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Chroniques des Elfe..

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gemmes brutes qu’ils arrachaient aux parois de leurs cavernes<br />

contre <strong>des</strong> hauberts de cuir, <strong>des</strong> armes de fer et <strong>des</strong> provisions<br />

de blé pour les mois d’hiver.<br />

C’était l’époque, comme chaque année depuis la nuit <strong>des</strong><br />

temps, où les tribus <strong>des</strong> Marches semblaient saisies d’une<br />

brusque frénésie. Dès que la neige commençait à recouvrir les<br />

montagnes et que le gel saisissait peu à peu les torrents, ils<br />

savaient qu’il leur fallait faire vite. Dans quelques semaines, le<br />

froid et le vent empêcheraient tout mouvement. Les femmes<br />

rentraient du bois, les enfants posaient <strong>des</strong> nasses dans les<br />

cours d’eau et <strong>des</strong> collets dans les bois, les plus âgés préparaient<br />

les abris pour la mauvaise saison. Quant aux hommes de Seuil<strong>des</strong>-Roches,<br />

un peu moins de trois cents, ils étaient partis en<br />

quête de viande. La plupart étaient <strong>des</strong>cendus traquer les<br />

buffles sauvages dans les collines. D’autres, moins nombreux, se<br />

répandaient à travers les montagnes, par <strong>des</strong> sentiers dont eux<br />

seuls connaissaient l’existence.<br />

Le groupe mené par Ketill avait abattu une ourse, coupée en<br />

quartiers et déjà mise à fumer dans l’une de leurs grottes. Ce<br />

n’était pas assez. Depuis deux jours, grimpant toujours plus loin<br />

vers les sommets, les barbares pistaient une harde de<br />

bouquetins. Au matin du troisième jour, malgré le froid intense,<br />

l’altitude et la neige qui rendaient chaque pas un peu plus<br />

difficile, ces hommes ru<strong>des</strong>, pareils à <strong>des</strong> bêtes sous leurs<br />

manteaux de fourrure, contemplèrent en s’éveillant l’immensité<br />

de la plaine avec le sentiment exaltant qu’aucun autre,<br />

jusqu’alors, n’était monté si haut. À moins d’un demi-mille,<br />

l’unique passage vers les Terres Noires s’ouvrait comme une<br />

entaille entre deux pics escarpés. Ketill s’ébroua pour se délester<br />

d’un peu de la neige qui le recouvrait. Sa tignasse épaisse et sa<br />

barbe blonde étaient saisies par le gel, sa face plus rougeaude<br />

que jamais. Il ne donna pas d’ordre – les barbares parlaient peu<br />

–, mais se contenta de sourire à ses hommes et de désigner le<br />

col d’un mouvement de menton avant de se mettre en route. Les<br />

autres lui emboîtèrent le pas sans rechigner. Qu’importent les<br />

bouquetins, ils en trouveraient bien au retour. Monter là-haut et<br />

graver leur marque sur la paroi, c’était de l’honneur, quelque<br />

chose dont on pourrait parler à la veillée durant l’hiver…<br />

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