a diminué de 17% 330).<br />

2.2. Une ouverture physique moins présente dans les discours.<br />

Néanmoins, face à c<strong>et</strong>te attractivité r<strong>et</strong>rouvée du quartier, les habitants estiment que Teisseire<br />

se referme sur lui-même.<br />

2.2.1. 2.2.1. L’ouverture L’ouverture L’ouverture du du quartier quartier : : soigner soigner les les points points d’accroche d’accroche <strong>des</strong> <strong>des</strong> axes axes urbains urbains. urbains<br />

Intégrer le quartier aux quartiers environnants était notamment un prolongement de c<strong>et</strong>te notion<br />

d’ouverture. En pratique, ce principe passe par la hiérarchisation <strong>et</strong> la « banalisation » <strong>des</strong> voies,<br />

la création d’un « centre » de quartier entre les quartiers Teisseire <strong>et</strong> Malherbe au niveau de la<br />

place Salvador Allende, ou encore par le déménagement du centre social au « centre » <strong>des</strong> trois<br />

quartiers. Pourtant, ces ouvertures physiques proposées par Philippe Panerai <strong>et</strong> maintenant<br />

réalisées – la continuité <strong>des</strong> voies avec les quartiers environnants, l’ouverture au quartier<br />

Malherbe par l’aménagement de la place Salvador Allende… - aucun de ces éléments n’est<br />

reconnu comme amélioration dans le cadre de vie. Bien au contraire, beaucoup se plaignent<br />

d’avoir « perdu » leur centre social, alors qu’il est simplement installé de l’autre côté de la rue.<br />

« Ils ont pris le centre social, ils l’ont mis en face. D’ailleurs, y a eu beaucoup de pleurs,<br />

parce que ça faisait 44 ans qu’elle était là. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Finalement, malgré les tentatives de raccrochement aux quartiers environnants, les nouvelles<br />

portions de rues créées sur le quartier font l’obj<strong>et</strong> de pratiques déviantes, certains profitant de<br />

ces rues ou <strong>des</strong> portions de parking ouvertes pour éviter de s’arrêter aux feux tricolores.<br />

« Le portail qui coupe en deux le parking, ça on m’avait expliqué l’année dernière,<br />

c'était pour éviter que les gens passent le feu, <strong>et</strong> qu’ils passent trop vite ici. »<br />

Ei20, Homme, 21 ans, résident, barre, anc. 1 an.<br />

Teisseire apparaît ainsi davantage comme un simple lieu de passage, ses nouvelles rues faisant<br />

office de rues de transit perm<strong>et</strong>tant d’éviter les feux tricolores.<br />

329 CAEN S., chargé d’étude à la Métro.<br />

330 Ibid.<br />

ARANTES Laëtitia 153


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

2.2.2. 2.2.2. Les es constructions constructions nouvelles en en contradiction contradiction avec avec avec l’ouverture l’ouverture du du quartier quartier. quartier<br />

Par ailleurs, nombre <strong>des</strong> habitants trouvent que, malgré les démolitions censées contribuer au<br />

désengorgement du quartier, celui-ci se referme sur lui-même <strong>et</strong> se densifie. Les constructions<br />

nouvelles se multiplient, les vastes étendues se réduisent, les vis-à-vis s’intensifient.<br />

« Les aménagements, c'est trop. On est trop les uns sur les autres. Regardez, avant,<br />

devant ici, juste devant, jusque la route, y avait un pré. Ils ont coupé un ou deux<br />

arbres, y avait de beaux marronniers. Là-bas, dans le coin, y avait <strong>des</strong> bancs. Je sais<br />

qu’il y avait surtout <strong>des</strong> messieurs – <strong>et</strong> même <strong>des</strong> Italiens – qui venaient le soir, dans<br />

la journée s’asseoir tranquillement. Maintenant, il a fallu qu’ils nous m<strong>et</strong>tent ces<br />

baraques-là. […] Ah non ! Y a trop d’immeubles qui se montent, trop, trop, trop, trop. »<br />

Ei16, Femme, 82 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

« Maintenant l’un sur l’autre, les bâtiments, ils sont là. S’ils montent là, ils vont tout<br />

boucher la vue. On avait une belle vue. Mais, là, ils font <strong>des</strong> villas. Je ne sais pas s’ils<br />

font <strong>des</strong> garages. Mais, on a trois étages. Enfin, ce qu’ils font, c'est pas beau. Vraiment<br />

pas beau. »<br />

Ei19a, Couple, 81 <strong>et</strong> 80 ans, résidence à vendre, barre, anc. 46 ans.<br />

Finalement, les logements se referment sur eux-mêmes, les « vues » qui faisaient autrefois la<br />

qualité spatiale de Teisseire disparaissent, emportant avec elles l’évasion visuelle, parfois seule<br />

occasion pour les Teisseirois de sortir du quartier. Ainsi, les <strong>espaces</strong> vitaux se réduisent au<br />

minimum, <strong>et</strong> le quartier devient « étouffant ».<br />

« Ils ont mis la Maison de l’Enfance rue Gaston L<strong>et</strong>onnelier. Ça dérange toute la barre<br />

de la rue L<strong>et</strong>onnelier. Parce que de chez nous, on voyait tout Teisseire 2. Moi j’avais<br />

une femme qui habitait au 7, elle envoyait ses gosses aux courses, <strong>et</strong> de chez elle, elle<br />

les voyait jusqu’à l’angle, presque jusque Atac. Mais là, elle ne voit plus rien. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

« Je n’arrive pas à comprendre qu’on fasse c<strong>et</strong>te concentration de bâtiments. »<br />

Ec34c, Femme, 46 ans, résidente, anc. 46 ans.<br />

« Alors, on a commencé à démolir <strong>des</strong> tours – apparemment, c'était pour désengorger<br />

le quartier, pour l’ouverture <strong>et</strong> tout. Sauf, ce qui m’a choquée, moi personnellement, ça<br />

m’a choquée, les nouveaux bâtiments qui se construisent derrière, rue Georges de<br />

Manteyer. […] J’ai vu les autres bâtiments comme <strong>des</strong> champignons qui poussaient.<br />

C'est étouffant. […] On part d’une idée de dégorger le quartier, mais on arrive à… »<br />

Ec34l, Femme, 32 ans, future propriétaire, anc. 10 ans.<br />

C<strong>et</strong>te dernière personne parle de l’îlot Bour<strong>et</strong>te, en construction, qui accueillera huit<br />

maisonn<strong>et</strong>tes.<br />

ARANTES Laëtitia 154


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ILLUSTRATION 49 : L’ILOT BOURETTE EN CONSTRUCTION. 331<br />

2.2.3. 2.2.3. Les Les résidences résidences résidences : : un un un « « emprisonnement emprisonnement » » plus plus plus qu’une qu’une qu’une ouverture ouverture. ouverture<br />

Bien plus encore, dans les discours <strong>des</strong> habitants, on r<strong>et</strong>rouve beaucoup de références explicites<br />

à l’emprisonnement, à l’enfermement. Davantage qu’une simple délimitation <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>, les<br />

barrières représentent un emprisonnement pour les habitants. Dès le début de proj<strong>et</strong>, les<br />

Teisseirois ont c<strong>et</strong>te sensation d’être traités comme <strong>des</strong> « animaux que l’on va m<strong>et</strong>tre derrière<br />

<strong>des</strong> grilles » 332 <strong>et</strong> sont donc réticents au proj<strong>et</strong> de résidentialisation du quartier.<br />

Certains poussent la métaphore à l’extrême <strong>et</strong> comparent le quartier, ou du moins certains<br />

<strong>espaces</strong> du quartier, à une prison. Ainsi, lors <strong>des</strong> entr<strong>et</strong>iens, certains habitants auront comparé le<br />

« jardin collectif » derrière le bâtiment à la « cour de Varces » (Varces étant la commune dans<br />

laquelle se situe la prison la plus proche de Grenoble). D’ailleurs, un « voisin » du quartier<br />

Teisseire, habitant du quartier Malherbe depuis peu, témoigne de la même remarque de son<br />

« regard neuf » sur le quartier. Dans son témoignage, il sous-entend très clairement c<strong>et</strong>te<br />

référence à la prison, voire même pire, sans pour autant le formuler explicitement :<br />

« Alors, moi, je suis tout nouveau dans le quartier Malherbe Teisseire. Et j’ai été très<br />

surpris – surtout hier je découvre le quartier Teisseire – par les kilomètres de<br />

barrières. Ça m’a énormément choqué. C'est un regard neuf justement. Je vis dans un<br />

autre quartier <strong>et</strong> ça m’a énormément frappé. Bien sûr, j’étais pas né, mais ça me<br />

renvoie <strong>des</strong> images qui ne sont pas très agréables… »<br />

Ec34h, Homme, 40 ans, quartier Malherbe, anc. Quelques mois.<br />

Ainsi, aux yeux <strong>des</strong> habitants, la résidentialisation consiste donc davantage en une ferm<strong>et</strong>ure du<br />

quartier qu’à une ouverture, <strong>et</strong> ce, à tous les niveaux : que ce soit au niveau urbain ou au niveau<br />

visuel, le quartier semble se refermer sur lui-même.<br />

331 Photographie personnelle, avril 2007.<br />

332 MOTTE J.P., Propos tenus lors de la réunion Teisseire-Jouhaux. En mouvement avec les habitants, op.cit.<br />

ARANTES Laëtitia 155


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

2.3. La résidentialisation : « reconquête de la rue ou essor de la vie privée ? » 333<br />

D’ailleurs, c<strong>et</strong>te ferm<strong>et</strong>ure se ressent également au niveau <strong>des</strong> individus. Malgré la qualification<br />

<strong>des</strong> <strong>espaces</strong> publics <strong>et</strong> collectifs, malgré un nouvel esthétisme du quartier pourtant apprécié, les<br />

gens ne vivent pas pour autant à l’extérieur <strong>et</strong> ne profitent pas plus de ces nouveaux <strong>espaces</strong><br />

qu’avant. Bien au contraire, beaucoup se plaignent du repli sur soi de nombreux habitants.<br />

2.3.1. 2.3.1. 2.3.1. La La résidentialisation : : : l’enfermement l’enfermement dans dans le le quartier quartier. quartier<br />

Pour quelques-uns, il s’agit d’un simple enfermement dans le quartier : les résidents vivent<br />

uniquement dans le quartier <strong>et</strong> avec les habitants du quartier. Pour eux, leur monde tourne<br />

autour du quartier Teisseire.<br />

« La seule chose qui me déplaît un peu, c’est qu’on a tendance un peu à vivre dans<br />

notre monde. Parce qu’on va à Attac – parce que c’est la supér<strong>et</strong>te à côté – on voit les<br />

mêmes gens que quand on va à l’école. En fait, on reste beaucoup dans c<strong>et</strong>te zone. Le<br />

mot est mal choisi, mais on macère toujours avec les mêmes personnes. […] Je les<br />

dépayse pas. Je ne les prends jamais, en leur disant : ‘‘venez, on va jouer au parc Paul<br />

Mistral’’ par exemple. »<br />

Ei24, Femme, 29 ans, maison individuelle, anc. 3 ans.<br />

2.3.2. 2.3.2. 2.3.2. La La résidentialisation résidentialisation : : l’enfermement l’enfermement dans dans la la résidence résidence. résidence<br />

Pour d’autres, du fait de la nouvelle géométrie du quartier <strong>et</strong> <strong>des</strong> barrières à contourner, les<br />

sorties sont devenues rares, <strong>et</strong> ce, même dans le quartier.<br />

« ça nous a fermé, ça nous a coupé. Je ne vois plus les copines parce que je ne peux<br />

plus aller là. Faut pas passer là, il faut… C'est plus pareil. »<br />

Ec34e, Femme, 70 ans, Teisseire 2, résidence pas faite.<br />

D’ailleurs, dans certaines résidences, la volonté de résidentialisation du quartier a été finalement<br />

prise au pied de la l<strong>et</strong>tre par les habitants « résidentialisés » qui refusent désormais toute<br />

traversée de leur unité résidentielle par une personne « étrangère » à la résidence.<br />

« Ça crée <strong>des</strong> conflits. Les premiers temps, quand je passais ici, on me disait : ‘‘oh !<br />

Vous n’habitez pas là.’’ Ça veut dire quoi ça ? On n’avait plus le droit. […] J’ai <strong>des</strong> amis<br />

qui habitent dans ce bâtiment-là qu’ils veulent fermer ; ça fait deux ans que je ne suis<br />

pas rentrée dans leur site. Parce que, un moment, il fermait le p<strong>et</strong>it portillon, donc il<br />

fallait faire le tour ; <strong>et</strong> moi, comme je marche difficilement, je peux plus y aller. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

333 Titre d’un texte de Nicolas SOULIER, paru dans l’ouvrage du CERTU, VILLE DE GRENOBLE, La Résidentialisation en<br />

questions, op.cit., page 127.<br />

ARANTES Laëtitia 156


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

On assiste alors à un processus de ferm<strong>et</strong>ure <strong>des</strong> unités résidentielles <strong>et</strong> surtout de leurs<br />

habitants au reste de la ville. Au-delà de cela, c<strong>et</strong>te ferm<strong>et</strong>ure dresse <strong>des</strong> barrières entre les<br />

habitants mêmes du quartier. On assiste à une privatisation, à un sentiment d’<strong>appropriation</strong><br />

poussé à l’extrême.<br />

« Autant maintenant, la mentalité <strong>des</strong> gens change. Ils sont chez eux, ils sont dans leur<br />

résidence. Maintenant c'est <strong>des</strong> résidences. Ça change beaucoup. »<br />

Ei10, Femme, 46 ans, résidente, barre, anc. 46 ans.<br />

« La Ville nous a dit : ‘‘on fait une ouverture sur le quartier’’. Moi, je suis d’accord. Le<br />

constat que je jais, c'est qu’il y a <strong>des</strong> barrières qui se m<strong>et</strong>tent par <strong>des</strong> portails qui sont<br />

fermés à clefs. »<br />

Ec34d, Homme, 50 ans, résident.<br />

Ainsi, la ferm<strong>et</strong>ure <strong>des</strong> résidences n’est pas seulement motivée par <strong>des</strong> besoins sécuritaires. Le<br />

fait que <strong>des</strong> non-résidents, même s’ils habitent la résidence voisine, puissent profiter <strong>des</strong><br />

<strong>espaces</strong> communs sans en assumer le coût, ou fouler le sol par convenance personnelle – pour<br />

prendre un « raccourci » par exemple – dérange au plus haut point. La violation de l’espace est<br />

vivement ressentie par les résidents qui sont sur le qui-vive par rapport aux « franchissements<br />

sauvages », <strong>et</strong> qui revendiquent une « restriction de passage <strong>des</strong> extérieurs » 334.<br />

Un risque patent de la résidentialisation réside ici dans le possible morcellement de l’espace du<br />

quartier, en particulier si « chacun résidentialise chez lui » 335. Plus qu’une ferm<strong>et</strong>ure de<br />

l’immeuble sur lui-même, la résidentialisation pourrait produire une fragmentation individuelle <strong>et</strong><br />

sociale, bien éloignée de l’idéal de mixité sociale tant convoité recherché dans la transformation<br />

du quartier.<br />

2.3.3. 2.3.3. La La résidentialisation résidentialisation : : le le « repli repliement repli ement sur sur soi soi » 336<br />

Mais plus particulièrement, ce qui ressort le plus dans les discours <strong>des</strong> ménages interrogés<br />

concerne un fort repli sur soi <strong>des</strong> résidentialisés. C'est alors que s’affirme une posture nouvelle<br />

<strong>des</strong> habitants du quartier Teisseire : celle du « repli privatif » 337 ou du « repliement sur soi », selon<br />

que l’on s’appelle Marc Breviglieri <strong>et</strong> Luca Pattaroni, ou Bernard Légé.<br />

Point d’entr<strong>et</strong>ien sans nombre de réflexions du genre : « chacun chez soi », « moi, ici, je ne<br />

fréquente pas », « je ne parle avec personne », « bonjour-bonsoir, c'est tout », « je préfère éviter les<br />

334 CHARMES E., « Entre ouverture <strong>et</strong> ferm<strong>et</strong>ure : les rapports à autrui dans les tissus périurbains », in CERTU, VILLE DE<br />

GRENOBLE, op.cit., page 113.<br />

335 JAILLET-ROMAN M.C., « Quelques réflexions personnelles à propos d’un mot <strong>et</strong> de son usage », in CERTU, VILLE DE<br />

GRENOBLE, op.cit. page 160.<br />

336 LEGE B., « Une réhabilitation sociale », in ALTHABE G., LEGE B., SELIM M., Urbanisme <strong>et</strong> Réhabilitation symbolique,<br />

Editions Anthropos, Paris, 1984, page 116.<br />

337 BREVIGLIERI M., PATTARONI L., « Le souci de propriété. Vie privée <strong>et</strong> déclin du militantisme dans un squat<br />

genevois », in CERTU, VILLE DE GRENOBLE, op.cit., page 285.<br />

ARANTES Laëtitia 157<br />

336.


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

embrouilles »… Tout autant de formules concises <strong>et</strong> redondantes dans les interviews. Dans les<br />

immeubles résidentialisés, les locataires ont tendance à rester chez eux. Peut-être est-ce du à la<br />

nouvelle configuration du quartier <strong>et</strong> à la peur de s’y perdre… Quoi qu’il en soit, le terrain « de<br />

vie » <strong>des</strong> habitants s’est réduit, alors même que les limites du logement, elles, se sont étirées.<br />

« Moi personnellement, ces résidentialisations, ces résidences, ça m<strong>et</strong> <strong>des</strong> barrières,<br />

les gens n’osent pas aller vers les autres. Les gens ne sortent plus, ils restent chez<br />

eux. Moi, je n’ai pas aimé. »<br />

« Les gens, quand ils sont chez eux, ils ont <strong>des</strong> rez-de-jardin, ils restent chez eux, dans<br />

leur rez-de-jardin, ils ne bougent pas. Quand il n’y avait pas ces jardin<strong>et</strong>s, on arrivait à<br />

se côtoyer. »<br />

Ei10, Femme, 46 ans, résidente, barre, anc. 46 ans.<br />

Ces limites sont désormais figées, <strong>et</strong>, tout comme au niveau de la résidence elle-même, tout<br />

franchissement est contrôlé. Le résident refuse toute intrusion dans le logement, même lorsqu’il<br />

s’agit d’une intrusion visuelle, d’un malheureux « écart de conduite » visuel de la part d’un<br />

passant.<br />

« C’est spécial quoi. Quand vous êtes sur le balcon, pour un anniversaire, vous prenez<br />

<strong>des</strong> photos <strong>et</strong> que vous vous faites insultés parce que vous prenez <strong>des</strong> photos, parce<br />

qu’ils pensent que c’est eux que vous prenez en photo. C’est <strong>des</strong> choses que… »<br />

Ei32, Homme, 27 ans, parti, tour, anc. 6 ans.<br />

« On a dans le hall, en bas, au premier étage, une personne qu’on appelle le shérif.<br />

C'est une maman algérienne d’une cinquantaine d’années, qui lève la voix assez<br />

souvent sur tout le monde. Elle est connue comme le loup blanc dans le quartier. Elle<br />

déclenche <strong>des</strong> embrouilles <strong>des</strong> fois, parce qu’elle n’est pas contente, parce que lui, il<br />

sort de prison, il ne faut pas qu’il vienne là. C'est son quartier <strong>et</strong> elle fait la loi. C'est<br />

impressionnant. »<br />

Ei12, Femme, 22 ans, résidente, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

« Mais sinon dans l’allée y a pas de problème. Sauf celui-là, il est un peu fou, il se<br />

prend pour un agent de sécurité. »<br />

Ei18, Couple, 48 <strong>et</strong> 35 ans, résidents, barre, anc. 12 ans.<br />

Ainsi, entre habitants <strong>et</strong> professionnels, la résidentialisation suscite un vaste débat que viennent<br />

en particulier alimenter <strong>des</strong> critiques sur les valeurs de repli social dont elle serait porteuse. Ainsi<br />

perçue comme l’expression d’une logique de repli <strong>et</strong> d’égoïsme, elle apparaît aux antipo<strong>des</strong> de la<br />

recherche de « mixité sociale » dont est porteur le proj<strong>et</strong> de requalification de Philippe Panerai.<br />

En conséquence, dans c<strong>et</strong>te première lecture de formes de sociabilité, tout se passe comme si<br />

l’opposition ouverture/ferm<strong>et</strong>ure s’était subrepticement substituée à celle de collectif/individuel.<br />

Une nouvelle question émerge : à quelles conditions l’émergence d’un « collectif privé » <strong>et</strong> surtout<br />

d’un « collectif » est-il concevable dans les ensembles de logements sociaux ? Dans le cas de<br />

Teisseire, redonner une image neuve <strong>et</strong> une attractivité au quartier n’est pas, aux yeux du<br />

bailleur, la principale difficulté. Ce qui doit être corrigé, c’est le caractère « illisible » de la cité<br />

ARANTES Laëtitia 158


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

notamment au niveau de la gestion. En un sens, la question de l’aménagement <strong>des</strong> <strong>espaces</strong><br />

intérieurs est secondaire, quand elle n’est pas purement <strong>et</strong> simplement renvoyée à la<br />

responsabilité <strong>des</strong> habitants. Pourtant, ces <strong>espaces</strong>, leur entr<strong>et</strong>ien <strong>et</strong> leur maintenance, sont<br />

nécessairement au cœur <strong>des</strong> problèmes que les habitants d’une part, les gestionnaires de<br />

l’autre, rencontrent de manière quotidienne.<br />

3. La La vie vie collective collective <strong>et</strong> <strong>et</strong> l’unité l’unité résidentielle résidentielle : la résidentialisation<br />

résidentialisation <strong>et</strong> ses<br />

impacts impacts. impacts<br />

Ainsi, de nombreuses transformations sont enregistrées sur Teisseire, tant au niveau urbain <strong>et</strong><br />

physique qu’au niveau de la gestion, qui était, rappelons-le, l’un <strong>des</strong> enjeux majeurs du proj<strong>et</strong> de<br />

Philippe Panerai. Ces transformations, même si elles ne sont encore que <strong>des</strong> bribes,<br />

commencent toutefois à avoir un certain impact sur l'image globale du quartier, qui peut<br />

désormais être apprécié positivement. L'attractivité du quartier paraît en passe d'être reconquise.<br />

Mais aussi, comme le dit Elizab<strong>et</strong>h Nour, directrice territoriale d’Actis, « au travers de la<br />

résidentialisation, c'est bien de l’<strong>appropriation</strong> par les habitants de leur lieu de vie qu’il est<br />

question ». Et les premiers résultats en témoignent : quelque chose a changé dans les sociabilités<br />

de quartier, du moins selon les dires <strong>des</strong> acteurs institutionnels.<br />

« En matière de lien social, la résidentialisation semble également changer la donne.<br />

[…] La mise en place <strong>des</strong> unités résidentielles a modifié le rapport à l’espace commun<br />

de pied d’immeuble <strong>et</strong> nous sommes aujourd'hui dans une approche nouvelle : ‘‘C'est<br />

à nous donc c'est aussi à moi’’. » 338<br />

« De nouveaux échanges, situés entre solidarité <strong>et</strong> gestion de l’environnement proche,<br />

se développent à l’échelle de l’immeuble. » 339<br />

« L’unité a permis aux gens de se rencontrer différemment, de créer <strong>des</strong> liens là où il<br />

n’y en avait pas. » 340<br />

Etant donné ces quelques citations, les acteurs institutionnels semblent unanimes sur une<br />

chose : la résidentialisation a montré <strong>des</strong> premiers résultats plutôt positifs en matière de<br />

convivialité <strong>et</strong> d’échanges entre les habitants de Teisseire. La résidentialisation favorise<br />

l’<strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> lieux par les habitants <strong>et</strong> façonnent un sentiment d’appartenance.<br />

Néanmoins, la création de p<strong>et</strong>its collectifs à l’échelle du bâtiment, renforcée par la différenciation<br />

<strong>des</strong> unités résidentielles <strong>et</strong> de leurs aménagements, ne vient-elle pas rem<strong>et</strong>tre en question ce<br />

sentiment d’appartenance à l’ensemble du quartier Teisseire ?<br />

338 MASSON L., op.cit., page 111.<br />

339 ALLIBE C., CARTILLIER J., « Regards d’habitants », in CERTU, VILLE DE GRENOBLE, op.cit., page 114.<br />

340 Entr<strong>et</strong>ien avec Mounira CAPPADORO, op.cit.<br />

ARANTES Laëtitia 159


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Pour essayer d’apporter <strong>des</strong> éléments de réponse à c<strong>et</strong>te question, la prise en compte effective<br />

de la parole <strong>des</strong> habitants est plus qu’essentielle. Aussi dans c<strong>et</strong>te partie aurons-nous soin<br />

d’examiner plus en détail les pratiques <strong>et</strong> usages <strong>des</strong> habitants, ainsi que les représentations<br />

qu’ils ont <strong>des</strong> lieux de vie quotidienne. Il s’agira de déterminer dans quelle mesure les mo<strong>des</strong> de<br />

vie <strong>et</strong> les pratiques sociales ont évolué dans le quartier Teisseire.<br />

3.1. La résidentialisation : mo<strong>des</strong> d’habiter <strong>et</strong> nouveaux conflits.<br />

Si les premières résidentialisations réalisées à Teisseire améliorent incontestablement<br />

l’esthétique du quartier <strong>et</strong> plus largement son ambiance <strong>urbaine</strong>, elles génèrent toutefois tout un<br />

ensemble de conflits à propos de l’usage <strong>et</strong> de la gestion <strong>des</strong> unités résidentielles. Avec la<br />

résidentialisation, les habitants se r<strong>et</strong>rouvent devant de nouveaux <strong>espaces</strong> dans lesquels ils<br />

pourront exercer leur responsabilité <strong>et</strong> entr<strong>et</strong>enir de nouvelles relations. Partager ensemble ces<br />

