Chroniques des Elfe..
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d’appels et de grognements. Puis lorsqu’enfin l’harpaille se fut<br />
éloignée, ils découvrirent à travers les trouées béantes de leur<br />
passage un spectacle qui les pétrifia d’horreur.<br />
Le dix-cors faisait face, seul, à trois loups noirs d’une taille<br />
impensable, presque aussi larges et hauts que lui. L’un de ces<br />
monstres tenait sous ses larges pattes un faon au flanc lacéré,<br />
ruisselant de sang, qui se débattait encore faiblement, par àcoups.<br />
Llandon s’était écarté du tronc d’arbre, et quand Lliane<br />
parvint à détacher son regard du drame qui se jouait à un jet de<br />
pierre de là, l’expression qu’elle découvrit sur le visage de son<br />
compagnon l’emplit d’effroi. Aux yeux <strong>des</strong> elfes, pour qui le<br />
temps s’écoule différemment, Llandon n’était encore qu’un<br />
adolescent, quoiqu’il ait presque soixante hivers, l’âge où la<br />
plupart <strong>des</strong> hommes terminaient leur vie. Tout aussi fin et délié<br />
qu’elle, il ne la dépassait en taille que de quelques pouces, mais<br />
on aurait pu les confondre, avec les mêmes longs cheveux noirs,<br />
la même peau bleutée, la même beauté. En cet instant pourtant,<br />
le jeune chasseur n’était pas beau. Sa face s’était glacée, ses<br />
lèvres avaient pris une dureté terrifiante, ses mouvements, sa<br />
façon de bouger ne lui ressemblaient plus. Lliane le vit saisir<br />
dans le carquois qu’il portait à la taille un trait à la hampe noire,<br />
dont la pointe conique luisait dangereusement. Bien qu’elle ne<br />
l’ait pas quitté <strong>des</strong> yeux et qu’à aucun moment elle ne l’ait vu<br />
parler, sa voix s’imprima en elle, comme en chacun de leurs<br />
compagnons.<br />
— Hlystan, heardingas ! Ne Bregean for egle deornen !<br />
Feothan with fyrdgeatwe !<br />
Ce n’était pas la première fois qu’on se servait devant elle de<br />
la langue ancienne. Mais, ainsi qu’elle le comprit plus tard,<br />
Llandon avait usé de sa voix de commandement, et quand elle<br />
put y repenser elle ressentit un mélange troublant, dérangeant,<br />
d’admiration, d’envie et d’humiliation mêlées. Car elle avait obéi<br />
à cet ordre sans même l’entendre. Par la seule force de cet ordre,<br />
elle n’éprouvait plus de peur, tout juste le désir de tuer, et<br />
chercha fébrilement à sa ceinture l’arme la plus mortelle qu’elle<br />
puisse trouver. Tout ce qu’elle possédait, hormis <strong>des</strong> flèches de<br />
chasse qui n’entameraient même pas le cuir de ces fauves, était<br />
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