You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Billet<br />
d’humeur<br />
Violence et antisémitisme<br />
Jeudi 23 novembre 2006, 22h40, à la fin de match Hapoël Tel Aviv - PSG,<br />
la violence est partout dans la rue, l’ambiance électrique, les<br />
supporters déchaînés, c’est à ce moment précis que l’on entend un<br />
coup de feu, Porte de Saint-Cloud. Julien Quemener sera la victime<br />
involontaire… Une balle en plein cœur. Pourquoi un match de foot<br />
de coupe d’Europe si banal a t-il pu tourner au drame ?<br />
Après la correction infligée par les joueurs israéliens (4-2) à<br />
l’équipe de la capitale, les supporters les plus radicaux de<br />
l’équipe du PSG, notamment ceux de la tribune Boulogne,<br />
voulaient “casser du Juif”. Selon plusieurs témoins, c’est une<br />
“chasse spontanée aux Juifs” en plein Paris, aux cris de “Mort<br />
aux Juifs”, qui commença. On assiste à une véritable bataille<br />
rangée, les supporters de l’équipe israélienne sont mêmes<br />
obligés de se séparer pour semer leurs poursuivants.<br />
Malheureusement Yanniv Hazout, un supporter juif français<br />
portant un maillot de l’équipe israélienne se trouvait encerclé.<br />
Un policier antillais, Antoine Granomort, seul à ce moment là,<br />
prit immédiatement la défense de ce jeune Juif. Mais après avoir<br />
été mis à mal par des voyous, il tirait, blessait un supporter du<br />
PSG Mounir Bouchaer et touchait mortellement involontairement<br />
Julien Quemener.<br />
Le football européen a dû une fois de plus faire face ici à l’un de<br />
ses plus vieux démons : le racisme qui n’a cessé ces dernières<br />
années de gagner du terrain sur le sport roi du vieux continent.<br />
Les stades de foot seraient-ils en train de devenir des défouloirs<br />
aux esprits les plus étroits et aux différentes idées politiques ?<br />
Prenons un autre exemple : les supporters de l’Ajax<br />
d’Amsterdam qui s’identifient aux Juifs pour des raisons que<br />
personne ne comprend vraiment. Leurs cris de ralliement sont<br />
“Joden-Joden” (Juifs, Juifs). Leur fanion, c’est le drapeau de l’Etat<br />
d’Israël. Certains fans du club se sont carrément faits tatouer le<br />
Maguen David sur la poitrine.<br />
Par jeu ou par réaction, les adversaires de l’Ajax endossent<br />
assez volontiers le rôle des Palestiniens en criant<br />
«Hamas ! Hamas !» Et cela va assez loin puisque lors d’un<br />
déplacement de l’Ajax en Allemagne, des supporters ont<br />
déployé une banderole ainsi rédigée : «Les Juifs viennent se<br />
venger de 1940-1945».<br />
En Angleterre, berceau du hooliganisme, le racisme des<br />
supporters existe toujours. Les supporters accablent d’injures<br />
les joueurs noirs avec des cris de singes, des jets de banane ou<br />
de cacahuètes.<br />
La haine raciale qui s’exprime dans les stades reflète l’influence<br />
des groupes néo-nazis sur ce milieu. Dans toute l’Europe, des<br />
groupes de supporters exsudent la même haine de l’étranger.<br />
Ils gravitent autour de l’Atletico et du Real de Madrid en<br />
Espagne, de la Lazio de Rome et du Milan AC en Italie, du PSG<br />
en France et du Red Star Belgrade en Yougoslavie. Ils ont forcé<br />
le club italien Udine à abandonner son projet d’engager le<br />
joueur israélien Ronnie Rosenthal en multipliant les bombages<br />
antisémites sur le siège du club.<br />
Pour le professeur Vollker Rittner, ces saluts nazis n’auraient<br />
aucune connotation politique mais «ne servent qu’à provoquer,<br />
à briser les tabous. Ils n’ont pas de visée politique et servent<br />
uniquement à attirer l’attention sur eux, à faire la une des<br />
journaux du lundi».<br />
En réalité, seules comptent les rivalités entre clubs : à la<br />
première occasion, le racisme cède le pas. En 1990, en Italie,<br />
pendant la coupe du monde, les supporters napolitains avaient<br />
renié leur équipe nationale au profit de l’équipe argentine, dans<br />
laquelle évoluait Diego Maradona, qu’ils considéraient comme<br />
un véritable héros napolitain. Aussitôt, les “ultras” du Nord<br />
avaient manifesté leur hostilité traditionnelle envers ces<br />
“sudistes” en prenant parti pour les équipes affrontant<br />
l’Argentine: ainsi, même les supporters les plus racistes s’étaient<br />
brusquement pris de passion pour l’équipe du Cameroun.<br />
Heureusement le racisme dans le football n’est pas si<br />
développé que certains médias peuvent le montrer. Seule une<br />
minorité de (faux ?) supporters profitent de la surmédiatisation<br />
du football pour exprimer leurs idées politiques.Après cette triste<br />
soirée du 23 novembre, les différentes instances du football<br />
international avaient une véritable volonté de lutter contre ce<br />
fléau. Faut-il attendre qu’il y ait d’autres morts pour que la FIFA<br />
prenne des mesures drastiques pour condamner ceux qui font<br />
preuve d’inhumanité ?<br />
Combattre le racisme dans le football est difficile, mais possible.<br />
Et ce combat a besoin d’une perspective à long terme.<br />
Les mesures répressives<br />
telles que l’augmentation<br />
des interdits de stade ou<br />
encore la lutte contre<br />
les banderoles injurieuses<br />
ne suffisent pas à<br />
résoudre le problème, Il<br />
faut un changement profond<br />
de l’entière culture<br />
de football. La question<br />
est de savoir s’il y a une<br />
réelle volonté ou non du<br />
foot professionnel et des<br />
pouvoirs publics de<br />
régler ce problème du<br />
racisme dans le foot.<br />
Jonathan Allouch<br />
15