<strong>espaces</strong>. La tâche n’est pas aisée, surtout quand on sait que jusque-là, le seul espace que les<br />

Teisseirois se partageaient était la vaste parcelle qui accueillait les immeubles, parcelle<br />

suffisamment vaste pour perm<strong>et</strong>tre les pratiques <strong>et</strong> les déplacements de chacun.<br />

3.1.1. 3.1.1. Les Les Les relations relations entre entre « co co-résidents<br />

co ésidents » : : un un quotidien quotidien fait fait de de conflits.<br />

conflits.<br />

L’une <strong>des</strong> difficultés que connaissent aujourd'hui les anciens locataires, devenus résidents, est<br />

l’inadéquation entre le comportement de certains d’entre eux <strong>et</strong> les usages qu’exige le nouveau<br />

cadre de vie de la résidence. Dans leurs discours, les habitants interrogés insistent sur ce point :<br />

« la résidentialisation a créé de nouveaux conflits ». Les Teisseirois le ressentent, <strong>et</strong> beaucoup le<br />

vivent mal. De la façon d’aménager son balcon au droit de stationner sur le parking, chaque jour<br />

un peu plus, les habitants du quartier Teisseire font preuve de plus d’exigence.<br />

Quand Quand le le geste le plus anodin devient un geste qui dérange.<br />

dérange.<br />

« Quels liens produit la proximité physique entre <strong>des</strong> personnes qui n’ont pas choisi<br />

d’être ensemble, qui n’appartiennent pas au même monde, qui ne sont pas obligées<br />

de se fréquenter mais qui sont interdépendantes ? » 341<br />

Si pour certains, la discrétion est une vertu absolue, pour d’autres elle ne suffit pas à faire un bon<br />

voisin. Même si les attentes vis-à-vis du voisin changent d’un individu à l’autre, d’un contexte à<br />

l’autre, à Teisseire, les relations de voisinage semblaient satisfaire tout le monde. Jusque la<br />

résidentialisation. Depuis, les habitants l’affirment : les relations de voisinage ont changé, elles<br />

se sont tendues.<br />

341 MOREL A., « Introduction. La civilité à l’épreuve de l’altérité », in HAUMONT B., MOREL A., op.cit., page 4.<br />

ARANTES Laëtitia 160


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« Y a plus de problèmes qu’avant. Des problèmes de voisinage, <strong>des</strong> problèmes de non<br />

respect du voisin, automatiquement. […] Entre voisins, ça ne va plus, y a plus le même<br />

rapport. »<br />

Ei10, Femme, 46 ans, résidente, barre, anc. 46 ans.<br />

« C'est vrai qu’y avait pas de problème comme ça auparavant. Les unités résidentielles<br />

créent <strong>des</strong> tensions qu’il n’y avait pas auparavant. »<br />

Ec34d, Homme, 50 ans, résident.<br />

Notamment, certains comportements qui passaient auparavant inaperçus sont devenus<br />

aujourd'hui dans les allées de Teisseire sources de nuisance <strong>et</strong> de dispute entre les cohabitants.<br />

Ces nuisances apparaissent essentiellement au niveau <strong>des</strong> balcons <strong>et</strong> <strong>des</strong> rez-de-jardin.<br />

Par exemple, secouer son tapis par la fenêtre fait maintenant partie d’un ensemble de<br />

comportements qui perturbent le « vivre-ensemble » d’une résidence.<br />

« Les gens, quand ils sont chez eux, ils ont <strong>des</strong> rez-de-jardin, ils restent chez eux, dans<br />

leur rez-de-jardin, ils ne bougent pas. Quand il n’y avait pas ces jardin<strong>et</strong>s, on arrivait à<br />

se côtoyer. On secouait le tapis, on ne tombait pas directement chez la personne. Alors<br />

que là, ça fait <strong>des</strong> tensions, parce que si y a une poussière qui tombe, ben c'est chez<br />

l’autre que ça tombe. Donc ça provoque <strong>des</strong> tensions. »<br />

Ei10, Femme, 46 ans, résidente, barre, anc. 46 ans.<br />

« Bon devant, là, ils ont fait les balcons au-<strong>des</strong>sus. Là, ils ont fait <strong>des</strong> p<strong>et</strong>its balcons<br />

aussi, ben ils ont rallongé les cuisines pour tous les gens du haut. Moi, je suis toujours<br />

avec la p<strong>et</strong>ite cuisine. On me dit : « oui t’as la p<strong>et</strong>ite cour ». La p<strong>et</strong>ite cour, je me m<strong>et</strong>s<br />

dehors, je me prends toute la merde <strong>des</strong> voisins au <strong>des</strong>sus. Ça peut bien venir du côtélà<br />

ou du côté-là. Parce que y en a qui s’en foute hein ! C’est les épingles, les<br />

socqu<strong>et</strong>tes, tout. C’est de la flotte. On prend n'importe quoi sur la gueule. »<br />

Ei2, Couple, 30 <strong>et</strong> 61 ans, résidents, barre, anc. 4 ans.<br />

Assez souvent d’ailleurs, au-delà de la pratique en elle-même, c'est l’aménagement inadéquat<br />

que les habitants critiquent : les balcons sont mal conçus 342, un simple coup de balai <strong>et</strong> les<br />

poussières décorent déjà le balcon de l’étage inférieur…<br />

« Alors, ils ont fait les balcons. Vous avez vu les balcons ? Ils ont fait <strong>des</strong> fentes. Les<br />

gens se sont plaints pour les mer<strong>des</strong> de pigeons. »<br />

Ei19b, Homme, 50 ans, résident, anc. 35 ans.<br />

« La belle-mère de ma fille, elle habite là-bas, elle dit : ‘‘c'est quoi ces balcons ? Quand<br />

je suis <strong>des</strong>sus, si je suis en robe, on voit mon derrière, est-ce que c'est normal ?’’. Si<br />

vous êtes en jupe ou quoi… C'est pas normal. »<br />

Ei19a, Couple, 81 <strong>et</strong> 80 ans, résidence à vendre, anc. 46 ans.<br />

« Ils nous ont mis <strong>des</strong> balcons. Par exemple, la dame d’en haut, quand elle n<strong>et</strong>toie son<br />

balcon, y a toute la sal<strong>et</strong>é qui tombe. Ça passe dans les fentes. Il paraît que c'est une<br />

femme l’ingénieur. C'est un imbécile qui a fait les balcons, avec <strong>des</strong> trucs en fentes.<br />

Quand ils lavent leur balcon, y a tout qui tombe. Pour le peu qu’il y ait du soleil le<br />

dimanche, c'est pas pratique. »<br />

Ei14, Homme, 38 ans, résident, barre, anc. 18 ans.<br />

342 Certains habitants nous préciserons les balcons ont été imaginés grâce à l’ingéniosité d’une femme…<br />

ARANTES Laëtitia 161


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Les Les résidents résidents : : en entre en tre garant garant <strong>des</strong> lieux lieux.. lieux<br />

.. ... ..<br />

Par ailleurs, le processus de résidentialisation proposé par Philippe Panerai vise à renforcer le<br />

nouveau statut donné aux habitants : habiter dans un logement, profiter ensemble <strong>des</strong> <strong>espaces</strong><br />

intermédiaires, s’y r<strong>et</strong>rouver, y développer de nouvelles pratiques, de nouvelles relations plus<br />

approfondies avec les autres résidents. Mais, voilà. Dans la relation aux <strong>espaces</strong> communs, la<br />

résidentialisation a modifié d’autres comportements, notamment en ce qui concerne la<br />

privatisation <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> communs, qui, à Teisseire, s’est installée assez rapidement depuis les<br />

premières résidentialisations. Rien de tel qu’une définition restrictive de la propriété pour<br />

légitimer l’exercice d’un pouvoir sur les lieux. La tentation de réduire le partage <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> se<br />

fait désormais jour : l’espace commun, potentiellement ouvert à tous, fait toutefois l’obj<strong>et</strong> d’un<br />

filtrage de la part de certains <strong>des</strong> résidents.<br />

Nombreux sont les habitants qui nous l’ont confirmé : les allées <strong>et</strong> venues au sein <strong>des</strong> résidences<br />

semblent « contrôlées », les raccourcis sont en quelque sorte prohibés. Le fait que <strong>des</strong> non<br />

copropriétaires puissent profiter <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> communs que ce soit par convenance personnelle,<br />

ou pire par agrément, dérange au plus haut point.<br />

« Moi, ça fait 48 ans que j’habite là. Et on m’a dit : ‘‘vous n’avez pas le droit de passer<br />

là, Madame’’. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Surtout quand on sait que ces personnes n’ont pas à assumer les charges d’entr<strong>et</strong>ien.<br />

« En ce qui concerne les <strong>espaces</strong> privatifs, c<strong>et</strong> entr<strong>et</strong>ien nous revient. Ça fait que<br />

quand les gens passent… Nous, on a ce problème-là, on est sur un passage. »<br />

Ec34j, Femme, 65 ans, résidente.<br />

La méfiance ne s’arrête pas à l’intrusion dans les parties communes : désormais nombreuses<br />

sont les accusations d’intrusion visuelle dans le logement ou dans le jardin.<br />

« Y a <strong>des</strong> tensions qu’on n’avait pas avant. Un exemple, tout au début de la<br />

réhabilitation, je passe pour voir la curiosité de c<strong>et</strong> embellissement. Y a quelqu'un qui<br />

m’interpelle <strong>et</strong> me dit : ‘‘Vous faites quoi là Monsieur ? Déjà vous regardez chez moi.<br />

Déjà est-ce que vous habitez ici ? Non. Donc vous n’avez rien à faire ici’’. »<br />

Ec34d, Homme, 50 ans, résident.<br />

Nous verrons plus tard que la proximité <strong>des</strong> jardins collectifs avec certains rez-de-jardin influence<br />

beaucoup les Teisseirois sur leur envie de se promener <strong>et</strong> de profiter de ces <strong>espaces</strong>.<br />

Avec ce deuxième exemple, nous assistons ici à l’émergence d’un « garant <strong>des</strong> lieux » 343. Chaque<br />

résident semble s’être fait le garant <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> communs de sa résidence <strong>et</strong> s’adonne à <strong>des</strong><br />

pratiques de veille sur un espace jusque-là ouvert à tous. D’ailleurs, l’ouverture, <strong>et</strong> donc l’accès<br />

343 DIV, DGUHC, « Résidentialisation. Une nouvelle urbanité ? », op.cit., page 42.<br />

ARANTES Laëtitia 162


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

possible à tous, est fortement contestée par la plupart <strong>des</strong> résidents, qui exigent la ferm<strong>et</strong>ure<br />

totale de leur résidence par un portail d’accès au parking.<br />

… … <strong>et</strong> <strong>et</strong> contrôle contrôle contrôle social social : bbranle<br />

b<br />

ranle ranle-bas ranle bas de de combat autour du stationnement.<br />

En eff<strong>et</strong>, en créant un espace résidentiel <strong>et</strong> en y incluant, pour la plupart, <strong>des</strong> parkings, la<br />

résidentialisation a introduit de nouvelles sources de conflits potentiels. Car, « forte<br />

consommatrice d’espace » 344, la voiture tient une place centrale dans les rapports de<br />

cohabitation <strong>et</strong> dans la construction <strong>des</strong> identités individuelles. Chacun le sait : la voiture est un<br />

bien vulnérable 345, d’où le souhait de chacun d’avoir son véhicule à portée <strong>des</strong> yeux.<br />

A Teisseire, si la question <strong>des</strong> places de stationnement se posait déjà avant le proj<strong>et</strong> urbain (sous<br />

la forme de stationnement anarchique, de parkings cassant la lisibilité, de « voitures-ventouses »),<br />

elle émerge aujourd'hui comme l’un <strong>des</strong> principaux facteurs de tensions entre les résidents. Si<br />

l’espace public est ragaillardi par ses nouveaux aménagements <strong>et</strong> offre un nouveau cadre de vie<br />

aux habitants, il leur réduit toutefois, quand il ne les supprime pas totalement, les places de<br />

stationnement. Au jour d’aujourd'hui, aucune unité teisseiroise n’est dotée d’une place de<br />

stationnement par logement. Parfois même certaines résidences n’ont pas de parking réservé.<br />

« On a deux voitures, on les gare devant. Ici, y a pas de parking. »<br />

Ei12, Femme, 22 ans, résidente, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

« Là, y en a de plus en plus qui viennent se garer maintenant dans le parking. Parce<br />

qu’en fait, le premier bâtiment, là où il y a les balcons, ça fait partie de la résidence<br />

aussi, mais nous, on ne savait pas qu’ils avaient le droit de se garer là. Donc ça fait<br />

beaucoup plus de résidents pour pas assez de place. »<br />

Ei28, Femme, 22 ans, résidente, barre, anc. 3 ans.<br />

« Mais y a jamais assez de place pour tout le monde qui habite là. Ça c'est sûr. Des<br />

fois le soir, si vous arrivez à 11h du soir, y a plus de place. Mais faut voir : <strong>des</strong> fois les<br />

gens ont deux voitures par famille. »<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

« C'est vrai qu’avant, nous, on avait plein de places de parkings. Maintenant, sur 44<br />

logements, on se r<strong>et</strong>rouve avec 23 places de parkings. »<br />

Ec34j, Femme, 65 ans, résidente.<br />

Les habitants se plaignent de ce manque de places, <strong>et</strong> ce, depuis <strong>des</strong> années. La Ville est depuis<br />

toujours pointée du doigt pour ne pas avoir répondu aux doléances <strong>des</strong> habitants exprimés lors<br />

<strong>des</strong> concertations.<br />

« Moi, ce que je déplore aujourd'hui, c'est qu’il y a un désengagement de la Ville. »<br />

Ec34c, Femme, 46 ans, résidente, barre, anc. 46 ans.<br />

344 LEFRANCOIS D., « Au centre <strong>des</strong> sociabilités dans le logement social : la voiture », in HAUMONT B., MOREL A., op.cit.,<br />

page 319.<br />

345 La voiture est la principale cible <strong>des</strong> infractions recensées sur la voie publique.<br />

ARANTES Laëtitia 163


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« Le manque de parking, <strong>et</strong> le manque d’entr<strong>et</strong>ien total. Et le désengagement de la<br />

Ville, n’en parlons pas ! »<br />

Ec34j, Femme, 65 ans, résidente.<br />

Ces revendications sont d’autant plus fortes que les habitants payent <strong>des</strong> charges d’entr<strong>et</strong>ien de<br />

l’unité résidentielle <strong>et</strong> du parking – lorsqu’il existe. Ils revendiquent donc le droit de stationner<br />

leur véhicule au sein de leur résidence.<br />

Mais aussi, le problème s’accroît d’autant plus avec l’utilisation <strong>des</strong> places de stationnement par<br />

d’autres automobilistes que ceux de l’unité, ce qui entraîne <strong>des</strong> situations de conflits.<br />

« On a là un parking, y a un panneau à l’entrée. C’est réservé aux résidents. Et comme<br />

y a l’association de l’autre côté, comme y a pas de portail, donc les gens, ils viennent<br />

ici, ils vous prennent de la place. Donc, les résidents là, ils trouvent pas le soir quand<br />

ils rentrent de leur boulot, ils trouvent pas de place. Ça, c’est un gros problème.<br />

J’aurais bien aimé qu’ils m<strong>et</strong>tent un portail, ou ils m<strong>et</strong>tent quelque chose avec, je sais<br />

pas moi, avec badge, électrique qui monte <strong>et</strong> qui <strong>des</strong>cend. Comme ça, y aura que pour<br />

les résidents quoi. »<br />

Ei1, Homme, 38 ans, résidence, barre, anc. 2 ans.<br />

« Y a beaucoup de problèmes pour se garer. Y a <strong>des</strong> gens de la montée qui se garent<br />

dehors. »<br />

Ei19a, Couple, 81 <strong>et</strong> 80 ans, résidence à vendre, barre, anc. 46 ans.<br />

Un autre problème très fréquemment évoqué par les habitants de Teisseire est le problème <strong>des</strong><br />

stationnements sauvages de « voitures-ventouses », dont l’enlèvement n’est plus si évident<br />

maintenant que le parking a un statut privé.<br />

« Là, y a trois places de parking qui sont occupées par <strong>des</strong> voitures qui bougent plus,<br />

qui sont ni assurées, ni on sait à qui elles appartiennent. Et nous, tous les soirs, on se<br />

bâtiment pour aller dans le parking. Alors qu’est-ce qu’on fait de notre voiture ? On ne<br />

peut pas la monter à la maison. »<br />

Ec34j, Femme, 65 ans, résidente.<br />

« Dans <strong>des</strong> unités résidentielles, on voit <strong>des</strong> voitures-ventouses qui ne bougent pas.<br />

On ne sait pas si elles sont volées, on ne sait pas si elles sont en panne. Quand on<br />

demande à la police de venir, ils ne viennent pas parce que c'est dans l’unité<br />

résidentielle. »<br />

Ec34c, Femme, 46 ans, résidente, barre, anc. 46 ans.<br />

« Le problème ici, c'est quand on arrive le soir très tard, on n’a pas de place pour se<br />

garer. On a un parking, mais y a d’autres personnes qui se garent, qui ne sont pas de<br />

la résidence. Normalement, vu que pas tout le monde a une voiture dans l’immeuble,<br />

les places, ça suffit. Et y en a qui ont un garage. Normalement, c'est pile poil. Mais<br />

comme c'est ouvert. Alors les gens, quand y a pas de place, ils viennent se garer là. »<br />

Ei21, Couple, 32 <strong>et</strong> 37 ans, résidence, tour, anc. 8 ans.<br />

Aussi beaucoup de locataires sont-ils obligés de garer leur véhicule sur l’espace public, <strong>et</strong><br />

découvrent parfois le lendemain <strong>des</strong> actes de vandalisme sur leur voiture.<br />

ARANTES Laëtitia 164


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« On manque de place pour se garer. On n’a pas de parking. En plus, mon mari a un<br />

fourgon. Plusieurs fois, ils ont cassé la vitre de la voiture. La dernière fois, ils ont brûlé<br />

une voiture. Après, ils ont cassé une autre voiture. S’il faut surveiller le véhicule à<br />

chaque fois, <strong>des</strong>cendre <strong>et</strong> surveiller la voiture… »<br />

Ei17, Femme, 24 ans, résidente, barre, anc. 10 ans.<br />

« Bon malheureusement, le reste, au niveau de la rue, y a quelques soucis. Là, je viens<br />

de voir mon voisin, il m’a appelé pour me montrer les pneus <strong>des</strong> voitures tous troués.<br />

Dans toute la rue, tous les pneus ont été crevés c<strong>et</strong>te nuit, ou hier soir, je sais pas. Et<br />

ça arrive souvent. Feux de voitures. Ma voiture a déjà été brûlée. Celle de mon voisin<br />

aussi. »<br />

Ei23, Homme, 54 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

Pourtant, Actis travaille sans relâche <strong>et</strong> s’efforce de répondre au mieux aux sollicitations <strong>des</strong><br />

habitants. Mais comment faire pour satisfaire les exigences <strong>des</strong> locataires qui s’expriment parfois<br />

dans un genre paradoxal comme : « nous voulons <strong>des</strong> places de stationnement pour tout le<br />

monde, <strong>et</strong> arrêtez de détruire nos <strong>espaces</strong> verts » ? Comme le dit Jean-Philippe Motte, il faut<br />

trouver un compromis.<br />

« Vous ne pouvez pas en même temps me dire « y a plus d’<strong>espaces</strong> verts sur Teisseire,<br />

y en a de moins en moins <strong>et</strong> faut beaucoup plus de goudron pour m<strong>et</strong>tre les voitures ».<br />

Ça, ça peut pas marcher. Il y a <strong>des</strong> choix qui ont été faits à un moment donné.<br />

Effectivement, y a partout <strong>des</strong> problèmes de stationnement de voiture. Et bien, il faut,<br />

à un moment, arbitrer entre les uns les autres. Donc on est bien sur <strong>des</strong> logiques de<br />

consultations par rapport à ces éléments là. » 346<br />

En eff<strong>et</strong>, depuis les premières résidentialisations, les unités résidentielles sont de plus en plus<br />

minérales du fait de la demande croissante en places de stationnement.<br />

Enfin, en ce qui concerne le stationnement, d’autres conflits d’usage peuvent apparaître lorsque<br />

l’espace résidentiel n’offre pas, en son sein ou dans son immédiate contiguïté, de lieux pour les<br />

activités ludiques <strong>des</strong> enfants.<br />

« Là, y a le parking. Quand on voit que les enfants jouent dans le parking, parce qu’ils<br />

ne peuvent pas aller jouer ailleurs, d’après les parents. Bon ben, ils esquintent, ils<br />

abîment, ils ne respectent pas les voitures. Donc automatiquement ça fait <strong>des</strong><br />

tensions. Après, entre voisins, ça ne va plus, y a plus le même rapport. »<br />

Ei10, Femme, 46 ans, résidente, barre, anc. 46 ans.<br />

« Des fois, ils vont vous sauter les barrières, ils escaladent la barrière en la faisant<br />

trembler. Ça j<strong>et</strong>te parfois <strong>des</strong> cailloux, pour s’amuser, par-delà les garages. Mais pour y<br />

a les voitures qui arrivent par <strong>des</strong>sous, on risque de s’en prendre un sur le pare-brise. »<br />

346 Jean-Philippe MOTTE, op.cit.<br />

Ei24, Femme, 29 ans, maison individuelle, anc. 3 ans.<br />

ARANTES Laëtitia 165


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Ainsi, en créant <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> à l’usage de l’ensemble <strong>des</strong> résidents d’une même unité, la<br />

résidentialisation m<strong>et</strong> bien à distance l’extérieur ; mais, elle ne règle pas pour autant l’usage de<br />

l’espace résidentiel lui-même. Aussi demande-t-elle de redéfinir ou de revenir sur <strong>des</strong> règles de<br />

vie collective, jusque-là plus ou moins implicite. C'est dans c<strong>et</strong>te optique que le bailleur principal,<br />

Actis, a mis en place comités de résidents, chartes de bon voisinage, <strong>et</strong> le poste de chargée de<br />

gestion <strong>des</strong> unités résidentielles. D'une manière générale, le proj<strong>et</strong> a suscité <strong>des</strong> adhésions, mais<br />

aussi <strong>des</strong> critiques, car on touche là à <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> de proximité <strong>et</strong> les habitants ont pu se<br />

plaindre d'un manque de concertation <strong>et</strong> de prise en compte de leurs usages.<br />

3.1.2. 3.1.2. 3.1.2. Les Les différents différents <strong>espaces</strong> <strong>espaces</strong> <strong>et</strong> <strong>et</strong> la la gestion gestion : : <strong>des</strong> <strong>des</strong> malaises malaises dans dans la la régulati régulation régulati régulation<br />

on. on<br />

Apparemment, d’après les habitants, la résidentialisation a également généré <strong>des</strong> problèmes<br />

spécifiques liés à la gestion <strong>des</strong> unités résidentielles, <strong>et</strong> n’a eu que très peu d’eff<strong>et</strong>s positifs sur<br />

les usages <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> collectifs intérieurs <strong>et</strong> les règles de vie à l’intérieur même de la<br />

résidence. Il n’y a eu, de leur point de vue, que très peu de changements perceptibles dans le<br />

n<strong>et</strong>toyage, voire même une dégradation signification de l’entr<strong>et</strong>ien, <strong>et</strong> ce, malgré les efforts mis<br />

en place par le bailleur 347.<br />

L’en L’entr<strong>et</strong>ien L’en tr<strong>et</strong>ien <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> <strong>espaces</strong> : une insatisfaction généralisée…<br />

Dans leurs propos, nombreux sont les habitants qui dénoncent la sal<strong>et</strong>é <strong>et</strong> le manque d’entr<strong>et</strong>ien<br />

<strong>des</strong> parties communes.<br />

« Le n<strong>et</strong>toyage de la montée, ils ne le font pas correctement. Moi, j’ai vu la dernière<br />

fois comment ils font le dégraissage de sol. Ils j<strong>et</strong>tent un peu d’eau, ils passent la<br />

machine <strong>et</strong> c'est tout. Ils restent même pas 5 minutes ici <strong>et</strong> ils passent à côté. Une fois<br />

par semaine, mais pas les escaliers. »<br />

Ei18, Couple, 48 <strong>et</strong> 35 ans, résidents, barre, anc. 12 ans.<br />

« Le seul truc que j’ai à dire, c'est que l’allée est toujours crade. »<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

« Vous avez vu l’état de notre immeuble, l’entrée. La porte est cassée. »<br />

Ei15, Couple, 45 <strong>et</strong> 52 ans, résidents, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

Que ce soit à l’intérieur <strong>des</strong> immeubles ou dans les parties communes extérieures, les habitants<br />

se plaignent assez souvent du mauvais entr<strong>et</strong>ien.<br />

« Moi, du côté Léon Jouhaux, c'est jamais entr<strong>et</strong>enu ; les parterres d’herbes c'est sale.<br />

On vit dans un quartier résidentiel mais ça n’a pas changé beaucoup, c'est toujours<br />

aussi sale. Les extérieurs, c'est toujours aussi sale, c'est même plus sale qu’avant. »<br />

Ec34b, Femme, 70 ans, résidente, barre.<br />

347 Rappelons-le, en plus <strong>des</strong> comités de résidents, Actis a créé un poste de chargée de gestion <strong>des</strong> unités<br />

résidentielles. Ce n’est pas sans compter le rôle <strong>des</strong> agents de proximité <strong>et</strong> <strong>des</strong> services privés de n<strong>et</strong>toyage, pour les<br />

montées.<br />

ARANTES Laëtitia 166


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« Le manque d’entr<strong>et</strong>ien. J’ai vu, les végétaux, ils ont été entr<strong>et</strong>enus à l’automne. Y a<br />

une entreprise qui est passée, qui a tout taillé. Et bien, là, les agents d’Actis viennent<br />

de repasser au printemps. Donc entre temps, qui assure l’entr<strong>et</strong>ien ? Y a pas ! »<br />

