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jamais traversé le Jourdain à pied sec. Le savant allemand<br />
Edouard Meyer va plus loin : pour lui, Josué n’a jamais existé !<br />
Josué, tué par les savants de la critique biblique la plus<br />
radicale, renaîtra au XX e siècle, grâce aux travaux de<br />
Kauffman, Cassuto,Albright,Yahuda et d’autres historiens et<br />
archéologues : pour la nouvelle génération de chercheurs de<br />
l’histoire biblique, l’entrée des Hébreux sur la Terre d’Israël<br />
a été dirigée par un juge nommé Josué bin Nun. Mais<br />
l’épisode du passage du fleuve est-il un fait historique ou une<br />
pieuse légende ? Très longtemps, cette question est restée<br />
sans réponse. Dans les années 30, une nouvelle génération<br />
de chercheurs d’Erets Israël commença à explorer le<br />
“mystère du Jourdain”. Parmi eux, deux personnages fascinés<br />
par les énigmes de la vielle Judée. Le premier, Abraham Jacob<br />
Brawer, aujourd’hui injustement oublié, est un rabbin,<br />
historien et géographe, un homme de science rigoureux.<br />
Il écrivit le premier manuel moderne de géographie de la<br />
Terre sainte. Le deuxième, un jeune chercheur nommé<br />
Michaël Avi-Yonah, deviendra un archéologue de renom<br />
mondial, professeur d’histoire à l’Université hébraïque de<br />
Jérusalem. Les deux savants ont épluché les chroniques<br />
anciennes, médiévales et modernes où le Jourdain est<br />
mentionné, et découvert trois épisodes étranges. En 1267, à<br />
l’époque du Sultan Baybar, un auteur arabe raconte que le<br />
Jourdain cessa de couler pendant huit heures. Le deuxième<br />
témoignage date de l’époque ottomane : une chronique de<br />
1546 affirme que le fleuve s’arrêta de couler durant deux<br />
jours entiers. Le troisième, à l’époque du mandat britannique,<br />
a été confirmé par des auteurs contemporains : en<br />
1927, le Jourdain s’arrêta durant vingt et une heure et trente<br />
minutes. Y a-t-il une explication à ces étranges arrêts ?<br />
Brawer et Avi-Yonah arrivent à la conclusion suivante :<br />
«Dans les trois cas, l’arrêt a été le résultat de tremblements de<br />
terre qui provoquèrent l’effondrement des rives supérieures,<br />
bloquant le fleuve et empêchant l’écoulement des eaux». Il s’agit<br />
de mouvements sismiques légers dont les effets furent très<br />
limités, et les eaux reprirent leurs cours réguliers assez vite.<br />
Peut-on attribuer à un phénomène sismique similaire l’arrêt<br />
des eaux du Jourdain au temps de Josué ? Certains auteurs<br />
seraient enclins à l’admettre mais des opposants farouches<br />
et certains libres penseurs pour lesquels tous les phénomène<br />
extraordinaires de la Bible, sont des mythes, considèreront<br />
qu’il faut tout simplement les nier en bloc. Et malgré Brawer<br />
et Avi-Yonah, ils continueront à dénoncer dans le passage du<br />
Jourdain une supercherie obscurantiste et absurde. D’autre<br />
part, pour les dévots, Brawer et Avi-Yonah ne seraient que<br />
de dangereux mécréants, cherchant une explication<br />
scientifique à des phénomènes providentiels qui ne peuvent<br />
être que des exceptions aux lois de la nature. Pourtant, à<br />
mi-chemin du scepticisme des uns et du fondamentalisme<br />
des autres, le lecteur moderne s’interroge. Il veut, tout à la<br />
fois, comprendre le sens spirituel, existentiel du récit de<br />
Josué et trouver les clefs scientifiques pour expliquer le<br />
phénomène. Dans cette double quête, on ne saurait oublier<br />
les paroles du philosophe existentialiste juif Martin Buber :<br />
pour lui, les événements extraordinaires de la Bible sont des<br />
faits naturels, explicables à la lumière de la géographie et des<br />
sciences naturelles. Mais saisis dans leur dimension<br />
existentielle profonde, ils témoignent, aux yeux du croyant<br />
sensible, de la présence du Divin dans l’histoire des hommes<br />
et dans la marche de l’univers.<br />
Franklin Rausky<br />
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