La saga des ARRACHART - Le site du mois

"Messieurs,
" L'École de médecine de Lille ne veut pas laisser fermer cette tombe,
prématurément ouverte, sans exprimer la douleur qu'elle éprouve à de la mort
si imprévue de l'un de ses membres les plus distingués. Elle vient dire au
milieu d'une population qui a vu naître ARRACHART, ses regrets de voir
cesser brusquement une collaboration de six années.
" Hector-Édouard ARRACHART fut nommé professeur à l'École de médecine
et de pharmacie de Lille le 2 décembre 1856. Après avoir terminé ses classes
au lycée de Douai, il alla en 1848 commencer ses études médicales à Paris.
En 1849, il fut nommé externe dans les hôpitaux civils, et en 1851, après un
brillant concours, il obtint le titre d'interne. Là, en contact journalier avec les
hommes distingués qui dirigent les services médicaux, il fit de rapides progrès;
aussi, à la fin de son internat il subit avec distinction tous les examens exigés
pour le doctorat.
" Avant d'aborder la pratique de son art, il voulut, pour ainsi dire, se recueillir,
et, malgré ses fortes études, il voulut voir à l'œuvre les princes de la sciences.
Il suivit avec une grande exactitude les dispensaires pour le traitement des
maladies des yeux, les cliniques des enfants malades. Après toutes les
épreuves, après huit années de labeur incessant, ARRACHART vint au milieu
de nous, à vingt-six ans, à un âge ou beaucoup sont encore élèves.
" Il fut d'abord chargé du cours d'anatomie, et depuis trois ans il partageait,
avec le titulaire de la chaire, l'enseignement de la clinique chirurgicale. C'était
là sa véritable place, sa véritable aptitude.
" Avant de pratiquer une opération il en méditait toutes les chances, tous les
détails, et une fois décidée il la poursuivait avec calme, mais avec une grande
hardiesse.
" Esprit droit, positif, net, résolu, il avait toutes les qualités du grand chirurgien:
aussi avait-il déjà acquis une juste autorité parmi ses collègues, parmi ses
confrères, et un grand ascendant sur l'esprit de ses élèves.
" Son service et son enseignement à l'hôpital St-Sauveur ne suffisaient pas à
son activité; il prenait une très large part aux séances de la Société centrale de
médecine du département, et en parcourant le journal des publications
mensuelles de cette Compagnie, on trouve de lui un grand nombre d'articles,
d'observations, de mémoires sur des sujets chirurgicaux.
" Il avait aussi compris l'importance de l'association de prévoyance formée
récemment entre les médecins du département, et, l'un des premiers, il était
venu lui offrir son concours. Il pensait, avec raison, que le corps médical venait
de constituer un puissant moyen de moralisation ; nous l'avons vu faire sur
l'honorabilité médicale, sur la répression du charlatanisme, des propositions
toujours favorablement accueillies: aussi avait-il été nommé membre du
conseil d'administration de l'Œuvre.
" Persuadé que chacun de nous doit prêter son concours pour le soulagement
des misères humaines, il s'était associé à cette pléiade de jeunes gens
dévoués qui visitent, consolent et assistent des vieillards pauvres: touchante
institution qui rapproche la vieillesse indigente, désillusionnée, des jeunes
gens distingués par leur éducation, et souvent bercés d'illusions.
" Le moment n'est pas venu d'analyser plus longuement les qualités qui
distinguent notre collègue; l'École de médecine ne manquera pas à ce devoir.
Elle vient aujourd'hui mêler sa douleur à la douleur de la population toute
entière qui se presse autour de cette fosse. Elle vient dire son dernier adieu au
collègue aimé qui hier encore partageait ses travaux.
Edition MMXII-V3 – dernière mise à jour 09 décembre 2012
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