Ec34j, Femme, 65 ans, résidente.<br />

Ils sont mécontents <strong>et</strong> ils le font savoir au bailleur. C<strong>et</strong>te hausse <strong>des</strong> réclamations trouve<br />

probablement ses origines dans <strong>des</strong> causes multiples. Parmi elles, la tâche incombe souvent au<br />

départ <strong>des</strong> gardiens, remplacés par <strong>des</strong> entreprises privées qui sont alors remises en cause.<br />

« C'est fait par une entreprise tous les vendredis, mais l’entreprise, c'est mal fait. »<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

« C’est vrai que depuis qu’on n’a plus de gardien, ça a changé. Y a <strong>des</strong> choses qui sont<br />

plus sales… »<br />

Ei21, Couple, 32 <strong>et</strong> 37 ans, résidence, tour, anc. 8 ans.<br />

…<strong>et</strong> …<strong>et</strong> une gestion partagée fortement critiquée critiquée. critiquée<br />

Mais, même si les habitants estiment que ce sont les entreprises qui font mal leur travail, ils n’en<br />

oublient pas le rôle <strong>des</strong> deux acteurs premiers dans la résidentialisation : la Ville de Grenoble <strong>et</strong><br />

le bailleur. Le problème originel du quartier Teisseire, problème évoqué en premier par les<br />

acteurs institutionnels, était la difficulté de cerner la différence entre les <strong>espaces</strong> privés <strong>et</strong> les<br />

<strong>espaces</strong> publics, problème <strong>des</strong> grands ensembles relatés depuis déjà quelques années. D’où la<br />

volonté de clarifier, grâce à la résidentialisation, les statuts <strong>des</strong> différents <strong>espaces</strong>, de redéfinir à<br />

ce moment les responsabilités de chacun <strong>et</strong> ainsi d’avoir une meilleure gestion <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>.<br />

Pourtant, voilà déjà bientôt dix ans que les premières réalisations ont été finies, <strong>et</strong> la gestion<br />

laisse encore à désirer. Les habitants le voient <strong>et</strong> le disent : bailleurs <strong>et</strong> services techniques<br />

municipaux ne sont pas encore tout à fait au point sur les tâches qui leur incombe de satisfaire.<br />

« Le n<strong>et</strong>toyage, c'est un micmac. Exemple, mon bâtiment, devant y a <strong>des</strong> p<strong>et</strong>its<br />

jardin<strong>et</strong>s, c'est l’Opale, sur le côté du bâtiment, c'est la Ville. […] Je sais que la pelouse<br />

<strong>et</strong> les arbres, c'est la Ville. Mais contre les murs, je crois bien que c'est un mètre, le<br />

propriétaire. Alors il faut que je redemande. Résultat : c'est pas fait, pas touche. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

D’ailleurs, entre les services municipaux eux-mêmes, l’indétermination existe encore, <strong>et</strong> quand<br />

elle n’existe pas, pas question de faire le travail de l’autre…<br />

« Ça fait un micmac au point que les employés de la Ville ne savent plus. L’autre jour, y<br />

avait une poubelle, un panier – y en a plein dans les jardins – elle était archi pleine<br />

depuis plus de quinze jours. Y a un gars qui est passé, une dame lui a dit : ‘‘vous avez<br />

vu, la poubelle n’est pas vidée’’. Il lui a répondu : ‘‘c'est pas moi, madame, c'est les<br />

<strong>espaces</strong> verts’’. Mais comme il a vue qu’elle débordait, il l’a vidée. Et ce n’est pas son<br />

travail. Alors ‘‘moi, je dois ramasser les papiers’’, ‘‘moi, je dois tailler la haie’’, ‘‘moi, je<br />

dais balayer là’’, ‘‘moi, je dois arroser’’. Ils ont chacun leur truc. Et on ne fait pas celui<br />

du voisin… »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

ARANTES Laëtitia 167


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Ainsi, selon les habitants, il réside encore sur le quartier un manque de coordination entre les<br />

acteurs institutionnels. Pour remédier à cela, les bailleurs, la Ville <strong>et</strong> ses différents services ont<br />

mis en place une démarche commune pour un meilleur entr<strong>et</strong>ien <strong>des</strong> différents <strong>espaces</strong> : le<br />

« diagnostic en marchant » 348, démarche à laquelle sont également associés les habitants<br />

volontaires. Le principe est simple : les différents acteurs <strong>et</strong> les habitants volontaires marchent<br />

dans l’ensemble du quartier en faisant attention aux différents <strong>espaces</strong> <strong>et</strong> à leur entr<strong>et</strong>ien, ce qui<br />

leur perm<strong>et</strong> de noter le manque <strong>et</strong> donc le besoin d’intervention à certains endroits, <strong>et</strong> surtout de<br />

se m<strong>et</strong>tre d’accord sur l’acteur principal concerné.<br />

L’entr<strong>et</strong>ien L’entr<strong>et</strong>ien <strong>des</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> <strong>espaces</strong> communs communs : la responsabilité de certain certains certain s résidents remise en cause cause… cause<br />

Mais devant l’état sale <strong>et</strong> dégradé de certains <strong>espaces</strong> communs, certains n’en oublient pas le<br />

rôle de leur voisin <strong>et</strong> de leur homologue Teisseirois, qu’ils vivent dans la même résidence, ou<br />

dans une autre.<br />

« Les gens s’en foutent. »<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

« Alors c'est vrai que les gens quand ils voient un papier, au lieu de le ramasser <strong>et</strong> de le<br />

m<strong>et</strong>tre à la poubelle… Ils ont leur part de responsabilité aussi. »<br />

Ei19b, Homme, 50 ans, résident, anc. 35 ans.<br />

« Moi, je vais vous dire une chose. Y en a qui sont propriétaires. Dans la montée y en a<br />

qui sont propriétaires. Ils pourraient rénover. En haut, ils sont propriétaires. L’autre<br />

jour, je les ai attrapés, je leur ai demandé : ‘‘pourquoi vous ne rouspétez pas pour l’eau<br />

chaude ?’’. ‘‘Ah, nous, on s’en fout !’’. Ils s’en foutent. La dame juste en <strong>des</strong>sous, son<br />

palier, c'est de la merde. Elle j<strong>et</strong>te ses cigar<strong>et</strong>tes. Y en a qui s’en foutent, ils disent :<br />

‘‘on paye alors…’’. »<br />

Ei19a, Couple, 81 <strong>et</strong> 80 ans, résidence à vendre, barre, anc. 46 ans.<br />

« Ils n<strong>et</strong>toient mais une heure après, c'est déjà plein de papiers. »<br />

Ec5a, Couple, 86 <strong>et</strong> 79 ans, résidents, barre, anc. 47 ans.<br />

ILLUSTRATION 50 : LES CONTAINERS RUE FERNANDAT ENVAHIS PAR LES POUBELLES. 349<br />

348 VETIER I., directrice de l’antenne de mairie du secteur 5 de Grenoble, Propos tenus lors de la réunion Teisseire-<br />

Jouhaux. En mouvement avec les habitants, op.cit.<br />

349 Photographie personnelle, août 2007.<br />

ARANTES Laëtitia 168


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

C'est ainsi que certains déposent leurs poubelles à côté <strong>des</strong> containers prévus à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong>, plutôt<br />

que de soulever le couvercle <strong>et</strong> les m<strong>et</strong>tre dedans…<br />

Les déch<strong>et</strong>s, jonchant le sol ici <strong>et</strong> là, constituent une atteinte au bien-être <strong>des</strong> habitants qui<br />

souffrent de ces désagréments <strong>et</strong> qui ressentent un certain sentiment de honte lors <strong>des</strong> visites<br />

qui leurs sont faites.<br />

« Au niveau surtout de la discipline, les gens ne sont pas très propres. Les gens, au lieu<br />

de m<strong>et</strong>tre les poubelles dans les vide-ordures, ils les m<strong>et</strong>tent à côté <strong>des</strong> poubelles.<br />

Comme ça, ça va plus vite. Après ça s’amoncèle, y a <strong>des</strong> tas comme ça. Y en a qui<br />

déménagent, ils laissent leurs meubles en plein milieu. Plein de choses comme ça. »<br />

Ei23, Homme, 54 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

Dans ce contexte, tout se passe comme si la résidentialisation ne pouvait modifier <strong>des</strong><br />

comportements, ou plus précisément <strong>des</strong> manières d’être, vécues comme immuables. Ce<br />

processus de dénonciation peut être perçu comme une tentative de démarcation par rapport à<br />

une population <strong>et</strong> un quartier dévalorisés, comme une tentative de déplacement <strong>des</strong> accusations<br />

sur d’autres que soi.<br />

… … mais mais <strong>des</strong> <strong>des</strong> habitants habitants volontaires volontaires pour pour que que ça ça change.<br />

change.<br />

D’ailleurs, assez souvent, ces individus accompagnent leurs critiques de l’autre par une<br />

valorisation d’eux-mêmes <strong>et</strong> d’un possible <strong>et</strong> volontaire engagement de leur part. La valorisation<br />

est simple : si on le leur avait demandé, bien sûr qu’ils feraient le n<strong>et</strong>toyage par eux-mêmes.<br />

« Nous, on le ferait ce travail. S’il nous le propose, on le fait correctement. Parce qu’on<br />

saurait qui a n<strong>et</strong>toyé ce jour-là. Parce que nous, on paie déjà dans le loyer, on paie tout<br />

ça. Et ça se fait pas. Le n<strong>et</strong>toyage <strong>des</strong> allées, c'est nul. Eux, ils paient l’entreprise, mais<br />

l’entreprise, elle fait mal son travail. Pourquoi ? Parce que l’entreprise, y a personne<br />

qui vient derrière vérifier. »<br />

Ei18, Couple, 48 <strong>et</strong> 35 ans, résidents, barre, anc. 12 ans.<br />

Dans certains cas, favorables à ce genre de pratiques, ils se sont vus obligés d’y renoncer, à<br />

cause, une fois de plus, <strong>des</strong> voisins.<br />

« Le seul truc sur lequel j’étais d’accord, c'est que nous, on fasse le ménage dans<br />

l’allée. Mais en fait, ça, ils s’en foutent. Les autres habitants s’en foutent. Ils en<br />

avaient parlé, mais ils en ont pas fait plus que ça perce que les gens se révoltent par<br />

rapport à ça. Surtout les jeunes. »<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

Ainsi, même si la résidentialisation avait pour vocation de produire <strong>des</strong> eff<strong>et</strong>s qui faciliteraient la<br />

gestion de l’espace – comme la clarification <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>, la disparition <strong>des</strong> squats, – que ce soit<br />

au niveau <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> intérieurs, de l’unité résidentielle ou du quartier, l’entr<strong>et</strong>ien <strong>et</strong> la<br />

maintenance de ces <strong>espaces</strong> réaménagés sont au cœur <strong>des</strong> préoccupations <strong>des</strong> habitants,<br />

d’autant plus qu’ils doivent assumer désormais une nouvelle charge liée à l’entr<strong>et</strong>ien <strong>des</strong> unités<br />

résidentielles.<br />

ARANTES Laëtitia 169


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

3.1.3. 3.1.3. 3.1.3. Un Un nouveau nouveau rapport rapport à à à l’espace l’espace : : vers vers une une une <strong>appropriation</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>appropriation</strong> excessive excessive ?<br />

Nous l’avons vu, pour <strong>des</strong> raisons qui tiennent à la fois à la conception initiale, au défaut<br />

d’entr<strong>et</strong>ien <strong>et</strong> de maintenance, <strong>et</strong> à diverses activités « inciviles », les <strong>espaces</strong> intermédiaires<br />

introduits par la résidentialisation du quartier génèrent <strong>des</strong> <strong>appropriation</strong>s contradictoires.<br />

L’unité ’unité résidentielle<br />

résidentielle : la voie vers la responsabilisation ?<br />

D’abord, les exigences de certains résidents quant au traitement <strong>et</strong> à l’entr<strong>et</strong>ien <strong>des</strong> différents<br />

<strong>espaces</strong> semblent avoir augmenté dans les immeubles résidentialisés. Les habitants ont<br />

aujourd'hui une approche nouvelle de ces <strong>espaces</strong> de proximité, approche fortement liée à l’idée<br />

du « je paye donc je décide ». On constate surtout une <strong>appropriation</strong> au niveau <strong>des</strong> limites de<br />

l’unité résidentielle, <strong>des</strong> barrières. En eff<strong>et</strong>, beaucoup d’habitants expriment la volonté de fermer<br />

totalement les accès aux parkings, d’en faire un accès contrôlé, limité. Ils justifient cela de<br />

différentes manières : protéger leurs enfants qui jouent sur le parking, éviter <strong>et</strong> empêcher le<br />

stationnement <strong>des</strong> étrangers, <strong>des</strong> non-résidents, éviter le stationnement « ventouse ».<br />

« Les clôtures, c'est bien pour les enfants, parce que, eux, ils traversent tout le temps. »<br />

Ei21, Couple, 32 <strong>et</strong> 37 ans, résidence, tour, anc. 8 ans.<br />

Ces nouveaux comportements ont fait dire à certains habitants de Teisseire que certains d’entre<br />

eux se conduisent davantage comme <strong>des</strong> copropriétaires que comme <strong>des</strong> locataires.<br />

« Les gens, ils croient qu’ils sont propriétaires, <strong>et</strong> qu’ils sont pas propriétaires, qu’ils<br />

sont locataires, comme tout le monde. »<br />

Ec34f, Femme, 85 ans, résidente, première résidence, anc. 48 ans.<br />

« Aujourd'hui, les habitants de Teisseire se comportent comme <strong>des</strong> copropriétaires <strong>et</strong><br />

plus comme <strong>des</strong> locataires. » 350<br />

Un aspect relativement positif dans ce changement de comportement de la part de certains<br />

Teisseirois, dans c<strong>et</strong>te « résidentialisation » 351 <strong>des</strong> habitants, est que justement ces habitants ont<br />

peut-être r<strong>et</strong>rouvé les notions de droit <strong>et</strong> de devoir : « Si j’ai le droit de payer <strong>des</strong> charges, j’ai<br />

aussi le droit de savoir pourquoi je paye, <strong>et</strong> le cas échéant, de trouver <strong>des</strong> solutions pour en<br />

payer moins » 352. De part c<strong>et</strong>te individualisation <strong>des</strong> comportements, qui finalement participe de<br />

la décision collective par le biais <strong>des</strong> comités de résidents, on assiste alors aux prémices de la vie<br />

collective.<br />

350 MASSON L., op.cit., page 111.<br />

351 Nous comprenons ici dans ce terme le phénomène appliqué à l’individu, au locataire, <strong>et</strong> non pas à l’immeuble.<br />

352 MASSON L., op.cit.<br />

ARANTES Laëtitia 170


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

L’unité L’unité L’unité rés résidentielle<br />

rés identielle : de la différenciation à l’individualisation.<br />

Lors du lancement du proj<strong>et</strong>, en 1996, l’introduction de la différenciation dans le traitement <strong>des</strong><br />

réhabilitations d’immeubles <strong>et</strong> dans les formes <strong>et</strong> contenus <strong>des</strong> unités résidentielles, devait<br />

contribuer à remédier à l’uniformité qui prédominait dans la réalisation du quartier Teisseire,<br />

comme dans celle de tout grand ensemble d’ailleurs.<br />

C<strong>et</strong>te différenciation s’est fait ressentir chez les habitants…<br />

« Je sais pas si vous avez vu, mais y a pas un bâtiment qui est pareil. Ils ont vraiment<br />

fait… tous les balcons sont différents, ils ont mis <strong>des</strong> balcons partout parce qu’avant y<br />

en avait pas. Tous les jardin<strong>et</strong>s sont différents. »<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

… mais pas toujours de manière positive : certains ont <strong>des</strong> balcons plus grands, d’autres une<br />

cuisine plus grande. Quant à quelques-uns, ils peuvent jouir de la superficie de leur rez-de-jardin,<br />

superficie plus grande que celle d’un balcon.<br />

« Les autres immeubles qu’ils ont faits, ils ont fait <strong>des</strong> grands balcons. Et nous c'est le<br />

plus vieil immeuble réhabilité, <strong>et</strong> ils ont laissé comme c'était. Y a <strong>des</strong> gens de l’autre<br />

côté, ils ont pas de balcons. »<br />

Ei7, Femme, 70 ans, première résidence, barre, anc. 41 ans.<br />

« Ils ont fait les balcons au <strong>des</strong>sus. C’était nouveau aussi. Nous, au rez-de-chaussée,<br />

on a rien, sauf la p<strong>et</strong>ite terrasse-là. »<br />

« Bon devant, là, ils ont fait les balcons au-<strong>des</strong>sus. Là, ils ont fait <strong>des</strong> p<strong>et</strong>its balcons<br />

aussi, ben ils ont rallongé les cuisines pour tous les gens du haut. Moi, je suis toujours<br />

avec la p<strong>et</strong>ite cuisine. On me dit : ‘‘oui t’as la p<strong>et</strong>ite cour’’. »<br />

Ei2, Couple, 30 <strong>et</strong> 61 ans, résidents, barre, anc. 4 ans.<br />

Ces différences de traitement <strong>des</strong> unités résidentielles sont fortement liées aux contraintes de<br />

l’espace disponible autour <strong>des</strong> immeubles. – En eff<strong>et</strong>, comment attribuer à un immeuble un<br />

espace collectif frontal alors même qu’il est situé en bordure de rue ? – Mais elles sont<br />

ressenties par les habitants davantage comme un traitement inégalitaire plutôt que comme une<br />

« banalisation » <strong>urbaine</strong>.<br />

Par ailleurs, aujourd'hui, l’idée d’<strong>appropriation</strong> est fortement revendiquée par les habitants qui se<br />

prennent au jeu <strong>et</strong> vont jusqu’au bout du proj<strong>et</strong>, <strong>et</strong> de la ferm<strong>et</strong>ure totale <strong>des</strong> résidences. Ces<br />

ferm<strong>et</strong>ures, qu’elles soient encore partielles ou que les habitants soient parvenus à leurs fins,<br />

concourent à une individualisation <strong>des</strong> résidences. Désormais, les relations d’un immeuble à<br />

l’autre se font plus rares ; elles sont même parfois conflictuelles, comme nous l’avons déjà fait<br />

remarquer.<br />

« Ici, on n’a pas à se plaindre, mais le bâtiment derrière c'est pas pareil. Ils te diraient<br />

pas pareil que moi. Là je ne parle que pour moi. D’un bâtiment à un autre, ce n’est<br />

plus pareil, ça change. On ne se parle pas. C'est pas qu’on ne se parle pas, si on se<br />

croise on va se dire bonjour. Mais la vie est comme ça. Y a <strong>des</strong> gens dans le quartier<br />

avec qui je n’ai jamais parlé de ma vie. Pourquoi ? Parce qu’ils vont au travail, ils<br />

vaquent à leurs occupations. »<br />

Ei6, Homme, 44 ans, première résidence, barre, anc. 20 ans.<br />

ARANTES Laëtitia 171


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« Les barrières, ça crée <strong>des</strong> conflits, parce que les gens, ils sont chez eux : ‘‘qu’est-ce<br />

que tu viens faire, t’es pas chez toi’’. On a un site, ils veulent qu’on ferme le portail à<br />

clefs, ils veulent pas qu’on aille sur leur site. Moi, je leur ai dit : ‘‘maintenant, je ne<br />

peux plus passer. Avant je passais, c'était bonjour tu viens boire le café’’. Maintenant,<br />

je ne peux plus. C'est défendu de passer. Donc ils ont créé <strong>des</strong> conflits. Je leur ai dit,<br />

mais ils ne veulent pas l’adm<strong>et</strong>tre. Peut-être parce que c'était une cité qui est trop<br />

libre. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

« Et ces machins de propriété privée, d’un côté c'est bien, parce que ça fait moins<br />

ouvert, mais de l’autre côté, ça enferme les gens. Les relations, elles se sont un peu<br />

coupées avec les autres immeubles. A part les anciens qui avaient l’habitude de se<br />

r<strong>et</strong>rouver. »<br />

Ei7, Femme, 70 ans, première résidence, barre, anc. 41 ans.<br />

« Vous prenez tout le bâtiment, on fait <strong>des</strong> grilla<strong>des</strong> ensemble, on fait <strong>des</strong> grilla<strong>des</strong> en<br />

bas. Vraiment, on s’entend bien, bien. Après, on ne va pas voir aux alentours, les<br />

autres bâtiments, vu que nous, on s’entend bien tous. »<br />

Ei28, Femme, 22 ans, résidente, barre, anc. 3 ans.<br />

« Comme nous, on est là, on se réunit que par rapport à nous ; là-bas, c'est pareil. C'est<br />

chacun de son côté, on va dire. »<br />

Ei27, Femme, 30 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

D’ailleurs, certains le m<strong>et</strong>tent en avant : « les barrières, c'est bien. Ça perm<strong>et</strong> de m<strong>et</strong>tre à<br />

distance les indésirables ».<br />

C'est très bien d’avoir fermé. Parce que y a <strong>des</strong> gens qui sont pas bien <strong>et</strong> ils restent de<br />

l’autre côté. Et aussi, les voitures, les motos. Les enfants, ils sortaient <strong>et</strong> c'était<br />

dangereux pour eux. Mais je pense que c'est très bien, comme ça les gens doivent<br />

faire tout le tour.<br />

Ei8, Femme, 56 ans, résidence la plus récente, barre, anc. 30 ans.<br />

« Moi je parle avec tout le monde, parce que je connais tout le monde. Tout le monde<br />

me connaît. On se voit, on se dit bonjour, bonsoir. Mais ça restera plus avec les gens<br />

de mon côté, parce que de l’autre côté, on se voit pas. »<br />

Ei6, Homme, 44 ans, première résidence, barre, anc. 20 ans.<br />

On peut donc adm<strong>et</strong>tre, à partir <strong>des</strong> discours <strong>des</strong> quelques habitants interrogés, que la<br />

résidentialisation a apporté de nouveaux conflits d’<strong>appropriation</strong> <strong>et</strong> d’usages au sein du quartier<br />

Teisseire. Entre gestes incivils <strong>et</strong> défauts d’entr<strong>et</strong>ien, les plaintes sont multiples dans les<br />

nouvelles résidences, <strong>et</strong> apparemment plus nombreuses qu’avant la résidentialisation.<br />

A première vue, les relations entre les Teisseirois seraient plus conflictuelles qu’avant. Et les<br />

<strong>appropriation</strong>s tant espérées par l’urbaniste en chef, plus difficiles que prévu à se réaliser. A<br />

partir <strong>des</strong> paroles <strong>des</strong> habitants, nous tenterons de déterminer quelles relations les habitants ont<br />

réussi à établir sur les différents <strong>espaces</strong> qui leurs sont désormais offerts.<br />

ARANTES Laëtitia 172


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

3.2. Espaces publics <strong>et</strong> <strong>espaces</strong> communs : une <strong>appropriation</strong> renforcée ?<br />

Depuis leur conception, les ensembles de logements sociaux ont véhiculé une utopie de brassage<br />

<strong>et</strong> de réconciliation sociale. Les différentes opérations de requalification qui s’y sont succédées<br />

depuis les années 1970 le confirment : le but était de rechercher le « lien social » <strong>et</strong> la<br />

« convivialité ». Et durant tout ce temps, c'est l’espace « libre », devenu ensuite espace public, qui<br />

doit jouer le rôle de cohésion <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> sociale. Néanmoins, avec la résidentialisation, c'est la<br />

résidence <strong>et</strong> les <strong>espaces</strong> intermédiaires qui l’accompagnent qui sont considérés comme le « lieu<br />

du lien social r<strong>et</strong>rouvé » 353 pouvant jouer un rôle régulateur dans les conflits de voisinage. En<br />

cela, la résidentialisation réactualise le débat entre les tenants de l’espace public <strong>et</strong> ceux de la<br />

privatisation. « Historiquement, un clivage a opposé deux tendances : celle qui revendique<br />

l’espace privé voire privatif pour chaque individu se justifiant par le fait que c'était la volonté de la<br />

majorité <strong>des</strong> concitoyens avec pour conséquence de distendre les liens sociaux, <strong>et</strong> celle qui<br />

aspirait au collectif pour que de véritables échanges <strong>et</strong> rapports sociaux aient lieu (c<strong>et</strong>te dernière<br />

eut une influence dans le domaine architectural avec tout le mouvement moderne)… Si on<br />

sauvegardait l’intimité, il n’y avait pour certains plus de vie sociale, de vie de la Cité… Le commun<br />

n’est pas forcément le collectif. » 354<br />

Dans ce sens, nous nous intéresserons maintenant aux rapports que les habitants de Teisseire<br />

entr<strong>et</strong>iennent désormais avec leur nouveau quartier <strong>et</strong> ses différents <strong>espaces</strong> ainsi créés par la<br />

résidentialisation. Entre les <strong>espaces</strong> intermédiaires introduits par la résidentialisation <strong>et</strong> l’espace<br />

public réaménagé à l’image de celui de la ville traditionnelle, les habitants se sont vus obligés de<br />

réorganiser leur vie quotidienne <strong>et</strong> relationnelle en fonction de ces nouvelles contraintes<br />

environnementales.<br />

3.2.1. 3.2.1. La La vo vocation vo cation <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> résidentiels.<br />

Forts de leurs expériences, nombreux sont les professionnels de l’aménagement qui jalonnent<br />

leurs discours sur l’unité résidentielle de postulats selon lesquels il existe un lien irrévocable<br />

entre la forme <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> les liens sociaux qui s’y créent. Les travaux de la sociologie <strong>urbaine</strong> <strong>des</strong><br />

années 1960 à 1980 <strong>et</strong> <strong>des</strong> courants spatialistes anglo-saxons en témoignent : « les<br />

transformations de certains quartiers <strong>des</strong> villes font apparaître une volonté de recherche<br />

d’harmonie entre la vie sociale <strong>et</strong> les formes architecturales » 355.<br />

