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Pendant que ces évènements se déroulaient ici, les mêmes scènes<br />
lugubres se reproduisaient en Belgique à <strong>de</strong>s dizaines d’exemples.<br />
On ne <strong>de</strong>vait l’apprendre que bien plus tard, car les journaux ne<br />
paraissaient plus ; on ne savait rien <strong>de</strong> ce qui se passait dans le<br />
pays, à plus forte raison dans le mon<strong>de</strong>. Les communications avec<br />
les villages voisins étaient<br />
coupées, du fait <strong>de</strong>s<br />
récents combats. Complètement<br />
isolé, <strong>Bertrix</strong> ne<br />
résonnait plus que du pas<br />
martelé <strong>de</strong>s troupes <strong>de</strong><br />
passage ; <strong>Bertrix</strong> soignait<br />
<strong>de</strong> son mieux les milliers<br />
<strong>de</strong> blessés qu’on lui avait<br />
confiés ; <strong>Bertrix</strong> pleurait et<br />
enterrait ses fusillés sans<br />
A l'hôpital Saint-Charles à <strong>Bertrix</strong>, <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins<br />
(<strong>de</strong> g. à dr.: Lifrange, Cordier et Ron<strong>de</strong>let)<br />
soignent un blessé.<br />
qu’ils pussent même<br />
passer par l’église.<br />
Et <strong>Bertrix</strong> s’inquiétait.On ne savait ce que <strong>de</strong>venait l’armée; <strong>de</strong>s 150<br />
hommes appelés au combat, aucun signe <strong>de</strong> vie. Leur sort, lié à<br />
celui <strong>de</strong> l’armée tout entière, restait incertain. Les premières nouvelles<br />
<strong>de</strong>vaient arriver beaucoup plus tard. On sut alors à la fois l’intrépidité,<br />
l’héroïsme <strong>de</strong> la petite armée du Roi Albert et l’inégalité <strong>de</strong>s<br />
armes <strong>de</strong>s forces en présence. Certains <strong>de</strong> nos concitoyens ont<br />
vécu, les premiers mois <strong>de</strong> la guerre, d’incroyables odyssées ; l’un<br />
d’eux nous croque la sienne en quelques lignes suggestives.<br />
« J’étais du 10 e <strong>de</strong> ligne. Plusieurs anciens retrouveront peut-être<br />
l’écho <strong>de</strong> leur propre aventure en lisant ces notes, car tout le<br />
mon<strong>de</strong> sait que le 10 e groupait beaucoup <strong>de</strong> soldats du pays, et<br />
que le 10 e était caserné à Arlon. La majeure partie du Luxembourg<br />
étant tenue par les français, nous sommes envoyés à Namur, pour<br />
renforcer la défense <strong>de</strong> la place et participer aux combats. Tout le<br />
mon<strong>de</strong> a foi en une offensive victorieuse <strong>de</strong> nos armes et <strong>de</strong> nos<br />
Alliés ; rien ne permet <strong>de</strong> supposer qu’il faudra bientôt cé<strong>de</strong>r du terrain.<br />
Mais la retraite s’impose soudain brutalement malgré les<br />
efforts combinés <strong>de</strong>s défenseurs <strong>de</strong> Namur et <strong>de</strong>s forts voisins. –<br />
Que le lecteur veuille bien prendre une carte et suivre mon voyage.<br />
L’infanterie se glisse comme elle peut ; nous arrivons à Bioul ; puis<br />
passant par Couvain, par Rosée, et enfin Chimay, harcelés <strong>de</strong> tous<br />
les côtés par l’ennemi. Nous voyons le reflet <strong>de</strong>s incendies <strong>de</strong> St<br />
Pont à Recogne - 24 août 1914<br />
Gérard et <strong>de</strong> Dinant. La frontière… Rocroi… C’est la retraite dans<br />
toute son angoissante incertitu<strong>de</strong>. Tout le trajet a été parcouru péniblement,<br />
par une chaleur accablante, presqu’entièrement à pied.<br />
LIARD : De là, un train nous conduit au Havre par Rouen. Au Havre,<br />
embarquement. Nous voguons vers le nord et débarquons à Zeebrugge,<br />
dans l’après-midi du 3 septembre. Un mois <strong>de</strong> combats, <strong>de</strong><br />
souffrances et <strong>de</strong> fatigue tient en bien peu <strong>de</strong> lignes, après 33<br />
années ! De Zeebrugge, nous gagnons Hamme en chemin <strong>de</strong> fer : la<br />
10 e briga<strong>de</strong> – la nôtre – se trouve <strong>de</strong> nouveau en contact avec les<br />
autres troupes belges et va prendre part au légendaire combat <strong>de</strong><br />
Termon<strong>de</strong>. Nos aventures étaient loin d’être terminée. »<br />
A suivre<br />
Yves Gourdin<br />
Jeunes mamans – 22 septembre 2012<br />
Novembre - Décembre 2012 • <strong>n°</strong> <strong>121</strong> — page <strong>n°</strong> 23