Dans c<strong>et</strong>te optique, le grand ensemble que constitue le quartier Teisseire est l’occasion de<br />

diverses pratiques déviantes, notamment de squats <strong>et</strong> voire même de délinquance. Les<br />

353 GUIGOU B., LELEVRIER C., op.cit., page 82.<br />

354 DOLLE J.P., « Loger, habiter, cohabiter », in Rapport D. Peyrat, op.cit., page 130.<br />

355 JEUDY H.P., JEUDY J.C., op.cit., page 1.<br />

ARANTES Laëtitia 173


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

évènements passés en témoignent : Teisseire tire sa mauvaise réputation <strong>des</strong> actes de<br />

vandalismes <strong>et</strong> d’agressions qui s’y sont multipliés au cours <strong>des</strong> années. D’ailleurs, selon le<br />

directeur de proj<strong>et</strong> urbain, les premiers résultats le confirment : avec les premières<br />

résidentialisations, les lieux sont plus sûrs…<br />

« On s’aperçoit qu’il y a quand même une relation entre les zones de regroupement <strong>et</strong><br />

les types d’aménagement. En gros, là où on a déjà aménagé, il y a moins de<br />

regroupement que là où on n’a encore pas trop aménagé. » 356<br />

Dans un quartier assez largement dégradé, où les actes de vandalisme <strong>et</strong> d’incivilité s’ajoutaient<br />

au manque d’entr<strong>et</strong>ien, pour créer un climat d’insécurité, la priorité est donc donnée à la<br />

redéfinition <strong>des</strong> responsabilités. Car « c'est par la présence, le mélange <strong>et</strong> les rencontres qu’elle<br />

contribue à la sécurisation du lieu » 357. Dans c<strong>et</strong>te optique, une <strong>des</strong> propositions avancées par<br />

Philippe Panerai est de créer autour <strong>des</strong> bâtiments de nouveaux <strong>espaces</strong> dans lesquels les<br />

habitants pourront exercer de nouvelles pratiques, une nouvelle <strong>appropriation</strong>, leurs<br />

responsabilités. Revivifier les relations entre les habitants <strong>et</strong> leurs <strong>espaces</strong>, en les requalifiant,<br />

voilà l’intention de la résidentialisation.<br />

3.2.2. 3.2.2. 3.2.2. Le Le quartier quartier <strong>et</strong> <strong>et</strong> <strong>et</strong> sa sa nouvelle nouvelle configuration configuration : : <strong>des</strong> <strong>des</strong> changements changements dans dans les<br />

les<br />

pratiques pratiques <strong>des</strong> <strong>des</strong> <strong>des</strong> habitants.<br />

habitants.<br />

Offrir aux habitants l’occasion de s’approprier de nouveaux lieux dans un quartier neuf, disions-<br />

nous. L’objectif est somme toute noble. En toute logique – <strong>et</strong> c'est ici l’objectif annoncé – c<strong>et</strong>te<br />

amélioration du cadre de vie n’est pas sans conséquence sur les mo<strong>des</strong> d’habiter, les habitu<strong>des</strong>,<br />

les pratiques. Et comment ! L’exemple de Teisseire, dans sa mise en œuvre du proj<strong>et</strong> de<br />

résidentialisation, illustre parfaitement c<strong>et</strong>te problématique.<br />

Résidentialiser. Restructurer les <strong>espaces</strong> en leurs attribuant <strong>des</strong> fonctions propres <strong>et</strong> en<br />

symbolisant leur frontière par une clôture. Au moment de la conception du proj<strong>et</strong>, cela semblait<br />

être une révolution dans ce grand ensemble où jusque-là le statut indéterminé <strong>des</strong> <strong>espaces</strong><br />

engendrait problèmes d’insécurité <strong>et</strong> de gestion. Reste que, maintenant que les premières<br />

résidentialisations ont été réalisées, les habitants, conscients au départ que la résidentialisation<br />

allait changer leurs pratiques, se rendent compte que, au-delà de les transformer, elles les a<br />

parfois rendues impossibles.<br />

356 Entr<strong>et</strong>ien avec Guillaume COPPE, op.cit.<br />

357 GUIGOU B., LELEVRIER C., op.cit., page 61.<br />

ARANTES Laëtitia 174


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Les Les cheminements cheminements dans dans le le quartier quartier : vers une disparition ?<br />

C'est ainsi que les « usages informels » 358 de l’espace public ont été fortement réduits dans le<br />

quartier. A Teisseire, avant même de m<strong>et</strong>tre en place « sur le papier » les résidences, nombre<br />

d’étu<strong>des</strong> ont été réalisées : diagnostic du cabin<strong>et</strong> Arpenteurs, trois marchés de définition ; la<br />

genèse du proj<strong>et</strong> en 1996-98 s’appuie sur un état <strong>des</strong> lieux établi à partir <strong>des</strong> paroles <strong>des</strong><br />

habitants, de leurs dires quant à leur vie du quartier. Des paroles, oui. Mais, une chose semble<br />

avoir été oubliée : personne ne s’est attaché à vérifier ces dires sur le terrain. L’observation<br />

pratique <strong>des</strong> cheminements <strong>des</strong> Teisseirois n’a pas été réalisée <strong>et</strong> cela s’en ressent aujourd'hui.<br />

« On a dit que ça avait dérangé nos habitu<strong>des</strong>. On nous a dit que c'était pas grave,<br />

qu’on n’avait qu’à en prendre d’autres. J’ai demandé pourquoi on n’avait pas<br />

embaucher un… C'est un gars qui étudie la marche <strong>des</strong> habitants, <strong>des</strong> êtres humains.<br />

J’ai dit anthropophage, moi, pour rigoler. Mais c'est un gars, c'est son travail, il suit le<br />

sentier de la personne, il regarde où elle a marché. Je leur ai dit : ‘‘si vous aviez<br />

embauché un gars comme ça, vous vous seriez aperçus que vous ne pouviez pas faire<br />

ce que vous faisiez. Vous auriez laissé les sentiers, les p<strong>et</strong>its chemins’’. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Aujourd'hui, avec les premières unités résidentielles, les premières clôtures, les promena<strong>des</strong> sont<br />

au contournement. Les habitants deviennent victimes de leur propre quartier <strong>et</strong> de sa nouvelle<br />

configuration : à cause <strong>des</strong> clôtures, la plupart <strong>des</strong> anciens cheminements ne sont plus<br />

praticables ; les barrières obligent au contournement <strong>des</strong> unités résidentielles. De fait, les<br />

habitants, surtout les anciens, les habitués du quartier s’y perdent.<br />

« Moi je trouve que m<strong>et</strong>tre <strong>des</strong> barrières partout… Moi je me rappelle dans Teisseire,<br />

on pouvait traverser partout. Au début, je me pommais. J’arrivais par derrière, je me<br />

disais ‘‘merde, je veux aller là-bas, je fais comment ?’’. Faut que je fasse tout le tour.<br />

J’arrivais plus à me situer, ça a trop changé. »<br />

Ei10, Femme, 46 ans, résidente, barre, anc. 46 ans.<br />

« On venait de là-bas, on traversait, on allait chez Pierre, on allait chez Paul. Moi, de<br />

chez moi, je passais là, j’allais chez ma copine là-bas. Maintenant, on ne peut plus, on<br />

est obligé de contourner. Il faut passer les barrières. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

« Les gens ne font plus leurs courses pareil non plus. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Notamment, la suppression <strong>des</strong> cheminements informels a été préjudiciable aux femmes qui<br />

usaient <strong>des</strong> chemins de traverse pour se rendre aux commerces, à l’arrêt de bus, pour traverser<br />

le quartier.<br />

358 MASSON L., op.cit., page 109.<br />

ARANTES Laëtitia 175


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« Avant, pour aller à l’avenue Jean Perrot, on tirait tout droit, que maintenant, avec la<br />

Maison de l’Enfance, les garages qu’ils ont faits, on est obligés de faire un détour. Et<br />

encore, on ne sait pas ce que ça va réserver quand ils auront refait la place du Bassin.<br />

Donc là, ça nous fait le chemin un peu plus long alors qu’avant on allait tout droit. »<br />

Ei7, Femme, 70 ans, première résidence, barre, anc. 41 ans.<br />

Avec le temps <strong>et</strong> les deman<strong>des</strong> de ferm<strong>et</strong>ure totale <strong>des</strong> unités résidentielles de plus en plus<br />

nombreuses, le problème d’orientation <strong>et</strong> de cheminement dans le quartier s’est intensifié. Une<br />

approche par genre <strong>des</strong> usages informels de l’espace public aurait sans doute permis d’adapter<br />

le proj<strong>et</strong> à <strong>des</strong> contraintes d’usages <strong>et</strong> ainsi d’éviter ces écueils.<br />

« La résidentialisation doit être particulièrement soucieuse du rapport à la rue <strong>et</strong> du<br />

traitement <strong>des</strong> cheminements, depuis les halls d’immeubles jusqu’à la voirie. » 359<br />

La La nouvelle nouvelle configuration configuration du du quartier quartier <strong>et</strong> <strong>et</strong> <strong>des</strong> <strong>des</strong> immeubles immeubles : : une une vie vie publiq publique publiq ue modifiée.<br />

Néanmoins, à Teisseire, le rapport à l’espace public reste <strong>des</strong> plus importants. Devant l’étendue<br />

<strong>des</strong> « <strong>espaces</strong> libres » 360 du quartier, les premiers Teisseirois n’ont eu de cesse de profiter<br />

pleinement de c<strong>et</strong>te « liberté », en <strong>des</strong>cendant leur chaise au pied de leur immeuble, en se<br />

promenant dans les deux parcs présents sur le quartier, créant ainsi leur réseau relationnel.<br />

« Quand on est arrivés ici, mes enfants m’ont dit ‘‘regarde maman, on n’aura plus<br />

besoin d’aller au parc, on a deux parc ici’’. Là il suffisait de <strong>des</strong>cendre <strong>et</strong> on était au<br />

parc. C'était la liberté à Teisseire. Tout en étant à la campagne. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

« Moi, au début, ça m’a tout de suite plu parce qu’il y avait l’espace, le vert, le jardin ;<br />

<strong>et</strong> les enfants avaient quand même la liberté de pouvoir <strong>des</strong>cendre sans souci. »<br />

Ei7, Femme, 70 ans, première résidence, barre, anc. 41 ans.<br />

La vie de quartier à Teisseire se déroule, depuis ces origines, dans ces « <strong>espaces</strong> libres ». Les<br />

anciens en sont les témoins <strong>et</strong> les relayeurs : même les plus jeunes s’accordent sur ce point.<br />

« Les <strong>espaces</strong> verts étaient déjà là. Y avait le grand jardin, <strong>et</strong> là-bas derrière, le p<strong>et</strong>it<br />

jardin. Et nous, quand on était p<strong>et</strong>its, on jouait déjà là. »<br />

Ei9, Femme, 23 ans, résidente, barre, anc. 23 ans.<br />

« Moi, je vois, mes beaux-parents habitent là depuis 35 ans, y a 35 ans, ils étaient<br />

dehors, tout le monde s’entendait bien, ils se faisaient <strong>des</strong> barbecues, ils se faisaient<br />

<strong>des</strong> apéros. Ils se faisaient tout ça. Ils étaient surtout entre Italiens, Espagnols. C'était<br />

surtout un quartier d’immigrés. »<br />

359 BONETTI M., LAFORGUE J.D., SECHET P., op.cit.<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

360 BILLIARD I., « ‘‘Espace Public’’ : un terme au statut ambigu », in LOUISY M.A., dir., Espaces Publics, groupe de travail,<br />

Plan Urbain, Direction de l’Architecture <strong>et</strong> de l’Urbanisme, Délégation à la Recherche <strong>et</strong> à l’innovation, 1991, page 27.<br />

ARANTES Laëtitia 176


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Pourtant, depuis les premières résidentialisations, certaines configurations d’immeubles ont<br />

changé quelque peu l’animation qui régnait dans la rue. Parfois, il suffit simplement que l’entrée<br />

de l’immeuble soit aménagée de l’autre côté, pour que les habitants ne <strong>des</strong>cendent plus discuter<br />

avec les autres Teisseirois.<br />

« Mais même quand il n’y avait pas de barrière, c'était bien, c'était calme. On pouvait<br />

jouer aux boules. C'était bien, tout le monde pouvait jouer. Y avait <strong>des</strong> bancs. Mais<br />

maintenant, il n’y a plus de bancs. »<br />

Ei19a, Couple, 81 <strong>et</strong> 80 ans, résidence à vendre, barre, anc. 46 ans.<br />

« Là-bas, dans le coin, y avait <strong>des</strong> bancs. Je sais qu’il y avait surtout <strong>des</strong> messieurs – <strong>et</strong><br />

même <strong>des</strong> Italiens – qui venaient le soir, dans la journée s’asseoir tranquillement.<br />

Maintenant, il a fallu qu’ils nous m<strong>et</strong>tent ces baraques-là. »<br />

Ei16, Femme, 82 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

« C'est vrai qu’il y a certains immeubles qu’ils ont fait, comme le 9 avenue Paul Cocat,<br />

ils ont fait l’entrée de l’autre côté. Avant y avait <strong>des</strong> gens qui <strong>des</strong>cendaient.<br />

Maintenant, on ne les voit pratiquement pas, parce qu’ils ont changé le côté de<br />

l’entrée. Et c'est vrai qu’avec la tour ça a vraiment changé les relations. »<br />

Ei7, Femme, 70 ans, première résidence, barre, anc. 41 ans.<br />

Mais, d’une manière générale, la vie publique du quartier n’a pas totalement disparue, les<br />

anciens étant encore là pour la maintenir <strong>et</strong> pour, pourquoi pas, la transm<strong>et</strong>tre aux plus jeunes.<br />

Cela peut aller <strong>des</strong> p<strong>et</strong>ites réunions quotidiennes entre voisins proches (spatialement) au coin de<br />

la rue, à la réalisation de la fête du quartier dans le parc central de Teisseire, le parc du Bassin,<br />

occasion c<strong>et</strong>te fois-ci de réunir l’ensemble <strong>des</strong> habitants du quartier.<br />

« La fête de quartier, ils viennent même de Teisseire 2. »<br />

Ei7, Femme, 70 ans, première résidence, barre, anc. 41 ans.<br />

« Les gens ici se rencontrent sur la place du bassin <strong>et</strong> sur nos trois bancs. Alors les<br />

bancs, c'est le rassemblement. Y a toujours quelqu'un sur le banc. Par exemple, y a<br />

une dame, elle <strong>des</strong>cend avec sa chaise, elle n’aime pas s’asseoir sur le banc. J’allais<br />

dire qu‘elle monte la garde. Et puis, quand elle est là, y a une personne qui <strong>des</strong>cend,<br />

une autre personne qui <strong>des</strong>cend. Ils <strong>des</strong>cendent parce qu’elle est là, <strong>et</strong> qu’ils savent<br />

qu’il y a d’autres personnes qui viendront. On arrive à être entre 12 <strong>et</strong> 17 sur le bassin.<br />

Y a trois bancs, donc 3 fois 5, 15, plus elle, plus la mur<strong>et</strong>te. On fait <strong>des</strong> bouffes. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Ainsi, au niveau de l’espace public, suite à la résidentialisation, de nombreux changements ont<br />

été perçus, sources de critiques régulières de la part <strong>des</strong> habitants envers la Ville, qui n’a pour<br />

seule réponse que finalement, « il faut souffrir pour être beau », <strong>et</strong> que si les Teisseirois veulent<br />

une meilleure image <strong>et</strong> une nouvelle attractivité pour leur quartier, il va bien falloir qu’ils fassent<br />

ARANTES Laëtitia 177


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

quelques sacrifices. Finalement, « à côté de ça, les gens sont contents, ils ne s’en vont pas. Ils<br />

acceptent. Voilà, le terme exact c'est ça : on accepte. On rouspète, mais on accepte. » 361<br />

3.2.3. 3.2.3. 3.2.3. Les Les <strong>espaces</strong> <strong>espaces</strong> collectifs collectifs : : <strong>des</strong> <strong>des</strong> niveaux niveaux d’<strong>appropriation</strong> d’<strong>appropriation</strong> différents différents. différents<br />

En ce qui concerne les <strong>espaces</strong> collectifs, c'est-à-dire les <strong>espaces</strong> intermédiaires créés autour <strong>des</strong><br />

résidences, les objectifs sont eux aussi en attente de meilleurs résultats. Dans le proj<strong>et</strong> proposé<br />

par Philippe Panerai, porté par la Ville de Grenoble, <strong>et</strong> auquel les deux bailleurs du quartier ont<br />

adhéré, un enjeu fort résidait à l’origine dans la vocation sociale <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> résidentiels,<br />

l’objectif étant qu’ils soient à terme appropriés par les habitants. Toutefois, la régulation <strong>des</strong><br />

usages <strong>et</strong> la construction <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> intermédiaires n’est pas sans difficulté, ni sans limite ; <strong>et</strong><br />

l’exemple de Teisseire en témoigne.<br />

Au jour d’aujourd'hui, les premières réalisations datent de 1999, <strong>et</strong> plus de la moitié <strong>des</strong><br />

résidentialisations ont été réalisées. Pourtant, l’<strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> n’est pas au meilleur<br />

de ce que les concepteurs espéraient.<br />

Le Le jardin jardin collectif collectif : : le refus « apparent » » d’une d’une d’une <strong>appropriation</strong> <strong>appropriation</strong> collective collective. collective<br />

Dans nombre de proj<strong>et</strong>s de résidentialisation, comme celle du quartier <strong>des</strong> Cerisiers à<br />

Lognans 362, l’urbaniste en chef du proj<strong>et</strong> <strong>et</strong> le(s) bailleur(s) ont installé dans les <strong>espaces</strong> situés à<br />

l’arrière <strong>des</strong> résidences différents obj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> aménagements, <strong>des</strong>tinés à favoriser l’<strong>appropriation</strong><br />

de ces <strong>espaces</strong> par les habitants : bancs, fleurs, tables… Tout autant d’aménagements visant à<br />

répondre à une volonté de « neutraliser » 363 ces <strong>espaces</strong>. Mais à Teisseire, ce n’est pas le cas :<br />

les aménagements sont minimes – seulement pelouse <strong>et</strong> fleurs – <strong>et</strong> pour diverses raisons, les<br />

habitants y exercent peu de pratiques. Ainsi, selon les habitants, s’ils ne pratiquent pas ces<br />

<strong>espaces</strong>, c'est parce qu’ils sont mal situés <strong>et</strong> mal aménagés pour pouvoir accueillir <strong>des</strong> gens.<br />

Là, c'est un jardin pour les gosses, pour qu’on puisse y aller. Mais je n’y vais jamais. Y<br />

a pas de bancs pour s’asseoir. Avant y avait <strong>des</strong> bancs, ils les ont enlevés. Mais quand<br />

y en avait, j’y suis allé. Mais je sais qui les a fait enlever. Les gens ont payé pour les<br />

faire enlever. Ils ont payé les voyous.<br />

Ei19a, Couple, 81 <strong>et</strong> 80 ans, résidence à vendre, barre, anc. 46 ans.<br />

« Et on nous a fait <strong>des</strong> jardin<strong>et</strong>s, dans le jardin <strong>des</strong> gens, pour ceux du rez-dechaussée.<br />

Y a le jardin<strong>et</strong> <strong>et</strong> après y a l’espace pour ceux qui veulent s’asseoir. Qu’estce<br />

qu’on va aller s’asseoir derrière pour gêner ceux qui sont en bas ? C'est ridicule. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

361 Entr<strong>et</strong>ien Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

362 Voir LELEVRIER C., Le quartier <strong>des</strong> « Cerisiers » à Lognans. Résidence <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> : <strong>des</strong> modèles aux pratiques,<br />

Ministère de la Culture <strong>et</strong> de la Communication, 2001.<br />

363 LELEVRIER C., GUIGOU B., « Les incertitu<strong>des</strong> de la résidentialisation », in HAUMONT B., MOREL A., La Société <strong>des</strong><br />

Voisins, op.cit., page 60.<br />

ARANTES Laëtitia 178


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Mais aussi, ces <strong>espaces</strong> communs, voués à l’origine à accueillir <strong>des</strong> relations de cohabitation, ont<br />

pour autres caractéristiques d’être <strong>des</strong> lieux de passages. Les habitants l’ont confirmé <strong>et</strong> nous<br />

l’avons expliqué à maintes reprises : dans beaucoup de cas, ces <strong>espaces</strong> sont utilisés par les<br />

Teisseirois comme <strong>des</strong> lieux de transit, perm<strong>et</strong>tant de passer d’une rue à une autre, ou de<br />

traverser le quartier sans avoir à contourner la résidence.<br />

Passages entre la sphère du privé <strong>et</strong> celle du public, mais aussi souvent passages d’un espace<br />

public à un autre. Empruntés davantage par les non-résidents en tant que raccourcis, que par les<br />

résidents comme lieux de détente ou de rencontre, ce n’est peut-être pas sans raison que les<br />

architectes les aient appelés « <strong>espaces</strong> intermédiaires ». Les habitants, quant à eux, comparent<br />

même ces <strong>espaces</strong> à une promenade, celle de la prison.<br />

« Y en a qui disent que c'est comme la promenade de Varces, la prison. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

ILLUSTRATION 51 : LES ESPACES COLLECTIFS : DES LIEUX DE PASSAGE. 364<br />

Ainsi, les jardins collectifs sont rarement appropriés par les Teisseirois. Souvent mal configurés,<br />

voire mal aménagés, ils sont le plus souvent empruntés comme lieux de passages, chemins de<br />

traverses perm<strong>et</strong>tant de traverser les unités résidentielles, comme les habitants avaient coutume<br />

de le faire au temps de Teisseire grand ensemble.<br />

364 Photographie personnelle, avril 2007.<br />

365 Photographie personnelle, août 2007.<br />

ILLUSTRATION 52 : LES CHEMINS DE TRAVERSE. 365<br />

ARANTES Laëtitia 179


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Les Les <strong>espaces</strong> <strong>espaces</strong> collectifs collectifs pratiqu pratiqués pratiqu<br />

és : : les es facteurs qui attirent ou ou regroupent regroupent. regroupent<br />

Mais Teisseire <strong>et</strong> ses <strong>espaces</strong> intermédiaires ne sont pas que l’obj<strong>et</strong> de désertion, de litiges <strong>et</strong> de<br />

conflits en tout genre. Bien au contraire, certains <strong>espaces</strong> attirent. Notamment, le parking, suj<strong>et</strong><br />

de tant de controverses sur le quartier, est pourtant le lieu commun le plus convoité de Teisseire.<br />

Pourtant gratuite à Teisseire – contrairement au centre-ville – la place de stationnement y est<br />

rapidement devenue un bien rare <strong>et</strong> « cher », car convoitée par tous, <strong>et</strong> utilisée par tous, même<br />

par les non-résidents. Mais, si le parking souffre de son manque de capacité, les habitants<br />

s’accordent toutefois sur sa grande utilité. Philippe Panerai le souhaitait quand il a conçu son<br />

proj<strong>et</strong>, <strong>et</strong> cela s’est réalisé : les Teisseirois utilisent leur parking certes pour se garer, mais aussi<br />

pour y bricoler.<br />

« De temps en temps, je bricole sur le parking. Tout le monde le fait, y a pas de<br />

problème pour ça. »<br />

Ei21, Couple, 32 <strong>et</strong> 37 ans, résidence, tour, anc. 8 ans.<br />

Le parking devient alors le lieu d’échange entre les habitants, même s’il s’agit d’échanges<br />

minimes. Notamment, comme nous l’avons déjà vu, les parkings sont régentés <strong>et</strong> les<br />

stationnements sont en quelque sorte réglementés, ou sont en voie de l’être. Quand c'est<br />

possible, le parking, surplombé par le domicile, est alors sous l’emprise de celui-ci.<br />

« Par exemple y avait plusieurs résidents qui garaient deux à trois voitures par famille ;<br />

ou alors quand il y avait <strong>des</strong> visiteurs qui venaient chez eux, encore <strong>des</strong> voitures. Donc<br />

on peut pas se garer… Mais, on sait où ils habitent, on va chez eux, ils sortent. Non, ça<br />

ne fait pas trop d’accrochage. »<br />

Ei28, Femme, 22 ans, résidente, barre, anc. 3 ans.<br />

Mais encore, en ce qui concerne les parties communes, les habitants relatent beaucoup de<br />

regroupements d’enfants, notamment <strong>des</strong> jeunes enfants, accompagnés de leur mère qui, elles,<br />

discutent entre elles.<br />

« En face, les enfants sont dehors du matin au soir. »<br />

« Moi, franchement, je suis ravie, moi. Les gosses passent dehors, ils nous appellent :<br />

‘‘coucou, comment ça va ?’’ C'est génial. On a l’impression un peu d’être en camp de<br />

vacances, on va dire. »<br />

Ei24, Femme, 29 ans, maison individuelle, anc. 3 ans.<br />

Mais face aux risques de conflits d’usages – notamment parce que les enfants jouent assez<br />

souvent près du parking – <strong>et</strong> aux risques inhérents à l’« ouverture » de ces <strong>espaces</strong>, l’attitude<br />

majoritaire de la part <strong>des</strong> mères de famille est d’emmener leurs enfants jouer dans les parcs du<br />

quartier prévus à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong>, car soit en cœur d’îlots pour certains, soit clôturés pour d’autres.<br />

La La taille taille adéquate adéquate de de l’unité l’unité résidentielle<br />

résidentielle.<br />

résidentielle<br />

Mais surtout, ce qui nous a paru édifiant dans les discours <strong>des</strong> habitants en matière de<br />

regroupement collectif, c'est que ce phénomène se produit le plus dans les « p<strong>et</strong>ites » résidences,<br />

ARANTES Laëtitia 180


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

c'est-à-dire dans les résidences qui ne regroupent que quatre à cinq logements maximum. Chez<br />

les locataires concernés, il est impressionnant à quel point ils adhèrent à la résidentialisation, par<br />

rapport aux autres habitants de Teisseire : le principe en lui-même, sa mise en œuvre,<br />

l’accompagnement <strong>des</strong> habitants... Forts satisfaits <strong>des</strong> travaux, ils empruntent même aux<br />

professionnels les termes « techniques » propres au proj<strong>et</strong>. Quand la plupart <strong>des</strong> locataires<br />

parlent <strong>des</strong> unités résidentielles sous les termes de « tours », « barres », « immeubles », ces<br />

habitants emploient quant à eux les termes « d’unité » ou de « résidence ».<br />

« Notre résidence, nous l’avons appelée la résidence <strong>des</strong> amis. »<br />

Ei27, Femme, 30 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

« C'était surtout dans l’optique de nous rencontrer dans notre unité. On voulait bien se<br />

connaître, comme on est tous les quatre dans la même maison. »<br />

« Nous, notre unité s’appelle le Domaine du Soleil. »<br />

Ei24, Femme, 29 ans, maison individuelle, anc. 3 ans.<br />

« Moi, je trouve que le mot ‘‘résidence’’ convient pas mal. Parce que déjà vous êtes<br />

chez vous, c'est indépendant. »<br />

Ei23, Homme, 54 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

Mais aussi, au sein de ces résidences, les contacts entre voisins sont plus nombreux, que ce soit<br />

sous la forme de repas, d’entrai<strong>des</strong> ou de rencontres plus approfondies.<br />

« On a fait une fois un barbecue ici, dans notre espace à nous quatre. »<br />

Ei24, Femme, 29 ans, maison individuelle, anc. 3 ans.<br />

« Surtout au niveau <strong>des</strong> enfants, puisqu’ils sont tous scolarisés au même endroit, on se<br />

rend beaucoup de services par rapport à ça. »<br />

Ei27, Femme, 30 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

La taille réduite de ces unités résidentielles apparaît donc comme une condition propice à une<br />

sociabilité de voisinage harmonieuse, condition elle-même de la production de normes collectives<br />

<strong>et</strong> de contrôle social. En eff<strong>et</strong>, comme ils nous l’ont dit, les résidents de ces maisons individuelles<br />

sont plus organisés que dans d’autres unités résidentielles.<br />

« On a la charte de bon voisinage qu’on a rédigée avec Actis. […] On a deux référents :<br />

le voisin d’à côté, M. B., <strong>et</strong> moi. Le voisin d’à côté s’occupe de tout ce qui est, entre<br />

guillem<strong>et</strong>s, techniques, <strong>et</strong> moi de tout ce qui est, on va dire, social. Par exemple, les<br />

<strong>espaces</strong> n’ont pas été faits alors qu’on paie <strong>des</strong> charges, je vais téléphoner. Y a un<br />

problème avec les arbres qui tombent chez nous, là, c'est M. B. qui intervient pour leur<br />

dire vraiment ce qu’il y a comme souci. On est organisés comme ça. Mais dans l’unité<br />

d’en face, y a pas c<strong>et</strong>te organisation, parce que par rapport à nous, déjà ils sont plus<br />

nombreux. »<br />

Ei24, Femme, 29 ans, maison individuelle, anc. 3 ans.<br />

« P<strong>et</strong>it à p<strong>et</strong>it, c'est ce qu’on est en train de construire avec, par le biais d’Actis, <strong>et</strong> les<br />

réunions qu’on fait ensemble pratiquement tous les trimestres. Si je n’assiste pas aux<br />

réunions, on me fait part du compte-rendu de la réunion. »<br />

Ei27, Femme, 30 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

ARANTES Laëtitia 181


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

On r<strong>et</strong>rouve ici l’idée communément admise selon laquelle les relations au sein de p<strong>et</strong>its groupes<br />

seraient spontanément plus faciles, plus affectives, plus solidaires que celles établies dans les<br />

grands groupes. Ainsi, la qualité de l’échelle architecturale de ces quelques p<strong>et</strong>ites résidences a<br />

tout de la « noblesse de la p<strong>et</strong>itesse » 366 d’Henry Raymond <strong>et</strong> semble constituer un support<br />

opportun pour le développement <strong>et</strong> l’entr<strong>et</strong>ien de la convivialité.<br />

Ainsi, l’<strong>appropriation</strong> est donc à prendre, pour les professionnels de l’aménagement, dans un<br />

sens restreint : par le regard, par le passage, essentiellement. L’<strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong><br />

communs, dans le cas de Teisseire, peut apparaître également comme le fait de maintenir les<br />

améliorations, en misant sur une régulation interne <strong>et</strong> une protection vis-à-vis d’éventuelles<br />

agressions venant de l’extérieur. Ces agressions peuvent prendre <strong>des</strong> formes diverses : entre<br />

l’acte incivil le plus basic, comme j<strong>et</strong>er un papier par terre, <strong>et</strong> l’acte de vandalisme, comme crever<br />

les pneus d’une voiture, pour les Teisseirois, la différence est mince.<br />

3.3. Le quartier Teisseire : quelles « sociabilités » pour quels <strong>espaces</strong> ?<br />

Néanmoins, la notion de résidence ne se construit pas seulement en référence au modèle de la<br />

« résidence privée », de la privacité ou de l’<strong>appropriation</strong>. « Le principe de l’unité résidentielle à<br />

l’œuvre dans la résidentialisation se fonde également sur l’idée d’une sociabilité de voisinage<br />

renouvelée <strong>et</strong> sur les vertus sociales de la proximité » 367.<br />

En ce sens, toujours dans notre optique d’analyse <strong>des</strong> discours populaires, les lieux décrits par<br />

les habitants sont extrêmement importants, puisqu’ils constituent <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> de « sociabilité »,<br />

où on peut réunir, comme le fait Weber, « l’ensemble <strong>des</strong> structures communément appelées<br />

sociales, c’est-à-dire tout ce qui se trouve entre les pouvoirs organisés <strong>et</strong> reconnus (l’Etat, la<br />

commune, l’Eglise) <strong>et</strong> la communauté familiale » 368. La définition <strong>des</strong> lieux de sociabilité regroupe<br />

donc tous les <strong>espaces</strong> où les individus peuvent entrer en relation, hors de toute structure<br />

préétablie. Ces lieux sont relativement nombreux, <strong>et</strong> vont d’un cinéma à un commerçant, en<br />

passant par un ascenseur ou une association de loisirs. La présence de tels lieux perm<strong>et</strong> de<br />

tisser une certaine interconnaissance, <strong>et</strong> est la condition nécessaire à l’existence de relations<br />

entre les habitants.<br />

Voués à séparer l’espace privé <strong>et</strong> l’espace public, les <strong>espaces</strong> résidentiels introduits par la<br />

résidentialisation perm<strong>et</strong>tent une mise à distance de « l’espace pour tous » par rapport aux<br />

logements. En ce sens, ils peuvent être perçus comme <strong>des</strong> lieux de sociabilité, <strong>des</strong> nouveaux<br />

lieux de relations entre les habitants de Teisseire.<br />

366 Cité par GOURCY (De) C., PINSON D., op.cit., page 183.<br />

367 GUIGOU B., LELEVRIER C., op.cit., page 72.<br />

368 Extrait de la définition de « Sociabilité », Dictionnaire de la Sociologie, p 480.<br />

ARANTES Laëtitia 182


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Pourtant, si l’on s’en tient aux paroles <strong>des</strong> habitants rencontrés lors de notre enquête, <strong>et</strong> comme<br />

nous avons déjà commencé à l’évoquer dans la partie précédente, les lieux de sociabilité ne sont<br />

pas si évidents à construire.<br />

3.3.1. 3.3.1. 3.3.1. Les Les relations relations entre entre voisins voisins d’une d’une même même même résidence résidence : : entre entre entre distance distance cordiale<br />

cordiale<br />

<strong>et</strong> <strong>et</strong> prévention prévention prévention <strong>des</strong> <strong>des</strong> conflits conflits. conflits<br />

Dans c<strong>et</strong>te optique, les relations de voisinage au sein <strong>des</strong> unités résidentielles réalisées à<br />

Teisseire constituent donc un <strong>des</strong> axes d’analyse du travail de terrain.<br />

L’objectif est ici de percevoir comment l’espace résidentiel introduit par la résidentialisation<br />

« régionalise » 369 les relations entre les habitants. Il s’agit alors d’observer les attitu<strong>des</strong> <strong>et</strong><br />

comportements empruntés par les habitants d’une même résidence, que ce soit vis-à-vis de leur<br />

environnement résidentiel proche ou entre eux : coprésences, croisements, évitements,<br />

rencontres, échanges, salutations, médisances… autant de manifestations de présences <strong>et</strong> de<br />

relations que la résidentialisation avait comme ambition de modifier. Qu’en est-il à Teisseire ?<br />

Quels sont les eff<strong>et</strong>s de la résidentialisation sur les rapports entre voisins ?<br />

Les habitants distinguent assez bien les relations de voisinage au sein de leur immeuble de<br />

l'ambiance générale de la cité. La relation de voisinage a sa propre spécificité <strong>et</strong> son propre mode<br />

de fonctionnement. Elle varie notamment dans son contenu, dans la fréquence <strong>des</strong> contacts, <strong>et</strong><br />

dans son intensité, « sous l’eff<strong>et</strong> de nombre de déterminants sociaux-démographiques qui se<br />

combinent avec <strong>des</strong> déterminants spatiaux (type d'habitat, taille de la ville <strong>et</strong>c.) <strong>et</strong> avec<br />

l'ancienn<strong>et</strong>é dans l'habitat (il faut du temps pour que ces relations se construisent <strong>et</strong><br />

éventuellement s'approfondissent) » 370. Et les relations de voisinage sont d'autant plus intenses<br />

qu'on partage le même mode de vie, les mêmes valeurs relatives à la vie privée <strong>et</strong> domestique,<br />

qu'on appartient au même groupe social, <strong>et</strong>c. Dans une société qui valorise fortement le libre<br />

choix personnel de ses relations, le voisin est justement celui qu'on ne choisit pas<br />

personnellement (même si on choisit un quartier en fonction de ce que l'on peut savoir de son<br />

peuplement <strong>et</strong> donc de ses expectatives).<br />

Des Des relations relations relations peu peu approfondies, approfondies, mai mais mai s en général général cordiales cordiales. cordiales cordiales<br />

En ce qui nous concerne, les habitants interrogés à Teisseire ne témoignent pas de relations de<br />

voisinage qui soient différentes de ce que l'on trouve dans toutes les enquêtes sur le suj<strong>et</strong>. Ils<br />

369 GOURCY (De) C., PINSON D., op.cit., page 172.<br />

370 DUSSART B., LEVY-VROELANT C., FREY J.P., Les enjeux de la « résidentialisation » <strong>des</strong> cités HLM. Analyse <strong>des</strong><br />

usages <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> intermédiaires dans une cité de Seine-Saint-Denis, op.cit., page 138.<br />

ARANTES Laëtitia 183


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

définissent leurs voisins par la mitoyenn<strong>et</strong>é ou la proximité de leurs logements (palier, <strong>des</strong>sus,<br />

<strong>des</strong>sous), le cadre ne dépassant jamais celui de l'immeuble.<br />

Ce qui revient assez systématiquement dans les discours <strong>des</strong> Teisseirois, c'est que les relations<br />

entre voisins sont très peu approfondies, même depuis la résidentialisation. Les seules relations<br />

de voisinage évoquées consistent en un simple « bonjour-bonsoir » au croisement d’une allée ou<br />

dans le hall d’entrée.<br />

« Nous les gens, c'est juste bonjour-bonsoir. […] On ne traîne pas nous dans le<br />

quartier. »<br />

Ei21, Couple, 32 <strong>et</strong> 37 ans, résidence, tour, anc. 8 ans.<br />

« Ici, quand je vois les personnes, je dis bonjour. Point final. »<br />

« Ici, on ne peut pas trop avoir d’amitié avec eux. C'est bonjour-au revoir. »<br />

Ei14, Homme, 38 ans, résident, barre, anc. 18 ans.<br />

« Avec les voisins, on se dit bonjour. En fait, je connais pas tout le monde, mais on se<br />

dit bonjour dans l’ascenseur. »<br />

Ei12, Femme, 22 ans, résidente, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

« Vous savez, moi, j’ai ma vie. Les gens se préoccupent d’eux, <strong>et</strong> puis, c'est tout. Si on<br />

me demande un service, je le fais, mais c’est tout. »<br />

Ei16, Femme, 82 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Ni copinage, ni amitié. Finalement, personne ne rentre dans la vie de l’autre, à moins qu’ils<br />

n’habitent le même palier ou qu’ils se connaissent depuis un certain moment. Une fois de plus, le<br />

schéma se reproduit : les relations de voisinages s’installent avec l’ancienn<strong>et</strong>é.<br />

« Des fois, on discute avec quelques-uns sur le banc dehors. A part ça, c'est tout. A part<br />

avec ma voisine d’en face. Mais elle était jeune quand on l’a connue, elle avait 16 ans.<br />

Elle habitait avec ses parents. Elle en a 60 maintenant. Les autres, c'est bonjourbonsoir,<br />

sans plus. »<br />

Ei19a, Couple, 81 <strong>et</strong> 80 ans, résidence à vendre, barre, anc. 46 ans.<br />

« Les relations avec les voisins, ça va. Je connais deux personnes, qui habitaient avec<br />

moi à Lafourcade ; j’avais demandé au bailleur qu’ils me suivent, ma voisine d’en face<br />

<strong>et</strong> ma voisine du <strong>des</strong>sus. Mais les autres personnes, je les connais de vue. […] Les<br />

autres qui, entre guillem<strong>et</strong>s, sont nouvelles, y a pas de rapport qui se fait. Comme elles<br />

se connaissent déjà toutes, elles restent ensemble. Elles ne cherchent pas à parler. »<br />

Ei10, Femme, 46 ans, résidente, barre, anc. 46 ans.<br />

« Les voisins, je les connais, mais je ne vais pas chez eux. Sauf avec la voisine d’en<br />

face. Je reçois juste ma voisine de pallier. »<br />

Ei8, Femme, 56 ans, résidence la plus récente, barre, anc. 30 ans.<br />

Mais les relations ne sont pas mauvaises pour autant. Certes quelques désaccords existent, mais<br />

pas avec tous. Et d’une manière générale, tous apprécient la plupart de leurs voisins.<br />

« Tous les gens dans notre allée, y a pas de problème. Tous les gens sont bien. »<br />

Ei18, Couple, 48 <strong>et</strong> 35 ans, résidents, barre, anc. 12 ans.<br />

« Mais l’ambiance n’est pas mauvaise. »<br />

Ei16, Femme, 82 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

ARANTES Laëtitia 184


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« Ça m’arrive que les voisins soient dehors, <strong>et</strong> là je m’arrête pour discuter. »<br />

Ei8, Femme, 56 ans, résidence la plus récente, barre, anc. 30 ans.<br />

« Au niveau du voisinage, c'est super. Les quatre maisons, c'est génial. On est bien<br />

entourés. »<br />

Ei23, Homme, 54 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

« Avec les gens que je connais, l’ambiance est très bonne. Après avec certains,<br />

l’ambiance sera plus mauvaise. Chaque endroit, y a quelque chose. Sur dix personnes<br />

avec qui vous vous entendez, y en a une avec qui ça n’ira pas. »<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

La convivialité de voisinage que perm<strong>et</strong>trait un réaménagement <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> communs a ainsi<br />

quelques limites, qui sont celles inhérentes aux formes même de la sociabilité de voisinage. Il y a<br />

un équilibre à trouver entre la nécessité de la communication <strong>et</strong> le plaisir, ou le sentiment de<br />

sécurité, qu’on peut en r<strong>et</strong>irer, <strong>et</strong> le besoin de limiter c<strong>et</strong>te communication afin qu’elle ne<br />

déborde pas sur l’espace privé, physiquement <strong>et</strong> symboliquement.<br />

Les Les problèmes problèmes dans dans la la la résidence résidence : le le besoin de conformation<br />

conformation.<br />

conformation<br />

« Les pratiques consensuelles de cohabitation restent les plus mal connues ; ne<br />

faisant jamais l’obj<strong>et</strong> de discours directs, elles ne sont perceptibles qu’en négatif, au<br />

hasard <strong>des</strong> archives laissées par quelques transgressions » 371 .<br />

Le cas de Teisseire n’est pas une exception. D'une façon générale, c'est la tranquillité qui qualifie<br />

d'abord les bonnes relations de voisinage <strong>et</strong> qui peut s'opposer à ce qui est désigné sous le terme<br />

« d’ambiance » du quartier. Finalement, il y a problème lorsque les voisins ont un comportement<br />

qui s’écarte de la réserve que l'on attend justement d'un voisin. La sal<strong>et</strong>é ou la propr<strong>et</strong>é a, par là-<br />

même, une incidence à la fois immédiatement visible <strong>et</strong> permanente, quant à ses eff<strong>et</strong>s de<br />

confort, de gêne, ou même pour la « réputation » de la résidence. Le manquement aux règles est<br />

souligné par ceux-là mêmes qui s’efforcent de respecter l’autre dans leur mode d’habiter.<br />

« Le monsieur là, il balançait <strong>des</strong> choses par les fenêtres, <strong>des</strong> couches, <strong>des</strong> chaises.<br />

Nous, on n’était pas contents, parce qu’on ne faisait pas ça. Et on aimerait que les<br />

autres fassent pareil. […] Parce que c'est honteux quand même, de j<strong>et</strong>er les cigar<strong>et</strong>tes<br />

par les fenêtres. Parfois, moi, je passe, <strong>et</strong> j’attrape quelque chose dans la figure. »<br />

Ei8, Femme, 56 ans, résidence la plus récente, barre, anc. 30 ans.<br />

« Et puis, j’avais signalé il y a x temps que le fameux voisin avait fait pipi dans l’allée ;<br />

je l’avais entendu. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

« Tout ce qui est extérieur, ils ont fait <strong>des</strong> trucs magnifiques. Même dans les<br />

appartements, ils rénovent <strong>et</strong> tout. C'est bien. Mais à mon avis, les gens, le<br />

pourcentage, à mon avis, doit être fait de gens qui s’amusent à dégrader tout ce qui ne<br />

leur appartient pas. »<br />

Ei23, Homme, 54 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

371 ZELLER O., « Espace privé, espace public <strong>et</strong> cohabitation », in HAUMONT B., MOREL A., op.cit., page 188.<br />

ARANTES Laëtitia 185


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Les chartes de bon voisinage ne sont pas respectées, les habitants l’affirment :<br />

« Les chartes, il faut savoir les faire respecter mais… »<br />

Ei19b, Homme, 50 ans, résident, anc. 35 ans.<br />

Le voisin est donc potentiellement « à risque » puisqu'il peut, éventuellement, vous rendre la vie<br />

impossible par ses comportements intrusifs, le bruit en particulier, d'autant plus insupportable<br />

lorsqu'il témoigne d'un mode de vie jugé non conforme aux normes sociales du « bien habiter »,<br />

qui impliquent entre autre une certaine discrétion dans le domaine <strong>des</strong> pratiques de la vie privée.<br />

Mais, finalement, les gens s’efforcent de tolérer ces écarts à la norme sociale qu’ils ont fait leur<br />

<strong>et</strong> qu’ils considèrent comme socialement légitime. Toutefois, l’eff<strong>et</strong> recherché dans c<strong>et</strong>te<br />

indulgence est finalement une « mise à distance » 372 de l’individu irrespectueux, <strong>et</strong> par là-même,<br />

une prévention <strong>des</strong> conflits ouverts <strong>et</strong> de leur éventuelle escalade.<br />

« Mais on ne dit rien, parce que si on dit quelque chose, après ils font la bagarre, ils<br />

vont rayer la voiture. »<br />

« Ici c'est calme. Parfois y a celui là-bas qui crache <strong>des</strong> fois dans la montée, mais on ne<br />

dit rien, c'est mieux, comme ça, y a pas de problème. »<br />

Ei8, Femme, 56 ans, résidence la plus récente, barre, anc. 30 ans.<br />

« Le quartier a bien changé. Au niveau sécurité, au niveau du bruit, en ce moment y a<br />

<strong>des</strong> problèmes. Y a tout qui brûle. Avant, quand ça se passait, on se battait puis c'était<br />

fini. Maintenant, on élève un peu trop la bouche, le lendemain, la voiture est brûlée, on<br />

ne sait pas qui c'est. C'est souvent comme ça. »<br />

Ei19b, Homme, 50 ans, résident, anc. 35 ans.<br />

Par ailleurs, ces relations existaient déjà avant le temps <strong>des</strong> résidences. Et encore maintenant,<br />

elles ne suffisent pas totalement à renforcer les dynamiques de groupe <strong>et</strong> à construire les<br />

décisions communes à l’ensemble <strong>des</strong> co-résidents. Bien au contraire, les paroles d’habitants en<br />

témoignent : la plupart du temps, les décisions sont prises par un p<strong>et</strong>it groupe de quatre ou cinq<br />

résidents. Avec la résidentialisation, même si les exigences de propr<strong>et</strong>é, d’hygiène <strong>et</strong> de respect<br />

de certains ont augmenté, elles se heurtent au « je-m’en-foutisme » <strong>des</strong> autres qui font que ces<br />

relations résidentielles sont souvent loin d’être idylliques.<br />

Ainsi, dans l’idéale résidence <strong>des</strong> personnes interrogées, la résidence <strong>et</strong> ses cohabitants doivent<br />

se soum<strong>et</strong>tre à un « ordre de conformation » 373. Mais, malgré la cohabitation au sein d’une même<br />

unité résidentielle, malgré l’instauration d’une charte de bon voisinage – sorte de règlement<br />

intérieur commun à tous les résidents, <strong>et</strong> d’ailleurs rédigée en partie par ces derniers –, certains<br />

habitants ont toujours les mêmes pratiques qu’avant, ce qui ajoute aux relations de voisinage un<br />

certain ressentiment <strong>et</strong> une amertume de la part de ceux qui ont accepté de jouer le jeu de la<br />

372 GOURCY (De) C., PINSON D., op.cit., page 171.<br />

373 Ibid., page 176.<br />

ARANTES Laëtitia 186


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

transformation en « résident ». Pourtant, plus qu’au respect d’un règlement de cohabitation, la vie<br />

de résident, comme celle de locataire ou de simple « habitant » 374, tient davantage à une « culture<br />

citadine progressivement acquise » 375. Et c'est c<strong>et</strong>te « urbanité » qui semble manquer chez<br />

certains Teisseirois. D’ailleurs certains nous le diront : comment inculquer de nouvelles valeurs à<br />

<strong>des</strong> habitants qui jusque-là ne les m<strong>et</strong>taient pas en pratique, voire même qui ne savaient pas<br />

qu’elles étaient d’usage dans toute cohabitation ?<br />

Proximité Proximité spatiale spatiale <strong>et</strong> <strong>et</strong> distance distance sociale sociale : : ce ce qui qui sépare sépare les les résidents résidents d’une d’une d’une même même unité unité. unité<br />

Mais la qualité <strong>des</strong> relations de voisinage est aussi évaluée par les habitants en fonction de<br />

différences entre les individus : en fait cela veut dire que pour que les relations de voisinage<br />

soient bonnes, il faut que les voisins eux-mêmes ne soient pas trop différents.<br />

« Moins prévenus que les sociologues qui s’obstinent à voir dans le rapprochement<br />

spatial <strong>des</strong> classes sociales les prémisses <strong>et</strong> la garantie d’un rapprochement social,<br />

les habitants <strong>des</strong> grands ensembles thématisent pourtant le rapport à c<strong>et</strong>te situation<br />

exceptionnelle de coexistence. » 376 .<br />

La différence peut être d’ordre culturel ou <strong>et</strong>hnique.<br />

« Ça Ça vous vous arrive arrive de de manger manger manger les les uns uns chez chez les les autres autres ?<br />

Non, parce que je pense que… Enfin, avec mon voisin du bout oui. Mais, mes deux<br />

voisins qui m’encadrent, c'est un peu plus difficile. Du moment que c'est pas la même<br />

religion, y a déjà pas ce… C'est pas le même galon, on ne rentre pas dans le même<br />

galon. Mais autrement, on se côtoie comme ça dans la rue, mais bon, on n’a pas fait<br />

d’affinités, si vous voulez, au niveau familial. Lui ne vient pas chez moi, moi, je ne vais<br />

pas chez lui, par exemple. »<br />

Ei23, Homme, 54 ans, maison individuelle, anc. 5 ans.<br />

Mais pas seulement : une famille avec <strong>des</strong> jeunes enfants peut très bien constituer un voisinage<br />

problématique pour ceux qui n'en ont pas même si les deux ménages appartiennent à la même<br />

catégorie sociale, un jeune couple qui invite beaucoup peut gêner <strong>des</strong> personnes plus âgées, <strong>et</strong>c.<br />

Notamment, d’après le ménage 28, les relations dans l’ensemble de la résidence sont plus que<br />

satisfaisantes. Et ce qui crée ce lien si particulier entre les habitants, c'est qu’ils constituent tous<br />

<strong>des</strong> familles avec <strong>des</strong> enfants en bas âge.<br />

374 Habiter. « Fait de rester dans un lieu donné <strong>et</strong> d’occuper une demeure », selon le dictionnaire de l’habitat <strong>et</strong> du<br />

logement. Un habitant est donc l’occupant, c'est-à-dire celui qui réside dans un logement, qu’il en soit le propriétaire ou<br />

le locataire. Mais pas seulement. Habiter un lieu, c’est aussi, pour l’occupant, y être actif, le qualifier, le constituer.<br />

L’occupant est en fait l’acteur de son logement : il en définit les limites, l’intérieur <strong>et</strong> l’extérieur ; il en module ainsi<br />

l’ouverture <strong>et</strong> de ce fait, l’hospitalité. Plus qu’un toit, chaque logement devient le centre d’un monde <strong>et</strong> le refl<strong>et</strong> de<br />

l’individu, de sa position sociale ; plus qu’un fait, habiter devient un comportement, un mode de vie, qui évolue.<br />

375 GOURCY (De) C., PINSON D., op.cit., page 171.<br />

376 CHAMBOREDON J.C., LEMAIRE M., op.cit., page 18.<br />

ARANTES Laëtitia 187


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« Le plus c'est déjà de s’entendre avec les voisins, parce que quand on s’entend pas<br />

avec les voisins, c'est pas facile. […] Mais ici, on ne se considère pas vraiment comme<br />

<strong>des</strong> voisins, on est plus tous comme <strong>des</strong> copains que comme <strong>des</strong> voisins. Dans l’allée,<br />

on a pratiquement que <strong>des</strong> familles. »<br />

Ei28, Femme, 22 ans, résidente, barre, anc. 3 ans.<br />

Le nom qu’ils ont donné à leur résidence en témoigne. D’ailleurs, il a fait le tour du quartier <strong>et</strong> est<br />

au cœur de nombreux propos.<br />

« Ici, c'est la résidence <strong>des</strong> P<strong>et</strong>its Cœurs. C'est là où il y a le plus d’enfants. »<br />

Ei28, Femme, 22 ans, résidente, barre, anc. 3 ans.<br />

« C'est les P<strong>et</strong>its Cœurs à côté. Parce que les enfants jouent toujours devant. Et pour<br />

eux, c'est leur cœur, quoi. C'est le cœur de leur unité. »<br />

Ei24, Femme, 29 ans, maison individuelle, anc. 3 ans.<br />

Mais quand dans certaines résidences, la particularité de la composition familiale rapproche,<br />

entre deux résidences, ce n’est pas toujours le cas, la question de l’éducation <strong>des</strong> enfants<br />

devenant en quelque sorte le support de dénonciation de certains habitants, de leur mode de vie,<br />

<strong>et</strong> de leurs pratiques.<br />

« On n’a pas vraiment la même mentalité au niveau éducation <strong>des</strong> gosses. Donc moi,<br />

j’ai pas vraiment envie que les gosses viennent boire les bouteilles de coca, puis qu’ils<br />

les laissent traîner par terre. Nous, on les dispute nos enfants, c'est pas pour que… »<br />

Ei24, Femme, 29 ans, maison individuelle, anc. 3 ans.<br />

Le voisin s’inscrit donc au cœur d’une tension entre proximité <strong>et</strong> distance. « La proximité induit<br />

<strong>des</strong> devoirs auxquels on choisit de se plier ou pas, mais elle s’accompagne également d’une<br />

distance, laquelle perm<strong>et</strong> de préserver l’intimité de chacun dans un contexte où la proximité du<br />

logement pourrait favoriser <strong>des</strong> possibilités de rencontres trop fréquentes » 377. Ces relations plus<br />

ou moins courtoises se déroulent sur un palier, dans le hall d’entrée, devant les boîtes aux<br />

l<strong>et</strong>tres... Mais ne nous y trompons pas. Même si les <strong>espaces</strong> communs, surtout intérieurs, sont le<br />

théâtre de rencontres fortuites, de bavardages courtois ou insurrectionnels, de regards qui en<br />

disent long, le collectif résidentiel s’y construit avant tout sur la scène <strong>des</strong> rapports de civilité,<br />

dans la régulation <strong>des</strong> usages, avant même toute forme construite de rapports de voisinage. Le<br />

vivre-ensemble <strong>et</strong> ses régulations reposent donc ici avant tout sur un régime de civilités encore<br />

en construction, parfois même à construire. Davantage que de sociabilité, où de véritables<br />

réseaux de connaissance se forment, il conviendrait peut-être donc simplement de parler ici<br />

d’interactivité.<br />

Mais alors, où se construisent les sociabilités de quartier à Teisseire, si ce n’est pas au sein <strong>des</strong><br />

résidences nouvellement réalisées ? Une partie de la réponse nous est apportée par les<br />

377 GOURCY (De) C., PINSON D., op.cit., page 182.<br />

ARANTES Laëtitia 188


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« anciens » du quartier, qui, malgré les changements dans la configuration du quartier <strong>et</strong> de<br />

certains <strong>espaces</strong> publics, continuent d’y vivre selon leurs anciennes pratiques : entourés <strong>des</strong><br />

personnes habituelles, ils se réunissent aux mêmes endroits qu’avant, nostalgiques d’un passé<br />

aux allures lointaines.<br />

3.3.2. 3.3.2. 3.3.2. Les Les sociabilités sociabilités sociabilités de de quartier quartier : : l’importance l’importance <strong>des</strong> <strong>des</strong> rréseaux<br />

r éseaux de connaissance.<br />

La multiplication <strong>des</strong> conflits <strong>et</strong> l’incapacité palpable pour les habitants du quartier à faire face à<br />

certains changements socio-spatiaux de Teisseire, m<strong>et</strong>tent en évidence l’extrême fragilité, voir<br />

l’absence totale, du « capital » de ces populations.<br />

Le capital selon Bourdieu est la capacité de dominer l’espace, notamment en s’appropriant<br />

(matériellement ou symboliquement) les biens rares (publics ou privés). C’est ce capital<br />

précisément qui perm<strong>et</strong> de tenir à distance les personnes <strong>et</strong> les choses indésirables tout en se<br />

rapprochant <strong>des</strong> personnes <strong>et</strong> <strong>des</strong> choses désirables. Ce capital est économique évidemment,<br />

mais aussi culturel <strong>et</strong> social. Selon Bourdieu, ce dernier, « capital social de relation ou de<br />

liaison », est l’un <strong>des</strong> plus important en terme d’occupation de l’espace. En eff<strong>et</strong>, parmi toutes les<br />

propriétés que suppose l’occupation légitime d’un lieu, il ne s’acquiert que par l’utilisation<br />

prolongée d’un lieu <strong>et</strong> la fréquentation suivie de ses occupants légitimes.<br />

A Teisseire, les relations de sociabilités sont aussi basées sur ce « capital social », que nous<br />

appellerons quant à nous les « réseaux de connaissance ». C'est ainsi que certains ne fréquentent<br />

pas le quartier, ou très peu, leur « capital social » n’habitant pas le quartier…<br />

« Je suis pas quelqu'un qui fréquente, moi. Mes fréquentations sont pas là. J’habite là,<br />

d’accord. Mais là, c’est mon hôtel quoi. »<br />

Ei1, Homme, 38 ans, résidence, barre, anc. 2 ans.<br />

« Nous, on est étudiants. Donc on n’est pas souvent là, on est toujours sur le campus.»<br />

Ei20, Homme, 21 ans, résident, barre, anc. 1 an.<br />

… <strong>et</strong> que d’autres affirment ne côtoyer que <strong>des</strong> personnes qui ont <strong>des</strong> préoccupations<br />

semblables aux leurs, comme la religion.<br />

« Je ne connais pas beaucoup de gens dans le quartier, à part les gens de la<br />

mosquée. »<br />

Ei12, Femme, 22 ans, résidente, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

A partir de ce nous avons pu observer lors <strong>des</strong> différentes visites du quartier, <strong>et</strong> surtout<br />

apprendre auprès <strong>des</strong> habitants de Teisseire, quatre « regroupements » ressortent dans le<br />

quartier : les anciens, les femmes avec <strong>des</strong> enfants, les hommes, les jeunes ; chacun de ces<br />

groupes se réunissant dans <strong>des</strong> lieux de prédilection qu’ils pratiquent depuis longtemps ou par<br />

agrément (pour les jeunes <strong>et</strong> les enfants).<br />

Dans les discours <strong>des</strong> habitants, peu de propos concernent <strong>des</strong> regroupements au sein<br />

d’associations, même si nous savons d’après le centre social, que beaucoup d’habitants<br />

ARANTES Laëtitia 189


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

participent à <strong>des</strong> activités, du genre théâtre-forum, grâce auxquels ils parlent de leur vie dans le<br />

quartier <strong>et</strong> partagent leurs sentiments <strong>et</strong> avis à ce suj<strong>et</strong>.<br />

D’une manière générale, lorsqu’elles évoquaient leurs activités dans le quartier, les personnes<br />

interrogées parlaient avant tout de leurs pratiques <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> publics.<br />

378.<br />

Les Les anciens anciens anciens <strong>et</strong> <strong>et</strong> le le « « banc banc de e ces dames » 378<br />

D’après les Teisseirois, les anciens du quartier se regroupent toujours au même endroit : les trois<br />

bancs situés à l’intersection <strong>des</strong> rues Georges L<strong>et</strong>onnelier <strong>et</strong> René Fernandat. Le schéma est<br />

toujours le même : M <strong>et</strong> Mme D. (le ménage 5a), qui habitent dans la barre rue René Fernandat<br />

depuis 4 ans, <strong>des</strong>cendent en début d’après-midi s’installer sur les bancs, Madame venant avec<br />

sa chaise « parce qu’elle pas s’asseoir sur les bancs » 379. Puis ils sont progressivement rejoints<br />

au fur <strong>et</strong> à mesure que la journée avance <strong>et</strong> que leurs acolytes en aient fini avec leurs<br />

occupations respectives.<br />

ILLUSTRATION 53 : LE « SALON » DU QUARTIER (1) 380 .<br />

« Et puis y a le groupe de Mme L. Là-bas, y a 3-4 bancs, y a pas mal de personnes<br />

âgées. »<br />

Ei10, Femme, 46 ans, résidente, barre, anc. 46 ans.<br />

« Y a un banc là-bas où y a toutes les mamies qui ont 80 <strong>et</strong> quelques années qui ont<br />

toujours habité là <strong>et</strong> qui se réunissent tous les jours. »<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

« Ces bancs, c'est nos bancs, notre salon. Et ça, ça peut pas changer. Ces bancs, c'est<br />

le carrefour de la rue Fernandat, de la rue L<strong>et</strong>onnelier, de l’avenue Paul Cocat. Vous<br />

voulez voir madame X, allez donc sur le banc, elle doit y être. Vous voulez voir madame<br />

Y, allez voir sur le banc, elle doit être. C'est là qu’on va nous trouver quoi. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

378 Terme employé par M. Destot, maire de Grenoble, en ce qui concerne les bancs sur lesquels se r<strong>et</strong>rouvent nombre<br />

de personnes âgées depuis <strong>des</strong> années.<br />

379 Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

380 Photographie personnelle, avril 2007.<br />

Le chiffre entre parenthèses perm<strong>et</strong> de situer la photo sur la carte qui apparaît quelques pages plus loin.<br />

ARANTES Laëtitia 190


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

« Là, moi, j’appelle ça le coin p<strong>et</strong>it salon, avec les bancs. On s’y r<strong>et</strong>rouve. Si j’ai 5<br />

minutes, je m’arrête un p<strong>et</strong>it moment, pour échanger quelques mots. Bien souvent ils<br />

fêtent les anniversaires <strong>des</strong> gens. »<br />

Ei7, Femme, 70 ans, première résidence, barre, anc. 41 ans.<br />

Le temps passe, les uns arrivent, tandis que les autres repartent. Les gens se croisent, s’arrêtent,<br />

se saluent, discutent, échangent parfois que quelques mots, parfois plus… Dans la plupart <strong>des</strong><br />

cas, ils se connaissent depuis <strong>des</strong> années, mais aucun n’est contre une venue nouvelle. Bien au<br />

contraire…<br />

« C'est toujours les habitués. C'est toujours les mêmes habitants qui <strong>des</strong>cendent<br />

s’asseoir sur les bancs. […] C'est un point de repère, si on veut nous trouver. […] Ces<br />

bancs, si on nous les enlevait, on serait malheureux. »<br />

« Sur le banc, on pourrait écrire un livre. Sur le banc, c'est <strong>des</strong> gens qu’on connaît<br />

depuis longtemps. Puis y a <strong>des</strong> gens qui se raccrochent. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

« C'est <strong>des</strong> gens qui se connaissent depuis longtemps. Les nouveaux, la nouvelle<br />

génération, ils sont plus souvent enfermés chez eux, avec leur travail. Y a pas<br />

beaucoup de communication. »<br />

Ei7, Femme, 70 ans, première résidence, barre, anc. 41 ans.<br />

« C'est <strong>des</strong> gens qu’on connaît depuis longtemps. Mais y a toujours une personne en<br />

plus. »<br />

« C'est ça le contact à Teisseire. […] Ici c'est la famille. Vous partagez tout ici. […] C'est<br />

<strong>des</strong> liens comme ça. Les gens passent dans la rue, s’arrêtent un court instant pour<br />

dire bonjour. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Chaque après midi, ce p<strong>et</strong>it bout de quartier s’anime <strong>des</strong> suj<strong>et</strong>s de discussions qui réunissent ces<br />

anciens depuis <strong>des</strong> générations : assez souvent, il s’agit de nourriture…<br />

« Depuis longtemps on fait <strong>des</strong> repas, on <strong>des</strong>cend à boire, à manger, on fête les<br />

anniversaires. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Mais, les autres habitants aiment à dire que ce qui réunit ces anciens, c'est surtout les histoires<br />

de quartier, les rumeurs…<br />

« Les bancs qui sont de l’autre côté de la rue, c'est souvent <strong>des</strong> personnes âgées qui<br />

sont là. C'est un peu un arbre à palabre. C'est souvent <strong>des</strong> Italiens qui sont là, mais y a<br />

de tout, ça se mélange un peu quand même. Elles sont souvent là l’après midi quand il<br />

fait chaud, elles sont souvent à l’ombre. C'est souvent <strong>des</strong> femmes qui se m<strong>et</strong>tent là<br />

pour bavarder, tout ça. Mais vraiment <strong>des</strong> personnes âgées, je dirais plus 60 ans. »<br />

Ei12, Femme, 22 ans, résidente, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

Mais une chose est sûre : malgré les changements, ce p<strong>et</strong>it groupe d’anciens persiste…<br />

« Les machins de résidence, ça a coupé les relations entre les gens. Ici, ça n’a pas<br />

coupé, parce que dans la montée c'est surtout <strong>des</strong> anciens. »<br />

Ei7, Femme, 70 ans, première résidence, barre, anc. 41 ans.<br />

ARANTES Laëtitia 191


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Les Les femmes femmes <strong>et</strong> <strong>et</strong> leurs leurs enfants enfants en en bas bas âge âge : : toujours toujours sur sur les les terrains terrains de de jeux jeux. jeux<br />

« Teisseire est un quartier familial ». Voici ce que beaucoup nous ont dit. Si l’on s’attache à<br />

observer les usages <strong>et</strong> pratiques <strong>des</strong> mères de famille, on observe que ces dernières se<br />

r<strong>et</strong>rouvent souvent dans les <strong>espaces</strong> communs conçus pour accueillir <strong>des</strong> pratiques de loisirs ou<br />

de convivialité. Terrains de jeux, <strong>espaces</strong> verts, plus ou moins sécurisés, ils sont nombreux sur le<br />

quartier <strong>et</strong> font le bonheur <strong>des</strong> plus p<strong>et</strong>its.<br />

« Y a beaucoup d’activités. Et puis, à côté, la Maison de l’Enfance fait beaucoup de<br />

sorties, beaucoup pour… ‘Fin, pour les enfants c’est très bien. Pour les enfants, on va<br />

au parc Mistral. Autrement, ici, y a les jeux derrière. »<br />

Ei21, Couple, 32 <strong>et</strong> 37 ans, résidence, tour, anc. 8 ans.<br />

« Tous les après midi, on va dans la p<strong>et</strong>ite cour, là derrière. On y va plus souvent que<br />

dans le parc d’à côté. Parce qu’en fait, là, si on ferme la grille-là, on voit les enfants, où<br />

ils vont. Moi, je sais qu’ils vont jusqu’au bout, là où il y a les garages. Jusque là on les<br />

voit, alors que dans le parc, nous on cherche tout le temps un coin à l’ombre ; les<br />

enfants, s’ils partent, on ne voit pas s’ils sont sur la route parce que tout le tour du<br />

parc, c'est de la route. »<br />

Ei28, Femme, 22 ans, résidente, barre, anc. 3 ans.<br />

C'est ainsi que les mères de familles se réunissent autour <strong>des</strong> enfants <strong>et</strong> font de c<strong>et</strong>te manière<br />

connaissance, lorsqu’elles ne se connaissent déjà pas.<br />

« Après, Catherine, elle se m<strong>et</strong> là-bas, au fond du jardin, y a deux bancs aussi, au fond<br />

de la place du Bassin. Y a aussi un groupe de femmes qui est là. Puis, c'est toujours<br />

les mêmes qu’on r<strong>et</strong>rouve. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

« Les groupes de femmes, ils sont dans le parc là, près du bassin. »<br />

Ei10, Femme, 46 ans, résidente, barre, anc. 46 ans.<br />

« Ils ont fait un autre parc là, juste derrière, au stade blanc. Il est bien celui-là, aussi.<br />

[…] Y a plus de jeux. C'est adapté à tous les enfants. Nous ici, y a que trois jeux. […] Le<br />

stade blanc, il est ouvert, mais, en fait, y a <strong>des</strong> bancs juste devant pour les mamans.<br />

Donc un enfant, il part, on le voit. »<br />

Ei28, Femme, 22 ans, résidente, barre, anc. 3 ans.<br />

ILLUSTRATION 54 : LE TERRAIN BLANC (3) ET LE TERRAIN DE JEUX DE TEISSEIRE 2 (5). 381<br />

381 Photographie personnelle, avril 2007.<br />

ARANTES Laëtitia 192


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Le spectacle <strong>des</strong> enfants qui jouent est apprécié par les habitants. Mais, compte tenu du<br />

caractère ouvert de certains de ces <strong>espaces</strong>, c<strong>et</strong>te pratique apparaît fortement limitée dans<br />

certains parcs ou jardins.<br />

« Quand en fait, on est devant, c'est pas sécurisant du tout, parce qu’il faut vérifier<br />

toutes les deux minutes où sont les enfants, s’ils passent pas la route, si y a pas une<br />

voiture qui rentre à fond dans le parking. »<br />

« Là, on n’a qu’un seul parc derrière, mais il n’est pas fermé, alors si les enfants<br />

veulent partir sur la route… »<br />

Ei28, Femme, 22 ans, résidente, barre, anc. 3 ans.<br />

Mais aussi, parfois l'espace est jugé dangereux à cause de sa fréquentation, de sa proximité avec<br />

la route ; <strong>et</strong> est donc déserté par certains.<br />

« Ici, y a les jeux derrière. Mais bon, avec les chiens, les voitures, tout ça… »<br />

Ei21, Couple, 32 <strong>et</strong> 37 ans, résidence, tour, anc. 8 ans.<br />

Ainsi, les <strong>espaces</strong> <strong>des</strong>tinés aux loisirs <strong>et</strong> à la détente sont essentiellement pratiqués par les<br />

mères de famille <strong>et</strong> leurs enfants.<br />

« Après, quand on a <strong>des</strong> enfants, on sort plus. Là, y a un p<strong>et</strong>it parc, il est toujours<br />

blindé d’enfants, de mamans, donc c'est pas mal. Mais c'est vrai que comme nous on<br />

n’a pas d’enfant, on ne fait pas trop de trucs comme ça… »<br />

Ei12, Femme, 22 ans, résidente, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

Les Les hommes hommes se se se regroupent regroupent en en fonction fonction de de leur leurs leur origine origines. origine<br />

Le troisième regroupement identifié par les Teisseirois est le, ou plutôt les, regroupement<br />

d’hommes. En ce qui les concerne, ils se regroupent en fonction de leurs origines. C'est ainsi que<br />

dans leurs discours, les habitants séparent les Italiens, les Arabes, les Portugais…<br />

« Les hommes, ils s’assoient vers la Poste ou bien sur la place Allende, y a le groupe<br />

Arabes <strong>et</strong> le groupe Italiens. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

« Y a très, très, très peu de personnes qui vont sur la place. Y a un clan italien, un clan<br />

arabe, ils s’assoient sur <strong>des</strong> bancs ou autour d’un arbre. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Quant aux <strong>espaces</strong> dans lesquels ils se r<strong>et</strong>rouvent, ils sont essentiellement situés aux extrémités<br />

du quartier, dans <strong>des</strong> « pôles » stratégiques, car bien <strong>des</strong>servis ou proches <strong>des</strong> commerces : la<br />

place Salvador Allende ou près de l’arrêt de bus, à l’intersection de l’avenue Paul Cocat <strong>et</strong> la rue<br />

Léon Jouhaux.<br />

Laëtitia ARANTES 193


Les Les jeunes.<br />

jeunes.<br />

<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ILLUSTRATION 55 : LE CARREFOUR COCAT/JOUHAUX (7) ET LA PLACE SALAVDOR ALLENDE (6). 382<br />

Enfin, le dernier groupement identifié concerne les jeunes du quartier. L’avis <strong>des</strong> habitants est<br />

mitigé en ce qui les concerne : pour certains, il n’y a pas de jeunes dans le quartier ; il s’agit<br />

davantage d’enfants en bas âge ou de nourrissons.<br />

« Je ne vois pas beaucoup de jeunes, <strong>des</strong> ados. C'est soit <strong>des</strong> bébés, soit <strong>des</strong> p<strong>et</strong>its,<br />

soit <strong>des</strong> personnes âgées. »<br />

Ei12, Femme, 22 ans, résidente, construction nouvelle, anc. 3 ans.<br />

« On n’a pas d’adolescent dans notre quartier, ils sont encore p<strong>et</strong>its. »<br />

Ei24, Femme, 29 ans, maison individuelle, anc. 3 ans.<br />

Quelques habitants justifient c<strong>et</strong>te absence par la discrétion <strong>des</strong> jeunes qui cherchent toujours<br />

un endroit calme. Selon ces personnes, les squats existent toujours dans le quartier, surtout dans<br />

les immeubles encore en construction ou en cours de réhabilitation. 383 Il semblerait que les<br />

jeunes soient davantage « cachés » que totalement absent du quartier.<br />

« Y a pas mal de lieux de rencontres. Les jeunes on ne les voit pas tellement. Parce<br />

qu’ils cherchent toujours <strong>des</strong> endroits calmes, <strong>des</strong> endroits où ils sont en train de faire<br />

<strong>des</strong> travaux. Donc ils squattent vachement les immeubles qui sont en réhabilitation.<br />

Donc après, ils changent de coin. Avant c'était La Poste, après ça a été la pharmacie.<br />

Puis ça a été dans ce bâtiment-là. A Teisseire 2 aussi, y a pas mal de squat. Ils sont<br />

vers la tour qui est du côté de la place Salvador Allende. Ils viennent, ils squattent, ils<br />

m<strong>et</strong>tent <strong>des</strong> tables, barbecues, ils jouent aux cartes, aux dés… »<br />

Ei10, Femme, 46 ans, résidente, barre, anc. 46 ans.<br />

De l’autre côté, nombreux sont les habitants qui se plaignent de la présence trop forte <strong>des</strong> jeunes<br />

sur le quartier : que ce soit dans les rues ou dans les parcs, l’ensemble du quartier est soumis à<br />

382 Ibid.<br />

383 D’après ce que nous ont affirmé les directeurs de proj<strong>et</strong> urbain <strong>et</strong> social ainsi que la chargée de gestion <strong>des</strong> unités<br />

résidentielles, les squats ont pourtant diminué.<br />

Laëtitia ARANTES 194


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

l’énergie <strong>des</strong> jeunes, au bruit de leur scooter, à leur impolitesse. Ce dont se plaignent surtout les<br />

habitants, c'est l’absence de structure d’accueil pour ces jeunes en mal d’espace qui ne<br />

respectent pas leur environnement. En eff<strong>et</strong>, la Maison de la Jeunesse a été condamnée, <strong>et</strong> les<br />

habitants attendent encore la structure qui va la remplacer.<br />

« Faut pas rester dans tous les quartiers du monde, faut… Déjà faut occuper toute<br />

c<strong>et</strong>te jeunesse qui fout rien. S’ils avaient une maison <strong>des</strong> jeunes, je sais pas, un truc<br />

comme ça. Parce que tous les merdeux du coin, souvent, partout ils ont rien. »<br />

Ei4, Homme, 54 ans, première résidence, barre, anc. 20 ans.<br />

« Pour les jeunes, avant c'était bien, il y avait la Maison <strong>des</strong> Jeunes. Maintenant, y a<br />

que la Maison de l’Enfance. Mais il manque <strong>des</strong> choses pour les jeunes. De se<br />

r<strong>et</strong>rouver dans un local, ça manque quand même. »<br />

Ei7, Femme, 70 ans, première résidence, barre, anc. 41 ans.<br />

« Et dans le quartier, ce qui est déplorable, c'est qu’il n’y a plus aucune structure pour<br />

les jeunes. Y a pas de MJC. Y a le dispositif jeunesse qui, je trouve, trie un p<strong>et</strong>it peu les<br />

enfants. Ils font profiter le système du dispositif jeunesse, j’ai l’impression, toujours<br />

aux mêmes enfants. Y a la Maison de l’Enfance, mais bon, ceux qui ont 10-11 ans, ils<br />

ne s’y r<strong>et</strong>rouvent plus dans la Maison de l’Enfance. »<br />

Ei10, Femme, 46 ans, résidente, barre, anc. 46 ans.<br />

« Dans le quartier, j’aime pas les jeunes qui circulent avec <strong>des</strong> motos. Ici les jeunes<br />

font du bruit. En ce moment, c'est moins. Mais ils ont pas d’endroit pour s’occuper. Y a<br />

pas grand-chose. Il faut faire quelque chose pour les jeunes. »<br />

Ei18, Couple, 48 <strong>et</strong> 35 ans, résidents, barre, anc. 12 ans.<br />

« En fait, y a le CODASE <strong>et</strong> la Maison pour les p<strong>et</strong>its, <strong>et</strong> pour nous y a le CODASE <strong>et</strong> le<br />

Dispo. Mais il y a un manque de moyens. Et c’est vraiment ‘‘à l’arrache’’ : nous, on n’a<br />

vraiment pas de MJC. Avant, on en avait une dans la tour là devant. Elle était bien <strong>et</strong><br />

tout, mais ils l’ont enlevée. Et maintenant, on n’a plus grand chose en fait. C’est dur de<br />

partir d’ici, en voyage, parce qu’il n’y en a plus trop. »<br />

Ei22, Femme, 72 ans, résidente, tour, anc. 48 ans.<br />

Laëtitia ARANTES 195


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Pour résumer <strong>et</strong> resituer les lieux de rencontre recensés, voici une carte récapitulant les <strong>espaces</strong><br />

de regroupement sur le quartier :<br />

Les Les Les anciens anciens :<br />

1 : Les « bancs de ces dames ».<br />

Les Les Les hommes hommes :<br />

6<br />

6 : La place Salvador Allende.<br />

7 : Intersection Jouhaux/Cocat.<br />

5<br />

ILLUSTRATION 56 : LES LIEUX DE REGROUPEMENTS.<br />

Les Les femmes avec enfants enfants en bas âge âge :<br />

2 : Le jardin du Bassin.<br />

3 : Le terrain blanc.<br />

4 : Le Jardin <strong>des</strong> Buttes.<br />

5 : Terrain de jeux de Teisseire 2.<br />

Laëtitia ARANTES 196<br />

2<br />

1<br />

3<br />

4<br />

7


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

3.3.3. 3.3.3. 3.3.3. La La mémoire mémoire du du quartier : : le le fondement fondement de de la la vie vie vie de de quartier quartier. quartier<br />

Dans le quartier règnent donc de multiples réseaux d’interconnaissance : les hommes, les<br />

anciens, les femmes, les enfants, les jeunes, chacun a sa place dans le quartier <strong>et</strong> se donne le<br />

droit de l’occuper. Les différents <strong>espaces</strong> du quartier sont chaque jour investis par les différents<br />

acteurs de la vie de quartier : parcs, rues, bosqu<strong>et</strong>s, sur un banc ou au détour d’une rue, les<br />

Teisseirois s’adonnent à <strong>des</strong> relations de voisinage, c<strong>et</strong>te fois, à l’échelle du quartier. Et cela, ils<br />

ne doivent pas à la résidentialisation. Car selon eux, ces relations, c<strong>et</strong>te « chaleur humaine » 384<br />

existaient bien avant les premières résidences.<br />

Il s’agit donc maintenant de rendre compte de l’importance <strong>des</strong> facteurs de temps <strong>et</strong> de mémoire<br />

dans l’implication affective <strong>des</strong> habitants par rapport aux différents <strong>espaces</strong> <strong>et</strong> à leurs lieux de vie<br />

quotidiens.<br />

Teisseire Teisseire : : un un village où « tout tout le le monde monde se se connaît connaît ».<br />

».<br />

A Teisseire, ils ont été plusieurs à nous le confirmer : « tout le monde se connaît ».<br />

« Moi je parle avec tout le monde, parce que je connais tout le monde. Tout le monde<br />

me connaît. »<br />

Ei6, Homme, 44 ans, première résidence, barre, anc. 20 ans.<br />

« Là, toute la cité, on se connaît pratiquement tous. Et même malgré les travaux, on<br />

arrive à connaître pratiquement tout le monde. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

« Depuis 20 ans, on habite tous ici. Donc on se connaît tous. »<br />

« Je connais tout le monde. »<br />

Ei9, Femme, 23 ans, résidente, barre, anc. 23 ans.<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

A première vue, l’expression parle d’elle-même, mais quand on approfondit la chose, on se rend<br />

vite compte qu’elle n’est pas sans cacher une certaine ambiguïté. En eff<strong>et</strong>, contrairement aux<br />

apparences, elle ne signifie pas que chacun connaît chacun personnellement. Mais elle sous-<br />

entend que tout le monde sait à peu près qui est qui <strong>et</strong> que chacun peut identifier l’autre comme<br />

un habitant de Teisseire ou comme un inconnu. Au final, « tout le monde se connaît sans se<br />

connaître ».<br />

Nous avions parlé dans une précédente partie de la perception du quartier Teisseire comme un<br />

village. Et bien, c'est ici que la notion de village se conçoit par une « territorialité sociale<br />

gratifiante » 385, où tout le monde se connaît, <strong>et</strong> ce, depuis <strong>des</strong> générations. D’ailleurs, l’aspect<br />

384 Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, anc. 48 ans.<br />

385 DI MEO G., « Les paradigmes du quartier urbain », in Sciences de la Société, n°30, octobre 1993, page 65.<br />

Laëtitia ARANTES 197


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

intemporel se r<strong>et</strong>rouve dans les discours de certains qui regr<strong>et</strong>tent ce temps qu’ils n’ont pourtant<br />

pas connu, mais qui leur a été colportée par le discours <strong>des</strong> autres.<br />

« Au début, c'était différent de maintenant. C'était convivial. Tout le monde se parlait,<br />

tout le monde se côtoyait, tout le monde se connaissait. »<br />

Ei10, Femme, 46 ans, résidente, barre, anc. 46 ans.<br />

« Moi, je vois, mes beaux-parents habitent là depuis 35 ans, <strong>et</strong> de ce qu’ils m’ont<br />

raconté entre y a 35 ans <strong>et</strong> maintenant, y a rien à voir. Parce qu’ils étaient dehors, tout<br />

le monde s’entendait bien, ils se faisaient <strong>des</strong> barbecues, ils se faisaient <strong>des</strong> apéros.<br />

Ils se faisaient tout ça. Ils étaient surtout entre Italiens, Espagnols. C'était surtout un<br />

quartier d’immigrés. »<br />

Ei13, Femme, 31 ans, résidente, barre, anc. 12 ans.<br />

« Je vous dis, c'est le village, où tout le monde se connaît. Maintenant c'est toujours le<br />

même village. »<br />

Teisseire Teisseire : : uun<br />

u un<br />

n village lieu de sociabilité <strong>et</strong> <strong>et</strong> de de convivialité convivialité. convivialité<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

Personne n’est exclu du village qui, tel qu’il est conté par ses habitants les plus anciens,<br />

fourmillait de lieux où personne n’est exclu, ou tout le monde est le bienvenu. Ceci est rappelé<br />

par les mots « convivial », « intimité », « famille », récurrents dans de nombreux entr<strong>et</strong>iens.<br />

« Toute c<strong>et</strong>te histoire de nostalgie. Ce commerçant avec qui on était très liés. Et puis,<br />

nous, on était aussi très liés entre nous. »<br />

Ei11, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

« Tout en étant un grand espace, on était très famille, très soudé. »<br />

Ei29, Femme, 85 ans, première résidence, barre, anc. 48 ans.<br />

La notion de village se fonde donc ici sur le principe de temps partagé, <strong>et</strong> l’on glisse ici vers les<br />

concepts du familial <strong>et</strong> de l’intime. Les réseaux de voisinage <strong>et</strong> les lieux de rencontres sont<br />

importants : les « <strong>espaces</strong> libres » y sont racontés comme étant lieu central d’une « vie de<br />

quartier ».<br />

Ainsi, le village n’est pas à comprendre ici comme un terme technique, ou quantitatif. En réalité,<br />

ce qui se cache derrière le mot « village », <strong>et</strong> qui décrit le mieux la vision de Teisseire est une vie<br />

sociale dense. En eff<strong>et</strong>, « on se connaissait tous », « à Teisseire, on est très famille », « c’était plus<br />

convivial », toutes ces phrases marquent l’importance <strong>des</strong> réseaux de sociabilité qui ont perduré<br />

dans le temps <strong>et</strong> que nous avons pu appréciés lors de notre enquête. Plus qu’un simple quartier<br />

de grand ensemble, Teisseire s’est construit au fur <strong>et</strong> à mesure du temps comme un espace plus<br />

familial, intime, où s’étendent de multiples réseaux de connaissance, un espace d’entre-soi, un<br />

village populaire. Encore aujourd'hui, les réseaux de sociabilité n’ont que très peu changé sur les<br />

quartiers, les habitants étant plus que tout attachés à l’aspect « village » du quartier.<br />

Laëtitia ARANTES 198


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

3.4. Les lieux de sociabilités à Teisseire : conclusion.<br />

Pour les Teisseirois, le support spatial de leur sociabilité semble donc rester toujours <strong>et</strong> encore<br />

les <strong>espaces</strong> publics, même si grignotés d’un côté par les <strong>espaces</strong> intermédiaires <strong>et</strong> de l’autre par<br />

les constructions nouvelles. Fortement attachés au quartier, à ses <strong>espaces</strong> libres – attachement<br />

que les plus anciens ont su transm<strong>et</strong>tre aux plus jeunes – les Teisseirois ont conservé c<strong>et</strong> attrait<br />

pour les <strong>espaces</strong> publics du quartier. Ils continuent de s’y regrouper comme si le quartier n’avait<br />

pas changé, <strong>et</strong> ce, malgré les changements dans sa configuration.<br />

Il semble, non seulement, que l’<strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> lieux par la mémoire <strong>et</strong> l’enracinement <strong>des</strong><br />

populations favorise certainement les relations sociales, mais aussi que la plus ou moins grande<br />

ancienn<strong>et</strong>é dans le quartier ait une influence sur les rapports de sociabilité qui se déroulent dans<br />

les <strong>espaces</strong> de proximité. La connaissance <strong>et</strong> la compréhension de ce qui s’est passé auparavant<br />

sur un territoire constitue à Teisseire une référence commune indispensable à l’élaboration d’un<br />

consensus résidentiel, les <strong>espaces</strong> prenant dès lors tout leur sens aux yeux <strong>des</strong> habitants.<br />

Laëtitia ARANTES 199


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Conclusion Conclusion de la quatrième partie partie. partie<br />

Les quelques entr<strong>et</strong>iens réalisés auprès <strong>des</strong> Teisseire, leur diversité <strong>et</strong> la richesse de leur<br />

matériau nous ont donc permis d’avoir un premier aperçu de la « nouvelle vie » <strong>des</strong> Teisseirois<br />

dans leur quartier, en cours de résidentialisation.<br />

Conscients de la nécessité de l’intervention sur le quartier, les habitants de Teisseire ne sont<br />

pourtant pas entièrement d’accord avec le principe mis en œuvre sur le quartier. Certes la<br />

résidentialisation a embelli le quartier <strong>et</strong> lui offre une nouvelle image, une nouvelle attractivité.<br />

Mais ses eff<strong>et</strong>s sont encore incertains. Et les habitants s’interrogent notamment fortement sur la<br />

notion de résidence, <strong>et</strong> l’adéquation entre la résidence réalisée <strong>et</strong> leur représentation de la<br />

résidence idéale. Les Teisseirois ont leur conception de la résidence : clôture, portail sécurisé,<br />

systèmes multiples <strong>et</strong> variés de sécurisation, propr<strong>et</strong>é, calme… Tout autant de critères que les<br />

habitants exigent dans leur résidence, mais qui, pour le moment, n’apparaissent que<br />

ponctuellement.<br />

Un autre paradoxe clairement évoqué par les habitants de Teisseire réside dans l’ouverture du<br />

quartier proposée par le proj<strong>et</strong> de Philippe Panerai. La résidentialisation doit perm<strong>et</strong>tre une<br />

ouverture du quartier vers les quartiers environnants <strong>et</strong> vers le reste de la ville. Toutefois, étant<br />

donné les premières résidences <strong>et</strong> les eff<strong>et</strong>s qu’elles ont induits jusque-là sur l’espace, sur le<br />

quartier <strong>et</strong> sur ses habitants, ces derniers sont nombreux à penser que la résidentialisation a<br />

plutôt engendré <strong>des</strong> phénomènes de ferm<strong>et</strong>ures dans le quartier. Certes, Teisseire commence à<br />

s’ouvrir au reste de la ville <strong>et</strong> fait l’obj<strong>et</strong> désormais d’une meilleure attractivité, traduite<br />

notamment par une diminution <strong>des</strong> refus du quartier dans les deman<strong>des</strong> de logement ; toutefois,<br />

ponctuellement, au niveau de la résidence, <strong>et</strong> parfois même du logement, les individus se<br />

referment sur eux-mêmes. Le « repli sur soi » est donc l’un <strong>des</strong> premiers aspects négatifs<br />

identifiés par les habitants sur la résidentialisation du quartier.<br />

Par ailleurs, malgré les satisfactions quant au réaménagement <strong>et</strong> au nouvel esthétisme du<br />

quartier exprimés notamment autour de la verdure <strong>et</strong> <strong>des</strong> besoins <strong>des</strong> enfants, cela ne signifie<br />

pas pour autant que les habitants aient un usage très différent <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> communs extérieurs.<br />

Bien au contraire, souvent jugés trop p<strong>et</strong>its, mal aménagés, mal situés, ces <strong>espaces</strong> communs<br />

sont souvent désertés par les résidents, hormis les zones de stationnement résidentiel, qui font<br />

l’obj<strong>et</strong> de fortes controverses <strong>et</strong> de lour<strong>des</strong> discussions entre les habitants <strong>et</strong> les professionnels.<br />

Finalement, les Teisseirois continuent de vivre leur quartier de la même manière qu’ils l’ont<br />

toujours vécu : dans ces « <strong>espaces</strong> libres » devenus désormais <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> contraints par une<br />

nouvelle configuration <strong>des</strong> rues <strong>et</strong> traverses du quartier, <strong>et</strong> par de nouveaux aménagements.<br />

Mais peu importe. Le quartier reste le même. Avec ses anciens, témoins <strong>et</strong> colporteurs du passé.<br />

Avec son ambiance, familiale <strong>et</strong> chaleureuse. Avec ses réseaux de connaissance, moteur de<br />

l’attachement <strong>des</strong> habitants à leur quartier.<br />

Laëtitia ARANTES 200


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Conclusion.<br />

Conclusion.<br />

Au terme de ce travail, on aurait bien envie de lever le voile sur l’avenir du quartier Teisseire <strong>et</strong> de<br />

ses habitants pour savoir si le processus, dit de « résidentialisation », mis en route en 1996 aura<br />

contribué à améliorer la qualité d’usage <strong>des</strong> lieux <strong>et</strong> de relations entre les habitants.<br />

La résidentialisation. L’expression devrait paraître plus claire, maintenant que nous en avons<br />

défini la genèse, les principes, les intentions, <strong>et</strong> que nous avons même appuyé notre réflexion sur<br />

un exemple « original » 386, une « référence pour qui évoque le suj<strong>et</strong> de la résidentialisation » 387, le<br />

quartier Teisseire de Grenoble.<br />

Le proj<strong>et</strong> de l’architecte <strong>et</strong> urbaniste Philippe Panerai, en cours de réalisation sur ce quartier,<br />

résume en eff<strong>et</strong> assez bien les options choisies jusqu’à maintenant sur un grand nombre de sites<br />

résidentialisés, tant en ce qui concerne les intentions <strong>urbaine</strong>s <strong>et</strong> sociales, que les principes de la<br />

résidentialisation supposés y contribuer. R<strong>et</strong>rouver « un fonctionnement normal de quartier » 388<br />

pour le réinsérer dans la ville, l’ouvrir aux quartiers environnants, refaire de l’urbain là où l’on a<br />

que <strong>des</strong> juxtapositions de tours <strong>et</strong> de barres, recréer <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> privatifs appropriables par les<br />

habitants <strong>et</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> publics de qualité, tels sont les objectifs urbains assignés à la<br />

résidentialisation. Mais pas seulement. Si l’on écoute les professionnels, que ce soit l’urbaniste<br />

en chef, les directeurs de proj<strong>et</strong>, ou même les bailleurs, ces nouveaux <strong>espaces</strong> « résidentiels »<br />

n’ont pas pour seule vocation d’améliorer le cadre de vie dans le quartier. Dans les idéologies<br />

professionnelles, ces <strong>espaces</strong> visent également à accueillir les habitants dans une optique de<br />

rapprochement humain, en opposition à la mise à distance. Si ces <strong>espaces</strong> sont créés, c'est pour<br />

donner aux habitants un endroit opportun pour se rencontrer, discuter, échanger, dialoguer. Si<br />

ces <strong>espaces</strong> sont créés, c'est dans l’espoir qu’ils réuniront les habitants d’une même résidence<br />

autour d’une responsabilité commune.<br />

Ainsi, c<strong>et</strong>te nouvelle mode de transformer les quartiers sensibles en quartiers de résidences<br />

apparaît comme un moment fort dans une lente évolution <strong>des</strong> politiques de la ville. Certes. Mais<br />

en aucun cas, elle ne peut être comparée à un simple outil technique de l’action publique dans la<br />

politique de la ville. Bien au contraire. Sinon, il suffirait d’installer <strong>des</strong> clôtures, <strong>des</strong> portails, <strong>des</strong><br />

digico<strong>des</strong> ou interphones… pour délimiter clairement les <strong>espaces</strong> <strong>et</strong> « améliorer ainsi l’espace <strong>des</strong><br />

386 Entr<strong>et</strong>ien avec Cécile Allibe, op.cit.<br />

387 ALLIBE C., COPPE G., « Un proj<strong>et</strong> qui s’inscrit dans la durée », op.cit, page 77.<br />

388 PINEL V., « La résidentialisation. Remède au déficit d’urbanité ? », décembre 2001.<br />

Laëtitia ARANTES 201


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

cités » 389. Et hop ! Le tour est joué. Or la résidentialisation a c<strong>et</strong>te particularité d’apporter une<br />

réponse à la fois aux « pathologies » <strong>urbaine</strong>s <strong>des</strong> grands ensembles <strong>et</strong> à leurs « séquelles »<br />

sociales : population précaire, « violences <strong>urbaine</strong>s ».... Mais à la différence du modèle anglo-<br />

saxon, les aménagements proposés par la résidentialisation ne visent pas à instaurer un<br />

« contrôle social » <strong>des</strong> habitants sur les abords de leur immeuble. Leur optique est simplement<br />

l’<strong>appropriation</strong> <strong>et</strong> la solidarisation <strong>des</strong> habitants autour d’un espace désigné comme le leur, la<br />

force publique demeurant responsable de l’ordre dans les <strong>espaces</strong> publics.<br />

Mais Mais que que peut peut-on peut on dire aujourd’hui ?<br />

La résidentialisation est-elle spatiale ou sociale ? C<strong>et</strong>te intention de contrôle social, de contrôle<br />

de l’individu n’est-elle pas finalement légèrement présente dans les intentions françaises de<br />

résidentialisation ?<br />

Dans le cadre de notre enquête, l’interrogation porte sur les modalités d’<strong>appropriation</strong> <strong>et</strong><br />

d’usages <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> introduits par le processus de résidentialisation du quartier de grand<br />

ensemble Teisseire, à Grenoble. Mis en place en 1999, sa conception remonte en 1996, au<br />

moment de l’investiture de Michel Destot au poste de Maire de la Ville de Grenoble.<br />

A l’époque, le proj<strong>et</strong> mis en place par l’urbaniste en chef Philippe Panerai vise à réintroduire le<br />

quartier Teisseire dans la normalité de la ville, <strong>et</strong> combine réhabilitations, démolitions,<br />

constructions nouvelles, <strong>et</strong> résidentialisation. Les « unités résidentielles » introduites par c<strong>et</strong>te<br />

dernière procédure ne représentent qu’un élément du proj<strong>et</strong>, certes, mais elles sont l’élément<br />

principal, le principe essentiel sur lequel la Ville est intransigeante. Elles sont le cœur, le<br />

révélateur <strong>et</strong> l’obj<strong>et</strong> même sur lequel porte l’action : en créant ces résidences, la Ville <strong>et</strong> les<br />

bailleurs, fondamentalement en accord sur les principes du proj<strong>et</strong>, visent à pacifier <strong>et</strong> du même<br />

coup, à améliorer les relations sociales <strong>des</strong> habitants entre eux. Ces nouvelles unités de vie se<br />

concrétisent par l’installation de clôtures autour <strong>des</strong> bâtiments en aménageant, lorsque cela est<br />

possible, un espace « intermédiaire » entre la rue <strong>et</strong> l’entrée : l’espace collectif.<br />

En bref, il s’agit de créer une frontière, à la fois symbolique <strong>et</strong> physique, entre le dedans <strong>et</strong> le<br />

dehors, afin de privatiser l’espace intérieur, tout en introduisant une sorte de « zone tampon »<br />

entre le domaine public <strong>et</strong> le domaine privé, <strong>et</strong> en améliorant considérablement les zones<br />

limitrophes problématiques en reprenant les parkings <strong>et</strong> en créant <strong>des</strong> jardins collectifs attenant<br />

aux bâtiments. Il s’agit, dans l’esprit <strong>des</strong> concepteurs du proj<strong>et</strong>, de créer un espace « collectif<br />

389 BLAIS J.P., « La résidence, obj<strong>et</strong> de luxe ou trace de l’individualisme ? », in CERTU, VILLE DE GRENOBLE, op.cit., page<br />

165.<br />

Laëtitia ARANTES 202


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

privé » que les habitants seront enfin à même de se réapproprier, <strong>et</strong> qui, de ce fait, se trouvera<br />

mieux protégé <strong>des</strong> nuisances <strong>et</strong> <strong>des</strong> dégradations facilitées par le statut public de l’espace.<br />

Si l’on observe les discours de professionnels, que ce soit du côté du domaine public (la Ville, les<br />

directeurs de proj<strong>et</strong>, les services techniques…) ou du côté du domaine privé (les bailleurs Actis <strong>et</strong><br />

Grenoble Habitat), la résidentialisation a déjà démontré ses capacités. Le Maire de Grenoble lui-<br />

même en témoigne.<br />

« En recréant c<strong>et</strong>te distance entre logements <strong>et</strong> <strong>espaces</strong> publics sans pour autant<br />

nuire à la convivialité <strong>et</strong> au vivre ensemble, en réhabilitant <strong>et</strong> en agrandissant les<br />

logements, en aménageant <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> publics de qualité, l’image <strong>et</strong> la perception<br />

de ce quartier ont été progressivement modifiées à tel point qu’aujourd'hui Teisseire<br />

est de nouveau un quartier demandé. » 390<br />

Ainsi la résidentialisation aurait déjà un eff<strong>et</strong> positif sur le quartier <strong>et</strong> sa population. Pourtant, si<br />

l’on tient compte <strong>des</strong> éléments de résultats de notre enquête, la résidentialisation donne lieu ici à<br />

<strong>des</strong> déclinaisons <strong>et</strong> <strong>des</strong> interprétations fort différenciées entre les acteurs, <strong>et</strong> notamment entre<br />

d’un côté les professionnels <strong>et</strong> de l’autre les habitants. En eff<strong>et</strong>, <strong>des</strong> divergences profon<strong>des</strong><br />

ressortent de la confrontation entre d’un côté, les intentions <strong>des</strong> directeurs de proj<strong>et</strong>, de<br />

l’urbaniste en chef, <strong>et</strong> <strong>des</strong> bailleurs, <strong>et</strong> de l’autre le vécu <strong>des</strong> habitants. Au-delà d’un certain<br />

nombre de grands principes pourtant forts de multiples expérimentations, la résidentialisation<br />

apparaît donc à Teisseire mal assurée. Notamment, si l’on s’en tient aux paroles d’habitants, les<br />

« collectifs », supposés s’être créés <strong>et</strong> interagir, sont plus difficiles à manier qu’il n’y paraît.<br />

Certes les habitants ont conscience de la nécessité de l’intervention sur le quartier. Au début <strong>des</strong><br />

années 1990, le quartier souffre d’une mauvaise réputation, <strong>et</strong> qui plus est, les immeubles ont<br />

besoin d’un sérieux coup de neuf. Mais peut-être pas au point de changer si brutalement<br />

l’apparence du quartier, <strong>et</strong> de « résidentialiser les gens », de les « enfermer ». Les habitants<br />

refusent la résidentialisation. Mais la Ville ne plie pas : en 1998, les premières résidences sont<br />

créées. Et presque une décennie plus tard, le proj<strong>et</strong> est aux trois quarts matérialisé. Au jour<br />

d’aujourd'hui, nombreux sont les Teisseirois qui vivent dans une résidence. Fort satisfaits du<br />

nouvel aspect du quartier, ils ne sont pas tout aussi optimistes en ce qui concerne les eff<strong>et</strong>s de la<br />

résidentialisation.<br />

D’abord, ce qui ressort en premier lieu <strong>des</strong> entr<strong>et</strong>iens réalisés auprès <strong>des</strong> ménages, c'est que les<br />

résidences créées sont moins bien équipées que la représentation qu’ils s’en faisaient. Certes,<br />

<strong>des</strong> clôtures ont été installées, <strong>des</strong> interphones perm<strong>et</strong>tent le contrôle <strong>des</strong> accès à l’immeuble,<br />

<strong>des</strong> zones de stationnement ont été aménagées. Mais à côté de cela, <strong>des</strong> choses manquent :<br />

l’entr<strong>et</strong>ien régulier <strong>des</strong> parties communes intérieures <strong>et</strong> extérieures, la calme, <strong>des</strong> portails pour<br />

390 DESTOT M., « Le Mot du Maire », in CERTU, VILLE DE GRENOBLE, dir., op.cit., page 5.<br />

Laëtitia ARANTES 203


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

une ferm<strong>et</strong>ure complète <strong>et</strong> sécurisée <strong>des</strong> résidences, <strong>et</strong> surtout une population adéquate. Car, ne<br />

nous y trompons pas. Les Teisseirois le pensent <strong>et</strong> l’affirment sans complexe : la population sur<br />

Teisseire est loin d’être une population aisée « apte » à habiter dans de telles résidences.<br />

D’ailleurs, leurs comportements en attestent : entre le linge étalé sur le balcon <strong>et</strong> les poubelles<br />

entassées à côté <strong>des</strong> containers, sans oublier les papiers j<strong>et</strong>és par terre, quel résident digne de<br />

ce nom adopterait ce genre de comportement ? Et bien, à Teisseire, nombreux sont les<br />

« résidents » qui ont encore de telles pratiques <strong>et</strong> qui sont irrespectueux de leur nouvel<br />

environnement. Aussi les Teisseirois jugent-ils la transformation en résidence impossible dans<br />

leur quartier.<br />

Ensuite, outre l’impossible transformation <strong>des</strong> tours <strong>et</strong> <strong>des</strong> barres en résidences, les habitants<br />

restent perplexes quant aux intentions annoncées d’ouverture du quartier par la<br />

résidentialisation. Car à première vue, plutôt que de s’être ouvert, le quartier est parsemé de<br />

multiples ferm<strong>et</strong>ures ponctuelles. Avec quelques portails dans les clôtures, certains chemins de<br />

traverse ont été conservés, afin de perm<strong>et</strong>tre que se poursuivent les déambulations <strong>des</strong><br />

Teisseirois dans le quartier. Mais, ces vestiges du passé sont rares. Au croisement d’une rue,<br />

entre deux bâtiments, on peut encore en deviner quelques-uns. Deviner seulement. La plupart<br />

ayant du faire face à une barrière de près de deux mètres de haut ont du s’incliner. Et les<br />

habitants aussi, devant la nouvelle configuration du quartier. Avec toutes ces barrières, le<br />

quartier est devenu un vrai dédale, même pour les plus « expérimentés » qui assez souvent s’y<br />

perdent, <strong>et</strong> finissent parfois par ne plus s’y aventurer.<br />

Mais au-delà de ces contraintes spatiales, les habitants ont constaté également que les<br />

résidences se refermaient sur elles-mêmes : soucieux de leur tranquillité, de leur sécurité <strong>et</strong> de<br />

leur confort, nombreux sont les Teisseirois qui exigent une ferm<strong>et</strong>ure complète de leur unité,<br />

refusant par là-même toute intrusion délictueuse ou de commodité. Mais surtout, <strong>et</strong> c'est ce qui<br />

effraie le plus les habitants, c'est que depuis la résidentialisation, la ferm<strong>et</strong>ure n’est plus que<br />

matérielle, mais humaine. Les gens « s’enferment » davantage chez eux, bien que les limites de<br />

leur logement se soient étirées. Plus qu’un enfermement physique, il s’agit assez souvent d’un<br />

repli sur soi, d’une mise à distance <strong>des</strong> voisins.<br />

Par ailleurs, lieu de l’effacement <strong>des</strong> valeurs <strong>urbaine</strong>s de la ville, comme tout grand ensemble,<br />

Teisseire était un espace illisible, du fait d’une mauvaise gestion <strong>des</strong> pleins <strong>et</strong> <strong>des</strong> vi<strong>des</strong>, <strong>et</strong><br />

surtout de leurs rapports. La résidentialisation avait donc pour principe premier de clarifier les<br />

domanialités, de redonner au passant l’envie de s’aventurer dans l’espace public, sans crainte de<br />

ne pas y être à sa place ; <strong>et</strong> par là-même de redonner à la rue son rôle dans la vie sociale. A<br />

Teisseire pourtant, ce rôle de liant humain <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> publics s’est quelque peu affaibli depuis<br />

le début de la résidentialisation. En eff<strong>et</strong>, avec les premières unités résidentielles, <strong>des</strong> barrières<br />

se sont élevées, <strong>des</strong> entrées d’immeuble se sont vues changer de côté, <strong>des</strong> passages se sont vus<br />

Laëtitia ARANTES 204


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

fermés… Tout autant de contraintes qui empêchent les gens de se déplacer comme avant <strong>et</strong> de<br />

se rendre dans leurs lieux de regroupements passés.<br />

Mais ce n’est pas pour autant que la vie de quartier a totalement disparu à Teisseire. Bien au<br />

contraire. Certes, certains ne viennent plus aux rendez-vous quotidiens sur le banc au coin de la<br />

rue, ou dans le parc. Mais la mémoire du quartier <strong>et</strong> les réseaux de connaissances ont permis de<br />

conserver les sociabilités qui existaient déjà avant la résidentialisation. Ainsi, même si les<br />

premières résidentialisations n’ont pas encore développé de nouvelles relations entre les<br />

individus, une chose est sûre : elles n’ont pas détruit celles qui existaient déjà. Et puis rappelons<br />

que le proj<strong>et</strong> n’est encore qu’à ses prémisses : à Teisseire 2, les <strong>espaces</strong> publics n’ont pas<br />

encore été aménagées <strong>et</strong> seules deux résidentialisations ont été réalisées.<br />

Ainsi, les unités de voisinage nouvellement créées restent pour le moment artificielles. Mais,<br />

comme le sous-entend le directeur de proj<strong>et</strong> urbain, le proj<strong>et</strong> <strong>et</strong> ses futures réalisations réservent<br />

encore <strong>des</strong> surprises.<br />

« Les chantiers qui se suivent depuis 1998 <strong>et</strong> qui se poursuivront jusqu’en 2010<br />

répondent aux enjeux immédiats. Le proj<strong>et</strong> révèlera cependant toute sa dimension<br />

dans 15 ou 30 ans, lorsque sera consommé l’objectif de rompre avec le statut<br />

d’exception du grand ensemble <strong>et</strong> que le quartier entrera dans le rang de la ville<br />

banale, celle qui évolue <strong>et</strong> se construit dans la durée. » 391<br />

Les efforts portés depuis tant d’années par les professionnels sur Teisseire ne doivent donc pas<br />

s’amenuiser. La durabilité <strong>et</strong> l’effectivité du proj<strong>et</strong> en dépendent. Mais aussi l’évolution <strong>et</strong> l’avenir<br />

du quartier. La période actuelle est donc un moment clé pour Teisseire : une page se tourne,<br />

tandis qu’un autre s’ouvre, laissant présager un avenir incertain mais aux horizons meilleurs.<br />

Aussi les représentations <strong>et</strong> usages <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> récemment aménagés à Teisseire mériteraient-<br />

ils d’être suivis dans le temps...<br />

391 ALLIBE C., COPPE G., op.cit., page 77.<br />

Laëtitia ARANTES 205


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ANNEXES<br />

ANNEXES<br />

ANNEXE 1 : BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE. 207<br />

ANNEXE 2 : LISTE DES HABITANTS INTERROGES. 214<br />

ANNEXE 3 : HISTOIRE DU QUARTIER TEISSEIRE, REPERES CHRONOLOGIQUES. 216<br />

ANNEXE 4 : LA CHARTE DE BON VOISINAGE DE LA RESIDENCE DES TILLEULS. 218<br />

Laëtitia ARANTES 206


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ANNEXE ANNEXE 1 1 1 : : BIBLIOGRAPHIE INDICA INDICATIVE. INDICA<br />

TIVE.<br />

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<strong>urbaine</strong>.<br />

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Laëtitia ARANTES 207


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

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Laëtitia ARANTES 213


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ANNEXE ANNEXE 2 2 2 : : LISTE DES HABITANTS INTERROGES.<br />

INTERROGES.<br />

INTERROGES.<br />

NOM Origine Âge Adresse Type ménage<br />

Ei1 Homme Algérienne 40 ans<br />

Ei2 Couple<br />

Français <strong>et</strong><br />

algérienne<br />

61 ans <strong>et</strong> 30<br />

ans<br />

Ei3 Femme Algérienne 57 ans<br />

Ei4 Homme Français 54 ans<br />

Ec5a Italienne 86 ans<br />

Couple<br />

Ec5b Italien 79 ans<br />

avenue Paul Cocat -<br />

barre<br />

avenue Paul Cocat -<br />

barre<br />

avenue Paul Cocat -<br />

barre<br />

rue Gaston<br />

L<strong>et</strong>onnelier - barre<br />

Ancienn<strong>et</strong>é<br />

(dans le<br />

logement)<br />

Ancienn<strong>et</strong>é<br />

(dans le<br />

quartier)<br />

Emploi Remarque<br />

Célibataire 2 ans 3 ans Salarié Résident<br />

Couple avec 1<br />

enfant<br />

Ec5c Homme Italien 64 ans Saint-Martin-d'Hères Couple<br />

Ec5d Femme Italienne 65 ans<br />

Rue Léon Jouhaux -<br />

barre<br />

Ec5e Femme Italienne 32 ans Grenoble<br />

Ei6 Homme Grec 44 ans<br />

Ei7 Femme Espagnole 70 ans<br />

Ei8 Femme Portugaise 56 ans<br />

Ei9 Femme Française 23 ans<br />

Ei10 Femme Française 46 ans<br />

Ei11 Femme Française<br />

Ei12 Femme<br />

Française<br />

(époux :<br />

maghrébin)<br />

Ei13 Femme Française<br />

Ei14 Homme Guadeloupéen<br />

environ 85<br />

ans<br />

22 ans<br />

époux 38<br />

31 ans<br />

époux 44<br />

environ 38<br />

ans<br />

Ei15 Couple Algériens 45 <strong>et</strong> 52 ans<br />

Ei16 Femme Française 82 ans<br />

Ei17 Femme<br />

Française<br />

("avant gens du<br />

voyage")<br />

24 ans<br />

Rue René Fernandat -<br />

barre<br />

rue Gaston<br />

L<strong>et</strong>onnelier - barre<br />

rue Gaston<br />

L<strong>et</strong>onnelier - barre<br />

Rue Léon Jouhaux -<br />

barre<br />

Rue Louis Jacquem<strong>et</strong><br />

- barre<br />

rue Gaston<br />

L<strong>et</strong>onnelier - barre<br />

rue Gaston<br />

L<strong>et</strong>onnelier - barre<br />

rue Gaston<br />

L<strong>et</strong>onnelier - barre<br />

rue Gaston<br />

L<strong>et</strong>onnelier - barre<br />

rue Gaston<br />

L<strong>et</strong>onnelier - barre<br />

rue Georges<br />

Lafourcade - barre<br />

Rue Léon Jouhaux -<br />

barre<br />

Rue René Fernandat -<br />

barre<br />

3 ans 6 mois 3 ans 6 mois<br />

R<strong>et</strong>raité <strong>et</strong><br />

mère au foyer Résidents<br />

Célibataire 10 ans 10 ans Salarié Résidente<br />

Célibataire 20 ans 20 ans<br />

Couple 47 ans 47 ans<br />

4 ans (entre<br />

16 <strong>et</strong> 20 ans)<br />

Fonctionnaire<br />

(agent<br />

d'entr<strong>et</strong>ien)<br />

Laëtitia ARANTES 214<br />

Première<br />

résidence<br />

4 ans R<strong>et</strong>raité Parti<br />

Couple 27 ans 27 ans R<strong>et</strong>raitée Résidente<br />

Couple avec<br />

enfants<br />

Couple avec 2<br />

enfants<br />

27 ans 27 ans Salariée Partie<br />

20 ans 20 ans Pensionné<br />

Veuve 41 ans 41 ans R<strong>et</strong>raitée<br />

Couple avec 1<br />

enfant<br />

environ 30<br />

ans<br />

environ 30<br />

ans<br />

Salariée<br />

Première<br />

résidence<br />

Première<br />

résidence<br />

Résidence la<br />

plus récente<br />

Célibataire 23 ans 23 ans Etudiante Résidente<br />

Couple avec 1<br />

enfant<br />

6 mois 46 ans<br />

Veuve 48 ans 48 ans<br />

Couple sans<br />

enfant<br />

Couple avec<br />

enfant<br />

Sans<br />

profession<br />

Présidente de<br />

l'Union de<br />

Quartier<br />

Résidente<br />

Première<br />

résidence<br />

3 ans 3 ans Etudiante Résidente<br />

12 ans 12 ans<br />

Célibataire 18 ans 18 ans<br />

Couple avec<br />

enfants<br />

3 ans 3 ans<br />

Veuve 48 ans 48 ans<br />

Couple avec<br />

enfants<br />

R<strong>et</strong>raitée<br />

Congé<br />

parental<br />

Maître<br />

d'internat au<br />

lycée<br />

Recherche<br />

d'emploi<br />

R<strong>et</strong>raite<br />

(stoppage)<br />

Résidents<br />

Résidente<br />

Première<br />

résidence<br />

Résidents<br />

Première<br />

résidence<br />

3 ans 10 ans Mère au foyer Résidente<br />

Ei18 Homme Marocain 48 ans<br />

Rue René Fernandat - Couple avec<br />

barre<br />

enfants<br />

12 ans 12 ans<br />

Invalidité <strong>et</strong><br />

mère au foyer Résidents<br />

Ei19a Homme Français<br />

81ans <strong>et</strong> 80<br />

ans<br />

rue Georges de<br />

Manteyer - barre<br />

Couple sans<br />

enfant<br />

46 ans 46 ans R<strong>et</strong>raités<br />

Résidence<br />

en vente<br />

Ei19b Homme Français 50 ans<br />

Rue Dubois<br />

Fontanelle - barre<br />

Couple<br />

Entre 11 <strong>et</strong><br />

30 ans<br />

Salarié Résident<br />

Ei20 Homme Français 21 ans<br />

Rue Léon Jouhaux -<br />

barre<br />

Colocation 1 an 1 an Etudiant Résident<br />

Ei21 Couple<br />

Français <strong>et</strong><br />

Tunisienne<br />

37 <strong>et</strong> 32 ans<br />

avenue Paul Cocat -<br />

tour<br />

Couple avec<br />

enfants<br />

8 ans 8 ans<br />

Salarié <strong>et</strong><br />

congé<br />

parental<br />

Résidents<br />

Ei22 Femme Algérienne 72 ans<br />

avenue Paul Cocat -<br />

tour<br />

Veuve 48 ans 48 ans R<strong>et</strong>raitée Résidente<br />

Ei23 Homme Français 54 ans<br />

Rue Léon Jouhaux -<br />

maison<br />

Couple avec 2<br />

enfants<br />

5 ans 5 ans Salarié<br />

Maison<br />

individuelle<br />

Ei24 Femme Française 29 ans<br />

avenue de Teisseire - Couple avec 3<br />

maison<br />

enfants<br />

3 ans 3 ans Salariés<br />

Maison<br />

individuelle<br />

Ei25 Femme Marocaine 46 ans<br />

Rue Dubois<br />

Fontanelle - barre<br />

Divorcée 2<br />

enfants<br />

3 ans 3 ans<br />

Recherche<br />

d'emploi<br />

Résidente


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

NOM Origine Âge Adresse Type ménage<br />

Ei26 Homme Français 69 ans<br />

Ei27 Femme Maghrébine 26 ans<br />

Ei28 Femme Française 22 ans<br />

Ei29 Femme Française<br />

environ 85<br />

ans<br />

avenue Paul Cocat -<br />

tour<br />

Rue Léon Jouhaux -<br />

maison<br />

avenue de Teisseire -<br />

barre<br />

rue Gaston<br />

L<strong>et</strong>onnelier - barre<br />

Ancienn<strong>et</strong>é<br />

(dans le<br />

logement)<br />

Ancienn<strong>et</strong>é<br />

(dans le<br />

quartier)<br />

Marié 9 ans 9 ans<br />

Mariée 3<br />

enfants<br />

Concubinage<br />

2 enfants<br />

3 ans 5 ans<br />

Emploi Remarque<br />

R<strong>et</strong>raité<br />

(bâtiment)<br />

Congé<br />

parental<br />

(hotesse de<br />

caisse)<br />

Laëtitia ARANTES 215<br />

Résident<br />

Maison<br />

individuelle<br />

1 an 3 ans Mère au foyer Résidente<br />

Veuve 48 ans 48 ans<br />

Présidente de<br />

l'Union de<br />

Quartier<br />

Première<br />

résidence<br />

Ei30 Couple Français 65-70 ans Grenoble<br />

Couple sans<br />

enfant<br />

19 ans 19 ans R<strong>et</strong>raité Parti<br />

Ei31 Femme Française 41 ans Echirolles Colocation 1 an 1 an Salarié Parti<br />

Ei32 Homme Français 27 ans Echirolles<br />

Couple avec<br />

enfant<br />

6 ans 6 ans Salarié Parti<br />

Ei33 Femme Française 38 ans Grenoble<br />

Femme seule<br />

avec enfants<br />

7 ans 11 ans Parent isolé Parti<br />

Ec34a Homme Marocain 35 ans<br />

Couple avec<br />

enfants<br />

35 ans Salarié Résident<br />

Ec34b Femme Française 70 ans Rue Léon Jouhaux<br />

Plus de 30<br />

ans<br />

R<strong>et</strong>raitée Résidente<br />

Ec34c Homme Français 48 ans<br />

rue Gaston<br />

L<strong>et</strong>onnelier<br />

Couple avec 1<br />

enfant<br />

7 mois 38 ans<br />

Sans<br />

profession<br />

Résident<br />

Ec34d Homme Français 50 ans Salarié Résident<br />

Ec34e Femme Française 70 ans Teisseire 2<br />

Plus de 30<br />

ans<br />

R<strong>et</strong>raitée<br />

Résidence<br />

pas faite<br />

Ec34f Femme Française<br />

Environ 85<br />

ans<br />

rue Gaston<br />

L<strong>et</strong>onnelier<br />

Veuve 48 ans 48 ans<br />

Présidente de<br />

l'Union de<br />

Quartier<br />

Première<br />

résidence<br />

Ec34g Femme Française 75 ans avenue Paul Cocat<br />

Entre 11 <strong>et</strong><br />

30 ans<br />

R<strong>et</strong>raitée Résidente<br />

Ec34h Homme Français<br />

Environ 40<br />

ans<br />

quartier Malherbe<br />

quelques<br />

mois<br />

quelques<br />

mois<br />

Salarié Locataire<br />

Ec34i Femme Française 46 ans<br />

rue Gaston<br />

L<strong>et</strong>onnelier<br />

Couple avec 1<br />

enfant<br />

6 mois 46 ans<br />

Sans<br />

profession<br />

Résidente<br />

Ec34j Femme Française<br />

65 ans<br />

Plus de 30<br />

ans R<strong>et</strong>raitée<br />

Résidente<br />

Ec34k Femme Française 65-70 ans<br />

Plus de 30<br />

ans<br />

R<strong>et</strong>raitée Résidente<br />

Ec34l Femme Algérienne 32 ans 10 ans 10 ans Salariée<br />

Future<br />

propriétaire


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ANNEXE ANNEXE 3 3 3 : : HISTOIRE HISTOIRE DU DU QUARTIER QUARTIER TEISSEIRE, TEISSEIRE, TEISSEIRE, REPERES REPERES CHRONOLOGIQU<br />

CHRONOLOGIQUES.<br />

CHRONOLOGIQU<br />

CHRONOLOGIQUES.<br />

ES.<br />

13 13 juin juin 1952 1952 : : Dans la perspective d’y construire un programme de logements sociaux, la Ville de<br />

Grenoble acquiert les terrains suivants :<br />

De la compagnie Pont à Mousson, un tènement d’environ 108 295 m² pour<br />

68 766 370 francs392. De divers autres propriétaires, plusieurs parcelles représentant une surface totale<br />

d’environ 27 767 m² pour un montant de 46 866 000 francs.<br />

2 2 février février 1956 1956 : : Le plan masse du groupe Teisseire I est adopté.<br />

14 14 juin juin 1956 1956 : La Ville cède gratuitement à l’OPHLM diverses parcelles, pour une surface totale<br />

de 136 362 m².<br />

1957 1957 : Le programme de logements du groupe Teisseire II est mis à l’étude ainsi que celui du<br />

centre commercial.<br />

Décembre Décembre 1959 1959 : Les premiers habitants de Teisseire emménagent.<br />

21 21 décembre décembre 1959 1959 : : le Conseil Municipal décide la réalisation d’un foyer de jeunes travailleurs<br />

(Taillefer) <strong>et</strong> d’une troisième tranche de secteur industrialisé, soit 600 logements (Léon<br />

JOUHAUX).<br />

1960 1960-1965 1960 1960 1965 : À cause d’une défaillance de la chaudière, les logements ne pourront pas être<br />

chauffés par la Ville lors de l’hiver 1960-1961. Mais les charges relatives au chauffage seront<br />

quand même réclamées aux habitants. De ce fait, ces dernières engagent un mouvement de<br />

grève <strong>et</strong> refusent de payer les charges relatives à la consommation de chauffage.<br />

Mai Mai 1962 1962 : La deuxième tranche du quartier est terminée <strong>et</strong> les derniers habitants s’y installent.<br />

20 20 décembre décembre décembre 1963 1963 : : l’OPHLM rétrocède gratuitement à la Ville de Grenoble trois parcelles de<br />

terrain de 2 889 m² pour la création du centre social Teisseire <strong>et</strong> l’aménagement de voiries.<br />

1971 1971 : Un accord est passé avec la Ville au terme duquel celle-ci prend en charge les <strong>espaces</strong><br />

libres (planter <strong>et</strong> remodeler).<br />

1973 1973 1973 : Après un gel <strong>des</strong> loyers pendant plusieurs années, les loyers sont augmentés de manière<br />

considérable. Par ailleurs, le quartier souffre d’un surpeuplement de ses logements <strong>et</strong> d’une<br />

dégradation notable de son bâti. Tous ces problèmes auront pour conséquence un nouveau<br />

mouvement de grève chez les habitants de la cité Teisseire.<br />

26 26 janvier janvier 1973 1973 1973 : L’OPHLM s’engage dans une concertation permanente avec les usagers <strong>et</strong><br />

dans une politique de travaux de réhabilitation.<br />

14 14 juin juin 1973 1973 1973 : : l’OPHLM rétrocède gratuitement à la Ville de Grenoble le bâtiment II du groupe<br />

Teisseire, rue Georges Lafourcade édifié sur une parcelle de 667 m².<br />

1974 1974 : Les promesses obtenues lors <strong>des</strong> négociations ne sont pas tenues, les conditions de vie<br />

sont toujours insatisfaisantes ; ce qui crée un nouveau mouvement de grève. Mais c<strong>et</strong>te fois-ci<br />

les habitants s’essoufflent vite <strong>et</strong> la grève est vite arrêtée.<br />

1977 1977 : Dans le cadre de la procédure HVS, les tours de Teisseire reçoivent une première couche<br />

de peinture.<br />

392 Francs de l’époque.<br />

Laëtitia ARANTES 216


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Septembre Septembre 1978 1978 : Un programme de propositions introduit la procédure « Habitat <strong>et</strong> Vie Sociale »<br />

sur le quartier.<br />

1979 1979 – 1984 1984 : Première opération de réhabilitation (procédure HVS – opération PALUPOS)<br />

1980 1980 : Dans le cadre <strong>des</strong> financements PALULOS <strong>et</strong> avec les chocs pétroliers qui rendent<br />

l’économie d’énergie indispensable, une opération d’isolation extérieure <strong>des</strong> ouvrages est<br />

entamée.<br />

Début Début années années 1980 1980 1980 : Les <strong>espaces</strong> extérieurs sont rétrocédés à la Ville par les bailleurs.<br />

1994 1994 : Le quartier est classé parmi les quartiers prioritaires du Contrat de Ville 1994-1998.<br />

1995 1995 : La Ville de Grenoble a la volonté d’engager une démarche de requalification lourde.<br />

1996 1996 : La Ville de Grenoble confie au cabin<strong>et</strong> ARPENTEURS, r<strong>et</strong>enu dans le cadre de l’appel à<br />

proj<strong>et</strong> DIV/GIE Villes <strong>et</strong> Quartiers « Paysage <strong>et</strong> Intégration Urbaine », une étude diagnostic réalisée<br />

dans le cadre d’un groupe de concertation associant élus, techniciens, responsables associatifs<br />

<strong>et</strong> d’équipements : le schéma directeur de réaménagement <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> publics <strong>et</strong><br />

d’implantation <strong>des</strong> équipements du quartier.<br />

1996 1996 : Actis (OPALE), bailleur social unique (à l’époque), confie au cabin<strong>et</strong> F4 une étude<br />

technique sur l’état du bâti <strong>et</strong> une analyse de la situation <strong>des</strong> ménages.<br />

1997 1997 : La Ville de Grenoble lance un marché d’étude de définition.<br />

Fin Fin 1997 1997 : Le cabin<strong>et</strong> PANERAI est r<strong>et</strong>enu.<br />

Juin Juin 1998 : Les premiers travaux de la première phase de restructuration du quartier<br />

commencent (réalisation <strong>des</strong> premières unités résidentielles).<br />

2000 2000-2001 2000 2000 2001 : Le cabin<strong>et</strong> François OHL est missionné par Actis pour formaliser la réflexion sur les<br />

Unités résidentielles <strong>et</strong> la GUSP <strong>et</strong> pour prévoir les modalités de coordination entre les actions<br />

<strong>des</strong> différents intervenants institutionnels.<br />

20 2002 20<br />

02 : L’Opale devient Actis.<br />

2002 2002 : Dans le cadre de la volonté de la Ville de Grenoble de diversifier les bailleurs sur le<br />

quartier Teisseire, l’Opale revend une partie de ses logements à Grenoble Habitat.<br />

2005 2005 : : Un poste de chargée de gestion <strong>des</strong> Unités Résidentielles est créé.<br />

Laëtitia ARANTES 217


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

ANNEXE ANNEXE 4 4 4 : : LA CHARTE DE BON VOI VOISINAGE VOI<br />

SINAGE DE DE LA RESIDEN RESIDENCE RESIDEN<br />

CE DES TILLEULS TILLEULS.<br />

TILLEULS<br />

Laëtitia ARANTES 218


<strong>Transformation</strong> <strong>urbaine</strong> <strong>et</strong> <strong>appropriation</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs : Les limites du modèle de la résidentialisation.<br />

Laëtitia ARANTES 219

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